Partie I - Généralités   Chapitre II - Points particuliers   Homblières   

Août dans le cercle templier d' Homblières

Bernier, au Xème siècle, fut d'abord moine de saint Rémi de Reims, ensuite premier abbé d'Homblières dans le Vermandois. L'abbaye d'Homblières fut refondée en 948 sous Albert 1er le Pieux, comte de Vermandois. Quoique laïc, Albert, comme ses prédécesseurs, est revêtu de la qualité d'abbé et tient le premier rang dans l'Église. En 987, Albert est parmi les "grands" de France qui rejettent l'élection d'Hugues Capet. C'était un monastère qui avait été occupé dans son institution par des religieuses, mais le relâchement s'étant introduit parmi elles, on venait de les chasser. Bernier et ses moines furent mis à leur place. II gouverna cette abbaye jusqu'en 981 ou 982 avec tant de piété qu'encore au siècle suivant on le qualifiait abbé de sainte mémoire. Il composa la vie de sainte Hunégonde, abbesse d'Homblières. Sainte Hunegonde, issue d'une famille noble, est née à Lambay, hameau d'Urvillers et baptisé par saint Eloi, évêque de Noyon. Ayant refusé un mariage, elle se cloitra au monastère bénédictin d'Homblières (Humolariae) dont elle devint abbesse de 670 à 692. Elle est fêtée le 25 août.

L'abbé Macaire d' Homblières célébra, le IV des ides d'août 1051, la translation du corps de sainte Hunégonde, première abbesse de ce monastère quand il abritait des moniales (Vincent Desprez, o.s.b, Les " Macaire " dans l'occident chrétien (IVème-XIIème siècles)).

M. Aubery, abbé de Sainte-Hunégonde, avait engagé Santeul, chanoine à l'Abbaye de Saint-Victor de Paris, à composer des hymnes en l'honneur de cette sainte, et quand elles furent composées, il négligea de les faire chanter. Santeul fit à cette occasion une pièce de vers intitulée : Diva Hunegundis Querimonia, dans laquelle la sainte elle-même se plaint à l'abbé Aubery de sa négligence.

Santeuil envoya la Plainte de sainte Hunégonde sur son hymne rejetée à Fénelon qui répondit : " Pour moi, Monsieur, je trouve que vos vers ont une politesse qui ne devrait point craindre celle que vous dites qui est à Versailles. Je les ai lus avec avidité, et la pente était si raide que je n'ai pu m'arrêter depuis le commencement jusqu'à la fin.

D'Hunégonde chantons le pieux sacrifice,

A Jésus son amant, elle a promis sa foi ;

Constante dans son vœu, par un saint artifice,

Cette Vierge en remplit la loi.

Le démon convaincu de l'humaine faiblesse,

Par des charmes flatteurs, sur nous lance ses traits;

Mais à sa perfidie, opposons la sagesse,

Pour triompher de ses attraits.

Saint-Quentin ancienne Augusta Viromanduorum établie par les Romains au droit d'un gué sur la Somme en direction de Reims remplace Vermand comme capitale des Viromandui Au Xème siècle Aouste prend le nom du saint martyrisé en ce lieu. En 1214, année de Bouvines, la cité est rattachée à la couronne de France par Philippe… Auguste. L'Hôtel de ville, épargné par les guerres, est un témoin de l'architecture civile de la fin du Moyen Âge. La façade s'élève sur trois niveaux. Au-dessus du rez-de-chaussée, s'alignent les 9 fenêtres d'une galerie vitrée. Au-dessus d'une balustrade ajourée, le dernier étage dresse 3 pignons triangulaires sur chacun desquels est une rosace. 6 écussons armoriés affichent les emblèmes de Moÿ, des de La Fons, de la ville, du vermandois, des familles d'Y et Dorigny.

Saint Quentin est un saint local du début du IVème siècle. Il fut un des premiers évangélisateurs de la région. Prêchant à Amiens, alors Samorabriva, Rictiovare, Préfet du Prétoire l'arrête, le martyrise et le fait emprisonner. Délivré par deux anges, il poursuivit sa mission d'évangélisation plus loin dans les terres, avant d'être à nouveau arrêté et martyrisé jusqu'à son exécution par décapitation vers 280. Il faudra attendre 55 ans pour qu'Eusébie, dame romaine, retrouve le corps de saint Quentin en suivant les instructions qui lui avaient été données lors d'un songe. C'est à l'endroit même où saint Quentin subit son martyre que la dame romaine lui donna la sépulture après avoir retrouvé son corps immergé dans la Somme pendant cinquante ans.

Les fondations de la basilique remontent à un modeste oratoire, qu'il fallut bientôt agrandir en raison de l'affluence des pèlerins. Vers l'an 365, les évêques de la cité la prirent comme siège et comme cathédrale. La ville, ayant été ruinée par les Barbares en 531, Saint Médard, 14ème et dernier évêque de la ville, transféra le siège de son évêché à Noyon. L'église a conservé ses droits épiscopaux jusqu'au 18 août 1703. Elle est maintenant rattachée au diocèse de Laon. L'église est incendiée le 2 août 816 par les Normands, puis en 883 et 1103. Trois grands incendies devaient l'éprouver par la suite : en 1545, en 1557 pendant le fameux siège, et en 1669. Le 28 août 1914, les Allemands entrent dans Saint-Quentin : ils l'occuperont jusqu'au 1er octobre 1918.

Après l'échec de la bataille des frontières (Lorraine, Longwy, Neufchâteau), Joffre doit ordonner la retraite de l'ensemble des armées françaises. C'est une retraite en bon ordre avec des retours offensifs. Afin de soulager l'armée anglaise, pressée par l'armée de von Kluck, Joffre ordonne à Lanrezac de lancer une offensive vers l'ouest. Après la bataille de Guise - Saint-Quentin, le 29 août 1914, von Kluck interrompt son mouvement vers l'ouest et il renonce à marcher sur Paris dès le 31 août. C'est l'abandon définitif du plan Schlieffen. La masse des armées allemandes s'avance dans l'espace compris entre les places de Paris et de Verdun. Cette modification du plan allemand permettra quelques jours plus tard à Joffre d'entamer la bataille de la Marne en prenant à son tour l'armée allemande de flanc (www.sambre-marne-yser.be).

Au moins 22 soldats du 28e RI reposent dans la nécropole de Saint-Quentin dont Auguste Marchet mort au cours des opérations dans l'Aisne le 23 août 1914.

Le 15 mars 1917, les 42 000 habitants sont déportés. Le 15 août 1917, un incendie détruit les combles de l'église. Fortement endommagée, la collégiale de Saint-Quentin est reconstruite à partir de 1919 (www.uquebec.ca).

Jeanne d'Arc prisonnière à Beaurevoir, dans le cercle templier, d'août à novembre 1430

Après Compiègne, la Pucelle, " prisonnière du bâtard de Wandonne, fut menée au camp de Margny, où bientôt accoururent […] tous les chefs anglais et bourguignons, et après eux le duc de Bourgogne, arrivé trop tard pour la bataille. […] Le duc était du sang de France, et Jeanne, à plusieurs reprises, lui avait écrit pour le ramener au roi; mais depuis la campagne de Paris, elle n'espérait plus le détacher des Anglais que par la force. - Le bâtard de Wandonne étant de la compagnie de Jean de Luxembourg, c'est à ce prince que Jeanne appartenait. Après trois ou quatre jours passés au camp, il l'envoya à son château de Beaulieu, jugeant peu sûr de la retenir si près de la ville assiégée […] La Pucelle avait été prise dans le diocèse de Beauvais, et à ce titre relevait de l'évêque du lieu. Pierre Cauchon n'eut garde de s'excuser de son absence : le siège d'où il était chassé lui offrait le moyen d'arriver à l'autre; l'ambition et l'esprit de vengeance conspiraient en lui au profit des volontés de l'Angleterre. S'étant concerté avec l'Université de Paris, il vint, le 14 juillet, au camp de Compiègne, et réclama du duc de Bourgogne la prisonnière, comme appartenant à sa justice : il présentait à, l'appui de sa demande les lettres adressées par l'Université de Paris au duc et à Jean de Luxembourg […] Cette requête était accompagnée d'offres pécuniaires : un évêque n'offre pas de l'argent pour juger ceux qui sont de sa juridiction. Aussi l'offre était-elle faite purement et simplement au nom du roi d'Angleterre […] Le sire de Luxembourg céda, et l'évêque revint avec joie en apporter la bonne nouvelle à ceux qui l'avaient envoyé. C'est l'Angleterre qui payait, mais c'était la Normandie et les pays de conquête qui en devaient donner l'argent […] Au mois d'août, le marché étant conclu, les États de Rouen votent le subside ; le 2 septembre, le roi ordonne qu'il soit réparti et levé avant la fin du mois; et le 24 octobre, en vertu des lettres royaux datées du 20, le trésorier de Normandie fait acheter la monnaie d'or qui doit solder le prix de la Pucelle. De Beaulieu, où elle demeura trois ou quatre mois (mai-août), le sire de Luxembourg la fit passer en son château de Beaurevoir, près de Cambrai, à une distance du théâtre de la guerre qui devait rendre moins facile toute tentative soit d'évasion, soit d'enlèvement. Là résidaient la femme et la tante de ce seigneur; et Jeanne n'eut qu'à se louer de leurs soins : mais elle refusa les vêtements de femme que ces dames lui offraient, disant qu'elle n'en avait pas congé de Notre-Seigneur, et qu'il n'était pas temps encore (Henri Wallon, Jeanne d'Arc).

Henri de Navarre et la Reine Margot

La Fère, commune dont une partie est dans le cercle templier, est une seigneurie qui appartint aux sires de Coucy, qui passa aux Bourbons par le mariage de Marie de Luxembourg avec François de Bourbon-Vendôme qui reconstruisit le château au début du XVIème siècle. Antoine de Bourbon y naquit en 1518. C'était le père du futur Henri IV qui se maria le 18 août 1572, 6 jours avant la Saint-Barthélemy, avec Marguerite de Valois, la reine Margot qui résida à La fère. 18 août qui est la date associée au centre de ce cercle, Homblières.

La Divine Comédie et les Vertus

Sur le territoire de la commune d' Homblières se trouve la ferme de La Foi, celles de La Charité et de L'Espérance sur la commune voisine de Fontaine-Notre-Dame, des noms des trois vertus théologales. Mais ce sont aussi le nom des trois filles d'une dame romaine Sophie, dont le martyre est commémoré le 1er août.

Le chapitre sur La Divine Comédie de La symbolique médiévale des nombres de Vincent F. Hopper sera le guide dans cette inspection de l'oeuvre de Dante.

Au Moyen Âge, les 3 vertus par lesquelles on obtenait le salut : la Foi, l'Espérance et la Charité, étaient presque aussi fondamentales que la Trinité elle-même. La vertu de Charité, c'est-à-dire l'Amour, était si universellement associée au Saint-Esprit, qu'il s'agissait là de deux dénominations interchangeables de la Troisième Personne. Etant donné que toutes choses sont ordonnées par la mesure et le nombre, la Foi et l'Espérance étaient nécessairement identifiées, dans l'ordre, avec le Père et le Fils, si bien que les 3 plus hautes vertus pouvaient prendre la forme archétypale du Un, du deux et du Trois. […] Peu avant la vision finale, de Dante, les vertus théologales ont été incarnées par Pierre (la Foi), Jacques (l'Espérance) et Jean (Charité) […] L'idée que les vertus se suivaient dans le temps est présente dans la procession de l'Eglise militante. Les 24 patriarches de l'Ancien Testament portent les lis blancs de la Foi. Viennent les 4 évangélistes, couronnés du vert de l'Espérance, qui entourent le char et le Griffon du Christ. Les 7 figurent du Nouveau Testament ferment la marche, couronnées du rouge de la Charité.

Les trois disciples préférés du Christ Pierre, Jacques et Jean, incarnant les vertus théologales assistent à la Transfiguration sur le Mont-Thabor de Basse-Galilée dont la fête tombe le… 6 août, et fut instituée l'année suivante de la bataille de Belgrade qui arrêté la progression des Turcs en Europe en 1456.

Dans le chant XIX, c'est dans le ciel entre tous les ciels que se mire la Justice divine. Ici, les " brillantes ardeurs du saint-esprit " composent l'exhortation prophétique " Diligite justiciam qui judicatis terram ", pour s'immobiliser sur le M final. Nous savons déjà, grâce aux propos didactiques généreusement disséminés au fil des pages de La Divine Comédie, du Convivio et du De monarchia, ce que doit être la justice. La lettre M, qui évoque la forme héraldique de l'Aigle, peut désigner aussi bien Marie, la Monarchie, ou le nombre 1000, limite supérieure de la numération et symbole de perfection. Les 2 ailes (les jambages du M) figurent également les 2 cornes de la mitre épiscopale, l'Ancien et le Nouveau testament. Dante signale, en outre, que le total chiffré des lettres de la formule est de 35. Il se peut qu'il s'agisse d'une information anodine, qui n'appelle aucune interprétation, mais il est fort probable qu'un symbole numérique est sous-jacent. Si 35 est à la fois l'apogée de la vie et l'âge présumé de Dante à l'époque de son voyage, il paraît difficile de le relier à la vérité de l'Aigle. Reste une autre hypothèse : les personnages de la Procession divine, qui représentent les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, sont au nombre de 35. "

" La Dame me gourmanda : " Pourquoi t'enflammes-tu à l'aspect des vives lumières, et ce qui vient derrière elles ne regardes-tu point ? " Alors, les suivant comme leurs guides, je vis venir des gens vêtus de blanc; et ici jamais ne fut de blancheur aussi éclatante. L'eau brillait à quand je la regardais, elle me renvoyait, comme un miroir, mon image senestre. Lorsque je fus sur ma rive en un endroit où je n'étais plus distant que de la largeur du fleuve, je suspendis mes pas pour mieux voir : et je vis les petites flammes, semblables à des banderoles flottantes, aller devant, laissant, derrière; l'air coloré, de sorte qu'au-dessus il présentait sept bandes distinctes, toutes de ces couleurs dont le Soleil fait son arc, et Délia, sa ceinture. Ces étendards se prolongeaient en arrière, au delà de ma vue, et, à mon jugement, ceux d'en dehors étaient l'un de l'autre distants de dix pas. Sous ce beau ciel que je décris, venaient deux à deux, vingt-quatre vieillards couronnée de lis. Tous chantaient : " Bénie sois-tu entre les filles d'Adam! et que bénies éternellement soient tes beautés ! " Lorsque les fleurs et les autres fraîches herbes, qui devant moi ornaient l'autre rive, cessèrent d'être foulées par ces élus, comme dans le ciel une lumière suit une autre lumière, vinrent après eux quatre animaux couronnés de vert feuillage. Chacun d'eux avait six ailes, dont les plumes étaient pleines d'yeux; et tels, s'il vivait, seraient les yeux d'Argus. A décrire leurs formes, plus, lecteur, ne dépenserai-je de rimes : car tant me presse une autre dépense, qu'en celle-ci je ne puis être prodigue. Mais lis Ezéchiel, qui les dépeint comme il les vit venir de la froide région, avec le vent, avec la nuée et avec le feu : et tels que tu les trouveras dans son livre, tels étaient-ils ici, hors qu'à l'égard des ailes, Jean est avec moi, et se sépare de lui. L'espace entre eux contenait un char sur deux roues triomphales, qu'avec le cou tirait un griffon. Et celui-ci en haut étendait ses deux ailes entre la bande du milieu et les trois de chaque côté; de sorte qu'en agitant l'air, il n'en touchait aucune ; tant elles s'élevaient, qu'on les perdait de vue ; ses membres d'oiseau étaient de couleur d'or, les autres mélangés de blanc et de vermeil. Non seulement Rome ne réjouit point d'un aussi beau char l'Africain ou Auguste ; mais auprès serait pauvre celui du Soleil ; celui du Soleil, qui, s'égarant, fut brûlé, à la prière fervente de la Terre, quand Jupiter secrètement fut juste. Trois Dames ; venaient, dansant en rond du côté de la roue droite : l'une si rouge, que dans le feu à peine la discernerait-on ; l'autre, comme si les chairs et les os eussent été d'émeraude ; la troisième, semblable à de la neige qui vient de tomber. Elles paraissaient conduites tantôt par la blanche, tantôt par la rouge, et les autres sur son chant réglaient leur aller lent ou vif. A gauche, quatre autres, vêtues de pourpre, menaient leur danse à la suite de l'une d'elles, qui à la tête avait trois yeux. Après ce groupe, je vis deux vieillards dissemblables de vêtement, mais de contenance pareille, tous deux modestes et graves. L'un paraissait des familiers de ce grand Hippocrate, que la nature fit pour le salut des animaux qui lui sont le plus chers; l'autre paraissait avoir le soin contraire, portant une épée brillante et aiguë, telle qu'au delà du ruisseau j'en eus peur. Puis j'en vis quatre d'humble apparence, et, derrière tous, un vieillard seul venir dormant, le visage animé. Et ces sept étaient vêtues de la première robe, pourtant autour de la tête ils n'avaient point de couronne de lis, mais de roses et d'autres fleurs vermeilles. D'un peu loin, on aurait juré qu'au-dessus des sourcils tous étaient en feu. Et quand le char fut vis-à-vis de moi, un tonnerre fut ouï : et il sembla qu'à ces dignes personnes d'aller outre où il fut interdit, s'étant arrêtées là avec les premières enseignes (Dante, La Divine Comédie, Chant XXIX).

Les sephirot Gebourah, Force ou Justice, et Hessed, Miséricorde, participent à la dichotomie Etat/Eglise chère à Dante où chacun doit être indépendant. Le M dantesque est probablement celui de la Miséricorde, associée au nombre 35 dans la Kabbale du Zohar.

" D'après les témoignages contemporains, Dante entretint des relations suivies avec un Juif fort instruit, et poète lui-même, Immanuel ben Salomon ben Jekuthiel (1270-1330) ; mais il n'en est pas moins vrai que nous ne voyons aucune trace d'éléments spécifiquement judaïques dans la Divine Comédie ". (René Guénon, L'ésotérisme de Dante).

On peut ainsi ne pas être d'accord avec René Guénon. " Les cabalistes donnent le nom de séphiroths à la partie la plus secrette de leur science : c'est le plus haut degré de la théologie contemplative des juifs modernes ; ils comptent dix séphiroths que l'on représente quelquefois dans dix cercles différens, enfermés l'un dans l'autre, & quelquefois sous la figure d'un arbre, à-peu-près comme on représente dans les écoles l'arbre de Porphyre, pour faire connoître les différentes catégories de l'être. Les dix séphiroths sont 1. la couronne : 2. la sagesse : 3. l'intelligence : 4. la force ou la sevérité : 5. la miséricorde ou la magnificence : 6. la beauté : 7. la victoire ou l'éternité : 8. la gloire : 9. le fondement : 10. le royaume. Ce sont les perféctions & les attributs de l'essence divine, lesquels sont liés inséparablement entre eux, & de l'assemblage desquels, selon les cabalistes, dépend la création, la conservation, & la conduite de l'univers. Ils ont imaginé des canaux par où les influences d'une splendeur se communiquent à l'autre. Le monde, disoit Siméon Ben Jochaï, le premier de tous les cabalistes, ne pouvoit pas être conduit par la miséricorde seule, & par la colomne de la grace ; c'est pourquoi Dieu a été obligé d'y ajouter la colomne de la force ou de la sévérité, qui sait le jugement. Il étoit encore nécessaire de concilier ces deux colomnes, & de mettre toutes choses dans une proportion & dans un ordre naturel, c'est pourquoi l'on met au milieu, la colomne de la beauté, qui accorde la justice avec la miséricorde, & met l'ordre sans lequel il est impossible que l'univers subsiste ; de la miséricorde qui pardonne les péchés, sort un canal qui va à la victoire ou à l'éternité ; enfin les canaux qui sortent de la miséricorde & de la force, & qui vont aboutir à la beauté, sont chargés d'un grand nombre d'anges ; il y en a trente cinq sur le canal de la miséricorde, qui recompensent les saints, & un pareil nombre sur celui de la force, qui châtient les pécheurs (fr.wikisource.org - L'Encyclopedie - tome 15).

La justice de l'Aigle implique à l'instar de la justice de la Rose, une harmonie de toutes les dualités terrestres : non seulement, comme l'Eglise militante, elle inclura l'Ancien et le Nouveau Testament, mais aussi les 2 félicités de l'homme que sont l'action et la contemplation [...] En effet l'oeil de l'Aigle porte les deux lignées de David et d'Enée : celle de l'Eglise du Christ et celle de l'Empire romain.

L'aspect miséricordieux de l'aigle apparaît dans les Ecritures et leurs commentaires.

Lorsque le Seigneur de tous et mon Créateur me fera signe de me présenter hors de cette vie, toi, mon bon gardien, prévoyant les supplices menaçants qui m'attendent, préparés pour les maux spirituels et les pécheurs impénitents, couvre-moi des ailes de ta miséricorde, comme l'aigle ses oisillons, et lorsque mon souffle me quittera, que je te voie te tenant près de moi et chassant mes féroces ennemis (Acathiste au saint Ange Gardien).

Dieu est parfois conçu comme une mère. Dans le livre de Job, l'image de la mère est employée pour désigner la terre, mais dans d'autres livres elle s'applique à Dieu lui- même. C'est ainsi qu'en Deutéronome XXXII 11-12 Moïse évoque la sollicitude maternelle de Dieu à l'égard de ses enfants en recourant à la métaphore de l'aigle, synthèse de la force et de la douceur: "Comme un aigle qui veille sur son nid, plane au-dessus de ses oisillons, étend ses ailes et le prend et l'emporte sur son plumage". Cette formulation est d'ailleurs reprise par Isaïe dans le verset suivant: "Comme des oiseaux qui étendent leurs ailes, ainsi l'Éternel des Armées abritera Jérusalem d'un abri et il la sauvera en l'épargnant et il la délivrera" (Elie Benamozegh).

Le Christ a multiplié les gestes de miséricorde à l'endroit de ceux et celles qui lui apportaient leurs détresses trop humaines. Ces gestes ont préparé l'Eucharistie. Parfois, il les associait à un don de pain, ou à l'abondance d'un vin nouveau, ou encore à la table fraternelle qui rassemble et réconcilie. A la Cène, il posera le geste absolu de sa miséricorde : donner sa vie pour ses amis (www.priceminister.com - Yvon Daigneault, Quand Dieu Partage Son Pain).

Leonard de Vinci - la Cène (Milan) et son M

Dante, passant des vertus cardinales aux vertus théologales, du Purgatoire au Paradis, est pour finir conduit de Béatrice à saint Bernard afin que son désir s'élève jusqu'à son ultime objet. C'est saint Bernard qui dirige la vision de Dante dans la complexité de la Rose, qui reflète la nature double de la deuxième personne de la Trinité et où la " lumière intérieure " de Béatrice est représentée indépendamment, à ses côtés, dans la figure de Rachel. Le poète est désormais en mesure de les distinguer l'une de l'autre.

Saint Bernard permet de relier Dante avec l'ordre des Templiers, dont le cistercien fut le mentor. Mais " le glissement est tentant, de l'analyse de sources littéraires, telles que la légende du Graal ou l'œuvre de Dante, à l'évocation de courants d'idées puis à l'admission de l'existence historique d'organisations structurées, comme les " Fidèles d'Amour " ou la Fede Santa, qui reste impossible à prouver. " (Politica Hermetica 16, René Guénon, lectures et enjeux).

Deux dualités dominantes sont au cœur de la vision de la Rose : l'Ancien Testament et le Nouveau, l'Action et la Contemplation. Des représentants de l'Etat et de l'Eglise illustrent la dualité Action/Contemplation : Henri, souverain terrestre, agosta, et Marie, reine céleste, Regina , Augusta.

L'espoir de Dante était, bien entendu, tourné vers le paradis, mais également, et de façon pressante, vers la perfection terrestre. Aussi l'exhortation et les prophéties de Béatrice concernent-elles, non pas la perfection céleste, mais l'accomplissement du Plan divin sur la terre. Le mouvement de progression présent dans le cycle des 3 âges parfaits (qu'évoquait déjà saint Bonaventure) régit également les vertus théologales, et les membres de la Trinité. […] Sans aucun doute, sur de nombreux points, Dante était d'accord avec Joachim de Flore et les Spirituels. Lui aussi plaçait sa foi dans les ordres mendiants, et voyait en eux le soutien d'une Eglise vacillante. Sa doctrine de l'amour est en parfait concordance avec la prédication des spirituels, dont cet esprit devait imprégner le troisième âge. Comme eux, il désirait un règne de paix et d'amour sur terre ; comme eux, il considérait comme vacant le siège pontifical, et voyait en son titulaire de l'époque, ainsi que l'Eglise qu'il dirigeait, la prostituée de Babylone.

L'estime de Dante pour l'abbé calabrais apparaît dans la place qu'il lui assigne aux côtés de saint Bonaventure, et dans la description qu'il en donne, de la bouche même de ce dernier : " di spirito profetico dotato " (Paradis, XII. 141). Célestin V, le pape du "grand refus" est, lui, situé dans le Vestibule des Lâches dans l'Enfer.

Le Labyrinthe dans la Divine Comédie

Selon P. Santarcangeli, " la seconde des trois périodes de floraison du labyrinthe est le Moyen Age, et en particulier les XIIe, XIIIe et XIVe siècles ". La chrétienté s'est emparé du symbole païen et a réinterprété le mythe antique : le labyrinthe est un cheminement dans l'erreur - symbole de la vie sur terre -, le Minotaure est le Malin - qui se trouve au centre du labyrinthe et au centre de nous-mêmes -, Thésée est le Christ - qui vainc le Minotaure et nous ouvre un chemin vers la lumière -, Ariane et son fil, enfin, sont tantôt l'Église, tantôt la Vierge Marie - qui se veut notre compagne et nous guide sur les traces du Christ, seule source de lumière vraie. "

À cette époque, dans les églises italiennes (Lucques, Plaisance, Pavie, Crémone, Rome, …) et françaises (Chartres, Amiens, Saint-Quentin, Reims, Bayeux, Sens, Auxerre, Arras, Poitiers, Saint-Omer, …) apparaissent de nombreux labyrinthes, à la fois lieux de pèlerinage et symbole de la vie chrétienne. Ils portent le nom de " Lieue de Jérusalem ", comme à Saint-Quentin, " Chemin de Jhérusalem ", " Méandre ", " Daedale " ou " Domus Daedali ". Le labyrinthe ne symbolisera le Mal qu'au sortir du Moyen Age, avec l'apologie de la raison et de la ligne droite. Ce renversement de perspectives se situe précisément en Italie, au XIVème siècle : Pétrarque et Boccace considèrent le labyrinthe comme un lieu de perdition. Dante se situe entre le Moyen Age et la Renaissance. Son labyrinthe occupe une position- charnière entre le Bien et le Mal, représente à la fois le cheminement d'un Initié et l'Enfer des damnés. Le Florentin est un repère majeur dans l'histoire du mythe du Labyrinthe. Ses allusions au mythe antique du Labyrinthe se situent toujours à des endroits-clefs de ce cantique. L'image du labyrinthe constitue d'ailleurs un filigrane remarquable de toute la divine Comédie.

Le labyrinthe de la basilique de Saint-Quentin a été installé en 1495.

http://www.mudge.screaming.net

L'Église remplaça progressivement, dans les cathédrales et abbayes, l'image du Minotaure par celle du Christ avant d'entreprendre la destruction des labyrinthes apparaissant comme une impardonnable concession aux rites païens. Celui de Reims fut détruit au XVIIIème, celui d'Amiens au XIXème avant que d'être restauré.

Ariane, la traîtresse trahie n'est pas nommée dans la Comédie. Elle y apparaît pourtant à deux reprises : une première fois, dans l'Enfer, où elle est désignée comme étant la sœur du Minotaure (Inf., XII, 20; cfr supra) ; une seconde fois, dans le Paradis, où elle est appelée " fille de Minos " (Par., XIII, 14).

Dante, en plaçant en Enfer de nombreux hommes d'Église, exprime clairement ses doutes quant à la fonction de guide spirituel, d'Ariane, que doit exercer l'Église. Par contre, la Vierge Marie joue volontiers le rôle d'Ariane, elle qui, la première, se soucie de Dante lorsqu'il se retrouve dans la forêt obscure

C. de Callataÿ - van der Mersch considère que " la divine Comédie conduit de la Jérusalem terrestre à la Jérusalem céleste " et met la Table d'Hermès (c'est-à-dire le labyrinthe de cathédrale) au nombre des trois " diagrammes sacrés " qui sous-tendent le poème [avec les nombres 13 (demi-circonférences) et 31 (lacets)]. L'Enfer apparaît donc clairement comme un parcours initiatique et non comme une simple peinture du Mal. Les étoiles occupent une place toute particulière dans la divine Comédie (Cfr not. Inf., XVI, 82-82). Ainsi, le Purgatoire et le Paradis se terminent, comme l'Enfer, par le mot stelle. Trois initiations qui se clôturent par les étoiles... (http://bcs.fltr.ucl.ac.be/FE/07/Labyrinthe.html#37783).

Le labyrinthe et les Vertus

Le Labirynth de Fortune est inscrit dans la riche tradition des voyages initiatiques et des remèdes de Fortune. Le texte, dans sa remise en question du mythe de Fortune, se situe à un tournant de l'histoire de l'allégorie et à une étape fondamentale de l'œuvre de Bouchet, né à Poitiers vers 1475. Dans la traversée du labirynth, où l'allégorie de Fortune s'efface au profit de celle des trois vertus théologales, l'auteur découvre son propre itinéraire, reconstruit la signifiance de la poésie profane, finalement réhabilitée parce qu'offrant, sous le voile de la fable, la véritable connaissance (E. Berriot-Salvadore, Jean Bouchet, Traverseur des voies périlleuses (1476-1557)).

En combattant contre les vices, les vertus chrétiennes n'ont cessé de croiser les vertus courtoises dans la littérature médiévale, que ce soit dans la littérature chevaleresque ou plus nettement allégorique et édifiante. Le XVème siècle, avec le Livre du Coeur d'Amour épris de René de Lorraine, s'applique au contraire à confronter des individus à des systèmes de pensée qui ne fonctionnent plus et où la vertu morale, courtoise, semble à l'épreuve d'un affranchissement de l'individu. Si les modèles allégoriques fonctionnent encore dans la première moitié du XVIe siècle, où la littérature édifiante est encore bien représentée, que ce soit à des fins morales, chrétiennes, ou politiques, il semble que l'on puisse dessiner des nuances et que l'individu s'ingénie à trouver sa propre voie, même modeste, vers la vertu, tel le " traverseur des voies périlleuses" du labyrinthe de Fortune de Jean Bouchet. Comment les écrivains de la Renaissance, d'Erasme à Montaigne, dessinent-ils la vertu, en particulier dans son rapport avec la connaissance? Comment expriment-ils leur désir d'être vertueux? Et comment, pour l'auteur comme pour le lecteur, la littérature peut-elle être un moyen d'accès à cette vertu, cette littérature que l'on condamne parfois pour n'être qu'un vain " passe-temps ", et que Rabelais défend avec humour dans ses prologues ? (www.fabula.org).

Le Labirynth de Fortune et Sejour des trois nobles dames, édité pour la première fois en 1522, réédité en 1524, est le texte qui fait le point sur la question de la Fortune et de la Providence de la manière la plus complète et la plus évidente, dès son titre, mais aussi par sa composition même. La première partie intitulée Le Labyrinth de Fortune s'ouvre sur une déploration sur la mort d'Arthur Gouffier, seigneur d'Oiron, qui conduit l'acteur à " s'ébahir des variations mondaines ", à analyser l'événement de la mort comme une infortune, un accident, un casus, dans une association de termes déterminante pour les redéfinitions qui vont suivre, dont il souhaiterait savoir s'il vient de Fortune ou de Dieu.

À cette déploration succède un songe allégorique où est décrit le labyrinthe de Fortune et les différentes bandes de mondains qui y vivent, dans la lignée des descriptions traditionnelles de cette allégorie, Le Roman de la Rose ou Le Livre de la Mutacion de Fortune de Christine de Pisan. Bouchet semble en effet d'abord s'ins- crire dans cette tradition, quelque variation qu'il y apporte avec sa charmante description des bandes colorées de blanc, bleu, rouge, vert, brun ou gris qui y pénètrent et où l'acteur lui-même doit choisir sa couleur, qui sera le gris, couleur des épris de labeur " qui veulent avoir Fortune par travail " (v. 571). L'acteur visite le labyrinthe de Fortune sous l'égide d'un guide, Humaine Discipline, qui l'ac- compagne et interprète pour lui tout ce qu'il voit car elle est elle-même l'auteur des représentations de Fortune et de ses deux fils Eur et Maleur qui sont placées sous les yeux de l'acteur. Cette visite du labyrinthe de Fortune donne lieu à une interprétation d'Humaine Discipline qui glose le pouvoir de Fortune et de ses fils sur les actions humai- nes, à quoi l'acteur " réplicque contre la puissance de Fortune Eur et Maleur " avant que n'intervienne un autre personnage, Veritable Doctrine, qui vient reprendre l'acteur " de s'estre tant amusé à Humaine Discipline " et d'avoir cru à ses dires concernant Fortune. Elle en redéfinit donc les termes pour rendre tout le pouvoir à Dieu (v. 2580 sqq.)? (La vertu dans la littérature française de la Renaissance, Appel à contribution en vue de la RSA-Venise 2010.).

Doctrine Veritable conclut son exposé théologique et cosmologique ("Cy faisons fin de toute la matière/ Qui sort du songe, & de ce que j'ay dit"...) par une bruyante harangue qui énumère, anaphoriquement, tous les périls du monde. Entre autres, "Peril avez en dormir & sommeil/ Peril en lict, en dure ou molle couche..." ; mais, de toute façon, péril partout... Cette litanie qui n'oublie rien, aucun objet, aucune situation, qui annule les contraires, est un peu l'équivalent rhétorique du Labyrinthe : on ne sait où se tourner pour échapper au péril, aux "chemins fourchus de Dedalus" qui compliquent singulièrement le fameux Y de Pythagore... Il faut trouver la route droite, et l'ex- songeur, devenu pèlerin, va accomplir le seul trajet possible : celui du Christ, qui mène tout droit au "clos de la Passion". Il n'y a que là, dit Doctrine Veritable avant de s'effacer, que l'on puisse trouver les trois Vertus théologales. D'où un second livre (le titre, en effet, est double) : après le Labyrinthe que visite le rêveur, le Séjour des trois Dames promis au pèlerin. Dissociation qui montre à quel point le songe ne peut plus être tenu, jusqu'au bout, jusqu'au but, par la rhétorique édifiante. La "route droite et pierreuse" n'est plus une route rêvée ; elle ne peut que "traverser" le jardin aux sentiers qui bifurquent... (François Cornilliat, Aspects du songe chez les derniers rhétoriqueurs).

Tableau accompagnant un des Chants royaux en l'honneur de la Vierge au Puy d'Amiens (sur le côté du petit nonagone Homblières - Sommet en Manche), ayant pour refrain "Miroir de foy, d'amour et d'esperance" du nom des trois vertus

www.sites.univ-rennes2.fr