Partie IX - Synthèse   Chapitre LVIII - Autour de Rennes   Villemaury, Ligne gnostique et Sceau de Palaja : Stella luti   
VILLEMAURY STELLA LUTI LIGNE GNOSTIQUE SCEAU DE PALAJA Sceau de Perceval de Rosans (fin XIIIème siècle) - www.atelierdesdauphins.com - Les chevauchées (1299-1305), 2007

Graal et Arcadie

Le Sceau de Perceval de Rosans seigneur de Bruis (Dauphiné), appendu à un document daté de 1292, est le seul sceau médiéval de type équestre où le cavalier lance un javelot au lieu de tenir une lance ou une épée. Les roses de la housse constituent une figure parlante.

Cette particularité est probablement une allusion au Conte du Graal de Chrétien, qui fait du jeune Perceval un lanceur de javelots et non pas un chevalier habitué à manier la lance ou l'épée.

Des personnages portent des prénoms arthuriens. Des exemples s'en rencontrent dès le XIIIe siècle : Lancelot Havard, Perceval de Rosans. Aux XIIe et XIIIe siècles, les romans de la Table ronde constituent une littérature presque exclusivement destinée à un public aristocratique (Michel Pastoureau, Figures et couleurs: études sur la symbolique et la sensibilité médiévales, 1986 - books.google.fr).

Ce Perceval de Rosans (1268-1293), père de Philippe ou Philis mariée à Reynaud de Rivière (ancien Fluviano aragonais), est le descendant d'un autre Perceval, père d'une précédente Philippe ou Philis mariée à Obert Flotte d'où un Perceval Flotte (gw.geneanet.org - Pascal Crouail, La Croix d’Huriel et la Ligne gnostique : Bruis).

Si Perceval fait référence au Graal, Philis c'est à l'Arcadie.

Arcadie : pays de l'Ours. Grande Ourse identifiée à l'Eglise par Dante : Arcadie = Eglise = Grande Ourse.

L'Arcadie, qui occupe la partie centrale de la Péninsule, n'était habitée que de pâtres et de laboureurs, et son nom, qui signifia d'abord « Pays des Ours », est resté celui des contrées champêtres par excellence (Élisée Reclus, Nouvelle géographie universelle, 1876 - books.google.com).

On a fait dériver le nom de l'Arcadie, qui antérieurement s'appelait Pelasgia, à Arkas, fils de Jupiter, et de Kallisto (fille de Lykaon), qui fut métamorphosée en ourse par la jalouse Junon ; d'Arkas qui, suivant les légendes, doit avoir enseigné aux habitants du pays l'agriculture, l'art de préparer le pain et les vêtements, de filer la laine, etc. Mais le nom d'Arcadie pourrait bien venir aussi d'arkos (pour arktos), ours. Dans le langage vulgaire actuel, arkoûda signifie ourse. On trouve dans une partie du pays le mont Lycée, et la ville de Lykosoura, bâtie par un roi Lykaon (fils de Pelasgos). Ces mots dérivent vraisemblablement de lykos, loup. L'Arcadie serait donc le pays des ours et des loups (Charles Schaub, Excursion en Grèce au printemps de 1862, 1863 - books.google.com).

L'Arcadie est une région de montagnes boisées, un pays qu'on dirait fait exprès pour la chasse. Il nous suffit d'admettre, ce qui n'a jamais fait l'ombre d'un doute, qu'Artémis, telle que nous la connaissons, était tout particulièrement adorée des Arcadiens. Il n'est, pour ainsi dire, pas de race grecque qui n'ait à cœur de descendre de Zeus nous l'avons vu. Arcas, l'ancêtre des Arcadiens, devait donc passer pour l'un des nombreux fils de Zeus, et alors, quelle pouvait être sa mère, sinon la déesse préférée du pays, Artémis, sous l'un de ses noms multiples? L'un de ces noms était Callisté, la toute belle. Mais la déesse, toujours vierge, ne pouvait avoir été elle-même la mère d'Arcas. Cette difficulté n'embarrassa guère ses fidèles; ils trouvèrent facilement un biais; par un léger changement ils tirèrent de Callisté le nom de Callisto, et virent dans cette Callislo, non pas la déesse môme, mais une des comparses de sa suite. D'ailleurs ce rôle effacé ne lui épargna ni la jalousie d'Héra, ni même la colère d'Artémis. Le nom d'Arcas rappelait aux Arcadiens celui de l'ours, arktos, et ils voyaient dans le ciel la Grande Ourse, la fameuse constellation. N'était-il pas naturel, encore une fois, que Callisto fût métamorphosée en une ourse, tuée par Artémis et placée au ciel par Zeus, son amant, pour devenir la brillante constellation des nuits sereines? L'idée de cette métamorphose en ourse venait peut-être de la coutume, appelée arkteuein : les jeunes filles arcadiennes qui se consacraient au service d'Artémis accomplissaient leurs fonctions déguisées en ourses.

Le nom d'Arcas, Arcades, a-t-il effectivement quelque rapport avec arktos, ursus, « ours », et l'Arcadie avait-elle reçu, à l'origine, le nom de « pays des ours » ? On ne peut répondre positivement à cette question. C'est chose possible ; car le t est tombé dans arkilos, "jeune ourse" ; on trouve arkos, au lieu d'arktos, et le sanscrit, dit riksha, le latin ursus (F. Max Müller, Nouvelles études de mythologie, 1898 - books.google.com).

Dans la Vie des Orsini, Francesco Sansovino rappelle que ces Romains aimaient à se dire les descendants de Calisto, l'Ourse de Lycaon, roi d'Arcadie (Jacqueline Theurillat, Les Mystères de Bomarzo: et des jardins symboliques de la Renaissance, 1973 - books.google.com).

Le labyrinthe de Bomarzo (Viterbe) mènera le visiteur de surprise en effroi. Le Bois sacré de Bomarzo réalisé vers 1560 pour le compte de Vicino Orsini est une « Une Arcadie du frisson » (G. R. Hocke) qui surgit de la paisible campagne (Jardin des arts, Volume 11, 1964 - books.google.com).

Trassoulas et les Manichéens

A l'autre intersection de la croix d'Huriel avec la Ligne gnostique se trouve Belcaire et le hameau de Trassoulas.

Selon Bossuet, les hérétiques toulousaîns, combattus par saint Bernard, étoient manichéens. Ils avoient pour chefs Pierre de Bruis, et son disciple Henri. Pierre le Vénérable les nomme pétrobusiens.

Les Manichéens ont cru en seul Dieu en trois personnes, sans admettre trois Principes differens. La comparaison de trois Soleils dont ils se sont servis, ne leur fait pas plus de tort, que celle de-trois hommes que plusieurs Pères très Catholiques ont mise en œuvre. Manichée trouva la Trinité non seulement dans le N. T. où elle est clairement enseignée, il en rencontra aussi des traces dans la Théologie Orientale, d'où Platon semble avoir pris les Idées qu'on en trouve dans sa Philosophie. Mais en croyant la Trinité, il ne crut pas l'egalité des personnes Divines. Il croyoit le Verbe soumis au Pere, n'agissant que sous les ordres de celui, de qui il tient son essence & son pouvoir. C'est pourquoi l'Hérésiarque assignoit aux trois personnes Divines des séjours proportionnez à leur dignité. Il mettoit le Père dans le Ciel suprême à cause de sa prééminence; le Fils dans le Soleil, au-dessous du Pere ; & le S. Esprit dans l'air au-dessous du Fils. Ces imaginations paroissent étranges, mais M. D. B. croît que Manichée n'en est pas l'Auteur, & il tâche d'en découvrir l'origine. Il prétend qu'il a emprunté des Mages l'idée du séjour du Fils de Dieu dans le Soleil. En effet les Persans disoient que Dieu a établis son Trône dans le Soleil, & Mithra étoìt un nom commun à cet Astre & à la première des Intelligences. Le séjour du S. Esprit dans l'air a du rapport à la Théologie des Hébreux, qui concevant le S. Esprit, comme présidant sur les Intelligences unies à la Matière, dévoient le placer dans l'air, afin de le rapprocher des Etres de son département. D'ailleurs l'air, selon l'opinion de plusieurs anciens Philosophes, est le séjour des Ames, & le S. Esprit ayant la charge de ces Ames ; il est naturel de le placer à portée d'elles (Jacques Lenfant, Isaac de Beausobre, Paul-Emile de Mauclerc, Jean-Henri-Samuel Formey, Bibliothèque germanique ou Histoire littéraire de l'Allemagne et des pays du Nord, Volumes 31 à 32, 1735 - books.google.com).

A Trassoulas ("trois soleils" en patois), se trouve une Ă©glise Saints CĂ´me et Damien, jumeaux, comme Ă  Belcaire mĂŞme.

Le thème de la gémellité se rencontre dans le manichéisme, par exemple les deux enfants jumeaux de Zurvân, Ahrmazd et Ahriman.

Les origines de Mani ne sont pas clairement établies ; c'est probablement vers 242, sous le règne de Shâpour 1er (241-272), qu'il commence à prêcher sa nouvelle religion, jouissant à ce moment de la protection royale. Ses dogmes s'inspirent à la fois de religions babyloniennes et iraniennes, mais conjuguées à des influences du christianisme et du bouddhisme. A la base de son système se trouve l'opposition entre le Bien et le Mal — le même principe qui oppose les deux enfants jumeaux de Zurvân, Ahrmazd et Ahriman. Mais contrairement aux idées reçues, qui trouvent leur expression dans ce que le langage commun appelle un raisonnement « manichéen », cette dualité est loin d'être simple : le Bien possède en lui une parcelle du Mal et vice-versa, comme dans le symbole chinois du Yin et du Yang. L'homme est composé d'un corps (ombre, opaque) et d'une âme (lumière, subtile) ; le but de l'homme est d'affranchir l'âme de son corps, la rendant ainsi à la Lumière universelle. Ainsi, lorsque toutes les âmes se seront libérées et auront retrouvé le soleil, le ciel et la terre s'écrouleront. Cette religion, que certains qualifient d' « universelle », est en fait plus proche d'une initiation gnostique que d'un culte ouvert à tous : les fidèles sont divisés en élus et auditeurs. Les premiers forment le clergé, pratiquent le jeûne et le célibat, s'abstiennent de manger de la viande et doivent avoir une conduite morale exemplaire, notamment en ce qui concerne la cupidité et le mensonge. Les auditeurs, quant à eux, ont le droit de se marier et peuvent exercer une profession, mais doivent conserver leur pureté et ne pas rechercher la richesse. La religion ne connaît ni sacrifices ni images de dévotion, mais impose en revanche des prières et des jeûnes ; certains rites comme le baptême, la communion ou l'absolution des péchés montrent une évidente parenté avec le christianisme, tout comme l'image de la Trinité et la grande place accordée à Jésus-Christ. Mais d'autres influences sont également visibles : les hymnes manichéens semblent d'inspiration babylonienne, leurs anges ont des noms syriens ; le régime végétarien et la métempsycose semblent pour leur part empruntés au bouddhisme (Yves Porter, Les iraniens: Histoire d'un peuple, 2006 - books.google.com).

La gémellité est le thème principal des Actes de Thomas.

Le témoignage le plus ancien de ce texte est celui d’Epiphane (CE 2, 47, 1). Les Actes sont quelques fois fortement encratites ; mais un tel enseignement caractérise de façon générale le christianisme syrien du IIIe siècle. L’un des thèmes dominants des Actes apparaît dans le récit du voyage missionnaire de l’Apôtre en Inde. La réalité historique de ce voyage reste controversée. Cependant, il n’est pas impossible que le christianisme ait déjà pris pied en Inde au moment de la rédaction de l’œuvre. L’intérêt des Actes de Thomas tient beaucoup aux prières et sermons, tout particulièrement au magnifique hymne oriental (chap. 108, 13) qui fait l’objet d’une importante littérature secondaire. Il s’agit de l’hymne conventionnellement dit Hymne de la Perle (ou Hymne de l’âme). L’origine Parthe de l’Hymne a été discutée après que l’on a identifié des mots iraniens dans le texte syriaque. Ménard voit en l’œuvre une version manichéenne d’interprétation d’un texte judéo-chrétien. Jude Thomas est annoncé comme l’auteur. Il est « le frère jumeau de Jésus », ayant non seulement la même apparence, mais partageant également l’œuvre de rédemption. Il est le gardien d’une connaissance secrète, tout comme la figure de Thomas dans l’Evangile de Thomas. Cependant, il n’y a pas d’interdépendance évidente entre les deux écrits, sinon qu’ils partagent un même fondement théologique. Edesse est vraisemblablement le lieu d’origine des Actes de Thomas. La composition pourrait se situer au IIIe siècle (www.chemins-cathares.eu - Connaissance des textes : Le christianisme hétérodoxe).

Si Pierre ne connaît le maître que sous l'aspect d'un sage juste, Matthieu ne voit en lui que le philosophe, Thomas se refuse à le définir, car, ayant bu à sa source bouillonnante, il a saisi son ineffabilité. La portée première des trois mots secrets que Thomas entend de Jésus est d'asseoir son intimité avec Jésus.

A bien lire le texte des Actes de Thomas, il faut reconnaître que la gémellité de Thomas et du Christ avancée au fil du récit, dépourvue de sa fonction initiale d'identification et d'individuation des deux jumeaux, a trouvé une nouvelle fonction, à savoir la révélation du Sauveur véritable. Thomas est campé au fil des Actes comme celui qui dévoile progressivement le véritable Apôtre, Jésus lui-même. La symbolique gémellaire mise en avant ne montre plus le jeu subtil de deux jumeaux qui se différencient et s'opposent pour devenir eux-mêmes. Tout à l'opposé, elle joue sur les richesses de la substitution entre deux personnages semblables, pour révéler le seul personnage important dans lequel le fidèle est appelé à se fondre à son tour pour ne devenir qu'un avec lui. La substitution débouche ainsi sur une union et une fusion, dans lesquelles les gnostiques ont entrevu le salut. A ce titre, Thomas est devenu le type du parfait sauvé par identification au Sauveur.

Les spéculations manichéennes déploient royalement les identifications que le Chant porte en germe et montrent ainsi la part qu'y tenait le symbole de la gémellité. L'interprétation chrétienne ne permet pas de voir comment le Sauveur ou le Prince peut être à la fois sauveur et sauvé, et qu'il faut chercher les racines de cette antinomie dans les représentations iraniennes sur la « daêna », sa personnalité spirituelle demeurée au ciel et avec laquelle elle doit s'unir pour reformer l'homme total. (Raymond Kuntzmann, Le symbolisme des jumeaux au Proche-Orient ancien: naissance, fonction et évolution d'un symbole, 1983 - books.google.com).

Dans les Actes, l'homme noir est l'expression concrète du diable. Le sixième Acte rapporte aux chapitres 55 à 57 le voyage en enfer d'une femme tuée en situation d'adultère, opposant de façon radicale deux pouvoirs : celui de l'homme noir "qui est odieux à voir, son vêtement était fort sale" et "celui qui était semblable à toi et (qui) me prit et me livra à toi".

Le Chant de la Perle semble d'ailleurs avoir été soumis à des relectures correspondant à des couches rédactionnelles différentes : 1) le marchand parti la la recherche de la perle constituerait la couche rédactionnelle judéo-chrétienne et primitive (thème du marchand sage et de la perle [cf. Evangile de Thomas, log. 76 ; Ps.-Clém., Rec., III, 62]) ; 2) le thème du Prince, qui a besoin d'être sauvé et de sauver la perle (l'âme individuelle), reprend la théorie de la daena universelle qui se sauve elle-mlême avec les daenas individuelles ; 3) une troisième relecture, manichéenne cette fois, serait celle qui mentionne Babylone, lieu de l'activité apostolique et du martyr de Mani, et la Mésène, son lieu d'origine (J.E. Ménard, R.-P. Martin. Carmen Christi. Philippians II, 5-11 in recent interpretation and in setting of Early Christian Worship., Revue de l'histoire des religions, 1969 - www.persee.fr).

Une autre Perle, sainte Marguerite, intervient dans cet article plus loin.

CEIL BEIL : soleil caché, soleil couché, et le Graal

La datation du sceau de Perceval de Rosans, 1292, est le nombre figurant sur la dalle de Coume Sourde. Bruis, dont Perceval de Rosans est seigneur, se trouve près de la ligne gnostique qui forme, sur une de ses parties, un côté du Sceau de Palaja (Douzens - Roque Mude) (Autour de Rennes : la ligne gnostique, Autour de Rennes : Une étoile hermétique à deux niveaux).

Le manuscrit de Mons qui propose une série de textes relatifs à la quête du graal, donne au vers 1292 de son conte du graal précédé de l'Elucidation et du Bliocardan : "Sor son cacéour, ne présist" où cacéour désigne un cheval de chasse, sur lesquel Perceval est monté et joue du javelot (Perceval le Gallois, Manuscrit de Mons, publié par Charles Potvin, 1866 - books.google.com).

L'auteur de la Première continuation du Conte du Graal ou "Continuation Gauvain" insiste particulièrement sur le soleil couchant, car c'est au soleil couchant que le Graal est atteint : "Insistance de notre auteur sur le soleil couchant : on n'arrive au Graal qu'une fois le soleil couché (sol absconditus)."

Le manuscrit de Mons "P" (XIIIème siècle) porte la Continuation Gauvain (version courte, mais avec des emprunts à la longue), la Continuation Perceval, la Continuation de Manessier ; de plus, le Conte du Graal, est précédé, non seulement du Bliocadran, mais aussi de l'Elucidation.

Le copiste de P. Le copiste du manuscrit de Mons se distingue d'abord par ses trois grandes interpolations : celle de l'Elucidation (476 vv.), celle du Bliocadran (8OO vv. - le ms. L donne aussi ce texte), et une de 204 vv. où l'on nous raconte que l'épée remise à Perceval par le Roi-Pêcheur se brise et qu'un valet, envoyé à cet effet, en rapporte les morceaux au Château du Graal (notons que H, le ms. de Londres, donne les mêmes détails en plus de 500 vers, et que T fait aussi allusion, mais de façon bien plus brève, à la brisure de l'épée) - il faut justifier la présence de l'épée brisée dans les Continuations. Les autres additions de ce copiste sont peu nombreuses (1O en tout) et assez médiocres. Les lacunes sont également peu importantes (11, totalisant 29 vv.). A. Micha a dénombré 550 variantes individuelles, qui, pour la moitié, sont obscures, bizarres, ou n'ont aucun sens : ce manuscrit viendrait en tête, avec S, "pour le total des expressions ou mots non compris". En conclusion, le ms. P, "malgré un texte d'une bonne tenue, porte la trace de nombreux remaniements". Une question vient à l'esprit : le copiste de P est-il le responsable des trois interpolations ? Il ne peut être l'auteur du Bliocadran, puisque ce prologue figure aussi dans L, lequel - ou son modèle - est sans doute plus ancien que P. Rien dans le style ne permet, d'autre part, de rapprocher l'Elucidation de l'addition relative à la brisure de l'épée, et le style du Bliocadran ne se rapproche guère de celui de l'une ou de l'autre : les trois additions peuvent être dues à trois "auteurs" distincts. Le copiste de P pourrait-il être l'auteur de l'Elucidation ? Celle-ci a certainement été rédigée par quelqu'un qui connaissait la Continuation-Gauvain (au moins la visite - authentique - de Gauvain à la salle du Graal, Br. V), mais rien n'indique qu'il puisse s'agir d'un copiste-remanieur plutôt que d'un autre - sinon la pauvreté de la rime, qui exclut les responsables de la rédaction "longue" de la Continuation-Gauvain (M, Q, E, U, et aussi T, qui dans ses nombreuses additions, semble quêter la rime riche). L'auteur de l'interpolation, selon P, sur l'épée brisée, cherche lui aussi la rime riche ; il se distingue donc des auteurs du Bliocadran et de l'Elucidation et se rapproche des auteurs des interpolations de la rédaction longue de la Continuation-Gauvain MQ, EU, ainsi que des responsables des additions de T et de R. A titre de comparaison, l'interpolation analogue de H est plutôt pauvrement rimée - ce qui la situe bien dans la tradition anglo-normande (Pierre Gallais, L'imaginaire d'un romancier français de la fin du XIIe siècle: description raisonnée, comparée et commentée de la Continuation-Gauvain : première suite du Conte du Graal de Chrétien de Troyes, Volume, 1989 - books.google.com).

MESSIAS de la dalle de Coume Sourde (Coumesourde)

Si, au revers de la dalle de Coume Sourde se trouvent les lettres "CEIL BEIL MCCXCII", à l'avers il y a les lettres SAE, SIS et M qui forment le mot MESSIAS qui est la translitération grecque de l'hébreu Maschiach ou Moschiach, araméen Meschiah, Messie en français, et le schéma qui a été utilisé pour créer le Sceau de Palaja (Autour de Rennes le Château : PSPRAECUM ou PS PRAECUM : le petit frère des pieuvres).

Perceval et les Messies

Comme le Messie judaïque et le Bahrâm mazdéen, Perceval sera un guerrier victorieux noter l'insistance de Chrétien sur ces victoires ; mais, comme le Saoshyant, il sera, dans les Continuations à la fois roi et prêtre. Il mettra fin au règne de Satan en verrouillant définitivement dans son trou le ver infernal. Il rendra aux eaux leurs cours, ramenant ainsi la fertilité sur la terre jadis gaste et, célébrant le culte du Graal, abolira pour jamais la Faim et la Soif. Lancelot, en renouvelant la Descente aux Enfers et la Délivrance des Justes, correspondait au Christ « historique », révélateur de la Nouvelle Loi ; Perceval, propagateur de cette Nouvelle Loi - voir le Perlesvaus - annoncera le suprême champion de l'Église militante. Et si l'on veut un dernier trait qui montre combien la « structure » du « mythe » de Perceval était - consciemment ou inconsciemment - parfaitement comprise : quelque aberrantes que seront les inventions des épigones de Chrétien, aucun ne donnera de descendance à Perceval (alors que Lancelot. le héros de l'amour unique, fera, malgré lui, un enfant à la fille du roi Pelles). Blanchefleur est l'une des nombreuses « incarnations » de la Sophia ; elle se situe dans la ligne qui mène de la Laylà des mystiques « musulmans » à la Béatrice de Dante. Nul doute, que, si Chrétien avait été un peu moins « conteur » et un peu plus mystique, et s'il avait pu - ou su ? - terminer son Conte del Graal, il n'y aurait pas eu besoin d'inventer Galaad, l'Archange. Ne regrettons rien, car il est beau que le héros de la Fin des temps procède directement du héros de l'amour extatique. Mais sans Perceval, pas de Galaad, et pas de Galaad non plus sans Lancelot. Et pas de Lancelot - partant, pas de Perceval, sans doute - s'il n'y avait pas eu, encore une fois, l'impérieux besoin de combattre Tristan et de remettre à sa place l'amour humain qui, pas plus pour un chrétien que pour un mazdéen, pour un bouddhiste que pour un shî'ite, ne peut être une fin en soi. Dans le modèle persan du Tristan d'ailleurs, l'amour n'était pas une fin en soi (Pierre Gallais, Genèse du roman occidental: essais sur Tristan et Iseut et son modèle persan, Volume 1, 1974 - books.google.com).

Ivonès serait - sous l'apparence d'un prénom breton - "celui du lac" : ibon ou ivon en Aragon, Navarre "le lac" et -ès originaire de. En son ultime aventure, Perceval devra aller vers le lac Cothoatre, retrouver la froge de celui qui forgea l'épée du roi pêcheur. Il deviendra ainsi l'image du Saoshyant perse, qui lui ausii naîtra d'un lac, à la fin des temps. En Ivonès, le Chevalier a donc rencontré à la cour du roi Arthur sa propre pré-figuration, son "Ange", son parrain secret, son Jumeau céleste, auquel il doit devenir semblable. Tous ces caractères font d'Ivonès, l'Imâm de Perceval, ou mieux, son Guide personnel, celui que les shî'ites appellent ostad ghaybi. En retrouvant, dès les premiers vers du poème, le thème du lac, nous voyons se confirmer l'origine iranienne du Conte du Graal, mais surtout que le projet initial était de situer au centre du Roman l'épisode de l'épée brisée, la prédiction de la cousine et le thème du lac, c'est-à-dire, celui du Sauveur final (Paulette Duval, La pensée alchimique et le conte du graal, Champion, 1979, pp. 332-333).

La venue du Sauveur du Monde est prédite dans le Zend-Avesta, qui est la Bible des Perses: il est appelé Saosiaç, celui qui donne la vie, le victorieux, et c'est lui qui doit faire revenir la sainteté parmi les hommes. C'est dans le lac sacré de Kançu dans le Sedschestan qu'est cachée la semence de Zarathustra, de laquelle doit sortir dans l'avenir Saosiaç, le Sauveur du monde et l'auteur de la Résurrection, car une Vierge pure doit le recevoir dans son sein, en se baignant dans les eaux de ce lac. Il purifiera la terre du péché et de la douleur, rendra heureux le monde entier et ouvrira de nouveau aux hommes la porte du Paradiaza, du Paradis perdu, où verdit l'arbre de la la Vie, ce lieu de joie que le Sauveur fit entrevoir au voleur qui fut crucifié avec lui. Et de même que le Christ déclare que « le Seigneur viendra un jour surprendre les hommes comme un voleur, » ainsi est-il dit dans le ZendAvesta (III, 111): « Saosiaç, le Sauveur, le Fils de la Vierge, viendra tout d'un coup, quand on l'attendra le moins, pour juger le monde. » Zam. Yasht (89): « De quelle grâce ne seront pas accompagnés Saosiaç, le victorieux, et les autres amis, quand il renouvellera le monde » et le rendra inaltérable, immortel, indestructible, incor» ruptible, infini et heureux à jamais, et lorsque leshommes » ressusciteront? Les hommes reviendront à la vie pour jouir de l'immortalité, et les choses continueront d'être avec les noms qu'elles portent. » Gaijomart, le premier né de la création, ressuscitera aussi le premier. Nos premiers ancêtresMeschia et Meschiané, qui depuis leur mort ont habité les enfers, prendront aussi part à la ressurrection (Johann Nepomuk Sepp, Sainte-Foi, Jésus-Christ: études sur sa vie et sa doctrine dans leurs rapports avec l'histoire de l'humanité, 1869 - books.google.com).

Les Perses attendaient eux-mêmes un messie, le Sosiosch (Çaoshyanç, l'Utile) qui devait vaincre Ahriman. Mais la différence entre le davidide et le Sosiosch perse est grande, et l'attente commune des deux peuples s'explique parle caractère même de la religion de Zoroastre qui culmine dans l'espérance du triomphe final du bien sur le mal remporté par un héros céleste futur (Frédéric Lichtenberger, Encyclopédie des sciences religieuses, Volume 9, 1880 - books.google.com).

L'approche gnostique se caractérise par plusieurs thèmes qui se répètent souvent. Le premier est une conception dualiste de l'univers selon laquelle le bien est associé à l'esprit et le mal à la matière. L'esprit est symbolisé par la lumière, et la matière par l'obscurité. Jusqu'ici on peut constater des idées zoroastriennes, mais avec une différence. Tandis que le zoroastrisme considère que le monde est fondamentalement bon, la gnose soutient qu'il est mauvais, car il est matériel. La matière est la prison dans laquelle l'esprit souffre dans l'impureté, et la mission du gnostique est donc de l'en libérer. Il cherche à transcender sa condition misérable pour retourner à son état originel de pur esprit. Il est entendu que seulement quelques privilégiés atteindront la compréhension des vérités profondes de la gnose, qui demeurent inaccessibles à la majorité. Le rite du baptême, symbolisant la renaissance et la transformation de l'individu, représentait une étape importante dans le processus d'initiation des sectes gnostiques. La gnose est une synthèse d'influences grecques, sémites et iraniennes La dichotomie entre l'esprit et la matière rappelle la pensée platonicienne, alors que le dualisme entre le bien et le mal, symbolisé par la lumière et l'obscurité, provient de l'Iran (Richard Foltz, L'Iran, creuset de religions: de la préhistoire à la République islamique, 2007 - books.google.com).

La Loi d'Ormuzd recevrait dans le monde quatre accroissements à quatre époques différentes: le premier sous Zoroastre, le second et le troisième sous les prophètes Uchederbami et Ucbedermah, vers la fin des temps, et le quatrième, lors de la résurrection, sous Sosioch qui rendrait l'univers pur comme le Paradis (Louis Gabriel Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne, etc, Volume 52, 1828 - books.google.com).

La Renaissance italienne a redécouvert le jardin, associé au paradis terrestre ou à l'Arcadie, un thème qui remonte à l'Antiquité. Le jardin paradisiaque est entouré d'un mur, traversé par un ruisseau, composé d'une grande variété d'arbres, de fleurs et d'épices qui aromatisent le jardin. L'ouvrage de Francesco Colonna, intitulé Hypnerotomachia Poliphili parut en 1499 en Italie. Il connut une grande popularité et fut traduit en français en 1546 sous le titre Le songe de Poliphile. Cette œuvre, qui se déroule dans des jardins, décrit le rêve de Poliphile à la recherche de sa bien-aimée Polia, une histoire d'amour sous la forme d'un rêve érotique. Ses descriptions et ses gravures ont servi de source d'inspiration à de nombreux jardins de la Renaissance (Diane Vlaswinkel-Timmer, Le château du Grand Jardin à Joinville, Les Cahiers haut-marnais, Numéros 188 à 195, 1992 - books.google.com), comme celui des Orsini à Bomarzo.

L'ours

L'ours voleur de femmes

Plusieurs exemples appuient cette thèse misogyne et au moins trois d'entre eux permettent de retrouver divers aspects de la mythologie de l'ours voleur de femmes. C'est d'abord le cas pour Tristan, fils de l'ours (ou du velu), qui participe d'un vieux schéma mythique illustrant l'opposition entre l'époux céleste et l'époux infernal de la Reine de l'Eté. Une ballade de la Reine d'avril donne la clé de ce vieux scénario rituel probablement lié aux fêtes de mai en vertu duquel la Reine (à l'instar d' Yseut) est partagée annuellement entre son époux céleste (Tristan) et son époux infernal (Marc) si l'on en croit le texte gallois de l'Ystoria Tristan.

Arthur est, mythologiquement parlant, un « ours ». Cet ours est un homme-bête associé à la violence guerrière, mais il est aussi l'héritier de vieilles conceptions religieuses relatives à un culte cosmique où l'ours est l'animal divin et souverain par excellence. En outre, la chasse et la guerre corollaires de la mythologie de l'ours, constituent deux aspects d'une même quête problématique de la souveraineté et le mythe arthurien traite en profondeur de cette question de la souveraineté (Philippe Walter, Arthur: l'ours et le roi, 2002 - books.google.com).

La plus vieille légende archétypale d'ours amateur de femmes serait celle de Pâris, nourri du lait d'une ourse, qui enlève ensuite Hélène et provoque la ruine de Troie. Un rituel est mentionné par Pausanias : les guerriers d'Arcadie revêtaient des peaux d'ours avant de partir en guerre contre Sparte.

Le 2 ou le 3 février étaient associés à la sortie de l'hivernation, et les fêtes impliquaient des viols et des rapts simulés. Ces festivités étaient particulièrement fréquentes dans les Ardennes et le croissant alpin, deux régions où étaient vénérées des déesses celtes liées à l'ours, Arduinna et Artio.

L'ours comme initiateur sexuel est à mettre en relation avec « la noirceur du premier état de la matière » et les premières phases de l'alchimie selon le Dictionnaire des symboles. En effet, l'ours affectionne les cavernes d'où émane son « souffle mystérieux », chtonien (la couleur jaune étant celle de la terre chez les chinois147), il incarne donc l'obscurité, et par conséquent les ténèbres ainsi que la couleur noire. L'ours est appelé Brun dans le Roman de Renart (fr.wikipedia.org - L'ours dans la culture).

Ours/Ourses

Une ourse sauvage d'Attique, peu à peu apprivoisée, a blessé un jour une fillette qui voulait jouer, imprudemment, avec elle. Son frère la tue, ce qui provoque la colère d'Artémis. L'ourse est en effet son animal sacré. La déesse déclenche une peste, et exige pour y mettre fin que désormais chaque petite fille d'Athènes mime l'ourse et serve son sanctuaire en portant la crocote, avant ses noces (pro tou gamou). Ce rite pré-nuptial repose sur l'idée que la fillette exorcise ainsi « l'ourse » qui est en elle, pour quitter la sauvagerie de l'enfance afin de devenir, lors de son mariage, une épouse « apprivoisée » pour son mari (Bernard Legras, Éducation et culture dans le monde grec: VIIIe siècle av. J.-C. - IVe siècle ap. J.-C., 2002 - books.google.com).

Artémis préside au passage à la vie de femme et étendra sa protection aux accouchements et aux nourrices. Dans le langage populaire « avoir ses ourses » restera l'expression désignant le fait d'avoir ses règles.

Homère, dit Robert Triomphe dans Le Lion, la Vierge et le Miel, nous met sur la voie d'une première explication : il précise que l'ourse est seule à ne pas avoir part aux bains de l'Océan. « Le fait que la Grande Ourse reste toujours au-dessus de l'horizon est un fait d'observation, aux latitudes Nord suffisamment éloignées de l 'Equateur, dû à la place de la constellation au voisinage du pôle céleste... Océanos incarne un pouvoir mâle de fécondation et de paternité universelles, tandis que le bain en général est symbole bien connu d'union nuptiale. En refusant de participer au bain et d'aller se coucher dans le «lit» d 'Océanos, la nymphe stellaire manifeste une virginité indomptable, comparable à celle d'Artémis, (...) Ainsi le déroulement du temps dans le mythe, et le rôle des acteurs apparaissent comme l'animation dramatique d'un spectacle céleste centré sur le thème du bain, et le double théâtre dont il peut faire l'objet selon que le bain est accepté ou refusé.»

Ovide, dans les Fastes, fixe la commémoration du mythe de Callistô à la date du 11 février, au moment où apparaissent les « pieds » du bouvier, c'est-à-dire du Gardien de l'Ourse. Car si la vierge ourse garde, elle est aussi gardée. Cette date suit de peu la date traditionnellement avancée pour marquer la déshibernation de l'ours : le 2 février. « Il était donc facile de superposer l 'hibernation de l 'ours à la claustration de de la vierge dans le gynécée et la fin de cette hibernation à la protection réclamée au sortir du gynécée par la vierge nubile (pour se protéger des ardeurs du mâle). Autrement dit, la sortie de l'ours hors de sa tanière, pouvait trouver naturellement sa traduction symbolique dans le ciel de février, avec l'apparition d'une constellation qui veille sur celle de l'ours et sur la «tanière arctique du pôle » (Isabelle Bianqui-Gasser, Le temps d'Agathe, un mythe européen de sang et de lait, Inventions européennes du temps: Temps des mythes, temps de l'histoire, 2004 - books.google.com).

Les charbonniers, les Mages et le feu

Les hommes noirs de Villemaury, si ce ne sont pas des Sarrazins, sont en général des charbonniers qui partagent la forêt avec les ours. Le conte du Charbonnier à Villefloure, près de Palaja, a été relaté précédemment et met en scène un ours (Autour de Rennes : Saint Sulpice, Aude et Grande Ourse).

Dans les miniatures, le charbonnier est un personnage à mi-chemin entre l'homme sauvage hirsute et le démon noirâtre et presque zoomorphe.

L'hostilité que suscitaient charbonniers et muletiers (les deux se confondaient souvent) n'était pas moins âpre que celle que déclenchaient les saisonniers. En effet, le charbon de bois voyageait sur un rayon de dix à trente km en sacs de cinquante kg, à dos de mulet, car la carbonisation allégeait notablement le poids du produit. Une telle possibilité était chimérique pour le bois en grume ou en bûche (sinon par voie d'eau...), eu égard à la grande précarité des chemins et à la pénurie en trains d'attelage.

Charbonniers et muletiers — les deux se confondent souvent — sont objet d'opprobre. Mépris et haine se résument dans le choix des sobriquets les accueillant quand ils entrent dans le village. On ne les aime guère, ces « hommes noirs », les « tourloupes », les « arruchos ». Mille raisons à cela : un visage maculé, que dissimule à demi le chapeau de cuir à bords plats pour protéger des escarbilles, leur indifférence aux jours chômés, y compris celui du seigneur, à la nuit tombée, car la besogne au feu couvant ne s'interrompt pas comme le sillon qu'on ouvre. Ils ont contre eux de vivre différemment et de gagner davantage que les bûcherons recrutés, eux, sur place. De plus, ils viennent d'ailleurs, descendant du haut Bourbonnais vers le Nivernais, se déplaçant du Pays basque aux monts du Couserans. Tout étranger représente un indésirable. Réflexe xénophobe ? Certainement. Mais pas seulement : les mauvais souvenirs qu'ils laissent derrière eux — on les dit hâbleurs, dépensiers et coureurs de jupons — ne s'évanouissent pas des mémoires. Les traces de leur activité s'inscrivent au sol et durent bien après que le métier a perdu toute actualité. Certes, entre 1940 et 1945, les charbonniers ont réapparu. Eux utilisaient des fours démontables en forte tôle dont quelques carcasses rouillées traînent encore dans les taillis. Ce sont leurs ancêtres dont on se souvient. Ils effrayaient les enfants. Ils logeaient au bois. Ils y ont imprimé leur marque : l'emplacement où se dressait la meule. Leur travail commence en effet par le nettoyage de places circulaires et rigoureusement planes. Elles resservent à chaque exploitation et s'identifient aisément. Les goudrons s'écoulant pendant la lente carbonisation des bûches (la charbonnette) ne permettent plus ensuite, pour une très longue période, la reprise normale de la végétation. Elles se discernent d'autant mieux que le terrain est plus accidenté. Les charbonniers opèrent alors non plus sur la coupe même, mais en bordure de chemin ou sur un replat, créant ainsi un assez vaste atelier. Sur la route d'Arleuf (Nièvre), au Haut-Folin, l'un d'eux s'observe encore aux Montarnus, lieu dit : la Place au Charbon. Après avoir apporté la charbonnette à pied d'œuvre, l'ouvrier, aidé des femmes et des enfants, entasse les brins en une meule hémisphérique d'environ quinze stères, la charbonnette étant presque à la verticale en couches successives. Au centre de la meule, un espace libre fait office de cheminée de tirage. La construction achevée, il la pare de mousse et de mottes de gazon, puis d'une couche de terre humide lissée à la pelle. Le feu une fois mis dans la cheminée, il lui faut régler l'arrivée d'air pour obtenir une combustion très lente et très régulière, en ménageant d'étroites prises d'air au ras du sol, en obturant toute fissure apparaissant sur la calotte de terre, en réduisant au maximum l'orifice de la cheminée. C'est peu de dire que la surveillance ne se relâche pas. Le temps de combustion, variable avec les conditions atmosphériques, couvre trois à six jours. L'ouvrier bouche alors toutes les sorties pour étouffer le feu. Il attend le refroidissement pour découvrir la meule, trier le charbon et le mettre en poches, vastes sacs d'une cinquantaine de kilos. Couramment, un charbonnier, avec un aide, possède cinq meules en train, soit en montage, soit en activité, soit en défournement. L'ensemble des opérations se remarque de loin : dans les bois, comme dit le proverbe, « il n'y a pas de fumée sans feu ». Les gestes qu'implique cette technique, peu d'hommes sauraient les refaire. Les fondations des édifices rappellent un mode de vie, une méthode de travail et l'importance de ce combustible, à la ville comme à l'usine, jusqu'à ce que la houille lui retire son monopole. C'était hier. Il faut en effet patienter jusque dans les années 1840 pour que s'amorce la compétition entre la houille et le bois, corde de chauffage et charbon de bois (Andrée Corvol, La forêt, Partages de l'espace-temps, Les Lieux de mémoire: Les France, 1992 - books.google.com).

Le Charbonnier, voleur de femme, intervient dans un conte occitan. Ici il s'agit plus d'une fraude que d'un vol :

Tandis que la fille d'un roi, sauvée par un jeune homme d'une bête redoutable, rentre au château, la jeune fille rencontre des charbonniers auxquels elle raconte comment elle a été sauvée par un chevalier inconnu qui a aussitôt disparu. Au courant de la faveur promise au libérateur, le plus jeune des charbonniers se présente le lendemain à la cour comme le héros à qui revient la main de la fille du roi. Le mariage préparé pompeusement allait se célébrer, lorsque le chevalier mystérieux paraît et présente le mouchoir à la jeune fille. La fourberie du charbonnier découverte, le roi ordonne de le conduire à la potence pendant que dans le château on fête l'union du couple heureux (garae.fr - Brise-Fer ou le Roi des Poissons, Folklore n° 31, 1943 - books.google.com).

A Greffeil, existe un abri des Charbonniers. En 1786 et 1787, on rencontre ces mĂŞmes charbonniers dans la forĂŞt des Fanges Ă  Quillan.

Jusque vers le milieu du XIXème siècle une curieuse cérëmonie précédait, à Castelnaudary et à Avignonet, celle du feu de St Jean. Le soir, vers neuf heures, lorsqu'on avait vu sept feux de charbonniers allumés sur la Montagne—Noire, un certain nombre d'habitants, revêtus d'une cagoule blanche, une torche allumée à la main, se formaient en cortège a la suite d'un joueur de fifre qui jouait la Marche de Simon de Montfort. Une légende greffée sur cet usage, veut que cette procession ait été une protestation silencieuse contre les atrocités commises pendant la Croisade par Simon de Montfort et ses soldats. Il nous a fallu toute l'autorité qui s'attachait à la parole de M. Edilbert de Teule, duquel nous tenons ces renseignements, pour nous deeider à faire figurer à cette place une telle interprétation d'un usage qui peut bien n'avoir été, en somme, que que la sortie annuelle d'un cortège de pénitents ; comme du reste le laisse supposer Guilhe, qui en sa qualité de chanoine défroqué à la Révolution, est très au courant des solennités religieuses de son pays (Gaston Jourdanne, Contribution au folk-lore de l'aude, 1900 - books.google.com).

Cette coutume est associée à un rite de substitution : Simon de Montfort ne serait que le substitut du fameux «Jean de l'Ours». En détaillant les éléments du récit et en les comparant, on constate que ce glissement s'opère comme suit : cagoules blanches / charbonniers / hommes noirs ; hommes des bois / fils d'ours ; bergers / fourrure, pilosité ; musique / ours ; 7 feux / petite et grande Ourse.

Ce glissement serait un des exemples d'un type dont on peut trouver d'autres applications ailleurs dans le folklore de France. Au regard du thème qui nous intéresse ici, la légende de Jean de l'Ours, est un bon exemple de relations normalisées entre villes et forêts. Jean de l'Ours né d'un ours sauvage, dans une grotte de la forêt, et dont la vieille mère est humaine, sortira de la forêt mi-homme mi-géant pour remettre de l'ordre dans son pays maternel, dans la ville. Il est donc un des membres de la société forestière tout en appartenant un peu au monde des hommes. Son épopée est semée de luttes et de combats dont le héros sortira toujours vainqueur, redonnant ainsi à la vie sociale et urbaine sa sa mesure de justice et d'équilibre. Il est par là-même un des meilleurs exemples des rapports symboliques que nous avons essayé d'évoquer ici et dont il semble assurer un certain syncrétisme (Bertrand de Viviès, Rapports symboliques ville-forêt, Les Cahiers de Fontenay, 1988 - books.google.com).

Pour les Perses, les Israélites ne se distinguaient pas des autres peuples captifs, tandis que, dans la Bible, Yahvé se sert des Perses (et de leur roi oint, Cyrus) dans le seul but de libérer son « peuple élu » (Isaïe 44, 25-28 et 45, 1-4). Dans ce chapitre 44, Isaïe cite le charbon de bois, résultat de la combustion des arbres nécéessaire au culte idolâtrique du feu chez les Mages originaires de Perse, et le roi de ce pays Cyrus, qui permit aux hébreux de rentrer en Israël et de reconstruire le temple de Jérusalem :

CHAPITRE XLIV : Rétablissement d'Israël. Le Seigneur est le seul Dieu. Vanité des idoles. Règne de Cyrus. Prise de Babylone. Rétablissement de Jérusalem. Écoutez-moi donc maintenant, vous Jacob mon serviteur, et vous Israël que j'ai choisi: Voici ce que dit le Seigneur qui vous a créé, qui vous a formé, et qui vous a soutenu dès le sein de votre mère : Ne craignez point, ô Jacob mon serviteur! ni vous, ô Israël que j'ai choisi! Car je répandrai les eaux sur les champs altérés, et les fleuves sur la terre sèche; je répandrai mon esprit sur votre postérité, et ma bénédiction sur votre race; Et ils germeront parmi les herbages, comme les saules plantés sur les eaux courantes. L'un dira: Je suis au Seigneur; l'autre se glorifiera du nom de Jacob; un autre écrira de sa main : Je suis au Seigneur, et il fera gloire de porter le nom d'Israël. Voici ce que dit le Seigneur, le Roi d'Israël, et son Rédempteur le Seigneur des armées: Je suis le premier, et je suis le dernier; il n'y a point de Dieu que moi. Qui est semblable à moi ? qu'il parle; qu'il explique par ordre dès le commencement du monde ce que j'ai fait pour l'établissement de mon peuple; qu'il leur prédise les choses futures et ce qui doit arriver. Ne craignez donc point, ne vous épouvantez point ; je vous ai fait savoir dès le commencement, et je vous ai annoncé ce quevuus voyez maintenant: vous êtes témoins de ce que je dis: Y a-t-il donc quelque autre Dieu que moi, et un Créateur que je ne connôisse pas? Tous ces artisans d'idoles ne sont rien, leurs ouvrages les plus estimés ne leur serviront de rien. Ils sont euxmêmes témoins, à leur confusion, que leurs idoles ne voient point, et ne comprennent rien. Comment donc un homme est-it assez insensé pour former un dieu, et pour jeter en fonte une statue qui n'est bonne à rien? Tous ceux qui ont part à cet ouvrage seront confondus , car tous ces artisans ne sont que des hommes: qu'ils s'assemblent tous, et qu'ils se présentent, ils seront tous saisis de crainte et couverts de honte. Le forgeron travaille avec sa lime, il met le fer dans le feu, et le bat avec le marteau pour en former une idole; il y emploie toute la force de son bras; il souffrira la faim jusqu'à être dans la langueur et n'en pouvoir plus, il endurera la soif jusqu'à tomber dans la défaillance; Le sculpteur étend sa règle sur le bois, il le forme avec le rabot, il le dresse à I'équerre, il lui donne ses traits et ses proportions avec le compas , et fait enfin l'image d'un homme qu'il rend le plus beau qu'il peut, et il le loge dans une niche; Il va abattre des cèdres, il prend un orme ou un chêne, qui avoit été longtemps parmi les arbres d'une forêt, ou un pin qu'on avoit planté, et que la pluie avoit fait croître: Cet arbre doit servir à l'homme pour brûler ; il en a pris lui-même pour se chauffer, il en a mis au feu pour cuire son pain ; et il en prend le reste, il en fait un dieu et l'adore ; il en fait une image devant laquelle il se prosterne ! Il a mis au feu la moitié de ce bois, de l'autre moi tié il en a pris pour cuire sa viande, et pour faire bouillir son pot, dont il a mangé tant qu'il a voulu; il s'est chauffé et a dit : Bon! j'ai bien chaud, j'ai fait bon feu; Et du reste de ce même bois il s'en fait un Dieu et une idole devant laquelle il se prosterne, qu'il adore, et qu'il prie, en lui disant: Délivrez-moi, car vous êtes mon dieu! Ils ne connoissent rien, et ils ne comprennent rien; ils ont tellement oublié, que leurs yeux ne voient point, et que leur cœur n'entend point. Ils ne rentrent point en euxmêmes, ils ne font point de réflexions, et il ne leur vient point la moindre pensée de dire: J'ai fait du feu de la moitié de ce bois, j'en ai fait cuire des pains sur les charbons, j'y ai fait cuire la chair que j'ai mangée, et du reste j'en ferai une idole ! je me prosternerai devant un tronc d'arbre ! Une partie de ce bois est déjà réduite en cendre, son cœur insensé adore l'autre; et il ne pense point à sauver son âme, en disant: Certainement cet ouvrage de mes mains n'est qu'un mensonge. Souvenez-vous de ceci, Jacob et Israël, parce que vous êtes mon serviteur: C'est moi qui vous ai créé, Israël; vous êtes mon serviteur, ne m'oubliez point. J'ai effacé vos iniquités comme une nuée qui passe, et vos péchés comme un nuage : revenez à moi, parce que je vous ai racheté. Cieux, louez le Seigneur, parce qu'il a fait miséricorde: terre, soyez dans un tressaillement de joie depuis un bout jusqu'à l'autre; montagnes, forêts avec tous vos arbres, faites retentir les louanges du Seigneur, parce que le Seigneur a racheté Jacob, et qu'il a établi sa gloire dans Israël. Voici ce que dit le Seigneur qui vous a racheté, et qui vous a formé dans le sein de votre mère: Je suis le Seigneur qui fais toutes choses, c'est moi seul qui ai étendu les cieux, et personne ne m'a aidé quand j'ai affermi la terre; C'est moi qui fais voir la fausseté des prodiges de la magie, qui rends insensés ceux qui se mêlent de deviner; qui renverse l'esprit des sages, et qui convaincs de folie leur vaine science; C'est moi qui rends stables les paroles de mon serviteur, et qui accomplis les oracles de mes prophètes; qui dis à Jérusalem: Vous serez habitée ; et aux villes de Juda: Vous serez rebâties, et je repeuplerai vos déserts; Qui dis à l'abîme: Épuise-toi ; je mettrai tes eaux à sec; Qui dis à Cyrus: Vous êtes le pasteur de mon troupeau, et vous accomplirez ma volonté en toutes choses; qui dis à Jérusalem: Vous serez rebâtie ; et au temple : Vous serez fondé. (CHAPITRE XLV.) Voici ce que dit le Seigneur à Cyrus qui est mon christ, que j'ai pris par la main pour lui assujettir les nations, pour mettre les rois en fuite, pour ouvrir devant lui les portes sans qu'aucune lui soit fermée (Lemaistre de Sacy, La Sainte Bible: Traduite par Lemaistre de Sacy, Volume 3, 1841 - books.google.com).

Si pour nous frayer un chemin à la connoissance de Zoroastre, nous recherchons l'origine du culte du feu, nous nous trouverons dans de nouveaux embarras ; puisque Moïse, au jugement de plusieurs Savans, a parlé des Pyrées ou des Temples consacrez au culte de cet élément dans le Lévitique sous le nom Chamanim. Dieu y menace les Israélites désobéïssans à ses ordres, de renverser leurs hauts lieux, d'exterminer leur Chamanim, ou leurs lieux consacrez au culte du feu ou du Soleil, & de jetter leurs cadavres sur les cadavres de leurs Dieux d'ordure. Isaïe se sert du même terme de Chamanim (XXVII. 9), il menace de même les Juifs infidèles de renverser leurs bois profanes & leur Chamanim. Il y en a qui croyent que les Chamanim marquez dans le quatrième des Rois (XXIII. 5), dans Osée (X. 5) & dans Sophonie (I. 4), ne sont autres que les Prêtres ou les Mages qui entretenoient le feu sacré dans les Pyrées. Le terme Chamanim signifie Noircis, nom que l'on donne par dérision à ces Prêtres, qui comme des Charbonniers étoient perpétuellement occupez à attiser, & à entretenir le feu. Le Roi Josias (2. Par XXXIV. 4) détruisit les Autels de Baal, & renversa les Chamanim, qui étoient en haut au dessus d'eux, & les bois consacrez aux faux Dieux. Tout cela fait voir l'antiquité de cette superstition. Quelques-uns croyent que ce feu perpétuel que Moïse ordonna qu'on entretînt sur l'Autel du Seigneur (Lévit. VI. 9. 12.), étoit une imitation de feu des Mages, & une condescendance de Moïse pour les Hébreux accoutumez de longue main à voir de ces sortes de feux entretenus dans les Temples des Payens. Theophraste cité dans Eusebe, met cette coutume de conserver le feu toujours allumé dans les Temples , parmi les plus anciennes pratiques de Religion. Ammien Marcellin (l. 23) dit que les Mages prétendoient que le feu de leurs Temples étoit descendu du Ciel. On portoit toujours le feu devant les Rois de Perse. On ne peut pas dire que Zoroastre & les Mages ayent imité en cela les Juifs, puisque Moïse parle déja des Chamanim, qui subsistaient encore dans Israël du tems d'Isaïe, & après lui sous Josias Roi de Juda. Si donc Zoroastre est le premier auteur du culte du feu, il faut avouer qu'il est plus ancien que Moïse, s'il n'en est que le réformateur, on pourra le mettre quelque tems après Cyrus; & s'il y a eu plusieurs hommes du nom de Zoroastre, cela donnera encore une plus grande carrière aux conjectures & aux variétez de sentimens sur sa personne (Augustin Calmet, Dictionnaire historique, critique, chronologique, geographique et litteral de la bible. 2. ed, Volume 4, 1730 - books.google.com).

Sabbathier fait la distinction entre Chamanim et Chamarim :

Les Hébreux nomment Chamanim ce que les Grecs appellent Pyrœia ou Pyrateria, & que Saint Jérôme a traduit dans le Lévitique par Simulacra, & dans Isaïe par Delubra. Les Chamanim étoient, selon le rabbin Salomon, des idoles exposées au soleil sur le toit des maisons. Selon Abénézra, c'étoient des chapelles ou des temples portatifs, faits en formes de chariots, à l'honneur du soleil. Ce que les Grecs appellent Pyrées, étoient des temples consacrés au soleil ou au feu, où l'on entretenoit un feu perpétuel. On les bâtissoit sur des hauteurs ; c'étoient de grands enclos découverts, 'où l'on adoroit le soleil. Hérodote & Strabon en parlent ; & les GuébreS ou les adorateurs du feu dans les Indes & dans la Perse, ont encore aujourd'hui de ces Pyrées. Strabon dit que de son tems on voyoit en Cappadoce beaucoup de ces temples, qui étoient consacrés à la déesse Àrtaïte & au dieu Homanus. Anaïte étoit apparemment la lune, & Hodamus le soleil. Le nom de Chamanim vient de Chaman qui signifie chauffer, brûler.

Chamarim, terme qui se trouve dans l'Hébreu en plus d'un endroit de l'ancien Testament, & on le traduit ordinairement par les prêtres des idoles, ou des prêtres vêtus de noir, parce que Chamar signifie noir, ou noirceur. Saint Jerôme le traduit dans le quatrieme livre des rois par Aruspices. Dans Osee & dans Sophonie, il traduit par Æditui, des Marguilliers ; mais les meilleurs commentateurs croyent qu'on doit entendre par ce terme, les prêtres des faux dieux, & en particulier des adorateurs du feu, parce qu'ils étoient, dit-on, vêtus de noir, ou peut-être les Hébreux leur donnèrent ils ce nom par dérision, parce qu'étant toujours occupés à nourrir & à entretenir le feu, ils étoient noirs comme des forgerons ou des charbonniers (François Sabbathier, Dictionnaire abrégé pour l'intelligence des auteurs classiques grecs et latins: CE-CHY, 1773 - books.google.com).

Ces autels montés sur chariot ressemblent fort à l'arche d'alliance.

Les Mages

Les Mages et les ours

Une autre bête qui ressembloit à un ours parut ensuite à côté: elle avoit trois rangs de dents dans la gueule, & on luy disoit : Levez-vous promptement, rassasiez-vous de carnage. L'Empire des Medes & des Perses nous est figuré par cette seconde bête. L'Ecriture les appelle en un autre endroit des voleurs & des brigands. C'étaient des peuples cruels, qui n'avoient rien de la politesse des Chaldéens ; & au lieu que ceux-cy habitaient la plus belle & la plus delicieuse partie du monde, ceux-là demeuroient dans les montagnes & vivoient dans leurs tanieres comme des bêtes. Il est marqué que cet ours parut à côté, c'est-à-dire vers l'Orient, d'où les Perses vinrent fondre sur l'Empire des Babyloniens. Les trois rangs de dents que cette bête avoit dans la gueule, pouvoient figurer la réunion des trois Puissances, des Chaldéens, des Perses & des Medes, qui furent bien-tôt confondues en-un seul Empire; ou peut estre l'avidité insatiable de ceux dont cet ours etoit la figure, à cause des grandes conquêtes dont ils parurent extraordinairement assurez. Aussi on luy dit de se lever promptement, & de manger beautoup de chair; c'est-à-dire, que la puissanee luy ayant esté donnée de Dieu, elle trouva une grande facilité à réussir dans ses conquêtes : Ce qui néanmoins ne put se faire sans l'effusion de de beaucoup de sang (Isaac-Louis Le Maistre de Sacy, Daniel, 1719 - books.google.com).

Le mède Darius succéda à Balthazar (Belsatzar), roi de Babylone.

Crishna a pénétré dans le domaine de l'ours Jambavan, contre lequel il combat et se marie avec Jambavati, fille du roi des Ours. Les ours rendent hommage à Crishna dans leurs vastes Etats.

Crishna triomphant, se rend d'Ayodhya à Bojapoura. Là il enlève de même à de nombreux rivaux Bhadra, fille du roi du pays. A Ouyjayini, Mitravinda devient sa proie; il enlève à Marva, la belle Lakshmana: ces trois princesses, jointes à Sita, à Roukmini, à Jambavati, fille du roi des Ours, à Satya-Bhama, fille de Satyajit (le possesseur de l'escarboucle), et à Kalindi, composent les huit épouses favorites du Dieu.

Les princesses adoratrices de Parvati que Crishna enlève à leurs pères, les rois sivaïtes, pour les épouser ensuite, ne sont, comme nous l'avons dit plus haut,que des personnifications de pays conquis à la foi nouvelle.

Samba, fils de Crishna et de la fille du roi des Ours, Jambavati, a appelé les Magas ou Sacas de la Bactriane, dans l'Inde : il séduit les femmes de son père; faute que l'indulgence paternelle lui pardonne. Alors il enlève la fille de Duryodhana, qui le poursuit et le plonge dans les fers. Bala Rama, oncle de ce Samba, et frère de Crishna, dont il a trahi la cause, réclame en vain la liberté de son neveu. Pour se venger de ce refus, il enfonce dans la terre, au nord de la ville d'Hastinapoura, un soc de charrue qui lui sert de massue, et ébranle ainsi la cité dans ses fondemens. Duryodhana, forcé de céder, consent au mariage de Samba avec sa fille. Ainsi se glisse au cœur même des Etats sivaïtes une branche-parasite du Vishnouvisme, qui s'y trouve investie d'une sorte de pouvoir.

Une nouvelle classe de Brahmanes s'introduit dans l'Inde. Ils vinrent du pays des Saces; on les nomma Mages ou Magas. Ce fut à Samba, fils de Crishna, qu'ils durent leur introduction. Jarasandha les retint dans le royaume de Cicata où ils s'établiront, et auquel ils donnèrent le nom de Maghada. Ces pontifes commencèrent l'ère d'une religion nouvelle dans la partie orientale de l'Inde, qui devint plus tard la patrie d'un Bouddhisme réformé, émanation du Vishnouvisme, mais émanation qui n'a point été greffée sur le Sivaïsme, comme l'a été le Bouddhisme de la Péninsule. Je ne puis m'expliquer comment le Sivaïte Jarasandha accueillit ces Magas, qui appartiennent au culte de Vishnou. On dit, il est vrai, que Samba tendit à introduire une scission dans cette religion; scission que l'on exprime par un symbole: Samba, dit-on, voulut débaucher les femmes de Crishna son père. Cette allégorie est regaidée comme le symbole de l'hérésie introduite au sein de la vraie doctrine. Néanmoins le Sivaïsme de Jarasandha offrait un trop grand contraste avec le Vishnouvisme de Samba, pour que cette alliance semble explicable. Je crois donc pouvoir affirmer que ce ne fut qu'après la mort de Jarasandha seulement que le pays de Cicata se trouva transformé en Maghada, patrie des Mages, d'origine Sace, ou Scytho-Persane.

Auprès de l'empire de Cicata, dont les premiers maîtres religieux avaient été les Brahmanes, issus de Kashyapa, venus du Kashmir, dans la nuit des temps reculés, et remplacés ensuite par les Magas ou Mages, du pays de Saca , des Sacas; auprès de cet empire de Cicata, s'éleva l'empire de Palibothra, célèbre par ses relations avec Alexandre-le-Grand et ses successeurs: Ces Magas qui adoraient Vishnou, sous le nom de Mitra, avaient quitté la Bactriane (Saca Dwipa) pour se rendre sur les bords du Gange, et s'étaient établis à Canycoubja (Canoje), antique cité de l'Agra, située à peu de distance de Mathoura. De là, ces mêmes Mages avaient étendu leurs rameaux dans plusieurs régions de l'Inde orientale (Siva Pourana, Le Catholique: ouvrage périodique dans lequel on traite de l'universalité des connaissances humaines, 1829 - books.google.com, Joseph Fr. Michaud, Louis Gabriel Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne, 1832 - books.google.com).

Un chapiteau de l'église saint Efflam de Perros-Guirec a été interprété comme le combat du roi Arthur et de saint Efflam contre un dragon au Grand rocher de Plestin à la limite Saint Michel en Grève, à l'opposé d'Huriel par rapport à Neuillay les Bois, centre des Nonagones.

L'étoile de Bethléem

L'exégèse chrétienne affirma que l'institution des Mages en Orient remontait à Balaam, et que ceux-ci, descendant de lui, avaient ainsi conservé le texte de ses prédictions, qu'ils virent se réaliser lorsqu'ils aperçurent l'astre annoncé par lui (Joseph Bidez, Franz Valery Marie Cumont, Les mages hellénisés, Zoroastre, Ostanès et Hystaspe d'après la tradition grecque, Volume 1,Parties 1 à 2, 1975 - books.google.com).

Dans l'art byzantin de Cappadoce on représente les Mages tenant en main le rouleau de la prophétie de Balaam. On a parfois identifié Balaam à Zoroastre qui est devenu ainsi un prophète du christianisme : c'est Zoroastre lui-même qui aurait prédit la naissance du Messie, signalée par une étoile. Telle est l'opinion émise, par exemple, dans dans l'Évangile arabe de l'enfance (apocryphe dérivé d'une source syriaque) (Odile Ricoux, Sirius ou l'étoile des Mages, Les astres: Les astres et les mythes. La description du ciel, Volume 1, 1996 - books.google.com).

L'étoile de Bethléhem est l'étoile de Jacob annonée par Balaam dans le livre des Nombres : « De Jacob monte une étoile, d'Israël surgit un sceptre qui brise les tempes de Moab et décime tous les fils de Seth » (Nb 24,17).

George Hornius (1630-1670) a reproduit l'idée que Zoroastre est le faux Prophète Balaam.

Un lien indirect entre Benjamin et les Mages est consitué par Bethléem, lieu de naissance de Benjamin et d'adoration de Jésus par les Mages.

Bethléem (en arabe bayt lahm, étymologie artificielle qui viendrait du syriaque « maison du pain », en hébreu béth lehem, « maison du pain », l'étymologie plus probable étant beit lahamu, « maison de Lahamu », dieu cananéen de la guerre) est une ville située en Cisjordanie, une région de Palestine, à environ 10 km au sud de Jérusalem, qui compte 30 000 habitants, essentiellement des Palestiniens musulmans. La ville compte une petite communauté de chrétiens palestiniens, une des plus anciennes communautés chrétiennes au monde. Son agglomération s'étend aux villes de Beit Jala et Beit Sahour.

La ville est un important centre religieux. La tradition juive, qui l'appelle aussi Éphrata, en fait le lieu de naissance et de couronnement du roi d'Israël David. Elle est considérée par les chrétiens comme le lieu de naissance de Jésus de Nazareth. C'est un lieu de pèlerinage qui génère une activité économique importante à la période de Noël. La ville est également le siège d'un lieu saint du judaïsme, le tombeau de Rachel, situé à l'entrée de la ville.

Dans la Genèse, Bethléem est le lieu où meurt Rachel et où naît Benjamin, second fils de Rachel et de Jacob (Gn 35. 16-18). La formule « Bethléem sur le chemin d'Ephrata » revient plusieurs fois dans les textes bibliques. Dans les Livres de Samuel, le Roi David est le fils de Jessé de Bethléem, c'est pourquoi le prophète Michée en fait la patrie du futur Messie : « Et toi, Bethléem, Ephrata, bien que tu sois petite entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit dominer en Israël, et duquel les origines ont été d'ancienneté, dès les jours d'éternité » (Mi 5. 1).

Dans le Nouveau Testament, selon Matthieu et Luc, Bethléem en Judée est le lieu de naissance de Jésus ; ses parents s'y rendent pour s'y faire recenser, Joseph, descendant de David, en étant originaire.

Au XIe siècle, Bernard de Clairvaux prolonge l'étymologie hébraïque Bethléem (maison du pain) dans une utilisation chrétienne : Jésus (né à Bethléem) devient le Pain vivant descendu du Ciel (fr.wikipedia.org - Bethléem).

Tribu de Benjamin, le feu et la boue

Le septième jour de casleu, neuvième mois de l'année sainte des Hébreux, & le troisième suivant l'ordre civil & politique (novembre), les Juifs sont un grand jeûne en mémoire de ce que le roi Joachim perça d'un canif le livre des prophéties de Jérémie, & les jetta fur du charbon allumé dans un réchaud. On dit aussi que le trentième de ce mois Néhémie offrit un sacrifice solemnel, & répandit fur l'hostie de seau boueuse, qui avoit été trouvée au lieu où l'on avoit auparavant trouvé le feu sacré, & que Dieu fit descendre une flamme du ciel qui alluma le feu sur l'autel (Fortunato Bartolomeo De Felice, Encyclopédie ou Dictionnaire universel raisonné des connoissances humaines, Volume 7, 1771 - books.google.com).

Jérémie, en hébreu Yirmeyâhou, le second des grands prophètes, né à Anathoth, ville lévitique de la tribu de Benjamin, était fils d'Helcias, qui appartenait à la race sacerdotale (tribu de Lévi). Anathoth serait la même ville que Nobé. Aux jours de Saül, l'arche d'alliance se trouvait à Nobé. C'est à Nob que les desservants du temple de Shiloh s'étaient réfugiés après la catastrophe d'Aphek. David, s'y étant rendu, reçut du prêtre Achimélech les pains de proposition et l'épée de Goliath, ce qui fut cause que Saül ordonna de mettre les prêtres à mort (Lorenz Clemens Gratz, Théâtre des évènements racontés dans les divines Écritures ou l'Ancien et le nouvel Orient, traduit par l'abbé Gimarey, revu par l'abbé Bugniot, Volume 1, 1869 - books.google.com).

Les principaux de Jérusalem font mettre Jérémie dans une fosse pleine de boue, parce qu'il continuoit à prédire la prise de la ville. Mais un officier nommé Hébed-melec, intercède pour lui, & le tire de cette fosse. Ensuite Jérémie étant appelle en secret devant le roi Sédécias, il lui prédit que la ville serait prise; il l'exhorte fortement à se rendre aux Caldéens, en lui promettant que, s'il le faisoit, il sauveroit sa vie & celle de sa famille, & que la ville ne seroit pas brûlée. Sédécias fut presque persuadé; mais il n'eut pas le courage de suivre le conseil de Jérémie, & ce prophète fut renvoyé dans la cour de la prison, où il demeura jusqu'à la prise de Jérusalem (Jean-Frédéric Ostervald, La sainte Bible, qui contient le Vieux et le Nouveau Testament, 1807 - books.google.com).

Le feu sacré fut déposé par les prêtres, d'après l'ordre de Jérémie, dans une citerne desséchée. Plus de cent ans après, Néhémie, inspiré de Dieu, ordonna'aux descendants de ces prêtres d'aller reprendre ce feu dans cet asyle secret et profond, où il était caché. Quelles furent les tristes pensées de leur cœur, lorsqu'ils ne trouvèrent plus qu'une eau épaisse et fangeuse ! Néanmoins, ils ne se découragèrent pas, et, dociles à l'ordre de Néhémie, ils puisèrent cette boue, et tout-à-coup, le soleil sortant d'un nuage, et frappant de ses rayons cette eau impure, le feu, caché sous cette boue, se dégage, se développe et se change en une flamme éclatante, qui ravit d'admiration tous les spectateurs (Ambroise Guillois, Nouvelle explication du catéchisme, ou, Le dogme et la morale, 1838 - books.google.com).

En Jr 6,1, Jérémie invective ses auditeurs à Jérusalem en les traitant de Benjaminites, ce qui soulève quelques questions. C'est du reste sa seule mention des Benjaminites en tant que tribu ou individus, comme le remarque J. Joosten. Le livre de Jérémie s'accorde ici avec une tendance générale dans l'A. T. : Dans les livres historiques, la tribu de Benjamin n'est plus mentionnée après le schisme des royaumes d'Israël et de Juda (1 R 12,21). On a l'impression que, du point de vue politique, la tribu s'est assimilée à la tribu de Juda. Ne 1 1,4.7 montre cependant que des familles individuelles continuaient à faire remonter leur généalogie à Benjamin. Pour J. Joosten, cette invective de Jérémie renvoie discrètement mais directement à l'épisode de Guibéa en Jg 20, et Jérémie traite ses auditeurs à Jérusalem - qui ne sont pas forcément Benjaminites - de Benjaminites car, comme les Benjaminites de Guibéa, ils n'acceptent pas de changer d'avis et de se rendre et mettent toute leur confiance dans les murs de leur ville. Traiter de Benjaminites les Judéens réfugiés à Jérusalem apparaît comme une forte invective et une façon de leur annoncer un avenir peu glorieux (Corinne Lanoir, Femmes fatales, filles rebelles: figures féminines dans le livre des Juges, 2005 - books.google.com).

Stella luti

Car de même que l'étoile envoie ses rayons sans être altérée, la Vierge enfante un fils sans rien perdre de sa pureté (Eugène Géruzez, Essai sur l'éloquence et la philosophie de saint Bernard, 1839 - books.google.com).

L'hymen est corporel, il est de boue comme le corps est fait de boue. Mais il est le signe de la pureté du corps, et de la pureté en général : l'étoile de la boue.

L'incarnation est aussi un mariage, d'après Théodoret: « Voici, dit—il, le chef—d'œuvre de la bonté de Dieu et de sa miséricorde infinie: lui, l'Auteur de notre nature, il a poussé la condescendance non seulement jusqu'à délivrer de la mort cette misérable boue de notre corps, et à l'adopter, mais jusqu'à la prendre pour épouse. » Et il ajoute en s'inspirant des paroles mêmes de Salomon : « Il l'a parée de ses présents de noces, il s'est fait son ami, sa nourriture, son breuvage, sa voie, sa porte, sa vie, sa lumière, sa résurrection. » C'est donc entrer dans la pensée des saints Pères que de considérer le Cantique des cantiques comme l'épithalame de l'Incarnation (Guillaume Rene Meignan, Salomon, son règne, ses écrits, 1890 - books.google.com).

Le manuscrit 2372 de la BN autrichienne contient une collection des textes alchimiques qui sont parmi les plus anciens textes allemands traitant ce sujet-là si l'on considère la langue de ce manuscrit, le moyen-néerlandais comme un dialecte ancien-allemand. Il s'agit des textes qui sont peut-être plus d'un demi-siècle plus vieux que le "Livre de Trinité", traité très fameux qui fut écrit à Constance pendant le concile. Egalement le cadre des traditions néerlandaises notre manuscrit prétend à une dignité extraordinaire en comparaison avec des textes alchimiques aussi courts que "les douze bonnes eaux" ("xij goede waters") dans un manuscrit datant de vers 1350, de la bibliothèque royale de Bruxelles. Après avoir été la propriété de Venceslas IV ( 1378- 1419) (5), le manuscrit était acquis par Ferdinand II (1547- 1567), archiduc autrichien à Prague.

La partie II,1 du manuscrit commence par une reprise de l'instruction théorique sur Stella luti dont filius philosophi (un certain Gratheus) avait traité dans l'Enseignement et dans La Sagesse de Salomon : Stella luti est née des quatre éléments. Avec cela le texte se tourne explicitement vers la doctrine des éléments, par quoi l'auteur se révèle être un avocat conséquent de la conception des quatre éléments canoniques dès Empédocle. Il ne sait rien d'un cinquième élément, la quinta essentia (l'éther); mais cette conception est aussi parfaitement étrangère au filius philosophi. Les parts du monde et, après tout, toutes les choses sont créées par mélange des quatre éléments et de leurs qualités par quoi les caractères fondamentaux des éléments purs se perdent. Ainsi nous l'apprit la Turba philosophorum et ainsi l'apprendra la Toison d'or de Guillaume Menens. 0r, ce qu'Arnoldus de Villa Nova exprima vaut aussi pour les traités metriques de notre manuscrit : " toute l'art consiste à transmuer les éléments, c'est à dire le liquide en sec et le fugitif en solide." Stella luti, créée de quatre éléments n'est rien qu'une pâte qu'on utilise pour couvrir les vases à l'extérieur (on parle de la lutation) et pour les coller et les fermer hermétiquement, dont la composition et production est minutieusement enseignée dans l'Enseignement alchimique. Stella luti s'appelle cette pâte pour enduire et boucher les vases parce que selon le schème de la pensée alchimique déjà caractérisé, il y a des rapports entre les choses terrestres et astrales. C'est d'ailleurs la raison de l'importance extraordinaire de l'astrologie au niveau de la technologie dans les textes versifiés de notre manuscrit. Mais il est complètement impossible d'aborder ici cette question qui est développée comme une idée fixe. Cependant, je voudrais mentionner que malgré l'universalité du schème de la pensée alchimique on trouve des auteurs qui n'approuvent pas cette doctrine que l'astrologie est indispensable à l'oeuvres de l'alchimiste. C'est chez Gratheus, l'auteur de l'Enseignement, que même les différents vases dont leur correspondants au firmament, donc il n'est que logique que la pâte de la lutation, qui se compose surtout de lutum 'terre glaise', soit élevée au firmament comme Stella luti.

Dans l'Enseignement, Gratheus raconte - non sans comique, d'ailleurs - que Mercure, Saturne et d'autres métaux et quelques autres matières au cours de leur jeu infantile entrent dans quelques vases particuliers, puis subitement surpris par Stella luti, y sont détenus, bien que leur père, Monsieur Ignis, menace de ses flammes le bouchon qui n'est malin qu'en apparence. En vain !

Ce n'est qu'après un certain temps que Stella Luti laisse partir les matières de son gré, mais pas avant que les processus alchimiques, dont l'auteur nous a décrit le cours dans son discours allégorique, soient finis. Donc Stella luti s'avère être une bonne amie de l'alchimiste et finalement aussi de Monsieur Ignis, si violemment qu'il soit en rage avec ses flammes contre le noble bouchon : Stella luti empêche ses enfants de s'enfuir avant le temps mais assiste à leur perfectionnement, soit dans le ballon hermétiquement fermé, soit dans l'alambic, dans l'alludel ou dans un autre vase. Mais comment peut-elle résister à Monsieur Ignis ?

Pourquoi n'est elle pas réduite en cendres ou ne se fend-elle point ? Dans l'Enseignement sa supériorité sur le feu est expliquée par sa dignité extraordinaire : elle serait le guide astral qui conduisit les trois rois mages à Bethléem et serait le Sauveur de toutes les femmes enceintes ou en train d'enfanter, évidemment parce qu'elle règle la fermeture et l'ouverture de la matrice. Sans doute l'identification de l'utérus avec des vases se trouve dans toutes les écritures alchimiques. Dans la Sagesse de Salomon on lit une explication plus persuasive. Nous connaissons la puissance magique de Salomon par laquelle il a emprisonné les mauvais esprits dans des vases divers. L'auteur filius philosophi argumente comme suit : évidemment les mauvais esprits qui souffrent du feu infernal ne sont créés que dans trois éléments. Ils ne participent pas au feu. Si le feu avait participé à leur création ils n'en souffriraient pas.

Dans notre ms. c'est Saturne qui apprend ce fait à son camarade de jeu Mercure. Peut-être l'interprétation par étymologie populaire (moyen-néerlandais leem' terre glaise, lutum' dans le nom de Bethléem) produisit cette tradition assez curieuse.

De l'autre côté le bouchon est né de tous les quatre éléments, c'est à dire résistant au feu. Puisque l'oeuvre alchimique consiste dans le perfectionnement de l'imparfait on comprendra que Stella luti a une fonction fondamentale dans le processus de l'épuration des matières. La source de cette argumentation n'est pas totalement connue mais on peut indiquer des parallèles pour des motifs singuliers: il paraît que la production d'une fermeture résistante au feu et impénétrable aux gaz dut avoir été un des problèmes fondamentaux de l'alchimie. La seconde pensée essentielle que le feu n'a pas de puissance sur une chose à laquelle il a pris part en la produisant, se manifeste aussi chez les auteurs alchimiques. (Helmut Birkhan, Les quatre éléments dans un manuscrit alchimique de la bibliothèque nationale autrichienne, Les Quatre éléments dans la culture médiévale: actes du colloque des 25, 26 et 27 mars 1982 - books.google.com).

Le vase qui sert comme matrice s'appelle Philla, une corruption du mot bas-latin phiala bien sûr.

Mais Philla rappelle notre Phillis arcadienne et une autre, fille de Lycurgue, roi de Thrace :

Pourroit on vous demander, dit Alcion à l'Abbé, pourquoi on a dit que Phillis fut changée en Amandier, & qu'au retour de Demophoon son amant, ce nouvel arbre fleurit ? Avant que devout répondre, dit l'Abbé, il faut vous expliquer l'avanture qui a donné lieu à la Fable. Phillis étoit fille de Lycurgue Roi de Thrace ; Demaphoon étant passé chez elle, s'en fit aimer : mais aiant appris que Mnesthée étoit mort au retour de la Guerre de Troie, il fut obligé de partir pour aller prendre possession du Roiaume d'Athènes, que ce Prince avoir usurpé sur Thésée; il promit à Phillis de revenir des que ses affaires seroient finies, & lui marqua à peu près le temps : mais le terme étant expiré, la belle Phillis qui le crut infidèle, se pendit de desespoir, ou selon d'autres, se jetta dans la mer. On publia pour donner du merveilleux à cette avanture, que les Dieux l'avoient changée en Amandier, parce qu'en effet cet arbre s'appelle en Grec Philla. Vous savez qu il ne falloir qu'un peu de ressemblance dans les noms, pour faufiler une métamorphose au bout d'une véritable Histoire. Fort bien , reprit Eliante ; mais vous donnez à côté de la difficulté , & vous n'expliquez pas pourquoi on a die qu'au retour de Demophoon l'Amandier fleurit. Mais, Madame, dit l'Abbé, on ne peut pas tout expliquer dans chaque Fable; souvenez vous de notre regle : Il y a apparence après tout, que cette circonstance ne renferme que quelque trait de Physique. Vous y êtes, reprit Alcidon, car on prétend que comme l'Amandier fleurit pendant que le vent Zephire souffle, & que ce vent souffloit dans la Thrace du côté d'Athènes, on dit que c'étoit l'Amant de Phillis qui venoit la visiter, & qu'elle se rejouissoit de son retour en s'épanouissant (Abbé Antoine Banier, Explication historique des fables ou l'on decouvre leur origine & leur conformité avec l'histoire ancienne, Volume 3, 1715 - books.google.com).

En Inde, l'amande représente le yoni, l'organe sexuel féminin où pénètre le linga, qui a reçu le nom de mahâ-deva et qui est le symbole de Shiva. Les deux emblèmes sont réunis au Livre des Nombres. «Moïse, est-il dit au chapitre XVII, déposa les verges (au sens de baguettes) devant l'Éternel dans la tente du témoignage. Le lendemain, quand il y pénétra, il vit que la verge d'Aaron avait produit des bourgeons, des fleurs et des amandes.» Pour les Catholiques et les Orthodoxes, l'amandier évoque la pureté de la Vierge. L'amande mystique, la mandorla, est auréole ovale qui entoure les personnages sacrés (Jean Prieur, Les symboles universels, 1989 - books.google.com).

Le symbolisme sexuel de l'objet graal est certain. C'est une coupe, ou un récipient. Comme telle, elle peut être l'image du sein dispensant la nourriture, ce qui est conforme à une certeine vision du Graal pourvoyeur. Mais l'analogie va plus loin : c'est un contenant, et le contenu, dans les versions christianisées, est le sang du Christ. Par conséquent, il est facile d'en déduire que le Graal représente la Vierge Marie, mère de Jésus. En fait, plutôt que le sein, le graal-coupe représente l'utérus de la déesse-mère, celle qui donne la vie à toutes les créatures du monde, à condition d'être fécondée. O,r on sait que le royaume du Graal est stérile, dévasté, et qu'on attend le jeune chevalier élu qui doit lui redonner cette fécondité perdue. le Roi-Pêcheur, blessé et impuissant, n'est plus capable de donner cette fécondité, et il faut qu'il soit remplacé (Jean Markale, Le Graal, Retz, p. 244).

Rappelons que le carré SATOR, doublée d'une matrice mathématique (carré magique d'ordre 5), est un aspect du Graal, et a servi de talisman pour les femmes enceintes dont sainte Marguerite est la patronne (Faucher les Marguerite : Sainte Marguerite, le talisman d’Aurillac, carré SATOR, Marcolès, Faucher les Marguerite : Sainte Marguerite et l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés : Ezy, Sèvres et Courpalay - books.google.com).

Le graal, grille, gril, renvoie à la légende grecque d'Athamas rendu fou qui tue un de ses fils, et provoque la fuite de sa femme Ino et de son autre fils Mélicerte, nom à rapprocher de Melchior (Autour de Rennes : Les Bergers d’Arcadie et les Rois Mages, Le carré SATOR : Le Conte du Graal et l'alchimie - books.google.com).

L'Oraison de Sainte Marguerite

Cette «oraison» a été recueilie par M. Urbain Gibert, en 1939, de la bouche de Me D.A., de Montferrand (commune de Rennes-les-Bains), qui l'avait apprise de son père C.A., mort en 1936, à l'âge de 83 ans.

L'ourasou de Santo Margarideto.

L'ourasou de Santo Margarideto vous vau dire, / que Dius la vol entendre dire.

Quand Santo Margarideto sious quèc nascudo, / soun pair e sa maire venguèroun a mouri. / Soun fraire la fa metre nouiriço: / "Nouiriço, nouirisii-me aquesto creaturo, / Que Dius te'n dounarà uno bouno juro. / Meti-l a la pus nauto maisou, / Que Dius te'n dounara'n boun servitou."

Quand Santo Margarideto sapièc parlà, / elo sapièc Dius pregà. / Per un pradelà / troubèc l'enfant familhè. / L'enfant familhè i ditz : / "Tu, Margarideto, / qu'es tan poulideto, / dounzelheto de quinze ans, / ieu, per moulhè te prendrè, / te dounarè touto ma richeso / e toutis mous mainatjous". / "Nou, non, retiro-te, tu, l'enfant familhè, / ei pas res a fa de ta richeso / ni de tous mainatjous." / L'enfant familhè, furious de doulous, / fa batre Margarideto am'un bastou de garabiè. / Margarideto siousquèc batudo, / tant per davan coumo per darniè. / Cinc goûtos de sang i devalheroun / E cent per ne menti pas. / L'enfant familhè fa boulhe / uno pairolo d'oli boulhent / per faire boulhe Margarideto. / Marguerideto prego Dius le paire / per perdounà aquestos gents, / que saboun pas ço que van faire. / Le que ditz aquelo ourasou, / tres cops le joun, / sarà delibrat de las flamos / eternèlos de l'enfèr.

TRADUCTION :

L'oraison de la petite Sainte-Marguerite. Je vais vous dire l'oraison de la petite Sainte Marguerite, parce que Dieu veut l'entendre dire. Quand Sainte Marguerite fut née - Son père et sa mère moururent - Son frère la fait mettre en nourice «Nourice, nouris-moi cette créature - Dieu t'endonnera une bonne récompense - Mets-la à la plus haute maison - Dieu te donnera ainsi une bonne servante. Quand Sainte Marguerite sut parler - elle sut aussi prier Dieu dans une prairie - elle rencontra l'«enfant familier» - l'enfant familier lui dit - «Toi, Petite Marguerite - qui es si joliette - petite demoiselle de quinze ans - je veux te prendre pour épouse - je te donnerai toute ma richsese - et tous mes petits enfants. - «Non, non, retire-toi, l'enfant familier - je n'ai rien à faire de tes richesses - ni de tes petits enfants -. l'enfant familier, furieux de douleur - fait battre Marguerite avec un bâton d'églantier. - Marguerite fut battue - par devant comme par derrière - Cinq goutes de sang tombèrent - et même cent pour ne pas mentir. - L'enfant familier fait bouillir - un grand chaudron d'huile - pour faire bouillir Marguerite. - Marguerite prie Dieu le père - qu'il pardonne à ces gens - qui ne savent pas ce qu'ils vont faire. - Celui qui dit cette oraison - trois fois le jour - sera délivré des flammes éternelles de l'enfer (garae.fr - Louis Alibert, L'Oraison de sainte Marguerite, Folklore 23, 1941).

Rennes les Bains étant sur le tracé de la constellation du Dragon, la présence de Marguerite, la sainte ayant échappé à sa dévoration, ou d'autres saints ayant pour attribut ce monstre, y était attendue (Autour de Rennes le Château : Rennes les Bains, la Petite Ourse et le Dragon).

Le dragon, le cercle et Marguerite

Dans l'optique de l'appariement des pages de La Vraie Langue Celtique, la page 90 parlant du dragon des Hespérides se couple aux cercles de pierres de la pages 245 (90 + 155) :

p. 90 La Mauritanie était pour elle le jardin des Hespérides renfermant les arbres aux pommes d'or. Un dragon à cent têtes était préposé à leur garde, et, les yeux sans cesse ouverts sur les fruits précieux, il poussait d'horribles sifflements.

p. 245 Les cercles tracés par les pierres levées, avaient pour les Celtes un sens profondément religieux.

Le dragon de Cadmus, fondateur de Thèbes en Grèce, forme avec son corps de puissants cercles.

Il y avait une antique forêt qui n'avait jamais senti le fer de la coignée; au milieu était une caverne couverte de ronces et d'épines ; là, sous une voûte peu élevée , était une source abondante. C'était la retraite du dragon consacré à Mars, monstre armé de cent crêtes et couvert d'écailles jaunissantes. Le feu sort de ses yeux enflammés, et son corps est enflé du venin qu'il renferme. Une langue à trois dards étincelle dans sa gueule armée de trois rangs de dents. Dès que les malheureux Tyriens eurent mis le pied dans ce funeste bois, et que l'urne qu'on descendait dans la fontaine eut fait du bruit, cet affreux serpent fit sortir sa tête de l'antre en poussant d'horribles sifflcmens. Ils laissent tomber les eaux qu'ils venaient de puiser, leur sang se glace, ils tremblent de tous leurs membres. Le monstre se déplie, en s'élançant il fait de son corps des cercles immenses ; lorsqu'il s'élève de la moitié de sa hauteur, sa tête est au-dessus des arbres de la forêt, et il regarde de tous les côtés ; à le voir tout entier, il paraît aussi grand que le serpent qui sépare les deux ourses (Ovide, Métamorphoses, Volume 1, présentées par Jean-Jacques de Barrett, Barbou, 1796 - books.google.com).

Dans le tableau de Raphaël, représentant sainte Marguerite, le dragon forme un cercle autour d'elle.

Sainte Marguerite, debout vue de face et tenant une palme, foule du pied un monstre renversé dont on voit, à gauche, la gueule béante. D'après la description de l’anonyme, le dragon forme un cercle assez spacieux autour de la sainte, qui relève son manteau de la main droite et tient un crucifix de la gauche. Boschini (Carta del Navegar) parle avec grand éloge de ce tableau, Il passa de la collection de François Ier à Bruxelles dans le cabinet de Léopold-Guillaume, archiduc d'Antriche, puis, avec le reste de cette collection, dans la galerie imperiale du Belvédère, à Vienne, où elle est encore (Musee Imperial du Louvre, 1861 - books.google.com).

On peut citer encore l'Ouroboros, dragon se mordant la queue et formant un cercle.

Raphaël et Giulio Romano, Sainte Marguerite - 1518. Kunsthistorisches Museum, Vienne - www.eni.com

Boudet parle de Montferrand pages 243, 290, 295 : Les Redones n'hésitaient point à louer ainsi leurs bras pour les travaux importants de la moisson, et le nom de Montferrand atteste leurs périodiques voyages à cet effet – to mow (mô), moissonner, – to own (ôn), prétendre à, – to fare (fère), voyager, – hand, main –.

Aux approches de la Sainte-Marguerite, longue pluie est maudite. On redoute les orages et les vents néfastes qui peuvent coucher les blés, durant leur végétation et quand vient la moisson. Nous avons signalé le pélerinage qui se faisait le 20 juillet, dans le Comté de Nice, à la chapelle de Sainte-Marguerite pour exorciser ces vents désastreux. (Charles Galtier, Météorologie populaire dans la France ancienne: la Provence, empire du soleil et royaume des vents, 1984 - books.google.com).

Per Santo Margarido longo plueio es maudicho. Mais lorsque les moissons sont rentrées et que la sécheresse estivale commence à se faire sentir aussi bien pour les hommes (surtout autrefois) que pour les vignes, quelques pluies sont bienvenues (Le Monde alpin et rhodanien, Volume 13, 1985 - books.google.com).

Et p. 135 L'interprétation par la langue celtique de kjoekkenmoeddings confirme et éclaire puissamment l'exposé de M. Louis Figuier sur les amas coquilliers du Danemark.

Les huitres produisent généralement des perles (margaritês en grec).