Partie XIII - La Croix d’Huriel   La Croix d’Huriel et l’alchimie   
CROIX HURIEL ALCHIMIE OEUVRE NOIR BLANC ROUGE

Quand les textes alchimiques parle de "mercure" il n'est pas toujours facile de savoir quel mercure il s'agit, dans quel état. La Croix d'Huriel peut être un outil pour éclaicir le travail alchimique.

Le signe de croix sera utilisé (à l'envers) pour décrire une triple correspondance : les trois oeuvres du travail alchimique ; le chemin de croix de Rennes-le-Château ; et le voyage de l'âme de la mort du corps à l'incarnation. Ici, le Christ représente l'âme (Christ-Âme, Christame, Christam, Cristame, Cristam, plus euphonique que Christ-Soul), son voyage jusqu'à l'incarnation qui correspond à la mise au tombeau, le corps étant synonyme de tombeau dans la pensée pythagoricienne reprise par Platon, et la mort de l'âme étant le fait qu'elle s'incarne dans un corps (La Croix d’Huriel et Rennes le Château : Chemin et signe de croix).

Pour Platon, l'union de l'âme au corps est le signe d'une chute, l'âme n'est plus dans sa patrie, son corps est sa prison (Henri Gouhier, La pensée métaphysique de Descartes, 1987 - books.google.fr).

Trichotomie chrétienne

Chez les Chrétiens, Apollinaire de Laodicée était trichotomiste croyant à la tripartition esprit/âme/corps, en s'inspirant du Paul de la première épître aux Thessaloniciens (V,23). Pour lui, le Christ était doté du Logos (Verbe de Dieu) à la place du pneuma (ou nous) de l'homme normal comme Adam. Grégoire de Nysse y inclinait aussi même s'il le critiquait sévèrement chez Apollinaire.

L'âme, pour Apollinaire, était, contrairement à l'esprit, héréditaire issue de celles des parents et apparaissant à la naissance de l'individu (Serge Boulgakof, Du Verbe incarné: Agnus Dei, traduit par Constantin Andronikof, 1943 - books.google.fr).

Apollinaire de Laodicée (né vers 315, mort vers 390), dit aussi Apollinaire le Jeune, parce que fils d'Apollinaire l'Ancien (latin : Apollinaris), fut évêque de Laodicée de Syrie, élu en 361, et fondateur d'une hérésie chrétienne appelée apollinarisme (fr.wikipedia.org - Apollinaire de Laodicée).

Le Soufre serait assimilé au Corps, le Mercure à l'Âme et le Sel à l'Esprit, contrairement à ce qu'en dit Paracelse inversant soufre et sel qui est appelé aussi arsenic.

Ainsi c'est une Trinité en Unité, & une Unité en Trinité; parce que là, sont Corps, Ame, & Esprit ; là aussi sont Soufre, Mercure, & Arsenic : Car le Soufre spirant, c'est-à-dire, jettant sa vapeur en Arsenic , opére en copulant le Mercure; & les Philosophes disent quela propriété de l'Arsenic est de respirer, & que la propriété du Soufre est de coaguler, congeler, & arrêter le Mercure. Toutefois ce Soufre, cet Arsenic, & ce Mercure ne sont pas ceux que pense le Vulgaire; car ce ne sont pas ces Esprits venimeux que les Apothicaires vendent; mais ce sont les Esprits des Philosophes, qui doivent donner notre Médecine; au lieu que les autres Esprits ne peuvent rien pour la perfection des Métaux (Bernard Le Trévisan, La Parole délaissée, Bibliotheque des philosophes chimiques, Volume 2, Andre Cailleau, 1741 - books.google.fr).

Le Sel ou Arsenic, inconnu des premiers philosophes, fut ajouté comme troisième principe par les alchimistes mystiques du XIIIe au XVIe siècle, il servait de moyen d'union entre le Soufre elle Mercure, comme l'esprit vital entre le corps et l'âme : « O merveille, le Soufre, le Mercure et le Sel me font voir trois substances en une seule matière. » (Lumière sortant par soi-même des Ténèbres, de l'italien, 1687 en France). Dans son traité Breve breviarium de dono Dei, Roger Bacon (1214-1294) écrit : « Le Soufre, le Mercure et l'Arsenic sont les principes composants des métaux. Le Soufre en est le principe actif; le Mercure, le principe passif: l'Arsenic est le lien qui les unit. » (Revue générale des sciences pures et appliquées, Volume 29, 1918 - books.google.fr).

Selon Plutarque, l'âme est caractérisée par le mouvement et est solidaire de la matière, tandis que l'intelligible se distingue par l'immobilité et par la transcendance à l'égard du sensible (Marco Zambon, Porphyre et le moyen-platonisme, 2002 - books.google.fr).

On retrouve par là les qualité du Mercure (mouvement).

Platon dit que l'âme désire un intellect ou un esprit et le corps une âme (Guillaume Postel, Des admirables secrets des nombres platoniciens, annoté par Jean-Pierre Brach, 2001 - books.google.fr).

En ce qui concerne la psychologie du Christ, on peut se reporter à Origène qui semble envisger une trichotomie :

Quand vient le moment fixé par le Père de rejoindre l'Épouse déchue, l'« âme» du Christ abandonne la « forme de Dieu » pour revêtir la « forme de l'esclave » en prenant chair dans le sein de Marie. En effet pour Origène le sujet de la kénose de l'Epître aux Philippiens 2, 6-11 est tantôt représenté comme étant le Verbe, tantôt comme étant l'âme. Dans l'hypothèse de la préexistence des âmes et en particulier de l'âme du Christ il est logique que le sujet de de la kénose soit directement cette âme, indirectement seulement le Verbe, en vertu de la « communication des idiomes ». La parole de l'ange à Marie: « Un Esprit Saint viendra sur toi et une puissance du Très Haut t'ombragera » a pour Origène le sens suivant. La Puissance du Très Haut est le Verbe, Puissance (dunamis) étant une des épinoiai du Fils. A plusieurs reprises, nous allons voir pourquoi, Origène appelle l'âme humaine assumée par le Verbe l'« ombre » du Christ Seigneur. C'est donc le Verbe, Puissance de Dieu, qui met en Marie son « ombre », son âme, pour qu'elle prenne chair en elle. En d'autres termes l'âme du Christ qui n'a pas péché accomplit par amour pour son Épouse pécheresse la descente dans la corporéité terrestre et corruptible où Dieu a mis cette dernière par suite de son péché. Origène explique cela à propos du fleuve Jourdain, symbole du Christ, de l'Incarnation et du baptême, dont le nom signifie selon lui « leur descente » (katabasis autôn): « Certains [il s'agit de Philon] ont supposé que cette dernière indiquait d'une manière voilée celle des âmes vers les corps. S'il en est ainsi, qui donc serait ce fleuve, 'leur descente', auquel il faut venir se faire purifier et qui ne descend pas de sa propre descente, mais de celle des hommes, si ce n'est notre Sauveur ». Le Christ ne descend pas de sa propre descente car il n'a pas péché, mais de la descente des hommes qui ont péché, et la sienne n'a de but que leur rédemption (Henri Crouzel, Le Christ rédempteur selon Origène, Studia Missionalia, Volume 30, 1981 - books.google.fr).

La notion de forma dei et de forma servi a été entrevue (La Vraie Langue Celtique de l’abbé Henri Boudet : Livre II - Ps. 56 à 71).

Considérations pneumatiques

La plupart soutiennent à juste titre que l'homme est composé, mais ils ont tort de soutenir qu'il est composé seulement de deux parties. En effet, ils pensent que l'intellect est en quelque sorte une partie de l'âme, ce en quoi ils se trompent - sur ce point - pas moins que ceux auxquels il semble que l'âme est une partie du corps. L'intellect, en effet, est meilleur et plus divin que l'âme autant que l'âme l'est par rapport au corps. Le mélange de l'âme avec le corps produit la faculté irrationnelle et passible, tandis que la rencontre de l'intellect et de l'âme produit la faculté rationnelle De celles-là, la première est principe de plaisir et de douleur, l'autre est principe de vertu et de vice. Dans la composition de ces trois parties, la terre met à disposition le corps - en vue de la génération -, la lune l'âme et le soleil l'intellect (Plutarque, De Facie, 28, 943 a) (Marco Zambon, Porphyre et le moyen-platonisme, 2002 - books.google.fr).

Le corps de l'homme se comporte exactement comme le corps de l'animal, mais l'homme possède en plus une âme rationnelle, d'origine divine, enveloppée d'un corps lumineux, et c'est ce corps lumineux qui donne au corps mortel, en plus de la vie propre à la matière qui l'anime déjà, de la vie animale, la vie divine, qui se trouve alors, pour ainsi dire, enfermée dans la matière. Il assure ainsi l'unité de l'homme terrestre, l'être le plus complexe du cosmos, composé du corps de chair, de l'âme irrationnelle [mortelle], du corps lumineux et de l'âme rationnelle d'origine divine. Le corps lumineux, qui est la vie divine en contact avec le corps, pénètre la vie animale et la soulève au-dessus d'elle-même. L'harmonie peut alors régner entre la vie divine et la vie animale, entre le monde matériel et le monde spirituel. (Noël Aujoulat, Le néo-platonisme alexandrin, Hiéroclès d'Alexandrie: filiations intellectuelles et spirituelles d'un néo-platonicien du Ve siècle, 1986 - books.google.fr).

Pour Hiéroclès, le corps lumineux est le corps que les Oracles appellent le char subtil de notre âme. On peut comprendre que l'âme en "descende" pour s'incarner.

Il faut savoir que le corps lumineux qui va permettre à la fois la remontée et la descente de l'âme est cette sorte de corps éthéré, qu'elle possédait bien avant sa vie sur terre, dans ces lieux du cosmos. Le corps lumineux ou corps éthéré est en contact avec la matière, mais n'est pas matériel, «c'est un corps immatériel (a-ulon), co-naturel à l'âme, et qui achève sa forme ». C'est pour cela, en raison de son caractère immatériel, et spirituel, qu'il pourra servir de véhicule à l'âme. Aussi parlera-t-on de l'association ochma-pneuma, la dernière notion d'inspiration aristotélicienne, qui paraît avoir été un thème courant, dès le moyen platonisme, repris par Jamblique, qui y voyait encore l'attachement à des forces irrationnelles C'est cette configuration d'un corps, paradoxalement immatériel, qui lui permettra sa remontée, et celle de l'âme. Sa composition, de nature tout à fait spéciale, faite de particules immatérielles, proches de celles de l'éther, le verra remonter dans l'éther libre à partir de la région sublunaire (Jean-Michel Charrue, Néoplatonisme: De l'existence et de la destinée humaine, 2014 - books.google.fr).

Chez Synésios de Cyrène [qui deviendra évêque chrétien], et Hiéroclès, il unira aussi l'âme rationnelle à l'âme irrationnelle et au corps de chair, tout en évitant entre eux un contact direct. Les néo-platoniciens auront d'ailleurs fort à faire pour dématérialiser le pneuma aristotélicien et stoïcien, et pour le rendre de plus en plus subtil, apte à servir d'intermédiaire entre le matériel et l'immatériel, au point d'être qualifié d'aulon dans le Commentaire sur les Vers d'Or d'Hiéroclès (Noël Aujoulat, Les origines stoïciennes du corps lumineux, Pallas, Numéro 34, Annales - Universite de Toulouse-Le Mirail, 1988 - books.google.fr).

Hiéroclès d'Alexandrie dit Hiéroclès le Pythagoricien ou Hierocles Platonicus, est un philosophe néoplatonicien ou néopythagoricien du Ve s. Il est disciple, à Athènes, de Plutarque d'Athènes (350-432) (le fondateur de l'école néoplatonicienne d'Athènes vers 400), à ne pas confondre avec le fameux Plutarque de Chéronée (vers 46-vers 125), auteur des Vies parallèles et de Moralia. Il fut persécuté à Constantinople pour son attachement au paganisme. Ensuite il retourna à Alexandrie, sans doute comme fondateur ou premier scolarque, recteur, de l'école néoplatonicienne d'Alexandrie, peut-être vers 430 (fr.wikipedia.org - Hiéroclès d'Alexandrie).

Synésios de Cyrène, Synèse en français, (en latin Synesius ; v. 370 - v. 414) est un évêque de Ptolémaïs (Cyrénaïque), épistolier, philosophe néoplatonicien, de l'école néoplatonicienne d'Alexandrie. Synésios est né vers 370 à Cyrène dans la Pentapole (dans le nord de la Libye actuelle) de riches parents grecs qui prétendaient être des descendants des rois spartiates. Il est pressenti pour le siège épiscopal de Ptolémaïs alors qu'il n'est (semble-t-il) encore que catéchumène (ce qui fut aussi le cas d'Ambroise de Milan). Malgré ses scrupules, il finit par accepter, sans toutefois renier ses convictions néoplatoniciennes, ni son mode de vie. Ses écrits témoignent de l'évolution de sa pensée. La date de sa mort reste inconnue, elle est généralement estimée aux alentours de 414 parce qu'il ne semble pas avoir été au courant de la mort, survenue en 415, d'Hypatie, martyrisée par les chrétiens, qui défend les thèses néoplatoniciennes (sans l'influence de Plotin) lui valant une grande renommée, dont il suivit les enseignements à Alexandrie et à laquelle il restera attaché jusqu'à la fin de sa vie (il entretient un courrier assidu avec elle).

Il est possible que Synésios de Cyrène et Synésios l'Alchimiste soient une seule et même personne, par exemple Synésios quand il était jeune. Le Synésios alchimiste faisait partie des commenteurs alchimistes, avec Olympiodore l'Alchimiste (peut-être identique à Olympiodore le Jeune, scolarque de l'école néoplatonicienne d'Alexandrie en 541), Étienne d'Alexandrie (actif vers 620). On trouve son livre De l'œuvre des philosophes dans W. Salmon, Bibliothèque des philosophes chimiques, 1672, t. II ; son Dialogue sur Démocrite dans le Catalogue des Anciens Alchimistes grecs (CAG), t. II p. 56-69. Certains historiens situent Synésios l'Alchimiste vers 380 (fr.wikipedia.org - Synésios de Cyrène, fr.wikipedia.org - Hypatie).

Synésius n'est pas arrivé complètement à unifier les trois éléments de sa personnalité : formation d'humaniste et de rhéteur, philosophie néoplatonicienne, religion chrétienne. Son néoplatonisme est essentiellement celui de Porphyre, qui lui-même devait beaucoup aux Oracles chaldaïques (Ed. des Places, Chronique de la philosopghie religieuse des Grecs (1984-1986) : Synésius de Cyrène, Bulletin de l'Association Guillaume Budé, 1986 - books.google.fr).

Dans cette ascension, l'âme restitue chacun des éléments qui composent son pneuma à la place qu'il occupait au moment où il a été emprunté par l'âme, dans le mouvement de descente de celle-ci. L'âme « sépare » donc les divers élélments de son pneuma. Le véhicule de l'âme et l'âme irrationnelle se dissolvent, selon Porphyre, dans les planètes dont ils sont issus (Pierre Hadot, Porphyre et Victorinus, Volumes 1 à 2, 1968 - books.google.fr).

Dans le domaine de l'éthique, le pneuma représente le lieu où se joue le destin post mortem de l'âme, puisque ce pneuma qui lui sert de véhicule est altéré dans sa forme et sa consistance en fonction du comportement moral de l'individu. Si, au cours de l'existence terrestre, on se laisse dominer par les passions, le pneuma en devient lourd et humide. [...] Loin de faire obstacle à l'ascension de l'âme vers sa patrie intelligible, le pneuma sec et lumineux peut l'aider à y prendre son essor (Michael Chase, Porphyre et Augustin : Des trois sortes de « visions » au corps de résurrection, Revue d’études augustiniennes et patristiques, Volume 51, 2005 - documents.irevues.inist.fr).

Les néo-platoniciens adopteront le pneuma issu du monisme stoïcien et l'adapteront au dualisme platonicien.

Selon la cosmologie du stoïcisme, « deux principes régissent le monde : Le Logos, "le Verbe" (comme dans l'ouverture de l'Evangile selon saint Jean), qui est la Raison divine, et est conçu comme une sorte de feu ; et la matière passive, sous la forme des éléments de terre et d'eau. Lorsque le Logos, en soi éternel et immuable, descend dans ce monde et vient habiter la matière, il donne naissance à la Nature, domaine d'une existence toujours en devenir. Le déterminisme gouverne le monde naturel, mais est lui-même fondé sur le Logos ou la raison : c'est ainsi que l'esprit su sage, en appréhendant la rationalité du monde, l'acceptera avec équanimité. » (Christopher Allen, « Le Grand Siècle de la Peinture française », Thames & Hudson, p. 71) (Autour de Rennes le Château : Retire-moi de la boue : la couronne boréale, Le carré SATOR : Les bergers).

La tradition nous est donc apparue constante : tant chez Aristote et chez les Stoïciens que chez un néo-platonicien des derniers temps de l'hellénisme comme Synésios de Cyrène, le pneuma pénètre aussi bien les êtres supérieurs que les hommes et les animaux. Mais quelle est la place assignée au pneuma dans la hiérarchie des êtres vivants auxquels il a été largement départ ? « Elle dépend, de toute évidence », par exemple chez Synésios, « du degré d'esprit et de matière qu'ils rassemblent. Chez la bête brute il fait fonction de raison... Chez l'homme il constitue ... l'élément normal de la vie psychique, où il se trouve associé à l'intelligence » [...]

Hiéroclès accorde une sorte d'autonomie au corps lumineux par rapport à l'âme; il évite le terme de psyché et le remplace par l'expression : « logikè ousia ». L'âme apparaît ainsi comme une entité sans rapport direct avec la matière. C'est le véhicule, qui est esprit et qui participe à la vie intellectuelle de l'âme, qui agit sur le corps mortel. Grâce à lui l'homme vit pleinement, plus que l'animal, car le corps lumineux qui est, en quelque sorte, « organe de perception, le sens des sens », fait prendre conscience à l'homme de sa propre existence; il est comme un «miroir psychique», qui rend possible la réflexion ; il fait, de plus, participer l'homme à la vie intellectuelle et divine (Noël Aujoulat, Le néo-platonisme alexandrin, Hiéroclès d'Alexandrie: filiations intellectuelles et spirituelles d'un néo-platonicien du Ve siècle, 1986 - books.google.fr, Stéphane Toulouse, Les théories du véhicule de l'âme dans le néoplatonisme : genèse et évolution d'une doctrine de la médiation entre l'âme et le corps. In: École pratique des hautes études, Tome 109, 2000-2001. 2000 - www.persee.fr).

Certains auteurs, comme Synésios de Cyrène, proposent ainsi un éloge de la phantasia, intermédiaire essentiel entre le corps et l’âme et auxiliaire presque indispensable de la pensée : "En effet, l’imagination (phantasia) est le sens des sens, parce que l’esprit imaginatif (to phantasticon pneuma) est le sens le plus compréhensif et constitue le premier corps de l’âme (psuchê). Cependant il réside au plus profond de nous-mêmes et il règne sur le vivant comme du haut d’une citadelle. Autour de lui en effet la nature a construit toute l’activité qui s’effectue dans la tête. [s’ensuit l’étude des relations de la phantasia avec les sens, présentés comme ses « portiers », dont les données ne doivent pas cependant empiéter sur le divin dans l’âme, qui exige que l’imaginatif reste aussi pur que possible]. Bref, il est un milieu entre l’irrationnel et le rationnel, l’incorporel et le corporel, dont il constitue la commune frontière." (Traités sur les songes, V,2 & VI, 4.) (Karine Descoings, Fantasma d'amore, Camenae n°8 – décembre 2010 - www.paris-sorbonne.fr).

Selon la philosophie néoplatonicienne, l'âme préexistant au corps est « tombée » dans la matière et est devenue prisonnière de ce carcan corporel. Mais selon certains penseurs, elle a acquis dans sa descente une sorte d'enveloppe d'images, faite de la même substance éthérée que les astres: le spiritus fantasticus. L'imagination devient le véhicule de l'âme, l'ochema-pneuma pour reprendre des termes grecs, capable de se détacher parfois du corps grossier pour permettre à celle qu'il enveloppe de voyager. Elle est «un vaisseau à bord duquel l'âme primitive descend des sphères célestes pour s'unir au monde corporel». Cette invention est très habile: l'âme se salirait encore une fois au contact direct du corps trop rude. Les images l'entourent, la protègent, deviennent en quelque sorte «le corps subtil de l'âme». La naissance du spiritus fantasticus comme concept philosophique est sans doute liée à la découverte de l'incroyable pouvoir de l'imagination, de son autonomie, de son indépendance par rapport aux autres facultés de l'âme. Synésius, auteur néoplatonicien, est le père de cette notion. [...]

Tant que l'âme humaine est incarnée selon Synésius, elle reste tributaire de son spiritus fantasticus. Le philosophe néoplatonicien prend la peine de s'arrêter sur cette idée essentielle: la grande majorité des hommes ne peut penser qu'avec son imagination. Seuls quelques sages arrivent à atteindre à la raison pure. Qu'est-ce à dire ? Composé d'une âme et d'un corps, reliés l'un à l'autre grâce au spiritus fantasticus, l'homme ne peut appréhender le monde qui l'entoure qu'au travers du voile de cet ochéma-pneuma. Si le monde supralunaire est celui de la vérité immédiate, claire, définie, lumineuse, le monde sublunaire est, quant à lui, plus opaque et toute vérité s'y protège derrière un voile d'images (Christine Pigné, De la fantaisie chez Ronsard, 2009 - books.google.fr).

Chez Porphyre, l'imagination, identifiée à l'intellect ou au logos sensible, est à son tour le corps de l'âme divine ; cette même imagination, devenue le logos de l'être vivant, prend pour siège les puissances qui lui sont inférieures (Pierre Hadot, Porphyre et Victorinus, Volumes 1 à 2, Études augustiniennes, 1968 - books.google.fr).

Pneuma-Esprit

On peut établir un rapport entre pneuma et esprit, de dépendance ou d'identité.

L'intelligence étant surnaturelle par nature, elle est donc d'essence métaphysique. Ainsi, «chez S. Thomas, tout le mystère divin est déjà présent dans la nature même de l'intellect » (Jean Borella, Lumières de la théologie mystique, p. 93), de même, pour Denys et les platoniciens, l'intellect (noûs) est déjà quelque chose de divin (théios). C'est pourquoi S. Augustin pouvait dire : « l'Esprit est celui du Père et du Fils et le nôtre ». Nous avons vu que le paradoxe de l'intellect consistait en ceci qu'il ne peut recevoir en lui la connaissance de toute chose que parce qu'il n'est aucune des choses qu'il connaît. De même, le paradoxe de la connaissance est qu'« elle est fusion anticipée du sujet et de l'objet, mais [qu']elle ne l'anticipe que parce qu'elle ne la réalise pas». C'est que, pour réaliser une telle fusion, une véritable «pneumatisation de l'intellect» est nécessaire, faute de quoi l'intellect n'est jamais que l'aspect cognitif de l'esprit et, même s'il lui est donc essentiellement identique, l'expérience ordinaire n'est jamais que celle de l'intellect seulement. Par contre, une telle « pneumatisation de l'intellect» permettra de révéler la connaturalité ou l'identité essentielle de l'intellectus et du spiritus, telle que Maître Eckhart par exemple la montre (Jean Borella, La charitée profanée, p. 131) (Bruno Bérard, Jean Borella : distinguer entre intelligence et raison, Au commencement est le coeur, 2010 - books.google.fr).

Récemment, Stéphane Toulouse a soutenu à la Ve Section de l'École Pratique une thèse importante, sur « Les théories du véhicule de l'âme : genèse et évolution d'une doctrine de la médiation entre l'âme et le corps dans le néoplatonisme ». Dans ce travail, il esquisse l'origine et le développement de la notion de corps pneumatique, dans le cadre d'une doctrine de l'immortalité et donc de la préexistence de l'âme : ce corps pneumatique se constitue au fur et à mesure que l'âme descend à travers les sphères célestes, et tend vers son incarnation dans un corps humain. En effet, à l'occasion de chaque nouvelle incarnation dans un corps terrestre, l'âme doit voyager depuis la sphère « aplane » [ou ciel des fixes], à travers les sept sphères planétaires et les domaines des quatre éléments, jusqu'à ce qu'elle arrive à la Terre. Mais puisque l'âme, en tant qu'entité intelligible, n'a pas par elle-même de localisation dans l'espace, elle a besoin pour se déplacer d'une sorte de « véhicule » (en grec ancien ochma), constitué d'une substance lumineuse et aérienne, si fine qu'elle se situe aux frontières du matériel et de l'immatériel, du sensible et de l'intelligible. En descendant à travers les sphères célestes, ce véhicule recueille des éléments à partir de chaque sphère, en les intégrant à son corps pneumatique. Lorsqu'elle arrive sur la terre, donc, l'âme ressemble à une espèce d'oignon dont la couche extérieure est formée du corps sensible en chair et en os, et la couche intérieure du nous ou du logos, étincelle du monde intelligible qui constitue ce qu'il y a de divin dans l'homme, son véritable soi-même. Entre l'âme et le corps se situe dorénavant le pneuma, étroitement lié, sinon identique, à l'âme inférieure ou irrationnelle. Au cours de l'existence terrestre de l'individu, ce corps pneumatique, qui sert d'intermédiaire entre le corps et l'âme, est donc, selon les néoplatoniciens, associé à l'âme irrationnelle, et notamment à l'appareil perceptif et représentatif ; c'est-à-dire à la faculté de l'imagination. C'est cette faculté qui intervient comme intermédiaire entre le monde sensible et l'intelligible, assurant la liaison entre, d'une part, la perception sensible, processus par lequel l'esprit reçoit de l'information concernant le monde à travers les cinq sens, et, de l'autre, l'intellection ou la pensée, qui, bien que tournée vers l'intelligible, n'en est pas moins obligée d'avoir recours aux images que lui fournit l'imagination (Michael Chase, Porphyre et Augustin : Des trois sortes de « visions » au corps de résurrection - documents.irevues.inist.fr).

Dans le mythe de Thespésios raconté dans le De sera numinis vindicta par Plutarque, on trouve d'ailleurs un passage où la relation de l'âme avec la matière, et ses conséquences, est décrite en relation avec le destin individuel, en des termes qui semblent avoir inspiré directement Porphyre : "...la partie pensante de l'âme (to phronoun) se liquéfie et se charge d'humidité sous l'effet du plaisir, tandis que la partie irrationnelle (to de alogon) et corporelle, reprenant chair et vie, reveille le souvenir du corps ; et de ce souvenir naît un désir ardent, une nostalgie qui tire l'âme vers la naissance (genesin), car ce mot signifie le penchant vers la terre (neusin epi gèn) d'une âme alourdie d'humidité" (Marco Zambon, Porphyre et le moyen-platonisme, 2002 - books.google.fr).

C'est donc bien l'Esprit (Sel) se chargeant d'"humidité" qui entraîne le Mercure-Âme à la fixité corporelle.

Croix-Logos-Pneuma

La formule "la parole de la croix" (ho logos ho tou stauros) dont il est fait usage en 1 Corinthiens 1, 18 intrigue à double titre. Tout d'abord en raison de son unicité, non seulement dans le corpus paulinien, mais encore dans l'ensemble du Nouveau Testament. A cause de sa position emphatique ensuite, dans cette thèse initiale développée en trois temps de 1, 19 à 2, 5. [...]

Vraisemblablement, celle-ci désigne ici plus globalement ce qui, pour le Tarsiote, est l'axiome fondamental, non seulement de sa propre prédication, mais encore de la foi chrétienne en général. D'après le contexte d'1 Corinthiens 1, 18 - 2,16, Paul réunit en tout cas sous cette désignation plusieurs aspects de la croix à laquelle il regarde, non pas prioritairement en tant qu'événement historique, mais surtout en tant que : a) principe radical à partir duquel est jugée la recherche du monde ; b) lieu exclusif où se révèle la logique paradoxale de Dieu ; c) référence ultime d'où émane une stratégie de communication ; d) impulsion à partir de laquelle s'esquisse une ligne éthique.

« Alors que, dans les formulations traditionnelles ou d'inspiration traditionnelle, c'est la mort de Jésus comme telle qui mobilisait l'attention et demandait à être interprétée, dans les passages dominés par la théologie de la croix, la croix devient le critère à partir duquel toute la réalité est interprétée. [...] Le renversement herméneutique est impressionnant : la croix n'est plus l'objet de l'interprétation, mais son sujet » (Jean Zumstein, « Paul et la théologie de la croix », Etudes Théologiques et Religieuses 76, 2001, p. 487) (Daniel Gerber, La première lettre de Paul, La Croix: représentations théologiques et symboliques, 2004 - books.google.fr).

Le Christ kata sarka n'intéressait pas Paul. Il ne l'avait pas non plus connu, et on lui faisait constamment le reproche de n'avoir connu que le Christ kata pneuma. Il est vrai qu'il était protégé de la distinction gnostique entre le entre le Jésus historique et le Christ de la foi par le fait qu'il introduisait, dans tous les hymnes et confessions de foi au Christ kata pneuma, la croix comme point fixe historiquement vérifiable de la révélation de Dieu dans l'histoire — une révélation certes non satisfaisante pour la raison (Walter J. Hollenweger, L'expérience de l'Esprit: jalons pour une théologie interculturelle, traduit par Catherine Mazellier-Grünbeck, 1991 - books.google.fr).

Christ-Âme sur sa Croix-Logos

Pour se repérer dans son espace de vie, être capable de communiquer sa position ou sa trajectoire, il est nécessaire d'appréhender et de définir des orientations. Aussi l'Homme a-t-il inventé les vocables de gauche et de droite, d'avant et d'arrière, de haut et de bas, d'est et d'ouest, de nord et de sud. Cependant, ces vocables ne sont pas de même essence. La définition du haut et du bas est liée à celle du champ gravitationnel, celle d'avant et d'arrière est liée à une ligne de vision, celle d'est et d'ouest est liée au lever et au coucher du Soleil : elles relèvent d'expériences directes. La notion de gauche et de droite, ou de nord et de sud est d'une autre nature : elles ne relèvent pas d'une expérience, mais d'une convention arbitraire. La difficulté qu'éprouvent certaines personnes à distinguer la droite de la gauche montre que la notion d'orientation n'est pas si simple que cela à percevoir. Elle exige en effet d'introduire une rupture dans une configuration perçue a priori comme ayant une certaine symétrie, et de s'entendre sur des conventions communes. En mathématique, la mise en place de l'orientation s'est d'abord effectuée sur des objets simples – la droite, le plan, l'espace – en s'appuyant souvent sur l'intuition. Le mathématicien s'est ensuite attaché à définir l'orientation de manière plus rigoureuse et sur des objets plus complexes comme les lignes courbes, les espaces de dimension n et les surfaces (fr.wikipedia.org - Orientation (mathématiques)).

Dès le XIIe siècle, le motif géométrique du pavement fut méthodiquement utilisé pour organiser l'espace. Selon Erwin Panofsky, "c'est surtout aux frères Lorenzetti qu'on doit ce grand pus en avant". Dans l'Annonciation peinte en 1344, Ambrogio Lorenzetti réalise ce qu'on appelle une perspective partielle : la partie supérieure de l'œuvre est dénuée de profondeur, mais le dessin rigoureux du pavement en échiquier, avec point de fuite unique, donne "en quelque sorte le premier exemple d un système de coordonnées". Plus tard, évidemment, les mathématiciens et physiciens perfectionneront ces premières démarches de géométrisation de l'espace (La Recherche, 1984 - books.google.fr).

La croix orthogonale ordonne l'espace comme un repère, constitué d'une base vectorielle et d'un point.

Le trouble de l'ancrage temporel et spatial conduit au chaos. Cette notion est soutenue par Claude Lévi-Strauss, qui montre la conjonction entre un temps ordonné, un espace défini et l'établissement de repères fixes. Dans ce "système mythico-géographique", il relève une “correspondance entre l'individuation géographique et l'individuation biologique." Temps, espace, individu et société dépendent les uns des autres, car il existe une "réciprocité de perspectives où l'homme et le monde se font miroir l'un a l'autre“ (Lévi—Strauss, 1962).“ Si cet ancrage disparaît, l'homme se trouve plongé dans le chaos (Hélène Dachez, Ordre et désordre : le paradoxe du bal masqué dans les romans de Samuel Richardson (1689-1761), Littérature et ordre social, Harmattan, 1999, p. 31 - www.youscribe.com).

Le grec ancien appela cette raison commune, cette loi générale, le Logos qui est à la fois la Loi qui ordonne (qui met de l'ordre) et la Parole qui ordonne (qui donne un ordre) (Marc Halévy, Eloge des Esprits Libres, 2014 - books.google.fr).

Ainsi la notion de Croix-Logos se trouve justifiée par l'aspect ordonnateur des ses deux composants.

14 stations et 14 parties du Cosmos

La courte présence des Francs marqua profondément le visage de Jérusalem. Le Saint-Sépulcre fut rebâti, de nombreuses églises de style roman furent édifiées. Un chemin de croix avait été inauguré sur la Via dolorosa? À partir du XIV° siècle, les Franciscains invitaient les fidèles qui venaient en pèlerinage à Jérusalem, à marcher du tribunal de Pilate au Calvaire, en souvenir de la passion de Jésus. Puis à partir du XV° siècle, les Franciscains firent des représentations des différentes étapes du chemin parcouru par le Christ lors de sa passion : cela permettait aux chrétiens qui ne pouvaient aller à Jérusalem de méditer sur les derniers moments de la vie du Christ. Les Franciscains diffusèrent cette dévotion, comme ils le firent pour la crèche de la nativité. Le nombre des stations varia jusqu'à la fin du XVII° siècle où il fut fixé à quatorze. Ce sont les papes Clément XII et Benoît XIV qui fixèrent la forme de cette dévotion. Parfois, il peut y avoir une XV° station qui fait le lien entre la mort et la résurrection du Christ ; à Lourdes, il y a une XV° station « Avec Marie dans l'espérance de la résurrection du Christ ». La plupart des événements représentés par le chemin de croix sont rapportés dans les Évangiles (Évangiles selon Saint Matthieu, XXVI-XXVII, selon Saint Marc, XIV-XV, selon Saint Luc, XXII-XXIII, et selon Saint Jean, XVIII-XIX).

Toutefois, cinq stations ne sont pas rapportées dans les quatre évangiles : la III° station : Jésus tombe sous le poids de sa croix ; la IV° station : Jésus rencontre sa mère ; la VI° station : Véronique essuie le visage de Jésus ; la VII° station : Jésus tombe pour la deuxième fois ; la IX° station : Jésus tombe pour la troisième fois.

Ces cinq stations correspondent à des événements rapportés dans les évangiles apocryphes, c'est-à-dire non reconnus officiellement par l'église catholique (www.paroisse-saintmatthieusurloire.fr - Chemin de croix, www.larousse.fr - Jérusalem).

Comme il y a 14 stations dans le chemin de croix, certaines conceptions du Cosmos présente 14 parties, en particulier chez Cornelius Valerius (XVIème siècle).

Nous nous servirons, pour décrire la structure de l'univers, principalement du Tractatus de Sphaera de Johannes de Sacrobosco et du De Sphaera et primis astronomiae rudimentis de Cornelius Valerius ce sont deux manuels scolaires, dont le premier, écrit vers 1220, resta inscrit pendant des siècles au programme de nombreuses universités européennes, dont celles de Paris, d'Oxford, de Vienne, de Bologne et de Prague, et dont le second mérite l'attention par la clarté exemplaire avec laquelle il expose la doctrine traditionnelle. Le monde, dit Valerius, se compose de quatorze parties : au règne des quatre éléments, au monde sublunaire se superposent les dix cieux. Au-dessus du dixième ciel se trouve le ciel empyrée, l'immobile siège des âmes bienheureuses (ubi quieta sit felicium animarum sedes). Par contre, le dixième ciel est le primum mobile, il comporte le mouvement du monde (mundi motus qui reliquos orbes inferiores quotidie secum rapit atque circumagit). Sur tous, écrit Baïf, Dieu ébranla pour iamais n'avoir cesse / Le ciel premier-mouvant. Au sujet du nombre exact des cieux supérieurs il y a quelques divergences ; Sacrobosco n'en connaît que neuf, le neuvième est pour lui le primum mobile, il ne cite ni le ciel empyrée ni ce neuvième caelum aquaeum & crystallinum, dont la fonction n'est pas très claire chez Valerius non plus (A. Kibédi Varga, Poésie et cosmologie au XVIème siècle, Lumieres de La Pleiade, Volume 11 de De Petrarque a Descartes, 1966 - books.google.fr, Robert Pring-Mill, Le microcosme lullien: introduction à la pensée de Raymond Lulle, 2008 - books.google.fr).

Macrobe préserve un schéma, sans doute porphyrien d'origine, où l'âme acquiert sept facultés au fur et à mesure qu'elle descend : c'est ainsi qu'elle reçoit le "logistikon" dans la sphère de Saturne, le "praktikon" dans celle de Jupiter, le "thumikon" dans celle de Mars, l'"aisthètikon" chez le Soleil, l'"epithumètikon" chez Vénus, la faculté d'interpréter ("ermèneutikon") chez Mercure, et le "phutikon" dans la sphère de la Lune.

Sous l'emprise donc de ce premier poids, l'âme se détache du zodiaque et de la Voie Lactée vers les sphères inférieures et tombe à travers elles, se revêtant au passage par chacune non pas seulement, comme nous l'avons déjà dit, d'un corps lumineux mais aussi produisant dans chacune ces facultés qu'elle devra exercer : dans Saturne la faculté raisonnable et l'intelligence qu'on appelle logistikon et theoretikon ; dans Jupiter la faculté de se mouvoir, qu'on appelle praktikon ; dans Mars, le foyer de l'énergie, qu'on appelle thymikon ; dans le soleil la nature de la sensation et de l'opinion, qu'on appelle phantastikon et aisthetikon ; le mouvement du désir, appelé epithymetikon, dans Vénus la faculté de s'exprimer et d'interpréter ce que l'on perçoit, qu'on appelle hermeneutikon, dans l'orbite de Mercure ; le phytikon ou la faculté de planter et de faire croître des corps, elle l'assume dans le mouvement rétrograde du globe lunaire (Ioan P. Culianu, Expériences de l'extase: extase, ascension et récit visionnaire de l'hellénisme au Moyen Age, 1984 - books.google.fr).

Que l'astronomie de la République, du Timée, des Lois, soit mathématique, c'est ce que montrent les efforts pour déterminer numériquement les relations des astres. On a parlé déjà des analogies avec la gamme, et pour l'ordre des vitesses, et peut-être pour la structure du monde (les distances ayant rapport aux longueurs des cordes de l'hepta-corde — ce qui n'est pas énoncé par Platon, mais ce qui semble avoir été admis par certains pythagoriciens). On peut croire que Platon qui est sur le terrain du mythe et fait parler un pythagoricien, n'a admis, quant à lui, l'harmonie des sphères qu'au point de vue mathématique et comme expression des rapports numériques concernant la structure du monde : les distances relatives des astres. Seulement on trouve entre ceux-ci, aussi bien dans la République que dans le Timée, une série de nombres se rapportant également aux planètes et qui ne sont pas ceux des intervalles de la gamme. Ces nombres sont définis par la progression des doubles 1.2.4.8 et des triples 1.3.9.27. L'unité étant commune aux deux, et prise pour origine, nous avons autant de nombres que de planètes 1. puis 2. 4. 8, et 3. 9. 27 : les deux séries représentant, comme le dit le texte, 6 coupures faites par le démiurge dans l'étoffe, le disque de « l'autre », formant bien 7 anneaux concentriques. Ces nombres sont exactement les mêmes que ceux dont il a été parlé quelques pages avant pour les divisions de l'âme du monde. Le corps du monde est donc divisé comme son âme et ne forme vraiment avec lui qu'une unité systématique où l'âme donne le mouvement et les astres l'exécutent. Chaque astre, étant dieu, d'ailleurs, a son âme propre obéissant à celle du monde (Aristote, moins panthéiste, admettra, lui aussi, des moteurs immobiles — relativement et par essence seulement — dans chaque astre recevant l'impulsion finaliste (sans contact matériel) du premier moteur immobile et incorporel). Il est bien difficile de savoir à quoi correspond cette progression en nombres entiers, formée de deux progressions à raison différente. Elle n'a pas de rapport direct avec la gamme, la source des progressions jusque-là envisagée. Pour lui en donner un, il faudrait, comme Th. H. Martin l'a fait, considérer cinq gammes diatoniques successives. Aucun texte ne l'indique. Bien plus, ces nombres mesureraient les distances des planètes à la terre, la plus courte, celle de la Lune, étant prise pour unité. Puisque 27 indiquerait la distance de Saturne, 9 celle de Jupiter, l'intervalle entre les deux, 18, serait de beaucoup le plus large de tous les intervalles. Inconciliable avec un texte formel disant que les deux cercles de Jupiter et de Saturne sont les plus étroits des sept : les deux cercles, c'est-à-dire les deux couronnes ou anneaux qui séparent Saturne de Jupiter, et Jupiter de Mars. M. Rivaud propose que ces nombres indiquent les largeurs de ces anneaux par rapport au plus étroit, celui de Saturne.

Un texte de la République range les planètes dans l'ordre suivant : Vénus, Mars, Lune, Soleil, Mercure, Jupiter, Saturne, au point de vue de la largeur des anneaux. Si nous essayons de concilier les deux textes, l'anneau le plus large est celui de Vénus qui aurait ainsi pour largeur (sa distance au soleil) 27. Viennent ensuite celui de Mars, 9 ; de la Lune, 8 ; du Soleil, 4 ; de Mercure, 3 ; de Jupiter, 2 ; enfin de Saturne, 1. (Abel Rey, La science dans l'antiquité, Volume 4, 1946 - books.google.fr).

L'opinion qui faisait circuler Mercure et Vénus autour du soleil, et que Théon de Smyrne (Adraste) nous a rapportée comme plausible, quoique purement conjecturale, n'est attribuée par lui à aucun auteur déterminé. D'après le commentaire de Chalcidius sur le Timée, elle remonterait jusqu'à Héraclide du Pont, ce disciple de Platon qui admettait également la rotation de la terre autour de son axe, l'immobilité des fixes et l'infinitude du monde. Vitruve (IX, 4) n'en connaît pas d'autre, et nous la retrouvons de même dans Martianus Capella. Macrobe enfin (Commentaire sur le songe de Scipion, I, 10), en fait honneur aux Égyptiens, ce qui doit seulement signifier qu'elle s'était perpétuée comme tradition des astronomes alexandrins antérieurs à notre ère. Il est certainement singulier que Ptolémée ait absolument passé sous silence une opinion qui méritait au moins une mention. Il se contente, au sujet de l'ordre des planètes, de rappeler que, pour ainsi dire, tous les mathématiciens, dès l'origme, ont placé au plus loin au-dessous de la sphère des fixes la planète de Saturne, et successivement plus près de la terre, d'abord celle de Jupiter, puis celle de Mars; que les plus anciens ont mis Vénus et Mercure entre le soleil et la lune, tandis quu plus tard quelques-uns les ont reculés au delà du soleil pour ce motif qu'on ne les voyait jamais passer sur cet astre, raison qui lui paraît faible. Comme nous savons qu'Eudoxc (ainsi que Platon et Aristote) avait adopté l'ordre : Lune, Soleil, Vénus, Mercure, Mars, Jupiter, Saturne, il faut en conclure que, par les plus anciens mathématiciens, Plolémée entend les Chaldéens, dont dont l'ordre Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne, fut adopté par les stoïciens et probablement, dès lors par Apollonius de Perge, s'il ne se prononça pas explicitement pour la thèse d'Héraclide. A partir de celle époque, l'ordre chakléen devint classique, tandis qu'Archimède suivait encore la tradition grecque antérieure.

L'autre ordre, le seul que les Grecs aient connu avant le chaldéen, doit avoir été emprunté par eux aux Egyptiens, quoique Macrobe, dans le passage cité plus haut, attribue à ceux-ci, pour les besoins de sa cause, le suivant : Lune, Soleil, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne. Cet ordre, qui parait avoir été suivi par Eratosthène, est en effet compatible avec l'idée de la circulation de Mercure et de Vénus autour du Soleil ; l'ordre d'Eudoxe, au contraire, ne l'est point (Paul Tannery, Recherches sur l'histoire de l'astronomie ancienne, - books.google.fr).

Les chutes

Par trois fois Jésus tombe, l'âme rechute dans le corps : ce sont les affres de la mort. Par trois fois il se relève, la troisième est la bonne son âme atteint le Soleil.

A chaque chute de Jésus-Âme sur le chemin, il "regrette" de quitter ce corps dans lequel l'âme a "chuté".

Station III : Jésus tombe une première fois (Marcolès) ; Station VII : Jésus tombe une deuxième fois (Ribérac) ; Station IX : Jésus tombe une troisième fois (Huriel)

Il y a une chute dans l'oeuvre au noir et deux dans l'oeuvre au blanc qui est un processus de sublimation ou de distillation.

Descension et ascension sont les deux mouvements principaux de la « matière » dans le Vase (Françoise Bonardel, Philosophie de l'alchimie: grand œuvre et modernité, PUF, 1993, p. 218).

La distillation (correspondant à la Vierge), encore appelée cohobation, ablution, imbibition, consistait à séparer les parties subtiles de la matière, à séparer le volatil du fixe, à les faire circuler dans le vase «luté» hermétiquement. Elle comprenait l'ascension et la descension selon que le produit montait ou descendait dans le vase (Jacques Van Lennep, Alchimie: contribution à l'histoire de l'art alchimique, 1985 - books.google.fr).

La descension est une chute.

Rochemaure - Fronsac : Oeuvre au noir

Rochemaure (Station I : Jésus est condamné à mort) : le verre

Le négrillon de la première station du chemin de croix de Rennes-le-Château est tout à fait parlant : on entre dans l'oeuvre au noir.

Qu'on se reporte cependant à la planche 29 du Florilège de l'Art secret "ALCHIMIE", publié au Seuil en 1974 par Stanislas Klossowski de Rola. On y verra deux superbes noirs [...]. Et voici le commentaire de cette image en couleur : "Le jeune éthiopien sur le chameau représente la noirceur - Nigredo -". Or cette illustration de Nicola d'Antonio degli Agli est contemporaine de notre galerie bisontine puisqu'elle date de 1480. Ainsi, au XVe siècle, on représentait l'Oeuvre au noir à l'aide d'un "éthiopien" (Thierry Miguet, Sur le balcon de l'ordre du Saint Esprit de Besançon, Mélanges Roland Fietier, 1984 - books.google.fr).

Le pneuma désigne l'air ou le vent en grec, "le souffle qui donnait la vie et le mouvement à toute la machine" selon Voltaire (Voltaire, Dictionnaire philosophique, oeuvres complètes, tome VII - books.google.fr).

Le chemin de croix inversé commence ici, à Rochemaure (Air, sang, bleu, verre, Gabriel), alors que la vie est encore là, plus pour longtemps. Dans l'oeuvre au noir, Soufre (Corps) et Mercure (Âme) se dissocient. C'est la "véritable mort" d'un homme, telle qu'on peut la concevoir si on croit à l'âme. Tandis que l'homme est en train de mourir, son âme est déjà condamnée à s'incarner de nouveau. Séparée de son pneuma dans le corps du vivant, elle en est chargée pour remonter.

L'âme étant mêlée à tout le corps, le problème de la localisation ne se pose qu'à propos de la partie gouvernante (Plutarque, Opinions des philosophes, annoté par Guy Lachenaud, Plutarch 1993 - books.google.fr).

Ainsi il est nécessaire de les séparer (oeuvre au noir).

Station II : Jésus est chargé de sa croix (Aubenas) : Jésus porte sa croix comme l'âme porte le pneuma, ou plutôt s'en revêt dans sa remontée. L'âme porte le pneuma comme un vêtement : d'où l'expression "tuniques de l'âme" (Saint Augustin).

L'oeuf des philosophes ou encore, ventre, matrice, chambre, maison, écuelle, bain-marie, etc. Symbolise le ballon de verre ou matras dans lequel on place le Mercure et l'Or des Sages, selon les proportions requises. Huginus à Barma précise que: « Le vase de l'Art est l'Œuf des Philosophes, qui est fait de verre très pur, ayant le cou de longueur moyenne; il faut que la partie supérieure du cou puisse être scellée hermétiquement et que la capacité de l'œuf soit telle que la matière qu'on y mette n'en remplisse que le quart » (Le Règne de Saturne). Philalèthe insiste sur la nécessité de cette obturation: « Aye un vaisseau de verre fait en ovale, qui soit rond et assez grand pour contenir une once d'eau distillée dans toute la capacité de sa panse... Il le faut sceller par le haut avec cette précaution qu'il n'y ait ny fente, ny aucun trou, autrement ton ouvrage serait perdu. (Entrée ouverte au Palais fermé au Roi). Dans le Songe Vert, on parle d'une maison de verre parfaitement close où l'on introduit les époux, et l'on ferme la porte avec la matière même dont la maison est composée. On peut utiliser un vaisseau de n'importe quelle forme, comme nous l'indique Libavius: « Les uns se servent de vaisseaux de verre ronds ou ovales. D'autres préfèrent la forme d'aludel, ils prennent un vaisseau dont le col court pénètre dans un vaisseau dont le col court pénètre dans un autre vaisseau qui sert de couvercle, on les lute » (De lapide philosophorum). « Prenez garde encore que la coque de l'œuf ne se casse, qu'elle ne donne passage à l'air; sans quoi vous ne feriez rien de bon » (Huginus: La Pierre de Touche, XXVII) (Fabrice Bardeau, Les clés secrètes de l'alchimie, 2010 - books.google.com).

Les alchimistes prétendent reproduire les processus naturels dans la maturation des métaux.

En 1666, Louis de La Forge, disciple de Descartes, disait que les corps que le chimiste produit dans son creuset paraissent bien identiques à ceux de la nature - le verre obtenu dans le laboratoire et dans un volcan sont de même espèce -, et d'autre part le feu qui les fait naître dans la cornue agit comme agent naturel. Rien donc n'autorise à séparer comme le font les péripatéticiens les corps naturels des corps artificiels (Bernard Baertschi, Les rapports de l'âme et du corps: Descartes, Diderot et Maine de Biran, 1992 - books.google.com).

Faujas de Saint Fond avait trouvé de l'obsidienne, verre de volcan, au Chenavari, près de Rochemaure.

Sur ce segment se trouve Rocamadour (Station IV : Jésus rencontre sa mère) qui possède une Vierge noire, noir comme l'oeuvre en cours.

Carsac de Gurson (Station V : Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix) était bien connu de Michel de Montaigne qui s'inspira d'Aristippe de Cyrène (Vème siècle avant J.-C.) qui passe pour avoir fondé l'école dite « cyrénaïque » des hédonistes, ou partisans du plaisir en toute chose (hédonè en grec), car ces philosophes étaient tous originaires de Cyrène.

L'étymologie du nom de Cyrène est incertaine. Callimaque dit que la fontaine d'Apollon s'appelait Cyra ou Cyre. Il est plus vraisemblable qu'elle tire son nom du mot grec ancien « kurê » signifiant asphodèle (plante qui dit-on était aux morts), car il y avait à Cyrène des asphodèles en quantité. Cyrène pourrait aussi avoir pris le nom de l'oasis où elle fut fondée, ce qui amènerait à dire que le rapport avec la nymphe « Kurènè » serait purement fortuit (Pierre Gouirand, Aristippe de Cyrène: le chien royal : une morale du plaisir et de la liberté, 2005 - books.google.com).

Or la prairie d'asphodèles est un séjour des âmes des morts.

Au-delà de l'Achéron, dit Lucien dans Sur le deuil, est une vaste prairie d'asphodèles, à travers lesquels passe le Léthé, fleuve d'oubli. Homère parle également, dans l'Odyssée, de cette prairie des enfers, lorsqu'au Chant XI, Ulysse est arrivé aux demeures d'Hadès. Achille, charmé d'apprendre de la bouche d'Ulysse que son fils a paru avec éclat parmi les héros, s'éloigne et traverse à grands pas la sombre prairie d'asphodèles. A la fin du même poème, Homère nous montre les chefs usurpateurs du palais d'Ulysse immolés par le héros, et leurs ombres conduiles par Mercure aux prairies où fleurit l'asphodèle, qu'habitent les morts, vains et légers fantômes. L'asphodèle était donc, chez les Grecs, et surtout chez les Égyptiens, une plante sépulcrale comme le lis, le narcisse, la violette, l'amarante et le plantain mystique (L'asphodèle, Répertoire médical, Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, Volume 1862, 1862 - books.google.com).

Originale est l'explication qu'en donne Robert Graves, comme toujours un peu décalée : "L'adjectif du vocabulaire homérique asphodelos s'appliquant uniquement à leimônes (prairies) signifie probablement: «dans la vallée de ce qui ne se réduit pas en cendres» (a privatif, spodos: cendre, elos: : vallée), c'est-à-dire «l'ombre du héros après que son corps a été brûlé. » On avait aussi coutume de planter des asphodèles sur les tombes (cf. Dierbach (1833), pp. 143-144 et Miirr (1890), p. 242). Toutefois, la présence d'asphodèles est également mentionnée par les auteurs anciens dans d'autres lieux que les Enfers. Ainsi, dans l'Hymne homérique à Hermès (v. 22 1 et 344), l'asphodèle semble être une des plantes qui poussent dans les prairies où paissent les vaches d'Apollon, dérobées par le jeune Hermès et dans les Argonautiques orphiques, l'asphodèle est cité dans le catalogue des plantes médicinales (rhizaî) qui poussent dans le jardin d'Hécate (v. 915) déesse, il est vrai, en rapport étroit avec le monde souterrain et la magie (Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l'Antiquité, 2003 - books.google.com).

L'"appel" du séjour des âmes soulage le Christ-Âme en l'encourageant à poursuivre son chemin.

Fronsac (Station VI : Une femme essuie le visage de Jésus) : chien et taureau

Selon esprit de Gobineau de Montluisant, au portail de Notre Dame de Paris, "la figure de ce chien posé sur le dos, sur lequel est un oiseau, nous fait entendre que ce chien est le corps ou le sel de la matière universelle, fidèle à l'artiste qui sait le travailler, et l'oiseau représente l'esprit de la même matière, lequel y est posé. Cette matière est connue communément sous les noms de soufre et de mercure, et le sel pour tiers et copule ou liaison, y étant compris comme indivisible des deux, qui sont le corps et l'esprit" (Adolphe Napoléon Didron, Edouard Didron, Annales archéologiques, Volume 21, 1861 - books.google.com).

Le taureau représente la terre ou le sel des philosophes (Éliphas Lévi, Dogme et rituel de la haute magie, 1861 - books.google.com).

Le Chien que nous voyons à côté du Taureau, est Sirius, génie du Taureau, celui qu'Oromaze avoit mis à la tête de tous les génies, & qui par son coucher héliaque annonçoit l'équinoxe du printemps, comme nous le dit Virgile dans les vers que nous avons cités ci-dessus. Les Romains immoloient un Chien en l'honneur du Chien céleste, sous le signe du Taureau, dans les fêtes appellées Robigalia, le septième jour avant les Calendes de Mai, neuf jours après l'entrée du soleil au Taureau. Pline ajoute : Hoc tempus Varro déterminat sole decimam partem Tauri obtinente... Quod canis occidit, sidus per se vehemens, &c. ( Pline, Liv. XVII). C'est ce Chien qui fournissoit les attributs du Cynocéphale, ou de l'homme à tête de Chien, dont se servoient les Egyptiens, suivant Hor-Apollo, pour peindre l'équinoxe. C'est ce Chien qui étoit un des quatre animaux sacrés qui précédoient les processions Egyptiennes; suivant saint Clément d'Alexandrie, il désignoit le passage du soleil d'un hémisphère à l'autre, & il gardoit le passage du soleil au Nord, Transitum solis ad Arctum. Le Chien est représenté léchant le sang du Taureau, qui doit, comme celui d'Uranus, féconder la terre (Joseph Jérôme Le Français de Lalande, Astronomie, Volume 4, Desaint, 1781 - books.google.com).

On retrouve ainsi l'homme à tête de chien de La Fée aux Miettes de Charles Nodier, le bailli de l'Île de Man, associé au personnage principale Michel.

Le sel est ce qui unit les deux principes (Béroalde de Verville, L'histoire véritable ou le voyage des princes fortunés, annoté par Georges Bourgueil, 2005 - books.google.com).

Pour Pernety, le Rebis est la fusion des principes masculin et féminin, réunis dans le vase à la fin de la première opération. Dans son Dictionnaire mythohermétique, Pernety précise que « les philosophes ont donné aussi le nom de Rebis à la matière de l'œuvre parvenu au Blanc, parce que c'est alors Mercure animé par son soufre... » (Umberto Eco, Les limites de l'interprétation, 1992 - books.google.com).

Fronsac - Huriel : Oeuvre au blanc

Fronsac (Station VI : Une femme essuie le visage de Jésus)

Fronsac est associé à la rate, la bile noire, à l'élément Terre, à la Lune, à saint Michel, à la couleur verte :

Selon Paulette Duval, l'homme pâle devenant vert correspondrait à l'oeuvre au blanc (La pensée alchimique et le conte du graal, Champion, p. 147). Vert de saint Michel à Fronsac, début de l'oeuvre au blanc.

Aristote affirme que la qualité hautement pneumatique de la bile noire est analogue à la nature divine, parce que le pneuma, le souffle – le latin traduit par spiritus, esprit – qui rend leur bile chaude participe de la qualité propre au divin (Ileana Chirassi Colombo, Teras ou les modalités du prodige, La raison des signes.: Présages, rites, destin dans les sociétés de la méditerranée ancienne, 2011 - books.google.fr).

Véronique essuie le visage de Christ-Âme. "Le langage est le visage de l'âme" dit Sénèque (Morale, CCVIII). Le linge blanc de Véronique sur lequel se fixe le visage du Christ est aussi parlant : c'est l'oeuvre au blanc.

Sainte Véronique bénéficie en tous pays de la dévotion à la Sainte Face avec laquelle elle s'identifiait. On croyait que quiconque avait regardé cette image se mettait pour la journée à l'abri d'une mort violente : c'était à la fois une amulette et une source d'indulgences. C'est pourquoi les dévotes interfoliaient volontiers dans leurs Livres d'Heures des images de Véronique portant la Sainte Face. De là vient aussi que la sainte jouissait du privilège d'être invoquée, comme saint Christophe et sainte Barbe, , contre le danger d'une mort subite, sans confession. En Normandie, les femmes avaient recours à sainte Venice (Venisse), la prétendue Hémorroïsse, pour leurs règles. On l'invoquait, en cas d'excès ou d'insuffisance des menstrues, en attachant autour de son cou un ruban blanc ou rouge. Elle passait pour guérir la stérilité. Des patronages de corporations contribuèrent à sa popularité. Elle avait été choisie comme patronne par les marchands et marchandes de toiles, dont elle était censée avoir exercé le métier. Une ordonnance du roi Charles VI, datée de 1382, autorise les marchands de toiles » es halles de Paris » à fonder une » Confrérie en l'honneur de sainte Venice (Véronique) en l'église parrochiale de saint Eustache ». Elle était invoquée par les tingères et blanchisseuses à cause du linge blanc où elle avait pris l'empreinte du visage de Jésus (Louis Réau, Iconographie de l'art chrétien: Iconographie des saints, Volume 3, 1959 - books.google.com).

La forme populaire Venisse repose sans doute sur le gallo-roman °VERONICIA, dérivé en -IA de Veronica; ce dernier nom est généralement considéré comme la contraction du latin vera iconica, « relative à la vraie image », locution initialement appliquée à la relique elle-même avant d'être prise pour le nom d’un personnage. Le nom de Veronica a souvent été confondu avec celui de Berenice [forme macédonienne correspondant au grec "Phereníkè" « qui (ap)porte la victoire »], martyre du IVème siècle qui passe parfois pour avoir été l'auteur d’un portrait du Christ (par la suite considéré comme miraculeux), et dont Veronica peut représenter une altération, par croisement avec vera iconica. Reste que cette dernière locution peut fort bien ne représenter qu’une étymologie populaire (www.wikimanche.fr - La Bloutière).

Adoptant en grande partie l'opinion de Mabillon et de Papebroch, j'avais d'abord supposé que le nom de Beronikè, Bérénice, donné dans l'évangile de Nicodême à la femme que le Sauveur guérit d'effusion de sang, était une altération par métathèse de Vera icon. Ce nom était consacré aux images du Christ et on l'appliqua plus lard, par confusion, à la sainte femme qui, suivant une légende fort accréditée dans ces derniers siècles, reçut sur le voile dont elle essuyait la figure inondée de sueur de Jésus, l'empreinte auguste appelée Sainte Face. Telle était, en effet, l'idée qui s'offrait le plus naturellement comme explication de ce nom de Beronikè qui apparaît pour la première fois dans l'évangile de Nicodême, c'est-à-dire vraisemblablement au commencement du Ve siècle. Mais les explications les plus naturelles ne sont pas toujours les plus vraies, et une étude plus attentive du sujet m'a convaincu que l'erreur sur laquelle reposait la légende, n'était ni si simple, ni même si grossière. Le nom de Beronikè n'eut d'abord rien à démêler avec Vera icon, il est le résultat de l'altération d'un tout autre nom, Prounikè ou Prounikos qui fut donné à cette même hémorroïsse par les Valentiniens, une des plus importantes d'entre les sectes gnostiques. C'est ce que nous apprend Origène dans son traité contre Celse : « Les Valentiniens , dit-il, dans leur doctrine mensongère, parlent d'une certaine Prounice à laquelle ils donnent le nom de sagesse et dont ils veulent que cette femme de l'évangile qui eut une perte de sang durant douze années, ait été le symbole. Celse, qui eu a entendu parler et qui confond les idées des Grecs, des barbares et des hérétiques, change cela en la vertu d'une certaine vierge Prounice. »

Entre ces deux noms de Beronikè et de Prounikè appliqués tous deux à l'hémorroïsse, le premier au commencement du Ve siècle, le second au IIe siècle, la ressemblance est trop grande pour que l'on ne doive pas conclure que le premier n'est qu'une altération du second. Remarquons d'ailleurs que les manuscrits de l'évangile de Nicodême varient sur la forme du premier nom. L'un des manuscrits de la bibliothèque de Munich, porte Bernikè, laquelle forme se retrouve aussi dans saint Jean Damascène. Tandis que dans une description anonyme de Constantinople, publiée par le P. Combefis, le nom est écrit Beronoikè. Or cette forme Bernikè se rapproche encore davantage de Prounikos, et pour cette raison me la fait tenir pour plus ancienne que Beronikè, dernier terme d'une suite d'altérations qu'on avait fait graduellement subir au nom primitif Prounikè, que les légendaires grecs des premiers siècles ne comprenaient pas plus que Celse et qu'ils s'efforçaient de rapprocher d'un nom qui leur fût connu, tel qu'était celui de Beronikè, sans s'embarrasser que ce nom, du dialecte macédonien, n'a pu être porté par une femme juive. Mais vous savez mieux que moi, Monsieur, que les Grecs étaient dans l'usage d'altérer les noms étrangers dont le sens leur échappait, de façon à les ramener à des noms qui leur fussent intelligibles. Et quoique le mot Prounikos appartint à la langue hellénique, le sens que lui attribuaient les Valentiniens ne pouvait être entendu du vulgaire. Vous comprendrez donc que l'auteur de l'évangile de Nicodême ou quelque autre légendaire auquel ce faussaire l'aura emprunté, ait fait de la Prounice, l'hémoroïsse, type de la sagesse chez ces gnostiques, une femme appelée Bernice ou Bérénice.

Ce qui aura pu aider à cette métamorphose, c'est que dans les homélies attribuées à saint Clément et qui ne sont vraisemblablement autres que l'ouvrage apocryphe appelé Récognitions de saint Pierre, on parle d'une femme nommée Bernikè qui est qualifiée de fille de Justa la Chananéenne. Cette Bernice reçoit à Tyr, Clément, Nicetas et Aquila, à leur arrivée de Césarée de Straton, et leur raconte les œuvres de magie de Simon le Magicien dont elle a été témoin. Or l'hémorroîsse était, suivant une légende accréditée au temps d'Eusèbe d'une autre ville de Palestine, appelée aussi Césarée, Paneade ou Césarée de Philippe. Ce rapprochement aura pu se présenter à l'esprit du légendaire qui aura confondu ces deui chrétiennes des temps apostoliques. Mais quoi qu'il en soit, il n'en est pas moins très-vraisemblable que ce nom de Bernikè dérive de Prounikè.

Une fois l'hémorroîsse baptisée du nom de Bérénice, on lui chercha une filiation. On l'identifia avec Bérénice, nièce du roi Hérode, fille de sa sœur Salomé, puis la confondant avec un martyr d'Antioche Beronikos ; on la fit souffrir pour la foi dans cette ville.

Puisque la Prounice des Valentiniens a été l'ancêtre de Bérénice l'hémorroïsse, il nous faut chercher ce que c'était que celte femme allégorique que Celse, comme les légendaires, avait prise pour une vierge réelle. Nous trouvons dans presque toutes les doctrines gnostiques le nom de Prounice, Prounikos, appliqué à une forme de la Sophia Achamoth qui joue, dans ces doctrines, un si grand rôle. Dans le système religieux de Simon le Magicien, Prounice, Prounikos, est un des noms de Ennoia, la première pensée de Dieu qui a créé les anges et le monde par leur ministère. Cette Ennoia-Prounice s'était, disait-on, incarnée dans Hélène, sa concubine.

Il se peut que Valentin ait traîné avec lui une de ces hystériques ou extatiques qui se donnaient comme des incarnations de la Sophia, du Pneuma, telles qu'étaient l'Hélène de Simon et la Philoumène d'Apelles.

Mais c'est chez les Valentiniens que cette Prounice paraît avoir joué le plus grand rôle. Ces gnostiques reconnaissaient non-seulement une intelligence céleste, sous le nom de Prounice, mais ils avaient encore imaginé une pentade de ces Prounices auxquelles ils donnaient les noms de Carpistes, Horothètes, Charisterios, Aphetos et Métagogeus, nées de la conjonction des personnes de l'Ogdoade entre elles, et auxquelles ils attribuaient les deux sexes. Ces Prounices sont des Éons inférieurs qui ne font que déployer les attributs et réfléchir les images des Éons supérieurs; ils sont issus de la Sagesse, Sophia, qui partage avec eux le nom de Prounicos. Les Valentiniens, de même que les Barbelonites et les Ophites, racontaient sur cette Sagesse un mythe dont le fond était sa chute, sa précipitation dans le chaos, lequel était le reflet de In théorie psychogonique de certains Alexandrins.

Le culte d'une certaine sainte Venise remontait en France à une époque fort reculée et dans laquelle on s'imagina reconnaître la sainte Véronique en question. Cette sainte singulière rentre dans cette classe assez nombreuse de saints locaux et ignorés qui tirent, Monsieur, leur origine de divinités païennes. La piété crédule des paysans gaulois transforma en saints et saintes les simulacres de dieux qu'ils avaient adorés avant leur conversion. Sainte Venise est très-certainement de ce nombre, et il n'est pas difficile d'y reconnaître la Venus latine adorée jadis par la population gallo-romaine. Un de vos confrères à l'Institut, M. Dureau de la Malle, a la dernièrement, devant cette savante compagnie, une note intéressante sur le culte de cette sainte dans trois communes du Perche, Ceton, Courthioust et Saint-Marc de Reno (Orne). Il est fort curieux de retrouver des traces non équivoques du ceste de Venus dans ce ruban passé autour des reins de la statue et que les malades d'amour qui viennent implorer la sainte, se placent ensuite au même endroit. Mais ce que votre savant confrère n'a point dit, c'est que le culte de la môme sainte existe ou existait du moins dans le siècle dernier, au Bois-Guillaume , en Normandie, près Rouen, à Valenciennes et à Tournai en Belgique. Jadis à Paris il y avait, près l'église Saint-Eustache la halle de Sainte-Venise. La légende de cette sainte, telle qu'elle est rapportée par Petrus Subertus, dans son ouvrage intitulé : De cultu vineat Domini, telle qu'on la lit dans un fragment attribué à Luitprand de Crémone, auteur du Xe siècle, et dans la chronique de Dexter, achève de démontrer l'origine païenne et, passez moi l'expression , Monsieur, toute aphrodisiaque de cette sainte qu'on chercherait vainement dans les actes. (Alfred Maury, Lettre à M. Raoul Rochette, sur l'étymologie du nom de Véronique, Revue archéologique, Volume 7, Leleux, 1850 - books.google.fr).

On pourra remarquer la ressemblance (fortuite ?) de l'ochema néoplatonicienne (char, véhicule), dénomination du pneuma, et de l'hochmah kabbalistique, la Sagesse, qui pourrait être une variation de la Sophia gnostique. La Merkaba est la traduction hébreue de char, véhicule de l'âme dans la kabbale.

La pneuma grecque a encore un sens matériel chez Aristote, les Stoïciens et Plotin ; elle acquiert une plus haute spiritualité avec Philon d'Alexandrie qui identifie logos, sophia et pneuma (Roland Maspétiol, Esprit objectif et sociologie hégélienne, 1983 - books.google.fr).

Sainte Hélène, mère de Constantin, du même nom que la parèdre de Simon le Magicien, est à l'origine de l'« invention de la Croix » (fêtée le 3 mai).

Le judaïsme hellénistique avait développé une vision de la sagesse ; il mettait en relation sophia, logos et pneuma (Yves Congar, Aperçu de pneumatologie, Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques, Volume 62, Vrin., 1978 - books.google.fr).

Dans De Homero du Pseudo-Plutarque il est dit que le sang est la nourriture et l'aliment du pneuma, et que le pneuma est ou bien l'âme elle-même, ou bien le véhicule de l'âme (Stéphane Toulouse, Le véhicule de l'âme chez Galien et le Pseudo-Plutarque, Questions aristotéliciennes, 2002 - books.google.fr).

On voit bien le rapprochement de Véronique hémoroïsse, et de la Sophia Prounikos/Pneuma.

Porphyre dit que le sang est la nourriture de l'esprit, & que l'esprit est le véhicule de l'âme (Jean Le Clerc, Bibliothèque choisie, pour servir de suite à la Bibliotheque universelle, Volume 8, Henri Schelte, 1706 - books.google.fr).

Sel ou Arsenic et sublimation

Le pneuma/esprit est associé au Sel, qui entre en jeu, dans l'oeuvre au blanc, blanc comme le linge de Véronique.

Un traité d'Irénée Philalèthe, traduit par Guillaume Salmon et publié dans le tome IV de la Bibliothèque des Philosophes chimiques, à Paris, en 1754 place la sublimation sous le signe de l'Arsenic ou Sel :

V. Secret de la juste préparation du Mercure des Sages : Chaque préparation du Mercure avec son arsenic est une aigle ; lorsque les plume de l'aigle ont été purgées de la noirceur du corbeau, faites en sorte que l'aigle vole jusqu'à sept fois, c'est-à-dire que la sublimation se fasse autant de fois alors l'aigle ou la sublimation est bien préparée et disposée pour s'élever jusqu'à la dixième fois naturellement (Jacques Sadoul, Le Grand art de l'alchimie, 2012 - books.google.fr).

Station VIII : La consolation de l'âme immortelle

Station VIII (Jésus console les femmes de Jérusalem) correspond à Bourganeuf, lieu, le 22 avril 1937, de l'accident et de la mort de François Jollivet Castelot, alchimiste français né à Douai dans le prolongement du montant vertical de la Croix d'Huriel. Un chemin de croix, dont les tableaux "étaient communs", apparaît dans son livre publié en 1920 Au Carmel, qui raconte la vocation d'une jeune femme hystérique, Thérèse, qui entre au Carmel. La vie de son frère, Gaston de Lambert, tombant amoureux de l'Egypte, est l'objet de Destin, ou le Fils d'Hermès (M. E. Warlick, Max Ernst and Alchemy: A Magician in Search of Myth, 2013 - books.google.fr, François Jollivet-Castelot, Au Carmel: roman mystique, Chacornac, 1920 - books.google.fr, La Croix d’Huriel et l’antimoine).

Je sais franchement gré à M. Jollivet-Castelot de son petit volume : Sociologie et Fouriérisme. Dans certaines milieux universitaires on fait actuellement de tels efforts pour réhabiliter cette espèce de fou que Fourier a été, qu'il est bon de le voir exposé aux regards d'une façon aussi naïve et aussi complète, en un mot tel qu'il fut. Or, M. Jollivet-Castelot s'acquitte de ce soin avec toute la ferveur et toute la sincérité de son admiration. Au lieu de prendre çà et là certaines tirades sur la vertu de l'association ainsi que fait M. Gide, il décortique avec soin les ouvrages de son rêveur favori; après une biographie et un exposé général du système, il consacre des chapitres entiers à l'étude de la cosmogonie fouriériste, de l'immortalité de l'âme et de ses réincarnations, de l'attraction passionnelle, des groupes et des séries, du phalanstère enfin et de son fonctionnement économique. L'auteur est tellement de bonne foi qu'à bien des reprises il avoue qu'il se trouve en présence d'hallucinations incohérentes. « Nous ne continuerons point, n'est-ce pas? dit-il quelque part, le jeu de ces modulations plus originales que valables (la Terre, par copulation avec elle-même, sous l'action de ces deux atomes, le masculin issu du pôle nord et le féminin issu sud, a engendré le cerisier; copulant avec Mercure a engendré la fraise, etc.). [...] M. Jollivet-Castelot n'en conclut que plus résolument en faveur du fouriérisme, seul moyen d'améliorer pacifiquement la société en la transformant peu à peu, sans la jeter dans la Révolution; car l'auteur appartient encore à la race à peu près éteinte des socialistes idylliques (Polybiblion: Revue bibliographique universelle, Volume 115, 1909 - books.google.com).

Parmi les dialogues de Platon le Ménexène est sans conteste l'un des plus énigmatiques et des plus controversés qui soient. L'énigme, on le sait, vient de l'ambiguïté de cette œuvre, qui se présente comme une oraison funèbre de type traditionnel, improvisée par Socrate et précédée d'un dialogue introductif entre le philosophe et Ménexène. En effet, ce dialogue initial, avec sa mise en scène plaisante, le rôle bouffon prêté à Aspasie et les propos caustiques que Socrate tient sur la rhétorique de son temps, ne laisse pas de rendre un son profondément ironique. De plus, dans l'oraison elle-même, les outrances de style, les jeux de mots, les mensonges historiques, les anachronismes même, tout semblerait indiquer que Platon n'a voulu composer là qu'un pastiche, disons même une parodie des discours de l'éloquence officielle. Mais, d'autre part, on trouve aussi dans cette oraison, particulièrement dans la consolation finale aux parents et aux enfants des morts, des développements philosophiques et des pensées morales dignes, semble-t-il, du meilleur Socrate. En outre, le ton grave et mesuré de cette consolation tranche avec le reste et paraît incompatible avec l'intention parodique que Platon aurait eue en composant cette œuvre. D'où la controverse qui n'a cessé de diviser les critiques du Ménexène pour les uns, il s'agit d'un dialogue entièrement ironique; pour d'autres, au contraire, c'est une œuvre sérieuse, dont l'ironie du dialogue initial n'est qu'un amusement passager; pour d'autres encore, qui sont les plus nombreux, le Ménexène serait un mélange d'ironie et de sérieux, où la parodie des rhéteurs n'empêcherait pas Socrate de proposer une oraison funèbre philosophiquement «redressée» et contenant des opinions droites destinées à un public plus large que les initiés de l'Académie et moins propre qu'eux à accéder dialectiquement à la vérité. (Jacques Follon, Robert Clavaud, Le Ménexène de Platon et la rhétorique de son temps , Revue Philosophique de Louvain, 1982, vol. 80, n° 45 - www.persee.fr).

Dans les consolations aux parents, dans les conseils adressés aux fils des morts, on attendrait de Platon l'affirmation que l'âme est immortelle : or la consolation se borne à faire allusion à l'autre monde, et à évoquer l'accueil que les fils recevront de leurs pères au séjour des morts, dans des termes vagues qui ne sortent pas du lieu commun. Et plus loin, le sentiment que les morts peuvent avoir des vivants est donné comme une simple hypothèse (Louis Méridier, Ménexène de Platon, Oeuvre complètes, Belles Lettres, 1931 - books.google.com).

Dans ses premiers traités, Aristote, étudiant à l'Académie, se montre platonicien. Vers 354, sept ans après son entrée à l'École, il publie Eudème, dialogue dédié à la mémoire de son condisciple, Eudème de Chypre, et qui fait l'éloge du philosophe-roi, incarné dans Dion de Syracuse (Ivan Gobry, La philosophie pratique d'Aristote, 1995 - books.google.com).

En l'honneur de son ami, Aristote écrivit ce dialogue de consolation qui a pour thème l'immortalité de l'âme. Cicéron relate assez longuement cette affaire et sa signification : « Quoi, ce génie exceptionnel et presque divin se trompe-t-il ou veut-il tromper les autres quand il raconte ce fait : son ami Eudème, Cypriote, en voyage en Macédoine, passa par Phères, ville de Thessalie alors célèbre, mais opprimée par un cruel tyran du nom d'Alexandre. Or, dans cette ville, Eudème tomba si gravement malade que tous les médecins perdaient espoir C'est alors que lui apparut dans son sommeil un beau jeune homme lui annonçant sa convalescence prochaine, la mort du tyran Alexandre d'ici peu de jours, et pour lui, Eudème, le retour à la maison cinq ans après. Les premières prophéties se réalisèrent aussitôt, écrit Aristote, convalescence d'Eudème et assassinat du tyran par ses beaux- frères. Mais, à la fin de la cinquième année, alors qu'il espérait, en vertu du songe, quitter la Sicile pour rentrer à Chypre, Eudème fut tué au combat. De ce fait l'interprétation du songe devenait la suivante : c'est quand l'âme d'Eudème sortit de son corps qu'il parut retourner à la maison » (R. 1 a « de divinatione », 1, 25, 53). Cet écrit, comme le sous-titre : "peri psukhès" l'indique nettement, est une étude sur l'âme. Aussi Nuyens y voit là, à juste titre, le témoin d'une psychologie strictement platonicienne et dualiste. Proclus, néoplatonicien du Ve siècle, auteur de nombreux commentaires (in Remp. 2, 349, 13-26, fragment R 5) en apporte un témoignage non équivoque : « La vie sans le corps est pour l'âme un état naturel et, par là, assimilable à la santé, la vie dans le corps est contre nature et fait songer à la maladie ». (Robert Brachet, L'Âme religieuse du jeune Aristote, 1990 - books.google.com).

Station IX

Huriel (Station IX : Jésus tombe une troisième fois), c'est Uriel, le Soleil, l'aigle de saint Jean, et la licorne (l'âme alchimique).

Huriel est associé à la troisième et dernière chute. S'agissant de l'âme, c'est la dernière tentative de l'âme de rester attachée au corps. Jésus-Âme se relèvera finalement : C'est la sublimation.

La troisième chute est la dernière, Christ-Âme se relève, effectue une remontée vers les sphères célestes représentées par le Soleil.

Le portail nord (1450-1478) de la cathédrale de Bois-le-Duc (Hertogenbosch, Brabant) tel que nous le voyons aujourd'hui ne donne plus guère une juste idée de sa sculpture originale. Le portail sud est consacré au patron de l'église saint Jean l'Evangéliste dont la statue est placée sur le trumeau. Au centre de la porte orientale, nous voyons l'aigle de saint Jean ; l'apôtre a vu les mêmes visions qu'Ézéchiel. le prophète qui se trouve a gauche. A droite de l'aigle, se voit l'Antechrist, sous les traits d'un animal à double corps de bête et à tête humaine. Dans les écoinçons, sous Ézéchiel, se tiennent deux anges ; dans les angles sous l'aigle de saint Jean est une licorne, représentant la force de Dieu et luttant contre un monstre ; sous l'Antechrist se tiennent deux monstres (Bulletin des metiers d'art, Volume 7, 1908 - books.google.com).

Bois le Duc est la patrie du peintre Jérôme Bosch (vers 1450 - vers 1516) (fr.wikipedia.org - Jérôme Bosch).

L'aigle est en général le symbole de la sublimation, mais souvent utilisé au pluriel.

À une époque où la culture était étroitement liée à la cour impériale, cet aval donné par la plus haute autorité politique à une relecture chrétienne de la poésie virgilienne devait engager ce mouvement de réconciliation dont Lactance est le premier témoin, peut-être même jusque dans ce poème énigmatique et controversé Sur l'oiseau Phénix qui serait alors une première et somptueuse illustration de la réhabilitation chrétienne de la poésie antique. La figure mythique de l'oiseau fabuleux apparaîtrait ici comme un chiffre commun à toutes les formes de renaissance que professent les hommes de ce temps, encouragés par le slogan tétrarchique de la renovatio in melius ; ils croisent le symbolisme politique du phénix, souvent invoqué dans l'iconographie monétaire pour figurer l'éternelle jeunesse de Rome, les virtualités chrétiennes des images de la victoire sur la mort, les thèses platoniciennes de l'envol de l'âme vers l'éternité, ou encore l'idéologie solaire sensible jusque dans la titulature constantinienne de l'Invictus, à laquelle l'empereur ne renoncera totalement qu'en octobre 324 (Paul-Augustin Deproost, Ficta et facta, La condamnation du "mensonge des poètes" dans la poésie latine chrétienne, Revue des études augustiniennes, Volume 44, 1998 - books.google.com).

Le phénix, autre volatile, est associé à l'oeuvre au blanc, il la clotûre annonçant l'oeuvre au rouge comme son nom l'indique (grec phoinix) (Synthèse : L’étoile hermétique : Alchimie).

Le mercure animé est issue de la sublimation selon L'alchimie expliquée par son langage de Léon Gineste.

Un texte de Petrus Bonus de ferrare, écrit entre 1330 et 1339, cité par Jung (Psicologia y Alquimia), s'exprime ainsi : "Notre Art est en partie naturel, en partie divin. Au terme de la sublimation, naît une âme blanche resplendissante [...] Et c'est clairement et manifestement la Pierre. Le processus est jusque là déjà assez miraculeux, mais malgré tout, il reste dans les limites du naturel. Mais pour ce qui concerne la fixation de l'âme et de l'esprit au terme de la sublimation, elle ne peuvent avoir lieu que grâce à la Pierre mystérieuse que les sens ne peuvent appréhender mais seulement l'Intellect, par inspiration ou révélation divine à travers la doctrine d'un sage Philosophe [...] Cette Pierre secrère est un don de Dieu." (Paulette Duval, La pensée alchimique et le conte du graal, Champion, 1979, p. 88).

Une stèles, dont le Musée égyptien possédait autrefois un grand nombre présente une figure où l'on voit un oiseau portant une croix entourée d'une couronne. La facture héraldique de ces volatiles rend parfois difficile leur identification, mais leurs formes puissantes et la présence au-dessus d'un de ces oiseaux peints à Baouît du mot grec àeros nous permet d'y reconnaître des aigles. Sur des stèles également funéraires trouvées à Hiérapolis et dans d'autres villes de Syrie, on voit figurés des aigles tenant entre leurs serres ou portant dans leur bec une couronne. F. Cumont, dans une étude pénétrante à laquelle nous empruntons plus d'un renseignement, nous montre que l'aigle qui représentait, peut-être à l'origine, l'âme du défunt s'élevant vers le soleil est devenu le messager chargé de transporter les morts dans leur demeure céleste. Les Romains, pour qui l'aigle associé à Jupiter était un oiseau sacré et qui avaient l'habitude de le voir à la tête de leurs armées, adoptèrent aisément ce symbole et nous le trouvons figuré dans toutes les représentations d'apothéoses impériales. Pour Artemidore, se voir porté en rêve par un aigle est un présage de mort. Plusieurs textes nous apprennent qu'on laissait s'envoler un aigle au-dessus du bûcher où était brûlée la dépouille des empereurs et des grands personnages. « En même temps que la flamme, nous dit Hérodien, on laisse s'élever dans l'éther un aigle qui doit porter de la terre au ciel l'âme du roi, pensent les Romains.» «Un aigle ayant été lâché, écrit Dion Cassius en parlant des funérailles d'Auguste, s'éleva emportant son âme vers le ciel.» «Un aigle, nous apprend le même historien, s'envola d'elle (de la flamme) et Pertinax ainsi devint immortel. » (Jamiyat al-Athar al-Qibtiyah, Bulletin de la Société d'archéologie copte, Volumes 13 à 14, 1951 - books.google.com).

Après quoi se produit l'état extatique, la lumière se lève : c'est l'Œuvre au blanc [...] Cela correspond à la phase de la sublimation alchimique, de la libération de l'Âme qui désire s'élever, et de son ascension. Par cette opération, l'alchimiste tente de « délivrer la matière des liens qui la tenaient comme en prison. Le spirituel se sépare du corporel, le volatil du fixe, dans les corps secs tels que sont les minéraux » (Dom pernety) (Audrey Fella, Mélusine et l'éternel féminin, 2006 - books.google.com).

L'influence de Hallâdj se pose sur les "falâsifa" pour l'étude expérimentale de l'union mystique, et pour l'acceptation de la réalité de la crucifixion d'un saint comme Jésus (rejetée comme un scandale par la plupart des musulmans). La méditation du supplice de Hallàdj a amené divers mystiques Harawî, les deux Ghazàli (surtout Ahmad), 'AQ Hamadhani, Mosaftar Sibti, 'Izz Maqdisi et Ràghib pàshà - à admettre, « comme les philosophes » et les qarmates pour Jésus, la réalité d'une crucifixion, où l'envol extatique de l'âme sainte, ravie en Dieu, la soustrairait totalement aux affres du corps martyrisé (Revue du monde musulman, Volumes 57 à 58, 1924 - books.google.fr).

Mansur al-Hallaj en entier Abû `Abd Allah al-Husayn Mansur al-Hallaj, né vers 857 (ou 244 de l'Hégire), mort le 26 mars 922 (ou 309 de l'Hégire) à Bagdad, est un mystique persan du soufisme, auteur d'une œuvre abondante visant à renouer avec la pure origine du Coran et son essence verbale et lettrique. Il est faussement accusé d'avoir participé à la révolte des Zanj, mais sa condamnation proprement dite résulte du fait qu'il avait proclamé publiquement "Je suis la Vérité (Dieu)" ("Ana al haqq"), pas incongrue dans le milieu soufi où ce genre de propos est considéré comme émanant d'un homme qui, "fondu" dans l'"océan de la divinité", ce qui était vu comme une hérésie, aussi bien dans le sunnisme que dans le chiisme. Ne voulant pas renier ses propos publics, Hallaj est condamné à mort et supplicié à Bagdad le 27 mars 922, sur les bords du Tigre. Il restera un des plus célèbres condamnés soufis et son supplice sera mentionné de nombreuses fois dans les écrits de Rûmî, par exemple (fr.wikipedia.org - Mansur al-Hallaj).

Huriel - La Cassaigne : Oeuvre au rouge, le Corps retrouvé

Jésus porte un manteau rouge qui lui est retiré à la Station IX : Jésus tombe pour la troisième fois (Huriel), qui marque le début de l'oeuvre au rouge.

La tradition est qu'il faut fixer le mercure (par exemple par l'étain), et que cette fixation est considérée comme l'Oeuvre au rouge. C'est bien ainsi d'ailleurs que l'enseigne la Turba Gallica qui dira que le fixe «commence à avoir seigneurie et dominer sur le moiste». Cette seigneurie, cette domination est celle du Cratos. (Berthelot et Ruelle, Collection des anciens Alchimistes Grecs, 1887-1888) (Alchimie Mystique & Traditions Populaires,Les cahiers de Fontenay N° 33, décembre 1983 - books.google.com).

Comme le signale Bonardel: « l'œuvre n'est vraiment accomplie que par la redescente de l'âme, sa fixation, seule capable d'illuminer la nature transformée (le Monde), de la multiplier selon sa vertu propre. En d'autres termes, toute exaltation qui ne serait suivie d'une conversion en Terre est contraire à l'esprit profond de l'œuvre; retour qui n'est ni une rechute, ni une banalisation, mais incarnation réussie » (Olivier Peyrebrune, La cause philosophique de l'astrologie: Une pensée nouvelle d'une ancienne vision, 2011 - books.google.com).

La fixation du mercure correspond donc au processus d'incarnation de l'âme, située à La Cassaigne dans le même complexe du plan de l'église Saint Sulpice de Paris dont le choeur est Palaja. Le Sceau de Palaja a été lié à la Stella Luti, l'étoile de boue ou étoile de Bethléhem, lieu de naissance du Christ incarné (Autour de Rennes : Les Bergers d’Arcadie et les Rois Mages, Autour de Rennes : Villemaury, Ligne gnostique et Sceau de Palaja : Stella luti).

Station X : Jésus est dépouillé de ses vêtements (Crocq) : lorsqu'on retire à Jésus ses vêtements, on lui retire aussi sa croix. Il cesse de porter cette croix-pneuma pour être ensuite porter par elle, comme véhicule (terme de Proclus repris par Pléthon et Ficin, qui, lui, considère plusieurs véhicules de l'âme) (Brigitte Tambrun, Pléthon, le retour de Platon, 2007 - books.google.fr).

Station XI (Jésus est cloué à la croix) : Le pneuma est dit en effet porteur de la psyche chez les stoïciens (Jean-Joël Dubot, Une métaphysique de l'information, Stoïcisme: physique, éthique, Philosophie antique : problèmes, renaissances, usages, 2005 - books.google.fr).

Station XII (Jésus meurt sur la croix) : l'âme s'incarne ; "mort de l'âme" selon une conception pythaoricienne, la vraie vie de l'âme étant lorsqu'elle est libérée du corps-tombeau.

Station XIII (Jésus est descendu de la croix et rendu à sa mère) : développement de l'embryon animé dans le corps d'une mère "retrouvée".

Le corps terrestre ne constitue que l'une des enveloppes possibles de l'âme. Avant de pénétrer en ce corps terrestre et après s'en être séparé, l'âme est dotée d'un véhicule qui est présenté comme un «souffle» (pneuma). L'ensemble du processus est évoqué dans la Sentence 29. À la suite de Plotin notamment qui, pour sa part, se référait à des textes platoniciens relatifs à l'ochema de l'âme, Porphyre semble s'être inspiré de la doctrine stoïcienne, lorsqu'il évoque le pneuma, le souffle, le véhicule, comme une entité qui semble établir un lien entre le corps et l' âme, et à laquelle l'âme reste attachée même après avoir quitté son corps terrestre, tout comme elle y était associée avant même d'entrer dans ce corps solide. (Porphyre, Sentences, Volume 1, présenté par Luc Brisson, Vrin, 2005 - books.google.fr).

Cela veut dire que l'âme se détache du son véhicule lorsqu'elle s'incarne, comme le corps de Jésus est déposé de la croix.

Selon Synésius, lorsque l'imagination descend vers les êtres sensibles, elle cesse d'être le véhicule de l'âme plus divine (Pierre Hadot, Porphyre et Victorinus, Volumes 1 à 2, Volumes 32 à 33 de Collection des études augustiniennes, 1968 - books.google.fr).

Le lion et le chêne

Un quadrilobe conservé au Musée de Cluny à Paris présente le lion et le chêne.

C'est un rébus qui nous est proposé au centre du troisième quadrilobe. Un lion est enchaîné à un chêne dont la verdeur atteste la jeunesse. Lion enchaîné se lit lion en chêne, c'est-à-dire enfermé dans le chêne. Le « roi des animaux » est généralement pris dans les textes classiques pour figurer le « roi de l'œuvre », le principe soufre (Bernard Roger, Paris et l'alchimie, 1981 - books.google.com).

Cela peut signifier la fixité du soufre dans le chêne creux, image de l'athanor alchimique. Le nom de La Cassaigne (Station XIV : Jésus est mis au tombeau) vient de "cassanus" le chêne en latin.

Le lion est aussi celui de Venise à laquelle est rattachée l'ange Raphaël comme le montrent les albums du Secret de la Licorne et du Trésor de Rackham le rouge (Tintin, Hergé et la Croix d’Huriel : Elle voulait qu’on l’appelle Venise : la Licorne et le Trésor de Rackham le rouge, Tintin, Hergé et la Croix d’Huriel : Tournesol ou l’ange Raphaël : Le Trésor de Rackham le rouge).

La mise au tombeau de la station XIV du chemin de croix de Rennes-le-Château a une intréprétation animique tirée des enseignements pythagoriciens.

Le tombeau est signe qu'un mort est honoré, mais le signe d'écriture lui-même a quelque chose à voir avec la mort. Dans l'histoire de Bellérophon, que son petit-fils, le Troyen Glaucos, raconte à Diomède (Iliade, VI, 160 sq.), le héros est porteur d'une lettre dans laquelle sa mort est réclamée du destinataire: les signes (sèma) écrits (grapsas) ont pour sens la mort de Bellérophon. Ce qui prouve, s'il en était besoin, qu'Homère avait une idée de ce que c'est qu'écrire à moins, naturellement, qu'on n'élimine la preuve avec le passage qu'on dira tardivement interpolé Le lien entre les deux sens de sèma est thématisé par Platon qui rappelle, dans le Gorgias (493 a), le jeu de mots pythagoricien sur le corps (soma) qui serait pour l'âme un tombeau (sème). Revenant la-dessus dans le Cratyle (400 c), il ajoute cette précision : " Du fait que c'est par lui [le corps-tombeau, soma-sèma] que l'âme signifie ce qu'elle a a signifier, il est a juste titre appelé signe [sèma]". Le tombeau ne retient pas prisonnier le cadavre, dont il ne contient pas forcément les restes, il est seulement le signe visible que le mort a vécu, la dernière manifestation perceptible de ce qu'il fut; le corps, de même, donne à voir ce que l'âme veut signifier; à ce titre, il en est le signe. Le livre est à son tour un sèma, signe-tombeau, par rapport a la pensée vivante; il en est à la fois la manifestation sensible et la mort car, dans le livre, la pensée est figée et celui qui parlait est réduit au silence. L'écriture (graphè) ressemble à la peinture (zographia): les êtres qu'enfante celle-ci ont l'air vivants mais, si on les interroge ils conservent un digne silence. Il en va ainsi des écrits: on croirait qu'ils pensent mais si on leur demande d'éclairer un de leurs dires, ils signifient une seule chose, toujours la même. (Phèdre, 275 d). L'écrit, en outre, est orphelin, il ne peut se défendre seul. Ce n'est, par rapport au discours vivant et animé, qu'un fantôme (ibid, 276 a), l'équivalent de ce qu'est un portrait ou une statue par rapport a l'homme vivant. Une idole (eidolon). (Marc Lebiez, Décadence et modernité, Décadence, Homère, Volume 1, 2003 - books.google.com).

Un signe : Christ-Âme à La Cassaigne

Un essaim d'abeilles s'est posé sur la main droite du Christ, en plein du cœur du village de La Cassaigne dans l'Aude, en 2014.

Favorisée une fois encore, l'abeille recouvre à elle seule les diverses significations des métempsycoses provisoires ou définitives. L'âme peut vivre avant la mort sous forme d'abeille : chez certains peuples nord-asiatiques, la deuxième âme, qui réside dans le sang, circule à l'extérieur du corps sous l'apparence d'une abeille ou d'une guêpe ; elle peut même, comme chez les Turco-Mongols, être en permanence séparée du corps sous forme d'insecte, ou mieux encore, les âmes de toute une tribu peuvent être rassemblées en un seul animal : c'est du moins ce qui apparaît dans les légendes du Cachemire ou du Bengale qui «parlent de tribus d'ogres dont (...) l'âme réside dans une ou deux abeilles».

L'abeille est considérée aussi bien en Sibérie, en Asie centrale, en Amérique du Sud ou dans l'ancienne Grèce, comme l'âme qui a quitté le corps. A l'inverse, on la tient aussi pour une âme qui va prochainement s'incarner : « on fait état en Europe d'une croyance en une fileuse dénommée Berthe ou Perthe, qui apparaît aux environs de Noël accompagnée d'abeilles représentant les âmes qui vont naître dans le courant de l'année. » De surcroît, la transformation de l'âme en abeille après la mort prend une valeur morale : cette métempsycose, selon Plotin, est le destin de ceux qui n'ont pas suffisamment observé « les vertus civiles ». Porphyre note, en revanche, que les âmes destinées à «vivre selon la justice» sont appelées «abeilles». On remarquera dès à présent que l'hyménoptère est toujours envisagé au stade d'imago, ce qui relève d'une double logique : le mystère de la naissance de l'abeille n'apparaît pas au grand jour comme celle du papillon, et ne peut, de ce fait, figurer dans l'imaginaire en remplissant une même fonction. Enfin l'imago est symboliquement nécessaire, puisque l'âme est «ailée» comme l'insecte, mystérieuse comme lui, une et uniforme comme lui (André Siganos, Les Mythologies de l'insecte: histoire d'une fascination, Librairie des Méridiens, 1985 - books.google.fr).

La Cassaigne : Un essaim d'abeilles dans la main droite du Christ, 14 juin 2014 - fawkes-news.blogspot.fr

Cuisson du corps de boue : terre cuite

Le pneuma (comme air respiré cette fois) subit une cuisson à travers le corps pour le nourrir.

La "cuisson" du corps durant l'ascèse est une conception répandue et ancienne en Inde, qui se rattache directement aux spéculations sur le sacrifice (Gilles Tarabout, Commander à des dieux au Kerala, Anthropologie - Connaissance des hommes, 1997 - books.google.fr).

Il est vrai aussi que la digestion est une cuisson.

Le four de potier cuit les poteries faites de glaise ("lutum" en latin qui signifie aussi "boue") et en fait des "terres cuites".

Le Feu (La Cassaigne) correspondant au corps, au soufre fait suite à l'air (Rochemaure), et à la terre (Fronsac) et à l'eau (Huriel) qui forment boue.

Il y avait une fabrique renommée de céramique à La Cassaigne (La Vraie Langue Celtique de l’abbé Henri Boudet : Livre II - Psaume 68).

La tessera était généralement un carré ou un cube. Elle pourrait donc avoir reçu son nom de la forme qu'elle avait d'ordinaire. On l'a cru et l'on a dit que le latin tessera, ae, sing. fém., venait du grec tesara, ôn, plur. neut., comme le français cadre vient de l'italien quadro « tableau » qui, étant né du latin quadrum « carré », est de même famille que le latin quatuor » quatre ». La tessera était souvent un témoignage ou une attestation. Elle pourrait donc avoir reçu son nom de l'usage que l'on en faisait fréquemment. On l'a cru aussi et l'on a dit que tessera venait par le latin testera du latin testis « témoin ». Mais la tessera était presque toujours en terre cuite. Elle peut donc avoir reçu son nom de la matière dont elle était faite la plupart du temps. Elle peut donc être de même famille que testa « terre cuite » et testum « couvercle en terre cuite ». La tessera servait à faire des mosaïques. Or un ouvrage exécuté en mosaïque est dit tantôt exécuté tessellatim, tantôt exécuté testatim. Le premier mot remonte par tessella à tessera « tessère » et le second vient directement de testa « terre cuite ». Les mots tessera et testa étaient donc bien synonymes en certains cas. De la racine indo-européenne tars « être desséché par la chaleur » sont venus les verbes ind. trsh-ja-mi, gr. ters-o-mai, lat. *ters-o et *tors-e-o. De ters et de era est venu *ters-era, d'où tess-era, par un changement semblable à celui qui a eu lieu dans pro-vorsus, prorsus, prossus, prosus, etc. De ters et de tus est venu le participe *ters-tus, d'où "testus, dont il reste testa et testum, comme de lors et de tus est venu le participe *torstus, d'où tos-tus, qui est classique. Les substantifs testa et testum et le participe tostus, a, um, sont des doublets. Enfin de tors et de e-o est venu *tors-e-o, d'où torr-e-o par une assimilation contraire à celle qui a eu lieu dans tess-era. Si en latin tessera et testa sont de même famille, en français tessère et tête seront aussi de même famille; car tête vient de testa. (Bulletin de la Société de linguistique de Paris, Volumes 1 à 2, 1871 - books.google.fr).

La tessera était souvent un témoignage ou une attestation, notons que testament vient de testis, témoin, d'où Ancien et Nouveau testaments.

Un nouvel Adam

Si l'on veut rattacher adam = homme à adam = être rouge, il nous semble cependant préférable de le faire par l'intermédiaire du substantif adamah désignant la terre arable par opposition à midbar = le désert (Gen. 2:7; Deut. 11 : 17), soit la glaise qui tourne au rouge à la cuisson et dont le récit de Gen. 2 dit justement que l'homme a été formé comme l'est un vase de terre entre les mains du potier (Gen. 2 : 7, cf. Es. 29 : 16 ; 45 : 9 ; 64 : 7 ; Job 33 : 6). Reprenant un thème commun à tout le Proche-Orient ancien 3, le récit de Gen. 2-4 joue en effet longuement et avec originalité sur la relation de l'adam et de l 'adamah : Formé de la poussière de la terre (2 : 7), l'homme est placé dans le jardin pour cultiver le sol (2 : 15) ; sa désobéissance entraîne la malédiction de la terre (3 : 17), cette terre à laquelle il est plus que jamais lié par son travail pénible (3 : 18) et dont il est maudit (4 : 11) jusqu'à ce qu'à sa mort il y retourne (3 : 19 ; cf. Ps. 146 : 4). Ainsi adam désigne l'homme terrestre, le terreux ou le boueux, celui qui est lié au sol de par sa création mais aussi de par son refus de vivre en homme terrestre devant Dieu. De bonne qu'elle était, cette relation s'est en effet changée en hostilité : l'homme cultive la terre avec peine, et celle-ci ne lui fournit que ronces et épines (3 : 18) ; elle lui refuse ses fruits (4 : 12). Et pourtant, par la miséricorde de Dieu, elle nourrit encore son homme puisque Caïn peut offrir à Dieu les fruits de l'adamah (4 : 3), tout comme l'Israélite offre à Dieu les prémices de tous les fruits de l'adamah du pays que Dieu lui a donné (Deut. 26 : 2) (Samuel Amsler, Adam le terreux dans Genèse 2 à 4, Revue de théologie et de philosophie, 1958 - books.google.fr).

Adam, étymologiquemetn, est l'homme rouge. Il y a deux sens au mot "rouge" comme il y a deux soufres, distingués selon les signes le soufre plomb et le soufre natif, le fermet d'or, comme l'appelle l'alchimie arabe. Le rouge destiné à la composition, c'est l'homme de cuivre de Zosime, celui qui doit mourir et renaître ; et le "rouge" c'est aussi celui qui est ressuscité, l'homme d'or, celui qui a retrouvé le feu, l'or, la virilité, la couleur rouge du sang, restant pas moins terre et nature (Paulette Duval, La pensée alchimique et le conte du graal, Champion, 1979, pp. 89 et 76).

Jésus et sa "mère" dans le chemin de croix

Station IV : Jésus rencontre sa mère ; et Station XIII : Jésus est descendu de la croix et rendu à sa mère

Station IV (Jésus rencontre sa mère) correspond à Rocamadour avec sa Vierge (noire) mère de Jésus, noir comme cette oeuvre-ci.

Peut-être faut il se représenter cette mère comme la double Déméter.

Un bon témoin de ces conceptions est Plutarque, qui définit l'Hadès comme le domaine de Déméter et celui de Perséphone, la terre et la lune (Stéphane Toulouse, Le véhicule de l'âme chez Galien et le Pseudo-Plutarque, Questions aristotéliciennes, Volume 2 de Philosophie antique, 2002 - books.google.fr).

Deux thèmes composent principalement le Grand Hymne à Déméter le rapt de Perséphone et l'institution des Mystères d'Éleusis. La légende de Déméter est donc liée au monde des morts comme à la terre dispensatrice de blé : la terre est à la fois celle qui reçoit les défunts et nourrit les vivants. Le mythe de Déméter est avant tout un mythe agraire très dépendant du déroulement des saisons. Mais, en tant que Déesse possédant le pouvoir de dispenser ou non le pain aux hommes, la grande déesse influence aussi la fertilité humaine (Jacques Desautels, Dieux et mythes de la Grèce ancienne: la mythologie gréco-romaine, 1988 - books.google.fr).

Le corps du défunt n'est-il pas le grain de froment, débris inerte d'une existence périmée, que la Terre peut rendre à une nouvelle vie ? Si le grain ne meure (Jean XII, 24).

Quand Jésus-Âme est rendu à sa mère c'est en tant que mère nourricière, Déméter faisant mûrir les grains.

Amo Demeter enim timeo

L'anagramme que donne Gérard de Sède de "O mater dei, memento mei" prend ici plus de profondeur que certains semblent lui donner : "Amo Demeter enim timeo" (Thèmes : Oiron : Blé fer et résurrection).

Pour exorciser la crainte qu'inspirent les dieux chthoniens, par transposition de la crainte de la mort elle-même, l'Athénien [Platon] rappelle à l'occasion sa croyance en la bienveillance de Pluton envers les hommes. Il est important de noter que le Seigneur de l'au-delà est mentionné ici par son appellation Ploutôn et non par Aidès. Cette dernière appellation (synonyme du lieu où résident les âmes des morts) est trop chargée de toutes les craintes des hommes. Par contre, «Pluton», de par son rapprochement étymologique avec ploutos (la richesse), était envisagé déjà par la tradition d'une manière plus positive : comme la terre détient des richesses (les pierres et les métaux précieux, mais aussi les graines des céréales et des autres plantes nourricières), cette divinité chthonienne était supposée les accorder aux hommes qui gagnaient ses faveurs. Le dieu de la mort devient ainsi le dispensateur de la prospérité. Platon préfère ici mettre en évidence cet aspect de Pluton.

Les divinités chthoniennes en général présentaient également un aspect bienveillant, en tant que dieux de la terre fertile. La mort et la vie se rencontrent dans le sein de Gaia. La connaissance de l'au-delà, qui correspond au monde «des origines», est le propre de cette déesse, qui transmet son savoir par des oracles, comme le font aussi d'autres Chthoniens. Les messages sotériologiques d'une «nouvelle vie» pour l'âme des défunts sont liés aux divinités chthoniennes, Déméter et Perséphone. Les épithètes à connotations positives, comme Meilichios ou Eubouleus, accordées à certains dieux chthoniens (à Zeus chthonien, par exemple) ne sont pas uniquement des appellations d'euphémisme; elles correspondent aussi à cette autre manière de les voir.

Le philosophe trouve l'occasion propice à se référer au concept de la mort en tant que séparation de l'âme et du corps. Il ajoute qu'il n'est en aucun cas une condition pire que celle résultant de l'union de ces deux parties de l'homme (Aikaterini Lefka, "Tout est plein de dieux": les divinités traditionnelles dans l'oeuvre de Platon : du rapport entre religion et philosophie, 2013 - books.google.fr).

Asmodée dans tout ça

Porphyre affirme sa croyance aux mauvais démons : ce sont des âmes qui au lieu d'être maîtresses du « pneuma » qui leur est uni, lui sont le plus souvent sujettes; elles se plient alors à ses passions, et par là-même sont aussi des démons, mais que l'on pourrait appeler à bon droit des « mauvais démons ». « Ces derniers, du fait qu'ils sont passibles, occupent davantage la région proche de la terre, et il n'y a aucune mauvaise action qu'ils ne tentent de faire. Comme il n'y a que violence et fourberie dans leur manière d'être, et que la surveillance de la nature divine supérieure ne s'exerce pas chez eux, ils se livrent la plupart du temps, comme dans des embuscades, à des attaques brutales et soudaines, tantôt en essayant de se dissimuler, tantôt en usant de violence. » (Noël Aujoulat, Le néo-platonisme alexandrin, Hiéroclès d'Alexandrie: filiations intellectuelles et spirituelles d'un néo-platonicien du Ve siècle, 1986 - books.google.fr, Porphyre, De l'abstinence: Livres II et III, traduit par Jean Bouffartigue, Michel Patillon, A. Ph Segonds, 1979 - books.google.fr).

Ainsi Asmodée, mauvais démon, déjà associé au Mercure, l'est aussi à une âme (La Croix d’Huriel et Rennes le Château : ihEsu, Par ce signe tu LE vaincras, et le Mercure, Le Serpent rouge : Le voyage de l’âme : Cancer).

Curiosités

On retrouve Memnon, présent dans le mystère de Rennes le Château, par l'intermédiaire de l'église Saint Sulpice de Paris (La Vraie Langue Celtique et Saint Sulpice).

La statue de Memnon s'appelait la pierre parlante, lui-même portait le nom de défenseur de Thèbes. En effet, comme Jupiter, son père, veille à la garde des cieux, il veille, lui, sur le pays et sur sa capitale, et ne manque pas de rendre le salut dont la piété lui a l'ait hommage. La voix des sacrés cantiques se répercute dans la vallée rocailleuse, elle est renvoyée par l'image révérée du héros auquel ils s'adressent; Memnon répond. Le vigilant génie n'est autre chose que la sentinelle avancée du matin et le cycle des heures. Memnon, le fils de la lumière, se présente encore sous un nouvel aspect. Les planètes font leur révolution dans les cieux; la terre, et les choses humaines auxquelles elles président, ont des révolutions analogues; tout circule et passe ici-bas. Mais Jupiter, le grand ordonnateur du monde,,est immobile au haut du ciel dans cette universelle mobilité : au-dessous de lui sont les Sirènes célestes distribuées dans les huit sphères. Chacune donne le ton dans sa sphère, et des huit sons qui en résultent se compose une harmonie unique, un concert merveilleux. Or, le souverain immuable des cieux doit avoir un représentant sur la terre, et ce représentant, c'est Memnon son fils, le grand Prytane de Thèbes. Issu du feu éthéré qui conserve toutes choses, Memnon garde sur la terre le foyer conservateur qui en est émané. Aussi, pareil à son père, demeure-t-il ferme et inébranlable au milieu de la perpétuelle succession de la lumière et des ténèbres. Il prête l'oreille au concert des Sirènes, c'est-à-dire à la divine harmonie des sphères célestes, et ici bas il fait lui-même entendre deux sons différens, qui sont la double expression des deux phénomènes du jour et de la nuit. Enfin, Memnon subit la commune destinée, il descend au tombeau; des oiseaux d'un plumage sinistre, des oiseaux ravisseurs, dignes satellites de la mort, célèbrent tous les ans en son honneur des jeux funèbres et versent des libations sur sa tombe. Son nom devient sur la terre un chant de deuil et de tristesse : il est ici le Linus ou le Maneros égyptien, dont la légende est identique avec celle de Memnon. Maneros, fils d'un roi, périt à la fleur de ses ans, et c'est à sa mémoire que les Egyptiens chantaient leur première et unique chanson , appelée de son nom le Maneros. Voilà donc, dans la réalité, un Memnon-Horus, et en effet Horus est le soleil dans toute sa beauté, le soleil planant au plus haut des cieux, mais dont la chute est par cela même plus rapide. Cependant, si nous en croyons la fable, Memnon vécut cinq générations, et, sous ce rapport, il se rapprocherait du vieux Tithon qui est aussi son père. Cela veut dire que la source de la lumière est intarissable, si bien que, considérés dans leur source, les fils du soleil seraient immortels, et, dans leurs apparitions seulement, sujets aux terrestres vicissitudes. Aussi les fleuves sont-ils leurs emblèmes naturels. Memnon est enseveli sur les rives du fleuve Bélénus, du fleuve de Bel ou du Soleil, et l'Aous, qui coule vers l'orient, est un frère de Memnon. Memnon a donc une existence courte et prolongée tout à la fois, le Nil, durant la vie de ce héros, avait eu le temps d'amasser sur ses bords une montagne de sable, et c'est en"effet au pied des monts sablonneux de la Libye que s'élève le Memnonium, comme à Abydus, sur l'autre rive, s'élevait, plus bas, le palais de Memnon. Memnon figure encore dans la tradition comme un artiste, comme un habile architecte, qui plus est, comme inventeur de l'écriture, aussi bien qu'Hermès: c'est la pierre parlante, dans un autre sens; car les parois des temples, des palais, des édifices publics, sont couvertes d'hiéroglyphes, et ces inscriptions sont en grande partie les livres de l'Egypte: on se souvient d'ailleurs du roi Osymandyas, qui avait formé une bibliothèque à Thèbes ; et qu'est-ce qu'Osymandyas ? Maintenant il est facile de concevoir comment Memnon-Osymandyas peut être appelé l'auteur du cercle d'or de l'année. Mais ce n'est pas tout. Memnon est encore une image de la transmigration des âmes : comme Osymandyas, il a produit le zodiaque d'or (carrière des âmes); des oiseaux répandent sur sa tombe les libations funéraires; lui-même, après avoir glorieusement parcouru sa carrière terrestre, paraît comme l'immuable et le permanent par excellence : or, nous savons, par les livres d'Hermès, que l'oiseau est le degré immédiat au sortir duquel l'âme rentre dans un corps humain, et qu'elle atteint le faîte de la gloire qui lui est réservée, lorsqu'elle se voit admise dans les étoiles fixes, dans le soleil ou dans Sirius. Ainsi, en nous résumant, nous avons dans Memnon, pour l'œil, le cercle d'or de l'année; pour l'oreille, un cercle annuel de cantiques qui se répètent chaque jour s'élevait au centre de la ville, qui, avec ses sept enceintes ayant des créneaux de sept diverses couleurs, représentait symboliquement les sphères célestes (Georg Friedrich Creuzer, Religions de l'antiquité, considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques, Tome I, Partie I, 1825 - books.google.com).

Il existe une représentation de l'âme chez les stoïciens et les sceptiques sous forme d'araignée. Straton de Lampsaque parle du rôle centrale de l'hegemonikon au centre d'une toile (Brigitte Pérez-Jean, Dogmatisme et scepticisme: l'héraclitisme d'Enésidème, 2005 - books.google.com).

L'hégémonikon est comparé au soleil selon Cléanthe et Posidonius, et placé dans la tête selon le Pseudo-Plutarque (Robert Muller, Les stoïciens: la liberté et l'ordre du monde, 2006 - books.google.com).

Cette araignée fait penser à celle du relevé de la dalle de Marie de Negri d'Ables.

Tout ça pour ça

L'âme n'est qu'une licence poétique. Et dire qu'on a torturé et condamné au bûcher pour sauver des licences poétiques !