Partie XV - Le Cercle et la Croix des Prophètes   Les Prophètes et Rennes le Château   Le retable de saint Martin de Cassaignes   
LE CERCLE ET LA CROIX DES PROPHETES CASSAIGNES RETABLE MARTIN SALINON LAZARE

Le retable de l'église Saint Martin de Cassaignes peut-il compléter le système de la Croix des Prophètes ?

Le salinon

L'inscription de "Monsieur Saunière" se trouve sous le porche d'entrée de l'église Saint Martin (Les Prophètes et la Croix d’Huriel : Prophètes, Vertus, Fleuves du Paradis et Evangélistes).

La saunière est une boîte à sel ou coffre à sel (salt box ou salt cellar) (Abel Boyer, Dictionnaire royal, francais-anglois et anglois-francois etc. Nouv. ed, Volume 2, 1756 - books.google.fr).

On croit reconnaître dans le bas de la robe de la femme éplorée à gauche du crâne et des tibias une forme se rapprochant de celle du salinon géométrique, comme, retournée, dans la colline à gauche du crucifié au niveau de ses pieds.

Retable de Cassaignes : Vierge et Crucifixion - www.renne-le-chateau.com

Le salinon, figure géométrique, doit son nom soit à la feuille d'ache ("selenon") soit à la boîte à sel ("salinon" en grec) (L'Enseignement mathématique, Université de Genève. Institut de mathématiques,G. Carré et C. Naud, 1934 - books.google.fr).

Figure de géométrie grecque, le nom de salinon, conservé exclusivement par la tradition arabe, apparaît dans les Lemmes d'Archimède (proposition XIV) (Camille Dreyfus, André Berthelot, La Grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, Volume 29, 1886 - books.google.fr).

Salinon d'Archimède - Eric W. Weisstein, Salinon, 1996 - archive.lib.msu.edu

Le livre des « Lemmes » qui nous a été transmis dans une traduction arabe est manifestement pour la plus grande partie inauthentique, puisqu'Archimède y est cité. Mais certaines propositions ne sont pas indignes de lui (notamment celles relatives à l'aire curviligne dite, à cause de sa forme, « tranchet de cordonnier » Arbêlos, à l'aire curviligne dite Salinon (boîte à sel) également à cause de sa forme, à l'aire d'un triangle en fonction des côtés, ainsi qu'au rapport des hauteurs et des côtés d'un triangle, attribués jusqu'ici à Héron qui les a reproduits (Abel Rey, L'Apogée de la science technique grecque: L'Essor de la mathématique -, Volume 5, 2012 - books.google.fr).

Pappus d'Alexandrie (vers 290 – vers 350 après J.-C.) s'occupe dans le livre IV de ses Collections mathématiques d'abord du problème du cercle tangent à trois cercles tangents deux à deux extérieurement. A ce propos, il considère la figure nommée chez les anciens arbelos (serpe, serpette, tranchet) dont Archimède s'était occupé dans ses lemmes, et qui se compose d'une suite indéfinie de circonférences tangentes à deux demi-circonférences et tangentes entre elles (Maximilien Marie, De Diophante à Viète, Volume 2 de Histoire Des Sciences Mathématiques Et Physiques, 1883 - books.google.fr, Les Prophètes et Rennes le Château : L’Echiquier de la Croix des Prophètes).

Sel et menstrues

Poursuivant sur l'aspect menstruel découvert dans le tableau de la Vierge du retable de Cassaignes à partir de ses tibias croisés et de son crâne placés sur la droite, on se rend compte que la présence hypothétique du salinon en plus dans ce même tableau manifeste l'opposition traditionnelle sel/menstrues (La Croix des Prophètes à Rennes le Château).

A partir de la légende d'Undine écrite par le romantique allemand d'origine française La Motte Fouqué, Evelyne Sorlin fait apparaître cette opposition dans la mythologie celtique.

Obligée de s'en repartir dans son monde aquatique, suite à la trahison de son époux qui s'est amouraché d'une autre femme, Undine la nymphe, revient le soir de ses deuxièmes noces pour lui infliger la mort, comme le voulait la coutume de sa race. Le chevalier gît dans son lit. Lentement, blanche silhouette en pleurs, Undine se penche sur lui pour lui donner un dernier baiser.

Lavée dans les eaux, elle revient à sa nature première de nymphe sans âme. La mort infligée à son époux, au moyen de larmes de fait non salées, en apporte la preuve implacable. L'acquisition d'une âme par une fée est hélas temporaire. En retournant à sa nature première, elle reprend son peigne et miroir, signe d'un écoulement de sang permanent et donc de son absence d'âme, puisque, ainsi que je l'ai montré dans le paragraphe précédent, les menstrues sont le pôle antithétique du sel. Tout femme en période de cycle, ou qui échappe aux liens du mariage (comme la Banshee, du fait de sa mort anticipée) se trouve placée dans une situation équivalente à celle d'une fée, à savoir, caractérisée par une fadeur due aux règles. Il faut bien sûr se garder de prendre ceci au pied de la lettre, les situations décrites relevant d'une symbolique presque caricaturale. Néanmoins il est possible de formuler à ce propos l'axiome suivant: si l'image de la jeune fille coïncide avec celle des règles (signalant un état d'infécondité dû à un éloignement par rapport au mariage), l'épouse en revanche, de par sa conjonction avec le sel de fécondité (sperme), incarne l'image opposée, celle non plus de la femme soumise à une perte de sang cyclique, mais au contraire à un état (potentiel) de grossesse, marqué comme chacun sait par la disparition des menstrues. La première nous livre le profil de la fiancée insaisissable affublée de son peigne menstruel, la deuxième, celui de la femme en puissance de mari - ce fameux voleur de peigne - qui par ce geste a procédé au renversement déterminant le passage d'un statut (vierge libre) à un autre (mère de famille). La récupération de son peigne, par toute fée signale en ce sens un retour à l'état précédent, c-à-d, aux règles, à la fadeur (absence du sperme fécondant) et à la nature. Cette fadeur explique en outre ce rapport privilégié de la Banshee au vent. Légère car dessalée, elle ne reflète aucune sagesse, comme Undine. Bien au contraire, elles est folle, au sens étymologique du terme, s'il est vrai que "follis" renvoie à l'idée de souffle. Ce personnage "éventé", à la tête courant d'air, s'assimile par nature à ces "Fadas" ou fées provençales, dont le nom exprime l'idée conjointe de folie et de fadeur. La mythologie irlandaise est remplie de ces fous légers et aériens, emportés par un vent de folie (gealtacht), à la suite d'un chagrin d'amour, de la perte d'un être cher ou encore, après avoir éprouvé la peur sur le champ de bataille [Merlin]. La folie serait à vrai dire déterminée parmi d'autres causes, par l'idée de séparation, réalité inhérente à la condition de Banshee. Il revient par conséquent à une veuve victime d'une rupture des liens familiaux d'incarner une folie que l'on peut discerner au travers de ses dons de prophétie, comme en fait foi l'exemple de Merlin le prophète, devenu "fou" lui-même, en perdant un frère. L'absence de "sagesse" (= de sel) qui caractérise la Banshee la rend logiquement capable de sauts mentaux (annoncer une mort à l'avance), aussi bien que physiques (voler dans le vent). Tête de passoire, qui n'a en tout et pour tout qu'un grain de sel dans sa cervelle, elle survole le passé, présent et avenir, se riant des humains rivés au sol par le poids de leur sel et de leurs souvenirs. Elle rit on l'a vu, et ce rire succédant aux pleurs est un fou-rire, annonçant le succès de sa tâche, qui était de délier l'âme du corps au moyen de ses larmes fades. Déssalée, l'âme peut à présent s'envoler d'un pied léger dans l'oubli de sa nature terrestre. Elle ne vole pas seule du reste, car la Banshee-psychopompe l'accompagne dans ce voyage vers l'au-delà. Veuve joyeuse, elle a effectué son déplacement dans le temps humain, pour recueillir de la bouche du mourant l'âme qu'il vient de rendre. Penchée sur ses lèvres, elle lui a donné le baiser de mort - comme Undine à Huldbrandt - reprenant un souffle dispensé à la naissance. Elle est ne l'oublions pas, patronne du cycle de vie et de la naissance (Évelyne Sorlin, Cris de vie, cris de mort: les fées du destin dans les pays celtiques, 1991 - books.google.fr).

Le monde de l'au-delà, l'envers du nôtre, "est un univers où l'on n'aime pas le sel: les personnes désireuses de se prémunir contre les fées, gardent toujours un peu de sel dans leur poche. Point surprenant que les fées provençales ou "Fadas", tirent leurs nom de l'idée de fadeur. Les sorcières, en rapport avec les puissances occultes détestent aussi le sel. Cet aliment est proscrit des repas sabbatiques par Satan. D'après une légende, des enfants se seraient amusés à lui en mettre sur la queue, lui occasionnant de vives brûlures. Tout être de nature diabolique se caractérise donc par une fadeur, inconnue du mortel. Ceci explique vraisemblablement l'odeur particulière dégagée par les sorcières: fades, elles ne peuvent que puer, car elles se situent du côté du pourrissement, auquel le sel, de par ses propriétés imputrescibles, s'oppose. Il faudrait à ce niveau, s'interroger sur le rapport entretenu par la fadeur avec les menstrues. Le psychiatre américain, Wolfgang Lederer a bien voulu reconnaître en Frau Welt (Dame du Monde) - représentée dans l'iconographie moyen-âgeuse en très belle femme au dos rempli de vermine - "le parfum de la pourriture", en d'autres termes, l'image même de la femme menstruée, comme la conjonction du serpent et des règles en fait foi. La vermine (c-a-d les menstrues) apparaitrait alors chez la femme au moment du cycle, et ce, en raison d'un dessalement temporaire. L'exemple de l'épouse de Lot invite à le penser. Transformée en pilier de sel pour s'être retournée lors de la destruction de Sodome et Gomorrhe, elle continue selon la légende apocryphe d'être victime d'un écoulement sanguin tous les mois. Cette vision d'un morceau de sel qui fond périodiquement confirme du même coup l'hypothèse d'une fadeur du sang menstruel, tout en rendant compte du caractère "empoisonné" des exhalaisons situées de par cette absence de sel, du côté de la pourriture incarnée par Frau Welt" (Évelyne Sorlin, Cris de vie, cris de mort: les fées du destin dans les pays celtiques, 1991 - books.google.fr).

Le sel, la Sourate de la Caverne et Gilgamesh

La description énigmatique de la résidence d'El sur les tablettes ougaritiques semble indiquer qu'il habite un paysage tout à fait mythique, qui désignerait le point où se rejoignent les deux branches du cours d'eau qui embrasse la terre habitée ». C'est très exactement la description de notre Turba, et celle aussi sans doute qui a inspiré le Bahir. Mais ces deux veines qui sont l'une d'eau douce, l'autre d'eau salée ce sont les deux océans, qui remontent à la mythologie sumère. Ea est le Dieu de l'Océan d'eau douce, Tiamat la déesse de l'Océan d'eau de mer. La tradition sémitique du IIe millénaire avant J.-C. recueillerait en somme des éléments venus de Babylone, et même d'Our. En effet, le Coran connaît lui aussi, cette source de vie, au confluent des deux mers : c'est là que dans la sourate de la caverne, (sourate 18, versets 59-81) Moïse parvient et rencontre le mystérieux « Serviteur de Dieu », au comportement non moins bizarre, que les commentateurs s'accordent à identifier avec Khezr. Mohammed, enfin, est « au confluent des deux mers ». Ce confluent des deux mers, où Khezr a bu de l'eau de l'immortalité, pourrait bien être l'homologue de l'endroit où parvient Gilgamesh, à la recherche de la fleur de l'immortalité. En effet, celui-ci avait eu à plonger pour la trouver car elle poussait dans la mer-qui-est-sous-le-monde et qui est d'eau douce : l'Océan d'eau douce de Enki-Ea. Or l'île du Golfe Persique, l'actuelle Bahreim, dont le nom signifie en arabe « les deux mers » est l'endroit, peut-être unique, où la mer d'eau salée et la mer d'eau douce (par des sources sous-marines) se rencontrent. C'est l'antique Tilmoun (dont la civilisation remonte au IVe millénaire avant J.-C). « Il est certainement étrange que l'histoire d'un homme qui a conquis l'immortalité soit associé, dans le texte arabe le plus ancien, au "confluent des deux mers" alors que le lieu appelé maintenant les "deux mers" était à l'époque babylonienne associé au seul homme qui eut jamais acquis l'immortalité » (Paulette Duval, La pensée alchimique et le Conte du Graal: recherches sur les structures (Gestalten) de la pensée alchimique, 1979 - books.google.fr).

Bien caché, le sel apparaît en Isaïe 51,5 :

Levez les yeux vers le ciel, et regardez en bas sur la terre ! Car les cieux s'évanouiront comme une fumée, La terre tombera en lambeaux comme un vêtement, Et ses habitants périront comme des mouches; Mais mon salut durera éternellement, Et ma justice n'aura point de fin (www.enseignemoi.com - Esaie 51,1).

S'effilocheront : hapax hébreu, mais le substantif correspondant se lit en Jr 38, 11-12 (chiffons). Aquila et Symmaque ont traduit : seront salés (hébreu sel), c'est-à-dire probablement deviendront gris (tel le sel grossièrement raffiné) comme une fumée. Cf. l'arabe maliha. (Pierre E. Bonnard, Le second Isaïe, son disciple et leurs éditeurs: Isaïe 40-66, 1972 - books.google.fr).

On retrouve les possibles chiffons des Patiassés (Le Cercle des Prophètes à Rennes le Château).

On pourrait voir Marie Madeleine qui baigna les pieds de Jésus de ses larmes (salées) et d'un parfum de prix de 300 deniers (denier lié à Rennes le Château). Ou bien la Vierge Marie. Cassaignes se trouve au bord de la Sals, rivière salée.

De la boîte à sel à la salière

Pierre Avril (de la ville d'Eu), dans une ballade primée, exaltera le bon sel, celui qui est à la fois pur et peu cher, exonéré de la gabelle, peut-être à cause de la peste de 1521 :

Prince, par edictz souverains / La vierge qui Sathan debelle / Est malgré tous saonniers forains / Le guernier exempt de gabelle.

Quant à Nicole Lescarre, dans un rondeau offert au Prince, il compare la salière d'or ciselé qui se trouve sur la table du banquet à la Vierge Marie elle-même, qui contient le sel de l'alliance : Sans peché tache ou maculle evitable / Car divin sens l'orfevre proffitable / De fin or pur la parfit toute entière (manuscrit B.M. Rouen MM 19, f 101). Ainsi se retrouvent condensés, dans les poèmes de cette année 1522, le culte de la Vierge et la reconnaissance sociale du prince, la fable religieuse et la simple activité quotidienne. On pourrait multiplier les exemples de cette part de l'homme et de ses activités dans la poésie palinodique. C'est, sans conteste, son aspect le plus intéressant et peut-être le plus original : le poète de cette première Renaissance, moins antiquisant peut-être que ses successeurs, se tourne vers l'artisan et découvre à travers ses gestes la richesse de l'homme. Mais la particularité de cette poésie est qu'elle se sert de la vie humaine non pas à titre décoratif, mais comme de quelque chose d'essentiel. Après avoir consacré tout son savoir à l'étude de la Bible et du monde, l'homme découvre lentement qu'il en est le fleuron et que son activité multiple est elle-même figure de la grandeur divine, digne d'être écrite et interprétée, moralisée (Denis Hüe, La Fête aux Normands à la fin du Moyen Âge, Provinces, régions, terroirs au Moyen âge : de la réalité à l'imaginaire : actes du Colloque international des rencontres européennes de Strasbourg, Strasbourg, 19-21 septembre 1991, 1993 - books.google.fr).

Ce n’est qu’à partir de 1486 que, sous l’impulsion de diverses personnes dont Pierre Daré et Pierre Fabri, la Confrérie de la Conception de Notre Dame de Rouen, créée à la fin du XIe siècle, organisa un concours de poésie, récompensant un chant royal, une ballade et un rondeau.

Au départ, seul le refrain des chants royaux portait le nom de « ligne palinode », du mot grec qui veut dire non seulement « rétractation » mais aussi « réitération » (grec palin, de nouveau, et ôdê, chant). Le chant royal étant une sorte de « super-ballade » à cinq strophes au lieu de 3 pour la ballade, il était la forme noble par excellence, proche des cansos des troubadours. C’est l’utilisation de ce refrain librement choisi par les poètes, à partir de 1512, (à la différence d’Amiens par exemple), qui a donné, par métonymie, ce nom à la confrérie qui suscitait le concours. Cette compétition poétique, qui durera jusqu’à la Révolution française, et égala en notoriété les Jeux floraux de Toulouse (fr.wikipedia.org - Palinod).

Nicole Lescarre, moine bénédictin de l'abbaye de Saint-Ouen, a présenté un assez grand nombre de pièces aux Palinods de Rouen, dont il fut, dit l'abbé Guiot dans ses Trois siècles palinodiques, « un des plus redoutables athlètes. » (Publications, Volume 52, 1890 - books.google.fr, Les Prophètes et Rennes le Château : Les Quatres Reines, histoire et jeu de cartes - books.google.fr).

La salière renversée est d'un mauvais présage, comme le salinon retournée de la crucifixion de Cassaignes (Légendaire du Languedoc-Rousillon: enquête ethnographique menée par les élèves du Lycée technique d'État de Montpellier, 1972 - books.google.fr).

Renverser la salière devint le signe d'une rupture et certainement d'un grand malheur, car il n'en est pas de plus grand que la discorde et la haine. Aujourd'hui on a oublié le symbole, mais on conservé l'union des idées de malheur et de sel renversé, et l'on a peur d'une salière renversée. D'aucuns ont voulu en voir l'origine dans le célèbre tableau de Léonard de Vinci, La Cène, où le peintre a représenté une salière renversée, devant Judas Iscariote, le disciple infidèle et traître. Mais cet accident était déjà réputé de mauvais augure chez les Romains, et probablement chez d'autres avant eux (Guêpes et papillons: choix d'épigrammes et de madrigaux tirés des auteurs persans, traduit par Tabrizi Husayn Azad, 1916 - books.google.fr).

C’est du texte de Jean que Léonard de Vinci s’inspire, ce texte ne parle pas de la prière sur le pain et le vin mais seulement de la trahison qui se prépare (La dernière Cène - artbiblique.hautetfort.com).

Pour 30 deniers (denier lié à Rennes le Château).

Il se trouve à gauche de la croix qui a été identifiée au pneuma/esprit/logos/sagesse et au sel qui appartient au quartet (verre, mercure, soufre, sel) qui correspond au quartet (air, eau, feu, terre). On voit qu'à droite de la croix le périzonium, linge qui ceint la taille du Christ, vole au vent (air). Cela correspond à l'orientation du crucifix projeté sur le sol, sel - Fronsac/Rennes le Château - terre à la droite du crucifié, et verre - Rochemaure/Rennes les Bains - air à sa gauche (La Croix d’Huriel et Rennes le Château : Sot Pêcheur et Par ce signe tu le vaincras 3).

D'après La Mésangère, "le sel était le symbole de la sagesse; répandre le sel, c'était faire craindre qu'on perdît l'intelligence..." (Guêpes et papillons: choix d'épigrammes et de madrigaux tirés des auteurs persans, traduit par Tabrizi Husayn Azad, 1916 - books.google.fr).

Saint Martin : coeur, coupe

On peut pousser plus loin la comparaison: le verre, c'est le corps physique, qui fixe, maintient et retient les substances spirituelles et psychiques; l'eau, c'est l'âme-psyché; le sel, devenu omniprésent par la dissolution, c'est l'esprit-pneuma (Jean Prieur, L'aura et le corps immortel, 2009 - books.google.fr).

Le verre (Rochemaure) est relié au feu (La Cassaigne) par la ligne de vie, la persistance du corps qui est formé comme le verre par le feu (La Croix d’Huriel et Rennes le Château : ihEsu, Par ce signe tu LE vaincras, et le Mercure).

Saint Martin a la main droite sur le coeur qui fait partie du quartet (Coeur, Cerveau, Foie, Rate) ou (Coeur, Carreau, Pique, Trèfle). Air du quartet (air, eau, feu, terre) et coeur sont associés à Rochemaure et par là à Rennes les Bains qui se trouve à la gauche du crucifié (La Croix d’Huriel et Rennes le Château : Sot Pêcheur et Par ce signe tu le vaincras 3).

Retable de Cassaignes : saint Martin - www.renne-le-chateau.com

La célèbre exégèse mystique attribuée, à tort d'ailleurs, au grand mystique andalou, Cheikh Muhyî ad-Dîn Ibn'Arabî (né en 560 H./ 1165 à Murcie et mort en 638 H./ 1240 à Damas) commente ainsi ce 35e verset de la sourate XXIV : "Quant à la lumière, elle est apparente par sa propre essence et rend apparentes toutes les choses. Elle est, dans un sens absolu, un nom parmi les autres noms du Dieu Très-Haut à cause de la puissance de son apparence et son pouvoir de faire apparaître toutes les choses. Quand Dieu s'est épris de sa propre existence et se manifesta, il fut la lumière des cieux et de la terre, c'est-à-dire la manifestation des cieux des âmes et celle de la terre des corps. Il est l'existence absolue et toutes les créatures qui se trouvent dans l'existence s'y trouvent par lui. A propos de l'expression de mathal-i nûrihi (la comparaison de sa lumière), il s'agit de la qualification de son existence : l'apparition de Dieu dans les deux mondes est due à la manifestation de cette lumière. « La niche où se trouve une lampe » est une allusion au corps terni par sa nature matérielle et qui sera illuminé par la lumière ... Le verre » (zudjâdjah) symbolise le cœur illuminé par l'âme et qui, à son tour, illumine par son rayonnement ce qui n'est pas lui. La luminosité du qindîl (= lanterne) provient de sa flamme et il est, à son tour, une source de luminescence pour tout ce qui l'entoure. En ce qui concerne l'analogie du verre avec l'étoile brillante, c'est par l'étendue du champ de son rayonnement, par la force de son éclairement, par sa position élevée et par la multiplicité de ses rayons, à l'instar de ce qui se passe dans le cœur. L'arbre grâce auquel s'allume [cette lampe entourée par] ce verre est l'âme sainte débordant de pureté. Cette âme est comparée à l'arbre à cause des ramifications de ses branches ainsi qu'à cause de l'expansion de ses forces qui croissent à partir de la terre du corps. Ses rameaux s'élèvent de l'espace du cœur vers le ciel de l'âme. L'arbre est qualifié de « béni » par l'abondance de ses fruits et par les profits qu'on tire de ses produits moraux, de ses actions et de ses prises de conscience. La puissance d'accroissement de cet arbre consiste dans l'ascension vers les perfections, dans l'obtention de la béatitude au sein des deux mondes ; il est le lieu des manifestations des lumières, des secrets, des connaissances, des vérités, des étapes parcourues, des acquis spirituels, des états et des dons divins (Marie-Madeleine Davy, Le Thème de la lumière dans le judaïsme, le christianisme et l'Islam, 1976 - books.google.fr).

Souvent invité par Maxime à s’asseoir à sa table, saint Martin refusa, disant qu’il ne pouvait manger avec un homme qui avait détrôné un empereur et, en avait fait mourir un autre. Maxime lui assura que c’était contre son gré qu’il était monté sur le trône ; qu’il y avait été forcé ; qu’il n’avait employé les armes que pour soutenir la souveraineté que les soldats, sans doute par la volonté de Dieu, lui avaient imposée ; que la victoire si étonnante qu’il avait remportée prouvait bien que Dieu combattait pour lui, et que tous ceux de ses ennemis qui étaient morts n’avaient péri que sur le champ de bataille. Martin se rendit à la fin soit aux raisons de l’empereur, soit à ses prières, et vint à ce repas ; à la grande joie du prince qui avait obtenu ce qu’il désirait si ardemment. Les convives, réunis comme pour un jour de fête, étaient des personnages grands et illustres ; il y avait Évodius, en même temps préfet et consul, le plus juste des hommes, et deux comtes très puissants, l’un frère et l’autre oncle de l’empereur. Le prêtre qui avait accompagné Martin était placé entre ces deux derniers ; quant à celui-ci, il occupait un petit siége près de l’empereur. À peu près vers le milieu du repas, l’échanson, selon l’usage, présenta une coupe à l’empereur, qui ordonna de la porter au saint évêque ; car il espérait et désirait vivement la recevoir ensuite de sa main. Mais Martin, après avoir bu, passa la coupe à son prêtre, ne trouvant personne plus digne de boire le premier après lui, et croyant manquer à son devoir en préférât au prêtre soit l’empereur, soit le plus élevé en dignité après lui. L’empereur et tous les assistants admirèrent tellement cette action, que le mépris qu’il avait montré pour eux fût précisément ce qui leur plut davantage (Lettre de Sulpice Sévère à Didier sur le Livre de la vie de saint Martin, traduit par Richard Viot, Tours, 1861 - remacle.org).

On fait remonter à cette anecdote le titre de patron des buveurs que jadis on a donné à St-Martin, qu'on représentait recevant la coupe des mains de l'empereur. Sa fête qui tombe le 11 novembre, après la fin des vendanges et quand on peut déjà essayer le vin nouveau, fut longtemps célébrée en France par des danses et des repas. Aussi, dans l'ancien langage, le mot "martiner" signifiait bien boire, et le mot "mal saint-Martin" désignait le mal de tète occasionné par l'ivresse. Un ancien poète avait fait un dactyle de bibere, (bi est bref); il s'en justifia par le vers suivant: Bibere Martinus non sinit esse breve. « St.-Martin ne permet pas que bibere soit bref. » Un vieux dicton populaire relatif an vin nouveau , dit A la saint Martin / Faut gouster le vin; / Nostre-Dame après / Pour boire il est prest (Étienne Gabriel Peignot, Recherches historiques et philologiques sur la philotésie ou usage de boire à la santé, Volume 2, 1836 - books.google.fr).

L'impératrice, femme de l'empereur Maxime, qui sert Martin dans une autre occasion et lui tend une coupe, porte un nom dans les légendes galloise : Elen Luyddog. Elle était la soeur de Conan Meriadec dont parle l'abbé Henri Boudet dans La Vraie Langue Celtique, page 167. Appelée sainte Hélène de Caernarfon où elle serait née, elle est fêtée le 22 mai et le 25 août. reine, elle est comparée à une autre, la Reine de Saba par Sulpice Sévère (Tintin, Hergé et la Croix d’Huriel : L’axe Cheverny - Huriel : saint Gervais).

A la page 12 appariée à la 167 (167-155) et au psaume 12, Boudet parle en effet de la langue du Pays de Galles, le Gallois avec le mot gwern, l'aulne :

Le nom français de l'aune, (p. 12) essence d'arbres, se dit en languedocien bergné; en breton et en gallois gwern; en écossais et irlandais fearn (Les noms bretons, irlandais, écossais et gallois sont pris de l'ouvrage de M. A. de Chevallet: Origine et formation de la langue française. Ier Vol) (La Vraie Langue Celtique de l’abbé Henri Boudet : Livre I - Ps. 12).

Geoffroy de Monmouth fait de Conan Meriadec le second de Maxime, empereur romain de l’île qui traverse la mer avec l’armée de Bretagne pour envahir la Gaule. Lors de son passage en péninsule armoricaine, il fait de Conan Meriadec le roi de ce qui deviendra la Bretagne. L’Histoire des Rois de Bretagne est présentée comme une œuvre historique. S’agit-il vraiment d’un livre d’histoire ? Geoffroy joue sur les deux registres, réalité et fiction, faisant plus œuvre romanesque qu’historique. Y figurent des personnages réels auxquels il est parfois prêté des fonctions fantaisistes, mais aussi des figures légendaires ou purement fictives. L’ordre chronologique est lui-même fantaisiste. C’est ainsi que défilent : le roi Lear (l’histoire de Leir et de ses trois filles), Brenne (Brennus) et son frère Belin, Jules César, Conan Meriadec, Claude, Vespasien. Geoffroy fait aussi des empereurs romains Constantin le Grand et Constantin II, des rois de Bretagne. Il introduit Vortegirn (roi usurpateur de Bretagne), Merlin (Merlin Ambroise qui fait naitre Arthur) et Arthur (qui devient roi). Wace adaptera les récits de Geoffroy en y évoquant pour la première fois la Table Ronde. [...]

Le troisième livre attribué à Geoffroy de Monmouth, qui serait de souche armoricaine, la Vie de Merlin, parait vers 1149-1151. Geoffroy met en scène un tout autre personnage que le Merlin Ambroise de l’Histoire des rois de Bretagne. Pris de folie à la vue du massacre de trois de ses frères lors d’une bataille des Bretons, il s’enfuit dans la forêt de Calédonie, au sud de l’Ecosse actuelle. Il devient le Merlin Sylvestre. Selon Martin Aurell, Geoffroi aurait pu emprunter ce thème de l’homme sauvage associé à la folie, à la littérature celtique insulaire. En effet, le comportement de Merlin rappelle celui de Lailoken et Suibhne. Selon une légende écossaise, Lailoken, pris de folie, devient un homme des bois. Il aurait trouvé du réconfort auprès de saint Kentigern, premier évêque de Glasgow (broceliande.brecilien.org - Geoffroy de Monmouth).

Saint Kentigern est le premier évêque de Glasgow (vers 550-612). Contemporain de saint Colomba d’Iona, il est considéré comme l’apôtre du Royaume de Strathclyde. L’abbé-évêque celtique Saint Serf (Servan) fait l’éducation de Kentigern et lui donne son surnom de Mungo (i.e : le disciple préféré, cf. Mungo Park) (fr.wikipedia.org - Kentigern de Glasgow, Le Calendrier de La Vraie Langue Celtique : 1er juillet - Servan - Trôo).

On retrouve Servan en effet dans La Vraie Langue Celtique :

Dans le terrain limitrophe des Curiosolites, se trouvait une cité du nom d'Aleth, située à peu près à l'endroit occupé aujourd'hui par la ville de Saint-Servan. (VLC p. 157)

Après des époques préhistoriques indéfinies, César dans ses Commentaires nous qualifie de : CURIOSÉLITES J'ai toujours peur d'être audacieux. Et cependant sans être audacieux ne pourrait-on pas voir dans cette appellation trois mots grecs indéformés autant que Nérée, Lampéti, et mille autres noms du pays ? LIT qui signifie adorer, prier (Litanie). CURIOS, qui, vous le savez, veut dire « Seigneur ». SEL ? c'est le soleil en grec ionien ; sol en latin. Conséquence : il semble que, pour César, nous étions : Les adorateurs du Seigneur Soleil (Lieutenant Lepelletier, Le Bastion du Cheval Blanc et le Fort de la Reine, Annales de la Société d'histoire et d'archéologie de l'arrondissement de Saint-Malo, 1929 - books.google.fr).

The apparent explanation of Gwemglefryd is " the Alder Marsh of the Leprosy" (clefryd), and it reminds one of the terra leprosorum of some Latin documents — land left for the maintenance of lepers. There was one such at Wrexham, which is called in the Valor of 1535 terra leprosorum, but in Welsh by the less definite Caer Cleifion. Lepers had a hospital at Chester, where was also a Lepers' Grange. In the " Book of Llan Dav" we have a Vallis Leprosorum, and a Nani y Claforion, near Tenby. "Leprosy,” as commonly used in the Middle Ages, was an elastic term, and victims of scrofula, lupus, tuberculosis, erysipelas, etc., would take advantage of the provision made for lepers. Leprosy was at its worst in this country from the eleventh to the thirteenth century; but the common supposition that it was introduced by the returning Crusaders is not true, as there were lepers here in Saxon times. In the Lives of the Saints particularly the Irish Saints, leprosy is the most frequently mentioned disease, and the cure of it was one of their most frequent miracles. Meiriadog was one of the townships or vills granted by Maelgwn Gwynedd to St Kentigern, and we are to infer that the name is as old as the sixth century. According to the latest series of the Welsh Triads, the legendary character Cynan Meiriadog (the Conan Meriadec of Breton tradition) was arglwydd or lord of Meiriadog, being supposed to take his name therefrom. This Cynan, it is said, was a brother or cousin of Helen, wife of the Emperor Maximus, known to Welsh tradition as Elen Luyddog and Maxen Wledig. Towards the close of the fourth century he led a large army of Britons from Tir Meiriadog and parts of South Wales over to Gaul to support Maxen against his rival, Gratian. Having slain Gratian, Maxen rewarded Cynan and his army with the territory of Armorica or Brittany, where they permanently settled. But they would have British Wives; so Geoffrey of Monmouth appends to the story that of St. Ursula and the 11,000 Virgins, and we have in the sequel a legendary tangle that it would be hard to beat. Cynan in the Triads is made “lord of the land of Meiriadog,” a mythical territory, only known in fact as a township of some 1500 acres, and there is nothing to show that the name was ever applied to a district of larger area. But Cynan, in genuine Welsh tradition, is never called Cynan Meiriadog, which name is borrowed from Breton tradition, and is first used by Geoffrey. It is difficult to say how the name came to be appended to Conan in Breton tradition, because both are distinct names of men. In Breton the name is Meriadec, which in Cornish became Meriasek, and there is a miracle play called Beu'nans Meriasek, “the Life of St. Meriasek,” which was written in that language in 1504. It is the “Peniarth MS.” 105. This Meriadec was the son of a Duke of Brittany, who lived in the seventh century, and became Bishop of Vannes. But the name is found also in Wales as a man's name. A Meriedoc, son of Caradoc, is mentioned in two Margam Abbey charters of the middle of the twelfth century. So we must conclude that Meiriadog was originally the name of a man. In this township is situated the house Bryn y Pin (Archaeologia Cambrensis: A Record of the Antiquities of Wales and Its Marches and the Journal of the Cambrian Archaeological Association, W. Pickering, 1914 - books.google.fr).

One early narrative of the origin of Llanelwy using some early charter source, and allegedly discovered by Anian II, Bishop of St. Asaph, in an 'ancient book' in London in 1256, seems to bear witness to the existence of a story at Llanelwy that St. Kentigern came there, to an apparently pre-existing Llanelwy, and that afterwards King Maelgwn of Degannwy gave St. Kentigern the civitas of Llanelwy free of royal rent or tribute, and later extended the right of sanctuary (Foster 1969 p. 13; N.L.W.l). For the sustenance of Kentigern and his successors, he also allegedly donated to Llanelwy many vills free of royal rent in perpetuity. Included among the claimed donations, besides Llanelwy itself, were: the vills, or townships, of Bodeugan, Cilowen and Meiriadog in the later parish of Llanelwy; Henllan, the later chapelry of Llanelwy; and Llanefydd, another later chapelry of Llanelwy as well as its constituent components, Myfoniog and 'Hafodwen near Llanefydd' [...] Significantly, all the vills claimed to have been donated by Maelgwn in Llanelwy parish, in Henllan, and in Llanefydd, were among the temporalities of the Church of St. Asaph in 1291. Thus in addition to his demesnes in the four townships of Brynpolyn, Talar, Gwemeigron and Gwemglefryd, the Bishop had lands in Bodeugan, Cilowen, Meiriadog, Henllan and Llanefydd. (Glanville R.J. Jones, Churches and secular settlement in ancient Gwynedd, Cambria, Vol. 12, no. 1, 1985 - cylchgronaucymru.llgc.org.uk).

Geoffroy de Monmouth (Monmouth, vers 1100 - St Asaph, 1155), est un évêque et historien anglo-normand au service du roi Henri Ier d'Angleterre, écrivant en langue latine et familier du monastère de Glastonbury. Le 21 février 1152, l'archevêque de Cantorbéry Thibaut le consacre évêque de St Asaph (au nord du Pays de Galles), dix jours après l'avoir ordonné prêtre. Saint Asaph est le deuxième archevêque de de Llan-Elwy qui prendra son nom, et est fêté le 1er mai (fr.wikipedia.org - Geoffroy de Monmouth).

La morphéa était une affection cutanée qu'on regardait comme étant de nature lépreuse ou conduisant à la lèpre; et à ce titre elle était redoutée. La lèpre régnait endémiquement dans nos contrées durant le moyen âge, et l'exemple cité par le médecin Gilbert l'Anglais (XIIIème siècle) montre qu'alors les médecins avaient à se garder de provoquer des affections qui pouvaient emprunter à l'endémie un caractère fort alarmant (Ulysse Robert, Histoire littéraire de la France ou l'on traite de l'origine et du progres, de la decadence, Volume 21, 1847 - books.google.fr).

Du reste dans bien des contrées de l'Amérique, on désigne la lèpre sous le nom de morphea.

Le 'Welsh Leech Book' du 16ème siècle contient plusieurs references au diagnostic et au traitement domestiques de la lèpre. 51 f.l35.r. I wybod a fydd y clwyfgwahan ar wr ne wraig... 'Comment savoir si un homme ou une femme est atteint de lèpre. Prenez un oeuf de corbeau et plongez le dans le sang de l'individu suspect jusqu'à ce que le sang soit refroidi, si l'individu a la lèpre l'oeuf durcira intérieurement. Sinon il ne durcira aucunement.' Il y des prescriptions pour le traitement dans lesquelles en ce qui concerne le vocabulaire ou distingue la maladie de peau 'morphea' de la lèpre mais non en ce qui concerne la thérapeutique. f.5.r. Rhag clafr gwyn. 'Pour soigner la maladie 'morphea'. Prenez un champignon (Toadstool) et des feuilles rouges d'un aulne ainsi que du beurre, broyez le tout et faites bouillir dans du beurre frais; tamisez et conservez avec soin; enduisez la peau et il est prouvé qu'elle guérira. f.25.v. Rhag y Clafr. 'Pour la lèpre. Prenez un champignon (Toadstool), des feuilles rouges d'un aulne et du beurre frais et broyez le tout ensemble; faites bien mijoter et filtrez à travers un linge propre; enduisez les plaies, il est prouvé qui cela sera bien faisant car cela a été expérimenté maintes fois.' (John Cule, Diagnostic et traitement de la lèpre au Moyen Âge au Pays de Galles, Colloque international d'histoire de la médecine médiévale: Orléans, 4 et 5 mai 1985, Volume 2, 1985 - books.google.fr).

La Vraie Langue Celtique fait la liaison entre Conan Mériadec et le blé gâté :

Il est tout à fait curieux et intéressant de rapprocher des termes ménir et dolmen, le nom du dernier chef des Druides armoricains, qui vit fermer les collèges druidiques en vertu d'un décret des états généraux, présidés par l'Evêque Modéran, sous le premier roi d'Armorique, Conan Meriadech, et tenus à Rennes, en l'année 396 après Jésus-Christ. Ce chef suprême de l'ordre druidique se nommait Eal-ir-bad, – to heal (hil), rémédier à, – ear (ir), épi de blé, – bad, gâté, mauvais – : rémédier au blé gâté. (VLC p. 167)

Malandrin veut dire proprement galeux, lépreux, qui a rapporté d'Orient la lèpre ou quelque vice rédibitoire. Le dictionnaire de l'Académie et celui de Trévoux rapportent comme familier le proverbe : Je me porte bien, Dieu merci; je n'ai ni suros, ni malandres. Malandres. — Crevasses purulentes aux genoux d'un cheval. Malendres. — Nœuds vitreux ou gelivures du chêne. grec "Melas drus", chêne noir. Melandrium. — Blé gâté. Malandrin. — grec "Melas anèr", homme noir (Gustave Le Vavasseur, Jean de Paris, La Picardie, revue historique, archéologique & littéraire, Volume 16, 1870 - books.google.fr).

Psaume 12 et le frère de Marie (Madeleine ?), Lazare, patron des lépreux

Leprosy is in Holy Scripture the usual type of sin. It is a fitting image of spiritual disease, since it deprives the body of all beauty, as sin does the soul. It is infectious in the highest degree, and the leper is separated from his fellows lest he should corrupt them; in this also resembling the sinner, who is the source of danger and of contamination to his fellows. Again, the difficulty with which it is cured, the almost impossibility of removing it by any medical skill, makes this disease an appropriate image of that corruption of the heart and depravity of the moral nature of man which sin causes, and which no power of man can remedy or remove. The bodily deformity and corruption is indeed a feeble image of the utter destruction of the native beauty of the soul, and of the greatness of the depravity which is caused by sin; a depravity so terrible that the full knowledge of its extent would make the sinner loathe himself. It will constitute, it may be, a part of his misery in the next life to be able to see the full loathsomeness of the sin in which he has wallowed in the time of his trial on earth. Well may we pray that God would now lighten our eyes to the knowledge of the consequences of sin, so that we may not sleep the sleep of death (Ps XIII) [12 Vulgate,4 : "Illuminez mes yeux, pour que je ne m’endorme jamais dans la mort"] (William Denton, A commentary on the Gospels for the Sundays and other holy days of the Christian year, 1862 - books.google.fr).

Lazare est le frère de Marthe et de Marie de Béthanie, ressuscité par Jésus. Devenu évêque, il aurait été associé, selon saint Ephrem (IVème siècle), à la prédication de saint André et aurait fini ses jours à Chypre. Il a été confondu avec le pauvre Lazare de la Parabole, dont les chiens léchaient les plaies. En 899, son corps a été transféré de Larnaca (Chypre) à Constantinople et réuni à celui de Marie-Madeleine venu d'Ephèse. En Occident, le disciple de Béthanie a été confondu avec un évéque d'Aix (407), pèlerin en Palestine et inhumé au monastère Saint-Victor de Marseille vers 416. Ce saint a largement contribué à la formation des légendes provençales. C'est ainsi que des reliques d'un « saint Lazare, évêque » auraient été apportées de Marseille à Avallon et Autun, à partir du Xe siècle. On imagina alors une translation d'un genre merveilleux : les juifs auraient livré à la mer, dans une barque sans rame ni voile, cinq témoins du Christ : Lazare, Madeleine, Marthe, Sidoine, l'aveugle-né guéri par Jésus, et Maximin, l'un des 72 disciples. Plus tard, on y adjoignit les deux Maries et les deux servantes Marcelle et Sara. Cette légende, qui compte parmi les translations les plus célèbres par voie d'eau (cf. sainte Ursule, saint Jacques le Majeur, saint Vincent de Saragosse, saint Antonin), faisait le lien entre les différents corps saints honorés dans les vieux sanctuaires provençaux : Saint- Victor de Marseille, Saint-Maximin, Notre-Dame de la Mer et Tarascon. En 1146, eut lieu la translation des reliques de saint Lazare dans la nouvelle cathédrale d'Autun. Saint Lazare est le patron des mendiants (cf. saint Alexis). Il est invoqué contre la lèpre ou mal Saint-Ladre. Les Croisades amenèrent une recrudescence du mal. En 1119, fut fondé, à Jérusalem, l'ordre hospitalier et militaire de Saint-Lazare. Les léproseries, au nombre de 2 000 en France et de 20 000 en Europe au xIIIe siècle, étaient placées sous le patronage de saint Lazare. Elles étaient implantées aux abords des villes, comme il en est ainsi à Paris ou à Chinon. Le fléau fut vaincu au milieu du XVIème siècle. Saint Lazare est le patron des cathédrales de Marseille et d'Autun, ainsi que de la collégiale d'Avallon (Jacques Baudoin, Grand livre des saints: culte et iconographie en Occident, 2006 - books.google.fr).

Dans le récit de la résurrection de Lazare chez Jean (11,11), le sens propre de "koimômai" est « dormir ». Mais il est évident qu'ici Jésus emploie le verbe dans le sens de "apethanen". On voit d'ordinaire dans cet emploi ou un euphémisme ou une simple image dont le sens symbolique échappe aux disciples — image que reprendrait aussitôt le verbe "exupnizô", réveiller. "koimômai" n'est ni un euphémisme, ni un sémitisme. L'histoire de ce verbe et celle de "koimizô" prouvent en effet la grécité du sens de mourir, à côté et dérivé d'ailleurs du sens de dormir, depuis l'antiquité jusqu'à nos jours. [...] L'auteur, en insistant sur la méprise des disciples, donne à entendre que le mot "koimômai" a ici un double sens; ce qui justifie les traductions qu'on en donne ordinairement : il dort ou il est endormi. [...] En dehors du sens ordinaire de dormir, on a pour "koimômai" : 1 — mourir, avant le christianisme ; 2 — mourir, avec les deux emplois de l'époque chrétienne cités plus haut ; 3 — mourir, en parlant d'un saint personnage, en grec moderne (Octave Merlier, Note sur deux passages du quatrième évangile. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 54, 1930 - www.persee.fr).

On retrouve un autre Asaph, précurseur du saint gallois, voyant, et auteur de psaumes (50 et 73-83) qui cite un passage de l'Exode en rapport avec la lèpre.

Il n'est guère permis de nier qu'Asaph ait composé des Psaumes, quand on lit dans le second livre des Paralipomènes, chap. XXIX, v. 50, qu'Ezéchias et les principaux de sa cour ordonnèrent aux Lévites de chanter les louanges du Seigneur avec les paroles de David et d'Asaph, le voyant, ou le prophète (L.J Bondil, Le livre des Psaumes, 1840 - books.google.fr).

« Pourquoi détournez-vous votre main, pourquoi détournez-vous votre droite de l'intérieur de votre sein, jusqu'à la fin (Psaume dit d'Asaph 73, 11) ? » C'est une allusion au second signe donnéà Moïse. Le Psaume a rappelé d'abord le signe de la verge, et maintenant il parle de celui de la main droite. Car, après le miracle de la verge, Dieu donna à Moïse un second signe de sa mission: Mettez, lui dit-il, votre main dans votre sein, et Moïse la mit dans son sein. Sortez-la, et il la sortit, et il se trouva qu'elle était blanche (Exod., IV, 6), c'est-à-dire immonde. Car cette sorte de blancheur de la peau était la lèpre et non l'éclat naturel du teint (Lévit., XIII, 25). C'est ainsi en effet que l'héritage de Dieu, c'està-dire son peuple chassé par lui, est devenu impur. Mais que dit Dieu à Moïse : « Remettez votre main dans votre sein ; il l'y remit et elle reprit sa couleur naturelle (Exod., IV, 6, 7). » Quand donc ferez-vous de même ? dit Asaph. Jusques à quand détournerez-vous votre main droite de votre sein pour qu'elle reste immonde en dehors ? Remettez-la dans votre sein, qu'elle reprenne sa couleur et qu'elle reconnaisse le Sauveur. «Pourquoi détournez-vous votre main pourquoi détournez-vous votre droite de l'intérieur de votre sein, jusqu'à la fin (Ps., LXXIII, 11) ? (Discours sur le psaume LXXIII, Œuvres complètes de Saint Augustin, Volume 13, 1871 - books.google.fr).

Lèpre et menstrues

La sexualité débridée des lépreux est à la fois une sexualité interdite et qui laisse interdit. Depuis l'Antiquité, menstrues et lèpre sont étroitement associées (comme dans le Deutéronome et sa typologie du pur et de l'impur).

La lèpre était censée se contracter lors du coït pendant les règles, l'enfant ainsi engendré était nécessairement lépreux ou roux (couleur du sang menstruel). Au Moyen Age, ces rapports impurs pouvaient engendrer également la folie (Jacques Labrot, Une histoire économique et populaire du Moyen Age: les jetons et les méreaux, 1989 - books.google.fr).

Gaignebet, à partir du mythe des Lemniennes, a relevé une relation entre la quête du feu, la mauvaise odeur et les règles féminines. « C'est faute d'un feu intérieur suffisant que les femmes sont atteintes chaque mois d'une odeur qui doit tenir les hommes éloignés ».

La dissolution de sel marin, épaissie au soleil, sert utilement contre la lèpre , les gales, les dartres, sur-tout contre le racornissement des ongles ; la dissolution de sel en vient à bout avec le temps. Elle ramollit aussi les verrues. Elle fait tomber les ordures des oreilles ; elle enlève les tâches de la peau ; et l'on pourrait s'en servir à bien d'autres usages, si l'odeur n'en étoit désagréable, sur-tout pour les femmes [Il s'agit vraisemblablement de quelque préparation différents de la simple dissolution de sel marin, qui n'a point, ou que très-peu d'odeur]. Elle est bonne contre les douleurs de la goutte, pourvu que la peau ne soit pas entamée. La lie du vinaigre produit aussi le même effet (Hippocrate, Traduction des oeuvres médicales d'Hippocrates: sur le taxte Grec, d'apres l'édition de föes, Volume 3, 1801 - books.google.fr).

Pour en revenir à l'examen du patient Hugues Rémusat suspecté de lèpre, l'on assiste en été 1438 à uneconsultation pratiquée dansun jardin, pardevant notaire : saignée par le barbier chrétien du bras droit, sang recueilli dans une petite petite écuelle de terre contenant un œuf et quatre grains de sel pesant un quart d'once ; auscultation par maître Astrug Abraham du patient auquel il fait une série de piqûres derrière les épaules, au cou, aux mollets ; filtrage du sang resté dans l'écuelle et retrait des grains de sel au poids naturellement réduit, et surtout de l'œuf qui sera comparé à un autre œuf n'ayant pas séjourné dans le sang du présumé malade. Des témoins sollicités déclarent identiques les deux œufs préalablement cassés. Après quoi, notre médecin juif, reconnaissant n'avoir rien à reprocher ausang, ni à l'urine, ni à l'haleine de son patient qu'il a réexaminé (yeux, muqueuses du nez, langue), le déclare sain ! Ces pratiques médicales semblent courantes si on les compare à un diagnostic de lèpre pratiqué aux Baux de Provence le 8 décembre 1462 : inspection de la nuque, recherche de plaques d'insensibilité à l'aide d'une aiguille, examen de la langue, du nez et des yeux, observation et lavage du sang à l'eau claire pour déceler des « grains » de lèpre, avec utilisation là aussi de sel et de deux œufs. Cette fois, au contraire, le patient Jean de Bonafé sera décrété atteint par deux barbiers et chirurgiens de Saint Rémy, assistés d'un médecin et d'un barbier et chirurgien des Baux : ils ont trouvé les œufs cuits dans la chaleur du sang (?), le sel dissous, des« grains » de lèpre dans le sang, des signes manifestes sur la langue, les yeux, le visage, les cils, les mains et les ongles. La méthode pratiquée à Tourves en 1438 par un médecin juif correspond donc à une pratique courante (Danièle Iancu, Être juif en Provence au temps du roi René, 1998 - books.google.fr).

Le boursah ou gecko (lacerta gecko, lacerta leprosa de Forskal), quelquefois appelé par les Arabes abou-bours, le père de la lèpre, ou simplement bours, lèpre, est ainsi dénommé à cause de sa peau, qui offre l'apparence d'une lèpre ; les Orientaux croient que si le boursah répand sa bave sur du sel, ce sel donnera la lèpre à ceux qui le mangeront. Ce préjugé est fort répandu parmi les habitants du Caire; ils couvrent avec soin les vases contenant du sel, et y placent même de l'ail, dont l'odeur écarte ce reptile (Afrique, L'Univers: histoire et description de tous les peuples, 1848 - books.google.fr).

Péché de la chair, donc maladie de la chair, telle est désormais la version des docteurs de l'Église. Elle imprègne en partie et progressivement la pensée médicale : en partie seulement car les médecins, pas plus que d'autres «spécialistes» en la matière, tel André Le Chapelain (t vers 1210), célèbre auteur du Traité de l'Amour, sont d'abord loin de la retenir unanimement et en tout cas, jamais exclusivement. En revanche, l'origine sanguine ou humorale dicte non seulement la doctrine mais mais aussi ses analogies : la lèpre n'est-elle pas qualifiée de « maladie phénicienne », c'est-à-dire, suivant l'étymologie, « pourpre » ou « rouge » ? Si donc il convient de croire comme l'explique Jean de Saint-Amand dans la seconde moitié du XIIIe siècle, que l'absorption de mauvaise nourriture nuisant à une digestion normale est à même de provoquer la maladie, à fortiori le tempérament « sanguin » lui est d'autant plus prédisposé, et l'ingestion abusive de certains aliments dotés d'une qualité équivalente est sensée la renforcer : les lentilles, par exemple, réputées mélancoliques, « a moult user fait l'omme devenir mesiel » selon Aldebrandin de Sienne, médecin établi à Troyes dans la seconde moitié du XIIIe siècle, sans doute aussi à cause d'une parenté avec la forme des nodosités pathologiques ; la chair de bœuf ou de vieille oie, « froide et sèche », donc assimilée aux propriétés « desséchantes » de la lèpre. Le vin, selon d'autres, en quantité, par analogie avec le sang, surtout mélangé avec du lait (autre équivalent du sang mais de catégorie opposée) ou le lait avec le poisson, estime Mondeville inspiré des leçons de Salerne et de la tradition du Canon d'Avicenne. Dans ces derniers cas, quelque réminiscence des observances mosaïques, pourtant abolies, n'est pas à éliminer du moins par imitation puisque le chirurgien de Philippe le Bel relie le respect de l'interdit menstruel à la rareté des cas de lèpre (François-Olivier Touati, Maladie et société au Moyen Âge: La lèpre, les lépreux et les léproseries dans la province ecclésiastique de Sens jusqu'au milieu du XIVe siècle, 1998 - books.google.fr).

Aldobrandin de Sienne dédie son Régime du Corps à Béatrice de Savoie (morte en 1266), mariée en 1219 à Raymond Bérenger, comte de Provence, et mère des quatres reines (Erich Hintzsche, Medizin und Mediziner seit 1870 im Spiegel der Schweizerischen medizinischen Wochenschrift, Volume 2, Partie 1, 1971 - books.google.fr, Les Prophètes et Rennes le Château : Les Quatres Reines, histoire et jeu de cartes).

Véronique

Une représentation du linge de sainte Véronique sur trouve dans l'église Sainte Eugénie de Saint Just et le Bézu (Les Prophètes et Rennes le Château : La Croix des Prophètes à Rennes le Château, La Croix d’Huriel et l’alchimie : Triple correspondance : chemin de croix, oeuvres alchimiques et voyage de l’âme, Arsène Lupin et la Croix d’Huriel : Arsène Lupin et l’ange Gabriel).

Chez Luc et Mathieu, l'hémorroïsse touche la frange du manteau, ce qui renvoie aux franges et aux lambeaux que pourraient rappeler le centre du Cercle des Prophètes, les Patiassés (Les Prophètes et Rennes le Château : Le Cercle des Prophètes à Rennes le Château).

"cum petia munda" (avec un linge propre - du latin populaire pettia) est noté par Guillaume de Salicet (Guglielmo da Saliceto), né en 1210 à Saliceto (Plaisance) et mort en 1277, moine dominicain et médecin lombard, dans ses indications contre la syphilis, maladie qui entraîne une desquamation de la peau comme la lèpre, et rappelle le linge blanc de Véronique (Édouard Jeanselme, Histoire de la syphilis, son origine, son expansion: Progrès réalisés dans l'étude de cette maladie depuis la fin du XVe siècle jusqu'à l'époque contemporaine, 1931 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Guillaume de Salicet).

Le point de départ de la légende serait sans doute la mention faite dans les évangiles canoniques de « l'Hémorroïsse », la femme qui fut guérie d'un flux de sang en touchant la robe de Jésus (Mat. IX, 18-26 ; Marc V, 21-43 ; Luc VIII, 40-56) (La Passion des jongleurs: texte établi d'après la Bible des sept estaz du monde de Geufroi de Paris, Anne Perry, 1981 - books.google.fr).

Nous avons conservé deux recensions grecques et des traductions latines d'Actes de Pilate apocryphes du début du Ve siècle. Cette relation du procès de Jésus, à laquelle fut bientôt rattachée la célèbre Descente aux Enfers pour former avec elle l'Evangile de Nicodème, introduit un personnage important pour l'avenir de notre légende. Parmi les témoins qui défendent Jésus devant Pilate en racontant la guérison miraculeuse dont ils ont bénéficié figure la femme qui souffrait d'un flux de sang et qui fut guérie en touchant, en cachette, au milieu de la foule, la frange du manteau de Jésus. Elle s'appelle en grec Berinikè, en latin Veronica. C'est avec la Cura sanitatis Tiberii (parfois intitulée dans les manuscrits De damnatione Pilati), d'origine probablement anglo-saxonne (VIIe siècle) et avec la Vindicta Saluatoris (vers 700) qu'apparaissent les deux éléments constitutifs de la légende, la guérison d'un empereur par le voile de Véronique et la destruction de Jérusalem. Dans la Cura, Tibère est guéri d'une grave maladie par l'image que Véronique avait fait peindre de Jésus et qu'elle avait apportée à l'empereur. Apprenant la crucifixion de son sauveur, Tibère fait exiler Pilate en Toscane. Dans le Vindicta qui emprunte beaucoup à la Cura et ajoute encore le rôle de Titus, la guérison est redoublée. Titus, roi d'Aquitaine, soumis à Tibère, souffre d'un chancre au nez; c'est par hasard qu'il apprend l'existence de Jésus, sa mort et sa résurrection; dès qu'il exprime le regret de ne pouvoir le venger, il est guéri. Avec Vespasien il va prendre Jérusalem et il la détruit, saisit Pilate, cherche et trouve Véronique, que Tibère, averti, fait venir à Rome pour être guéri par l'image miraculeuse de la lèpre dont il souffre. Aussitôt guéri, il demande et reçoit le baptême, comme Titus l'avait fait avant lui. Malgré leurs divergences et leurs incohérences narratives, ces deux textes retracent clairement une translation du salut, de la Palestine vers le monde romain, par la médiation de Véronique. L'identification dans cette femme de l'hémorroïsse guérie et de la porteuse de l'image guérisseuse n'est pas le résultat d'une fantaisie, de la rencontre fortuite de deux noms propres, celui du témoin des Acta Pilati et celui de la fille du roi d'Edesse Agbar, Berenikè. La nouvelle légende habille de quotidien et de concret un phénomène historique aussi énigmatique qu'évident: Jésus de Nazareth avait prêché devant quelques Juifs de Palestine et il avait guéri des malades obscurs, des muets de l'Histoire et voici que sa parole était propagée dans le monde entier et lui offrait le salut. Véronique souffrait d'un mal secret, qu'elle tenait caché sous son manteau; c'est en cachette qu'elle s'approcha de Jésus, elle, impure, et effleura le bas de son manteau. Alors le sauveur, sentant qu'une force était sortie de lui, se retourna et reconnaître le miracle. Le mal qui depuis des années défigurait aux yeux du monde entier le roi Titus et l'empereur Tibère, et que les médecins non plus ne pouvaient soulager, est guéri par l'image, exposée aux yeux de tous, du visage divin. On devine que la lèpre symbolise, de manière très banale, le paganisme dont les princes sont purifiés par le baptême. Jésus les guérit, comme Véronique, de l'impureté. Rome rendue à travers eux à la santé et au salut ne règne plus sur la sur la Gentillité mais sur la Foi. Jérusalem n'a plus lieu d'être. Dans la Vindicta Titus et son maréchal Vespasien la détruisent en châtiment de la mort du Christ (Jean-Pierre Bordier, Rome contre Jérusalem, Jerusalem, Rome, Constantinople: l'image et le mythe de la ville au Moyen Age : colloque du Département d'études médiévales de l'Université de Paris-Sorbonne, 1986 - books.google.fr).

"Monsieur Saunière" ou "kurios pneuma"

Si "Saunière" pointe le sel qui désigne le pneuma/esprit, alors "Monsieur" pourrait être la traduction du kurios grec (seigneur, puissant).

Les guérisseurs et magiciens juifs mal intentionnés de Salamine et d'Éphèse échouent-ils lamentablement (Ac 19, 11-19). C'est pourquoi dans la pratique chrétienne le nom invoqué n'est plus Yhwh mais désormais Kyrios, Ièsous ou les deux à la fois (Ernest-Marie Laperrousaz, Qoumrân et les Manuscrits de la Mer Morte: un cinquantenaire, 1997 - books.google.fr).

Or, Kyrios, c'est le titre courant des dieux sauveurs d'Égypte, de Syrie et d'Asie Mineure. L'Artémis d'Éphèse est Kyria ; de même la Magna Mater de Phrygie ; Kyrioi aussi Zeus Sabazios, et Dionysos et les Baalim syriens, Atargatis, Mardouk, Isis et Hermès Thot ; Osiris et Sérapis le seront également ; et bien d'autres divinités du salut de moins haute taille, et moins bien achalandées que celleslà, reçoivent ou recevront ce nom de Kyrios, alors que les grands dieux ne le reçoivent que très exceptionnellement (Charles Guignebert, Le Christ, 1969 - books.google.fr).

Dans 2 Corinthiens 3,17, le kurios (Seigneur) est identifié au pneuma. [...] Il est donc affirmé que le Christ glorifié est le pneuma et que le fait de se tourner vers lui signifie l'entrée dans le domaine du pneuma. Qui vient à lui entre dans la sphère de l'Esprit. Si le v. 17 b distingue kurios (Seigneur) de pneuma, cela montre clairement que le v. 17 a n'établit pas l'identité de deux personnes, mais définit par le mot pneuma le mode d'existence du kurios. Parle-t-on de pneuma kuriou, c'est son mode d'existence qu'on définit, la puissance dans laquelle il vient à la rencontre de sa communauté. Le Christ peut être identifié à l'Esprit, dans ses rapports avec la communauté, dans la mesure où il est envisagé dans la puissance de son action envers elle ; pour autant qu'il est aussi le Seigneur de sa puissance, il peut être distingué d'elle comme on peut toujours distinguer le moi de la force qui émane de lui. La même conception apparaît plus clairement dans 1 Co 6: 17, parce qu'on y trouve la notion de corps spirituel du Christ glorifié qui englobe aussi les croyants. Là, l'union des croyants avec le Christ est conçue de manière analogue à l'union avec une prostituée (Dictionnaire biblique Gerhard Kittel, Esprit, 1971 - books.google.fr).

La salière de Cellini

Cinq projets non datés proposent un nouveau sceau pour l’Accademia del disegno en réponse à un appel lancé par Vasari, et dont ce dernier parle d’ailleurs dans ses Vite. Mais connaître la destination de ces dessins ne les rend pas pour autant plus transparents, car ils ne seront jamais acceptés par l’Académie, qui n’adoptera pas de nouveau sceau avant 1592. [...]

Le dessin que la plupart des historiens de l’art considèrent comme le premier de la série cellinienne possède la rigidité et la rudesse d’un premier essai, tandis que les dessins postérieurs sont stylistiquement plus raffinés et accompagnés de textes moins complets. Ce dessin montre de façon assez brutale, bidimensionnelle et très linéaire la déesse de la nature sous sa forme antique d’Artémis d’Éphèse. Mais malgré son point de départ vasarien, Cellini transforme aussitôt sa déesse monstrueuse en allégorie composite, substituant à ses bras humains les trompettes d’une allégorie de la renommée. Et Cellini de mettre l’accent, non comme Vasari sur les mains très expressives et mobiles de l’Artémis éphésienne, mais sur ses bras comme instruments responsables de la gloire de l’artiste. L’art de la sculpture, qui exige de la force dans les bras et même dans tout le corps, passe donc devant les autres arts. [...]

L’orfèvrerie est un art à part entière, différant des autres arts par sa technologie humaine et permettant la création d’œuvres qui résistent aux dégradations de la nature, au feu et au temps non seulement par leur origine et leur généalogie patriarcales, celles de la sculpture tout court, mais aussi en raison de leur matière plus pure et transformée par l’invention des hommes. Selon le texte de la première proposition de sceau de Cellini, la « vera idea de la natura », le disegno, n’est donc pas l’art de dessiner, ni même l’idée traduite en dessin ou en modello, mais plutôt la technique des orfèvres. Le disegno se trouve ainsi réapproprié par le quatrième art, qui est hissé à un rang supérieur par sa maîtrise d’une nature trop muable et trop périssable. L’orfèvrerie est une sculpture moins assujettie à la corruption naturelle, et qui demande une science plus ingénieuse que celle du sculpteur sur bois ou sur marbre. Elle requiert une maîtrise et un savoir humains que même Dieu, en modelant Adam avec de l’argile, ne put exercer. [...]

Le texte du premier sceau affirme que les arts sont liés à la nature de manière aristotélicienne, car si les éléments sont quatre — la Terre, l’Eau, l’Air et le Feu —, au nombre de quatre sont également les arts et les côtés du sceau, comme d’ailleurs les paires de seins de la déesse. La nature est une construction « cubique » (comme le piédestal du Persée) que le sculpteur doit maîtriser afin de créer des statues humaines. La référence aux quatre éléments est très courante dans les chartes des sociétés du XVIe siècle et relève souvent d’un hermétisme alchimique. [...]

Rappelons également qu’en 1563 l’Artémis antique de type éphésien fait déjà partie du répertoire artistique de Cellini, car depuis déjà bientôt une décennie des déesses de la nature soutiennent les quatre côtés du piédestal qui porte son colossal Persée sur la place de la Seigneurie (1554). [...]

L’idée dans l’art, en tant que contenu intelligible d’un objet esthétique ou sensible, est rarement l’occasion de commentaires par Cellini qui, dans ses célèbres mémoires, sa Vita (1558–66), et dans ses traités techniques, les Trattati (1565–67), s’explique parfois néanmoins, bien que succinctement, sur le sujet et la signification d’une œuvre spécifique. Dans les descriptions qu’il en donne, aussi bien dans son autobiographie que dans son traité sur l’orfèvrerie, l’artiste-écrivain fournit ainsi quelques indications sur la symbolique de la salière qu’il confectionne pour François Ier, mais il se garde bien d’y réduire le sens de ses œuvres plastiques à quelque signification explicite et d’ordre strictement verbal. [...]

Le XVIe siècle impose peu à peu le terme italien de disegno, qui traduit bien cette ambivalence fondamentale de l’Idée dans son devenir : disegno veut dire dessin, mais désigne aussi le concept, l’idée, le projet, la composition, ou même l’intention ou le but. Il désigne à la fois le design et le dessein, tout comme design, son équivalent le plus proche en anglais, qui a toutefois sur le français dessein l’avantage de signifier à la fois dessin et dessein, c’est-à-dire aussi bien l’esquisse et l’arrangement général que l’intention ou même, à la limite, l’arrière-pensée (par exemple, to have designs on someone’s inheritance veut dire avoir des vues ou lorgner sur l’héritage de quelqu’un). C’est cette conjonction du disegno et de l’Idée, caractéristique de la pensée sur l’art à la fin de la Renaissance, qui nous intéressera plus particulièrement dans l’œuvre du bijoutier, orfèvre, sculpteur et écrivain que fut Benvenuto Cellini (1500–71). Elle y est bien à l’œuvre, elle la travaille, mais elle ne va pas de soi, et même, l’Idée platonicienne entraînant la condamnation de l’art, elle reste une menace, au point que l’artiste se refusera toujours à ce que l’idée fasse l’œuvre. [...]

Né à Florence en 1500, il exerce l’art de l’orfèvrerie dans cette ville et à Rome jusqu’en 1539, date à laquelle il est emprisonné par le pape Paul III. Libéré en 1540, il passe cinq ans à Paris où il devient aussi sculpteur de bronzes monumentaux. De retour à Florence en 1545, il achève en 1554 son Persée colossal en bronze pour la Loggia dei Lanzi. C’est entre 1558 et 1562, pendant une assignation à résidence, qu’il écrit alors la plus grande partie de son autobiographie et taille un crucifix en marbre grandeur nature pour son tombeau. Les seuls grands projets de Cellini qui voient le jour pendant les années 1560 sont ses traités sur l’orfèvrerie et sur la sculpture, dont l’importance est certes primordiale pour la compréhension de ses prises de position théoriques, mais qui sont davantage des œuvres techniques que philosophiques ou historiques. Les projets de sceau, qui mettent en œuvre ce que c’est que le disegno, sont donc à la fois très précieux pour l’histoire du concept et assez peu représentatifs du travail de l’orfèvre-sculpteur, tel du moins qu’il est passé à la postérité (Gwendolyn Trottein, Idea et disegno : les projets de Cellini pour le sceau de l’Académie, RACAR XXXVII, Number 2, 2012 - www.uaac-aauc.com).

Pour aller de la grande figure de l'ivoire d'Oxford qui procède du texte célèbre du prophète Isaïe « Le Seigneur dit ceci : le ciel est mon trône, mais la terre est l'escabeau de mes pieds » (« Haec dicit Dominus : Cœlum sedes mea, terra autem scabellum pedum meorum ») où l'on voit le Christ assis audessus de la Terre et de la Mer, à une petite image, pour passer de l'épique moyen âge à la poétique et gracieuse renaissance, nous rappellerons que Benvenuto Cellini a lui-même exécuté en orfévrerie sa Terre et sa Mer. Benvenuto était un païen, vivant dans une époque affolée d'images païennes; par conséquent, sa Mer sera le dieu Neptune et sa Terre la déesse Bérécynthe. En outre, il n'est pas question, chez Benvenuto, d'élever une croix où la mort du Christ sera pleurée par la Nature et ses Éléments ; ni de sculpter un ivoire où le Créateur posera, sur la personnification du monde qu'il a tiré du néant, ses deux pieds divins, pour montrer que ce monde est son esclave et qu'il en est toujours le maître (« Omnia hec manus mea fecit et facta sunt universa ista, dicit Dominus », Isaïe 66,1). Il s'agit tout simplement de fabriquer une salière et une poivrière pour que le roi François Ier y prenne les épices qu'il aimait tant. Le meuble est des plus humbles, comme on le voit ; mais l'imagination de Benvenuto Cellini en a fait un petit poëme charmant et une œuvre d'art remarquable. L'artiste florentin nous étale donc, dans son « Traité d'orfévrerie », une description de la fameuse salière. Cette description condamne les artistes de nos jours qui ne savent même pas faire entrer une pensée raisonnable et poétique dans un bénitier, dans un font baptismal, dans un calice, dans un ciboire, dans une châsse, dans un autel, dans une église. Écoutons Benvenuto Cellini : « C'était une salière en or, de forme ovale, longue de deux tiers de brasse. Sur un socle de quatre doigts d'épaisseur j'avais placé Neptune, dieu de la mer, et Bérécynthe, déesse de la terre. - Neptune, entouré des flots de la mer, était assis triomphalement sur une coquille tirée par quatre chevaux marins. De la main gauche il tenait son trident, et de la droite il s'appuyait sur une barque destinée à recevoir le sel. Divers poissons jouaient dans les ondes autour de cette barque, sur laquelle j'avais ciselé des batailles de monstres marins. Le Neptune, haut de plus d'une demi-brasse, était fait en ronde-bosse dans une plaque d'or repoussée au ciseau et au marteau, comme nous l'avons expliqué plus haut. - A l'autre bout de la salière, sur le rivage, une femme, de même dimension et pareillement en ronde-bosse et en or, représentait la terre. Ses jambes, qui se rencontraient avec celles de Neptune, étaient l'une étendue et l'autre repliée, par allusion aux montagnes et aux plaines. Elle tenait de la main gauche un petit temple d'ordre ionique splendidement décoré, qui servait à renfermer le poivre, et, de la main droite, une corne d'abondance remplie de ses plus riches productions. Le rivage, sur lequel elle reposait, était émaillé de fleurs et de feuillages, au milieu desquels différents petits animaux se livraient de joyeux combats. Ainsi, la Terre et la Mer étaient l'une et l'autre environnées des animaux et des produits qui leur sont propres. - Outre cela, j'avais ménagé dans l'épaisseur du socle ovale huit petites niches, dont les quatre premières renfermaient le Printemps, l'Été, l'Automne et l'Hiver; et les autres l'Aurore, le Jour, le Crépuscule et la Nuit. - Les arêtes des niches et quelques autres parties du socle étaient bordées de filets d'ébène, qui faisaient admirablement ressortir les figurines. - Enfin, je posai cette salière sur quatre petites boules d'ivoire, qui, tournant dans le socle où elles étaient à moitié cachées, permettaient de conduire aisément la machine en avant et en arrière. - Les fruits, les fleurs, les feuillages, les troncs d'arbre et les ondes de la mer étaient émaillés suivant toutes les exigences de l'art » (Annales archéologiques, Volume 18, Didron, 1858 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Salière de Cellini).

Ivoire d'Oxford (XIIème siècle)

On peut encore rappeler ici le passage curieux des Actes des apôtres 19,24 qui montre à Éphèse une industrie florissante, consistant uniquement dans la fabrication d'édicules d'argent faits à l'imitation du fameux temple de Diane (Charles Daremberg, Edmond Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines: d'après les textes et les monuments, Volume 1, 1873 - books.google.fr).

Les peuples de l'Italie ne possédèrent d'abord d'autre argent que celui qui était importé de l'Orient et de la Grèce, puis de la Sardaigne, de l'Espagne surtout, dont les mines exploitées de bonne heure par les Phéniciens furent ensuite pour les Carthaginois, puis pour les Romains une source de richesse dont les anciens ne pouvaient assez vanter l'inépuisable fécondité. La Gaule et la Bretagne en fournirent aussi. De quelque pays qu'on l'ait tiré d'abord, il est constant qu'il y en eut de bonne heure en Italie, mais en très-petite quantité. On ne frappa à Rome une monnaie d'argent, imitée de celle des Grecs de l'Italie méridionale, qu'en l'an 268 ou 269 av. J.-C., dans l'intervalle qui sépare la prise de Tarente de la première guerre punique (AS, DENARIUS, LITRA) ; mais une monnaie d'argent circulait dans toute l'Italie; les Étrusques en avaient à leur usage au moins trois siècles avant, et leurs ouvriers étaient d'une merveilleuse habileté à travailler tous les métaux. Les fouilles ont fait découvrir dans les contrées habitées par eux un très-grand nombre de vases et de fragments qui confirment ce que des écrivains rapportent du luxe de leur vaisselle d'argent. Si les objets faits du même métal furent plus rares à Rome pendant longtemps, ils n'y furent pas cependant inconnus, comme le prouvent les faits mêmes si souvent cités par les écrivains des temps postérieurs pour démontrer la simplicité primitive des Romains : la censure appliquée à celui qui possédait plus de dix livres d'argent fabriqué, et l'exemple de Fabricius, le vainqueur des Samnites, qui n'avait d'autre argenterie que la salière et la patère nécessaires aux sacrifices domestiques. Ces objets au moins ne manquaient guère qu'aux plus pauvres familles. Mais précisément au temps où vivait Fabricius l'argent commença à devenir moins rare à Rome. Le contact avec des peuples plus riches familiarisa les Romains avec le luxe ; puis la conquête mit successivement dans leurs mains les dépouilles des vaincus. Dans leurs triomphes, les généraux étalaient les trésors qu'ils leur avaient enlevés Déjà en 293 av. J.-C., Papirius Cursor avait rapporté, après la guerre contre les Samnites, 1,830 livres d'argent ; en 205, Scipion en rapporta 14,342 de l'Espagne, sans compter l'argent monnayé, et plus de 100,000 de Carthage, quatre ans après. Il est facile de concevoir l'influence que durent avoir, vers la fin de ce siècle, la conquête de la province de Carthagène en Espagne, dont les mines d'argent occupaient, d'après Polybe, quarante mille personnes et produisaient journellement au trésor 25,000 drachmes, et la soumission entière de la Sicile, où se trouvaient les plus admirables modèles de la sculpture en métal. Au siècle suivant, des masses énormes d'argent furent portées à Rome après la conquête de la Macé doine et de la Grèce, de l'Asie Mineure, de la Gaule méridionale et après la défaite de Mithridate. L'usage de l'argenterie s'étendit graduellement et bientôt d'un progrès rapide. Dès la seconde moitié du troisième siècle avant l'ère chrétienne (et ce luxe ne fit que croître par la suite), les maisons riches possédaient une somptueuse argenterie, soit pour le service ordinaire de la table (ministerium, argentum escarium, potorium), soit pour l'étaler sur les dressoirs [ABACUs]; on fit en argent des vases destinés aux usages les plus ordinaires et jusqu'à des ustensiles de cuisine. Pline rapporte* que Pompeius Paullinus, qui commandait en Germanie en l'an 58 ap.J.-C., y avait apporté pour 12,000 livres d'argenterie. La découverte faite en 1868, à Hildesheim en Hanovre, d'un trésor, selon toute apparence, enfoui dans un moment de péril et contenant environ soixante pièces d'argenterie, dont plusieurs d'une grande beauté, est venue confirmer ce que cet écrivain avait dit du luxe dont s'entouraient les généraux romains, même lorsqu'ils faisaient campagne dans ces contrées barbares (Charles Daremberg, Edmond Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines: d'après les textes et les monuments, Volume 1, 1873 - books.google.fr).

Hildesheim est la ville de saint Benno, auquel on attribue un poisson sur une bible, et des fonts baptismaux associant prophètes, vertus, fleuves du paradis et évangélistes (Les Prophètes et la Croix d’Huriel : Prophètes, Vertus, Fleuves du Paradis et Evangélistes, Les Prophètes et Rennes le Château : Le Zodiaque du Cercle des Prophètes).

Le général Fabricius a vaincu les Samnites alliés aux Prétutiens dans la région de Crognaleto près de la chaîne de montagnes du Grand Sasso qui a pu servir de modèle au paysage des Bergers d'Arcadie de Nicolas Poussin (Autour de Rennes le Château : Les Bergers d’Arcadie et le Sceau de Palaja, Autour de Rennes le Château : Les Bergers des Abruzzes : Crognaleto).

Lorsque la monnaie d'argent a commencé à être usitée à Rome, ses dénominations ont été celles de sestertius (2 as 1/2), quinarius (5 as), denarius (10 as). Peu à peu la pièce d'argent est devenue, au moins usuellement, l'unité monétaire, et le mot nummus (pièce de monnaie), après s'être appliqué à l'as, s'est appliqué plus habituellement au sesterce (François Joseph M.T. Nompère de Champagny, Les Césars, 1867 - books.google.fr).

La salière (d'argent ?) concerne bien le côté gauche du retable correspondant à Rennes le Château et donc au denier, au trèfle des jeux de cartes. Le salaire, rémunération monétaire d'un travail, vient bien aussi du mot latin sal, sel (Les Prophètes et Rennes le Château : Les Quatres Reines, histoire et jeu de cartes).

Sel et Padoue (Rennes le Château)

António Vieira (Lisbonne 1608 - Salvador da Bahia 1697), grand prédicateur, est un missionnaire et écrivain jésuite, sans doute la figure intellectuelle la plus extraordinaire de l'époque baroque au Portugal et au Brésil. Originaire de Lisbonne, il part très tôt au Brésil où il entre dans la Compagnie de Jésus à Bahia. Il voulut évangéliser les Indiens, et apprit leurs langues & au point de rédiger des catéchismes en sept langues différentes. La lutte contre les Hollandais au Nord-Est du Brésil le força à "entrer" en politique. En 1641, il est au Portugal et devient un homme de confiance du nouveau roi Jean IV, dont il deviendra le conseiller et le prédicateur attitré. Il voyage en France, en Hollande et à Rome pour des missions officieuses. En 1653, il retourne au Brésil pour son projet d'évangélisation et de protection des Indiens (ainsi que des esclaves Noirs), mais l'administration coloniale le réexpédie en Europe, et l'Inquisition ouvre un long procès qui durera de 1663 à 1667. Il partit ensuite pour Rome précher, puis retourna au Brésil en 1680. Son activité littéraire touche aux domaine les plus divers : éloquence sacrée, politique, apostolat, défense des esclaves et des nouveaux chrétiens, litterature et messianisme. C'est surtout ses 204 sermons que l'on retient, qui restent des oeuvres maîtresses de la langue portugaise, longtemps considérés comme modèles de pureté et d'élégance de style. Au niveau philosophique, ce sont surtout ses textes messianiques qui sont les plus intéressants. Il considère le Portugal comme le peuple élu de la loi de grâce, comme succédant à Israël lorsque celui-ci a démérité. Il projette ainsi que le Portugal régnera sur le cinquième empire du monde, qui doit durer mille ans avant la venue de l'Antéchrist, l'ultime combat et le jugement dernier. Il systématise ses positions dans son Histoire du futur (1647-1664), inachevée, écrite en portugais et s'adressant aux dirigeants du Portugal, ainsi que dans sa Clavis prophetarum, traité rédigé en latin, qui devait convaincre Rome et les théologiens, également inachevée (Raymond Cantel, Prophétisme et messianisme dans l’œuvre d’Antonio Vieira, Paris, Ediciones Hispano-Americanas, 1960) (scholasticon.ish-lyon.cnrs.fr).

Placé sous l'égide du saint patron du Portugal Antoine de Padoue, l'extrait qui suit est tiré du sermon le plus pittoresque de Vieira, qui adopte pour texte le verset de l'Évangile de Matthieu (5,13) : « vous êtes le sel de la terre ». Il fut prêché en 1654 au Maranhão, État du Nord brésilien, peu avant le retour de Vieira au Portugal pour y solliciter l'appui du roi dans l'entreprise qui était la sienne : défendre les Indiens contre les colons portugais et pourfendre l'injustice de de la société coloniale. Même si l'organisation du sermon demeure tout à fait conventionnelle, son caractère spectaculairement concret ne peut que frapper, tout comme l'audace de son dispositif énonciatif : Vieira, jouant sur la représentation traditionnelle d'Antoine de Padoue prêchant aux poissons, feint de se détourner de son auditoire corrompu pour s'adresser, lui aussi, au peuple des mers :

"Si l'Église veut que nous prêchions sur saint Antoine d'après l'Évangile, qu'elle nous donne un autre Évangile !« Vous êtes le sel de la terre », ce texte est bon pour les autres saints Docteurs, mais pour saint Antoine, il est un peu court. Les autres saints Docteurs de l'Église ont été le sel de la terre ; saint Antoine a été le sel de la terre et le sel de la mer." (Anne Régent-Susini, L' Eloquence de la chaire: Les sermons de saint Augustin à nos jours, 2009 - books.google.fr).

Vignette du titre

La vignette du titre de ce chapitre est une photo de la statue du prophète Isaïe réalisé par l'Aleijadinho. Elle fait partie des 12 prophètes placés sur le parvis de l'église du Bom Jésus de Congonhas (Minas Gerais, Brésil).

A 80 kms au sud de Belo Horizonte, il ne faut pas manquer d'aller à Congonhas do Campo pour voir les joyaux du baroque mineiro, visiter la basilique do Nosso Senhor Bom Jésus do Matozinhos, lieu de pèlerinage où son parvis est ornementé des statues hiératiques des prophètes annonçant la venue du Christ (Maurice Onfroy, Le Brésil entre dans l'espérance, 1996 - books.google.fr).

L'église Bom Jesus de Matosinhos fut bâtie sur une colline, le Morro do Maranhão, avec les économies d'un chercheur de diamants très pieu, Feliciano Mendés, pour remercier le Bom Jesus de sa guérison d'une infirmité. Quelques années après sa mort, on pensa à recréer un Sacre Monte sur les pentes de ce sanctuaire dont la réputation avait essaimé dans tout le Brésil. L'église est l'œuvre de l'architecte Francisco Lima Cerqueira et des maîtres maçons Domingos Antonio Dantas et Antonio Rodrigues Falcado, qui la complétèrent en 1773. Cerqueira fut notamment l'auteur des remarquables innovations incorporées à l'architecture de l'église, qui aboutirent à la création d'une école régionale d'architecture spécifique. Elle fut terminée en 1772. Inspiré par les sanctuaires du Bom Jesus do Motosinhos, non loin d'Oporto, et du Bom Jesus de Braga, tous deux au Portugal, le complexe fut terminé en un peu plus de soixante ans de dur labeur. On fit alors appel à l'Aleijadinho, qui, malgré une maladie qui rongeait ses membres passa la fin de sa vie, de 1796 à 1805, à sculpter 76 statues d'un chemin de croix d'une extrême beauté, les ciseaux attachés à ses moignons. Douze de ces statues, en pierre de savon (stéatite), représentent les prophètes et sont disposées à l'entrée de la basilique. Les 64 autres, en bois de cèdre, sont disséminées à travers les 6 chapelles en contrebas (Dominique Auzias, Jean-Paul Labourdette, Rio de Janeiro - Minas Gerais 2013-2014, Petit futé, 2012 - books.google.fr, whc.unesco.org - Congonhas).

Antônio Francisco Lisboa, plus connu sous le surnom de Aleijadinho (né en 1730 ou 1738 à Vila Rica - aujourd'hui Ouro Preto, mort le 18 novembre 1814) est un sculpteur et architecte portugais du Brésil colonial, connu pour son travail sur de nombreuses églises du Brésil. Son style est relié au baroque, et plus précisément au rococo. Atteint par une maladie invalidante, probablement la lèpre, Antonio reçut le surnom sous lequel il est resté connu : o Aleijadinho, littéralement « le petit infirme ». Après cela, il devint de plus en plus secret, travaillant essentiellement de nuit. Lorsqu'il sortait en public, ses esclaves ou assistants le transportaient dans les rues à bord d'un palanquin couvert (fr.wikipedia.org - Aleijadinho).

A son échelle et dans sa perfection, Congonhas dépasserait n’importe quelle autre œuvre réalisée dans la métropole, puisqu’il s’agit du « seul mont sacré qui offre la complète juxtaposition du Nouveau et de l’Ancien Testaments à travers la présence d’un impressionnant contingent de prophètes aux côtés des acteurs de la Passion du Messie, dont les prophètes avaient annoncé la venue ». [...]

Isaïe et Jérémie sont situés sur le seuil du parvis. Isaïe est le premier des grands prophètes à annoncer la venue du Messie, tandis que Jérémie, le deuxième des grands prophètes, considéré comme le prophète de la Passion, fait référence à l’annonce de la captivité et se lamente sur le désastre de Judée et la ruine de Jérusalem. De toute façon, le choix ne suit pas toujours cette logique, parce que les prophètes sont Isaïe, Jérémie, Baruch, Ezéchiel, Daniel, Osée, Jonas, Joël, Amos, Nahum, Abdias et Habaquq, c’est-à-dire, les quatre grands prophètes, sept des petits prophètes et Baruch, le scribe de Jérémie, mélangés dans l’ensemble. Il manquerait Michée et quatre petits prophètes – Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie. [...]

Germain Bazin observe, dans le cas des prophètes, « l’influence » de gravures qui circulaient à l’époque, comme la série d’un graveur anonyme de Florence, « Maestro E.S.», attribuées auparavant à Baccio Baldini. Selon l’analyse de Arthur Hind5, cet artisan, aux environs de vers 1470, a dessiné les prophètes assis, qui rappellent ceux attribués au sculpteur mineiro. Ce sont surtout les barrettes sur la tête des prophètes qui présenteraient une ressemblance évidente avec celles des prophètes de ces gravures du Quatrocentto florentin. [...]

Un argument plus concret en faveur de l’hypothèse présentée par Bazin, selon Taveira, est la « couronne de lauriers » sur la tête du prophète Daniel, au lieu de la mitre, élément que l’on trouve aussi dans les gravures florentines et qui aurait difficilement pu être « inventé » par Aleijadinho. Daniel porte une barrette qui est également semblable à celle que porte le prophète représenté sur la gravure florentine analysée par Bazin (Guiomar de Grammont, Les mystères du sanctuaire de Congonhas, 2011 - acrh.revues.org).

Placement des quatre grands prophètes sur le parvis du Bom Jesus

De gauche à droite : Daniel, Ezéchiel, Jérémie et Isaïe

Les inscriptions sur les statutes de l'Aleijadinho sont pour les quatre grands prophètes :

Daniel : "Spelaeo inclusus (sic rege iubente) leonum Numinis auxilio liberor incolumis", chapitre 6

Le protestant Isaac Briot (1585-1670) grave un Daniel tenant une tablette où est inscrit le même texte que celui d'Aleijadinho (Le Peintre-graveur français: ou catalogue raisonné des estampes gravées par les peintres et les dessinateurs de l'école française, Volume 10, 1868 - books.google.fr).

Jérémie : “Defleo Iudaeae cladem Solymaeque ruinam Ad Dominumque velint, quaeso, redire suum”, chapitre 35

Ezéchiel : "Quatuor in mediis describo animalia flamis horribilesque rotas aethereumque thronum", chapitre l

Isaïe : "Cum Seraphim Dominum celebrassent, a Seraphino Admota est labris, forcipe, pruna meis", chapitre 6 (whc.unesco.org, www.alma-latina-tours.com).