Partie I - Généralités   Chapitre III - Alchimie et nonagones   Vierges noires   

Objets de dévotion populaire, les Vierges Noires représentent en général la Vierge Marie avec le Christ enfant. Le fait que seules quelques parties des statues soient noircies ne plaide pas pour l’altération naturelle du bois ou des peintures. Que la représentation de la peau soit brune pourrait indiquer une origine orientale ou africaine, mais la nature du bois, la physionomie des visages et l’existence de Vierges Noires d’avant les Croisades semble indiquer un enracinement de cette statuaire dans les terroirs où elles sont exposées. Les cryptes sont leur écrin naturel, avatars de la grotte ou de la caverne où est né le Christ mais aussi des lieux d’initiation ornés déjà d’œuvre d’art peinte des époques magdaléniennes.

Les légendes de l’invention de ces statues racontent qu’elles furent trouvées dans les branches des arbres, dans les buissons, mais surtout dans l’intérieur de la terre, révélées au jour par un bœuf cornu et qu’elles sont assez entêtées pour revenir miraculeusement sur le site de découverte où l’on est forcé de bâtir un sanctuaire.

Ainsi peut on les comparer à des racines nourricières d’une profonde spiritualité. Dans l’antienne Salve Regina, la Vierge n’est-elle pas saluée par les mots « Salve Radix Â» (Salut à la Racine) ? Dans le Missel quotidien et vespéral de l’abbaye de Saint-André, il est dit de Marie : « Dès le commencement et avant tout les siècles, j’ai été créée et dans la suite des âges, je ne cesserai point d’être, et dans la demeure sainte, j’ai exercé devant lui mon ministère Â». De même on lit dans l’épître lue à la Messe de l’Immaculée Conception : « Le Seigneur m’a possédée au commencement de ses Voies. J’étais avant qu’il formât toute créature. J’étais de toute éternité, avant que la Terre fut créée Â». Ces textes ne sont pas sans rappeler le Mahanirvana-Tantra célèbrant la déesse Kali : « Tu es l’image de tout, et au-dessus de tout tu es la Mère de Tout. Avant le commencement des choses, tu existais sous la forme d’une Obscurité qui est au-delà de la parole et de la pensée et de toi, par le désir créateur de Brahma Suprême est né l’univers entier Â».

Ainsi les Vierges noires se rattachent aux déesses noires de l’antiquité telles la Déméter de Phigalie en Arcadie, Cybèle adorée sous la forme d’une pierre noire à Pessinonte rapportée à Rome, Isis fort honorée en Gaule dont une statue fut détruite à l’instigation du Cardinal Briçonnet en 1514 à Saint-Germain-des-Prés.

Des figurations stéatopyges préhistoriques de la femme, on passe aux formes plus sveltes de l’époque magdalénienne. La Dame de Brassempouy haute de 6 cm et taillée dans de l’ivoire de mammouth, présente un visage sans bouche ni yeux ni oreille. Les grandes déesses mères symbole de la maternité et de la fécondité prennent nom dans l’antiquité avec Démeter « la noire Â», Isis, Kali, noires aussi, et Cybèle, dont un probable temple est à l’ombre de la basilique de Fourvière à Lyon avec sa chapelle à la Vierge Noire réalisée selon la légende par saint Luc.

Ces déesses de Dessous-Terre expriment le rêve alchimique où tout s’accomplit dans le ventre de la terre. Selon René Guénon, la couleur noire est le symbole de l’indistinction de la materia prima, racine principe et commencement de tout, que l’alchimiste accompagne vers la lumière.

Pour Pierre Mariel, « l’alchimiste vrai tend à purifier d’abord l’homme et l’homme rendu à la pureté d’avant le péché originel purifiera les métaux grossiers. L’alchimiste travaille sur la materia prima, qui n’est point les éléments grossiers de couleur noire, mais qui contient l’indistinction de la Substance originelle, l’intériorité que nous trouvons dans la conception de la Vierge noire, l’éternel féminin Â».

Le noir est le symbole du non manifesté, de l’immortel et du Soi par opposition au manifesté, au mortel et au Moi. Il représente aussi le renoncement à la vanité des choses de ce monde - comme La Dame à la Licorne abandonnant dans la sixième tapisserie ses bijoux dans le coffret -, ainsi que l’intériorisation et l’humilité. C’est en effet à l’intérieur de soi ou de l’athanor que s’opèrent, pour les alchimistes, les transmutations dont l’œuvre au noir est une phase importante, mort promesse de résurrection.

La liste ci-dessous est tirée du livre de Jean-Pierre Bayard, Déesses-Mères et Vierges noires, paru aux Editions du Rocher. Le sigle de l’AEVNSA correspond à l’Association d’Etudes des Vierges Noires et Sanctuaires d’Aujourd’hui.

Sur le grand nonagone :

Arconsat (Puy-de-Dôme) :

L'église Saint-Blaise abrite une Vierge noire. La statue représente la Vierge assise tenant l'enfant Jésus devant elle. La Vierge et l'enfant ont la figure noire. Seules les têtes sont un peu soignées. La légende raconte que, avant la Révolution, la Vierge était placée dans une niche qui surmontait la porte principale de l'église. Durant la Terreur, un homme qui n'était pas du pays et qui passait devant l'image de la Vierge, l'injuria et dirigea vers elle l'aiguillon qu'il portait avec lui. Aussitôt, de la statue jaillirent des gouttes de sang. Peu après elle disparut, mais assez rapidement elle fut retrouvée dans une localité voisine du Forez. Plusieurs habitants d'Arconsat partirent "en commando", récupérèrent la statue et s'enfuirent en toute hâte. Cependant l'alerte fut donnée et des poursuivants se lancèrent à leurs trousses. Mais alors qu'il faisait un soleil magnifique et au moment où ils allaient être rejoints, un brouillard épais se leva, ce qui leur permit d'échapper à leurs poursuivants. Ils reprirent leur marche, mais pris par la soif et la faim ils durent s'arrêter. Ils implorèrent la Vierge de les secourir. Aussitôt, à l'endroit où ils avaient déposé la statue, jaillit une source qui depuis n'a plus tari et s'appelle "La Fontaine de la Vierge.". L'accueil d'Arconsat fut triomphal, la statue fut placée dans une maison faisant face à l'église, connue depuis ce jour sous le nom de "Chez la Noire" puis fut installée dans la chapelle de l'église paroissiale.

Aurillac (Cantal): possède deux vierges noires, l’une appelée Notre-Dame de la Conception ou Notre-Dame d’Aureinques ou bien encore Notre-Dame des Neiges en raison qu’elle fit tomber la neige sur la ville qui était assiégée par les Protestants, la délivrant ; l’autre à la maison consulaire de l’église Saint-Géraud.

Basseneville (Calvados) :

L'église de Doux-Marais en partie médiévale, très remaniée possède une Notre- Dame de Liesse en pierre du XVème.

Bourges (Cher) : Citée par l’AEVNSA

Bredons (Cantal) : Notre-Dame de Sion, remise par Saint Louis, volée en 1958.

Brioude (Haute-Loire) : l’originale se trouve à Rouen, une copie est la basilique Saint-Junien.

Champagnac (Cantal) : la virge noire serait un don de Clovis. Elle est de grande de taille (plus d'un mètre de haut) et en très mauvais état.

Charleville-Mézières (Ardennes) : Notre-Dame de l’Espérance, honorée dès 930, brûlée par les Protestants, elle est reconstituée au XVIIème siècle.

Charlieu (Loire) : en bois noirci, daterait de 1859.

Chatou (Yvelines) : conserve une statue du XIXème siècle, en châtaigner de 1,50 m de haut. Elle remplacerait une statue mérovingienne volée par les Normands qu'ils auraient dû abandonner là car elle serait devenue trop lourde. Elle aurait été détruite à la Révolution.

Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) : la basilique Notre-Dame du Port, dans la crypte datant du VIème siècle et appelée « la Souterraine Â», possède une vierge noire trouvée près d’un puit octogonal dont l’eau est miraculeuse.

Cusset (Allier) :

L'église Saint-Saturnin abrite un fragment de statue de la Vierge noire en bois, argent, cornaline, quartz, cire et calcédoine du XIIème siècle. Au XIIIème siècle, les moniales de Cusset font construire une église consacrée à Notre- Dame pour abriter cette statue de miraculeusement retrouvée à l'emplacement de l'actuelle place Victor-Hugo. Cette statue fut détruite pendant la nuit du 5 décembre 1793. Elle a été refaite en 1801. Louis XI et Phlippe le Bel y virent en pèlerinage.

Evaux-les-Bains (Creuse) : mentionnée par l’AEVNSA.

Joyeuse (Ardèche) est mentionnée par l'association Cévennes Terre de Lumière (www.ctl-ardeche.com) comme vierge noire atypique.

La Chapelle-Geneste (Haute-Loire) : copie du XVIIème siècle, mais culte ancien.

La Valla (Loire) :

La Valla possède une église dédiée à la Nativité de Notre-Dame du XVIIème abritant une statue de la même époque de la Vierge noire Notre-Dame-de-Liesse.

Limoux (Aude) : Notre-Dame de Marceille abrite une Vierge noire du XIème siècle. Monseigneur François Fouquet, frère du surintendant arrêté sur les ordres de Louis XIV en fut le gestionnaire. Il était proche de la Compagnie du Saint Sacrement. Il participa à une réunion de l'organisation afin de nommer des commissaires pour les Missions étrangères. Sacré évêque de Bayonne le 15 mars 1639, transféré à Agde en 1653, nommé coadjuteur de Narbonne le 18 décembre 1656, en devint archevêque en 1659. Exilé à Alençon en 1661, il y mourut le 19 octobre 1673.

Notre-Dame de Marceille serait en rapport avec le mystère de l'affaire de Rennes-le-Château.

Mayres (Puy-de-Dôme) : taillée par des moines de la Chaise-Dieu selon l’apparition faite à l’un d’eux, volée au XVIIIème siècle, rendue par son voleur. Au sujet de Mayres situé en Ardèche, certains ont voulu y voir une étymologie grecque lié aux Erinyes et à Hécate. Maera, le nom le plus proche de celui de Mayres, est le nom de deux chiennes de la mythologie grecque : l'une était l'animal domestique d'Icarios, l'inventeur du vin. Il offrit son premier échantillon à des bergers de la forêt de Marathon qui, ivres, le tuèrent. La chienne Maera retrouva le corps enterré de son maître et amena Erigoné, la fille d'Icarios, en la tirant par sa robe jusqu'au lieu de sépulture. Erigoné se pendit de désespoir. La chienne se laissa ensuite mourir. Maera devint la constellation du Petit Chien, Icarios du Bouvier et Erigoné de la Vierge. Mais Maera est aussi le nom de la chienne en laquelle Hécube, femme de Priam, se transforma quand elle mise à mort et alors qu'elle était devenue esclave d'Ulysse. Or Hécube serait une forme de la déesse Hécate, magicienne et déesse des enfers, autrefois souveraine du Ciel, de la Terre et du Tartare. La constellation du petit chien se dit en latin Canicula mais c'est l'étoile alpha du Grand Chien, Sirius, qui porte ce nom. Dans l'Antiquité, la canicule était le moment de l'année correspondant à la période du lever héliaque de la constellation du Grand Chien (entre le 22 juillet et le 22 août).

Metz (Moselle) : Notre-Dame de Bon-Secours, statue du XVIème siècle.

Montmerle-sur-Saône (Ain) : Notre-Dame des Minimes, en bronze.

Montrésor (Indre-et-Loire) : Notre Dame de Lorette.

Paris : Notre-Dame de Bonne-Délivrance dont les processions étaient organisées par une confrérie à laquelle appartint Louis XIII, disparue avec l’Eglise Saint Etienne des Grès où elle se trouvait ; à l’Observatoire de Paris issue du couvent des feuillantines ; Notre-Dame de la Paix, au couvent de Picpus, disparue. Un temple d’Isis aurait occupé l’emplacement de Notre Dame dans l’Antiquité.

Passais-la-Conception (Orne) : Copie de la Vierge noire de Liesse.

Remiremont (Vosges) : Notre-Dame du Trésor du XIème siècle.

Rouen (Seine-Maritime) : provient de Brioude.

Saint-Julien-la-Vêtre (Loire) :

La sacristie de l'église Saint-Julien conserve encore une fort ancienne statue de la Vierge, assise et tenant l'Enfant Jésus sur ses genoux que l'on peut rapprocher d'une Vierge noire. Un évidement rectangulaire, en forme d'armoire, pratiqué dans le dos de la statue fait présumer qu'elle a jadis servi de reliquaire. Une inscription relativement moderne donne cette Vierge le nom de Notre-Dame des Neiges qui rappelle un ermitage sous ce vocable, dont on montre remplacement sur les hauteurs qui séparent Saint-Julien des Salles.

Séderon(Drôme) : Notre Dame la Brune

Séverac-le-Château(Aveyron) : Notre Dame de Lorette provient d'Italie d'où l'aurait apportée Louis d'Arpajon après pèlerinage à Lorette réalisé en pénitence de l'assassinat perpétré en 1635 contre sa femme Gloriande de Thémines, supposée adultérine.

Varengeville (Seine-Maritime) : Notre Dame de la Guadeloupe dont l’origine peut être une réplique de Vierge noire.

Velars-sur-Ouche (Côte-d'Or) : Notre Dame d'Etang a été découverte le 2 juillet 1435 par des bergers. La vierge tient sur ses genoux l'enfant Jésus. Au XVIème siècle, une chapelle est édifiée au sommet de la montagne, puis vers 1640, un monastère, détruit au XIXème. En 1633, un desservant de cet ermitage fut pendu pour avoir assassiné son confrère. Anne d'Autriche s'y rendit avant la naissance de Louis XIV, puis en 1651 ; Marie Thérèse d'Autriche, le 30 mai 1674. François de Sales, Jeanne de Chantal, Bossuet, Louis XIV et le Grand Condé vinrent y prier. L'Abbé Javelle, curé de Velars de 1861 à 1896, fait édifier une nouvelle chapelle entre 1877 et 1896 avec un dôme surmonté d'une statue de 8 mètres de haut. Le chanoine Henri Ballet obtiendra le couronnement de la statuette, accordé par le pape le 26 avril 1905, et dont les cérémonies eurent lieu en juillet 1912. La statuette datée du XIIème siècle est conservée dans l'église Saint-Blaise de Velars.

Vernay (Loire) : Notre Dame de Vernay, dont l'origine remonterait aux croisades, était l'objet d'une pèlerinage le 8 septembre, jour de la nativité de la Vierge et protégeait les mariniers dans les rapides de la Loire tout proches.

Sur le petit nonagone :

Ardes (Puy de Dôme): Vierge noire à la chapelle de la Recluse, invoquée contre la lèpre et les fièvres.

Autry-Issards (Allier) : Un abbé aurait trouvé une Vierge en majesté dans l’abside du prieuré Saint-Maurice transformé en fenil.

Auzers (Cantal) : Notre-Dame du Mas, copie du XVIIème siècle.

Bar-le-Duc (Meuse) : Le musée lapidaire de la cité en possède une.

Besse (Puy-de-Dôme) abrite l’hiver, à partir du 21 septembre, la Vierge noire Notre-Dame de Vassivière qui passe l’estive à Vassivière à partir du 2 juillet. Ces deux dates donnent lieu à des pèlerinages. L’origine de ce culte remonte à 1547, lorsqu’un marchand de Besse, Pierre Gef dit Sipalis, perdit la vue pour n’avoir pas salué une statue de la Vierge et s’être moqué de ses compagnons qui l’avaient fait. Il la retrouva en implorant la Vierge. Ce miracle donna l’occasion d’installer dans l’église de Besse la statue mariale qui s’en échappa à trois reprises pour regagner la montagne. On décida d’y construire une chapelle, offerte en 1555 par Catherine de Médicis. La statue actuelle est une copie de celle détruite en 1793 qui aurait été du Xème siècle.

Borée

La vierge noire de Borée dite aussi Notre-Dame d'Echamps est qualifiée d' " Infante ". Borée par son nom appelle une note sur le Vent du Nord. Chez les Grecs, Boreas, qui a donné en français Borée, était fils d'Eos (l'Aurore) et de Astraeos (L'étoilé) et frère des Vents du Sud et de L'Ouest. Epris de Orithye , la fille d'Erechthée, roi d'Athènes, qui lui refusait sa main, Borée l'enleva. Il engendra alors deux fils jumeaux, Calaïs et Zétès, et deux filles Chioné et Cléopâtra. Orithye (celle qui court dans la montagne) semble être primitivement une déesse " pouliche ". En effet une théorie ancienne affirmait que les enfants étaient des réincarnations d'ancêtres morts ayant pénétré dans le corps des femmes comme de brusques rafales de vent et subsistait dans le culte de la déesse jument. Pline raconte dans son " Histoire naturelle " que les juments d'Espagne étaient fertilisées par le souffle du vent. L'apologiste chrétien Lactance (Lucius Caecilius Firmianus), au IIIème siècle après J.-C. établit une telle analogie entre ce phénomène et l'imprégnation de la Vierge par le Saint-Esprit. Il est vrai que saint Jérôme dit qu'il avait plus de réussite dans la réfutation des erreurs païennes que dans l'exposition de la doctrine chrétienne (Epist. ad Paulinum), mais la pureté de son style et son élégance lui valurent le surnom de Cicéron chrétien. Lactance est supposé être l'auteur du poème " De Ave Phoenice " aux relans alchimiques (hdelboy.club.fr/poeme_phenix.html).

Bourg-en-Bresse(Ain) : Vierge à l’enfant, debout, de plus d’un mètre.

Cambrai(Nord) : Une statuette dite Vierge de saint Luc selon Marie Durand-Lefèvre en cèdre peint apportée par Fursy de Bruilles en 1440.

Chartres(Eure-et-Loir) : possède deux vierges noires, Notre-Dame du Pilier qui remonte au XVIème siècle, et Notre-Dame de Sous-Terre détruite en 1793, dont une copie fut faite en 1857 puis en 1976, placée dans la crypte.

Fieulaine(Aisne): En abattant un tilleul deux fois séculaire à Fieulaine, près de Saint-Quentin, le 20 avril 1659, des ouvriers mirent à nu une petite statue de la sainte Vierge, à laquelle le bruit public attribua des miracles. Telle fut l'origine du pèlerinage de Notre-Dame-de-Paix. Près du lieu de la découverte s'éleva bientôt une chapelle, où les fidèles affluèrent. (Histoire de ce qui s'est passé de plus remarquable à l'occasion d'une image de la sainte Vierge dite Notre-Dame-de- Paix, nouvellement, trouvée au village de Fieulaine, Saint-Quentin 1662, in-12). Saint Vincent Depaul en parle dans sa correspondance ( (www.jesusmarie.com) :

Au Frère Jean Parre, 14 juin 1659 : Quant à la dévotion et au concours du peuple vers l'image trouvée (2), il faudrait que Mgr l'évêque en fût averti, ou Messieurs les grands vicaires, pour prendre connaissance des miracles prétendus et arrêter l'abus, s'il y en a.

A Jean Parre, Frère de la Mission, à Saint Quentin, de Paris, ce 19 juillet 1659 : Mon cher Frère, La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais ! J'ai reçu la vôtre du 14 ; je l'ai fait voir aux dames, qui ont été consolées des choses que vous mandez et du bon ordre que vous mettez à la dévotion de N.-D. de Fieulaine.

La statue de Fieulaine avait été volée et fut remplacée récemment par une sculpture en bois de frêne dont l’auteur est Eric Thuillier.

Gien (Loiret) : Les bombardements de 1940 ont fait disparaître celle de l’église Saint-Louis.

Laon (Aisne) : une statue qui serait la copie de la primitive Notre-Dame de Liesse présente l’enfant Jésus debout sur ses genoux et écrase le serpent de son pied déchaussé.

Liesse (Aisne) : Notre-Dame de Liesse, détruite en 1793, bénéficie d’une copie faite en 1857. Pèlerinage des têtes couronnées, de Charles VI en 1414 à Marie-Antoinette. Légende des trois chevaliers, prisonniers au Caire lors des croisades, qui convertissent Ismérie, la fille du Sultan, grâce à une image de la Vierge réalisée les anges Gabriel et Raphaël ; libérés et transportés par l’ange Gabriel en France, tous les quatre sont forcés de s’arrêter à la Fontaine de Léance car la statue est devenue trop lourde.

Lyon (Rhône) : Notre-Dame de Fourvière, à l’origine proviendrait de saint Luc, détruite par les Protestants, reconstituée en 1598.

Mauriac : le culte de Notre-Dame des Miracles aurait été institué par Thédechilde, fille de Clovis et de Clotilde, qui aurait trouvé, une nuit, la statue sur un dolmen entouré d’un attroupement et éclairé par une lumière surnaturelle. Deux chevaliers partis en croisade et faits prisonniers par les Sarrasins auraient été miraculeusement transportés à la porte de l’église de Mauriac, encore chargés de leurs chaînes.

Peillonnex (Haute-Savoie) : dans le cercle templier de Savoie. Vierge mentionnée en 1674,  25 cm. La noirceur serait due à l'altération des plaques d'argent la recouvrant.

Poitiers (Vienne) : Notre-Dame des Clés date du XVIème et remplace une statue antérieure du XIIème brûlée en 1562. La Vierge brune porte deux clés par une main et de l'autre un rameau ainsi que l'Enfant assis bénissant avec trois doigts levés. La statue commémore l'intervention de la Vierge qui aurait empêché un traite de livrer les clés de la ville aux Anglais.

Pont-de-Labeaume (Ardèche) : Notre-Dame de Nieigles, statue de 65 cm de haut, aurait été offerte par Bernard de Ventadour, évêque du Puy, qui aurait reçu Louis IX de retour de la 7ème croisade en 1254.

Prunières (Lozère) : incertaine Notre de Dame de Prunières. Mais une Vierge en majesté, dite Vierge d’Apcher, constituée d’une plaque d’étain moulé et fixée sur une âme de bois, est conservée à l’église paroissiale Saint-Caprais du village.

Quintin (Côtes-d’Armor) : dans le cercle templier de Saint Brieuc. Dans le chÅ“ur de la chapelle de l’hôpital de Quintin, sur son piédestal, une Vierge noire couronnée en plâtre, portant l'Enfant-Jésus sur son bras gauche et un sceptre dans la main droite, est vénérée sous le vocable de Notre-Dame de la Bonne Délivrance (à ne pas confondre avec Notre-Dame de Délivrance de la basilique). C'est une réplique de la statue de la chapelle de la Maison-Mère des SÅ“urs de l'ordre de St Thomas de Villeneuve, 52 Boulevard d'Argenson à Neuilly-sur-Seine.

Riom (Puy de Dôme) : Vierge noire du XVIIème siècle, copie d’une plus ancienne découverte par le laboureur Marc Thuret.

Saint-Pierre-en-Faucigny (Haute-Savoie) : L’ancienne chapelle des Evaux, citée en 1326 et reconstruite en 1867, abritait une vierge noire dont le pèlerinage était aussi célèbre que celui de la Bénite Fontaine.

Sion-Vaudémont (Meurthe-et-Moselle) : dans le cercle templier de Houécourt. Ancienne statue du Vème siècle, remplacée au XVème par une autre.

Toulon-sur-Allier (Allier) : une vierge noire serait conservé au château du Colombier.

Toulouse (Haute-Garonne) : Notre-Dame de la Daurade, la première aurait été enlevée et conservée près de Barcelone, une copie est brûlée en 1799, une autre est faite en 1807 ; Vierge du Palais ; Notre-Dame du Taur.

Tursac (Dordogne) : d'après une légende commune, aux Vierges noires, une statue de la Vierge y aurait été déterrée par un boeuf. On a perdu sa trace.

Vallabrix (Gard) : d'après l'Abbé Goiffon et Germer-Durand, une chapelle dédiée à sainte Victoire et sainte Brune aurait été construite après la victoire de Charles Martel, au quartier de Lussan en 736, sur les Sarrasins lorsque ceux-ci se seraient rallié à lui l'année suivante, sur le territoire de Vallabrix, peut-être sur la Montagne du Brugas. Il n'en reste plus aucune trace.

On trouve donc de probables vierges noires dans chacun des cercles "templiers" du petit nonagone : à Quintin, Fieulaine, Sion-Vaudémont, Saint-Pierre-en-Faucigny, Vallabrix, Toulouse. Cela confirmerait l'attachement des Templiers à cette dévotion que des auteurs élisabéthins ont transfiguré dans le contexte du XVIème siècle.

La noirceur est associée à l'humeur mélancolique saturnienne et la nuit et la mélancolie ont en commun le fait d'être toutes les deux ténébreuses. La Nuit de George Chapman (1559 - 1634) est personnifiée par une figure féminine arborant une facies nigra :

Mens faces glitter, and their hearts are blacke,

But you (great Mistress of heavens gloomie racke)

Art blacke in face, and gliterrst in thy heart.

There is thy glorie, riches, force, and Art.

Dans son Hymne in Noctem, première partie de son Shadow of Night il oppose le Jour et la Nuit, le premier étant vide et absurde des occupations vaines, et la seconde profonde et sainte.

Le poème traite de la mélancolie inspirée, telles que définie par Cornélius Agrippa, la ténébreuse humeur saturnienne, caractérisée par un teint sombre, la noire figure du tempérament mélancolique. Cette sombre figure au visage noir, pénétrée de pouvoir, de richesse et de toute la force de l'Art, possède les mêmes attributs que la " Melencholia I " de Dürer, avec sa face bistrée, son sac d'écus, et les symboles de son pouvoir psychique.

Peines d'amour perdues, de Shakespeare, recèlerait des allusions à la mélancolie inspirée. « Les prétentions d'Armado à une certaine grandeur, due à sa mélancolie, ont été considérées comme une parodie de la théorie. Mais bien que parodiée dans l'intrigue, la mélancolie inspirée est le trait fondamental de l'intrigue principale. Berowne tombe éperdument amoureux de la sombre Rosaline. Cet amour, noir comme la poix, lui a appris à être mélancolique avec la " furor " de la mélancolie inspirée. En entendant l'extravagant langage de Berowne en l'honneur de sa ténébreuse et céleste Rosaline, le roi s'exclame : " Quel zèle, quelle furie t'a inspiré maintenant ? " Il reconnaît la mélancolie inspirée et la raison pour laquelle l'amour de Berowne est noir : " Ton amour est noir comme l'ébène ". Suivent alors les rapides échanges sur la noirceur : " Aucun visage n'est beau qu'il ne soit totalement sombre " s'écrie Berowne... [1] Â».


[1] Frances A. Yates, « La philosophie occulte Â», Dervy