Partie I - Généralités   Chapitre II - Points particuliers   Mimizan   

Mimizan, Mare medium, entre Bordeaux et Bayonne. Dans le gascon du pays, on dit Mâmizan (abbé Darriau, ancien curé de Mimizan). Mimizan existait déjà à l'époque gallo-romaine et s'appelait alors Segosa. Les vestiges de ce lointain passé ont malheureusement été engloutis par l'avancée inexorable du cordon dunaire.

Depuis l'antiquité, une voie de communication reliait Soulac et Bayonne, le long de la dune littorale atlantique. Ce chemin serait la branche occidentale de la voie romaine de l'itinéraire d'Antonin, une partie du double chemin de Bordeaux à Dax qui permettait de relier les stations maritimes du golfe de Gascogne, de surveiller la côte, d'alimenter et de protéger les flottes. L'itinéraire d'Antonin fournit quelques précieuses indications sur les étapes de cette voie : Segosa (Mimizan), Mosconium (Mixe).

Si le nom de Galactorius ou Galatorius, évêque de Lescar qui est venu mourir à Mimizan, sent bon le lait, il ne serait en fait qu'un Calatorius, nom romain, tiré de Calator. Dans les collèges sacerdotaux, chaque membre a comme calator un de ses affranchis (Article Libertus, Libertinus - Daremberg et Saglio (1877)).

Le calator était un crieur public ; particulièrement celui qui était attaché au service des prêtres (Suet. Gramm. 12), et dont la fonction était de précéder le grand-prêtre quand il allait sacrifier, et d'arrêter toute espèce de travail qui, à ce qu'on croyait, aurait souillé les cérémonies d'un jour de fête consacré aux dieux (Serv. ad Virg. Georg. I, 268). Originellement, il était un héraut qui avait pour mission de précéder le roi (Daremberg et Saglio (1877)).

Un graffitte étrusque des environs de 630 provenant de Caere (kalaturus cpapenas cenecuhedie = petite coupe de Calator Fabenna) désigne un membre d'un clan pourvu du suffixe gentilice - na et d'un surnom tiré de son titre romain de calator. Nous sommes donc là en présence d'un romain de haut rang installé à Cerveteri où il avait été intégré au milieu gentilice local et qui a peut-être repris pied à Rome (Ménager Léon-Robert, Les collèges sacerdotaux, les tribus et la formation primordiale de Rome).

L'inscription gravée sur la base d'une statue trouvée à Resina en 1743, nous apprend qu'elle a été érigée à Marcus Calatorius, fils de Marcus Quartio, par les citoyens et les habitans, à leurs frais. Quand le public décernait une statue, c'était lui qui en faisait les frais par une contribution qui était ordinairement d'un as par tête. Souvent celui qui recevait cet honneur faisait remise de la dépense; ce qui s'exprimait par cette formule assez fréquente dans les inscriptions: Honore contentus impensam remisit. Notre personnage a au-dessous de l'œil une verrue, défaut qui, selon un passage d'Horace (I. Sat. V, 60.) paraîtrait avoir été commun dans la Campanie; il est revêtu de la toge et porte un anneau avec le signe du lituus, qui se rapporte, ainsi que nous l'avons dit, à quelque dignité sacerdotale. La main gauche est pliée comme si elle tenait un volume, attribut qui désigne souvent un orateur, un homme de lettres ou un magistrat. L'inscription ne fait mention d'aucune dignité; et nous devons avertir que le bras, ayant été trouvé séparément parmi plusieurs autres débris de statues, pourrait fort bien, quoiqu'il s'adapte avec justesse à la proportion colossale du corps, ne pas lui appartenir, et qu'on ne peut tirer aucune induction en faveur de la figure, ni de l'anneau, ni du volume supposé: la tête même est rapportée, elle était détachée; mais il n'y a point de doute qu'elle n'appartienne au buste. La tête d'Auguste était de rapport comme celle-ci, et, quoique adhérente à la statue, elle s'en détacha par la dissolution de la soudure, lorsqu'elle eut été exposée au soleil. On changeait souvent les têtes des statues. Nous en avons un exemple fameux dans le colosse de Néron, auquel l'empereur Commode fit enlever la tête pour y substituer la sienne. De-là vint, parmi les artistes, l'usage de faire les statues de manière que l'on pût facilement enlever les têtes et les remplacer par de nouvelles. La connaissance de ce fait doit engager à apporter une grande attention dans l'examen des monumens antiques, et peut servir à expliquer l'opposition ou le peu d'accord qui se rencontre quelquefois entre les attributs et la figure (S.-Ch. Chaudé, Antiquités d'Herculanum).

D'après la tradition, Romulus, fondant Rome selon le rite étrusque, se servit du lituus pour partager les régions. Les Romains prétendaient même conserver dans la curie des Saliens Palatins ce même lituus qui, miraculeusement, avait été préservé dans l'incendie de Rome par les Gaulois (Dictionnaire Daremberg).

Le Zodiaque

La création de la sauveté de Mimizan remonte probablement au début du XIème siècle. Ce privilège aurait permis au prieuré de Mimizan de s'accroître durant le XIème siècle, au point de devenir l'un des principaux édifices religieux de la région, si l'on en croit la mappemonde de l'Apocalypse du Moine Béatus de Liebana. Les différentes études menées sur l'architecture et l'art de l'église Sainte-Marie de Mimizan s'accordent pour les dater de la fin du XIIème siècle au début du XIIIème siècle. Le thème général qui orne la dernière voussure représente le cycle du zodiaque et les travaux des mois. Ce découpage astronomique et agraire a permis à l'Eglise de faire comprendre aux paysans les actions de Dieu sur les Hommes. Ainsi, depuis la création du monde, le temps est jalonné par ces cycles naturels. Le sculpteur a introduit deux autres thèmes qui ornent les claveaux des extrémités de l'archivolte. Celui de gauche représente une scène de lutte entre un chevalier et un lion tandis que celui de droite montre un homme et son mulet. Ce premier claveau est orné par deux scènes. La première représente un chevalier à pied qui combat en corps à corps contre un lion. L'équipement du guerrier comporte cotte de maille, heaume conique à nasal, haubert, éperons, épée, et bouclier. Est-ce Galactorius qui prit les armes et combattit contre les Wisigoths à Mimizan ? Le cycle du zodiaque commence à gauche de l'archivolte et se termine à droite. Or si l'on suit cette lecture, on s'aperçoit que certains signes zodiacaux ne correspondent pas aux mois et à leur travaux. Certaines des inversions observées se retrouvent en Espagne. Il est donc possible que le sculpteur aitintroduit des modèles hispaniques dans un programme français (musee.mimizan.com/).

Mois

Signes théoriques

Signes observés

Noms latin

Janvier

Verseau

Verseau

Aquarius

Février

Poissons

Poissons

Pisces

Mars

Bélier

Taureau

Iuvencus

Avril

Taureau

Balance

Iugum

Mai

Gémeaux

Lion

Leo

Juin

Cancer

Cancer

Cancer

Juillet

Lion

Salamandre

Escorpius

Août

Vierge

Vierge

Virgo

Septembre

Balance

Bélier

Aries

Octobre

Scorpion

Sagittaire

Sagittarius

Novembre

Sagittaire

Gémeaux

Gemini

Décembre

Capricorne

Capricorne

Capricornus

La salamandre à la place du scorpion s'explique par la langue gasconne :

Escrèpi : salamandre d'eau ou scorpion

Escrepin petite salamandre d'eau (Dictionnaire gascon-français de l'abbé Vincent Foix).

Fenioux est un petit village de Charente-maritime, non loin de Saint-Jean d'Angély, et qui est célèbre pour son église romane et sa lanterne des morts. La façade de l'église datée des années 1150-1160, antérieure à Mimizan, se compose d'un seul portique. La porte est couronnée de cinq voussures en plein cintre, richement sculptées. la première voussure, la plus externe, porte le zodiaque. La seconde voussure est celle des vierges sages et des vierges folles. Le signe du scorpion a disparu. Il reste quelques vestiges des pattes visibles sous les lettres "O R" de ESCORPIUS. La scène de la vie quotidienne n'est pas tellement en meilleur état. On a pu y reconnaitre toutefois un berger gardant un troupeau de porcs dans la saison des glands ! (un des porcs pouvant effectivement s'imaginer sous les lettres "S A G" du signe suivant (SAGITTARIUS).

Le trône de Dieu dans l'Apocalypse de saint Jean est entouré de quatre entités. Le premier animal ressemble à un lion, le second à un jeune taureau, le troisième a comme la face d'un homme, et le quatrième ressemble à un aigle qui vole.

La présence d'un enfant dans la scène du Taureau indiquerait qu'il s'agit d'une jeune taureau conforme à l'Apocalypse. En effet, pour J.Lacoste "Une pensée beaucoup plus forte existe, qui ... regroupe [les scènes du portail de Mimizan] et qui les convertit en supports tangibles d'une démonstration. " Pour cet auteur, cette clé se trouverait dans le dernier chapitre de l'Apocalypse de Jean traitant de la Jérusalem Future.

Le chien et le lièvre en remplacement des Gémeaux s'expliquent probablement astronomiquement : la constellation du petit chien se trouve près de celle des Gémeau. Celle du lièvre en dessous après Orion.

Dans l'ordre donné par la voussure les initiales I I L E A S G. Replacées dans l'ordre normal : A I G L I E S

AIGLIES - Aysun

Suleymân ben Yak' Kelbi est un chef Yéménite. Fidèle à l'ancien gouverneur Yusuf al-Fihri, il considère l'émir Abd al-Rahman comme un usurpateur. Mais les troupes Yéménites sont battues par les Qaysies (Arabes du nord, faction dominante) à la bataille de Bembezar, dont Suleyman échappe de justesse. Plus tard, en 777, on retrouve Suleyman gouverneur de Barcelone et Tarragone. Cette année-là, il dirige l'expédition arabe qui va rejoindre Charlemagne en Saxe. Le pacte de Paderborn s'est fait à son initiative. Charlemagne, appelé en Espagne par certains chefs arabes révoltés contre l'émir de Cordoue dont Suleymân, gouverneur de Saragosse, et cédant à l'illusion de pouvoir arracher à l'Islam une partie au moins de la péninsule, franchit les Pyrénées, prend Barcelone et Huesca.

Selon Ibn al-Atir, en 157 (778), Suleymân ben Yak' Kelbi fit entrer Charles, roi des Francs, dans les régions musulmanes d'Espagne. Il se joignit au chrétien pendant que celui-ci était en marche, et ils se dirigèrent ensemble sur Saragosse. Mais ils furent devancés par El-H'oseyn ben Yah'ya Ançâri (al-Husayn) l'un des descendants de Sa'd ben 'Obâda qui se fortifia dans cette ville. Charles, roi des Francs, soupçonnant une trahison de Suleymân, le fit arrêter et l'emmena avec lui dans son royaume. Mais, lorsque, sorti du pays musulman, il se croyait en sécurité, il fut attaqué par Mat'roûh' et 'Aychoûn (ou Aysun) tous deux fils de Suleymân qui délivrèrent leur père et l'emmenèrent à Saragosse, où ils firent cause commune avec al-Husayn contre 'Abd er-Rah'mân. Charlemagne subit une seconde attaque au col de Roncevaux où son arrière-garde commandée par Hruotland (Roland), comte de la marche de Bretagne, est anéantie le 15 août par les Vascons qui auraient ainsi " vengé Pampelune " saccagée par les Francs (peut-être par Roland qui aurait agi à l'insu de Charles). Finalement, en 811, les Arabes seront battus et une marche d'Espagne sera créée entre l'Ebre et les Pyrénées.

Selon Ibn al- Athîr, al-Husayn refusa de rendre Saragosse à l'émir omeyyade Abd al-Rahmân Ier. Ce dernier répliqua en 164 /780- 781 en envoyant vers Saragosse une armée commandée par le général Tha'laba ibn Ubayd mais celui-ci fut capturé par Sulaymân qui selon al-Udhrî, l'envoya ensuite prisonnier au roi Charles. L'émir Abd al-Rahmân Ier promit ensuite à al-Husayn de lui confier le gouvernement de la région s'il éliminait Sulaymân. Al-Husayn accepta et fit assassiner Sulaymân dans la grande mosquée de Saragosse, contraignant 'Aychoûn, fils de Sulaymân à s'enfuir pour se réfugier à Narbonne.

Comme al-Husayn tardait à se ranger du côté de l'émir, ce dernier vint assiéger Saragosse en 781. Al-Husayn demanda la paix et livra son fils Sa'îd comme otage, mais ce dernier s'échappa et partit se réfugier dans le Pallars. Le général Tha'laba fut libéré et, à la suite d'une nouvelle intervention de l'émir, al-Husayn fut exécuté.

Guillem (mort en 827), connu aussi comme Guillemundus, était comte du Razès et du Conflent, fils de Berà. Il reçut ces terres en délégation de son père avant sa mort 820 et les garda après. En 826, il se joint à la révolte d'Aisso contre Bernard de Septimanie lorsqu'il fut nommé comte de Barcelone. Seul le château de Roda de Ter, dans le comté d'Ausona, résista aux révoltés qui le détruisirent. De nombreux Goths se joignirent à Aisso et à Guillem. Le comte Bernard appela à l'aide l'Empereur et reçut le soutien d' " Hispani " (anciens Wisigoths). Aisso se tourna vers la seule force à même de rivaliser avec les Francs, l'émir de Cordoue et envoya en députation son frère à Abd ar-Rahman II qui délégua son général Ubayd Allah (ou Abu Marwan), qui arrive à Saragosse en mai 827. Ses forces entrent dans le comté de Barcelone dont ils ne réussissent pas à prendre la capitale et se tournent vers Gérone qu'ils attaquent le 10 Octobre 827. Quand Louis Ier le Pieux charge son fils Pépin Ier d'Aquitaine, et les comtes Hugues de Tours et Matfred d'Orléans de recruter une armée, cela se fait si lentement qu'Abu Merwan était retourné dans le sud avec les rebelles dont Guillem. On ne sait ce qu'est devenu Aisso, soit il fut fait prisonnier à Gérone, soit il se réfugia à Cordoue (membres.lycos.fr/andalus/personnages/sulayman.htm, Rebel-without-a-pension-the-mystery-of-aiz/).

Vers le milieu du IXème siècle, dans les premières années du règne de Charles le Chauve, vivait à Uzès [dans le cercle templier gardois centré sur Lussan] une princesse exilée dans cette ville par son mari. C'était Dhuoda, femme de Bernard, comte de Barcelone, duc de Septimanie, un ambitieux, turbulent et présomptueux qui se plaisait alors à intriguer auprès des fils de Louis le Débonnaire en rivalité pour la possession de l'Empire. Il était fils du fameux Guillaume, duc de Toulouse, mort en odeur de sainteté, moine de l'abbaye de Gellone près d'Aniane, après avoir rudement bataillé au service de Charlemagne contre les Sarrasins. Le duc Bernard avait épousé Dhuoda, d'origine aristocratique, à Aix-la-Chapelle le 29 juin 824. Elle appartenait à une famille noble de Septimanie, originaire, autant que les conjectures les plus autorisés permettent de l'avancer, de la région de Nîmes. Deux ans après son mariage, le 26 Novembre 826, un fils, Guillaume, lui était né. En 829, Louis le Débonnaire en lutte avec ses fils révoltés : Lothaire, Pépin et Louis, avait fait appel au dévouement de Bernard de Septimanie promu à la dignité de chambellan. Mais Bernard, autoritaire, cupide et de moeurs dissolues eut tôt fait de soulever contre lui les grands seigneurs de la Cour, pour la plupart anciens conseillers de Charlemagne, indignés de ses exactions et de son, intimité suspecte avec l'impératrice Judith de Bavière, seconde femme de Louis le Débonnaire. La révolte qu'il ne réussit pas à dominer avait contraint Bernard à résigner ses fonctions et à regagner son duché de Septimanie. Louis le Débonnaire avait été déposé et Judith enfermée au monastère de Sainte Radegonde à Poitiers. Peu d'années après, en 833 Bernard avait cru tenir sa revanche. Lothaire incapable gouverner l'Empire avait dû rendre le trône à son père. Bernard et Judith revenus à la Cour, se justifièrent par le serment, mais l'ex-chambellan, s'il s'était réconcilié avec l'Empereur Louis, n'en était pas pour cela rentré dans son ancienne dignité. Retourné en Septimanie le coeur plein d'amertume et d'un dépit haineux, s'il s'était rapproché de Pépin et avait fomenté avec lui un complot dont l'échec lui valut la perte de son gouvernement de Septimanie et de la Marche d'Espagne. En 840 après la mort de Louis le Débonnaire, Bernard, à qui Lothaire avait rendu son duché, s'était néanmoins abstenu de prendre parti dans la lutte des trois frères disputant l'Empire. Resté à l'écart, attendant que la fortune des armes se fut prononcée, il avait louvoyé entre les faction ennemis tâchant de se ménager les bonnes grâces de chacun des trois rivaux, Charles le Chauve, Louis le Germanique et Lothaire. Pour être plus libre dans ses intrigues, il avait éloigné de lui Dhuoda son épouse sur le point d'être mère pour la seconde fois, lui prescrivant de se rendre à Uzès, la plus petite des capitales de Septimanie, et d'y demeurer à l'avenir sous la surveillance de l'évêque Elefant. Tristement résignée, l'infortunée princesse depuis longtemps fiée sur les sentiments d'un mari si peu fidèle pour qui néanmoins, elle avait une affection pleine de déférence, avait quitté Narbonne et pris la route d' Uzès. Ce fut dans cette ville qu'elle accoucha d'un fils le 22 Mars 841. Heureuse de cette seconde maternité elle dépêcha vers Bernard alors en Aquitaine avec son fils aîné Guillaume, un courrier porteur d'un message affectueux. En réponse, Bernard, brutalement, ordonna qu'on lui amenât l'enfant sans attendre qu'il fut baptisé, lui seul voulant présider au choix de son nom. Il chargea l'évêque Elefant, sa créature, de le lui conduire. Le prêlat s'acquit de sa tâche et la triste Dhuoda resta seule à Uzès, loin des siens. Le 25 juin 841, eut lieu la sanglante bataille de Fontanet près d'Auxerre, dont l'issue favorable à Charles décida du partage de l'Empire. Bernard de Septimanie sortit alors de sa réserve prudente. Il s'empressa de rendre hommage au vainqueur et prêta serment de fidélité au roi Charles le Chauve. Dhuoda vivait à Uzès des jours endeuillés. Épouse elle pleurait sur le sort cruel que lui infligeait un mari déloyal et infidèle. Mère, son coeur saignait à se voir privée de ses enfants qu'elle aimait si tendrement. Puisqu'elle ne pouvait les entourer de ses soins affectueux, elle voulut du moins leur consacrer, surtout à l'aîné, le meilleur de ses pensées. Pour vaincre la tristesse de son exil et ne pas laisser inemployée toute cette tendresse maternelle dont son coeur débordait, elle entreprit de rédiger un traité d'éducation destiné à son fils aîné, Guillaume, le jeune seigneur de quinze ans dont elle était si fière et qui se trouvait avec son père à Cour du roi Charles. Ce Manuel, Dhuoda le dicta à un clerc nommé Wislabert, probablement son aumônier. Elle le commença, d'après la souscription qui se trouve à la dernière page, le 30 Novembre 841. Elle l'acheva le 2 Février (Marcel Fabre, 1930).

Quant à Bernard, son deuxième fils, il aura une plus longue et brillante carrière et sera le père de Guillaume le Pieux, le fondateur de l'abbaye de Cluny en 910. Il sera l'artisan d'une réforme religieuse qui essaimera dans tout l'Occident.

Ahmad ben 'Umar ben Anas Al-'Udhri (1003-1085) fut à la fois un juriste réputé et l'auteur d'un ouvrage (seulement en partie conservé) consacré à l'histoire et à la géographie d'Al-Andalus (Pierre Guichard, L'Espagne et la Sicile musulmanes aux XIe et XIIe siècles).

Il identifie 'Aychoûn avec Aisso, le rebelle contre Bernard de Septimanie associé avec Guillem, fils de Sulayman qui aura été le détonateur de faits qui ont marqué la littérature française et l'imaginaire universel. 'Aychoûn aurait été un peu âgé pour se lancer dans une rebellion, puisque jeune adulte en 778, il aurait eu quelques 66 ans en 826. Mais il aurait pu n'être qu'un chef nominal. Ainsi on peut faire correspondre Suleymân avec Marsilion de la chanson d'Aye d'Avignon, de même que ces fils 'Aychoûn et Mat'roûh' avec Aiglie (ou Ayglie) et Margoras dont les deux permières initiales sont semblables.

La geste de Nanteuil "doit vraisemblablement sa dénomination à la renommée de la dynastie des comtes de Nanteuil-le-Haudoin, puissants seigneurs de l'Ile-de-France vers la fin du XIIème siècle, mais rien d'autre semble-t-il. Dans aucun poème de la geste, il n'est donné une description géographique qui corresponde à la situation de Nanteuil-le-Haudoin."

- Doon de Nanteuil

- Aye d'Avignon

- Gui de Nanteuil

- Parise la Duchesse

- Tristan de Nanteuil

Aye d'Avignon, daté de la fin du XIIème ou du début du XIIIème siècle, contemporaine de Sainte-Marie de Mimizan, raconte les aventures de Aye, fille du duc d'Avignon et nièce de Charlemagne, mariée au duc Garnier de Nanteuil. Elle est enlevée par Bérenger, fils de Ganelon et emmenée aux Baléares où l'émir Ganor s'éprend d'elle. Garnier, sans se faire reconnaître, offre ses services militaires à Ganor dans sa guerre contre Marsile, il tue Bérenger et enlève Aye qu'il conduit de nouveau en Avignon où elle lui donne un fils, Gui de Nanteuil. Ganor enlève le jeune Gui qu'il élève en son palais, comme un fils. Garnier meurt victime des traîtrises de ses ennemis ; Ganor et Gui viennent le venger, Gui récupère son héritage, le duché d'Avignon, Ganor se convertit et épouse Aye (Aye d'Avignon).

Margoras et Aiglie, li fil Marcillion, Par Espengne la grant en firent lor sermon...

La bataille est finée quant Ayglie fu mors ;

Aiglie était seigneur selon le texte de Piue et Toleite (Tolède), Tudele (Tudela) et Aumarie (Alméria).

Comme Marsilies est le cas sujet de Marsilie que l'on retrouve dans la Chanson de Roland, Aiglies est le cas sujet d'Aiglie.

La " Règle de l's " est commune à la langue d'oïl et à la langue d'oc. " Elle n'a pas toujours été suivie avec une rigueur absolue, et commence à disparaitre au XIVe siècle " (http://fr.wikisource.org).

14

Les 14 claveaux composés du zodiaque et des deux autres - le chevalier combattant un lion et l'homme à la mule - l'encadrant renvoient à ce nombre 14 qui a son importance dans la mythologie shî'ite duodécimaine. L'enseignement ascétique de Priscillien a laissé une empreinte profonde dans le nord de l'Espagne et le sud de la Gaule. Le priscillianisme tardif comprenait un enseignement astrologique où les étoiles et le Zodiaque déterminent la destinée de l'âme. A chaque partie du corps correspondait un signe : " Aries caput est ante omnia princeps sortitus, censusque sui pulcherrima colla Taurus, et in Geminos aequali bracchia sorte scribuntur conexa umeris, pectusque locatum sub Cancro est, laterum regnum scapulaeque Leonis ; Virginis in propriam descendunt ilia sortem; Libra regit clunes, et Scorpios inguine gaudet; Centauro femina accedunt, Capricornus utrisque imperitat genibus, crurum fudentis Aquai arbitrium est, Piscesque pedura sibi iura reposcunt. "

Deux citations de l'Evangile de Thomas sont retrouvées chez deux auteurs arabes, al-Muhâsibî, du IXème siècle, l'autre étant l'alchimiste Yabir ibn Hayyam (Jabir, Geber). La connaissance, par le gnostique espagnol Priscillien, de ce même évangile apocryphe permet d'envisager des similitudes structurelles, historiquement explicables, entre un certain christianisme espagnol, du Xème au XIIIème siècle, et le shî'isme duodécimain.

Parmi les Douze, l'un disparut dans la Nuit, le Douzième, et que ce Douzième est en dernière analyse le Christ lui-même qui vit en chaque fidèle. C'est de cette même curieuse manière que disparut, chez les chî'ites duodécimains le Douzième Imâm, celui qui n'est pas mort, mais continue de vivre au cœur de chaque croyant, en l'inspirant directement de la Vie de l'Esprit (sans passer par le Magistère), jusqu'à la Parousie finale, où il reviendra et où toutes choses seront dévoilées. La similitude est frappante, car le Christ aussi reviendra à la fin des temps... Et la répudiation du Magistère est bien la même [...] Le douzième Imâm, disparut et continue à vivre d'une Vie invisible au cœur des croyants, car l'Islam ajoute aux Douze, Fâtima et le Prophète lui-même : les Quatorze constituent l'épiphanie du Dieu Suprême, et forment, chacun d'eux et tous ensemble, la Manifestation de l'Esprit. Le " nombre " du jumeau devient alors quatorze, au rang d'apparition du douzième Imâm. Est-ce alors un hasard si, justement, la tige de l'arbre-tulipe [du Beatus de Gérone] présente douze nœuds, et que le douzième nœud coupé à moitié est celui où devrait s'épanouir la quatorzième tulipe ?

http://en.wikipedia.org/wiki/Muhammad_al-Mahdi

C'est ce nombre Quatorze que nous allons retrouver au tympan des églises de Tudèle, en Navarre.

Les villes où fleurirent, sans doute, le plus commodément les doctrines shî'ites doivent se situer dans le nord de l'Espagne, sur l'Ebre, dans ces royaumes toujours en quête du maximum d'indépendance à l'égard du califat, et donc prêts à accueillir tout ce qui, idéologiquement, soutiendra leur hostilité à Cordoue, et, parfois même, allant jusqu'à embrasser la religion chrétienne. Tudèle semble bien avoir été un de ces centres.[1]

Aiglie, révélé par le zodiaque de Mimizan qui est à rapprocher de modèles espagnols, était seigneur, selon la chanson de geste Aye d'Avignon, de Tudèle.

En face de l'église de la Madeleine, s'élève, à Tudèle, l'église Saint-Nicolas. Elle porte une frise de treize fleurs, six à droite, et sept à gauche de la colombe du saint-Esprit, qui a donc rang de quatorzième. Le culte de saint Nicolas de Bari, à Tudèle, sur les bords de l'Ebre, à cette époque, est dû sans doute à l'influence des Normands de Sicile, en relation avec leurs corréligionnaires de Tudèle (ou d'Angleterre); à Tudèle, en effet, conquise en 1119 par Rotrou du Perche, régnait en 1135 la reine normande Marguerite, nièce du comte Rotrou, et fille de Gilbert de l'Aigle. Ainsi se mêlent les vagues des différentes cultures musulmanes sur cette terre du nord de l'Espagne. Or avec le début du XIIIe siècle, de l'Italie à la France et à l'Angleterre en passant par la Champagne, centre de la nouvelle hérésie, se répand la doctrine inspirée par les écrits d'un moine de Calabre, Joachim de Fiore, mort en 1202. Certains franciscains annonçaient alors que les temps étaient venus, et que le règne de l'Esprit-Saint allait succéder aux âges précédents du Père et du Fils. Au Père, l'Ancien Testament, au Fils, le Nouveau Testament, à l'Esprit, le règne des viri spituali ; chanté par Dante comme " di spirito profetico dotato " dans son Paradis (XII, 141), Joachim de Fiore avait eu des successeurs dont le messianisme spirituel ne pouvait qu'inquiéter les autorités ecclésiastiques, qui en 1254, à Anagni, condamnèrent le joachimisme. Un de ces disciples exaltés fut " frater Geradus " auteur probable de " l'Introduction à l'Évangile Éternel " ou " Évangile de l'Esprit Saint "; une des régions où se diffusa le plus la doctrine fut la Champagne. Mais les écrits des joachimites se rencontraient aussi bien au sud de la France et en Angleterre où Adam de Marsh, ami de Roger Bacon, les transmettait à Robert Grossetête, évêque de Lincoln. Il serait curieux que le christianisme ésotérique ibérique n'ait pas fini par rencontrer le joachimisme et sa doctrine des trois âges, le troisième étant celui des " amis " de Dieu, des " hommes spirituels " " ceux qui possèdent en eux-mêmes son Esprit " (au Christ), et qui sont " comme des dieux ", "et ne relèvent du jugement de personne"... La présence à Tudèle d'un roi champenois n'a pu que favoriser le phénomène. Et c'est bien ce qui s'est produit, comme en témoigne, si nous ne nous trompons pas, le tympan de l'église de saint- Nicolas. Il est en effet bien tentant de lire dans les sculptures du tympan de Saint-Nicolas la doctrine joachimite. Ne nous annoncent-elles pas que les temps de l'Esprit sont venus ? L'Esprit qui est le Quatorzième, celui qui vit au cœur des croyants, des " hommes spirituels ", mais dont la Parousie est proche ? Tous les livres sont fermés, entre les serres de l'aigle, sous les griffes des animaux symboliques et dans les mains de l'évêque Saint-Nicolas, celui qui, ne l'oublions pas, apparut à l'empereur Constantin ; clos l'âge du Père, achevé l'âge du Fils ; c'est l'âge maintenant de l'Esprit, le Quatorzième, qui vit de sa vie cachée au cœur des hommes spirituels; celui de l'Évangile Éternel, toujours ouvert dans les mains de l'Ange.

En 1162, Hassan (appelé Hassan II pour le distinguer de Hassan i Sabbah) devint le chef d'Alamut. Deux ans plus tard, le 17ème jour de Ramadan (8 août) 1164, il proclama la Qiyamat, ou Grande Résurrection ; les lois formulées par les religions révélées sont désormais caduques, disait le Maître d'Alamût, et incapables d'assurer le salut. Seul Dieu peut maintenant appeler au secret de son âme celui qu'il a choisi. Dans le milieu tudélan traditionnellement proche des ismaéliens et des chî'ites musulmans, rien d'étonnant que le joachimisme venu d'Italie, puis de Champagne, puisse trouver une terre particulièrement accueillante, renouant ainsi, et pour la dernière fois en Espagne, avec un christianisme qui privilégie la mystique personnelle où l'Esprit souffle ses mystères " à ceux qui en sont dignes ", plutôt que les grands mouvements missionnaires qui désormais, sous l'influence clunisienne, vont définitivement l'emporter dans cette Espagne de la Reconquête et, bientôt, de l'Inquisition (Paulette Duval, Christianisme ésotérique et Islam dans l'Espagne du Moyen Age).

Le jeu de mot entre Sîmorgh la huppe et Sî-morgh (trente oiseaux) achève le poème Attâr Farîd al-Dîn Muhammad b. Ibrâhîm, poète mystique persan qui semble avoir vécu au XIIème siècle, le Mantiq al Tayr, le Langage des Oiseaux, qui doit son nom au chapitre 27, verset 16 du Coran dans lequel Salomon vante ses connaissances sur " le langage des oiseaux ". Les trente oiseaux, à la recherche de la huppe mystique s'aperçoivent qu'elle est eux-mêmes, leur propre reflet. Chez les shî'ites, en effet, la huppe est le symbole de l'Imâm. Les shî'ites, sont des Musulmans ésotéristes. Mohammed, le Prophète, ayant été le dernier des prophètes à apporter aux hommes la révélation d'un livre, ceux-ci n'ont plus pour les guider vers Dieu et vers le sens réel - caché du livre, que des "Amis de Dieu" dont la tâche est de dévoiler les vérités cachées sous la lettre du Livre, ou du grand livre qu'est le monde lui-même, la Création étant le Visage divin, voilé ou déformé par le Mal et l'ignorance. Les "Amis de Dieu" peuvent donc être des savants, des croyants, de simples fidèles, ou des chevaliers. Les "Amis de Dieu" ont pris la succession des premiers Imâms au nombre de douze, qui furent les descendants du Prophète par sa fille Fâtima, le premier de tous étant son gendre Ali. Le douzième est "occulté", c'est-à-dire qu'il reste toujours présent au "coeur" des Fidèles qu'il inspire directement sans passer par un magistère humain. A la fin des temps, il reviendra, l'épée mystérieuse à la main : ce sera le jour de la Résurrection, et du Dévoilement de toutes vérités. Mais jusqu'à ce jour, on comprend comment chaque croyant, ou chevalier, peut être une préfiguration de l'Imâm final, pour autant que sa tâche est de transfigurer la Terre, et de lui rendre son véritable visage. L'on conçoit aussi comment l'Ange Gabriel peut parfois prendre la place de l'Imân présent au cœur de chacun, qui voit alors dans le mystère de l'Annonce faite à Marie, l'annonce faite à sa propre âme. En disant que les trente oiseaux reconnaissent en Simorgh leur propre image, le poète persan fait de l'Imâm le double angélique du croyant représenté par les Trente (oiseaux). Dès lors en brandissant l'épée Joyeuse aux trente couleurs, Charles devient " l'Imâm de ce temps ", le chevalier destiné à effacer du visage de la Terre d'Espagne - la claire Espagne, la belle Créature de Dieu, la souillure sarrasine. Il n'est pas indifférent que ce soit Gabriel qui intervienne dans le combat, et des auditeurs, normands, ne pouvaient manquer d'en être frappés. Car, selon la tradition, ce n'est pas Gabriel qui apparut dans le ciel à la bataille de Saragosse ; mais saint Michel, auquel pourtant Charles sait rendre un culte ; il nous paraît donc que l'intervention de Gabriel, et non de saint Michel, est un paradoxe, surtout sous la plume d'un normand, qui confirme notre hypothèse ; le poète normand se fait l'écho de doctrines ésotériques du milieu arabe de la Navarre du XIIème siècle, et il fait de Charlemagne l'Imâm - chevalier de ce temps, directement inspiré par Gabriel, Archange de toutes les révélations et qui tient chez les chrétiens mozarabes la place de l'Imâm chez leurs compatriotes musulmans. "

Le chevalier combattant le lion du premier claveau du zodiaque de Mimizan pourrait avoir ce symbolisme.

Cercles templiers

Des liens entre Templiers et Shî'ites ont pu être définis du moins dans le domaine diplomatique. Guillaume de Tyr, le chroniqueur des Croisades, mentionne les Assassins de manière assez brève : " Le lien de soumission et d'obéissance qui unit ces gens à leur chef est si fort qu'il n'y a pas de tâche si ardue, difficile ou dangereuse que l'un d'entre eux n'accepte d'entreprendre avec le plus grand zèle à peine le chef l'a-t-il ordonné. (...) Nos gens comme les sarrasins les appellent Assissini ; l'origine de ce nom nous est Inconnue ". C'est le même chroniqueur qui parlera de la rencontre entre les Templiers et les Assassins afin de conclure une alliance. En outre, des liens et des contacts sont attestés par Jean de Joinville, le biographe de saint Louis. Le Vieux de la Montagne aurait ainsi demandé l'aide du roi de France Louis IX contre les Mongols qui envahissaient alors la Perse (EzoOccult, Les Assassins).

L'affaire de 1173 tempère une unité de vue entre Assassins et Templiers. Selon Guillaume de Tyr, le Vieux de la Montagne aurait souhaité se convertir avec les siens à conditions que les chrétiens de Tortose renoncent au tribut perçu sur les Assassins. Au retour de la négociation qui aurait débouché sur un accord, les shî'ites furent attaquer par les templiers de Tripoli conduits par Gautier du Mesnil. Le roi Amaury en fureur se saisira de Gautier mais mourra en 1174 avant de statuer sur son sort.

Mais on l'a vu avec l'image de Charlemagne endossant l'habit d'Imam, il s'agit d'une récupération idéologique dans une optique de confrontation. Les templiers constituaient le noyau dur de l'offensive chrétienne contre l'Islam.

Les cercles templiers Joachim de Flore - Ploufragan (29 mai), Aiglie - Mimizan (9 mars), Dhuoda (Uzès) - Lussan (18 décembre), Charlemagne - Muret (28 janvier) servent de points de repères dans cet océan de signes mythologiques qu'est devenue l'histoire à travers les arts, littérature et architecture.

 


[1] Paulette Duval, Champion, « La pensée alchimique et le conte du graal Â», Champion, p. 209