Partie IX - Synthèse   Chapitre LVII - Calendrier   Les ratés du Saint Esprit   

Joachim de Flore fut un des héritiers les plus éminents de l'école mystique d'Hugues de Saint-Victor, abbé de l'Abbaye de Saint-Victor. Le plus impressionnant dans son enseignement était ses prophéties au sujet du troisième âge. Depuis l'époque de saint Augustin, on appliquait la conception des trois âges à l'évaluation temporelle de l'Univers. Pour ce dernier, ces trois époques sont respectivement appelés "Avant la Loi" (d'Adam à Moïse), "Sous la Loi" (de Moïse au Christ) et "Sous la Grâce" (du Christ au Jugement Dernier). La liste des triplicités découvertes dans l'Ecritures, dans l'univers et dans le monde spirituel, est infinie, ainsi qu'en témoigne les écrits d'Hugues de saint-Victor. Saint Bernard fit valoir une autre conception des trois âges, en associant les deux premiers âges et en repoussant le troisième au Jugement dernier. Il rebaptisa les trois âges "Sous Adam", "Dans le Christ" et "Avec le Christ" en se référant à Osée, VI, 2 : "En deux jours, il nous rendra la vie et le troisième, il nous relèvera"[1].

L'influence du Filioque sur les trois âges de Joachim de Flore

La conception ternaire de l'histoire s'est fixée chez Joachim autour des années 1186-1187. Elle réclamait une révision profonde de la lecture de l'histoire présentée auparavant, dans la Genealogia et surtout dans la Concordia Novi et Veteris Testamenti. Pour compliquer les choses, il faut aussi compter avec la volonté de l'abbé d'introduire cette nouvelle vision ternaire sans du tout abandonner la vision binaire précédente. Cette contradiction apparente, pour Joachim, pouvait trouver une solution en vertu du mystère trinitaire. Dans l'Apocalypse, le Seigneur dit de lui-même : je suis l'alpha et l'oméga. Le mystère de l'alpha signifierait le Père envoie le Fils et l'Esprit qui sont représentés par les bases des deux pattes d'un alpha majuscule. Le mystère de l'oméga signifierait, en revanche, que l'Esprit procède du Père et du Fils, représentés par les deux sommets d'un oméga minuscule dont l'Esprit serait la base ; il est la virgula qui vient du Père et du Fils. Dans une telle macro-structure, comme nous le voyons, la vision de la Trinité demeure binaire. (Gian Luca Potestà, Joachim de Flore dans la recherche actuelle).

Joachim de Flore, dans son Psalterium decem cordarum, avait déjà utilisé le petit oméga pour mettre en meilleure lumière les courbes convergentes figurant la mission finale de l'Esprit qui procède du Père et du Fils, et seule assure leur totale unité. (Christian Godin, La totalité).

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Entre Casamari et Veroli, Joachim écrivit un traité de théologie trinitaire, qui constitua ensuite le premier livre du Psalterium decem cordarum. Joachim représentait le mystère de la Trinité par la figure géométrique de l'instrument musical du roi David, sous la forme d'un trapèze dont le côté le plus court est très étroit. Le Père, principium principans, se tient au sommet, tandis que les extrémités de la base représentent le Fils et l'Esprit. Un cercle placé à l'intérieur (qui correspond à la caisse harmonique du tétracorde) représente, à son tour, l'unité, qui ne peut pas être une substance hors de ses trois personnes.

Le Filioque est exprimé par la vision oméga de Joachim de Flore. Cette vision binaire peut être combinée à la vision alpha dans la mesure où les générations de l'Ancien testament, parallèles à celles du Nouveau, les précèdent aussi temporellement. Dans la Genealogia de 1176, l'histoire est conçue comme un arbre double : un figuier, représentant l'Ancien Testament, est greffé sur une vigne, représentant le Nouveau Testament. Le figuier pousse durant quarante-deux générations, d'Abraham à Azarias. La vigne greffée se prolonge, à son tour, en se superposant au figuier le long de vingt et une générations qui correspondent au segment de l'histoire qui court d'Azarias à Jésus Christ. Ensuite, elle monte seule durant quarante-deux autres générations, de la première venue du Christ jusqu'à son retour à la fin des temps. La structure est rigoureusement binaire ; la correspondance entre les quarante-deux premières générations charnelles et les quarante-deux dernières générations spirituelles est parfaitement bi-univoque, tandis que le trait d'union de vingt et une générations les maintient ensemble (Gian Luca Potestà, Joachim de Flore dans la recherche actuelle).

Si un âge de l'Esprit couronne l'Ancien Testament, il en est aussi un qui marque la fin de l'histoire après l'âge de l'Eglise. La double procession du Filioque créé cette succession ordinale entre le Père et l'Esprit ainsi que le Fils et l'Esprit. Celle entre le Père et le Fils est exprimé par la génération de l'un par l'autre. On en arrive à cette suite Père, Fils et Esprit qui correspond aux trois âges de Joachim de Flore. Ainsi, de même qu'Israël profita d'une période de paix à l'époque de Zorobabel, il y aura également un temps futur de paix pour le peuple chrétien. La lecture de l'histoire joachimite aboutit à une conception sabbatique, où les attentes chrétiennes sont judaïsées, mais aussi transformées à la lumière de l'Esprit.

" Présence " de l'Esprit Saint dans les cercles templiers ou les ratés de l'âge de l'Esprit

L'orde des Templiers est impliqué dans cet âge joachimien de l'Esprit dans la mesure où c'est un des ordres monastiques de l'époque qui devaient être le fer de lance de ce troisème âge. Il illustre ces ratés par l'attaque menée par Philippe le Bel à son encontre et sa dissolution par Clément V (29 mai 1308).

Etretat - 9 juillet (Point particulier : Etretat)

Saint Ephrem d'Edesse fêté ce jour (Calendrier du petit nonagone, Calendrier et Etoile du petit nonagone) était surnommé "la lyre du Saint Esprit". Il écrivait au IVème siècle au sujet du Christ :

Dans les entrailles qui te portèrent sont le Feu et l'Esprit,

Le Feu et l'Esprit sont dans la rivière où tu fus baptisé,

Le Feu et l'Espruit sont dans ton baptème également,

Et le Pain et la Coupe sont le Feu et l'Esprit.

La ravine de Pentecôte met encore la cité en rapport avec l'Esprit Saint. Etretat fut habité aussi par les esprits comme en témoigne la légende des Demoiselles. Le château du Tilleul appartenait autrefois au sire de Fréfossé dont les désirs n'épargnaient aucune jeune fille ou jeune femme. En ce temps là, vivaient trois sœurs aussi chastes que belles, que le seigneur fit un jour enlever et conduire à son château. Mais les sœurs ne cédèrent point et pour se venger de leur résistance, le seigneur les fit enfermer, nues, dans une cellule aménagée au sommet de la falaise d'aval. Au bout de trois jours et trois nuits, elles moururent mais on dit aussi qu'il les avait fait précipiter du haut de la falaise dans trois tonneaux dans lesquels étaient enfoncés de longs clous. Depuis, aussi longtemps que vécut le sire de Fréfossé, la "Chambres des Demoiselles" fut hantée par les fantômes des trois sœurs que ne quittaient leur tragique demeure que pour persécuter leur bourreau, lequel finit par succomber à son tour. A quelque temps de là, on vit leurs âmes s'envoler du haut de la falaise vers le ciel.

Lussan - 18 décembre (Point particulier : Lussan)

Théodulfe (mort un 18 décembre) semble avoir copié lui-même les extraits cités de la pensée des Pères de l'Eglise dans le De processione Spiritus Sancti. Il n'hésitait pas à apporter au texte des corrections orthographiques et grammaticales, ainsi que des variantes. Pour composer son florilège, Théodulfe chercha des matériaux dans les bibliothèques de deux abbayes proches de son siège épiscopal, Fleury et Saint-Mesmin de Micy, mais il n'hésita pas à s'adresser à d'autres établissements religieux ; il devait avoir également des liens avec les Wisigoths de Lyon. Théodulfe d'Orléans s'est donc activement préoccupé de préparer le travail des Pères du concile d'Aix et joua sans doute un rôle important dans l'introduction du Filioque dans le Credo (Christian Ménage, Le De processione Spiritus Sancti de Théodulfe d'Orléans).

Si Théodulfe passa probablement à proximité du cercle gardois lorsqu'il fut envoyé en mission par Charlemagne dans le sud de la France et à Rhedae (Rennes-le-Château), plus localement, la ville d'Uzès en son sein accueillit la princesse Dhuoda, femme de Bernard de Septimanie, qui écrivit un manuel d'éducation pour son fils Guillaume qui lui avait été enlevé par son mari. L'amour, la crainte et la Trinité sont les trois vertus qui dominent l'ouvrage de Dhuoda. Quinze étapes symbolisées par les sept dons de l'Esprit et les huit béatitudes seront nécessaires à Guillaume pour parvenir à la perfection.

Le Saint Esprit est encore présent dans la région. La construction du pont de Saint-Saturnin du Port (futur Pont-Saint-Esprit), de par sa taille mais aussi en raison de son caractère presque sacré du Rhône, fut vécue par les contemporains comme une entreprise herculéenne qui ne put être réalisé, dit-on, qu'avec l'aide de Dieu. Des légendes naquirent de ce chantier et formèrent un écheveau de versions qui toutes, portent la marque du Saint-Esprit. Une version, la plus répandue, retrace la construction de l'édifice : douze ouvriers travaillaient à l'ouvrage ; ils étaient accompagnés d'un mystérieux compagnon (similitude entre le Christ et les Apôtres) qui œuvrait sans relâche pendant les heures de repos, accomplissant des tâches surhumaines et qui disparaissait subitement au moment de la paye. Cet ouvrier était en fait l'envoyé ou même l'Esprit-Saint en personne. A la fin du chantier, un vol d'anges emporta d'un seul coup d'aile les pierres restantes et les envoya se ficher en terre à quelques distances de là : ce sont les menhirs de Saint-Alexandre et de Lussan (Dominique Viallet).

L'événement majeur de la région est quand même la guerre des camisards caractérisé par le prophétisme de ces jeunes qui bravaient la répression royale (Point particulier : Lussan).

" L'inspiration prophétique est sans cesse lié au Saint-Esprit, à une libération prochaine où sera terrassé l'Antéchrist. Inspirations qui, pour ces illettrés, ces purs, se rattachent souvent aux réminiscences de l'Ancien Testament, et se répandent quelquefois sous forme de complainte. […] Prophètes et prophétesses, persuadés qu'ils étaient protégés par le Saint- Esprit et le saints anges de la foi, en vinrent à ne plus craindre les agents et les troupes lancés à leur poursuite. Dans le " Désert ", se fanatisent de plus en plus les assemblées, ce qu'aurait accepté Vivent mais réprouvé Brousson. Vagues prophétiques grandissant à mesure que se multiplient les persécutions et que ne peuvent arrêter les conservateurs d'une inspiration sacramentelle spécifiquement religieuse et dont la violence naissante n'échappe point aux autorités civiles et religieuses. Si la Révocation de l'édit de Nantes fut la cause profonde de la guerre des Camisards, on peut dire que le prophétisme qui, peu à peu, devint guerrier, en fut le levain et la cause déterminante "[2].

A la fin de la période des prédicants (1699-1702), il n'y a plus de prédicants en Cévennes et Bas-Languedoc. Apparaît alors le prophétisme. Au cours de centaines d'assemblées improvisées, la plupart du temps en plein jour, au vu et su de tout le monde, des jeunes gens et des jeunes filles " fanatisent " et appellent leurs auditeurs à la repentance. Les prisons regorgent vite de ces " inspirés ".

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En mars 1701, dirigés par le "prophète" Daniel Raoul de Vagnas, laboureur de son état qui sera roué à Nîmes le 9/9/1701 après avoir été surpris au bois de Tornac (Saint-Jean-du-Gard), des protestants de Vallérargues renversèrent le tabernacle de l'autel. M. Lamoignon de Basville jugea les coupables à Uzès. En mai des incidents avaient eu lieu au cabaret de Vallérargues et le Prieur était intervenu pour dissiper les rassemblements. Sur ce, lors de la visite du prieur de Lussan, celui-ci, accompagné d'un lieutenant de juge, tombe sur un jeune berger à genoux qui l'apostrophe. Certain de tenir un de ces fanatiques, ils s'en emparent et le font prisonnier dans la maison du Prieur de Vallérargues, le sieur André Cousin. Pour le faire traduire à la cour de justice d'Uzès, il faut un papier officiel et les prieurs se rendent chez le notaire Bouton qui habite à côté, près du Four, pour obtenir ce document. Là, ils tombent sur le fils du notaire, Jacques Bouton, qui les traite d'idolâtres. En même temps, avertie des évènements la population se déchaîne, saccage l'église et le presbytère, libère le berger et met en fuite les prieurs qui n'ont de cesse d'alerter la milice de St Quentin. Elle rétablit l'ordre et s'empare de trois individus, Jacques Bouton, Jacques Olympe, Jérôme Serre. Le procès se conclut par la mise à mort sur la roue pour le premier, par pendaison pour le second et les galères pour le troisième. Le supplice se déroule sur la place aux Herbes d'Uzès selon un cérémonial rapporté en détail par un témoin. Pour payer les frais du procès, la récolte des condamnés est ensuite vendue aux enchères sur le marché d'Uzès. Ce qui voulait être un exemple, sera aussi un détonateur de la guerre des camisards, dont le principal refuge sera le Mont Bouquet. Pour empêcher leur ravitaillement, la population de Vallérargues sera déplacée à Lussan pendant l'année 1703. Dans une de ses incursions, Cavalier et sa troupe viendront brûler l'église (Histoire et visite de Vallérargues).

Le prophétisme, mouvement original dans le protestantisme, a pour origine en France le Dauphiné en 1688. Une jeune bergère, Isabeau Vincent, originaire de Saou, près de Crest (Drôme), parle en dormant, d'abord en patois, puis en français. Des foules accourent pour l'écouter. Rapidement elle est arrêtée, mise en prison à Crest puis enfermée dans un couvent. Mais le mouvement des " petits prophètes " se poursuit, et se répand en Vivarais en 1689. À l'appel des inspirés se multiplient les assemblées sans précaution. Une impitoyable répression les balaie. Les prophètes sont dans leur grande majorité des jeunes gens, filles et garçons. Ce sont des gens du peuple, la plupart illettrés et ne parlant que patois. D'où l'étonnement de les entendre prophétiser en français même si celui-ci est un peu approximatif. On peut l'expliquer par une fréquentation assidue du texte biblique en français et une excellente mémoire orale. Que disent ces prophètes : " Repentez-vous, n'allez plus à la messe, renoncez à l'idolâtrie ". Repentez-vous de l'abjuration massive de 1685 ; Ne continuez pas à faire semblant d'être catholiques, car la " ruine de Babylone " (la fin de l'Église catholique) est proche. Cette prophétie est nourrie d'un texte de Pierre Jurieu, publié en 1686, " l'accomplissement des prophéties " qui annonce la délivrance des fidèles dans un délai de trois ans. Les prophètes gémissent, sanglotent, frémissent, tremblent de tous leurs membres, tombent à la renverse et restent au sol comme inanimés pendant quelques minutes. Ce comportement attire une réprobation presque générale, sauf Jurieu qui fera connaître la Cévenne à travers toute l'Europe depuis la Hollande. Interprétant un songe " de grands bœufs noirs qui mangent les choux du jardin ", comme un appel à chasser les ecclésiastiques romains persécuteurs, le prophète Abraham Mazel déclenche, avec le meurtre de l'abbé du Chayla, la guerre des camisards. C'est une guerre " sainte " où les prophètes jouent un rôle important : en fonction des inspirations qu'ils reçoivent, les insurgés attaquent ou se replient, exécutent leurs adversaires ou leur font grâce.

Au synode des Montèzes en 1715, Antoine Court réorganise les Églises réformées dans la clandestinité et en rétablit la discipline, en réprouvant le prophétisme (www.museeprotestant.org).

C'est à Lausanne puis à Londres que le discours des prophètes camisards devient millénariste : il annonce la venue du Christ pour un règne de 1000 ans. Il rejoint ainsi le discours des puritains anglais. Aves quelques compagnons camisards, Elie Marion, exilé à Londres après négociations avec les autorités militaires, se met à prophétiser et attire une foule de curieux. Il devient le leader du mouvement des " enfants de Dieu " qu'on appelle aussi les " French prophets ".

Maximilien Misson publie en 1707 les " inspirations " des prophètes sous le nom de Théâtre sacré des Cévennes, aussitôt traduit en anglais. En même temps, Marion publie ses Avertissements prophétiques, condamnés par un juge comme séditieux. Ces livres rencontrent un grand succès qui est contrecarré par une guerre de libelles. L'Église française de Londres condamne les prophètes. On annonce même une résurrection qui n'a pas lieu et qui provoque l'éclatement du groupe. Marion essaye de le ressouder en le dotant d'une organisation et d'une hiérarchie. Les " French prophets " entreprennent des missions à l'extérieur de Londres. Les adeptes anglais vont sillonner l'Angleterre, l'Irlande et l'Écosse. Marion et quelques compagnons vont porter le " message de l'Esprit " à travers l'Europe.

Sommet au large de la Rochelle - 19 avril

Léon IX, fêté ce jour, poursuivit une politique tendant à la suprématie de Rome sur les autres Eglises chrétiennes. C'est la cause essentielle du schisme. Les patriarches de Constantinople avaient d’ailleurs la même ambition et critiquaient les « innovations romaines » comme l’usage du pain azyme, la discipline du jeûne, le baptême réduit par les Latins à une simple immersion (3 pour les Grecs), le célibat ecclésiastique, ou l’insertion du mot filioque dans le Credo. Le pape Léon IX se heurte à Michel Cérulaire, patriarche de Constantinople. Le 16 juillet 1054, le cardinal Humbert, à la tête d’une légation papale, dépose la bulle d’excommunication de Michel Cérulaire sur l’autel de la cathédrale Sainte-Sophie. En fait, les légats ne savent pas lorsqu'il excommunient le patriarche que leur mandat n'est plus valable du fait de la mort du pape survenue le 19 avril 1054. Le 24 juillet 1054, le Synode permanent byzantin réplique en jetant l’anathème sur les légats pontificaux. Ces anathèmes réciproques n’ont été levés que le 7 décembre 1965 par le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras Ier. La rupture devient définitive lors du sac de Constantinople par les croisés lors de la 4ème croisade en 1204 (Pénélope Caspard-Karydis, Histoire de l’Orthodoxie).

Muret - 28 janvier (Point particulier : Muret).

Les cathares font la distinction entre une " bonne création " invisible, spirituelle et éternelle, et une " mauvaise ", vouée à la destruction ; " mais aussi dévaluation du rôle rédempteur de la Passion du Christ, prééminence absolue accordée au Saint-Esprit, dont l'infusion par l'imposition des mains permettra à l'âme, émanation divine, de se libérer de sa diabolique prison charnelle ; mépris du baptême d'eau, refus de l'Eucharistie, négation de l'Enfer et du Jugement dernier, certitude qu'à la fin des temps toutes les âmes seront sauvées […] Des Balkans à l'Angleterre, de la Catalogne à la Champagne et à la Flandre, de l'Italie du nord à la Rhénanie, le bogomilisme d'Europe orientale et le catharisme d'Occident furent les deux rameaux de " l'Église des Amis de Dieu " dont la vocation d'universalité se heurta à la réaction de défense du catholicisme romain. C'est pour se donner des armes tour à tour spirituelles, militaires et judiciaires, que celui-ci institua l'ordre des Frères Prêcheurs ou Dominicains, lança la " Croisade contre les Albigeois " (1209-1229), puis fonda en 1234 l'Inquisition […] Enfin, la croisade albigeoise eut pour conséquence l'annexion par la Couronne de France de toutes les terres qui constitueront plus tard le Languedoc, et l'éviction de la Maison d'Aragon-Catalogne de l'espace géopolitique nord-pyrénéen, en un temps où, de l'Adour aux Alpes, les principautés occitanes regardaient plus volontiers vers Barcelone que vers Paris.

Ploufragan - 29 mai, les Filles du bord de mer du Saint Esprit

René-Jean de la Ville-Angevin appartenait à la noblesse bretonne. Le 13 octobre 1703, l'évêque de Saint-Brieuc lui avait délivré sa lettre de tonsure. Ordonné prêtre, le 16 février 1712, il prêcha des missions dans les diocèses de Saint-Brieuc, de Vannes et de Saint-Malo. En mai 1714, il devint recteur de Plérin, en remplacement de son oncle, Allenou de la Garde, qui exerçait cette charge depuis près de vingt ans. Il trouva, vivant ensemble dans une même maison, Marie Balavenne, Renée Burel et Charlotte Corbel qui tenaient une petite école paroissiale, veillaient à la tenue régulière des assemblées d'un Tiers-ordre franciscain établi à Plérin depuis près d'un siècle. De ce noyau, il fit sortir une congrégation qu'il voua au Saint-Esprit et à l'Immaculée Conception. Au port du Légué, dans la baie de Saint-Brieuc, le 8 décembre 1706, Marie Balavenne et Renée Burel, s'étaient engagées à vivre ensemble pour se mettre au service des pauvres, des malades et des enfants, encouragées par M.Jean Leuduger, prêtre diocésain, Docteur en Théologie, Directeur des Missions en Haute Bretagne.

Elles honorent les trois personnes de la Trinité et se consacrent d'une manière particulière au Saint-Esprit pour être remplies de charité. Elles ont une dévotion particulière à la Vierge Marie qu'elles considèrent comme "leur patronne et leur avocate auprès du Saint-Esprit". Leurs deux fêtes principales sont la Pentecôte et l'Immaculée Conception.

René-Jean de la Ville-Angevin fut l'un des premiers écoliers de Poullart des Places sur lequel l'influence de Lallemant s'est exercée ainsi que sur Grignion de Montfort lui-même par l'intermédiaire des manuels de l'Aa. Le rédacteur des manuels de l'Aa s'était inspiré de l'enseignement P. Louis Lallemant : "La Sainte Vierge est l'unique en chacune de ses alliances avec les trois personnes de la sainte Trinité : 1 Elle est l'unique en sa qualité de Mère du Fils, puisqu'elle est véritablement et proprement sa Mère, et qu'il ne peut y avoir qu'une seule Mère de Dieu. 2. Elle est l'unique en qualité de fille du Père, puisque son adoption est tout à fait singulière, et qu'elle seule entre les enfants de Dieu a été aussitôt adoptée que conçue. 3. Elle est l'unique en qualité d'épouse du Saint- Esprit, puisqu'elle seule a contracté avec lui, au nom de toute la nature humaine, un sacré mariage, pour être Mère d'un Homme-Dieu, sans cesser d'être Vierge" Pratique des vertus chrétiennes, le manuel secret de l'Aa, présente ainsi les rapports de la Vierge Marie avec les personnes de la Trinité : "Le Père la regarde comme sa tille bien aimée, l'honore comme sa mère, le Saint-Esprit l'aime comme son épouse ". Dans le Secret de Marie, l'une des œuvres les plus connues de Grignion de Montfort, une prière à la Vierge commence ainsi : "Je vous salue, Marie, Fille bien-aimée du Père Éternel ; je vous salue, Marie, Mère admirable du Fils ; je vous salue, Marie, Épouse très fidèle du Saint-Esprit" (Joseph Michel, L'influence de l'Aa, Association secrète de piété sur Claude François Poullart des Places).

Homblières - 18 août (Point particulier : Homblières)

L'aventure du Familistère de Jean-Baptiste Godin à Guise dans le cercle d'Homblières révèle par son nom l'influence du modèle des anciens monastères célébrant un esprit communautaire habitant son fondateur qui, en 1842, avait lu un compte-rendu de la doctrine de Charles Fourier (1772-1837) dans un journal local, le " Guetteur de Saint-Quentin ". L'anticlérical Godin est déiste. Il partage avec les socialistes utopistes une croyance en un Dieu transcendant et l'adhésion à une religion laïque qui se confond avec le socialisme.

Jean-Baptiste André Godin transfère en 1846 à Guise la fonderie de poêles en fonte qu'il avait créée en 1840 dans sa maison natale d'Esquéhéries. La production s'étend bientôt à de nombreux appareils et ustensiles de fonte émaillée, aussi l'usine ne cesse de s'étendre vers l'est au cours de la seconde moitié du XIXème siècle en multipliant les halles parallèles. Les bâtiments sont reconstruits entre 1922 et 1924 après les dégâts de la première guerre mondiale, et neuf cheminées se dressent alors dont subsiste la plus septentrionale. L'ensemble du site est rachetée en 1970 par la société Le Creuset, et l'esprit du fondateur se perdra. Inspiré du Phalanstère de Fourier, le Familistère avait été conçu par Godin, probablement avec les plans de l'architecte fouriériste Calland, pour offrir à ses employés et à leur famille de meilleures conditions de vie. Proche des réalisations paternalistes des grandes dynasties industrielles de la seconde moitié du XIXème siècle, le Familistère Godin s'en distingue par la qualité architecturale et urbanistique de sa conception et les idées sociales novatrices qu'il véhicule, précurseur par là de certains ensembles audacieux de l'Entre-deux-guerres et les cités radieuses de Le Corbusier. (Le Familistère, Patrimoine de France : Guise)

Sion par Houécourt - 28 septembre (Point particulier : Houécourt)

Trois prêtres lorrains, les frères Baillard, entreprirent, au milieu du XIXème siècle, de relever de leurs ruines plusieurs couvents et s'efforcent de les faire revivre, en particulier le célèbre pèlerinage de Sion, situé sur la colline si chère aux Lorrains. Ils y fondent l'Institut des frères de Notre-Dame de Sion-Vaudémont. Mais l'évêque de Nancy, inquiet des expédients financiers qu'ils emploient, intervient pour éviter un scandale latent. Il interdit les quêtes, principales ressources de l'institut. La ruine survient. Les frères Baillard sont priés de faire retraite chez les Chartreux. Pendant son séjour à Bosserville, Léopold eut plusieurs entretiens avec le Père vicaire qui, dans les chartreuses, est chargé de s'occuper des retraitants. Il se nommait le Père Magloire. Il avait lu les ouvrages d'Antoine Madrolle, publiciste célèbre, qui, depuis 1847, était devenu le disciple de Vintras et avait écrit des ouvrages en faveur de l'œuvre de la Miséricorde. Il fit à Léopold l'éloge de leur auteur qu'il appelait le Jérémie de la France. Il lui parla de Michel Vintras, laïque de Tilly- sur-Seulles en Normandie, un homme extraordinaire qui passait pour être un grand prophète. Léopold, qui ne connaissait ni Madrolle ni Vintras, fut frappé de ce que lui apprenait le Père Magloire et il résolut de se mettre en rapports avec eux. Vintras se disait inspiré de Dieu pour préparer l'avènement prochain d'une nouvelle société chrétienne, renouveler l'Église corrompue et sa hiérarchie, enfin établir sur terre le règne du Saint-Esprit. Proche des milieux naundorfistes, Vintras (1807-1875), né à Bayeux, est à l'origine de l'Œuvre de la Miséricorde, à la suite de l'apparition, à Tilly-sur-Seulle, où il gérait une cartonnerie, puis à Paris, d'un mystérieux vieillard en qui il vit la figure de saint Joseph. Dès lors, Vintras s'emploiera à annoncer le règne du Saint-Esprit et s'activera à la régénération de l'Eglise catholique romaine. Il a des extases, des visions et fait communier ses adeptes avec des hosties ensanglantées. Chaque membre y prend le nom d'un ange, Vintras prenant celui de Sthratanael. L'apparition d'hosties sanglantes à partir de 1841, à Tilly-sur-Seulle, vient conforter l'œuvre, tandis que l'Eglise catholique s'inquiète de voir des membres de son clergé rejoindre les rangs de la secte. Inculpé d'escroquerie, Vintras passera six ans en prison, avant d'être libéré, en 1848, puis exilé à Londres de 1852 à 1862. Il y publie l'Evangile éternel. De retour en France, il institue à Lyon le Carmel d'Elie car il est convaincu d'être la réincarnation du prophète Elie. Dorénavant pontife d'amour et réincarnation du prophète Élie, Vintras, se voue à ses disciples, groupés en "carmels éliaques". Il mourra à Lyon, en 1875. L'abbé Boullan échouera à succéder à Vintras. Joris-Karl Huysmans, qui le rejoint à Lyon en juillet 1891 avec sa servante-médium vintrasienne Madame Thibault, l'immortalisera en 1891 dans Là-Bas en Docteur Johannès. Boullan, se présentant comme réincarnation de saint Jean-Baptiste, avait créé avec Adèle Chevalier, une nonne du Couvent de La Salette (Fallavaux), en 1859 la Société pour la Réparation des Âmes, et recommandait des " rapports fluidiques " avec des entités célestes pour racheter le péché d'Adam. Boullan s'attira les foudres des Rose-Croix menés par Stanislas de Guaïta qui le condamna " à mort par magie ". Lassé par les pratriques occultes du prêtre, Huysmans quitta Boullan, qui mourra en 1893, et Lyon. A son tour, en 1913, Maurice Barrès s'intéressera à la secte dans La Colline inspirée.

Le jeune martiniste lyonnais Joanny Bricaud (1881-1934) a hérité de la lignée éliaque (il publiera en 1927 L'Abbé Boullan, sa vie, sa doctrine et ses pratiques magiques, Huysmans et le Satanisme et Huysmans occultiste et magicien). Sans quitter son poste de commis aux écritures au Crédit Lyonnais (où l'on retrouvera Arlette Laguiller) à Lyon, cet ancien séminariste devint Président de la Société occultiste internationale, Grand Maître de l'Ordre Martiniste, Docteur de la Rose-Croix Kabbalistique et Gnostique, Grand Hiérophante pour la France du Rite de Memphis Misraïm, Patriarche de l'Eglise Gnostique Universelle et évêque catholique anglican. Il se fit proclamer Souverain Pontife de l'EGU sous le nom de Jean II. (http://sergecaillet.blogspot.com).

De retour à Sion, dont il était resté curé, Léopold écrivit à Madrolle, qui l'engagea à aller voir Michel Vintras. Léopold se rendit à Tilly-sur-Seulles. Léopold demeura longtemps seul à Tilly. François et Quirin, attirés par Léopold, se rendirent à leur tour à Tilly. Ils écoutèrent les sermons de Vintras, furent témoins de ses extases et de ses prestiges, suivirent les exercices de sa chapelle. Quand ils revinrent au milieu du mois d'août 1850, Léopold était sacré pontife et apôtre de l'Œuvre de la Miséricorde. Ce fut le 8 septembre 1850, fête de la Nativité de la sainte Vierge et jour de pèlerinage, que Léopold prêcha à la messe, dans la chaire de Sion, les idées de Vintras. L'évêché de Nancy, qui avait été surpris de la longue absence de Léopold, et renseigné sur sa propagande parmi le clergé et les fidèles, fut bientôt instruit de ce qui venait de se passer. Une suspense provisoire leur était appliquée. Comme ils affirmaient leur adhésion complète à la doctrine de Vintras ils furent frappés d'interdit. Ils répandaient à Saxon des Révélations, des Visions et des Miracles. Beaucoup de personnes de Saxon et des paroisses environnantes venaient assister à leurs cérémonies et écouter leurs discours. Ils se crurent favorisés de miracles dans leur chapelle : des hosties blanches sur lesquelles étaient formés en couleur rose foncé des cœurs d'où sortaient des flammes, des palmes, puis un A (amour à Jésus), ou AM (aimer Marie), venaient se placer sur l'autel pendant les prières.

Hostie pentaculaire de Vintras - Michèle Brocard, Lumières sur la sorcellerie et le satanisme

On délégua tour à tour à Sion deux jeunes oblats de la maison de Nancy, les Pères Soullier et Conrard. Ils avaient la consigne de combattre la doctrine de Vintras au dehors par leur influence personnelle, dans des démarches individuelles et des conversations où ils devaient remettre les choses au point. La lutte dura du 12 novembre 1850 au 27 juin 1851. De nombreux habitants de Saxon, le maire Munier en tête, et trois des conseillers de la fabrique étaient favorables aux Baillard. Ils exerçaient un puissant ascendant sur leurs anciens paroissiens ; ils continuaient à visiter les malades, à donner de bons conseils et ils affectaient une grande modération. Cependant la nouvelle secte ne faisait plus de prosélytes, et elle ne conservait que ses quarante adeptes. Le Père Conrard lut au prône l'interdit lancé par Mgr Menjaud contre les Baillard. La lecture du bref laudatif de Pie IX produisit sur tous une profonde impression; quelques schismatiques en furent effrayés. Les Baillard étaient de plus en plus déconsidérés. Le bon ordre fut rétabli à Saxon, et la mission des oblats était remplie. Les Baillard continuèrent dans leur chapelle le culte vintrasien devant un nombre assez restreint d'adeptes. Les Baillard ne tardèrent pas à être aux prises avec de nouvelles difficultés pécuniaires. M. Madrolle avait vu la situation précaire des Baillard, et il avait offert à l'un d'eux une de ses maisons de campagne dans la Côte-d'Or. Quirin accepta plus tard cette offre. Il fut employé dans les imprimeries de Dijon pendant quelques mois, enfin durant huit années il s'occupa d'assurances contre l'incendie et la grêle. Après onze ans de séjour en Bourgogne, il revint à Sion. Le 17 mars 1852, le préfet du Calvados prit une mesure énergique contre la secte de Vintras; il fit arrêter à Tilly les derniers adhérents, au nombre desquels se trouvaient trois prêtres interdits et deux dames d'un nom honorable. Après le départ de Quirin, Léopold et François furent expulsés de Sion par exploit d'huissier, et se réfugièrent à Saxon dans la maison de Mlle Sellier qui leur était dévouée. Pour faire cesser les réunions qu'ils tenaient, l'évêque de Nancy demanda l'intervention de la magistrature. Elle n'autorisa pas officiellement l'interdiction des réunions clandestines des Baillard. Le nouveau maire de Sion, Janot, nommé à cet effet, se chargea de disperser la secte, qui ne comptait plus qu'une quinzaine d'adeptes, filles ou femmes. Il était sûr d'être approuvé par l'autorité civile. Ce fut le jour de la Pentecôte, 30 mai 1852, grande fête du Saint-Esprit pour les enfants du Carmel. Léopold célébrait clandestinement la messe, à dix heures du matin, dans la grange de Pierre Mayeur. Le maire, accompagné du garde champêtre, pénétra dans la grange pendant le sermon. Pris dans une rixe, François fut condamné à deux mois de détention. Léopold fut invité à se présenter à Nancy devant le procureur de la République. Il prit rapidement le chemin de Londres, pour rejoindre Vintras. On fit néanmoins son procès. Il fut condamné par contumace à un an de détention, parce qu'en prêchant à Sion l'Œuvre de la Miséricorde, il avait offensé la morale et la religion catholique. Le 2 juin 1852, Mgr Menjaud interdit aux trois frères Baillard le port du costume ecclésiastique. Quand François eut purgé sa peine, il revint à Saxon, chez Marie-Anne Sellier. Après cinq années de séjour à Londres, Léopold crut que sa peine était prescrite, et il quitta la Grande-Bretagne pour rentrer en France (1857). Il répondait à l'invitation d'un vicomte qui connaissait l'Œuvre de la Miséricorde et désirait entretenir dans son château un des abbés Baillard. Il fut bien reçu dans cette maison hospitalière. Le curé du lieu fut averti que Léopold exposait les doctrines de Vintras au château. La police prévint le vicomte qu'il ait à faire évader Léopold s'il ne voulait pas être inquiété. Arrivé à Château-Gontier, Léopold fut appréhendé par les gendarmes. Il en appela au tribunal d'Angers, qui confirma le premier jugement. Sa peine accomplie, il revint à Sion en 1858 et il y habita, avec François, toujours chez Marie-Anne Sellier. Ils s'occupèrent à leur tour d'assurances contre la grêle et l'incendie jusqu'à leur mort. Ils n'oubliaient pas toutefois l'Œuvre de la Miséricorde, dont ils pratiquaient les exercices dans leur maison. Léopold était en relations continues avec Vintras. Cependant Quirin arriva à Saxon avec Sœur Marthe. Moins d'un mois après son arrivée, le 4 juin, François mourut après une courte maladie à l'âge de 65 ans. Léopold était absent et Quirin assista le mourant. François fut inhumé au cimetière de Sion, et ses frères lui firent élever un petit monument funèbre. Quirin alla, avec sœur Marthe, s'établir à Nancy, où il se trouvait encore, le 12 juillet 1868, date à laquelle il terminait la rédaction de son Histoire des trois frères. La guerre de 1870 survint. Léopold l'avait attendue et annoncée comme l'Année noire. Elle paraissait être la confirmation et le triomphe de ses sombres pronostics. Pour tenter le retour de Léopold, Mgr Foulon fit part à Léopold de la conversion de son frère Quirin. Dans une lettre en réponse à ses avances, Léopold regrettait la " faiblesse " de son frère, mais il ne pouvait discuter les raisons qu'il ne connaissait pas. Pour lui, il demeurait fidèle à ses convictions, établies sur les miracles dont il avait été témoin, et il était sûr que les prophéties de Vintras s'accompliraient. Il rectifiait l'exposé que Mgr Turinaz lui avait fait de la doctrine de Vintras et il se déclarait catholique. Finalement, Léopold se rétracte et le 23 mai 1883, dix jours après, il mourut. Par ordre de Mgr Turinaz, les obsèques de Léopold furent catholiques, mais sans les cérémonies traditionnelles usitées aux funérailles des prêtres (Eugène Mangenot, La Colline inspirée - Un peu d'histoire à propos d'un roman).

Saint Esprit et Jérusalem

Depuis au moins les Actes des Apôtres, Jérusalem est lié à l'Esprit Saint : " Après qu'il eut souffert, il leur apparut vivant, et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu. Comme il se trouvait avec eux, il leur recommanda de ne pas s'éloigner de Jérusalem, mais d'attendre ce que le Père avait promis, ce que je vous ai annoncé, leur dit-il; car Jean a baptisé d'eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint Esprit. Le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d'un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d'eux. Et ils furent tous remplis du Saint Esprit, et se mirent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer ". L'Apocalypse de Jean confirme : " Et l'Esprit et l'Epouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Viens. Et que celui qui a soif vienne ; que celui qui veut prenne de l'eau de la vie, gratuitement. " (Ap 22, 17), l'Epouse étant la ville sainte, la Jérusalem céleste.

La Jérusalem céleste correspond à cet âge de l'Evangile et du Fils, et non à celui de l'Esprit, comme l'indique la scène entre Jésus et la Samaritaine au puits de Jacob. " La femme lui dit : " Seigneur, je vois que tu es un prophète... Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites : C'est à Jérusalem qu'est le lieu où il faut adorer. " Jésus lui dit : " Crois-moi, femme, l'heure vient où ce n'est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient - et c'est maintenant - où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c'est en esprit et en vérité qu'ils doivent adorer. "

Jérusalem est partout et finalement nulle part.

Partout dans les cercles templiers, colline de Jérusalem dans le cercle de Lussan, lieu-dit Jérusalem à Muret, Mont Sion et Montagne de Sion dans le cercle du Sarnieu (Groisy) - c'est dans ce cercle que Pierre Plantard déclara sont fameux Prieuré de Sion en 1956 -, Colline de Sion à Houécourt, lieue de Jérusalem dans la Basilique de Saint-Quentin (cercle d'Homblières).

A Mimizan (Point particulier : Mimizan), d'après l'interprétation de J. Lacoste, on aurait une évocation symbolique de la Jérusalem nouvelle dans les représentations du portail de l'église Sainte-Marie. Cette ville est à la fois cité céleste et cité messianique et par conséquent est une image de l'Eglise. Deux arbres apparaissent dans l'adoration des Mages du tympan. J. Lacoste voit dans ces arbres une référence à l'arbre de vie de la Jérusalem Nouvelle. Ils sont alors une source de nourriture et de guérison : " Au milieu de la place, de part et d'autre du fleuve, il y a des arbres de Vie qui fructifient douze fois, une fois chaque mois, et leurs feuilles peuvent guérir les paiens. " (Apocalypse 22,1-2). Les vierges folles et les vierges sages de la voussure intérieure encadrent le palais de l'Epoux. L'aile gauche qui est orientée vers les vierges sages est ajourée et possède une riche décoration (colonne cannelée, colonne torsadée, coupole). Cette partie dégage donc un aspect merveilleux qui invite les " élus " à pénétrer dans la Jérusalem Céleste.

De la transhumance du siège spirituel, Dante s'en fait le témoin.

Dante est lui-même un pèlerin malmené par la mélancolie d'amour (Purg. VIII, 1) et rencontre au purgatoire d'autres pèlerins. Puis, s'avançant vers le Paradis, tel un pèlerin qui veut rentrer chez lui, il fixe enfin le soleil qui darde ses rayons et achève sa pérégrination dans le ciel où s'embrassent la lumière et l'amour, dans le foyer central de l'esprit divin où son âme est enclose, pour admirer la Jérusalem Céleste, la Nouvelle Rome Jubilaire, dont il est devenu le citoyen éternel, "de cette Rome où le Christ est romain" (Purg. XXXII, 102), tel que cela lui sera annoncé au Purgatoire (Franco Giacone, Le cinquiesme livre).

Présence de l'Antéchrist

Les hérésies donnant la prééminence au saint Esprit semblent vivre dans la nostalgie des siècles précédent l'an mille, tournant où l'attente de la Parousie fut particulièrement déçue, ce qui entraîna, en Occident, une hiérarchisation plus stricte de l'Eglise. " C'est en effet entre le IXème et le XIIIème siècle que est effectué le passage une conception mystérique de Eglise considérée jusque-là avant tout comme peuple de Dieu en marche vers la Jérusalem céleste sous la conduite de l'Esprit-Saint à une notion beaucoup plus restrictive celle d'un corps dont le pape est la tête en tant que vicaire du Christ et dont sont membres ceux qui se soumettent à l'autorité du sacerdoce hiérarchique. L'auteur à juste titre insiste sur le tournant décisif que constituent les XIème et XIIème siècles dans histoire de l'ecclésiologie. L'affirmation de la primauté de juridiction et de la souveraineté du pape sur l'Eglise entraîne la rupture avec l'Orient. Le schisme et la réforme grégorienne favorisent le triomphe de conceptions qui s'étaient déjà fait jour dans les milieux romains au Vème et au IXème siècles mais qui n'avaient pu jusque-là s'imposer à l'ensemble de la chrétienté : définition juridique de l'Eglise, affirmation de la papauté comme pouvoir, centralisation romaine. Dès lors que ce tournant est pris les Structures de catholicité verticale ne feront que gagner en rigidité. " (André Vauchez, Yves Congar - L'Eglise de saint Augustin à l'époque moderne).

La prégnance de la croyance en la Parousie s'accompagne de celle en l'Antéchrist. Pour guetter les signes de la seconde venue du Christ, il n'est pas impossible que certains s'inventent des Antéchrists sans cesse, l'un chassant l'autre, comme ce fut le cas de Jean de Roquetaillade (né à Marcolès). Le plan apocalyptique qui se dessine à travers l'œuvre de Jean de Roquetaillade place le roi de France à la tête de tous les rois de la chrétienté, faisant de lui le roi des derniers jours. Une autre idée dans le système de pensée de Jean de Roquetaillade (idée, d'ailleurs, qui est beaucoup plus importante que le rôle du roi de France aux derniers jours ...) est sa conception tripartite de l'histoire. Cette idée est en partie empruntée à Joachim de Flore, ce qui a pu induire en erreur bon nombre de lecteurs mal renseignés, au point où l'on attribuait assez facilement des écrits de Jean de Roquetaillade à l'abbé Joachim. (Tobin Matthew. Une collection de textes prophétiques du XVe siècle : le manuscrit 520 de la Bibliothèque de Tours).

La révision du schème historique faisant passer du binaire au ternaire ou binaire modifié imposait à Joachim une révision semblable à propos de sa conception de l'Antéchrist. Selon la Tradition, l'Antéchrist était attendu à la fin des temps. Joachim devait alors répondre à la question suivante : l'Antéchrist serait-il venu à la fin du deuxième état, c'est-à-dire bientôt, ou bien à la fin du troisième état, qui correspondrait à la véritable fin de l'histoire ? Sans aucun doute, vers la fin des années 1180, Joachim pensait que l'Antéchrist était déjà né et qu'il se manifesterait prochainement. Il pensait, à proprement parler, aux ennemis de l'Église dans les derniers jours : le premier avait déjà surgi en Orient, autour de Jérusalem ; le deuxième devait rapidement surgir en Occident. Voici un autre élément original introduit par Joachim. Selon la tradition, l'Antéchrist aurait dû se manifester d'abord à Jérusalem, près des ruines du temple de Salomon, ou alors dans le temple bâti à nouveau. Et, à dire vrai, il s'agit là d'une opinion partagée par Joachim lui-même, au début de sa carrière. Mais bientôt, il élabore une conviction nouvelle : l'Antéchrist est déjà né en Occident et il va se manifester bientôt. Le " Temple " dont parle la Bible ne peut être interprété que métaphoriquement car il signifie le sommet de la hiérarchie de l'Église romaine ! Joachim mettait à jour une légende ou, pour mieux dire, une rhétorique qui, après la chute de Jérusalem en 1187, risquait d'être dépourvue de son ubi consistam. En déplaçant la scène en Occident, Joachim rendait disponible cette rhétorique pour de nouvelles applications : la polémique contre les hérétiques, cathares et vaudois. L'abbé sollicitait l'Église, de façon pressante, afin qu'elle s'engage dans ces nouvelles batailles (Gian Luca Potestà, Joachim de Flore dans la recherche actuelle).

9 vs 7

Saint Paul donne dans ses épîtres plusieurs séries de dons du Saint Esprit. En particulier une série de 9 dans 1 Corinthiens 12, 8-11, abondamment commentés par les Pentecôtistes.

1 Corinthiens 12, 8-11 : En effet, à l'un est donnée par l'Esprit une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit; à un autre, la foi, par le même Esprit ; à un autre, le don des guérisons, par le même Esprit ; à un autre, le don d'opérer des miracles; à un autre, la prophétie ; à un autre, le discernement des esprits ; à un autre, la diversité des langues ; à un autre, l'interprétation des langues. Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme il veut.

Ils ne figurent pas en tant que tels dans les dons tels qu'exprimés dans le catéchisme catholique qui en distingue 7 issus d'Esaïe auxquels est rajoutée la piété, mais sont reconnus dans les mouvements catholiques du Renouveau charismatique.

De même, chez Paul, dans Galates 5, 22, neuf fruits sont énumérés :

Galates 5, 22 : Mais le fruit de l'Esprit, c'est l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance.

 


[1] Vincent F. Hopper, « La symbolique médiévale des nombres », Montfort

[2] Maurice Pezet, « L'épopée des Camisards », Seghers