Partie XIII - La Croix d’Huriel   Tintin, Hergé et la Croix d’Huriel   Elle voulait qu’on l’appelle Venise : la Licorne et le Trésor de Rackham le rouge   
CROIX HURIEL TINTIN HERGE LE SECRET DE LA LICORNE LE TRESOR DE RACKHAM LE ROUGE CHINE VENISE

Tintin et Haddock passent devant la statue de saint Jean l'évangéliste qui plonge le premier dans une grande perplexité jusqu'à la révélation du pot aux roses.

Tintin n'aperçoit du saint homme que le sommet du corps et l'identifie grâce à l'inscription « Johannes » sur son auréole de pierre. En écartant le tableau qui occultait le bas de la statue (un portrait d'une élégante, très XVIIIe !), Tintin et Haddock découvrent le trésor. Admirable configuration des figures et des savoirs : la sainteté, un aigle, le globe terrestre avec ses longitudes et latitudes, un dispositif à ressort qui libère la calotte de pierre (dispositif qui reprend celui de l'appareil de photo dans Le Sceptre d'Ottokar) et cette fortune en bijoux. Rien ne manque pour faire un roman populaire aux enjeux collectifs (Pierre Sterckx, Tintin schizo, 2007 - books.google.fr).

C'est en effet bien le style du tableau occultant le trésor. Une recherche permet d'en connaître le modèle avec changement de couleurs :

Tableau cachant le bas de saint Jean, page 60 du Trésor de Rackham le rouge

Mme Vigée Lebrun, Portrait de Madame Molé Raymond, de la Comédie Française (1786) - Louvre, Paris. Elle se dirige vers la gauche, les mains cachées dans son manchon - Jamie Barras - https://www.flickr.com/photos/ddtmmm/810673296/

Le Louvre possède le portrait bien connu où Mme Vigée Le Brun s'est représentée elle-même, tenant dans ses bras sa petite fille. Un autre portrait devenu populaire est celui qui nous montre Mme Molé-Raymond, de la Comédie-Française, coiffée d'un grand chapeau et marchant avec une allure dégagée, en cachant ses mains dans un grand manchon. On ne peut refuser à ces œuvres un coloris limpide et transparent, beaucoup de fraîcheur de tons, une grande finesse d'exécution. Mme Le Brun répand dans ses portraits une grâce souriante, une beauté idéale, elle recherche une certaine magie du pinceau. Elle excelle à rendre la candeur et l'innocence, le ravissement de l'enfant, la tendresse maternelle ainsi que le charme de la jeune fille; elle exprime parfaitement la douceur et la bonté du caractère.

Mme Vigée Le Brun n'est pas un peintre de la réalité; on rencontre néanmoins chez elle une certaine puissance rare chez une femme : cette vigueur réside dans l'esprit plutôt que dans le style; Mme Le Brun aboutit souvent, comme dans le portrait de Mme Molé-Raymond, à des hardiesses auxquelles vient nuire la suavité de la touche.

Mme Vigée Le Brun, il faut le rappeler à son honneur, a exercé une grande influence sur les générations de demoiselles artistes qui se sont succédé sous la Restauration. Que de copies ont été faites au Louvre, même de nos jours, de son portrait à elle-même et de celui de Mme Molé-Raymond; que de fois ses légères et limpides peintures ont été reproduites sur la porcelaine ! (Antony Valabrègue, Les femmes artistes du XVIIIème siècle, Les lettres et les arts: revue illustrée, Volume 1,Numéro 4, 1886 - archive.org).

Elisabeth Vigée-Lebrun part en exil à Florence, à Rome, à Naples puis à Venise, où elle retrouve nombre de ses relations, qui, comme elle, ont fui la Révolution. En 1791, elle va en Autriche, à Vienne, d'où elle ne pense pas partir. Toutefois, l'ambassadeur de Russie l'invite à se rendre en Russie. En 1795, elle est à Saint-Pétersbourg, où elle fait un séjour de plusieurs années En 1800, elle est rayée de la liste des émigrés et peut rentrer à Paris, ce qu’elle ne fera que deux ans plus tard (fr.wikipedia.org - Elisabeth Vigée-Le Brun).

A Venise, elle retrouve celui qui lui fera visiter les lieux, Dominique Vivant Denon qui dirigera le Musée du Louvre et auquel succédera le comte Forbin, de la famille de l'abbé Forbin-Janson (voir ci-dessous) qui effectuera un voyage au Levant avec son cousin. La famille de Valbelle est l'une des plus prestigieuses de Provence, à l'égal de celle de Forbin (Souvenirs de Mme. Louise-Élisabeth Vigée-Le Brun: notes et portraits, 1755-1789, Volume 2, 1835).

This half doll representing Molé-Raymond was made by Dressel & Kister of Passau / Bavaria (2ème moitié du XIXème siècle) - halfdolls.blogspot.fr

Gabriel-Fançois Raymond, ancien acteur de la Comédie-Française et comédien de province, débuta au Théâtre-Itailen avec succès, le 14 décembre 1779, par le rôle de Dorante des Jeux de l'Amour et du Hasard, comédie de Marivaux, et fut reçu à quart de part, au mois d'avril 1780, pour doubler Clairval et Michu dans les premiers et seconds amoureux. Il avait épousé, le 29 janvier 1780, en l'église Saint-Médard, à Paris, Melle Elisabeth-Félicité Pinet, fille naturelle du comte de Valbelle et d'une actrice de la Comédie-Française, Mme Pierre-Claude Pinet, dite d'Épinay, mariée depuis 1768 au célèbre comédien Mole.

Si d'un côté le début d'une jeune actrice qui n'a jamais paru sur aucun théâtre femble commander Tindulgence, d'un autre côté le souvenir du maître dont Mme Raymond est l'élève (Mole) sembloit permettre la sévérité. Il résulte de cette réflexion qu'il falloit que le public crût voir en elle un talent réel pour fe laiffer entraîner, et c'est ce qui est arrivé, car l'applaudissement a été général. Cette actrice a une très jolie figure jointe à une physionomie des plus piquantes, un caractère de foubrette très-décidé, de la gaieté et de la finesse. Elle a une vivacité qui a befoin d'être modérée et qui l'a emportée quelquefois malgré elle ; mais le tems et l'expérience tempèrent aisément un excès de chaleur et ils n'en donnent jamais à une activité qui en manque. On sent d'ailleurs combien la timidité pouvoit nuire au développement de son talent naturel. Si un acteur qui, des théâtres bourgeois, a passé sur ceux de la province et a su s'y faire une réputation, ne peut paroître sans effroi sur les théâtres de la capitale, que sera-ce d'une jeune perfonne qui sort de son appartement pour se montrer sur cette scène si formidable ? Il esl certain qu'on ne peut s'annoncer plus avantageusement que vient de faire la dame Raymond et le bien qu'elle a montré annonce un mieux qu'on doit attendre du tems et de l'expérience.

Elle joua ensuite dans la Mère confidente, comédie de Marivaux, dans l'Amant auteur, comédie de Cérou, dans Soliman II, ou les Sultanes, comédie de Favart, dans les Fausses Confidences, comédie de Marivaux, et fut reçue à quart de part le 14 novembre 1781. Dans Soliman II, Mme Raymond se montra réellement parfaite. Aussi elle reprit bien souvent cette pièce qui fut toujours pour elle la cause d'ovations nouvelles.

Le rôle de Roxelane n'est pas du reste le seul où Mme Raymond ait fait preuve de talent. En 1784 elle créa aussi avec le plus grand succès le personnage de Fanfan dans Fanfan et Colas, comédie en un acte, de M"* de Bcaunoir. Elle mit même dans ce rôle une ardeur telle qu'un soir elle tomba en syncope. On dut l'emporter dans sa loge, et les spectateurs, faisant preuve d'une mansuétude peu ordinaire, attendirent patiemment son rétablissement. Malheureusement Taarice ne se sentit pas en état de continuer et il fallut cesser le spectacle. Le public cependant ne voulut pas se retirer sans avoir eu de meilleures nouvelles de la malade, et la salle ne fut évacuée que lorsqu'on eut annoncé qu'elle allait mieux et pouvait être transportée à son domicile. Quelques jours plus tard. Mme Raymond, complètement remise, put reprendre son rôle.

Dans la suite de sa carrière dramatique. Mme Raymond continua à donner des preuves de talent et de zèle et elle fut à cette époque une des actrices les plus applaudies de la Comédie-Italienne, à laquelle elle était encore attachée au commencement de l'année 1789.

On connaît la liaison criminelle qui exista entre cette actrice et Mole, son beau-père : « Mme Mole se meurt, dit un contemporain à la date du 20 août 1782; avant de recevoir les sacremens elle a appelé Mme Raymond sa bâtarde, qu'elle avoit eue d'un Valbelle, frère du Valbelle-Clairon ; elle l'a catéchisée en présence de son mari sur leur commerce abominable ; elle leur a reproché d'Être les auteurs de fes chagrins, et par la jaloufie qu'ils lui ont donnée de la précipiter au tombeau. On ne voit pas que cette exhortation ait éteint cette passion scandaleuse. »

Il n'y a rien à ajouter à cette citation si ce n'est qu'aussitôt après la mort de sa mère, Mme Raymond, qui habitait alors avec son mari la rue de Richelieu, alla demeurer rue du Sépulcre, chez Mole (Émile Campardon, Les Comédiens du roi de la troupe italienne pendant les deux derniers siècles, 1880 - archive.org).

La famille de Valbelle est une famille noble de Provence, issue de Barthélémy Valbelle, maître savetier au Bausset.

Le comte de Valbelle Joseph-Alphonse Omer de Valbelle, initié à la franc-maçonnerie selon le rite égyptien, fit construire une pyramide dans le parc du château vers 1770. La végétation ayant repris le dessus sur la colline du château, il faut pour la retrouver traverser quelques sous bois. En partant du château elle se trouve environ 500 m direction Nord-Ouest. Elle est tronquée. Son frère aîné le marquis Joseph Ignace de Valbelle laissa de nombreux bâtards dont une fille de Madame Molé.

La pyramide tronquée du parc de Valbelle à Tourves - S.everz - fr.wikipedia.org

Cette famille fournira au royaume de France une série de marins valeureux et dévoués, commandant presque toujours des galères construites et armées à leurs frais.

Mlle Maurice Gabrielle Hélène Françoise Reymond (1789 - St-Mandé, 1865) légua en 1865 au Louvre le portrait peint par Mme Vigée-Lebrun de sa mère Mme Molé-Reymond (Les Donateurs du Louvre, Musée du Louvre, 1989 - books.google.fr).

Ce portrait est dit aussi "Femme au manchon" ou "Jeune fille au manchon", et se retrouva sur des boîtes de chocolat. Jolie comme une gravure de mode et d'une frivolité bien à l'opposé de l'austère satue de saint Jean dans sa niche de la crypte du château de Moulinsart. Le manchon est signe d'hiver comme la fête de saint Jean l'évangéliste, 27 décembre :

L'hiver lui-même, représenté par la femme au manchon, semble s'être fait clément et, déjà, à l'autre extrémité, la femme à l'ombrelle se gare contre les brûlures du soleil. Gentilles, ces figurines de modes qui, seules, trônaient, à l'heureuse époque où la citoyenne Lisfrand insérait ses réclames dans le Journal de Paris, tout sec, comme s'il se fût agi de quelque tartine littéraire (La Lecture illustrée, F. Juven., 1897 - books.google.fr).

C'est cependant saint Jean Baptiste le patron des pelletiers et des fourreurs.

Saint-Jean et Bonnard nous ont conservé les types de gentilshommes français porteurs du Manchon sous Louis XIV. Ce Saint-Jean est Jean Dieu dit Saint Jean est un peintre et graveur français né en 1654, décédé en 1695, fils d’un peintre nommé Jean Dieu (1625-après 1638) (fr.wikipedia.org - Jean Dieu de Saint-Jean).

On sait que les Bonnart ne furent pas les initiateurs du genre de la gravure de mode et l'on en attribue la paternite ä Jean Dieu de Saint-Jean, mort en 1695, qui propose vers 1670 une "Dame en habit de ville" tenant une guitare. Saint-Jean ne semble pas avoir été marchand ; seule, sa veuve, devait tenir boutique (Catherine Massip, Les personnages musiciens dans les gravures de mode parisienne, De l'image à l'objet: la méthode critique en iconographie musicale : in memoriam Geneviève Thibault de Chambure (1902-1975), 1988 - books.google.fr).

Dieu-de Saint Jean est un de ceux qui a commencé les Graveures de différentes modes & attitudes, dont on a été assez content : il les inventoit & dessinoit, & il les saisoit graver pout les débiter au Public; il a fait entr'autres le portrait du Roy à cheval, le même habillé à la mode, le portrait de la Reine défunte, Monseigneur le Dauphin, Madame la Dauphine , Monsieur & Madame, tous portraits habillez à la mode, & 48. autres pieces ou environ de différentes modes (Florent Le Comte, Cabinet des singularités d'architecture, peinture, sculpture, et gravure, 1702 - books.google.fr).

Pour demeurer absolument fixé au Manchon, il nous faut enregistrer la première apparition de ce petit fourreau vers la fin du XVIe siècle. Dans l'inventaire des biens laissés par la veuve du président Nicolai, on lit : Item : un Manchon de velours doublé de martre. A Venise cependant nous avons, nos recherches, retrouvé vestige du Manchon dès la fin du XVe siècle; les courtisanes célèbres et les nobles dames portaient déjà des manchons qui servaient de niche à des chiens minuscules, et une gravure représente une scène d'intérieur où une belle Vénitienne semble montrer à son amant les jeux infinis de ses bichons emmanchonnés (cf. Mirza, le chien à sa maitresse, sans manchon, mais en manteau à col de fourrure du Secret de la Licorne).

Quant au chien de Manchon (pour finir de contrôler la définition de Furetière), non seulement Hollar nous en a laissé la gravure et nous l'a présenté sous la forme d'un petit Epagneul basset, mais encore le père Du Cerceau fait dire à son poète tapissier : Il ne fut pas même jusqu'à Cadet (petit chien de la dame) / Qui d'aboyer contre moi ne fit rage. / L'ingrat Cadet à qui dans mon manchon / J'avois tant soin de fourrer du bonbon.

Mais laissons le siècle des grandes perruques et des fontanges et pénétrons dans le siècle de la poudre et des mouches, dans le siède de Voltaire, qui, à propos d'un de ses personnages de Micromégas, écrivait : « Figurez-vous un très petit chien de Manchon qui suivrait un capitaine des gardes du roi de Prusse. »

Mais, sans qu'il soit besoin de plus longtemps recourir à l'école anglaise (Reynolds, Gainsborough), n'avons-nous pas ce lumineux portrait de Mme Vigée Lebrun, dans lequel le Manchon, relevé presque à hauteur de tête, étale l'éclat de sa pelure d'or fauve comme une chevelure de courtisane vénitienne ; — cette étonnante peinture de la fin du XVIIIe siècle apparaît dans - son éblouissement au milieu du salon carré du Musée du Louvre, tuant à force de fraîcheur et de lumière les magistrals tableaux bitumineux du début de ce siècle qui'sont ses proches voisins.

Les petits chiens, les Bichons de manchon, qui n'avaient cessé d'être en grande faveur depuis la Régence, eurent plus de vogue que jamais ; toute femme de bel air avait son carlin et son « bichon » dans le genre King-Charles, ou d'une race analogue à celle de nos Havanais.

Au milieu des Scènes de la vie de Bohème, dans l'épisode du Manchon de Francine, qui a dû se fixer dans l'esprit de tout lecteur, les larmes sont montées aux yeux de tous à la suite d'une émotion sincère et profonde. Francine, malade, meurt sans quitter son Manchon. Le Jour de la Toussaint, à l'angélus de midi, elle fut prise par l'agonie et tout son corps se mit à trembler. « J'ai froid aux mains, murmura-t-elle, donne-moi mon manchon » — et elle plongea ses pauvres mains dans la fourrure. « C'est fini, dit le médecin à Jacques, va l'embrasser»; et Jacques colla ses lèvres à celles de sort amie. Au dernier moment, on voulut lui retirer le Manchon, mais elle y cramponna ses mains. « Non, non, dit-elle; laissez-le-moi : nous sommes dans l'hiver, il fait froid. — Ah mon pauvre Jacques! »

Histoire lugubre et poignante, comme l'œuvre de Murger, en général ; — le Manchon de Francine sera peut-être le chapitre le plus durable de la Vie de Bohème. — On n'a pu mettre cette scène réaliste au théâtre, mais un peintre, M. Haquette, l'a admirablement exécutée dans l'une de ses meilleures toiles exposées à l'un de nos Salons annuels (Octave Uzanne, L'ombrelle, le gant, le manchon, 1883 - archive.org).

Octave Uzanne, à qui André Suarès fit un envoi autographe daté du 29 avril 1914, sur Essais, nrf, 1913. signé Caërdal, est l'auteur d'un Bric à brac de l'amour (www.octaveuzanne.com).

Haddock décrit la réserve des frères Loiseaux comme un bric à brac par deux fois, page 60 du Trésor de Rackham le rouge

Eau forte de Adolphe Lalauze (1838-1906), graveur - Octave Uzanne (1851-1931), Le bric-à-brac de l'amour (1879), préface de Jules Barbey d'Aurevilly (1808-1889) - gallica.bnf.fr

La femme fatale

Dans un morceau du Le Calendrier de Vénus, un mari surnommé Ménélas discourt contre Jean-Jacques Rousseau, alors que sa femme, rebaptisée Hélène, aguiche la tablée. A un moment le narrateur fait un compliment au "grand et terrible critique " Z... :

— Mordieu, mon cher, quel superbe franc-archer vous êtes, lui disais-je, surpris de la justesse de ses traits piquants et aciérés. — Que voulez-vous, me répondit-il en se campant le buste en avant, j'ai tellement reçu de flèches dans ma vie que je suis devenu carquois; je retourne les traits qui m'ont été décochés si souvent mal à propos, et je tâche, moi, de ne pas manquer ceux que je vise.—Au reste, poursuivit-il, chacun suit son étoile, et je crois aux signes du Zodiaque: je suis né sous le Sagitaire, — et vous ? — Septembre m'a vu naître, ainsi que dirait un romancier du premier Empire, mais j'ignore les fameux signes du calendrier,—sauf ceux du Calendrier de Vénus. —Septembre ! — c'est la Balance, mon ami; pour tout le monde ce serait la justice, mais pour vous, c'est mieux encore, et vous ne pouvez en nier l'influence : c'est l'art parfait de balancer les femmes sur les légers plateaux de l'inconstance. Demandez plutôt à notre hôte. Peut-être bien, dit Ménélas. — Ainsi, je suis né en décembre, le jour de la Saint Jean ; quel est mon signe ? — Décembre ! — le Capricorne, mon cher, et je vous en félicite, répondit avec une superbe ironie le grand critique, — vous, un homme paisible, qui s'en serait douté ? — Mais, chut ! voici votre femme. Le pauvre homme avait le sourire le plus gaillard du monde; l'amour n'est pas le seul à porter un bandeau, les maris ont souvent une visière de cuir comme l'aveugle du Pont-des-Arts, mais ils ne s'aperçoivent pas toujours qu'ils se mettent à deux pour jouer sur la même clarinette, l'un y fait les canards, l'autre y roucoule des mélodies (Octave Uzanne, Mémorandum d'un Epicurien, Le calendrier de Vénus, 1880 - ia700409.us.archive.org).

George de Feure (1868-1943), né van Sluyters, fils d'un néerlandais et d'une belge, est un artiste peintre, affichiste et designer français. Son œuvre est caractérisée par de nombreuses représentations de la femme fatale, thème que l'on retrouve dans l'ensemble des œuvres du courant Art nouveau (fr.wikipedia.org - Georges de Feure).

Parmi les meilleurs exemples du type féminin de femme fatale, on notera l'illustration de George de Feure en couverture de Féminies, livre d'Octave Uzanne publié en 1896, et sa lithographie, La Femme fatale, qui date de la même année. La couverture de Féminies, un recueil de « huit chapitres inédits dévoués à la femme, à l'amour, à la beauté », représente une femme qui, à l'aide d'une dague, transperce le cœur d'une rose. A l 'arrière-plan, à gauche, on distingue des bâtiments dont une église en flammes et, à droite, cinq silhouettes de pendus. L'absence d'âme et ce qui s'y rattache, ainsi que ses basses préoccupations, sont symbolisées par les jetons ornés d'un cœur qu'elle a amassés devant elle.

La philosophie, dans les premières œuvres de Georges de Feure, selon laquelle souffrance et misère étaient une part intrinsèque de la nature et de la condition humaine, résumée par Paul Adam comme « L'immanence même de la douleur aux corps des hommes » était accompagnée dans l'analyse d'Uzanne de l'idée que les femmes ajoutaient à cette douleur, quand elles n'en étaient pas la cause : « l'homme marchant sur son chemin de croix sous la maléfique influence de la femme perverse, perturbatrice inconsciente ». Dès 1892, Riotor avait décelé la présence de la femme fatale dont la domination était traduite par sa position sociale, mais les différents aspects de sa conception symboliste restent, pour l'essentiel, baudelairiens : « on sent qu'il aime la femme dans sa suprême beauté, qui est le mal suprême. Il s'efforce de peindre, en toutes ses métamorphoses, l'éternelle féline, la femme aux mille lignes, aux mille séductions, la femme d'amour égoïste, fleur de toutes les ivresses, tige de tous les vices, source de tous les maux, âmes de toutes les de toutes les joies profanes. Il ne voit chez ces sirènes que des démoniaques ayant mission, comme pensait saint Augustin, d'augmenter le péché, d'anéantir les volontés, de dégrader toute pensée forte » disait, de façon très éloquente, Uzanne.

La femme fatale passive, décrite par Frantz comme un « être inconscient et prédisposé au mal qu'une fatalité entraîne vers la perversité, vers le vice involontaire », est le sujet d'un tableau datant aussi de 1896, intitulé La Fille de Léda. Zeus métamorphosé en cygne, et Léda eurent une fille, Hélène de Troie. Plutôt que la nommer ainsi, de Feure préfère rappeler ses origines et ce, non seulement par le titre mais également par les trois cygnes flottant sur un lac gris. Comme dans La Femme fatale, ces oiseaux suggèrent le triangle éternel : Hélène, Ménélas et Pâris. [...] Uzanne a fort bien pu avoir ce tableau à l'esprit lorsqu'il commenta : « Georges de Feure possède une sorte de divination psychologique de la femme dominatrice, de la femme sirène... Hélène des Troyens ou Madeleine de Galilée, c'est toujours à elle que pensent les héros en mourant dans les combats ou les hommes-dieux accrochés sur des croix ! » (Ian Millman, Georges de Feure: maître du symbolisme et de l'art nouveau, 1992 - books.google.fr).

La représentation de la femme chez Hergé semble procéder de cette conception particulière. On peut remarquer dans Le Secret de la Licorne la présence de la femme au chien Mirza avec son col de fourrure d'un certain rang social occupant avec aplomb la cabine téléphonique alors qu'il pleut et que Tintin a une envie pressante de passer un coup de fil. Cette forte femme, sans la plastique attendue d'une femme fatale, a une ressemblance avec l'Etude pour l'affiche du Salon des Cent dite aussi La Botaniste (1894), de George de Feure, qui porte un renard autour du cou.

L'Hélène de Troie d'Homère est sans doute la première femme fatale de la littérature (Tintin, Hergé et la Croix d’Huriel : Hélène et Moulinsart).

Louise Elisabeth Vigée Le Brun va réaliser trois portraits de Madame du Barry, qui avait un petit chien nommé Mirza, l’ancienne favorite de Louis XV, interdite à la Cour depuis la mort de ce roi et qui vivait retirée dans son château de Louveciennes. (louveciennestribune.typepad.com - Trois portraits de Madame du Barry).

"Elle voulait qu'on l'appelle Venise"

Poursuivons encore avec Uzanne, amateur de la ville de Venise.

Gustave Geffroy écrit dans la préface au Pietro Longhi d'Octave Uzanne publié en 1924 : « [...] Octave Uzanne a fait revivre la Venise du XVIIIe siècle, en réclamant pour elle une place glorieuse malgré le verdict de décadence prononcé contre son agonie en carnaval, en déguisement et en musique. Il a brodé sur cette trame les pages chatoyantes, éblouissantes, vivantes, que l'on pouvait attendre de lui, Uzanne, dont le cosmopolitisme a choisi Venise comme seconde patrie. A le lire, on croirait qu'il a vécu, qu'il a regardé peindre Guardi et conversé avec Casanova, qu'il s'est mêlé à la foule des masques blancs, des manteaux noirs, des tricornes galonnés, de toutes ces figures qui sont à peu près revenues à la mode dans le Paris d'aujourd'hui » (Bertrand Hugonnard-Roche, Coins de Venise, 2013 - www.octaveuzanne.com).

Case de la page 60 du Trésor de Rackham le rouge

Devant le portrait de Pie VII, trône un aigle de couleur verte (cuivre oxydé ?) sur un globe, qui était le symbole de Napoléon Ier qui malmena fort ce pape. Napoléon mourut en l'île de Sainte Hélène, une des Hélène de l'histoire et de la légende.

Jacques-Louis David, Pie VII (1805), Grand Palais - www.latraceclaraz.org

Le pape porte une calotte blanche et un camail de velours rouge garni d’or et d’hermine. Son étole de satin est brodée d’or. Il est de trois quarts, tourné vers la gauche, assis dans un fauteuil de velours rouge et or à dos carré. Il tient à la main droite une lettre sur laquelle on lit : Pio VII Bonarum Artium... Patroni... (Jacques-Louis David, Pie VII (1805), Grand Palais - www.histoire-image.org).

Le col et la coupe de cheveux sont très reconnaissables dans la case du Trésor de rackham le rouge. Mais la calotte du Trésor est rouge, comme celles des cardinaux parmi lequels Pie VII fut compté avant son élection. Voici comment selon Stendhal :

Le père Chiaramonti était un bon moine natif de Césène comme Pie VI, fort régulier et point galant. Ce n'est pas par ce dernier côté que brillait le plus la duchesse Braschi nièce du pape. Elle eut la fantaisie de prendre le père Chiaramonti pour confesseur; bientôt elle força le pape à le faire évêque. Pie VI aimait beaucoup à caresser le fils de sa nièce, jeune enfant d'un an ou deux. Un jour la jeune duchesse portant son fils dans ses bras se trouvait chez le pape, lorsqu'on annonça monsignor Chiaramonti. Pie VI fronça le sourcil, l'humble moine s'avance ; tout à coup l'enfant se met à jouer avec une calotte rouge, et la place comme par hasard sur la tête de l'évêque qui s'était incliné pour baiser la mule du pape. « Ah! » je vois où l'on en veut venir, » dit le pape en colère; «hé bien! qu'il n'en soit plus question; » monsignor Chiaramonti sortez de ma pré sence, et je vous fais cardinal. » (Stendhal, Promenades dans Rome, Volume 2, 1829 - books.google.fr).

Le général Bonaparte conquit l’Italie au cours de la campagne d'Italie. Le Directoire de la France officielle choisit de déstabiliser la République de Venise et de la dépouiller sans la renverser et lui demander la capitulation. Mais Bonaparte choisit de s'emparer de la ville pour récupérer sa marine bien équipée et alimenter les caisses de l'armée d'Italie mal nourrie et mal équipée. Le 15 novembre 1796, il pénétra dans l'Arsenal de Venise. Puis le général réclama à la ville un prêt d'un million de francs-or par mois pendant six mois, avec la promesse de le rembourser une fois la guerre finie mais essuya un refus. Il profita alors de l'incident des Pâques véronaises pour déclarer la guerre à la ville le 1er mai 1797, envahir les États de Venise et exiger l'abandon du pouvoir par l'aristocratie vénitienne. Après 1 070 ans d'indépendance, le 12 mai 1797 la ville se rendit à Napoléon Bonaparte.

Avec le Frioul, l'Istrie, la Dalmatie et Cattaro, la Vénétie passa peu après sous occupation autrichienne par le traité de Campo-Formio, le 17 octobre 1797, ce qui mit fin à la municipalité provisoire de Venise. Seules les îles Ioniennes sont attribuées à la France à Campo-Formio, avant de devenir la quasi indépendante République des Sept-Îles. Cette domination fut interrompue entre 1806 et 1814 par une nouvelle installation des Français, Napoléon y menant de grands travaux.

Après le retour à l'Autriche qui, à l'issue du congrès de Vienne, constitua le royaume lombard-vénitien, la montée du sentiment national pro-italien culmina lors de la mise en place d'une république lors des mouvements révolutionnaires des années 1847-1849 conduite par Daniele Manin. Mais la répression rétablit la domination autrichienne. Ils se maintinrent dans la région jusqu'en 1866, à la suite de leur défaite contre la Prusse (alliée de l'Italie) à la bataille de Sadowa, qui les contraint à accepter le rattachement de Venise au jeune royaume d'Italie (fr.wikipedia.org - Venise contemporaine).

Le conclave de 1799/1800 (ou conclave de Venise) fait suite au décès du pape Pie VI le 29 août 1799 et conduit à la désignation comme pape de Chiaramonti, qui choisit comme nom Pie VII, le 14 mars 1800. Tenu à Venise, c'est le dernier conclave à s'être tenu hors de Rome.

Barnaba Niccolò Maria Luigi Chiaramonti était alors l'évêque d'Imola dans la République subalpine où il avait conservé sa place après l'invasion des armées de Bonaparte en 1797 à la suite d'un discours célèbre dans lequel il avait déclaré que "les bons Chrétiens pouvaient faire de bons démocrates", discours que Bonaparte avait alors qualifié de "Jacobin". Quoique ne pouvant empêcher la confiscation des biens d'Église il avait ainsi réussit à maintenir le clergé, au contraire de ce qui s'était passé dans la République française.

L’Autriche prit acte de l’élection sans aucun enthousiasme (puisque son candidat n'avait finalement pas été élu) et - acte de mauvaise humeur - refusa que le nouveau pape soit couronné dans la basilique Saint-Marc de Venise. En conséquence, le pape déclina l'invitation de l'empereur François Ier et refusa de se rendre à Vienne. Il sera couronné le 21 mars 1800 dans une petite chapelle attenante au monastère de San Giorgio. Comme les vêtements et insignes pontificaux étaient restés à Rome, ce furent des femmes nobles de Venise qui réalisèrent une tiare de papier mâché qu’elles décorèrent avec leurs propres bijoux et qui servit pour le couronnement (fr.wikipedia.org - Conclave de 1799-1800, fr.wikipedia.org - Pie VII).

Il avait pris, en 1758, l'habit des bénédictins sous le nom de dom Gregorio (Grégoire). On retrouve aussi ici un Barnabé comme l'homme de main des frères Loiseau (Le Secret de la Licorne).

Pour rapprocher Pie VII de saint Jean l'évangéliste, comme lui le futur pape aurait été victime d'une tentative d'empoisonnement.

"On prétendit qu'ils tentèrent d'empoisonner leur rival par une tasse de chocolat. Chiaramonti, l'ayant goûtée, ne put l'achever tant elle lui parut d'une saveur désagréable. Un frère lai, spécialement attaché à son service, la but, et saisi tout à coup des plus violentes douleurs, il ne survécut que 24 heures à ce fatal repas".

Une tradition relative à saint Jean l'évangéliste rapporte qu'un prêtre de Diane, Aristodème, demanda à l'apôtre de boire un breuvage mortel. II lui promit de croire au Dieu vivant et vrai, si ce breuvage ne lui faisait pas de mal. Mais, pour assurer saint Jean de la virulence du poison, il en fit absorber d'abord par deux condamnés à mort qui tombèrent sans vie devant lui. Alors Jean prit la coupe, la signa, et but le breuvage mortel sans en éprouver aucun malaise. L’art du moyen âge a représenté saint Jean avec un calice. Ce n’est pas « parce qu’il disait la messe », comme on le croit aujourd’hui, mais bien à cause de la coupe de poison, dont la Légende dorée de Jacques de Voragine a popularisé la tradition, au XIIIe siècle (Raymond Chasles, Israël et les nations, Patmos, 1960 - books.google.fr).

Lorsque Pie VII fit le voyage de Paris pour couronner Napoléon empereur, la peste se déclara à Livourne et menaça Rome. Le cardinal Consalvi qui dirigeait les Etats de l'Eglise en l'abscence du pape dut prendre des mesures impopulaires (Mémoires du Cardinal Consalvi, secrétaire d'Etat du Pape Pie VII, Volume 1, traduit par Crétineau-Joly, 1864 - books.google.fr).

Le Tarot de Paris, peut-être élaboré pour les Gonzague, possède deux lames le Pape et la Foudre qui peut désigner la Peste car elle remplace la Maison-Dieu (maladrerie pour pestiférés) ou la Flèche (symbole de la peste envoyé par Apollon) d'autre tarots (22 v’la l’Tarot : Kabbalisation du Tarot : V - Pape . XVI - Fouldre - books.google.fr).

Uriel (à Huriel) est associé à Asmodée (à Meaux : as-Meaux-dés) - et kabbalistiquement à Mars - et sont situés tous deux au Nord du montant vertical de la Croix d'Huriel, alors que Raphaël est au sud à l'opposé comme il combat ce démon dans le Livre de Tobie (La Croix d’Huriel et Rennes le Château : Sot Pêcheur et Par ce signe tu le vaincras 2).

Uriel est en effet associé à saint Jean par la théorie des humeurs et au Soleil dans la Croix d'Huriel (Tintin, Hergé et la Croix d’Huriel : Cheverny et les barons d’Huriel - books.google.fr).

Jean Tulard ne connaît qu'une personne qui ait jamais rapporté la formule attribuée à Napoléon Ier "Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera" : c'est Charlton Heston Heston, l'arme au poing, dans Les 55 jours de Pékin de Nicholas Ray. Quant â la personnalité qui avait bénéficié de cette cette précision historique, c'était, bien sûr, l'auteur de Quand la Chine s'éveillera, Alain Peyrefitte (Napoléon (cinéphilie), Positif, Numéros 189 à 197 ;Numéros 199 à 202, 1977 - books.google.fr).

For the rest the battle-scenes are tremendous, the direction by Nicholas Ray is almost consistently impressive, and nothing is better in the dialogue than an utterance of Napoleon Buonaparte which is quoted by the British Ambassador: "Let China sleep, for when she wakes the world will tremble." (Alan Dent, Wider still and wider, The Illustrated London News, Volume 242, Numéros 6453 à 6465, 1963 - books.google.fr).

Dans une lettre au pape Pie VII, Napoléon Bonaparte écrit depuis Paris, le samedi 10 fructidor an X (28 août 1802) :

Je désirerais de donner une nouvelle activité aux missions de la Chine, et je ne cacherai pas à Votre Sainteté qu'indépendamment du bien général de la religion, j'y suis porté par le désir d'ôter aux Anglais la direction de ces missions, qu'ils commencent à s'attribuer.

Le même jour à l'archevêque de Paris, Jean Baptiste de Belloy (1709 - 1808), inventeur de la cafetière à percolation (dite "debelloire") en 1800 :

J'ai lu avec la plus grande attention la note que vous m'avez envoyée relative à la mission de la Chine; j'en sens l'importance. Je désire que vous me fassiez un rapport plus détaillé, qui me fasse connaître où en sont nos missionnaires, et ce qu'il y aurait à faire pour gendre leur zèle utile à la religion et à l'Etat. Vous pouvez assurer tous ceux qui s'adresseront à vous que mon intention est d'agir aux Indes et à la Chine comme je viens de le faire dans la Syrie et dans le Levant, où j'ai remis sous notre protection spéciale le SaintSépulcre et tous les chrétiens de l'Orient.

Enfin à Jean Etienne Marie Portalis (1746-1807), "Père du code civil", conseiller d'Etat chargé de toutes les affaires concernant des cultes, de Saint-Cloud, 27 frimaire an XI (18 décembre 1802) :

J'ai reçu, Citoyen Conseiller d'État, plusieurs lettres du Pape. Je vous envoie deux notes qu'elles contiennent, l'une relative aux missions de Chine, l'autre au Piémont. Faites faire des recherches qui indiquent ce qu'il y aurait à faire pour encourager les missions, et la somme qu'il serait nécessaire de destiner à cet objet, et à la disposition de qui elle doit être mise. Quant au Piémont, conférez-en avec le légat, pour qu'il vous fasse connaître ce qu'il peut faire (Cours politique et diplomatique de Napoléon Bonaparte, Volume 8, 1861 - books.google.fr).

Venise et Licorne

Les objets en ivoire sont rares dans le trésor de Saint-Marc. [...] 109° et 110° Deux Cornes De Licorne. Je mentione dans la catégorie des ivoires ces deux objets appelés autrefois cornes de licorne et aujourd'hui dents ou défenses de narval ; ils sont droits et longs de plus d'un mètre 2. Le premier, qui aurait été donné à un doge en 1488, est garni, à chaque extrémité, de métal sur lequel sont gravées des inscriptions à la pointe ; ce sont deux lignes d'arabe ou d'une autre langue d'Asie. A l'autre bout, on distingue deux lignes en caractères grecs. Une chaîne y est attachée, qui servait sans doute à le suspendre dans le chœur les jours de fête. Au milieu de cette chaîne est un médaillon représentant, dit-on, Saint-Marc entouré d'une inscription latine- — J'ai tenu le second objet dans mes mains et je puis en parler avec plus de détails. Six anneaux d'argent, gravés d'inscriptions, l'entourent à différents intervalles. Sur l'anneau le plus rapproché de la pointe, on lit le commencement de la Salutation angélique (Victor Didron, Trésor de l'église Saint-Marc à Venise, 1862 - books.google.fr).

Dans Le Sceptre d'Ottokar, le professeur Halambique possède un sceau du doge Gradenigo.

Retable Barbarigo (1488), Murano, Église San Pietro Martire) - www.wga.hu

Agostin Barbarigo (Agostino Barbarigo en italien), (Venise, vers 1420 - Venise, 1501), est le 74e doge de Venise, en fonction de 1486 à sa mort en 1501.

Lors de la guerre contre les Turcs (1499-1503), les deux flottes s'affrontent dans les eaux de Pylos (bataille de Zonchio) dont l'homérique Nestor était roi. Par la paix de 1503, Venise ne dispose plus, en Péloponnèse, que de Nauplie, Patras et Monemvasia.

Le 1er février 1499, le doge inaugure l'horloge sur la tour de la place Saint Marc. La statue du doge est posée à côté du lion de Saint-Marc, symbole de la ville, sur la partie supérieure de la façade de la tour. La statue sera détruite par les Français en 1797 après la prise de la ville par Napoléon. Son tombeau dans l'église Santa Maria della Carità fut détruit par les troupes de Napoléon en 1807. Il n'en reste plus qu'une sculpture (fr.wikipedia.org - Agostin Barbarigo).

La Vierge avec le doge Agostino Barbarigo, détail, 1488, Giovanni Bellini, (Murano, église de San Pietro Martire). Dans cette scène, le doge Barbarigo apparaît, agenouillé devant la Vierge et l’Enfant, présenté par saint Marc, patron de Venise, devant deux anges musiciens. Il est vêtu de sa robe ducale et de la cape d’hermine. Il porte sur la tête un bonnet de lin, le “camauro” et le “corno” de velours rouge, orné d’une couronne de diamants (www.aparences.net - Venise autour de Giovanni Bellini).

Venise comme femme fatale chez Alfred de Musset

Le poème A mon frère revenant d'Italie contient essentiellement une longue évocation de Venise, qui n'occupe pas moins de sept strophes: le thème principal du texte n'est donc pas le voyage effectué par Paul en Italie, mais la manière dont la ville de Venise reste un souvenir douloureux dans l'esprit du poète. Femme et ville se confondent, mêlées dans la mémoire de celui qui avait rêvé, il y a bien longtemps, ce lieu magique. Car avant d'être un lieu réel, Venise fut pour Musset un lieu imaginaire, celui de l'amour qui règne à chaque coin de rue [...] En 1830, c'est cette ville qui sert de cadre, tout naturellement semble-t-il, à la première pièce écrite par Musset, La Nuit vénitienne. C'est encore la ville de l'amour qui est représentée, mais d'un amour libertin, volage et artificiel, celui qu'incarne le séducteur Razetta: à celui-ci, Laurette préférera le prince d'Eysenach et sa «vieille prude d'Allemagne». Et, déjà, dans les Contes d'Espagne et d'Italie, c'est-à-dire bien avant le séjour que Musset y a effectué avec George Sand, Venise est personnifiée en tentatrice, en femme fatale; c'est en elle que Dalti voit sa perte : "Venise! ô perfide cité, / A qui le ciel donna la fatale beauté, / Je respirai cet air dont l'âme est amollie, / Et dont ton souffle impur empesta l'Italie !" (Gilles Castagnès, Les femmes et l'esthétique de la féminité dans l'oeuvre d'Alfred de Musset, 2004 - books.google.fr).

La Chine

Il semble que l'influence de Tchang Jong Jen, ami d'Hergé depuis les années 1930, se fasse sentir dans les albums postérieurs au Lotus bleu. Sur une commode au premier plan de la case du tableau de Pie VII et de l'aigle impériale (page 60 du Trésor de Rackham le rouge), une statuette d'apparence chinoise qui pourrait bien être l'immortel taoiste Lu Dongbin, avec ce qui ressemble à un bonnet de lettré, et une épée tenue par la lame et la poignée en l'air. Le personnage représenté a la main gauche redressée avec l'index pointant vers le haut. Un tel geste dans un autre contexte a été identifié comme symbolisant l'éternité ou l'immortalité, qui caractérise pourtant aussi l'immortel chinois (La Croix d’Huriel et pierres noires : L’index ou la pierre de touche).

La Chine et Pie VII

Le comte Charles-Auguste-Marie-Joseph de Forbin-Janson, né le 3 novembre 1785 à Paris et mort le 12 juillet 1844 près de Marseille, est homme d'Église et aristocrate français. Il est successivement évêque de Nancy, de Toul et primat de Lorraine.

Issu d’une des plus grandes familles nobles de Provence, Charles-Auguste-Marie-Joseph de Forbin-Janson émigra sous la Révolution française avec ses parents en Bavière puis en Suisse, séjourna à Paris en 1795, réintégra la Bavière et ne revint en France qu’en 1800. Sa famille était ardemment légitimiste. Toute sa vie, Forbin-Janson demeura convaincu que la révolution avait résulté des conspirations suscitées par les francs-maçons et les républicains.

Aussi Forbin-Janson se rallia-t-il avec bien des réticences au régime impérial en acceptant en 1805 un poste d’auditeur au Conseil d’État ; dans le même temps, il alla s’inscrire à la Congrégation de la Sainte-Vierge, association religieuse fondée à Paris en 1801. Lorsque cette dernière fut dissoute par Napoléon Ier en 1809, Forbin-Janson se joignit à la société secrète royaliste connue sous le nom de Chevaliers de la foi, que fonda à Paris en 1810 Ferdinand de Bertier.

Forbin-Janson était déjà séminariste. La lutte engagée par Napoléon Ier contre Pie VII lui avait fait abandonner sa carrière dans l’administration et, en 1808, il était entré au séminaire de Saint-Sulpice à Paris, où il joignit une association secrète de piété d’inspiration jésuite. À Saint-Sulpice, il y avait alors un groupe de jeunes clercs dont les imaginations s’évadaient vers les missions, et l’impétueux Forbin-Janson s’enflamma à ces perspectives. Il se lia d’une étroite amitié avec Charles-Joseph-Eugène de Mazenod, qui partageait les mêmes rêves.

Ordonné à Chambéry le 15 décembre 1811, Forbin-Janson fut d’abord supérieur du grand séminaire de l’endroit. À titre de vicaire général, il se rendit à Rome en 1814 où, après avoir consulté Pie VII, il fut convaincu de renoncer à la Chine pour se consacrer à la ré-évangélisation de la France, devenue impie, à ses yeux, par suite des excès révolutionnaires. Avec l’abbé David de Rauzan il mit sur pied la Société des missions de France, dont le centre était le mont Valérien, situé à l’ouest de Paris. Ce fut l’origine des fameuses missions de la Restauration.

Doué d’une facilité oratoire peu commune, capable de déployer une activité prodigieuse, légitimiste convaincu que la restauration de l’autel ne se séparait pas de celle du trône, Forbin-Janson utilisa toutes les ressources d’un zèle ardent et d’une imagination fertile pour multiplier les manifestations religieuses théâtrales où, selon son biographe Paul Lesourd, se donnait libre cours le « cléricalisme politique ». Le point culminant de la mission était l’érection d’un calvaire. Forbin-Janson avait une prédilection pour la croix gigantesque du mont Valérien, visible de Paris et devenue le lieu de pèlerinage favori des Parisiens.

Croix du mont Saint-Hilaire - www.septentrion.qc.ca

Eloigné de son diocèse par l'hostilité de la Monarchie de Juillet, Forbin-Janson se consacre à la prédication. Disponible, Forbin-Janson, à la demande des évêques et des supérieurs de communautés religieuses, parcourut la France pour prêcher des retraites. Très proche de l’œuvre de la Propagation de la foi, fondée précisément pour venir en aide aux missionnaires des États-Unis, sa pensée se tourna vers l’Amérique du Nord, où d’ailleurs des compatriotes, qui occupaient des sièges épiscopaux, ne cessaient de l’inviter. Il se rendit à Rome où le pape Grégoire XVI approuva son projet de voyage outre-océan et lui confia même une mission officielle. Le suprême réconfort de l’apostolat de Forbin-Janson au Bas-Canada, comme sa plus douce revanche, fut l’érection, sur le mont Saint-Hilaire, d’une croix gigantesque, qui faisait un pendant heureux au désastre du mont Valérien. Réputée indestructible, la croix du mont Saint-Hilaire fut renversée dans la nuit du 13 au 14 octobre 1846 par un fort vent qui en rompit les chaînes ancrées dans le sol (Philippe Sylvain, Charles-Auguste-Marie-Joseph Forbin-Janson, Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, 1988 - www.biographi.ca, Alain Côté, La croix sur le mont Saint-Hilaire, Société d'histoire de Belœil-Mont-Saint-Hilaire, 1999 - www.shbmsh.org).

Il fait un voyage en Belgique en 1843. Il meurt d'une hémorragie pulmonaire peu après son retour, en 1844, près de Marseille, chez son frère, le marquis de Forbin-Janson, alors qu'il se disposait à partir pour la Chine : il venait de fonder l'Œuvre de la Sainte-Enfance pour le salut et le baptême des enfants chinois. Il est inhumé à Paris, au cimetière de Picpus. (fr.wikipedia.org - Charles de Forbin-Janson).

Chine et les licornes de Victor Segalen

Comme la plupart des autres œuvres, La Queste à la licorne est le produit d'un intertexte explicite dont l'élément focal est le voyage de Marco Polo. [...] En fait, ce que Segalen emprunte au personnage de Marco Polo, c'est un modèle auquel il s'identifie tout d'abord, avant d'en faire l'archétype du voyageur occidental découvrant l'altérité chinoise à une époque où, pour l'Europe franque, encore ébranlée par la poussée mongole, elle fut la plus forte: la fin du moyen-âge. [...] Une variante de ce modèle sera, précisément, Odoric de Pordenone, missionnaire italien de l'ordre des Frères Prêcheurs (Franciscains) qui, au début du XIVe siècle, accomplit un long périple en Chine, dont la relation: Les Voyages et Recherches à travers le grand Empire de Cathay de Fra Odorico di Perdenone, sera une référence privilégiée de Segalen. [...]

Si la «licorne» est un thème fin de siècle, fort à la mode, il semble que son choix, comme objet symbolique de la quête du héros, soit dû à la conjonction d'un rêve de Segalen, très sensible aux phénomènes paranormaux avec sa découverte de la statuaire chinoise.

Si ces récits de voyageurs occidentaux servent d'intertexte à la Queste, Segalen utilise également un autre type de documentation : ouvrages de sinologues, comme V. Hart: Western China, auquel il fait plusieurs fois allusion, Granddivier ou Remusat, mais aussi textes chinois proprement dits, Chroniques ou classiques du taoïsme, dont il extrait deux figures exemplaires : Lao-Tseu, tout d'abord. [...] Mais, c'est moins la pensée de Lao-Tseu qui lui importe ici que le destin même du personnage: ce départ du sage vers l'ouest mythique, lieu de son ravissement, dont on retrouvera plus tard l'écho dans Les Origines de la statuaire de Chine lorsque Segalen, en archéologue, recherchera «Le tertre du Livre dit» ... [...] L'autre figure chinoise qu'il songe un moment à utiliser est celle de Mou-Wang, troisième Empereur de la dynastie des Tcheou (1001-847 avant J.-C.) qui fit lui aussi, en 989, «une expédition vers l'ouest au pays où les oiseaux bleus se reposent». (1er dossier, p. 15) II reste de cette aventure un roman historique ancien: le Mou t'ien-tseu tchouan et un récit de Lie-Tseu, l'un des Pères du Taoïsme. Là encore, ce qui intéresse Segalen, c'est le voyage du souverain vers l'ouest légendaire, le Kouen-lun à propos duquel il recopie les notes de Remusat : C'est dans le Kouen-lun, aux diamants et métaux éclatants que les Chinois placent les demeures des Monstres, Fées, et génies et de tous les êtres d'invention populaire. C'est l'Olympe des Bouddhistes et Taoïstes. D'étranges voix s'y font entendre. Des merveilles s'y accomplissent (Rémusat. Histoire de la ville de Khotan p. 65). [...]

Dans le premier projet, conçu en automne 1909, le personnage principal est Odoric de Pordenone. Ce qui intéresse Segalen dans la personnalité du missionnaire, c'est la fin mystérieuse de sa mission sur laquelle le manuscrit de Venise reste muet, puisqu'il s'achève brusquement, aux frontières de la Chine, sur une vision allégorique du Purgatoire grande révélation théologique de notre Moyen- Age. Ce dénouement obscur laisse libre cours à l'imagination de Segalen qui peut, dès lors, prendre des libertés avec le personnage historique et en faire un héros mystérieux, conforme à son imaginaire, une sorte de Prêtre-Jean dont l'énigme pour l'occident, fut en partie du moins à l'origine de la mission d'Odoric. [...]

La Licorne, objet de la queste d'Odoric, devient donc l'allégorie de cette altérité essentielle dont Segalen recherche la sensation. Ainsi s'explique cette inscription marginale où il exprime son enthousiasme lors de la traversée d'un paysage de la Chine intérieure : Licorne: la merveilleuse vallée, le Val Merveilleux du Kien-tch'ang. Ce premier état du récit semble fixé en en décembre 1909. Un élément du titre demeure seul en suspens: la préposition. D'où l'intitulé final : La Quête de/à la Licorne. D'où cette note, datée du 21 février 1910: La Queste de la licorne veut dire en termes de chasse: chasse menée par la licorne. La Queste à la licorne au contraire donne la licorne en gibier. Dans ce sens, on prononcera toujours «quête» conséquence: prendre garde à l'emploi même du mot quête, enquête dans le sens actuel. [...]

Dans l'imaginaire chinois, en effet, c'est l'occident et non plus l'orient qui est le lieu de l'exotisme, le Kouen-lun, tout particulièrement dont Segalen déchiffre dans le nom même la sacralité, c'est-à-dire l'altérité suprême (Marc Gontard, Un inédit de Victor Segalen, La Queste de la Licorne, Carrefour de cultures: mélanges offerts à Jacqueline Leiner, 1993 - books.google.fr).

Peut-on trouver l'origine de l'obsession de Tournesol pour l'ouest ("Toujours plus à l'ouest") dans ce mythe chinois ?

Si La Queste est restée non publiée, la licorne est présente dans Peintures (1916) et dans Stèles 1912 :

Enfin, enfin voici l'Autre, en qui s'est complu le pinceau : Si belle qu'on ne peut la regarder sans pleurer : si rare qu'on la tient pour irréelle, la Licorne même, d'elle-même, vient se joindre à tous les rendant grâces, et, promesse de félicités pour le peuple, témoin de mérites pour l'Empereur, danse à Ses pieds un pas élégant de parade ! Lui est seul, entre Ciel et Eau, face tournée vers la Terre, le visage rond comme visage d'Immortel (Victor Segalen, Peintures, 1916 - archive.org).

La Licorne me traîne je ne sais plus où. Bramant de vertige, je m'abandonne. Qu'ils descendent au loin sous l'horizon fini les chevaux courts et gras du sage seigneur Mâ, duc de Lou (Victor Segalen, Char emporté, Stèles du Milieu, 1912 - www.steles.net).

Le sujet de La Queste réapparaîtra de différentes manières, dans d'autres œuvres : Odoric de Pordenone est évoqué dans la laisse XXXVI de Thibet, le roi Mou, dans la stèle « Départ», tandis que la quête «véridique» des licornes de Ts'in constitue le premier chapitre de son essai sur Les Origines de Chine (Marc Gontard, Un inédit de Victor Segalen, La Queste de la Licorne, Carrefour de cultures: mélanges offerts à Jacqueline Leiner, 1993 - books.google.fr).

Stèles diffère des autres oeuvres de Segalen en ce qu'il nécessite un acte visuel de la part du lecteur, prouvant que "la part d'exprimé et d'inexprimé, ainsi que les formes d'expression et leurs nuances, dépendent très subtilement des circonstances qui ont entouré la création du poème" (Charles Mauron, Des métaphores obsédantes au mythe personnel, Corti, 1963, p. 50).

Les soixante-quatre stèles qui s'érigent verticalement sur les soixante-quatre cases de l'échiquier montrent que l'ordre de l'érection monumentale fait contrepoids, comme une compensation au vertige vertical de la fouille ; et si la stèle est un 'moment chinois', la souffrance qu'elle impose est féconde, car "pour qui sait voir, la Licorne est partout présente, il n'est que d'ajuster son regard. L'essentiel est moins dans le spectacle que dans l'interprétation du spectacle..." (Henry Amer, La Queste de la Licorne, France-Asie, 124, 1956, p. 205).

Ces 64 pierres font penser à celles du Serpent rouge (signes du Taureau et des Gémeaux) (Le Serpent rouge : Le voyage de l’âme : Taureau, Le Serpent rouge : Le voyage de l’âme : Gémeaux).

Segalen n'aura aucune sympathie pour les révolutionnaires chinois "qui récitent à qui veulent les écouter les journaleux principes éculé depuis'89 : Droits du peuple, socialisme ; Bonheur Universel. Inutile de vous dire que j'ai pris parti, et sincèrement, et entièrement pour la dynastie. Mais l'admirable fiction de l'Empereur, Fils du Pur Souverain Ciel n'est pas à laisser perdre". (Elisabneth Démiroglou, De l'empire de chine a l'empire de soi-même dans Stèles de Victor Segalen, 1996 - ler.letras.up.pt).

Fascination que l'on retrouve chez Hergé dans Le Septre d'Ottokar où Tintin sauve le roi mais pas un quelconque démocratie.

L'immortel Lu Dongbin ou la statuette sur la commode

Selon Philostrate, dans sa Vie d'Appolonios de Tyane, on faisait des tasses avec la corne des licornes que l'on trouvait dans le pays voisin du fleuve Phase, et boire avec rendait immortel (Les oeuvres d'Ambroise Paré, Pierre Rigaud à Lyon, 1652 - books.google.fr).

Qin Shi Huang portait aussi un intérêt au Taoïsme. Les taoïstes étaient les plus concernés par la recherche de l’élixir d’immortalité. Durant ses visites aux quatre coins de l’Empire, Qin Shi Huang disperse ses agents afin qu’ils collectent les herbes sensées lui apporter l’immortalité. Il envoie même une expédition sur l’île de Penghai, où résident, selon la légende, les immortels. Il se rend par trois fois à Langyai, sur la côte du Shandong, et fait ses dévotions dans les temples du dieu des quatre saisons et dans celui du dieu du soleil. (www.chine-chinois.com - Histoire de la Chine).

Les 8 immortels sont mis à l’honneur par l’école du Quanzhen, mais c’est au XIVe siècle, sous les empereurs Ming, que leur iconographie se fixe définitivement. Ce sont :

Lü Dongbin (appelé aussi Lü Yen) : un homme âgé à la barbe blanche, tenant l’étui de l’épée (ou l’épée elle-même) avec laquelle il pourfend les démons et soulage les plus faibles.

He Xiangu : disciple de Lü Dongbin, elle tient une fleur de lotus.

Zhongli Quan : général de la dynastie Han, grassouillet, il est muni de l’éventail qui sert à ranimer les défunts après leur mort.

Zhang Guolao : maître taoïste, protecteur des peintres et calligraphes, il est souvent représenté sur un âne.

Cao Guojiu : en costume de cour, il tient une petite plaque de jade (ou tablette de rang), signe de noblesse, ou des claquettes de jade.

Han Xiangzi : jeune lettré, tenant une flûte, il est le protecteur des musiciens.

Lan Caihe : excentrique, il est chaussé d’une seule chaussure et tient un panier de fleurs.

Li Tieguai : mendiant boiteux, souvent ivre, il porte une canne et une calebasse (Exposition, La Voie du Tao, autre chemin de l'être - www.grandpalais.fr).

Un vieil homme, genou droit plié et bras droit posé dessus, jambe gauche allongée, tient un chasse-mouche dans la main gauche, a des moustaches et une barbichette, visage souriant et bonnet de lettré sur la tête. Le vieil homme tenant un chasse-mouche peut-être Lü Dongbin, philosophe né vers 755, et considéré comme l'un des Immortels Taoïstes

Ivoire : Deux lettrés sur une barque (1826) - Musée Dobrée (Nantes) - www.culture.gouv.fr

En définitive, Chavannes considère que l'art chinois en général se compose de deux courants parallèles: l'un est bouddhique et adventice, l'autre est proprement chinois, profane et originel. Il défend cette idée dans le domaine de la sculpture comme nous l'avons observé, mais aussi dans celui de la peinture. En effet, il fait paraître en 1914 un ouvrage intitulé La Peinture au Musée Cernuschi, dans une revue destinée au public lettré francophone, Ars asiatica. Dans cet ouvrage, il développe l'idée selon laquelle la peinture chinoise est marquée par l'évolution parallèle de deux traditions: l'une est certes dominante, mais adventice, c'est l'art bouddhique; l'autre est spécifiquement chinoise, représentée à l'origine par le peintre des Six Dynasties Gu Kaizhi (c. 345-c. 406), et poursuivie ensuite par des peintres comme Teng Changyou (IXe siècle). A propos du portrait de Lu Dongbin par ce dernier peintre, Chavannes postule l'existence de cette peinture à la fois chinoise et profane, caractérisée en en particulier par le culte des héros - donnée à laquelle Segalen ne sera pas insensible (Philippe Postel, Victor Ségalen et la statuaire chinoise: archéologie et poétique, 2001 - books.google.fr).

L'un des Immortels, Lu Dongbin, aurait été l'inventeur de l'encre, il était donc le patron des fabricants de bâtons d'encre.

Depuis les temps les plus anciens, les disciples de Lao-tseu préconisent la retraite en montagne et les immortels sont désignés par un mot qui signifie « hommes des monts ». Un de leurs saints les plus célèbres, Liu Tong-pin (IXe siècle) vécut longtemps sur le Lou-chan, au sud du cours moyen du fleuve Bleu (Jean-Paul Roux, Montagnes sacrées Montagnes mythiques, 1999 - books.google.fr).

Liu-tong-pin (l'Immortel et le patron des lettrés) paraît, lui aussi, être un personnage qui a réellement existé, malgré les différences de dates assignées pour sa naissance. On trouve ce nom dans des auteurs sérieux. 1ère Version. - Liu est son nom de famille, il a deux noms, Tong-Pin et Nié. Son lieu d'origine fut Yong-lô-hien dans la préfecture de Ho-tchong-fou au Chan-Si à 120 lys S.E. de la sous-préfecture actuelle de Yong-tsi-hien. Son arrière-grand—père Yentche était intendant de l'Est du fleuve Ha-tong sous les T'ang. Son grand-père Wei fut président du ministère des Rites, et son père Jang exerça la charge de préfet de Hai-tcheou. Ce fut sous le règne de T'an té-tsong, la quatorzième année de l'époque Tchen-yuen de son règne, (798 ap . J. C.), le 14ème jour de la 4ème lune, que Liu-tong-pin vint au monde ; il atteignit cinq pieds deux pouces de hauteur, à vingt ans il n'était pas encore marié. Ce fut à cette époque de sa vie qu'il entreprit un voyage vers la montagne de Liu-chan, dans la préfecture de Kieou-kiang au Kiang-si. Là, il fit la rencontre du héros "le Dragon de feu", qui lui remit un sabre magique, grâce auquel il pouvait, à son gré, se cacher dans les Cieux ; ce fut alors qu'il prit le titre de : Pur actif. A l'âge de soixante-quatre ans, il subit avec succès ses examens pour le doctorat, sous le règne de l'empereur T'ang-i-tsong durant la période : Hien-t'ong, 869-874 ap. J.C. Ce fut pendant son voyage à la capitale Tchang-ngan ("Si-gnan-fou" au Chen-si) qu'il fit la rencontre fortuite de I'Immortel Tchong-li-k'iuen (Han-tchon-li). Tchong-li se trouvait alors dans une auberge, et était occupé à chauffer un pot de vin de sorgho. Liu-tong-pin fut vomme ravi en extase, il rêva qu'il était promu à une haute dignité, et favorisé de toutes les caresses de la fortune. Ce bienheureux état durait déjà, croyait-il, depuis cinquante ans; soudain une faute grave le fit condamner à l'exil, et sa famille fut exterminée. Là, seul au monde, il se prenait à soupirer amèrement, quand il se réveilla en sursaut. Le tout n'avait duré qu'un court espace de temps, si bien que le vin de Han-tchong-li n'était pas encore chaud à point. C'est ce qu'on est convenu d'appeler en littérature : le songe du vin de sorgho. Désabusé de la convoitise des dignités humaines, il suivit Han—tchong-li à la montagne de Ho—ling à, à Tchong-nan ; là, il fut initié aux mystères divins, et devint Immortel. L'empereur Song-hoei-tsong, 1115 ap. J. C., lui octroya le titre de Héros de la merveilleuse sagesse. Dans la suite, il fut proclamé : Prince Empereur, solide protecteur.

2ème Version. — Une fable raconte que Lia-tong-pin serait l'ancien roi Hoang-tan, qui aurait régné 250 ans après le chaos primitif, et se serait réincarné sous le règne de T'ang—t'ai-tsong, la vingtième année de l'époque Tchen-koan, 646 ap. J. C., le 14ème jour de la IVème lune. Il avait pour père Jang et pour mère une nommée Wang ; sa taille était de huit pieds deux pouces, il portait moustaches et favoris, et était légèrement grêlé. A vingt ans, il prit pour épouse une jeune fille nommée Lieou fille d'un Nie-t'ai, grand juge des causes criminelles. Trois fois, il échoua aux examens du doctorat; enfin la deuxième année de la période T'ien-cheou sous l'impératrice T'ang-ou-heou, (691 ap. J. C.) son père lui commanda de se présenter de nouveau aux examens, il avait alors 46 ans. En passant par la capitale Tchang-ngan, il fit la rencontre de Tchong-li-k'iuen dans une auberge, il le prit pour maître, dit adieu au monde, le suivit sur la montagne de Ho-ling à Tchong-nan. Tchong-li changea son nom en celui de Nié et lui donna pour prénom Tong-pin.

3ème version. - Liu-tong-pin naquit dans le district de P'ou-fan-hien, qui faisait alors partie du Ho—nan. Cette localité se trouve actuellement dans le Chan-si, au S. E. de Yong—tsi-hien, dans la préfecture de P'outcheou.

4ème version. - Liu-tong-pin vint au monde la 12ème année de l'époque Tchen-yuen du règne de T'ang-te-tsong, c'est-à-dire en 796 ap. J. C Son père étant devenu préfet de Hai-tcheou, il alla lui-même s'établir dans ce pays. Après son élévation au doctorat, il devint sous-préfet de Té-hoa-hien, dans la préfecture de Kieou-kiang, au Kiang-si. Au cours d'un voyage qu'il fit vers la montagne de Liu-chan, située dans la même préfecture, il rencontra Tchong-li, dit : "le Vrai Principe Actif ", qui l'initia aux secrets de l'immortalité.

De tous ces témoignages, et de plusieurs autres qu'on pourrait encore citer, il se dégage un fonds historique, à peu près toujours le même, et la légende, qui de temps à autre vient jeter des habits de fantaisie sur les épaules du docteur des T'ang, ne change rien à ses traits essentiels. Il fut lettré, mais simple mortel, sans privilège préternaturel (Henri Doré, Recherches sur les superstitions en Chine, Variétés sinologiques, 1915 - books.google.fr).

Henri Doré (1859 - 1931) war ein französischer Missionar und Sinologe. Er gehörte dem Jesuitenorden an (de.wikipedia.org - Henri Doré).

Sur les panneaux d'un paravent exemplaire de l'art décoratif chinois au XVIIIème siècle, en bois laqué, à douze feuilles, nous trouvons, au—dessous, le groupe bien connu des huit génies, Pa sien, constamment associés dans l'art chinois et qui représentent les huit immortels taoïstes ; chacun se distingue par les attributs qui lui sont propres : l'éventail de plumes de Tchong-li k'iuan, l'épée de Lu Tong-pin, la gourde de Li « à la béquille de fer » et le panier de fleurs que tient en l'air Lan Ts'ai-ho (Henri d'Ardenne de Tizac, Bushell, L'art chinois, Laurens, 1910 - books.google.fr).

The Daoist-Buddhist struggle in art and literature is epitomized by legendary conflicts between Immortal Lii and his Buddhist opponents; no other Daoist immortal has a similar confrontational relationship with Buddhists. The outcome of a conflict varies depending on the author's religious belief. In Daoist sources, Immortal Lü is always the winner. For example, in a series of murals illustrating the life of Lü Dongbin in the Hall of Pure Yang (Chunyang Hall) in the Yongle Palace, one of the themes of the pictorial hagiography is his superiority over Buddhist monks. By his magic power, he silences the sound of bells from the pagoda in the famous Hanshan Monastery in Suzhou, he destroys a Buddhist pagoda, and he converts Buddhist monks to Daoism. In Buddhist sources. Immortal Lü is inevitably the loser (Anning Jing, The Water God's Temple of the Guangsheng Monastery: Cosmic Function of Art, Ritual and Theater, 2002 - books.google.fr).

Four examples of Yuan period (1260-1368) Taoist architecture in China are seen at the Yongle Gong, the Eternal Joy Temple, located in Ruicheng county at the southern tip of Shanxi province. The uniqueness of their survival was such that in 1959 these four structures were moved upriver from their original location in Yongji in order to preserve them while making way for a reservoir. Yongle Gong is intimately connected to a patriarch of Quanzhen Taoism, Lu Dongbin. One of the Eight Immortals, some legends of Lu Dongbin trace his birth to the Tang dynasty in the vicinity of the original town of Yongle, where a veneration shrine to him was erected after his death. A shrine to Lu Dongbin probably stood at the future site of Yongle Gong in the Tang dynasty. By the Northern Song dynasty, it had become a temple-complex. Whatever buildings were at it had become a temple-complex. Whatever buildings were at the site in Jin times were destroyed by fire in 1244. Just three years later, even before the Mongols established their supremacy in all of China, reconstruction began under their sponsorship. It is probably this association with the rulers that gave way to the designation of gong (Shawn Eichman, Taoism and the Arts of China, 2000 - books.google.fr).

Le gong de la page 50 du Secret de la Licorne n'est peut-être pas là juste pour le gag, ainsi que son son "Dong" comme Lu Dong Bin.

A la page 59 du Trésior de Rackham le rouge, Tintin fait chut au capitaine Haddock, rimant avec klock terme flamand signifiant cloche, il fait silence de la cloche. Le clochard est bien souvent alcoolique comme le capitaine. Les Dupondt sont des cloches à melons : " Y a-t-il rien de plus bête que des cloches à melon ?" (Lettre de Flaubert à Louise Collet, Croisset le 12 juillet 1853) (Gustave Flaubert, Correspondance: Nouvelle édition augmentée, 2014 - books.google.fr).

Hergé disait : "Prenez le cas du capitaine Haddock, par exemple : celui-là s'accepte, ne réfléchit pas. Je me retrouve un peu en lui, parfois, comme il m'arrive de me retrouver aussi, trop souvent, hélas ! dans les deux Dupondt! ... Mais Tintin est certainement né de mon désir inconscient d'être parfait, d'être un «héros». Ce qu'on est très, très, très rarement dans la vie de tous les jours ! (citation, extraite à l'origine des fameux entretiens que Hergé accorda à Numa Sadoul en 1975) (Numa Sadoul, Entretiens avec Hergé, 1989 - books.google.fr).

Lü spends the night at the Cold Mountain Monastery in Suzhou and tells the monks that his surname is Lü. He also complains of the racket caused by the wind blowing chimes inside the monastery. One of the elder monks jokes that if Lü is the the true Lü Dongbin, he should use his powers to stop the noise. Lo does exactly that, to the amazement of the monks, who only then grasp the true identity of their guest (Paul R. Katz, Images of the Immortal: The Cult of Lü Dongbin at the Palace of Eternal Joy, 1999 - books.google.fr).

Suzhou ou la Venise de l'Orient

Tous ces canaux de navigation, d'arrosage ou de dessèchement bordent l'Yu-Ho ou communiquent avec lui sans entraver sa marche; ici, plus de digues, plus de Icha, pas même de berges au-dessus du sol : le canal coule lentement et presque en ligne droite depuis Tchang-Tchéou jusqu'à Sou-Tchéou-Fou. Cette dernière métropole est la plus remarquable du Kiang-Nan après Nanking ; elle est au centre d'une plaine étendue, entourée de petits lacs, de riches cultures, et à 3 lieues du lac Taï, l'un des plus grands de la Chine; en outre, Sou-Tchéou communique avec la mer par un grand nombre de canaux , dont dix à douze sont navigables. Ce qui donne à cette ville une physionomie distincte, c'est sa belle position au milieu d'un labyrinthe de canaux dont plusieurs pénètrent dans la cité et s'y subdivisent à l'infini; c'est l'antique Venise assise sur l'eau douce, avec son luxe, ses gondoles, ses ateliers, ses grands magasins et tout ce qui, autrefois, donnait un aspect florissant à la cité adriatique. « En haut, dit le proverbe chinois, est le ciel, en bas est Sou-Tchéou. » De tout temps cette ville a été le rendez-vous des oisifs riches; l'air y est pur et tempéré, la terre très-fertile, et l'industrie s'y développe sans obstacle, secourue par des capitaux abondants, par un commerce très-actif et par une immense population (François Jacques Jaubert de Passa, Recherches sur les arrosages chez les peuples anciens: Troisieme partie des arrosages de la Chine, quatrième partie des arrosages de la Syrie, de l'Arabie et de l'Egypte, Volumes 3 à 4, 1846 - books.google.fr).

La suppression de la Compagnie de Jésus par Clément XIV (21 juillet 1773) eut le plus douloureux effet sur notre mission de Péking, dont elle causa la ruine, et partant sur les études sinologiques. La nouvelle en parvint en septembre 1774 et le père von Hallerstein en mourait ainsi que le père Benoit. Des carmes allemands briguaient la p08.958 succession des jésuites, qui auraient voulu voir à leur place des prêtres des Missions étrangères. Ce fut un autre ordre toutefois, celui des lazaristes, qui les remplaça. Les pères Cibot et Amiot, ainsi que le père de Ventavon, survécurent encore quelques années à la destruction de leur mission et à leur remplacement par les lazaristes. Le dernier supérieur des jésuites français à Péking, le père Bourgeois, mourut le 29 juillet 1792. L'évêque de Nanking, Godefroy-Xavier von Laimbeckhoven, s'était éteint à Sou-tcheou (du Kiang-sou), le 22 mai 1787. Lorsque Pie VII eut rétabli l'ordre et que l'ancien secrétaire du père Gabriel Gruber, le Polonais Thaddée Brzozowski, eut été élu général de la Compagnie (2 sept. 1805), des anciens jésuites il ne restait plus à Péking que les pères Joseph Bernard de Almeida et Aloys de Poirot, peut-être même le père Jean-Joseph de Grammont, ancien interprète du chevalier d'Entrecasteaux à Canton. (Henri Cordier, La Chine de 1559 à nos jours, 1893-1901, extraits par Pierre Palpant, 2012 - www.chineancienne.fr).

Marco Polo décrit la ville de Sou tchéou sous le nom de Siguy dans la traduction française de son Livre.

Sous les Mongols, cette ville était le chef-lieu d'un « circuit » que l'on nommait P'ing kiang, le « Kiang pacifié » (P'ing-kiang lou) dépendant du gouvernement de Kiang-tché. Mais, depuis le commencement de la dynastie des Thâng jusqu'aux Soûng (618-960), elle porta le nom de Sou-tcheou. Pendant le règne de cette dernière dynastie, elle fut nommée P'ing-kiang; mais il est probable que l'on continua de lui donner son ancien nom sous les Mongols (quoique, officiellement, ce fût P'ing-kiang lou), puisque Marc Pol la nomme Sigiu (prononcé à l'italienne Sidjiou), et que, comme on le verra plus loin, c'est bien la ville actuelle de Sou tchéou qu'il a voulu désigner (Le livre de Marco Polo, citoyen de Venise conseiller privé et commissaire impérial de Khoubilaï-Khaân; rédigé en français sous sa dictée en 1298 par Rusticien de Pise, publié par G. Pauthier d'après trois manuscrits de la Bibliotheque impériale de Paris, Volume 2, F. Didot frères, 1865 - books.google.fr).

Les voyages de Marco Polo lui ont valu la célébrité de son vivant, ainsi qu'un surnom : Il Milione. Selon certains, il fait référence aux millions de mensonges qu'il aurait proférés ; selon d'autres, au fait qu'il employait le mot alors peu commun de « million » pour décrire l'opulence qu'il vit en Chine (Keeley Brian, Les essentiels de l'OCDE De l'aide au développement La lutte mondiale contre la pauvreté: La lutte mondiale contre la pauvreté, 2012 - books.google.fr).

La femme fatale dans la Chine des Ming

Le conte 34 de Stories to Awaken the World, traduction de Xingshi hengyan publié en 1627 : "For One Penny, a Small Grudge Ends in Stark Tragedies" ("A Squabble Over a Single Copper Cash Leads to Strange Calamities, associe Suzhou" ou "A minor quarrel over cash leads to unbelievable hatred" ou "The Rift over a Single Copper Cash Leads to bizarre transgressions" ou "The Rift") se rattache à cette recherche par son auteur Feng Menglong, la femme fatale et l'immortel Lu Dong Bin (Paolo Santangelo, Sentimental Education in Chinese History: An Interdisciplinary Textual Research on Ming and Qing Sources, 2003 - books.google.fr, Stories to Awaken the World, A Ming Dynasty Collection, Volume 3 - www.washington.edu, Keith McMahon, Causality and Containment in Seventeenth-Century Chinese Fiction, 1988 - books.google.fr).

Xingshi hengyan est le dernier des trois recueils de huaben (courte histoire ou nouvelle) de la compilation de contes chinois rassemblée par Feng Menglong, avec d'abord Gujin Xiaoshuo (Stories Old and New), puis Jingshi Tongyan (Stories to Caution the World). Gujin Xiaoshuo est connu aussi comme Yushi Mingyan (Stories to Enlighten the World or Illustrious Words to Instruct the World). Ces recueils sont publiés entre 1620 et 1627 à Suzhou, à la fin de la dynastie Ming. Xingshi hengyan fut publié par Ye Jingchi de Suzhou en 1627. (en.wikipedia.org - Stories to Caution the World, fr.wikipedia.org - Trois Recueils d'histoires).

A close associate of Feng Meng-lung in his editing of the “Three Words,” Hsi Lang-hsien (usually referred to as Lang-hsien) probably wrote twenty-two of the stories in Constant Words to Awaken the World. While Feng's stories emphasize scholars' aspirations for public service, Lang-hsien's stress reclusion and religious beliefs. In addition to Taoist and Buddhist themes, Lang-hsien emphasizes fundamental Confucian morality and ethical relationships. “Yi wen ch'ien hsiao hsi tsao ch'i yüan” (A Single Copper Cash; HY 34) cautions against human greed, wrath, and short-sightedness, illustrating the consequences ofviolating morality (Yenna Wu, Vernacular stories, The Columbia History of Chinese Literature, 2001 - books.google.fr).

Si le Sanyan semble avoir été oublié pendant la dynastie Qing (1644-1911) - seules deux exemplaires de ses collections de contes semblent avoir été conserver au Japon -, la légende d'un Feng Menglong humoriste, bon vivant, buveur qui vécut une laison avec deux filles chanteuses de Soochow (Suzhou, ville qu'il célèbre à travers ses écrits) qui composa une compilation d'histoires amusantes ainsi que deux courtes oeuvres sur des cartes d'un jeu d'argent, se perpétue sous la dynastie Qing, ainsi que le succès de son manuel d'examen Chunqiu hengku (Patrick Hanan, The Chinese Vernacular Story, 1981 - books.google.fr).

Mais le Xingshi hangyan (ou Hsing shih heng yen) a été republié en 1936 en Chine :

The third part of the San-yen, the Hsing shih heng yen, was already known before that time and partially incomplete copies of this collection from the times of the Manchu dynasty are still available on the bookmarket. This collection too has been reprinted by the Sheng-huo Company 1936 à Shangaï (Jaroslav Prusek, Chinese History and Literature: Collection of Studies, 1970 - books.google.fr).

This is one of the most artistically successful tales in the Sanyan anthologies. Patrick Hanan, who offers a brief excerpt in translation in The Chinese Short Story, has described it as "the best example of naturalism in late Ming fiction"' and declares that it is "reminiscent of Zola". The story belongs to the "late" period (1550-1627). In length it is more like a novella than a short story which is perhaps why it has never been translated. The femme fatale [or qing guo qing cheng 'woman whose looks could destroy a kingdom'] motif is important to the opening and conclusion, although it is less dominant than in the preceding stories given here and is subsumed within the general framework of a tale of greed and retribution. There are almost no supernatural elements, no incredible coincidences and a wealth of realistic detail. Nonetheless it is not a "realistic" piece of fiction in the Western sense but rather a stern moral allegory as uncompromising in its presentation of the evils of avarice as Chaucer's "Pardoner's Tale". It is the suicide of a woman which ultimately leads to the death of twelve people. Wife Yang, married to a potter in the commercial port of Jingdezhen is forced by her husband to "prove" her innocence of adultery and thus save his face by strangling herself at the door of her accuser. The irony is that, as the reader knows, Yang has in fact indulged in illicit liaisons unbeknownst to her husband. Viewed from the moral code of her time she has been justly punished. Her strangled body brings disaster both on those who illegally dump it to avoid blame and those who use it for purposes of blackmail. At the conclusion of the novella it is another seductive woman who brings about the eventual ruin of herself, her lover, her husband and his adopted grandson by an illicit love affair. Minor characters are presented with great vividness and precision. The shrewish neighbour, whose sharp tongue won her the appellation, "Clapper Tapper", gives vent to her grievance in language both pungent and vivid: ... you whorish bitch with your mealy-mouthed modesty...[...]

The central theme of avarice is presented in the prologue folk-tale which can be traced to a source from the Tang dynasty. The legendary immortal, Lü Dongbin magically exposes the evils of avarice and has some fun at the expense of a Buddhist monk, one of many anti-Buddhist elements in this novella. In folk-tales, Lü Dongbin often appears as a beggar in rags who tests the generosity of a shop-owner or would-be immortal. The main story, which begins with the suicide of Wife Yang, has no known source. It betrays the influence of Suzhou dialect and may have been written by an unknown contemporary of Feng Menglong (Anne Elizabeth McLaren, A Squabble Over a Single Copper Cash Leads to Strange Calamities, The Chinese femme fatale: stories from the Ming period, 1994 - books.google.fr).

Jingdezhen (Ching-te-chen, dans le Kiang-si) était un centre important de fabrication de porcelaine où on découvrit de l'argile d'une qualité particulièrement appropriée (Paolo Santangelo, Human Conscience and Responsibility in Ming-Qing China, traduit par Mark Elvin, East Asian History, N° 4, 12-1992 - www.eastasianhistory.org).

Dans le conte HY 34, on parle de la petite ville de Ching-te-chen, située dans la province actuelle de Chiang-hsi, chef-lieu de la sous-préfecture Fou-liang-hsien, et où s'était concentrée dès les Sung la production de la porcelaine ; les commerçants de toutes les régions de l'empire affluaient dans cette localité pour en exporter les produits, surtout à Hang-chou et à Su-chou (Jaroslav Prusek, Chinese History and Literature: Collection of Studies, 1970 - books.google.fr).

On voit une potiche aux motifs de bambous et d'oiseau, sur la commode derrière les deux héros, page 60 du Trésor de Rackham le rouge. Les porcelaines de Jingdezhen les plus réputées étaient cependant bleues et blanches.

The Suzhou dialect, formerly romanized as the Soochow dialect and now also known as Suzhounese, is a branch of the Wu languages, one of the families of oral Chinese. Suzhounese is spoken in the city of Suzhou in China's Jiangsu province and is the traditional prestige dialect of Wu (en.wikipedia.org - Suzhou dialect).

Lü Dongbin fait une autre apparition dans le Xingshi hengyan avec le conte 22 : With His Flying Sword Lu Dongbin Attempts to Kill the Yellow Dragon. C'est un conte en faveur des bouddhistes, ternissant la réputation de l'immortel qui ne réussit pas à convertir le moine Yellow Dragon (Anning Jing, The Water God's Temple of the Guangsheng Monastery: Cosmic Function of Art, Ritual and Theater, 2002 - books.google.fr).

Feng Menglong, né en 1574 à Changzhou (actuelle Suzhou), mort en 1645, est un écrivain chinois de la dynastie des Ming. Si sa carrière de fonctionnaire est restée médiocre, Feng Menglong a au contraire accompli une brillante carrière littéraire. Il s'est intéressé avant tout à la littérature populaire, qu'il mettait au-dessus des Classiques. Il est l'auteur d'une cinquantaine d'ouvrages, tous consacrés à cette littérature populaire, pour laquelle il s'est montré au moins autant « éditeur » qu'auteur. Son contemporain Ling Mengchu (1580-1644) peut lui être comparé dans ce domaine. Le chef-d'œuvre de Feng Menglong est un ensemble de trois volumes en langue parlée (baihua), appelés les Trois Propos (Sanyan) : Propos éclairant pour édifier le monde (Yushi mingyan, 1620), Propos pénétrants pour avertir le monde (Jingshi tongyan, 1625) et Propos éternels pour avertir le monde (Xingshi hengyan). (fr.wikipedia.org - Feng Menglong).

Les jésuites en Chine à l'époque Ming

Lu Dong Bin réalisa de nombreuses conversions au Taoïsme dont des prostituées.

Le thème de la conversion des prostituées par Lu Dongbin est attesté dès 1169. Ses rapports avec les femmes prostituées ou autres sont encore plus manifestes dans les Annales des conversions divines du Souverain Empereur du Yang Pur (Lu (Dongbin) Chun-yang dijun miaotong ji) (quatorzième siècle), qui relatent six conversions de femmes, dont deux de prostituées. Les témoignages de prostituées converties au taoïsme sont plus fréquents sous cette dynastie des Song (Catherine Despeux, Immortelles de la Chine anncienne: Taoïsme et alchimie féminine, 1990 - books.google.fr).

Lu Dongbin's conversions of Sun [poissonnier] and Yang Liu [un pêcheur] are described in his various hagiographies. The best single visual source of scenes from Lü's life and legends is the murals in a building in the Yonglegong (Palace of Eternal Joy), a Daoist temple complex of the fourteenth century in Shanxi province (Julia B. Curtis, Trade Taste & Transformation: Jingdezhen Porcelain for Japan, 1620-1645, 2006 - books.google.fr).

En couplant Lu Dongbin et Forbin-Janson, on peut se poser la question de savoir si Hergé, catholique, ne pensait pas avoir une mission de conversion à travers son oeuvre ?

Except Emmanuel Diaz's (1574–1659) Shengjing Zhijie (1638), which is in essence a loosely translated work of Biblical exegesis, why had the Ming Jesuits not employed the parables of Jesus to preach Christian doctrines by the end of the dynasty ? [...] One has to notice that the crowds in the gospels shared with Jesus the same cultural background, having been immersed in the Judaic tradition of the day. Given the fact that not even the contemporary Jewish crowds were able to appreciate Jesus's parables, how could the Ming Jesuits expect that the Chinese, a people of a thoroughly different cultural stock, would understand Jesus's stories ? To ensure their missionary success in China, the Jesuits had to find a way out of traditional Christian pedagogy by deviating from Jesus's style of preaching. [...] The Ming Dynasty was a period that Zheng Zhenduo (1897-1958) has argued is characterized by 'the revival of fable', re-creating its much earlier bloom in pre-Qin times (Zheng, 1973: 1207–1210). People of the Ming were too familiar with Confucian and Daoist fables to neglect new members of the genre by various fabulists of their own time, ranging from Liu Ji (1311–1375) through Zhao Nanxing (1550–1627) to Feng Menglong (1574-1646). Working in a period whose literary climate was saturated with the fable, it is not surprising that the Jesuit missionaries would re-call European fables from the medieval pulpit. [...] I have suggested that the fable is not as 'dark' as the parable; its moralitas helps even more in the shaping of its transparency, thus making the fable more accessible to the Ming Chinese. [...] Such formal flexibility in fable can hardly occur in Jesus's parables. In Christian belief, Jesus is the incarnate son of God, the Word in the form of flesh, according to the Gospel of John (1:14). In Genesis, the Word is the prime mover by which the world was brought into being and, according to Exodus, the Word is the legislator from which the Judaic-Christian ethics known as the Decalogue took shape (34:10–28). In a word, the Word is the absolute power of the universe, the authority through which God reveals Himself. John's link of Jesus with the Word, in this light, is what leads Jesus to be enshrined at the peak of the Christian chain of being. [...] God could transform Himself into Jesus, but can man transform Jesus's parables morphologically ? [...] The Jesuits did 're-aim', not only in the sense that they re-wrote the traditional form, but also in the sense that they re- contextualized the fable. What is legitimate for fable may be illegitimate for parable (Sher-Shiueh Li, The art of misreading : an analysis of Jesuits 'fables' in late Ming China, Translating China, 2009 - books.google.fr).

Hergé représente ainsi à sa façon l’action propagandiste des jésuites belges, qui reposait largement sur le cinéma éducatif et colonial à partir du milieu des années 1920. Des prêtres ou des conférenciers présentaient directement les films aux populations, ce qui leur permettait de garder le contrôle du sens perçu et d’interagir avec le public (Gwenn Scheppler, Tintin et le spectre de Totor, 2009 - www.erudit.org).

Observons cependant que cette image d’aventurier est loin d’être en réel décalage avec celle que diffusent les publications spécialisées. En effet, dans les revues jésuites et scheutistes belges de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, si les qualités attribuées au missionnaire sont en premier lieu le zèle apostolique et le service du prochain, le goût pour l’action et l’esprit d’entreprise suivent immédiatement (Philippe Delisle, Le missionnaire dans la bande dessinée franco-belge : une figure imposée ?, 2007 - www.cairn.info).

Tchang Tchong Jen (Zhang Chongren) (1907-1998), un catholique fervent, élevé par les jésuites de Shanghaï, est venu étudier la sculpture à Bruxelles en 1931.

Alors qu'il s'apprête à écrire Le Lotus bleu (prépublié en noir et blanc du 9 août 1934 au 17 octobre 1935 dans les pages du Petit Vingtième, supplément du journal Le Vingtième Siècle), Hergé est contacté par l'abbé Léon Gosset, aumônier des étudiants chinois de l'université de Louvain. Ce dernier, qui s'inquiète de voir Hergé truffer sa prochaine aventure, déjà annoncée, de clichés rétrogrades et colonialistes sur la Chine, le met en relation avec son étudiant Zhang Chongren. Tchang initie Hergé à l'art et aux philosophies orientales. En 1935, Zhang quitte la Belgique et voyage en Europe avant de rentrer en Chine en 1936, où il organise des expositions pour présenter ses œuvres et fonde les studios Chongren. Hergé perd le contact avec lui pendant la Seconde Guerre mondiale (Le mystère Tintin - michel1948pierre27.blogspot.fr, fr.wikipedia.org - Zhang Chongren).

Le saint chinois Tchoung-li, avant de remonter au ciel, remet à son élève Lou-tong-pin un sabre magique et le traité d'alchimie qui traite de la pierre philosophale et de l'élixir de l'immortalité.

Les maîtres de l'alchimie intérieure (neidan) - et plus particulièrement Lu Dongbin - sont aussi des immortels qui reçoivent un culte d'une importance considérable dans l'histoire religieuse de la Chine du IIe millénaire. Une telle dévotion ne saurait être considérée comme une dégénérescence de la pure spiritualité des textes alchimiques attribués aux maîtres: elle en est au contraire indissociable. Les immortels accordaient leur enseignement aux adeptes motivés, non sans avoir éprouvé leur détermination. Parmi les textes neidan, beaucoup viennent de révélations, et de telles mentions ne sont pas toujours de pures fleurs de rhétorique : ils correspondent bien, comme le montrent de nombreux récits hagiographiques et anecdotiques, à des pratiques d'écriture inspirée (écriture automatique en état de transe, écriture dans le sable ou par un pinceau tenu par un médium analphabète).

Pratique très peu ritualisée et le plus souvent individuelle, le neidan laisse place à toutes sortes d'attitudes ; pour l'adepte débutant comme pour le maître, cependant, le rôle essentiel est confié à l'imagination créatrice. L'individu fait son destin, qui est certes de retourner à une unité primordiale, mais non de perdre toute individualité. Il apprend l'usage des outils communs, et s'en sert à sa propre manière. De cette façon il met en pratique l'ancien adage taoïste: « Mon destin est en moi, non au Ciel.» Que cette quête de la maîtrise du destin était un thème universel est illustré par La pérégrination en Occident18, l'un des monuments du roman chinois, qui est traversé par les métaphores de l'alchimie intérieure. Intégrée dans la littérature populaire, ouverte à tous, enseignée gratuitement dans les temples, adaptable à tous les modes de vie, privilégiant le choix individuel au détriment des appartenances collectives, accordant un pouvoir bien plus grand à l'expérience qu'à la foi, l'alchimie intérieure ne mérite-t-elle pas d'être considérée comme une spiritualité résolument moderne ? (Vincent Goossaert, L'alchimie intérieure réhabilitée ? (Notes critiques) à propos de Isabelle Robinet, Introduction à l'alchimie intérieure taoïste 1995, In: Revue de l'histoire des religions, tome 215 n°4, 1998 - www.persee.fr).

Que Lu Dongbin habite la crypte du château de Moulinsart n'est pas fortuit.

La crypte, en particulier (Hegel parle essentiellement de celle des Égyptiens, mais ce qu'il en dit s'appliquerait aussi parfaitement au caveau tel que le présente Shakespeare), est une structure intermédiaire, à mi-chemin entre caché et et montré, qui incarne et dissimule tout à la fois l'intériorité spirituelle qu'elle commence à dessiner : La crypte est ainsi la première réalisation de l'art (Muriel Cunin, Shakespeare et l'architecture: Nouvelles inventions pour bien bâtir et bien jouer, 2008 - books.google.fr).

Saint Jean

Au commencement, le Verbe

« Dans le principe », tel est le premier mot du livre de la Genèse, et, lui faisant écho, le premier mot du prologue à l'évangile de l'apôtre Jean. « Dans le principe est le Verbe », dit saint Jean, l'apôtre « au secret divin », l'Aigle de Dieu, qui voit la profondeur de toute chose (Annick de Souzenelle, Résonances bibliques, 2006 - books.google.fr).

DBR, d'un côté Dâbâr, parole, raison, rapport des choses, qui, d'autre côté, par l'abus adultérin devient Déber, une peste, ou Bârâd, une grêle de maux. — L'adultère est matériel ou spirituel, doctrinal. On lapide l'adultère, on lui fait aussi avaler de la poussière du pavé du Temple jetée dans l'eau (Le Muséon, Volume 15, Société des lettres et des sciences (Louvain, Belgium), J.B. Istas, 1896 - books.google.fr).

Ainsi, en hébreux, sous daleth, bet, resch, si vous mettez deux camets, vous faites dabar, qui signifie la parole; si vous mettez deux segol, vous faites deber, qui signifie la peste; si vous y mettez un cholen et un segol, vous faites dober, le bercail (Jean Lejeune, Adolphe Charles Peltier, Le missionnaire de l'oratoire: sermons, Volume 2, 1871 - books.google.fr).

Pathmos

A mesure que nous avancions à l'est, la montagne de Patmos se découvrait devant nous ; sur le sommet de cette montagne pierreuse et aride, s'élève une cité assez bien bâtie, et près de là le monastère de Saint-Jean, qui ressemble à une forteresse. Notre pilote grec, qui a long-temps habité Patmos, nous a donné sur cette île quelques renseignemens. Patmos a deux bons ports qui ne lui servent de rien, et qui ont l'inconvénient de lui amener des corsaires. Presque tous leshabitans de l'île sont dans la cité; le peuple y est pauvre, mais il vit en paix ; l'air y est sain, et la peste, qui désole souvent les îles, n'a jamais porté ses ravages dans Patmos (Joseph Fr. Michaud, Baptistin Poujoulat, Correspondance d'Orient, 1830-1831, Volume 3, 1834 - books.google.fr).

Hergé écrit Pathmos. Or "path" en anglais signifie "pas", qu'entend Tintin à plusieurs reprises, Hergé insiste, dans la crypte. Le jeu de mot en anglais se poursuit-il avec "mos" ?

Entre les différentes acceptions du latin passus, il en est une qu'ont conservé le provençal pas, l'espagnol paso, l'italien passo, l'anglais path, le vieux français et le français moderne pas, c'est celle de défilé, de passage étroit et difficile dans une vallée, dans une montagne, de « détroit de montagne », comme dit Vaugelas. On dit : le pas des Thermopyles, le pas de Suse. Passage, dont nous avons dû nous servir pour définir pas en est un fréquentatif, passations (Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, Volume 1900, 1901 - books.google.fr).

Sans doute faut-il lire "moth" pour "mos" c'est-à-dire en anglais mite. Immédiatement l'on pense au Sermon sur la Montagne, d'autant que dans sa suite au chapitre VII,13-14 de Mathieu est dit :

Entrez par la porte étroite ; parce que la porte de la perdition est large, & le chemin qui y mène est spacieux, & il y en a beaucoup qui y entrent. Que la porte de la vie est petite, que la voie qui y mène est étroite, & qu'il y en a peu qui la trouvent ! (Guillaume Desprez, Le Saint Evangile de Jesus-Christ selon Saint Matthieu, 1787 - books.google.fr).

Auparavant lit-on :

Ne vous faites pas des trésors sur terre, où la rouille et les mites détruisent, où les voleurs percent les murs et volent ; mais faites-vous des trésors dans le ciel, où ni rouille ni mites ne détruisent, volent ; car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur (Mt., 6, 19-21). Luc reprend Mathieu :

Ne crains pas, petit troupeau, parce qu'il a plu à votre Père de vous donner le royaume. Vendez ce que vous avez et faites l'aumône ; faites-vous des bourses qui ne s'usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, où le voleur n'approche pas, où les mites ne rongent pas ; car où est votre trésor, aussi sera votre cœur (Luc, XII, 32-34) (Jules Lebreton, La doctrine du renoncement dans le Nouveau Testament, Nouvelle revue théologique, Volume 65, Université catholique de Louvain (1835-1969). Faculté de théologie, 1938 - books.google.fr).

Jules Lebreton est un père jésuite, depuis 1890, anti-moderniste, né en 1873 à Tours et mort en 1956. Il accomplit son cycle d'études en exil au scolasticat de Cantorbéry. Les deux premiers volumes de l'Histoire de l'Église (dirigée par Fliche et Martin) publiés en 1934 et 1935 ne furent pas bien reçus par les savants non catholiques (qui ne niaient pas leur érudition, mais critiquaient leur orientation apologétique) (François Laplanche, La Crise de l'origine, 2006 - books.google.fr).

Le termes "mites" remplace les "vers" des traductions précédentes, et on le retrouve dans la Bible de Jérusalem au singulier. Lebreton a pu s'inspirer des bibles anglaises puisque "moth" (mite) est une désignation fort répandue, dès le Book of Common Prayer écossais de 1637 (The book of common-prayer, and administration of the sacraments, printed by James Watson, 1712, From the copy printed at Edinburgh in the year 1637, by Robert Young, 1637 - books.google.fr).

La présence du Sermon sur la Montagne dans Le Trésor de Rackham le rouge, renvoie au tableau de Nicolas Poussin, Les Bergers d'Arcadie - Moulinsart est l'Arcadie de Tintin et de ses amis - et son inscription lue en deux parties : ETIN E ARCA D'IAGO, soit "Hattin et le tombeau de Jacques". Hattin, au Liban, est réputé au Moyen Âge comme le site du Sermon sur la Montagne, qui a inspiré l'Epître de saint Jacques, identifié, particulièrement en Espagne, à Jacques le Majeur, apôtre de la péninsule. Le "tombeau de Jacques" est Compostelle (Le voyage de l’âme : Philolaos, les Bergers d’Arcadie et le cube - books.google.fr).

La Porte étroite est en 1909 le premier grand succès littéraire de Gide. Sans faire fi des louanges, Gide doit pourtant constater qu’une bonne partie d’entre elles reposent sur un malentendu. Alors que le livre est conçu comme un pendant à l'Immoraliste, comme l’autre versant d’un même excès, la critique, qui avait jadis assimilé l'auteur à Michel, l’assimile désormais à Alissa et le croit revenu dans le giron de la vertu. Francis Jammes, qui, comme Claudel, avait vainement tenté de convertir Gide au catholicisme quelques années plus tôt, dresse d’Alissa un portrait dithyrambique (fr.wikipedia.org - La Porte étroite).

Une Hélène et saint Jean

Simon le magicien était, dit-on (Epiphane, hœresi 21), du bourg de Gitton, dans le pays de Samarie. Saint Philippe (Actes VIII), diacre, étant venu prêcher à Samarie , y convertit plusieurs personnes ; et entre autres Simon, qui crut et fut baptisé. «Voyant les miracles que faisait Philippe, il en était dans le dernier étonnement. Les apôtres saint Pierre et saint Jean, étant venus pour imposer les mains et pour donner le Saint-Esprit à ceux que saint Philippe avait baptisés, Simon, rempli d'admiration en voyant l'effet surnaturel de cette imposition des mains, offrit de l'argent aux apôtres, en leur disant : Donnez-moi aussi ce pouvoir, afin que ceux à qui j'imposerai les mains reçoivent le Saint-Esprit. Mais Pierre lui dit : Que ton argent périsse avec toi, loi qui as cru que le don de Dieu peut s'acquérir avec de l'argent : tu n'as point départ, et tu ne peux rien prétendre à ce ministère; car ton cœur n'est pas droit devant Dieu. Fais donc pénitence de cette méchanceté, et prie Dieu, afin que, s'il est possible, il le pardonne cette mauvaise pensée de ton cœur; car je vois nue tu es dans un fiel amer et dans les liens de l'iniquité. Simon répondit : Pries le Seigneur pour moi, afin qu'il ne m'arrive rien de ce que vous m'avez dit. »

Etant à Tyr, en Phénicie (Theodoret, Haeret.) , il y acheta une femme publique nommée Sélène ou Hélène, et la menait partout, commettant avec elle en secret toutes sortes de crimes. Il prétendait que c'était celle Hélène qui avait été l'occasion de la guerre de Troie (Dictionnaire de la Bible, Encyclopédie théologique, Volume 4, J.P. Migne, 1846 - books.google.fr).

La statue de saint Jean dans la crypte de Moulinsart

Le saint Jean de Moulinsart est hiératique, bien droit, portant une croix ou crucifix dans la main gauche et un livre dans la droite. Il porte un nimbe ou est gravée l'inscription "SANCTUS JOHANNES". Les proportions de la statue semblent la dater de l'époque gothique (fr.wikipedia.org - Cathédrale Saint-Trophime d'Arles).

Nous ferons observer que, si au moyen âge on a représenté saint Jean jeune et beau, il n'en était pas ainsi dans les premiers siècles de notre ère. Les chrétiens de ces temps reculés n'avaient pas oublié que saint Jean écrivait son évangile à l'âge de 94 ans : aussi le peignaient-ils sous les traits d'un vieillard a large front, à tête chauve, à grande barbe. Le Christ, les apôtres, et en général les saints, à partir du ve siècle, présentent au-dessus de leur tête une espèce d'auréole souvent semilunaire qu'on appelle nimbe. On a beaucoupécrit sur l'origine de cet attribut. Les auteurs les plus versés dans l'étude de l'archéologie le font remonter à la plus haute antiquité. Les académiciens d'Herculanum et Visconti ont établi que les Grecs disposaient un cercle métallique en forme de croissant, mèniskos, au-dessus de la tête des statues de leurs dieux, placés en plein air, afin de les préserver des chocs et des intempéries des saisons. Plus tard ce cercle devint un des symboles caractéristiques de la divinité; enfin la flatterie le fit servir à signifier l'apothéose des empereurs. C'est ainsi que Trajan, sur la célèbre colonne qu'il fit élever, est représenté la tête surmontée d'un nimbe. Les chrétiens adoptèrent le nimbe pour désigner les saints. (Louis Batissier, Eléments d'archéologie nationale, 1843 - books.google.fr).

L'art byzantin représente saint Jean vieux avec une longue barbe, mais l'iconographie occidentale le laisse plus volontiers 1mberbe, même à la fin de sa longue vie. Toutefois la règle fléchit plus tard; aux piliers qui soutiennent la coupole de Saint-Pierre de Rome, le saint Jean en mosaïque est un vieillard barbu comme les trois autres évangélistes.

Saint Jean à la Porte des Fleurs de la cathédrale Saint Marc de Venise - HEN-Magonza - www.flickr.com

Un portail de la cathédrale Saint-Marc de venise, la Porta dei Fior (la Porte des Fleurs) surmonté d'un bas-relief roman de la nativité (avec un Enfant-Jésus aux grandes proportions) conduit à la chapelle de Saint Isidore dont les reliques furent déposées ici en 1125. La chapelle fut achevée en 1355. C'est actuellement l'accès à l'espace de prières aménagé dans la basilique (recitdevoyage.free.fr - Marco Polo).

L'ouverture qui, de ce côté, donne accès dans le porche, est fermée par une grille en bronze de même motif que les autres déjà décrites; elle est à deux battants et ses encadrements sont ornés de vingt-six bustes alternés avec des roses. Immédiatement au-dessus de la porte sont deux bas-reliefs, de même grandeur et de même style, représentant chacun un saint debout, drapé dans son manteau et bénissant. Un d'eux, barbu, front plissé et chauve, accompagné de cette inscription, SCS JOHS, est saint Jean l'Évangéliste; l'autre pieds nus, front plissé, barbe et cheveux mi-courts, est sans doute aussi un apôtre, peut-être saint Marc. Sur deux colonnes qui sont appuyées contre la muraille, à côté de la porte, pose un arc mauresque trèspointu. Cet arc est garni, à l'extérieur, d'un bandeau orné de sculptures très fines, représentant, au milieu de feuillages, onze anges, dont l'un se trouve à la pointe de l'arc et dont les deux du bas se voient entiers et debout. Ces anges tiennent leur bâton de messager, terminé par une sorte de fleur de lis; celui du sommet tient en outre le « signaculum Dei»; tous montrent de l'index le sujet dont nous allons parler. Au milieu de l'arc et au centre du tympan, est un bas-relief représentant la nativité de notre Sauveur. Le divin enfant, vêtu de deux vêtements et orné du nimbe crucifère, est couché sur la crèche entre sa mère et saint Joseph, assis tous deux et nimbés. Le bœuf et l'âne passent leur tête derrière saint Joseph. Plus haut sont deux anges; puis l'étoile à huit pointes, qui darde trois rayons perpendiculaires sur l'enfant Jésus. Ce sujet est encadré d'un ornement qui a la forme mauresque de l'arc, et qui se compose d'une guirlande de feuilles de vigne avec grappes de raisin, oiseaux et autres animaux. Un arc plein-cintré, posé de chaque côté sur deux colonnes placées l'une devant l'autre, recouvre l'arc mauresque ; son archivolte est décorée de deux bandeaux sculptés. Les sculptures du bandeau qui est en dessous, représentent au sommet la Sainte Vierge, les deux mains déployées devant elle, la tête couverte de son voile orné d'une croix; elle est soutenue par deux anges et se trouve au milieu de douze personnages non nimbés et tenant des cartels. Ces personnages sont des prophètes, puisqu'on distingue David et Salomon à leur type, c'est-à-dire que le premier est barbu, le second imberbe, et tous deux couronnés. Toutes ces figures sont à mi-corps et entourées de feuillages, rinceaux, oiseaux et quadrupèdes. Le bandeau extérieur représente, dans le bas, deux prophètes, entiers, pieds nus, assis sur des siéges à dossier, ornés de balustres et déployant un cartel; puis Jésus-Christ, imberbe, bénissant, entre les douze apôtres qui tiennent les uns un livre, d'autres un rouleau, d'autres une croix; saint Pierre tient une croix et les clefs. Tous, ainsi que le Christ, sont à mi-corps, séparés par de larges feuilles enroulées. Les figures de ce bandeau, étant très-en relief, n'ont pas de nimbe. Au-dessus de cet arc, un bas-relief, fixé dans la muraille, nous montre l'apôtre saint Jean, SCS JOHS EVLSTA, de grandeur naturelle, en pied, bénissant et tenant son évangile fermé. Un second arc plein-cintre, mais sans sculptures, passe au-dessus de ce bas-relief et complète l'arrangement de ce charmant portail (Iconographie de Saint Marc à Venise, Annales archéologiques, Tome 15, Didron, 1833 - books.google.fr).

L'ange Gabriel au sourire de la cathédrale de Reims, Aristophane (Les Oiseaux) et André Suarès

Page 42 du Secret de la Licorne, Tintin passe, dans la réserve des antiquaires Loiseau, devant une statue médiévale à la main coupée, un buste antique en marbre blanc placé derrière un casque manifestement grec. La statue se reconnaît assez facilement même si elle a perdu ses ailes.

L'ange Gabriel de l'Annonciation au portail central de la cathédrale de Reims - lechevalierbayard.free.fr

Aristophanes, Wonders: Images of the Ancient World / Personalities - A.W. Elson & Co. Publisher. Aristophanes was an Athenian playwright who lived between the years c.450-c.388 B.C. He wrote comedy that satirized the political and daily life of the Greeks - ancienthistory.about.com

Aristophane et Reims sont assemblés par André Suarès que l'on retrouve ici.

On est l'homme le plus spirituel de la terre, et l'on tourne en ridicule le plus grand esprit de son temps. En leur qualité de déesses et d'immortelles, les Nuées doivent bien rire des lourds partisans qui s'en font une arme, aujourd'hui. Elles crèveraient en orage de moquerie sur ces vaines citrouilles, si elles en pouvaient entendre les invocations ; mais elles sont trop haut et trop loin : elles n'aspirent pas à descendre. Les citrouilles politiques, deux mille ans après Aristophane, distillent toujours la ciguë pour Socrate ; mais l'excès d'esprit y a peu de part, je le crains. Ce grand rieur d'Aristophane ne veut pas rire de tout : et il rit. Son indignation même est une liqueur qui fait la fusée en pétillant. Il n'a rien des vins lourds, qui sentent le bouc et la résine, qu'on boit dans son pays. Aristophane est tout digne de l'or riant et vaporeux qu'on récolte sur la Montagne de Reims. Je n'imagine pas d'esprit plus capable de tout détruire. Il ne connaît que le monde de sa fantaisie. Et le monde est sa fantaisie. (André Suarès, Remarques, 1917 - books.google.fr).

André Suarès, né à Marseille le 12 juin 1868 et mort à Saint-Maur-des-Fossés le 7 septembre 1948, est un poète et écrivain français, ami de Paul Claudel. Dans les années 1920, il devient, avant André Breton et Louis Aragon, le conseiller principal du grand couturier, collectionneur et mécène Jacques Doucet (doux - sucre - saccharine), qu’il assiste dans la confection de sa bibliothèque.

Proches des cinéphiles dans la mesure où leur passion tend à faire du cinéma un objet d’histoire, et donc à le légitimer, les collectionneurs apparaissent comme les véritables concepteurs des premières cinémathèques. Ils apportent à la valorisation du cinéma une connaissance technique (Grimoin-Sanson ou Will Day), une pratique économique (Jean-Placide Mauclaire au Studio 28) ou, plus simplement, leur fortune (Jacques Doucet ou Auguste Rondel), mais ne constituent guère un groupe homogène (Christophe Gauthier, Le cinéma : une mémoire culturelle, 2007 - 1895.revues.org).

Dix ans plus tard, c'est le couturier mécène Jacques Doucet qui souhaite étendre au cinéma sa « bibliothèque littéraire », voyant que le septième art ne laisse pas indifférents les écrivains dont il accueille les œuvres et percevant l'importance du cinéma d'avant-garde. À l'opposé de Rondel, il s'oriente vers une collection très sélective et, pour guider ses choix, fait appel, par l'intermédiaire de Jeanne Moussinac, femme de l'éminent critique cinématographique de L'Humanité Léon Moussinac, à un écrivain pour qui le cinéma n'est plus, depuis longtemps, un monde étranger, Blaise Cendrars. Le projet d'une « bibliothèque du cinéma » imaginée par Cendrars dépasse certainement de loin la volonté initiale de Doucet; il définit cinq types de documents à recueillir : « livres, revues, manuscrits : scénarios (de travail), photos, pellicules (Christophe Gauthier, La passion du cinéma: cinéphiles, ciné-clubs et salles spécialisées à Paris de 1920 à 1929, 1999 - books.google.fr).

Georges Méliès n'était pas assez d'avant-garde pour la Bibliothèque Doucet. Il ne sera "redécouvert" qu'en 1929 par Jean Placide Mauclair, fondateur du Studio 28.

Car si Méliès a été le premier à faire du cinéma un moyen d'expression, ce n'est, en effet, comme il s'en est d'ailleurs lui-même ouvert, que par ses vues fantastiques, limitées à l'absolu des trucages, à la seule métrique de la quatrième dimension, sans autre sujet ni logique, qu'il use d'une algèbre qui ne doit rien qu'au cinéma et n'existe que par lui. C'est pourquoi Mèliès, que nous admirons tant, Méliès dont Cendrars n'avait oublié ni le nom, ni l'humour, ni le « Voyage dans la Lune », a vécu en marge, ignoré de l'intelligentsia artistique et critique de son temps (Europa 1900: peintures, dessins, sculptures, bijoux :[Exposition] 3 juin-30 septembre 1967, Volume 1, 1967 - books.google.fr).

Le buste dessiné par Hergé fronce les sourcils.

Quant au vin de Pramnée, les interprètes diffèrent beaucoup entre eux et sur les qualités de ce vin, et sur ses propriétés, et sur l'étymologie de son nom, et sur le pays où on le recueillait. Les uns veulent que le nom de "pramneios" vienne de ce qu'il adoucit la force, de ce qu'il tempère le courage ; d'autres le font dériver de "paramenein", parce qu'il avait la propriété de se conserver long-temps. Éparchides le fait croître dans l'île d'Icare ; Pline dans les champs de Smyrne. Il était doux selon les uns, très-âpre et très-dur selon les autres. Aristophane, dans une comédie qui n'est pas venue jusqu'à nous, s'exprimait ainsi : « Les Athéniens n'aiment point les poètes âpres et durs, ni les vins rudes de Pramnée qui font froncer les sourcils et qui resserrent les entrailles. » Mais il serait inutile d'insister davantage; car, après avoir lu tout ce qu'on a dit sur la nature de ce vin et sur sa qualité, on n'en est pas plus avancé; tant les avis sont différents et même contradictoires (Jean Baptiste Dugas-Montbel, Observations sur l'Iliade d'Homère, Volume 1, 1829 - books.google.fr).

On peut remarquer que Rackham le rouge est le sosie d'Ivan Ivanovitch Sakharine, et d'André Suarès qui joue le juif de service après le Bohlwinkel de L'Etoile mystérieuse.

Arthur Rackham (1867-1939) est l'illustrateur, en 1906, de Peter Pan in Kensington Gardens de John Barrie. Le capitaine Crochet est un personnage opposé à Peter Pan, celui qui ne voulait pas grandir et qui ne vieillit pas comme Tintin. Une statue de bronze de George Frampton a été érigée dans Kensington Gardens à Londres en 1912. Peter Pan y est représenté en train de jouer de la flûte. Une copie de cette statue se trouve dans le Parc d'Egmont à Bruxelles depuis 1924 (fr.wikipedia.org - Peter Pan).

Peter Pan by J.M. Barrie is an allegory for the political influence of the cult-religions. Peter Pan represents St. Peter, i.e. the Roman Catholic Church, which misleads the "lost boys", the arrested man-children, on a false crusade. Captain James Hook represents Jakob = Israel, the hook-nosed Jew-pirates that catch Christians on their lures (archive.4plebs.org).

Il y avait en effet des pirates juifs, comme Abraham Cohen, dans les Caraïbes au XVIIème siècle (Dean Philipp Bell, Jews and Judaism in the early Modern New World, Central and North America, History of Jews and Judaism, The Wiley-Blackwell Histories of Religion, Volume 1, 2012 - books.google.fr).

Un terme sémitique, Racca, se rapprochant de Rackham, signifie canaille ou homme de rien.

Vous avez appris qu’il a été dit aux Anciens : Vous ne tuerez point, et quiconque tuera méritera d’être condamné par le jugement. - Mais moi je vous dis que quiconque se mettra en colère contre son frère méritera d’être condamné par le jugement; que celui qui dira à son frère : Racca, méritera d’ètre condamné par le conseil; et que celui qui lui dira: Vous êtes fou, méritera d’être condamné au feu de l’enfer. (Mathieu V,21-22).

Au chapitre V de l'évangile selon saint Matthieu, se trouve le mot Racca. C'était une expression injurieuse dont l'origine hébraïque n'est pas douteuse; il correspond à notre canaille. Celui qui aura dit à son frère racca, sera justiciable du sanhédrin (Mémoires de la Section des lettres, Volume 6, Académie des sciences et lettres de Montpellier, 1880 - books.google.fr).

Les pirates de la Licorne mourront tous dans les flammes de l'explosion de la sainte Barbe.

En Orient, on insultait les Juifs en leur disant : Racca ! (Almanach Icarien, astronomique, scientifique, pratique, industriel, statistique, politique et social, Volume 6, 1848 - books.google.fr).

"Ivanovitch" et le sucre

Quatre-vingts livres édités du vivant d'André Suarès et une trentaine d’œuvres posthumes - son œuvre est une énorme nébuleuse d’où émergent plusieurs cycles : des recueils de poèmes - Airs, Bouclier du Zodiaque, Rêves de l'ombre - ; des biographies ou des études consacrées à Tolstoï (1937), Dostoievski (1913) (Ivan Ivanovitch ?), Villon, Ibsen, Pascal, Molière, Mallarmé, Péguy, Stendhal, Baudelaire, Rimbaud, Cervantès, Shakespeare, Goethe ou Napoléon ; des récits de voyages, tels Voyage du Condottière ; des portraits de villes, tels Marsiho ou Cité, nef de Paris ; des études sur les grands musiciens, tels Bach, Beethoven, Wagner ou Debussy ; des tragédies inspirées de l’antique, La Tragédie d'Elektre ou Hélène chez Archimède ; des pensées et des aphorismes comme Voici l'Homme, Sur la vie, Remarques, Variables, Valeurs (fr.wikipedia.org - André Suarès).

Rouault, Portrait Intime de André Suarès, lithographie 1926

Pourquoi "Ivan Ivanovitch" ?

Né à Marseille, d'un père juif, Jacob, et d'une mère catholique, Aimée, Isaac-Félix Suarès perd sa mère à sept ans avant de voir son père sombrer dans une longue agonie. Suarès avait déjà un petit frère prénommé Jean. Ruiné, sans ressources après la mort de son père, il vit en reclus à Marseille jusqu'en 1895. Il surmonte ce naufrage grâce à la sollicitude de ce frère, officier de marine, qui meurt accidentellement en 1903, et d'autres personnes de son entourage (fr.wikipedia.org - André Suarès).

Et ce frère marin, pour lequel Suarès rédigeait presque entièrement des articles de stratégie navale, publiés dans la Revue de Paris sous la signature du lieutenant X, ce frère dont il poussait la carrière en lui faisant des brouillons pour les cabinets ministériels, n'est-il pas comme la velléité, l'ambition d'une action politique plus concrète. Vers 1900, Suarès rédigeait un mémoire pour le ministère de la Guerre destiné à montrer comment on pouvait envahir l'Angleterre en cas de conflit ! A travers le frère navigateur, André Suarès a rêvé la vie politique, et l'ambition sociale. Ambition tuée, en même temps que Jean en 1903. Une autre piste encore, que cet observateur attentif du contexte politique mondial et national note presque au jour le jour. Suarès écrit à ses mécènes : Latil, Doucet, Cognacq. Et quand ce n'est pas l'Art, c'est la politique qui occupe ses lettres (Yves-Alain Favre, Le colloque André Suarès, 1977 - books.google.fr).

Tout ce que l'on voit de l'appartement de Sakharine relève de l'univers maritime, des bateaux.

"Le voyage du condottiere" est un récit en trois parties d'André Suarès (1868-1948), publié à Paris chez Cornély en 1910 ("Vers Venise") et chez Émile-Paul en 1932 ("Fiorenza" et "Sienne la bien-aimée"). [...] Vers Venise. A trente-trois ans, Jan-Félix Caërdal, le Condottiere de la beauté, se passionne pour l'Italie. Son besoin d'action s'accomplit dans la contemplation esthétique. Musicien des âmes, il découvre dans l'art l'expression de sa double postulation pour l'héroïsme et la sainteté. Venise arachnéenne, figure de son désir ! Plénitude de Saint-Marc ! (Robert Paul, Une initiation à la beauté: Le voyage du condottière, 2011 - artsrtlettres.ning.com).

J’appelle Saint-Marc l’église du Graal. L’or est racheté par le divin sacrifice. Il n’est plus pécheur, ni maudit. Rendu à sa pureté première, l’or est la couleur du rayon, et la matière du soleil, le sang du Père. Le quadruple cœur d’or brûle pour la consécration mystique. Ici, la lumière est offerte en aliment, dans la coupe d’une beauté sublime." (Extrait du Voyage du Condottière d’André Suarès, 1910) (Demi-portrait d’une âme ardente : André Suarès, de Robert Parienté - brumes.wordpress.com).

Jan Felix Caerdal by name, he is, moreover, the idealized portrait of Andre Filix Suares: brother to the glorious Jean, heir to the Gaelic soul implied by the Celtic name, Caerdal. Through him, Suares seeks to become profoundly what he wants be, a realization he believes possible to the great poet alone. As a spiritualized invention of the hero in man, Caerdal is meant to live forever at the height of his human beauty, like the figures on Keats' Grecian urn. At thirty-three, this impassioned hero has taken the measure of himself and of existence (Avriel H. Goldberger, Visions of a new hero: the heroic life according to André Malraux and earlier advocates of human grandeur, 1965 - books.google.fr).

Si, dans sa correspondance, Suarès parle plus souvent de ces deux autres musiciens, il n'en reconnaît pas moins son énorme dette envers le grand chantre de Leipzig. Ainsi il écrivait à Romain Rolland, en septembre 1889 : [...] à mon bon père, Jean Sébastien, j'ouvre délicieusement mon âme [...] et, des fois, à lui seul je puis tout dire et de lui seul tout entendre ; il est mon vénéré saint Jean, je lui dois mon baptême, et mon oint sacré, son élève sublime, Beethoven; en ses préludes, en ses fugues, s'avère déjà totale l'inappréciable valeur de la musique à recréer les émotions (Yves Alain Favre, Suarès et l'Allemagne, 1977 - books.google.fr).

Immortelle présence et nécessité de J.-S. Bach. On ne peut parler de sa jeunesse ni de sa force : il est de tous les âges, et toutes les puissances de la musique sont en lui. Jean-Sébastien Bach est notre Père Eternel (André Suarès, Variables, 1929 - books.google.fr).

Jean-Sébastien Bach est un Jean, et un Sébastien, saint invoqué contre la peste.

André Suarès essentiellement dans ses Chroniques de Caerdal prend à partie de plus en plus violemment le dictateur allemand ce qui ne manque pas de provoquer quelques remous. Paulhan, sur injonction du ministère des affaires étrangères avait déjà dû tenter de calmer les ardeurs guerrières de son collaborateur ; cette fois la censure commence à s'appliquer aux textes de Suarès. En novembre 1939, son article est déjà amputé de quelques lignes, ce qui ne modifie en rien le ton du reste : "Selon l'Evangile, Dieu vomit les tièdes (...) Y a t il un neutre qui ose tenir la balance entre l'infâme Hitler et la Pologne ?" (Laurent Gayard, Les intellectiuels face à l'événement, 2002 - books.google.fr).

Dieu vomit les tièdes particulièrement dans l'Apocalypse dite de saint Jean, 3,16 : «Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche».

Pourquoi Sakahrine ?

André Suarès était parent de Raphaël Suarès, homme d'affaire en Egypte en particulier dans le sucre.

The Suares family came to Egypt from Leghorn in the early part of the nineteenth century. The brothers Isaac and Menahem Suares della Pegna are described in the Montefiore Census of Alexandria in 1840 as among the most important individuals in the Jewish Community. They were involved in banking and commerce but had recently suffered business reverses and losses due to government exactions. About 1875 Joseph, Felix and Raphaël Suares, sons of Isaac, established the "Maison de Banque Suares Frères et Cie" in Cairo which continued until 1906, helping to finance land development, railways and the water supply. Joseph's sons founded the "Commercial Bank of Egypt Ltd", while Felix's son Léon served as a director of the "National Bank". Edgar Suares, a descendant of Menahem, had his own bank in Alexandria and his son Carlo was a well known author on Eastern philosophy. Another branch from Leghorn settled in Marseille and included the author and poet André Suares (1868-1948) (M.L.Bierbrier, Egyptian Pedigrees: The Suares Family, 1997 - sefarad.org).

D'origine indienne, la canne à sucre est acclimatée en Egypte par les Arabes. Elle connaît un essor considérable pendant le règne du khédive Isma'il (1863-1879) et 17 usines sont construites en Moyenne et en Haute-Egypte. Propriété de la Da'ira Saniyya, l'administration des domaines personnels du vice-roi, elles sont gagées pour la conclusion de l'emprunt de 1870 et administrées par un organisme international représentant les créanciers. Le sucre brut est expédié en Europe, notamment a Marseille, pour être raffiné, et une partie revient en Egypte sous forme de sucre blanc. A côté des sucreries de la Da'ira, la Société de la raffinerie d'Egypte est constituée le 6 avril 1881 à à al-Hawamdiyya à 25 km au sud du Caire, entre autres par les banquiers locaux Raphaël Suarès et Delort de Gléon. Sa production, destinée à la consommation locale, fait concurrence au sucre importé. Le 12 avril 1892, la Raffinerie Say — formellement Cronier — s'associe à Suares frères et cie pour constituer la Société générale des sucreries de la Haute-Egypte. [...] Les Sucreries de la Haute-Egvpte s'emploient alors à augmenter leurs ressources afin d'aller plus avant dans la production. Par la même occasion, le conseil est remanié et les administrateurs locaux écartés au profit de représentants de la Raffinerie Say et de personnes liées à Cronier ; Henry Say lui-même préside le conseil. Les actions des Suares sont rachetées par l'élément français. Les actions nouvelles et les obligations sont émises pour faire face aux dépenses du doublement de la sucrerie d'al-Shaykh Fadl et de l'édification d'une deuxième, encore plus moderne a Nag'Hammadi, en Haute-Egypte. [...] La société Say ne tarde pas à adjoindre à la fabrication de sucre brut le raffinage des produits de sa sucrerie d'al-Shaykh Fadl. Les Sucreries de la Haute-Egypte s'interdisaient de raffiner et de faire concurrence à la Raffinerie d'Egypte appartenant aux Suarès. C'est en absorbant cette dernière que la société Say acquiert sa raffinerie. [...] La politique de la société, inspirée par Cronier, se caractérise par l'accentuation des tendances déjà dominantes depuis l'apparition de l'entreprise Say sur la scène égyptienne impulsée par la concurrence acharnée sur le plan international, stratégie est orientée vers l'accession au l'accession au monopole et l'augmcntion de la capacité productive des installations. [...] Le suicide de Grenier à Paris le 27 août 1905 menace d'emporter la Raffinerie Say et les Sucreries d'Egypte. [...] Cronier savait à quelles révélations l'expose le "Panama des sucres”. Non seulement a-t-il englouti des sommes stupéfiantes, mais il a obtenu une grande partie de ses fonds par des moyens illicites.

Avant la clôture des comptes, celui-ci est comblé par un mouvement annuel d'arbitrages, donnant un bénéfice suffisant pour compenser les pertes, distribuer un dividende fixe, effectuer les répartitions statutaires et laisser un reliquat peu important et visiblement égal pour chaque exercice, visiblement égal pour chaque exercice. Ces opérations d'arbitrages, qui remontent à 1895, ne sont rien d'autre que les spéculations heureuses de Cronier qui passaient pour bénéfices d'exploitation. [...] Mesure indispensable pour rétablir la confiance à l'approche des émissions, le conseil est remanié en juin 1906. Présidé par Raphael Suarès, celui qui fut écarté en 1895, il comprend des représentants de Cassel, des porteurs de traites et des obligataires. Autant qu'un projet de sauvetage, sa tâche consiste à opérer une réorientation du développement des Sucreries. A la filiale Say obéissant aux impératifs d'une stratégie internationale de monopole doit se substituer une société à l'échelle de économe et astreinte à l'atteinte du seuil de rentabilité lui permettant de rémunérer les capitaux engagés (Samir Saul, La stratégie du groupe sucrier français Say en Egypte, Industrialisation, communication et rapports sociaux en Turquie et en: Méditerranée orientale, 1994 - books.google.fr).

La bibliothèque de Nag Hammadi est un ensemble de treize codex de papyrus reliés en cuir, du milieu du IVe siècle. Retrouvés en 1945 près d'un village des environs de la ville de Nag Hammadi au nord-ouest de Louxor par des paysans égyptiens, ils sont désormais conservés au musée copte du Caire. Ces codex (les plus anciens connus), contiennent une cinquantaine de traités en copte, traductions de textes écrits initialement en grec ancien. Ils datent vraisemblablement du IIe siècle au IIIe siècle. La majorité sont des écrits dits gnostiques, mais on trouve également trois textes de la tradition hermétique, dans la lignée du Corpus Hermeticum, et une traduction partielle de La République de Platon. La plupart de ces textes n'étaient pas connus par ailleurs, ou seulement de façon fragmentaire. Le plus célèbre est sans doute l'Évangile selon Thomas, dont la bibliothèque de Nag Hammadi contient le seul exemplaire complet.

Le manuscrit (codex I) était destiné à être offert au célèbre psychanalyste il est donc connu aussi sous le nom de Codex Jung, remis en 1975 au musée copte du Caire (fr.wikipedia.org - Bibliothèque de Nag Hammadi).

Nag Hammadi est une ville de la haute Égypte. À l'origine, dans l'Égypte hellénistique, elle portait le nom de Chenoboskion, ce qui signifie "le champ où l'on fait paître les oies". Elle est située sur la rive gauche du Nil à 80 km au nord-ouest de Louxor. C'est une région agricole où s'est implantée une très importante raffinerie de canne à sucre (fr.wikipedia.org - Nag Hammadi).

Miel d'eucalyptus et Venise et les miroirs

Comme il y a du miel d'acacias, qui met sur la piste de Méliès, il y du miel d'eucalypstus, aliment sucré comparable à la persuasion (Peithô).

Le tout premier Méliès que j'ai vu, un Méliès avant la lettre, c'est un numéro de fête foraine qui s'appelle Le Papillon enchanté: un jeu de miroirs qui permet de voir sur une table la tête d'une femme, avec rien en dessous. C'est un classique de la magie, venu du Théâtre Robert Houdin, et encore avant d'Athanasius Kircher et son théâtre des miroirs à Venise au XVIIe siècle, voire de Descartes et la grande polémique autour du miroir d'Archimède. (Raoul Ruiz, Les inrockuptibles, Numéros 93 à 101, 1997 - books.google.fr).

On reconnaît deux têtes de femmes en marbre blanc dans le bric à brac de Moulinsart, une près de l'ouverture pratiquée par Tintin page 41 du Secret de la Licorne et toujours là à la page 60 du Trésor de Rackham le rouge, et une autre page 42 du Secret, toutes les deux montées sur un cube de pierre blanche.

On retrouve Venise. Le jeu de miroirs chez Hergé se fait justement dans Le Trésor de Rackham le rouge dans la boutique d'accessoires de marine page 10 : miroirs déformants et bris d'un miroir plat.

Parmi les objets curieux qui font partie du décor des tableaux flamands du XVe siècle, le miroir convexe occupe une place particulière. Appelé miroir de sorcière, et aussi miroir de banquier, parce qu'il lui permettait de surveiller sa boutique, le miroir convexe apparaît dans l'histoire de l'art en même temps que ces deux révolutions qui sont la peinture à l'huile et la perspective. Fabriqués avec du plomb ou du mercure appliqué sur la surface concave d'une boule de verre soufflé, ces petits miroirs bombés semblent être très à la mode dans la peinture de la fin du Moyen Âge, avant de se raréfier vers le XVIe siècle où ils disparaissent pour être peu à peu remplacés par les miroirs plans (Inma Abbet, Des livres, toujours des livres, 2012 - books.google.fr).

C'est à Venise que l'on découvrira le procédé permettant d'obtenir un verre plat et lisse. Ce n'est qu'au XVIe siècle que l'on obtiendra une maîtrise suffisante qui permettra la diffusion des miroirs plans et assez grands. [...] Les premiers tableaux avec miroirs que nous connaissons représentent ces petits miroirs bombés en forme de calotte et sont flamands (Van Eyck, Les époux Arnolfini, 1434) (Yvonne Neyrat, L'art et l'autre, Le miroir dans la peinture occidentale, 1999 - books.google.fr).

Dès la seconde moitié du XVe, la domination du miroir bombé est remise en cause par l'apparition du miroir rectangulaire, produit par les verriers de Venise qui ont su fabriquer « un verre si pur, si blanc, si fin qu'ils le nommèrent « cristallin» à cause de sa parenté avec le cristal de roche pur, dont il rappelle la transparence et l'éclat ». Ce passage du miroir convexe au miroir plan, du miroir qui rendait une image concentrée de l'espace, tout en la diminuant et la distordant, à l'instrument spéculaire qui présente une image mimétique du réel, mais partielle, et qui fonctionne comme une fenêtre ouvrant vers un espace virtuel, a marqué l'avènement d'un nouveau rapport avec connaissance du monde, une connaissance « qui n'est plus seulement symbolique et analogique, mais critique et discursive ». Une nouvelle théorie de de la représentation artistique est liée à ce nouveau type d'espace tracé par le miroir plan, «un espace purement mental, homogène, soumis à des lois mathématiques », et c'est toujours cette nouvelle théorie qui soutient la perspective artificielle issue d'une expérience réalisée grâce à ce type de miroir. Il s'agit de Brunelleschi, au sujet duquel Antonio Manetti en évoque une avec un instrument spéculaire plan, qui se trouve à l'origine de la perspective. À la différence du miroir convexe dans l'image duquel l'observateur se reconnaissait à peine et qui marquait une nette différence entre le réel et son image spéculaire, le miroir plan est aussi bien un instrument exact utilisé pour vérifier la ressemblance entre le tableau et la nature qu'un outil générateur d'illusions et de jeux optiques (Alina-Daniela Marinescu, Spécularité déformante: Sur les traces d'un paradigme anti-mimétique de l'art, 2013 - books.google.fr).

Bien que Titien dans son premier tableau de femme à sa toilette ait repris le miroir convexe à la flamande, le miroir plat prédomine chez les peintres italiens. Il est notamment présent dans les portraits de Suzanne ou de Vénus où la femme, absorbée par la contemplation de son image, en oublie qu’elle livre sa nudité au regard du spectateur et de ceux qui l’entourent.

Venise est la ville des reflets jusque dans sa peinture. L’un de ses peintres fameux – Giorgione - aurait conçu un tableau qui par ses jeux de reflets affirmait la prééminence de la peinture sur la sculpture. En effet, pour contempler une sculpture, le spectateur doit se déplacer autour de l’œuvre. Or, ce tableau de Giorgione, qui n’est connu que par la description qu’en firent certains auteurs, offrait en même temps au regard tous les angles de vue de la figure humaine : il s’agissait d’un homme nu vu de dos dont la vue de face se reflétait dans l’eau d’une source et les deux vues latérales étaient révélées dans un miroir et une armure, placés de part et d’autre de la composition (Le reflet et l’éclat : Jeu de l’envers dans la peinture - mini-site.louvre.fr).

Venise avait conservé sa suprématie; ses glaces, d'une pureté admirable, et d'une grande épaisseur, rendaient les traits du visage tels qu'ils étaient, et sans la moindre teinte étrangère. Anisi furent elles recherchées par les plus grands seigneurs et les dames de haut lignage de toutes les nations, attendu qu'il fallait être très-riche pour en faire venir de la cîté, reine de l'Adriatique. On s'amusa à faire des miroirs convexes où ceux qui s'y miraient paraissaient boursouflés; d'autres étaient concaves, et les visages semblaient s'y amoindrir en miniature. Les glaces convexes, cependant, étaient de la plus haute antiquité car Archimède en fit fabriquer une de métal poli pour réfléter les rayons du soleil et les diriger vers les flottes ennemies qu'ils incendièrent (Marc Constantin, Mémoires d'un petit miroir, Le Conseiller des dames: journal d'économie domestique et de travaux d'aiguille, Volume 12,Numéros 1 à 11, 1858 - books.google.fr).

C'est en effet avec une loupe qu'un Dupondt grille son pantalon au soleil, pages 29-30 du Secret de la Licorne. Procédé repris dans Le Temple du soleil par les Incas pour allumer le bûcher où sont montés Tintin, Haddock et Tournesol. Dans cet album Tintin parle même d'Archimède et de ses miroirs, page 51.

Le vase grec rose à figures noires

Le vase grec de la page 41 du Secret de la Licorne au premier plan de la case où se trouve les deux frères Loiseau est une figure noire qui présente deux guerriers grecs avec leur casque à cimier à droite d'un personnage assis ou fléchi sur ses genoux derrière lequel se trouve une forme serpentine terminée en haut par une étoile ou une touffe.

Dans la mythologie grecque on trouve Electre, une des 7 Pléiades, qui disparaît, effrayée par la violence du Sac de Troie, en une étoile filante. Mais cette forme est rattachée au dos du personnage assis aussi pourrait-on y voir une queue terminée par un toupet.

Erman prétend que le singe était l’animal domestique favori des Égyptiens ; on le trouve souvent représenté sur des pierres tombales. De même que nos dames modernes toilettent leurs chiens de compagnie pour les rendre le plus beau possible, les Égyptiens habillaient à grands frais leurs singes de stupre.

Les Grecs, sous le nom de kyonès, entendaient également des simiens se trouve dans Strabon 281 et dans Procope : Goth. III, 26, qui rapportent que les pygmées de Sicile étaient appelés « petits chiens ». Pline VIII, 29 rapporte que les hommes-singes furent introduits dans les jeux romains en dépit du fait que le Sénat s’était auparavant opposé à un tel scandale et qu’une interdiction avait même été décrétée contre l’introduction d’« Africains ».

Ces "petits chiens" sont à relier aux chiens de manchon que l'on a vu au sujet du tableau de Vigée Lebrun représentant Madame Molé Raymond, la Femme au manchon.

Le nain Bès, barbu et pourvu d’une queue, a la langue pendante, de même qu’en Autriche, le Krampus, ou Père fouettard, qui rend visite aux enfants, possède une longue langue pendante, un corps velu et une queue. Tout comme le diable, il fait retentir le bruit de chaînes, ce qui s’explique par le souvenir des nains Bès et des udumi chargés d’entraves. Hérodote III, 37 affirme cependant qu’Héphaïstos est semblable aux pygmées et Patèques que les Phéniciens transportaient sur leurs bateaux. Nous comprenons désormais pourquoi le pesach est dit « boiteux » : parce que les nains marchent en se dandinant maladroitement. En regardant un nain de Ptah tel que représenté sur la fig. 23, une grande imagination n’est pas nécessaire pour lui trouver une ressemblance avec un vase à deux anses. Phérécyde raconte que les Cercopes Sillos et Triballos furent transformés en « pierres » en raison de leur infamie (bestialité) ; Xénagore affirme qu’ils sont devenus des singes et que c’est d’eux que les Pithékoussaï ont reçu leur nom. Philon Byblius rapporte quant à lui que les baytilia étaient des « pierres vivantes ». Baitylia est la transcription du terme sémitique batulot, qui désigne des êtres vivants bien réels, de même que le Bathyllos était un nain de plaisir chanté par Anacréon et qu’un batalos est la même chose qu’un gobelin. (Jörge Lanz von Liebenfels, Théozoologie, ou la science relative aux hommes-singes de Sodome et à l’électron divin, 1905 - www.ariosophie.de).

Jörg Lanz von Liebenfels, en réalité Adolf-Joseph Lanz né le 19 juillet 1874 à Vienne en Autriche et décédé le 22 avril 1954 à Vienne était un moine cistercien, théoricien et fondateur de la revue raciste et eugéniste Ostara (fr.wikipedia.org - Jörg Lanz von Liebenfels).

Ne seront étonnés de parler de Lanz au sujet de Tintin que ceux qui le voudront bien.

Sous quel nom le désigner ? Le dieu grotesque Bès ? Phtah, ou Pygmée ? Ainsi, à travers les temps, ils nous apparaît énigmatique, avec sa double face belliqueuse ou plaisantins. Il était le caricatural Croquemitaine que les enfants redoutent sans y croire. Sous son nom de Phtah, il a été rencontré par Hérodote dans ses voyages, et le bon vieil historien l'a grécisé Patèque. En tant que Pygmée, il a été le père d'une innombrable lignée de nains burlesques, Pygmées chez les Grecs et les Romains, Kobolds et Goblins chez les peuples du Nord. En cherchant bien, on retrouverait quelques rares spécimens de sa progéniture, encore aujourd'hui, sous quelque champignon de la Forêt Noire (Arsène Alexandre, L'art du rire et de la caricature, 1892 - books.google.fr).

Ptah-Patèque est l'un des multiples aspects du dieu Ptah, démiurge de Memphis ainsi que dieu des orfèvres et des artisans, dans la mythologie égyptienne. L’appellation « Patèque » vient d'Hérodote qui, dans ses Histoires, fait allusion aux proues des bateaux phéniciennes en forme de nain protecteur. Sa liaison avec Ptah provient, elle, des nains qui étaient, dans l'Antiquité égyptienne, associés généralement à des experts en métallurgie. Il est généralement représenté sous la forme d'un nain vert, difforme, entièrement nu ayant un ventre bedonnant et une tête disproportionnée par rapport à son corps. Il existe cependant de rares cas où il est paré d'un collier et d'une couronne qui surmonte sa calotte. La Basse époque est la période où sa popularité va en grandissant parmi le peuple égyptien qui, en l'associant au dieu Bès dès la XXIIe dynastie, l'exporte dans toute la Méditerranée orientale à l'époque hellénistique (fr.wikipedia.org - Ptah-Patèque).

Le patèque figure de proue renoie à celle figurant une licorne du navire du même nom du Chevalier de Hadoque repêchée page 55 du Trésor de Rackham le rouge.

Callitrix est un terme employé par Homère pour exprimer en général la belle couleur du poil des animaux : ce n'est que plusieurs siècles après celui d'Homère que les Grecs ont en particulier appliqué ce nom à quelques espèces de guenons ou singes à longue queue, remarquables par la beauté des. couleurs de leur poil ; mais il doit appartenir de préférence à celui dont il est ici question. Il est d'un beau vert sur le corps, d'un beau blanc sur la gorge et le ventre, et il a la face d'un beau noir; d'ailleurs il se trouve en Mauritanie et dans les terres de l'ancienne Carthage : ainsi il y a toute apparence qu'il était connu des Grecs et des Romains, et que c'était l'une des guenons ou singes à longue queue auxquels ils donnaient le nom de callitrix; il y a d'autres guenons de couleur blonde dans les terres voisines de l'Égypte, soit du côté de l'Ethiopie, soit de celui de l'Arabie, que les anciens ont aussi désignées par le nom générique de callitrix. Prosper Alpin et Pietro délla Valle parlent de ces callitriches de couleur blonde; nous n'avons pas vu cette espèce blonde, qui n'est peut-être qu'une variété de celle-ci ou de celle de la mone, qui est très-commune dans ces mêmes contrées. Au reste, il paraît que le callitriche ou singe vert se trouve au Sénégal aussi bien qu'en Mauritanie et aux îles du Cap-Vert.

On donne souvent à cet animal le nom de singe vert, et nous le distinguons par ce nom; nos gens de mer l'appellent en général le singe de Saint-Jacques, parce qu'il se trouve dans cette ile du Cap-Vert (Georges Louis Leclerc de Buffon, Oeuvres complètes de Buffon (avec la nomenclature linnéenne et la classification de Cuvier): Les singes, additions aux quadrupèdes. Tome 4, 1853 - books.google.fr).

Les singes à longue queue sont présents pages 30 et 31 du Trésor de Rackham le rouge. Il y en a quatre, puis deux qui font tomber la carabine du capitaine Haddock sur la tête des deux Dupondt.

Le callitriche est un cercopithèque, singe à longue queue, de "kerkos" "queue" en grec, qui a donné le nom des deux frère Cercopes qui était des brigands comme les Loiseau.

Les satyres qui résident à l'occident rappellent les Cercopes changés en singes ou en pierres, et habitant les îles Pithécuses, sur la côte d'Italie. D'après Tzetzès, les Cercopes sont identiques aux satyres, et, en effet, quelques peintures de vases leur donnent la configuration des satyres, au moment où ils enlèvent les armes d'Hercule pendant son sommeil. C'est aux îles Pithécuses que sont ensevelis les géants, et si les Cercopes se trouvent dans une foule de contrées, en Lydie, aux Thermopyles, en Béotie, en Ligurie ou en Libye, il en est de même pour les géants, le théâtre de la lutte entre les dieux et les enfants de Gaea ayant été toujours reculé de proche en proche, d'Orient en Occident, jusqu'à ce qu'à la fin on rencontre ces combats aux bords de l'Océan , aux derniers confins de la terre. Le nom des Cercopes est le même que celui des Cyclopes, et nous trouvons dans les lexicographes les Cercopes assimilés avec les compagnons de Vulcain. Les uns et les autres sont des brigands qui dépouillent les voyageurs. Sur un bas-relief du Louvre, on voit des cyclopes et des satyres qui travaillent ensemble dans les forges de Vulcain; ces derniers doivent être considérés comme des Cercopes. (Charles Lenormant, Jean Joseph Antoine Marie de Witte, Élite des monuments céramographiques: matériaux pour l'histoire des religions et des moeurs de l'antiquité. I, Volume 1, 1844 - books.google.fr).

Charles de l'Ecluse (1526-1609) ou Clusius en latin, est le seul qui ait donné la figure du singe Cercopithecus primus clusii exoticus, que Nieremberg & Jonston ont copiée: mais Clusius n’avoit pas vu l'animal, il en avoit seulement une figure enluminée qu'il dit même avoir fait corriger par son Peintre. Je ne sais cette observation que pour sonder un doute que je crois très-raisonnable, c'est que le flocon de poil qui est au bout de la queue est une imagination du dessinateur; de tous les singes à queue qui nous sont connus, il n'y a que le sagain mariaina ou petit lion, qui ait un flocon de poils au bout dela queue, encore cela n'est—il pas sort sensible : en ôtant donc ce flocon de poils qui me paroit imaginaire dans la figure donnée par Clusius, ce singe sera notre malbrouck (Histoire naturelle générale et particulière par Buffon et Daubenton, Laffitte, 1766 - books.google.fr).

Jules Charles de L'Écluse (ou de L'Escluse), Carolus Clusius sous sa forme latine, né le 19 février 1526 à Arras (Pays-Bas espagnols à l'époque) et mort le 4 avril 1609 à Leyde, est un médecin et un botaniste flamand de langue française, l'un des plus fameux du XVIe siècle (fr.wikipedia.org - Charles de L'Ecluse).

Cercopithecus barbatus clusii - Juan Eusebio Nieremberg (1595-1658), Ioannis Evsebii Nierembergii Madritensis ex Societate Iesu, Historia natvrae, maxime peregrinae, libris XVI. distincta, 1635 - John Carter Brown Library - luna.wustl.edu:8180

Dans revue mensuelle de bibliographie et de critique universelle Le Livre, fondée le 10 janvier 1880 par Octave Uzanne, rédacteur en chef, peut on lire un article de Victor Fournel parlant des enseignes de Paris, dans lesquelles on reconnaît "singe vert" et licorne :

Ne peut-on rattacher ainsi, du moins indirectement, à la littérature, des enseignes telles que le Phénix, la Seraine (Sirène), le Dragon, le Basilic, la Salamandre, le Gryphon, l'Hydre aux sept têtes, la Fontaine de Bacchus, l'Hercule, le Centaure, le Vieux satyre, qui rappelaient des êtres mythologiques ou fabuleux, popularisés par les poètes et les conteurs ; comme le Singe vert, qu'on rencontrait jadis en quinze ou vingt endroits de la ville (il y en avait encore un récemment passage Choiseul), le Merle blanc, le Paon blanc, le Mouton végétal, l'Arbre sec, la Fontaine ardente, empruntés aux récits merveilleux des voyageurs, Benjamin de Tudèle, Marco Polo, Mandeville, J. de Béthancourt, — voire la Truie qui file, une des enseignes les plus populaires du bon vieux temps, dont on peut voir un exemplaire à l'Hôtel Carnavalet, et où certains érudits reconnaissent une création légendaire et fabuleuse des romans de la Table ronde, et le Loup botté, qui sont son fabliau et son conte de jongleur ? La Truie qui file est une allégorie facétieuse dans le genre du Renard qui prêche ; mais cette dernière enseigne était la traduction évidente d'une scène du fameux roman de Renart.

Un autre animal chimérique, qui avait donne son nom à une rue et à une ou plusieurs enseignes, était la licorne, mais après l'exhibition publique d'une prétendue licorne dans la rue qui en a retenu le nom (Victor Fournel, Les enseignes littéraires et artistiques de Paris, Le Livre, 1885 - books.google.fr).

Le Chevalier au papegau

Le rapprochement de l'île, de la licorne, du chevalier, des perroquets pointe sur le roman du Chevalier au papegau déjà exploité dans (Voyage dans le temps : La Dame à la Licorne : Hélène(s) ou le retour de Zizim), au sujet de la tenture du Goût de la série de la Dame à la licorne, identifiée aux Hélène de l'histoire.

Le Chevalier au Papegau est le seul roman arthurien dont le héros soit le roi Arthur Pendragon lui-même. On doit la première édition du Chevalier au papegau, au romaniste allemand Ferdinand Heuckenkamp, en 1896, édition publiée à Halle en Allemagne (fr.wikipedia.org - Le Chevalier au papegau).

Chaque année, nous dit-on, un nain amène le papegau (« perroquet ») au tournoi dans lequel les chevaliers s'affrontent pour prouver la supériorité de la beauté de leur amie Après la victoire d'Arthur sur le Chevalier Orgueillleux, le perroquet, qui parle et est intelligent, se donne lui-même, avec enthousiasme, à son nouveau vainqueur. Le lecteur réalise alors avec stupeur que, dans le couple nain-papegau, réalise alors avec stupeur que, dans le couple nain-papegau, c'est le papegau le maître — et un maître terriblement autoritaire! Le nain n'est qu'un des éléments du luxueux train de vie du perroquet, qui, soir et matin, sur l'ordre du volatile, déploie et replie le brocart de soie sur sa cage (Anne Martineau, Le nain et le chevalier: Essai sur les nains français du moyen âge, 2003 - books.google.fr).

Le papegau y endosse à la fois les fonctions de héraut de sa geste et de ménestrel dans sa cage reliquaire d’une tradition littéraire déjà ancienne. Il incarne aussi le déjà-lu et le déjà-écrit et se situe au point de jonction entre la figure lyrique et l’écriture psittacique (Patricia Victorin, Du papegau au perroquet, Antonomase et parodie, 2008 - crm.revues.org).

Les perroquets parlent en effet dans Le Trésor de Rackham le rouge pages 28 et 29, répétant de génération en génération les imprécations du chevalier de Hadoque : "Que le grand cric me croque" devant le fétiche effrayant en forme de croque-mitaine.

Et le légendaire Croque-mitaine à l'étymologie inconnue n'est-il pas le légitime descendant d'une autre divinité soeur ? Citons encore une chanson de flibustiers, recueillie par Jean d'Agraives [pseudonyme de Frédéric Causse (1892-1951)] (Le Matin du 6-7-1932) : Que le Grand chasse Diable me croche / Que le Grand Cric me croque / Ou que j'aie la paille au ... [cul] (Cahiers d'historie et d'archéologie, Numéros 23 à 28, 1934 - books.google.fr).

Le diable, le vieux Nick! / Cric ! / A pour équipage / Un tas de francs brigands / Grands / Et forts davantage, / Quoi ! / Pareils à leur roi / Sans foi ni loi. / Si la brise, etc.

Leur grand brig a le chic. / Cric ! / D'un Croquemitaine; / De l'arrière à l'avant / Blanc / Comme bois d'ébène, / Crac ! / Il s'appelle Black. / Dites donc : Crac ! / Si la brise, etc. (Gabriel de La Landelle, Le gaillard d'avant: chansons maritimes, Dentu, 1865 - books.google.fr).

Les Dupondt, après avoir pomper pendant tout leur séjour sur le Sirius, continueront à le faire dans la ferme de leur ami, où ils auront entre autres à hacher la paille, page 57 du Trésor de Rackham le rouge.

Dans un ultime rebondissement du Chevalier au papegau, alors qu’Arthur est embarqué pour rentrer à sa cour, une tempête se déchaîne et il échoue sur une île habitée par un nain et un géant sot nourris par une licorne ! Il revient à sa cour à la Pentecôte, nanti de toutes les curiosités qu’il rapporte de ses pérégrinations (Patricia Victorin, Entre balbutiement et radotage, Enfance, répétition et parodie dans le roman arthurien du Moyen Âge tardif, 2006 - www.erudit.org).