Partie XVII - Le Prieuré de Sion   Prologue   Gémeaux : Fortune et Vertus   
PRIEURE DE SION GEMEAUX SERPENT ROUGE FORTUNE VERTUS

« Rassembler les pierres éparses, oeuvrer de l’équerre et du compas pour les remettre en ordre régulier, chercher la ligne du méridien en allant de l’Orient à l’Occident, puis regardant du Midi au Nord, enfin en tous sens pour obtenir la solution cherchée, faisant station devant les quatorze pierres marquées d’une croix. Le cercle étant l’anneau et couronne, et lui le diadème de cette REINE du Castel. » (Le Serpent rouge : Le voyage de l’âme : Gémeaux).

Dans le secteur nonagonal des Gémeaux, point de méridien de Paris, mais celui de Greenwich. Tablons la-dessus.

L'école de Tours s'enorgueillit du grand Jean Fouquet, enlumineur de Charles VII et de Louis XI, auteur des Antiquités judaïques, des Grandes Chroniques de France, des Heures d'Etienne Chevalier, du Boccace de Munich (Grand Larousse encyclopédique, Volume 7, 1960 - books.google.fr).

Jean Fouquet (né vers 1420 peut-être à Tours (France) et mort entre 1478 et 1481, probablement dans la même ville), est considéré comme l'un des plus grands peintres et enlumineurs de la première Renaissance et le rénovateur de la peinture française du XVe siècle. A partir de 1459, il fut secondé dans son atelier d'enlumineur par un excellent collaborateur, nommé le Maître du Boccace de Munich, dont on suppose qu'il pourrait être un de ses fils, Louis ou François. Ceux-ci prennent sans doute progressivement une place prépondérante dans les manuscrits enluminés de l'artiste à partir de cette époque (fr.wikipedia.org - Jean Fouquet, Le Prieuré de Sion : Prologue : Schidlof, Pétrarque et Darmstadt).

Tours se trouve dans le signe zodiacal nonagonal des Gémeaux et est aligné avec Loches, Mayenne et Bréhal sur un axe du 15 juin.

Tours est la ville épiscopale de saint Martin. Selon certains (P. Pagi), saint Martin fut ordonné évêque de Tours le 15 juin 374, et effectua un épiscopat de 26 ans. Il serait mort en 400 (Maur Dantine, L'art de vérifier les dates des faits historiques, des chartes, des chroniques et autres anciens monumens, 1750, Albert Lecoy de La Marche, Alfred Mame et Cie, Saint Martin, 1881) (Le Calendrier de La Vraie Langue Celtique : 15 juin - Martin - Tours).

A la mort d'Agnès Sorel, éploré, le roi commande deux magnifiques tombeaux de marbre, l’un se trouve à Jumièges dans la Seine-Maritime et contient son cœur, l’autre est à Loches, dans le chœur de la collégiale Saint-Ours (nommée à l'époque Notre-Dame de Loches), et son corps y repose avec la légende :« Cy gist noble dame Agnès de Seurelle, en son vivant dame de Beaulté, de Roquecisière, d'Issoudun et de Vernon-sur-Seine, piteuse envers toute gens et qui largement donnait de ses biens aux églises et aux pauvres ; laquelle trépassa l'an de grâce MCCCCXLIX. Priez Dieu pour le repos de l'âme d'elle. Amen. » Les chanoines de Loches, connaissant les sentiments de haine de l'ancien Dauphin envers Agnès, s'enquirent, quelques mois après la mort de Charles VII et le couronnement de son héritier, pour savoir s'ils pouvaient déplacer son encombrant tombeau de la collégiale. Le roi Louis XI répondit alors non en ancien rival mais en roi de justice. Il dit que le déplacement pouvait assurément se faire, et ajouta avec fermeté, en prenant à partie son entourage : « Mais il leur faut rendre ce qu'elle leur a donné ». À la suite de cet avis à valeur de jugement moral, on ne surprit plus les riches chanoines de Loches à proposer de se débarrasser du tombeau de l'ancienne favorite. Ce tombeau est déplacé dans la nef en 1777 sur ordre de Louis XVI qu'on avait persuadé que sa masse gênait les services religieux. En 1794, après que son tombeau porté au dehors eut été saccagé par les « volontaires » de l'Indre croyant que son gisant est celui d'une sainte, ses restes composés uniquement de dents, de chevelure et d'une tête sont mis dans une urne et déposés dans l'ancien cimetière du chapitre. En 1795 (le 21 prairial an III), un soldat rouvre l'urne, dérobe des dents et cheveux. En 1801, le vase funéraire est retrouvé et remis dans le tombeau restauré en 1806 par le préfet Pomereul qui décide sa mise en place dans la tourelle ou Logis royal. On l'a déplacé en 1970 dans une autre salle du château. Le 2 avril 2005, le tombeau d'Agnès Sorel a réintégré la collégiale Saint-Ours (fr.wikipedia.org - Agnès Sorel).

Jean Fouquet et le compas

La présence de trous de compas sur les pages des manuscrits de Fouquet n'est pas rare et confirme l'emploi d'instruments de tracés pour l'élaboration de ses œuvres. D'autres découvertes foisonnent dans l'étude des oeuvres de Fouquet comme celle de l'emploi de la section d'or par Fouquet prouvée par le dessin, par le calcul (Caroline Blondeau-Morizot, Jean Fouquet, un artiste polyvalent: Entre ars nova et Renaissance italienne, 2014 - books.google.fr).

Jean Fouquet, vers la fin du siècle, dans une composition très originale du manuscrit illustré par lui des Antiquités Juives de Flavius Josèphe, a imaginé dans une page faisant office de frontispice, dans un cadre surmontant la rubrique « Ici commence le livre des anciens temps des Iuifs selon la sentence de Iosephe » : une création en deux temps, avec une étape initiale au ciel, et l'autre au paradis, figuré comme un jardin paradisiaque à l'intérieur d'une muraille sur la terre, elle-même représentée comme une île flottant sur les flots. Au cours de la première étape, Dieu est figuré en buste dans le haut de la plage peinte, équipé d'un compas qu'il tient de la main gauche tandis qu'il bénit de la droite. Il est posté audessus de la voûte du ciel où s'inscrivent les signes du zodiaque, juste audessus du soleil. À ses côtés deux anges agenouillés tenant euxmêmes des instruments, dont une équerre. Juste en dessous, il réapparaît, cette fois en pied, afin de présenter l'un à l'autre Adam et Ève, et de bénir leur union : il est en position de prêtre recevant les consentements des époux et faisant le geste approprié, celui de les prendre l'un et l'autre au poignet pour que se joignent leurs mains droites respectives, tandis que deux anges écartant les pans du manteau de Dieu en font une tente qui évoque le rite toujours actuel d'un mariage à la synagogue. Après le XVe siècle, la figure de Dieu au compas se raréfie brutalement, et il resterait à comprendre pourquoi. Les humanistes, ou bien les Réformateurs, auraient-ils décoché leurs foudres contre elle ? En tout état de cause, le chercheur est bien en peine pour en dénicher des exemples postérieurs aux années 1520 et antérieurs à la toute fin du XVIIIe siècle. Cette observation empirique peut être perçue comme un symptôme de la mise à l'écart de la tradition symbolique et de « l'expatriation de l'ésotérisme » pointée par Jérôme Rousse-Lacordaire (François Boespflug, Dieu au compas: Histoire d'un motif et de ses usages, 2017 - books.google.fr).

L'épitaphe d'Agnès Sorel par Jacques Milet :

Fulgor Apollineus rulilantis, luxque Dianae / Quam jubaris radii clarificare solent / Nunc tegit Ops, et opem negat atrox Iridis arcus, / Dum Furiae primae tela superveniunt. / Nunc elegis dictare decet, planctuque sonoro, / Laetitiam pellat turtureus gemitus. / Libera dum quondam quæ subveniebat egenis. / Ecclesiisque, modo cogitur aegra mori. / O mors saeva nimis, quae jam juvenilibus annis / Abstulit a terris membra serena suis. / Manibus ad tumulum cuncti celebretis honores, / Effundendo preces, quas nisi parca sinit. / Quae titulis decorata fuit, decoratur amictu, / In laudis titulum picta ducissa jacet. / Occubuere simul sensus, species et honestas / Dum decori Agnetis occubuisse datur. / Solas virtutes, meritum, famamque relinquens, / Corpus cum specie mors miseranda rapit. / Praemia sunt mortis luctus, quaerimonia, tellus : / Huic ergo celebres fundite, quaeso, preces (Jean Louis Chalmel, Les antiquités de villes, terres et lieux titrés de la province, par ordre alphabétique. Gouverneurs de Touraine, Tome III, 1828 - books.google.fr, Emile Roy, La vie et les œuvres de Charles Sorel, sieur de Souvigny (1602-1674), 1891 - archive.org).

Saumur près du Méridien (0° 04' 37'' ouest) : Agnès Sorel, reine du Castel

Le triste Charles VII a la quarantaine, un régime canonial — d'un chanoine de stricte observance, les stigmates d'Ennui. Marie d'Anjou, sa seconde femme, celle qui lui donnera quatorze enfants, est pourtant débonnaire et courtoise., Or voici qu'Isabelle de Lorraine, femme du dru et gaillard et vaillant roi René, emmène à Saumur où viendra Charles VII (1443), au nombre des dames d'honneur qu'elle gage, « Agnès Sorelle» (Fernand Desonay, Champion (Pierre). Agnès Sorel, la Dame de Beauté. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 11, fasc. 1-2, 1932 - www.persee.fr).

Alors que toute la cour est à Saumur, c'est là qu'Agnès Sorel est remarquée pour la première fois par Charles VII, en 1444. D'une grande beauté (blonde au teint clair), c'est un idéal féminin de l'époque. Agnès devient rapidement la maîtresse du roi de France par l'entremise de Pierre de Brézé. Elle se retrouve immédiatement promue au rang de première demoiselle d’honneur de la reine de France, Marie d’Anjou. Elle est faite favorite officielle, ce qui est nouveau : depuis l’époque mérovingienne, les rois de France avait eu des maîtresses royales mais celles-ci devaient rester en ombre pour ne pas contrarier les reines (favoritesroyales.canalblog.com).

Le «Château d'Amour», ainsi le roi-poète René d'Anjou appelait le château de Saumur dans son poème Le Cœur d'Amour épris. C'était, en effet, un fort beau château que Louis Ier d'Anjou avait fait reconstruire sur les ruines d'une forteresse à la fin du XIVe siècle. Exactement comme nous le voyons dans les «Très Riches Heures du duc de Berry» avec ses multiples clochetons, ses lucarnes finement sculptées, ses girouettes dorées. René poursuit : "Ce très bel chastel de plaisance était fondé sur une roche d'émeraude, en laquelle il y avait veine de diamants neufs, en foison et si grande quantité qu'on y voit presqu'autant ou plus de diamants que d'émeraudes. Les quatre pans des murs du dit beau chastel étaient de cristal et il y avait à chaque pan, au bout, une grosse tour faite de cailloux de rubis fins et reluissants, dont le moindre était plus gros que tout le corps d'un homme. Et étaient couvertes les dites tours de platine du large de la paume, et le maisonnement d'entre les dites tours était couvert de tuiles d'or fin, gentement émaillées à la devise du Dieu d'Amour: A cœur volage. Et pour plus proprement le donner à entendre, le dit beau chastel était de façon telle comme celui de Saumur en Anjou qui est assis sur la rivière de Loire" (L'officiel des comités d'enterprise et services sociaux, Numéros 267 à 280, 1985 - books.google.fr, Castelli della Loira. Ediz. francese, Casa Editrice Bonechi, 2001 - books.google.fr).

Le cercle

Entre Terrefort et Riou, on voyait autrefois un beau Cromlech, seul monument de ce genre qui existât dans cette contrée. Il était composé de treize Peulvans, dont douze disposés en cercle, et un, beaucoup plus élevé que les autres, placé au milieu. Cet autre monument de la religion des Druides était sur une éminence, dans un lieu éloigné de toute habitation, et environné de bois. On le nommait vulgairement Pierre de Saint-Julien. On n'en trouve plus aucune trace sur les lieux, mais son nom et son emplacement seront toujours conservés par la belle carte du célèbre Cassini, sur laquelle il est marqué par un cercle et un point au centre, figure qui représente la disposition des treize pierres qui formaient ce Cromlech. Voyez la carte de Cassini, numéro 66, feuille 75. Ce Cromlech est placé entre Saumur, Marson, Rou et Bagneux (Jean-François Bodin, Recherches historiques sur la ville de Saumur, ses monumens et ceux de son arrondissement, Tome 1, 1845 - books.google.fr).

Le « beau cromlech » de Bodin se trouvait à Saint-Hilaire-Saint-Florent (0° 06' 04'' ouest) et était « composé de treize peulvans dont douze disposés en cercle et un, beaucoup plus élevé que les autres, placé au milieu ». Actuellement la pièce de terre, dite Butte de St-Julien, sert à la culture intensive de poiriers et ne comporte aucune pierre, mais en continuant le chemin dans les bois sur une trentaine de mètres, on rencontre cinq dalles de grès levées et alignées au bord du chemin sur environ 15 m. La plus haute n'atteint pas 1 m au-dessus du sol. Est-ce une portion du cercle vu par Bodin ? C'est peu probable, car elles sont disposées en ligne droite. Cependant Raimbault, dans sa carte toujours si précise, figure à côté du cercle de pierre avec un point central, un carré tangent à ce cercle. S'il y a vraiment eu deux enceintes tangentes les pierres restantes pourraient être un reste de l'enceinte carrée (Michel Gruet, Charles-Tanguy Le Roux, Mégalithes en Anjou, 1967 - books.google.fr).

Saint-Florent de Saumur est une abbaye bénédictine d'Anjou fondée au XIe siècle à proximité de Saumur. Elle est l'héritière de l'abbaye de Saint-Florent le Vieil ou du Mont-Glonne qui a été abandonnée par ses moines lors des incursions des Vikings (fr.wikipedia.org - Abbaye Saint-Florent de Saumur).

Les abbayes de la Trinité de Vendôme et de Pontlevoy possédaient des cuisines monumentales, circulaire pour la première et octogonale pour la seconde. Seules les abbayes bénédictines du bassin de la Loire moyenne avaient ce type de construction, comme Marmoutiers, Tiron, Saint Florent de Saumur à l'origine de Pontlevoy, Saint Père de Chartres, Bourgueil et bien sûr Fontevrault qui est l'unique exemple encore debout, restauré par l'architecte Magne (Michel Melot, L'abbaye de Fontevrault, LT, 1990, pp. 34-38) (Le Prieuré de Sion : Les axes : Axe du 11 juillet : larmes et lèpre).

Brézé (0° 03' 25'' ouest) est une commune française située dans le département de Maine-et-Loire. La seigneurie dépendait de la famille de Brézé ; puis par succession au début du XIVe siècle, des Maillé-Brézé jusqu'à la femme du Grand Condé ; enfin par achat en 1682, des Dreux-Brézé (fr.wikipedia.org - Brézé).

14 pierres, 14 Vertus

La lutte entre la foi et l'erreur est une adoption alchimique d'un thème de la lutte entre les vertus et les vices telle qu'elle se retrouvera dans l'Aurora où les vertus, dont la foi, constituent les quatorze pierres angulaires de la maison aux trésors bâtie par la sagesse. L'on ne manquera pas dans un chapitre suivant de rapprocher cette scène d'un relief de Notre-Dame de Paris dont on sait qu'elle suscita des interprétations hermétiques quelques siècles avant Fulcanelli. Le codex de Vienne, traduction de textes contemporains de cette église, pourrait apporter des arguments à ceux qui sont convaincus qu'un message hermétique est inscrit dans ses sculptures (Jacques Lennep, Alchimie: contribution à l'histoire de l'art alchimique, Crédit communal de Belgique, 1985 - books.google.fr).

Elle a bâti sa maison, la Sagesse, qui y entrera sera sauvé, il y trouvera sa pâture. [...] la décoration de cette maison ne peut être décrite : ses vestibules, ses murs sont d’or le plus pur, ses portails resplendissent des perles, des gemmes les plus précieuses, la maison a quatorze pierres d’angle, qui désignent les quatorze vertus qui assurent ses fondations : santé, humilité, sainteté, chasteté, énergie, la victoire, foi, espérance, charité, bonté (bienveillance), patience, équilibre, discipline spirituelle (intelligence), obéissance (logedermott.over-blog.com - L'aurore à son lever, Réjane Blanc, La quête alchimique dans l'œuvre d'Aloysius Bertrand, 1986 - books.google.fr).

La fondation d'une église en Arménie fait l'objet d'un rituel qui comprend notamment la bénédiction de quatorze pierres symbolisant les douze apôtres, saint Paul et Grégoire l'Illuminateur; la consécration, apanage de l'évêque, du patriarche et du catholicos, inclut des offrandes d'encens et des onctions de muron en particulier sur l'autel (Krikor Beledian, Les Arméniens, 1994 - books.google.fr).

L'Aurora consurgens (littéralement l'aube naissante) est un traité d'alchimie en latin médiéval autrefois attribué à Thomas d'Aquin, enluminé de 37 miniatures à l'aquarelle. Le plus ancien manuscrit (Zürich Zentralbibliothek MS. Rhenoviensis 172), incomplet, date de vers 1420. Une version complète date d'environ 1450 (Prague, Universitni Knihovna, MS. VI. Fd. 26). Le texte est en grande partie1 un commentaire d'un traité arabe Xe siècle, la Tabula Chemica de Senior Zadith Filius Hamuel (ou Senior Zadith, ou encore simplement Senior), c'est-à-dire l'alchimiste arabe Ibn Umail. Une mauvaise traduction latine en avait été faite dès le XIIe ou le XIIe siècle. Ce texte est la description (ekphrasis) des fresques de la chambre souterraine d'une pyramide, dans laquelle une table de marbre ou d'émeraude, gravé de symboles supposés hiéroglyphiques, reposant sur les genoux d'Hermès Trismégiste, le fondateur mythique de l'alchimie. Les illustrations ont été ensuite rajoutées pour illustrer le texte dans sa version de l' Aurora consurgens. Selon la Tabula chemica, les pictogrammes furent copiés, ce qui garantit l'intégrité et la véracité de l'enseignement d'Hermès. L'Aurora consurgens est donc l'expression visuelle du mythe, important à la Renaissance, de la redécouverte du savoir antique - la transmission de ce savoir, d'origine divine, sous forme de pictogrammes hiéroglyphiques lui permet d'échapper aux déformations de l'interprétation humaine et verbale (fr.wikipedia.org - Aurora consurgens).

La raison, "logos", a un double rôle à remplir chez l'homme : 1° dominer les passions et 2° déployer son activité propre d'une manière adéquate. Il en résulte donc deux catégories de « vertus » : les vertus pratiques ou éthiques et les vertus intellectuelles ou dianoétiques. Aristote définit la vertu "arerè" comme l'habitude qui rend l'homme bon et par le moyen de laquelle il exécutera bien sa fonction essentielle. Le bonheur parfait consiste donc dans l'action de la raison conformément à la vertu qui lui est propre. A cette vie vertueuse, conforme à la raison, s'ajoute comme but secondaire le plaisir, qui est semblable à la fleur de la jeunesse et à la grâce qui s'ajoutent à la beauté. Aristote admet la liberté de la volonté. Il dépend de nous d'être bons ou mauvais. Mais l'habitude créée par la répétition des actions vertueuses joue un grand rôle pour faire naître dans l'homme une disposition constante et une inclination aux actions vertueuses. C'est pourquoi, Aristote appelle la vertu une "exis", habitus. Passons maintenant aux deux catégories de vertus, que nous avons déterminées comme constituant la double fonction essentielle de l'homme en tant qu'être raisonnable : les vertus éthiques et les vertus dianoétiques. Aristote définit, dans 'Éthique à Nicomaque, les vertus éthiques de la façon suivante : Elles sont l'habitude de choisir le milieu déterminé par la raison par rapport à nous, ainsi que le déterminerait l'homme prudent. Le rôle de la vertu c'est de choisir la voie du milieu entre l'exagération et le manque. La vertu c'est le milieu entre deux vices. L'Éthique à Nicomaque, l'Ethique à Eudème énumèrent et étudient ces vertus en les plaçant entre les deux vices qui leur correspondent. Nous n'insisterons pas là-dessus, puisque nous ne nous proposons pas de traiter de la morale aristotélicienne en particulier. Passons maintenant à la deuxième classe des vertus, dianoétiques ou intellectuelles. Elles sont de deux sortes: 1. celles qui concernent les choses qui n'admettent pas de changement : à sa voir, la science et la raison. La science c'est l'habitude de la démonstration. La raison se réfère aux principes du cognoscible. Ces deux vertus constituent la sagesse. 2. La deuxième sorte de vertus dianoétiques concerne les choses qui admettent le changement: à savoir, l'art et la prudence. L'art est orienté vers la fabrication, la prudence vers l'action. L'art c'est « l'habitude de fabriquer accompagnée par la raison véritable». La prudence c'est «l'habitude véritable d'agir rationnellement concernant des biens et des maux qui regardent l'homme ». L'activité suprême qui octroie à l'homme le plus grand bonheur c'est la vie contemplative. Puisque la raison ("nous") constitue l'élément divin chez l'homme, une telle vie rapproche l'homme plus que tout de la divinité. [...]

Dans Ethique à Eudème II 3, p. 1220 b 38 sqq. on trouve aussi un tableau de quatorze vertus avec les vices qui leur correspondent (Aram M. Frenkian, La notion d'aretè et l'éthique d'Aristote, Helikon: rivista di tradizione e cultura classica, Volume 1, 1961 - books.google.fr).

Dans ses premiers traités, Aristote, étudiant à l'Académie, se montre platonicien. Vers 354, sept ans après son entrée à l'École, il publie Eudème, dialogue dédié à la mémoire de son condisciple, Eudème de Chypre, et qui fait l'éloge du philosophe-roi, incarné dans Dion de Syracuse (Ivan Gobry, La philosophie pratique d'Aristote, 1995).

En l'honneur de son ami, Aristote écrivit ce dialogue de consolation qui a pour thème l'immortalité de l'âme. Cicéron relate assez longuement cette affaire et sa signification : « Quoi, ce génie exceptionnel et presque divin se trompe-t-il ou veut-il tromper les autres quand il raconte ce fait : son ami Eudème, Cypriote, en voyage en Macédoine, passa par Phères, ville de Thessalie alors célèbre, mais opprimée par un cruel tyran du nom d'Alexandre. Or, dans cette ville, Eudème tomba si gravement malade que tous les médecins perdaient espoir. C'est alors que lui apparut dans son sommeil un beau jeune homme lui annonçant sa convalescence prochaine, la mort du tyran Alexandre d'ici peu de jours, et pour lui, Eudème, le retour à la maison cinq ans après. Les premières prophéties se réalisèrent aussitôt, écrit Aristote, convalescence d'Eudème et assassinat du tyran par ses beaux-frères. Mais, à la fin de la cinquième année, alors qu'il espérait, en vertu du songe, quitter la Sicile pour rentrer à Chypre, Eudème fut tué au combat. De ce fait l'interprétation du songe devenait la suivante : c'est quand l'âme d'Eudème sortit de son corps qu'il parut retourner à la maison » (R. 1 a « de divinatione », 1, 25, 53). Cet écrit, comme le sous-titre : "peri psukhès" l'indique nettement, est une étude sur l'âme. Aussi Nuyens y voit là, à juste titre, le témoin d'une psychologie strictement platonicienne et dualiste. Proclus, néoplatonicien du Ve siècle, auteur de nombreux commentaires (in Remp. 2, 349, 13-26, fragment R 5) en apporte un témoignage non équivoque : « La vie sans le corps est pour l'âme un état naturel et, par là, assimilable à la santé, la vie dans le corps est contre nature et fait songer à la maladie ». (Robert Brachet, L'Âme religieuse du jeune Aristote, 1990).

Le chemin de croix comporte quatorze stations (La Croix d’Huriel et l’alchimie : Triple correspondance : chemin de croix, oeuvres alchimiques et voyage de l’âme).

Andrea di Bonaiuto, Triomphe de saint Thomas d’Aquin, Eglise Santa Maria Novella, Florence, 1365-67 - iqbal.hypotheses.org

Là, comme un peu partout, hélas ! d'inutiles restaurations ont sévi. Toutefois, l'ordonnance générale de la fresque a été respectée, et rien n'a pu altérer la suave coloration, blanche et rose, de ce magnifique ensemble. Ici, triomphe saint Thomas d'Aquin [au-dessous duquel], se tiennent, en posture humiliée, les hérésiarques et les faux docteurs, Arius, Sabellius, Averroès. Du haut de leurs stèles ouvragées, les quatorze vertus spirituelles sourient aux esprits inspirés qui annoncèrent l'ère de vérité. Docte compagnie, où le caprice du sermonnaire a rassemblé : Altas, Tubalcaïn, Abraham, Euclide, Zénon, Cicéron, Augustin, Boëce, Justinien, Pierre Lombard, Clément (Santa Maria Novella, Journal de l'Université des annales, Tome 1, N° 13, 1913 - books.google.fr, Jean-Marc Goglin, Le « Triomphe de Thomas d’Aquin » de Bonaïuto, 2017 - bulletintheologique.wordpress.com).

Vertus et miniatures

Ces manuscrits sont nombreux et on y reconnaît la collaboration avec d'autres enlumineurs plus ou moins personnels. On y déchiffre la formation de Maître François à la suite du Maître de Jean Rolin. Mais il s'éloigne de l'art de celui-ci de plus en plus nettement par sa vision de formes et par sa composition de la page. Ce qui frappe d'emblée lorsqu'on compare ses oeuvres avec les meilleures miniatures du Maître de Jean Rolin, celles de l'Horloge de Sapience, c'est la vigueur des personnages, la clarté de leurs groupes, la forte ordonnance de la page. Quel que soit le nombre de figures — et ce sont de denses foules de saints qui peuplent le ciel ou des cohues de damnés et de démons dans l'enfer — une discrète ordonnance les organise. Les saints s'échelonnent en rangées superposées. Les damnés et les diables sont placés soit sur des plateformes rocheuses superposées, soit, de façon plus originale, étagés verticalement en deux colonnes séparées par un vide que dominent des diables énormes. Toutes ces compositions sont empreintes d'un esprit monumental (si frappant dans la construction de la Tour de Babel, même celles qui, à l'imitation du Maître de Jean Rolin, sont disposées en plusieurs compartiments et registres horizontaux. Les drapés sont cassés anguleusement avec une rigueur systématique chez le Maître de Jean Rolin. On en trouve dont la chute parallèle et tranquille fait penser à l'influence de Fouquet (Fig. 185 registre supérieur). Les ombres portées sont plus accusées que chez le Maître de Jean Rolin, sans pour autant intégrer les formes qui les projettent à l'espace ambiant. C'est que François est à peine plus avancé que son maître dans la structure correcte de la perspective, elle n'est qu'apparente dès qu'on essaie de la vérifier, qu'il s'agisse du tracé du sol, des parois ou des éléments d'un meuble. Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, était probablement le client le plus fidèle de Maître François. Parmi les nombreuses commandes qu'il lui passa, il affectionnait un recueil de divers textes que nous citons sous le nom de Compendion historial et que lui appelait «le Mignon». Plusieurs de ces textes étaient tirés de Tite-Live mais on y trouvait aussi Le livre des quatre Vertus cardinales. Nemours en possédait deux exemplaires, un de petit format (Genève, Bibliothèque Publique et Universitaire, ms. fr. 79) et un autre beaucoup plus grand (Paris, B. N., fr. 9186, Fig. 194). Plusieurs années paraissent séparer l'exécution de l'illustration de ces deux livres par Maître François. Car il suffit de comparer les Vertus cardinales de Genève et celles de Paris pour constater un grand écart dans leur style. Les naïfs attributs restent les mêmes, la Prudence tient un miroir tout en foulant aux pieds les emblèmes d'argent de la Fortune. La Justice tient deux épées mais observe attentivement le mouvement de la balance. La Force étreint un dragon qui s'est échappé d'une tour. La Tempérance tient un mors aux dents et empêche le moulin de tourner trop vite. Mais le rapport entre ces figures et les intérieurs qui les abritent est très différent. Dans le manuscrit de Genève, la perspective est moins précise et les meubles sont dessinés frontalement, alors que, dans le grand exemplaire parisien, tout est plus solide et plus raffiné: les intérieurs sont plus profonds, les meubles raccourcis de biais. Mais, surtout, des inscriptions encadrées sont maintenant suspendues au-dessus des Vertus. Elles sont accrochées à l'aide d'un oeillet à l'arcade du premier plan. Ce sont des repoussoirs d'un puissant effet de trompe-l'oeil. Or ce procédé, identique (avec un cadre muni d'un oeillet) a été inauguré, au milieu des années 1450, par Jean Fouquet (voir les Heures d'Etienne Chevalier, Sterling-Schaefer, 1971, pl. coul. XXXIII, XXXVI, XXXVIII) et magistralement réalisé, en 1465, par son excellent disciple qu'on appelle maintenant le Maître de Charles de France (le frère cadet de Louis XI) qui travaillait à Mehun-sur-Yèvre et dans le Berry. Si le Maître François signalé en 1473 à la cour de Charles du Maine est l'enlumineur du même nom de la Cité de Dieu peinte pour Charles de Gaucourt entre 1469 et l'été de 1473, l'apparition de cet effet de trompe-l'oeil est un argument de grand poids en faveur de leur identité (Charles Sterling, La Peinture Mediévale à Paris, 1990 - books.google.fr, La Vraie Langue Celtique de l’abbé Henri Boudet : Présentation : La Vraie Langue Celtique et les Armagnacs).

Le compendium historial de Jacques d'Armagnac, duc de Nemours (Paris, Bibl. nat., ms. fr. 9186). Que sait-on en effet du manuscrit français 9186 de la Bibliothèque nationale, plus longuement utilisé par Emile Mâle dans son étude des représentations des Vertus dans la deuxième moitié du XVe siècle ? Ce recueil de grand luxe, consacré à l'Histoire romaine d'après Tite-Live, Sénèque et Cicéron, et connu sous le nom de Compendium historial, contient d'abord l'Abrégé et effect des trois decades de Titus-Livius (fol. 1 à 133) ; le Compendium historial (qu'Henri Romain acheva avant 1467, une histoire universelle qui constitue en fait un abrégé de la Cité de Dieu de saint Augustin, selon la traduction que Raoul de Presles en fit pour Charles V, avec des éléments tirés d'autres sources ) (fol. 134 à 303) avec notamment deux grandes miniatures reproduisant l'Enfer (fol. 252 r.) ; le Livre de Sénèque des quatre vertus cardinales (fol. 304 r. — 311 v.) et le De senectute de Cicéron (fol. 312 r. — 322 v.). C'est au feuillet 304 recto que se trouve la fameuse représentation frontispice des quatre Vertus cardinales-reproduites et étudiées par Emile Mâle — qui annoncent « Le livre de Sénèque des quatre vertus cardinales, translaté en françois, à Paris, l'an 1403, par feu maistre Jehan Courtecuisse, docteur en théologie, et arcevesque de Vienne ». Le manuscrit a été exécuté pour Jacques d'Armagnac (1433-1477), duc de Nemours, comme l'atteste la présence de ses armoiries sur trois feuillets, sa devise « Fortune d'amis » (dispersée dans le livre sous forme de lettres éparses) et surtout l'inscription ex-libris du dernier feuillet (fol. 332 r.) : « Ce livre du Compendion ystorial dit le Mignon, est au duc de Nemours, comte de la Marche. Pour Carlat. Jacques ». Il était donc réservé pour son château de Carlat (Cantal, cant. de Vic-sur-Cère) où Jacques d'Armagnac avait fixé sa résidence principale depuis 1466. Avant sa décapitation à Paris le 4 août 1477, une partie de ses biens fut confisquée par Louis XI (arrêt du 10 juillet 1477) ou dispersée (41) : c'est ainsi que l'actuel manuscrit français 9186 passa entre les mains de Tanneguy du Châtel, conseiller et chambellan du roi, qui fit le siège devant son château de Carlat en février 1476. On est assez bien renseigné sur la vie de Jacques d'Armagnac (1433-1477), comte de la Marche et duc de Nemours qui épousa Louise d'Anjou en 1462, dont il eut six enfants. Fils de Bernard d'Armagnac (comte de Pardiac, de la Marche et de Castres, vicomte de Carlat et de Murat) et d'Eléonore de Bourbon, petit-fils du connétable Bernard VII d'Armagnac (vers 1364-1418) et de Bonne de Berry (1367-1435), Jacques d'Armagnac descendait donc en ligne directe du fameux duc Jean de Berry (1340-1416) dont il hérita le goût pour les manuscrits à peintures. Confirmé duc de Nemours par Louis XI dès son avènement en 1461 et nommé gouverneur de Paris en 1465, Jacques dut avoir l'occasion d'apprécier dans la capitale le mérite de plusieurs enlumineurs, dont celui de Maître François qui enlumina pour lui plusieurs manuscrits à peintures, en particulier l'exemplaire de luxe du Compendium historial décrit plus haut. Depuis 1898 — et après la grande étude (1892) du comte Paul Durrieu qui avait d'abord proposé de regrouper, à tort, l'œuvre de cet enlumineur autour du nom de Jacques de Besançon — l'on s'accorde à attribuer ces peintures à un certain « Maître François », identifié par L. Thuasne avec un fils de Jean Fouquet (Tours, vers 1420 — vers 1480) qui portait ce prénom et était peintre comme son père. Même si cela n'est pas impossible, beaucoup de spécialistes de l'enluminure médiévale, comme Paul Durrieu ou Jean Porcher, préférèrent encore parler de « Maître François » pour cet enlumineur formé dans le milieu de Fouquet et actif, selon Durrieu, entre les années 1466 et 1498 environ. L'atelier de cet excellent technicien, installé à Paris, travailla pour les grands personnages et bibliophiles de son temps : Jacques d'Armagnac, bien sûr, mais aussi Charles VIII, Louis XII et Anne de Bretagne. Pour nous il a surtout l'intérêt de faire partie du milieu de Jean Fouquet et ses ouvrages les plus utiles à cet égard sont ceux où sa collaboration est manifeste soit avec le maître lui-même ou un artiste qui le touche de bien près, comme dans les heures d'Anne de Baudricourt, soit avec un autre peintre de talent, comme c'est le cas pour le livre de prières dit de Marie Stuart, Bibl. nat., ms. lat. 1405. » (Jean Porcher, (L'enluminure sous Charles VII et Louis XI », dans Les manuscrits à peintures du XIIIe au XVIe siècle, p. 117-118) (Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire & scientifique du Gers, Volume 90, 1989 - books.google.fr, Isabelle Delaunay, L'Enluminure en France au temps de Jean Fouquet, 2003 - books.google.fr, La Croix d’Huriel et Rennes le Château : Une poussée de mérovinginite : Jacques d’Armagnac et les Cacapétiens).

Pierres et Vertus : Gazes et Gaza

Staurophile. Mais je vous conjure, ô très-excellent Architecte ! de m'enfeigner comment je dois ordonner la fabrique de ce Temple.

J. C. Je le veux ; mais ce fera en peu de mots, prends bien garde à chaque parole que je dirai. Il faut premiérement jeter le fondement, qui est la foi, sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu; Eleve-moi ensuite sur ce fondement un beau & excellent édifice. Ajoutes-y la pierre de l'obéissance, que la vertu de patience y mette une autre pierre, tout autant de vertus que tu y emploiras ensuite , feront comme autant de pierres. Que la Charité joigne un mur à l'autre : L'humilité est le ciment sans laquelle toutes les autres vertus ne sont pas en effet des vertus. La crainte de Dieu fera le toît, la Prudence servira de balustre fait en forme de Couronne qui doit être au dessus du toît, comme il était commande dans la Loi, de peur que les enfants ne se laissent tomber. Ton industrie conduira tout ce bâtiment, afin de la mettre en état d'y recevoir le S. Esprit pour y établir sa demeure.

Staurophile. Je remarque dans ce petit abregé, qu'il y a quantité de vertus nécessaires, dont chacune contient beaucoup de difficultés. Or comment les pourrai-je acquérir? J. C. Que veux-tu ? un logis ne se bâtit pas d'une seule pierre: ainsi plusieurs, même toutes les vertus, sans exception d'aucune, doivent concourir à cette fabrique spirituelle ; mais il les faut demander et les attendre du Seigneur des vertus, qui les donne à tous en abondance, & n'en fait jamais aucun reproche (Benedictus Van Haeften, Le chemin royal de la croix (Regia via Crucis, 1635), traduit par le R.P. Didac, 1676 - books.google.fr).

Benoît van Haeften (1588 - 31 juillet 1648) est un prévôt de l'abbaye d'Affligem et un auteur d'écrits religieux. C'est lui qui chargea Rubens et De Crayer de décorer l'église et le monastère à Affligem (fr.wikipedia.org - Benoît van Haeften).

Celuy qui se veut construire une maison, dans laquelle il puisse se retirer, doit la bâtir de telle forte, qu'elle ait tout ce qui peut contribuer à son integrité, & à son affermissement. La premiere chose qu'il doit faire , est de poser un fondement : Et ce fondement est la foy, sans laquelle il est impossible, selon ce que dit l'Apôtre, de se rendre agréable à Dieu. Il faut ensuite élever un édifice, qui ait du rapport à un fondement si solide & si saint, par la pratique de toutes les vertus. S'il se rencontre une occasion de pratiquer l'obéissance, il faut mettre cette vertu comme une pierre de cét édifice: Si un frere s'est aigri & fâché contre nous, la patience que nous conserverons à son égard en sera une autre pierre : Si nous nous trouvons attaquez par l'intemperance, la mortification que nous garderons alors, en sera encore une autre. C'est ainsi que nous poserons à ce bâtiment autant de pierres qu'il s'offrira d'occasions de pratiquer les vertus, & que nous l'éleverons de tous les côtez, tantôt par la charité que nous aurons pour nos freres, tantôt par la destruction de nostre volonté, tantôt par la douceur, & généralement par l'exercice de toutes les autres vertus semblables. Mais avant toutes choies on a besoin de patience, de force & de courage. Car ces vertus sont comme les pierres angulaires, & c'est par elles que toutes les parties de l'édifice se lient & s'entretiennent, & que les murailles s'unifient & se joignent ensemble, sans qu'elles puissent jamais, ni tomber, ni se separer les unes d'avec les autres ; Et ces vertus sont tellement necessaires, que sans elles il n'est pas possible d'en acquerir une seule dans sa perfection; car on ne peut ni rien souffrir, ni garder la patience, si l'ame n'est forte & genereuse, & sans la patience on ne pourra jamais faire aucun bien. C'est pourquoy Jesus-Christ dit à ses Disciples, vous possederez vos ames par la patience (Luc 21,19) (Dorothée de Gaza, Les instructions de Saint Dorothée pere de l'Eglise greque, traduit par Armand Jean Le Bouthillier de Rancé, 1686 - books.google.fr).

Dorothée de Gaza ou Dorothée l'Archimandrite, moine en Palestine vers 560, est un saint des premiers temps de l'Église. Il est fêté le 13 août pour l'Église de Jérusalem et l'Église de Grèce et aussi en Occident le 5 juin selon le calendrier grégorien, et le 5 juin pour l'Église orthodoxe russe selon le calendrier julien (fr.wikipedia.org - Dorothée de Gaza).

La Vierge, modèle des Vertus (XVe siècle) est un tableau de la salle des tableaux médiévaux du Musée chrétien du Vatican (au XIXème siècle). Voilée de gaze et vêtue d’un manteau bleu, la Vierge tient en main la ceinture qui lie sa robe et le livredans lequel elle médite. Le Saint Esprit plane sur sa tête et verse sur elle les rayons de sa grâce. Autour d’elle se groupent les Vertus, dont elle fut le plus parfait modèle. Ces Vertus, portées sur les nuages, sont nimbées d’un nimbe hexagone, dont les rayons débordent sur les pans. A droite on voit la Foi, toilée, la croix et une banderole en main, parce qu’elle croit sans voir et que la source de sa croyance est dans l’instrument de suplice du Sauveur et les Saintes Ecritures; la Charité, qui brûle comme la flamme qu’elle tient et est inépuisable comme la corne d’abondance qu’elle répand; l'Esperance, qui tend vers le ciel des mains suppliantes; la Prudence, dont la double face, l’une regardant le passé et l’autre l’avenir, imite le cauteleux serpent dont elle fait son emblême; à gauche se montrent l’Humilité, voilèe et tenant un cierge allumé; la Force, nommée FORTEC, appuyée sur une colonne, habillée d‘un manteau bleu, parce que le secours qui l'assiste vient du ciel et lui a valu la victoire sur le lion dont la fourrure orne sa tête; la Tempérance, voilée et portant une coupe; la Justice pesant avec ses balances les actions bonnes et mauvaises et égorgeant avec son glaive le démon, auteur du mal (Xavier Barbier de Montault, La Bibliothèque Vaticane et ses annexes: le Musée chrétien, la Salle du moyen âge, les Chambres Borgia, etc., 2013 - books.google.fr).

Nous tenons là une définition canonique de l'allégorie: «Elle se reconnaît aisément au voile de gaze qui l'enveloppe, tout en la laissant facilement apercevoir», nous dit Noël, et Lemierre affirme que cette figure: « habite un palais diaphane.» (Pascal Griener, L'esthétique de la traduction: Winckelmann, les langues et l'histoire de l'art, 1755-1784, 1998 - books.google.fr, Eugène de Seyn, Iconologie, 1949 - books.google.fr, François Noël, Dictionnaire de la Fable ou Mythologie, Tome I, 1803 - books.google.fr, Honoré Lacombe de Prezel, Dictionnaire iconologique, ou Introduction à la connaissance des peintures, sculptures, médailles, estampes, etc., avec des descriptions tirées des poètes anciens et modernes, 1756 - books.google.fr).

La gaze est une étoffe légère, ajourée et transparente, faite de fil de coton, lin, laine ou soie, quelquefois d’or ou d’argent. Le mot apparaît chez Ronsard (1554). Son nom proviendrait de son lieu de fabrication originelle : la ville de Gaza en Palestine. Importée depuis la fin du Moyen Âge, elle est tissée en France (Lyon et Paris). Elle connaît une grande vogue aux XVIIIe et XIXe siècles. En textile la gaze est un tissu qui se caractérise par un tissage de fils écartés. Elle s'emploie principalement dans l'habillement (voiles, écharpes, cols, robes) et l'ameublement (rideaux, moustiquaires) (fr.wikipedia.org - Gaze).

Il ne nous reste d'Agnès Sorel qu'un buste et quelques portraits. Le plus célèbre est le diptyque de N.D. de Melun actuellement au musée d'Anvers, en Belgique, et qui représente Agnès sous les apparences de la Vierge Marie. Le tableau est peint àl'huile et sur bois ; Jean Fouquet en est l'auteur ; il l'avait achevé en 1450, l'année même de la mort d'Agnès. Sur le premier volet, la maîtresse de Charles VII apparaît deminue, corset entr'ouvert, et le sein gauche libre. Elle baisse modestement les yeux, et, sous un voile de gaze, sa chevelure dénouée tombe par derrière en flot d'or. La taille est d'une finesse remarquable (Robert Duquesne, Agnès Sorel: "La Dame de Beaulté", 2014 - books.google.fr).

Très jeune, Jacques Cœur gérera un des douze changes de la ville. Son entrée dans le monde des affaires se fera avec l'aide de l'épouse de Lambert de Léodepart, celle-ci ayant été mariée avec un maître des monnaies de Bourges. Il commencera un travail de change place Gordaine avec ses associés, Godard et Ravant le Danois. Bientôt il sera inquiété pour " falsification " dans les titres des monnaies frappées. Il s'en sortira plutôt bien, le roi Charles VII signant une lettre de rémission, alors qu'il aurait pu être envoyé dans une basse fosse ou sur une galère. Jacques Cœur devient un commerçant à une échelle beaucoup plus ample que ses concurrents français de l'époque. Il rêve sans doute de rivaliser avec les Médicis de Florence ou les marchands de Gênes ou de Venise. Son premier voyage dans les pays du Levant se déroule en 1432, on ne sait pas ce qu'il a ramené, sinon une stratégie d'approche de ce commerce. Le retour sera délicat, il fera naufrage au large de Calvi, fait prisonnier, et rendu contre une rançon assez faible, ce qui signifie qu'à cette époque il n'était pas considéré comme un personnage important. Il fait construire des navires sur le modèle des bateaux génois, après en avoir copié un qu'il avait acheté... ce qui lui vaudra quelques ennuis. Marchand mais aussi banquier, armateur, industriel, maître de mines dans le Forez, il est le contemporain de Jeanne d'Arc, qui habitera Bourges en 1429, de Gilles de Rais, et le confident d'Agnès Sorel. Ne dit-on pas que Perrette, la fille de Jacques Cœur accueillait dans son château, les amours de Charles VII et de la belle Agnès. Il conçoit des routes, installe des comptoirs pour faire " commerce avec les infidèles ", créa une flotte de navires, ses galées, et le négoce avec le Levant devint plus que prospère (Les Valois III, 2006 - goudouly.over-blog.com).

La plupart des grandes dames de la cour portaient le haut hennin, mais si artistement voilé de fines gazes, piquetées d'or ou d'argent — cette gaze, par l'universel Jacques Cœur rapportée de Gaza en Palestine — qu'il semble que les têtes se meuvent sous des semis d'étoiles (Gabriel Boissy, Les deux amours d'Agnès Sorel: chronique des dames du XVe siècle, 1947 - books.google.fr).

En quelque ordre qu'il s'exprime, le mythe est langage avant toute interprétation et il n'est de langage qu'allégorique, l'abstraction ne formulant qu'un discours vide. Ainsi se trouve-t-on renvoyé aux lois de la pensée, à cette infirmité qui l'oblige à recourir aux images pour entrer en exercice, aussi bien que pour s'extérioriser dans le discours. Penser, c'est d'abord imaginer et c'est pourquoi reste posée la question du discours véridique ouverte par le Phèdre. Un bon exemple de ces règles grammaticales de l'imaginaire est celui que fournit l'idée de proportion. On peut conclure quant à une grandeur inconnue si l'on sait qu'elle est avec une grandeur connue dans un rapport identique à celui que l'expérience sensible perçoit entre cette dernière et une autre également connue (Voir Pierre-Maxime Schuhl, la Fabulation platonicienne). Utilisation probable d'un procédé de démonstration bien connu des physiciens d'Ionie : il est permis « de se représenter d'après des processus visibles les processus invisibles pris pour quatrième terme d'une proportion ». C'est à cette méthode qu'obéissent d'innombrables allégories dont la leçon reste finalement en blanc, conformément aux principes de la pédagogie platonicienne : mais cette règle du savoir n'en orgamse pas moins un monde où règne la proportion. Les sept couches concentriques qui constituent le plérôme des gnostiques deviendront, grâce à cet instrument, explorables. Des rapports conclus sur le vif entre la première et la seconde, qui sont accessibles, on peut inférer les rapports entre seconde et troisième. Un schème de récurrence permet, de proche en proche, de concevoir sous leurs traits propres les réalités qui se situent à l'étage de rang n, lequel reste inaccessible à l'expérience directe, d'après les faits correspondants du rez-de-chaussée. Ainsi se répondent le Macroprosope et le Microprosope des kabbalistes, le macrocosme et le microcosme des hermétistes, en des doctrines qui exercent l'ingéniosité des investigateurs sur l'essentielle difficulté qui consiste à définir les moyens termes : il faut qu'ils appartiennent au monde d'en bas pour former une proposition certaine et au monde immédiatement supérieur pour qu'une réitération de la même opération à partir du produit précédent produise le même saut qualitatif. Le signe d'égalité a une portée des plus variables : similitude, analogie, allégorie en sont des modalités également affirmatives, mais le terme qui fournit le dénominateur du premier rapport en même temps que le numérateur du second joue un rôle constant. Le plus connu des mythes de Platon, celui de la caverne, obéit au schème de la proportion. Entre les ombres projetées sur les parois et les objets qui restent invisibles pour les prisonniers, le rapport est le même que de ces objets, visibles dès qu'on est sorti de la caverne, aux idées invisibles dont ils sont comme l'ombre projetée dans le monde des apparences. C'est cette égalité de rapport qui fonde la connaissance ; c'est cette similitude, dont le premier mot est le mythe, qui justifie le discours, lequel est nécessairement imagé puisque les idées ne sont accessibles qu'à travers les formes où elles se manifestent dans notre expérience sensible. Il y a mythe dès que ces apparences sont proposées comme premier rapport d'une proportion, le second serait-il inconnu provisoirement, ou offrirait-il matière à discussion, ou se déroberait-il dans l'inconnaissable. On a rapproché avec beaucoup de perspicacité le mythe de la caverne des théâtres d'ombres orientaux qui se sont survécus jusqu'à nos jours dans les ombres chinoises et le Wayang javanais. Reste encore sans réponse la question historique d'une transmission effective, de l'Extrême-Orient jusque dans la Grèce classique, des mêmes artifices de théâtre : quoi qu'il en soit, le monde de Platon est identique au monde du théâtre en ce sens que chaque être et chaque forme y est à la fois fiction et vérité, suspendu sur une chaîne de similitudes dont les anneaux sont mythe ou sont moralité suivant qu'on examine leur corrélation avec ce qui les suit ou ce qui les précède. De cette fiction à cette vérité la distance est matérialisée dans le théâtre oriental par un léger rideau de gaze, symbolique de la séparation entre le sacré et le profane et souvenir peut-être de l'écran où était projetée la scène fictive des marionnettes antiques. La croyance devant la fiction se mesure à l'émotion qui, dit-on, passe ou non la rampe : elle cohabite avec la certitude qu'il y a fiction, que la vie quotidienne est d'une autre étoffe (Vincent Bounoure, Le surréalisme et les arts sauvages, 2001 - books.google.fr).

L’extrême finesse des tissus dépeints dans les arts visuels de la fin du Moyen Âge a pu amener une spécialiste de l’histoire du vêtement, Maria Giuseppina Muzarelli, à se demander s’ils étaient effectivement reproduits ou bien imaginés pour exercer l’art des peintres. Dans l’étude des tissus transparents, le contraste frappe en effet entre la fervente expression de la luminosité que leur ont imprimée les objets picturaux et la sècheresse des attestations matérielles. Manuscrits illustrés et tableaux de la fin du Moyen Âge ont souligné l’impact technique et esthétique de ces textiles mais sans en éclipser ni les paradoxes ni la valeur performative. Ces tissus et les effets de transparence qu’ils produisent sont-ils un simple effet de mode, ou une attestation de luxe économique, ou bien encore l’un des éléments d’un cérémonial courtois façonné par les élites ? Sont-ils représentés dans les images profanes en miroir de leur présence dans l’iconographie sacrée, ou comme contrepoids symbolique au déploiement fastueux de joyaux et d’étoffes luxueuses ? Les tissus diaphanes du Moyen Âge, attestés ou représentés, ne laissent donc pas de susciter notre interrogation. Ainsi, des notions telles que le secret, la pureté, l’interdit d’une part, et la consommation et le pouvoir de l’autre, peuvent enrichir considérablement les sens culturels rattachés aux tissus transparents à la fin du Moyen Âge. [...]

Soulignons que ces drapés diaphanes appartiennent à une aire très précise, le domaine Bourguignon-Flamand, la moitié Nord de la France, l’Angleterre, une partie des régions germaniques, mais ne sont pas usités en Castille par exemple ou dans les pays slaves. [...]

Tissu ajouré, tissé avec des fils écartés, la gaze tire son nom de la ville de Gaza ; sa fabrication suivait une technique amplement appliquée au lin dans l’Europe médiévale et qui avait été développée en Chine pour le tissage de la soie sous la dynastie des Han. D’abord importées, ces gazes de soie se multiplient en Europe avec l’implantation, à partir du xiie siècle, des ouvroirs à soie en Sicile et avec l’essor de l’industrie de la soie dans les villes italiennes de la fin du Moyen Âge. Pourtant, gazes et crêpes de soie ne sont mentionnées ni dans les descriptions émerveillées des ateliers dont Roger de Sicile est le commanditaire, ni parmi les typologies de soies produites à Lucques ou à Florence au Trecento. Cependant, elles apparaissent dans des interdits somptuaires dont l’objet est de limiter les velléités au luxe : le roi Edouard IV d’Angleterre (1442-1483) interdit la vente de couvre-chefs, de guimpes, de voiles, et de linon [lawn] au-dessus de 10 shillings. [...]

Des textes de romans évoquent le « chainsil délié » dont les effets de transparence sont parfois malencontreux, quand il remplace une armure par exemple. La chemise, portée contre le corps, pouvait être faite du lin le plus fin – « plus délie d’un fil d’iragne » – ou le plus grossier, voire même de soie, sans pour autant être vraiment transparente, mais les textes littéraires soulignent qu’elle laisse deviner le corps et ses zones les plus interdites. La chemise médiévale se situe alors au bord d’une transparence suspecte et, lorsqu’elle est le seul vêtement porté, elle devient une forme de nudité et signale que le sujet risque d’être bientôt coupé du tissu social. Au xve siècle, si le costume a changé, l’adjectif « délié » continue à codifier la transparence des tissus utilisés. C’est ainsi que le chroniqueur Monstrelet vers 1467 parle de « deliez couvrechiesfs par-dessus qui pendoient par derriere jusqu’à terre ». Le voile « délié » placé sur le visage de Jeanne de Bourbon lors de ses funérailles est si transparent « Que tout plainement on voioit son visage parmy. » [...]

Du simple matériau on tend à passer à la notion, culturelle et sociale, de voile, et à l’appliquer à tous ces tissus pendants et enveloppants, par extension du vocabulaire usité dans l’histoire du costume. Le voile tel qu’il est connu aux XIIe et XIIIe siècles est en fait sombre et possède bien la qualité de cacher, de céler, par exemple, l’identité d’un protagoniste. [...]

Le voile presque imperceptible porté par la Vierge dans la peinture des Trecento et Quattrocento italiens est une autre forme du voile-écran, marque de divinité qui a précédé les ornements de tête diaphanes que l’on trouve dans la peinture du xve siècle. La Vierge et certaines saintes portent en effet un premier voile de tête transparent posé directement sur leurs cheveux, souvent recouvert à demi par un ou plusieurs pans de tissus opaques. Ce voile qui ne cache rien et en nécessite un deuxième, conformément aux normes de l’habillement féminin, n’est donc pas seulement d’ordre vestimentaire, évoquant la « pureté », mais suggère aussi la comparaison souvent faite au Moyen Âge de la Vierge avec un verre infrangible captant la lumière. Cependant ce voile n’apparaît pas toujours tissé dans un matériau à peine visible : la Vierge porte à même ses cheveux un voile de gaze transparente tissée de bandeaux horizontaux aux motifs étoilés dans un tableau de l’atelier de Botticelli (vers 1490), et un tissu à la facture complexe très similaire (transparent mais marqué de stries horizontales) figure dans un manuscrit français de la même époque (Francesca Canadé Sautman, « Transparence et obstacle : voiles et tissus diaphanes du Moyen Âge en Europe occidentale », Perspective, 1, 2016, - journals.openedition.org).

Dans une de ces belles nuits de Provence où les étoiles les moins apparentes brillent de l'éclat le plus pur, la petite ville de Lorgues était appelée dans sa vaste église par le son de toutes les cloches, à une heure où la lampe du sanctuaire, emblème de foi et de charité, veille seule auprès du Dieu des chrétiens. Cet appel inusité, dans un moment consacré au repos, avait pour but un pèlerinage public au tombeau de sainte Roseline, pour demander la cessation d'uue sécheresse qui désolait la contrée. Les cultivateurs, les ouvriers, les bourgeois, nu-pieds et couverts du sac de la pénitence, à la manière antique; les femmes voilées, non de gaze, mais de toile grossière, tous ayant des flambeaux à la main, s'acheminèrent processionnellement en chantant des litanies et des psaumes pénitentiaux, vers le lieu où repose le corps de la vierge carthusienne. Cette foule, marchant dans un ordre parfait, semblait former dans la plaine un double sillon lumineux. Au lever de l'aurore, elle gravissait les coteaux couverts de blés, étiolés et jaunis par la sécheresse, penchés sur un sol crevassé par l'ardeur d'un ciel sans nuage; la menace de la misère et de la famine remplissait tous les cœurs de tristesse (Hippolyte de Villeneuve-Flayosc, Histoire de Sainte Roseline de Villeneuve, religieuse chartreuse, et de l'influence civilisatrice de l'ordre des Chartreux, 1867 - books.google.fr).

Gaza et l'aurore

Et Samson alla a Gaza, où il vit une femme prostituée, chez laquelle il entra. Des gens l'apprirent aux hommes de Gaza, disant : Samson est venu ici. Et ils l'entourèrent, et ils l'épièrent à la porte de la ville, et ils ne bougèrent de toute la nuit, disant : Quand l'aurore brillera, nous le tuerons. Samson resta couché jusqu'à minuit, et, s'étant levé au milieu de la nuit, il prit les portes de la ville avec les deux avec les deux jambages; puis, les soulevant à l'aide du verrou, il les mit sur ses épaules. Alors, il monta au sommet de la montagne qui fait face à Hébron, où il les déposa (Juges 16, 3) (La Septante Grec-Français, ThéoTeX, 2014 - books.google.fr).

Hilarion au IVème siècle est réputé par Jérôme comme fondateur du monachisme gaziote. Ses restes sont rapatriés de Chypre par un disciple à Gaza où ils sont vénérés : "Abba Hilarion se rendit de Palestine chez abba Antoine sur la montagne. Et abba Antoine lui dit : "Bienvenue à toi, porte-lumière qui fais lever l'aurore." Et abba Hilarion lui dit : "Paix à toi, colonne de lumière qui porte le monde"" (Catherine Saliou, Le monachisme gaziote, Gaza: à la croisée des civilisations: contexte archéologique et historique, 2007 - books.google.fr).

Nous sommes très peu renseignés sur la vie religieuse d'Ascalon, contrairement à sa voisine Gaza, où le culte de Marnas (on ne saurait rapprocher ce terme de maran, « notre seigneur » ; Marnas probablement n'est pas sémitique) et d'autres divinités, sont, bien connus par les monnaies ainsi que par la Vie de Porphyre de Mare le Diacre (cf. ch. 64). Marnas était certainement un dieu de l'orage comme le Baal du Carmel ( Vie de Porphyre, chs. 19-20), mais peut-être n'était-il pas d'origine palestinienne, cf. Hill, loc. cit., pp. lxxii-lxxiii. Nous savons qu'Apollon était vénéré à Ascalon. Tulius Africanus nous dit que Hérode Antipater était fils d'un hiérodule du temple d'Apollon (Eusèbe, Hist. eccl. I, 6, 2). Josèphe mentionne aussi ce temple, cf. Ant. XIII, 13, 3. — La présence de l'élément arabe dans les villes de Gaza et d'Ascalon est bien attestée, voir Hérodote III, 5. En 332, Betis, le dynaste local de Gaza (Hégésias lui donne le titre de basiteus, cf. Abel, RB 48, p. 531) fut capable d'organiser une armée d'Arabes contre Alexandre, cf. Arrien, II, 25, 4 et Q. Curtius, IV, 6. Quand Antigone s'arrêta à Gaza lors de son expédition en Égypte les Bédouins Arabes lui fournirent un grand nombre de chameaux pour transporter son ravitaillement. (Michel Gawlikowski, Inscriptions de Palmyre, Syria: revue d'art oriental et d'archéologie, Volumes 48 à 49, 1971 - books.google.fr).

Les odes XXVIII et XXIX du livre I des Carmina d'Horace mentionnement respectivement Tithon, enlevé par l'Aurore, et le mot "gazis" issu du persan gaza, qui signifie "trésor".

Gaza est un mot Persan, qui fignifie des richesses : & c'est de là qu'une ville de la Palestine fut apellée Gaza, parce que Cambyse y mit son tresor, lorsqu'il alla faire la guerre en Egypte (Œuvres d'Horace en latin et en françois, avec des remarques critiques et historique. Par monsieur Dacier, Tome I, 1733 - books.google.fr).

L'an 26 av. J.-C., Auguste envoya contre les Arabes une expédition commandée par Ælius Gallus. Toutes les richesses de l'Inde semblaient être au bout de cette campagne, et plus d'un esprit aventureux crut à l'occasion de faire fortune. Iccius, un ami d'Horace, était du nombre, et s'apprêtait à troquer ses livres contre des armes. L'événement justifia les railleries que contient l'ode XXIX. Revenu d'une expédition désastreuse, Iccius fut trop heureux d'obtenir un emploi dans la maison d'Agrippa (Odes d'Horace, traduites avec notices et notes par F. Cass-Robine, 1860 - books.google.fr, Oeuvres d'Horace en Latin et en François, Tome I, annoté par Dacier, Bentlei, Cuningam, et Sanadon, 1733 - books.google.fr).

Vers 1448, Martin Le Franc compose à Lausanne L'Estrif de Fortune et de Vertu, « Estrif » signifie dispute, querelle. L'œuvre est une série de débats entre trois personnages allégoriques : dame Vertu, dame Fortune, qui se disputent le gouvernement du monde, sous le regard de dame Raison. La discussion est parsemée d'allusions bibliques, antiques et d'exemples tirés de la littérature française. C'est un prosimetrum, dont le modèle littéraire est la Consolation de Philosophie de Boèce : Le Franc fait alterner des passages en prose et 23 poèmes de formes métriques variées. L'Estrif, qui traite un des problèmes fondamentaux de l'existence humaine, a été apprécié à l'époque : il est conservé dans plus de trente manuscrits et dans trois éditions incunables. Exemple de la prose et de la poésie philosophiques de l'époque, il laisse déjà entrevoir les prémices de l'humanisme naissant. Martin Le Franc est aussi l'auteur du Champion des Dames historié par le Maître du même nom (fr.wikipedia.org - Martin Le Franc, Le Prieuré de Sion : Les axes : Axe du 9 avril : Mélusine).

A côté de cette piste, les caravanes pouvaient en suivre deux autres qui conduisent à Aqaba et de là à Pétra. La première part de Suez, suit le Wadi Sadr Hitâne et passe à Nihkel où les Mameloukes ont creusé plusieurs réservoirs d'eau. Après Bir eth- Themed, elle descend par le col escarpé de Naqb el 'Aqaba pour aboutir à ce port. C'était la route des pèlerins de La Mecque (darb el-Hadj). Parallèle à cette piste courait une autre plus aisée : le darb esh-Shi'vi C'est elle qui est marquée sur la table de Peutinger elle traverse Wadi Tuwaibeh et Taba pour déboucher sur 'Aqaba. Strabon la mentionne dans sa Géographe 16, 4, 23 à propos de l'expédition d'Aelius Gallus, général d'Auguste qui a tenté, en 25 av. J.-C. d'occuper l'Arabie Heureuse pour contrôler la route de l'encens du Hadramaut à Pétra et Gaza. Strabon rejette l'échec de l'expédition sur le ministre nabatéen Syllaeus "qui, méchamment, avait affirmé que la route de terre jusqu'à Leuké Komé n'était point praticable pour une armée, quand les caravanes exécutent sans cesse entre Pétra et Leuké Komé le voyage d'aller et retour sans accident et en toute sécurité, et cela avec un nombre d'hommes et de chameaux qui ne diffère en rien de l'attirail d'une armée véritable" (16, 4, 23) (Historiens et géographes, Numéro 388, Société des professeurs d'histoire et de géographie (France), 2004 - books.google.fr).

Ending with an address to a passing sailor, the Archytas ode leads gently into the next poem, an address to a certain Iccius who is sailing away. This superficial linkage is apt, since C. 1.29 also explores one of the subsidiary themes of the Archytas ode, the inadequacy of philosophy. Just as the neo-Pythagoreanism of Archytas with its doctrine of transmigration is discredited, so the Stoicism of Iccius is now called into question. Of course, there is a difference: it is Archytas's very precepts that are false, whereas Iccius is false to his precepts, for he has put aside his study of philosophy to fight for material gain in Arabia. But the basic point remains the same: in each case philosophy yields to a stronger reality, death in C. 1.28 and greed in C. 1.29. This basic similarity is reinforced in a number of ways. For instance, these two ideas, death and greed, are closely associated in individual odes elsewhere in Horace. [...]

To illustrate the proposition that all must die, the speaker has chosen precisely those whom popular tradition credits with immortality of one sort or another: Tantalus, Tithonus, Minos, and Euphorbus (7–15). The inclusion of the last among the dead is particularly ironic: it is a reference to Archytas's master, Pythagoras, who claimed to be the reincarnation of Euphorbus. But the deaths of master and disciple discredit their belief in reincarnation and the transmigration of souls. Such irony and pathos are then compounded at the end, as the speaker, glimpsing a passing sailor, abandons all certainty about death's finality, even to the extent of invoking superstitions and threats to ensure his own burial (30–36). The same tonality informs C. 1.29, which also criticizes human ambition and pretensions (Matthew S. Santirocco, Unity and Design in Horace's Odes, 2015 - books.google.fr).

Pour le scholiaste de l'Iliade, Aurore transforme Tithon en une cigale (ou une sauterelle), « le plus musical des insectes », pour qu'elle puisse jouir éternellement du son de la voix de son ancien amant (Evanghélia Stead, Vieillir éternellement, Ecrire le vieillir, 2005 - books.google.fr).

La fable présente Tihton vieillard comme Phinée préférant vivre âgé mais métarmorphosé en taupe aveugle.

Dans Quod Omnis Probus Liber, 8, Philon rapporte les sarcasmes populaires visant ces gueux de la sagesse réduits à se nourrir « du seul fumet de la vertu, comme l'on dit que les cigales se nourrissent d'air ». Le trait semble viser ici des philosophes du type cynique ou ces stoïciens sauvages que blâme Sénèque (Revue des études juives, Volumes 125 à 126, 1966 - books.google.fr).

Taupes

Le premier portrait de Prascovie dans la nouvelle de Théophile Gautier, Avatar, élaboré après coup par Octave, n'affiche rien de remarquable. Cela commence par des images lointaines et furtives, puis s'esquissent les grands traits qu'il a pu saisir durant le trajet rapide de la calèche qui la conduit aux Caséines, dans un bois proche de Florence. Il ajoute les détails minuscules qu'il a retenus en la voyant descendre de la calèche. On dirait une description lyrique qui pourrait orner un roman quelconque. Mais voici une précision à demi plaisante : L'étrangère portait une robe de ce vert d'eau glacé d'argent qui fait paraître noire comme une taupe toute femme dont le teint n'est pas irréprochable — une insolence de blonde sûre d'elle-même. Ce «noire comme une taupe» fait tache. En dehors de son usage emphatique, cette expression nous en rappelle une autre, concernant le même animal : «myope comme une taupe», ce qui nous incite à suivre le mouvement de cette description, en nous rapprochant nous-même tout près des objets décrits. [...] La courbe tracée par le véhicule est en effet «aussi régulière que si elle eût été tracée au compas». [...] Mais avançons dans le portrait. Qu'en est-il du front de cette femme merveilleuse ? Il est «plus blanc et pur que la neige vierge tombée dans la nuit sur le plus haut sommet d'une Alpe» (287) : tout ce qu'il faut pour représenter une image de de la mère vierge. Continuons à lire : sa bouche, divinement dessinée, présentait ces teintes pourprées qui lavent les valves des conques de Vénus, et ses joues ressemblaient à de timides roses blanches que ferait rougir l'aveu du rossignol ou le baiser du papillon ; aucun pinceau humain ne saurait rendre ce teint d'une suavité, d'une fraîcheur cl d'une transparence immatérielles, dont les couleurs ne paraissaient pas dues au sang grossier qui enlumine nos fibres ; les premières rougeurs de l'aurore sur la cime des sierras Nevadas, le ton carné de quelques camélias blancs, à l'onglet de leurs pétales, le marbre de Paros, entrevu à travers un voile de gaze rose, peuvent seuls en donner une idée lointaine (287-288) (Ae-Young Choe, Le jeu du pittoresque et de l'incopnscient (Th. Gautier, Avatar), Texte, lecture, interprétation, Volume 2, 1994 - books.google.fr, Le Prieuré de Sion : Prologue : Hiéron Val d’Or : constance et inconstance dans le Verseau).

Dès Hésiode, on a deux versions : Celle des Ehées, où Phinée est puni de la cécité pour avoir indiqué le chemin de la Colchide à Phrixos (1) et celle des Catalogues où Phinée avait préféré lui-même une longue vie à la vue (version précisée par une autre scholie sans référence de source : cette cécité aurait été infligée par Hélios). Toujours chez Hésiode, on trouve de surcroît deux versions au sujet des Harpyes : Dans l'une, elles enlèvent Phinée lui-même chez les Scythes ; dans l'autre, elles sont poursuivies par les Boréades qui les rattrapent mais leur font grâce, sur l'intercession d'Hermès (d'où le nom de Strophades. Hésiode ne nous dit pas toutefois qui a lancé les Harpyes contre Phinée ni pour quelle faute. La version hésiodique où Phinée aide Phrixos, fils d'Athamas, suggère un parallèle significatif : ATHAMAS, fils d'Eole et roi d'Orchomène, épouse en 1ère noce NEPHELE, La Nuée, d ont il a deux enfants : PHRIXOS et HELLE, puis la répudie. Sa 2ème épouse, INO /LEUCOTHEE, soeur de SEMELE, la Terre, Jalouse ces enfants et incite le roi à les sacrifier. PHINEE, fils de Belos (Agenor ou Poséidon)et roi de Thrace, épouse en 1ère noce CLEOPATRA, fille de BOREE dont il a deux fils : PLEXIPPOS et PANDION, puis la répudie Sa 2ème épouse, IDAEA, Celle du Mont Boisé, fille de Dardanos, Jalouse ces enfants et incite le roi à les tuer (aveugler) ou le fait elle-même. Ainsi un roi épouse une femme en rapport avec l'atmosphère ombreuse (nuée, vent du nord) dont il a deux enfants, puis la chasse. Sa deuxième épouse en rapport avec rapport avec l'Aurore jalouse les enfants du premier lit et incite le roi à les tuer (ou aveugler) ou s'en charge elle-même. On peut se demander On peut se demander si Phinée et ses fils, enterrés et aveuglés comme la taupe, donc plutôt nocturnes, n'ont pas un rapport de provocation par rapport au soleil, comme la Mus Parik du Bundahishn iranien. A partir du deuxième lit, les Phinéides portent des noms de tribus de Thrace, de Bithynie et de Paphlagonie. Phinopolis était la première cité sur la côte thrace de la Mer Noire. Lycophron raconte que Protée, donné par certains comme le frère de Phinée, était passé sous la mer en taupe. De là Grégoire déduisait que Phinée avait pour fonction d'aider à franchir les détroits. Mais plutôt qu'un axe nord-sud, c'est l'axe est-ouest entre la Colchide d'Aeétès, fils d'Hélios, et la Traco-Phrygie qui me semble à considérer. Le rapprochement entre ces deux légendes, étroitement liées, ne s'arrête pas là et peut être poursuivi Pour revenir aux romans de Phinée, H. GREGOIRE distingue trois groupes de légendes sur ce Phinée thrace, ordonnées sur la nature des péchés commis et sur la présence/absence des Harpyes, avec dans chaque groupe de multiples variantes : I.- Péché contre les dieux (sans infanticide mais avec les Harpyes) : Phinée indique à Phrixos le chemin de la Colchide et est aveuglé pour cela (Hésiode, Ehées). Phinée préfère la longévité à la vue (Homère II., Catalogues). Il abuse d'un don de prophétie qu'il tenait d'Apollon et communique aux hommes les secrets de Zeus. Réduit à la cécité, il sait (prophétiquement) que les Argonautes le sauveront et qu'il les aidera à atteindre la Colchide (La Colchide est le royaume d'Aeétès, fils d'Hélios, à l'orient de la Thrace) Apoll. Rhod. II.- Crime contre ses propres enfants mais sans les Harpyes ni la délivrance finale : Phinée sacrifie les enfants d'un premier lit à une marâtre, les aveugle ou les laisse aveugler (Apoll. 111,15,3). Ou c'est la marâtre qui s'en charge (Soph. Antig. 966 et Tympanistai, fr. 645 Pearson). Ou bien encore c'est la mère des Phinéides elle-même qui agit par vengeance contre son abandon. Les Argonautes et Borée se font les instruments de la justice (Schol. de Soph. Antig.. 978 et 981). Les Boréades rendent la vue aux Phinéides et aveuglent leur père (Apoll. 111,15,3 et 1,9,21,2 où il est aveuglé; Diod. IV 44,4 et Ov. Ars. Am. 1,340). Parfois c'est Asklèpios soi-même qui les guérit. Les Phinéides ainsi secourus aident les Argonautes de leurs conseils et même les accompagnent (Orpheus, Argonaut. 671sq.). III.- Crime d'infanticide puni de l'aveuglement et les tourments des Harpyes mais délivrance par les Boréades Cette combinaison de I et II réintroduit des archaïsmes : Zeus irrité par l'infanticide lui laisse le choix entre la mort ou la cécité. La préférence pour la cécité offense Hélios qui lui envoie les Harpyes (Sext. Empiric. Adv.Mathematicos 1,262; Schol. Pind. Pyth 111,96; Schol. Eurip. Alcest. I; Hygin, Fab. 14; Clem. d'Alex. Strom., 21,165.). Phinée aurait aidé les fils de Phrixos à revenir de Colchide en Grèce. Or Aeétès le fait aveugler par son père Hélios (Od. IV, 44, 6). Oppien attribue la colère d'Hélios à la supériorité prophétique de Phinée (Asklepiade). Hélios le châtie deux fois : En lui envoyant les Harpyes et en le métamorphosant en taupe (Istros, fr.60 à Schol. Apoll. Rhod. II. 206-208b). Thimothée de Gaza confirme la métamorphose en taupe de Phinée avec un détail en plus ; La colère d'Hélios se manifeste par la cécité de la taupe qui ne peut retrouver sa demeure souterraine dès que le soleil l'a aperçue (Cynégétiques II, 612sq, notamment le 17 derniers vers du Livre II.). Selon Olympiodore, Hermès désigne le coq comme un homme maudit par le soleil (fr. parvenu par les Excerpta de Constantin Porphyrogénète). La taupe aussi : pour avoir révélé les mystères du soleil qui l'aveugla (Comm. au livre Sur l'action de Zosime). Ailleurs c'est Apollon qui aveugle Phineus pour avoir préféré une longue vie aveugle mais prophétique. Ailleurs c'est Apollon qui aveugle Phineus pour avoir préféré une longue vie aveugle mais prophétique. La cécité avec don de divination et longévité alternative à une vie courte en parfaite intégrité physique apparaît dans l'Etymologicum (1) : Les dieux offrent à Phinée le choix entre être aveuglé avec don de voyance et longue vie ou bien avoir une existence brève en pleine possession de ses moyens. Mais comme l'observe Konrat ZIEGLER, l'obscurité demeure sur ce qui est sanction divine pour faute commise et mutilation qualifiante délibérément choisie. Les plus anciennes traditions épiques suivent la légende de Phinée que rapporte Apollonios de Rhodes : Phinée a reçu d'Apollon le don de voyance. Le rat-taupe, animal nocturne et crépusculaire/diluculaire, est en tension avec le soleil de l'aurore. C'est le cas aussi - on l'a vu - des héros au rat-taupe (Mythologie française: bulletin de la Société de mythologie française, Numéros 176 à 180, 1995 - books.google.fr).

Il est caractéristique que l'Apollon « de la peste », dans l'Iliade, est en même temps un Apollon au rat, tandis que les médecins Rudra et Asklèpios sont des dieux-taupes ou des dieux à la taupe. Nous avons simplement affaire à un second type de classification des rats. La taupe est un rat aveugle, un rat infirme, donc, suivant la logique propre à la magie, rendu incapable d'exercer son pouvoir maléfique (et il semble que dans le monde gréco-romain ait existé, précisément, un rite magique qui consistait à éventrer ou aveugler des rats, in vivo ou en effigie, pour les rendre inoffensifs. La taupe, d'autre part, vit normalement sous la terre : et les génies chtoniens, les esprits des morts par exemple (du moins tant qu'ils ne remontent pas au jour) sont généralement tenus pour bienfaisants. Les exemples ne manquent pas de personnages mythologiques odieux qui, une fois morts, et enterrés, deviennent une sauvegarde pour le sol qui les cache. Il est saisissant de constater qu'Oedipe, le mauvais génie (alastôr) de sa race, et qui fut cause d'une épidémie (comme le rat) une fois devenu aveugle (comme la taupe) frappé de la foudre (par Zeus, dans l'OEdipe à Colone de Sophocle - dans le bois des Euménides -, comme Asklèpios) et englouti par la terre (dans l'OEdipe à Colone de Sophocle, comme la taupe encore) devint un démon favorable, un protecteur du sol qui l'avait recueilli (Roger Goossens, Asklèpios, Apollon Smintheus et Rudra: études sur le dieu à la taupe et le dieu au rat dans la Grèce et dans l'Inde, 1949) (La Croix d’Huriel et la Ligne gnostique : Quatre de chiffre).

Au lendemain de la dernière guerre, Roger Lhomoy, gardien municipal depuis 1929, en est persuadé. Il entreprend de fouiller clandestinement les sous-sols du château de Gisors et, en 1946, crie “eurêka”. Celui que l'on surnomme Roger la Taupe prétend avoir découvert une chapelle souterraine, contenant 19 sarcophages de pierre et 30 coffres en fer (Normandie - Vexin Normand et Vallée de la Seine, Pick'n Mix Région, 2013 - books.google.fr).

« la profondeur de la terre n'est pas pour les taupes seules [...] » avait dit l'abbé de Villars de Montfaucon dans sa description des peuples élémentaires, affirmant que « La terre est remplie presque jusqu'au centre de gnomes, gens de petite stature, gardiens des trésors, des minières et des pierreries. Ceux-ci sont ingénieux, amis de l'homme et faciles à commander. [...] Les gnomides leurs femmes sont petites, mais fort agréables, et leur habit est fort curieux » (Le Comte de Gabalis, 1670) (Gabrielle-Suzanne Barbot Gallon Villeneuve (dame de), La jeune américaine et les contes marins: (la belle et la bête). Les belles solitaires, Bibliothèque des génies et des fées: Conteuses du XVIIIe siècle, présenté par Elisa Biancardi, 2008 - books.google.fr).

Taupes, aurore et gaze : changelin

Les Fayettes du Forez et aussi celles de la Bretagne, émigrantes de la Grèce, sont ces mêmes bohémiennes éhontées, ces nymphes voleuses d'enfants dont Théocrite nous dénonce les cas pendables. Il ne fait pas bon pour une paysanne laisser seul un instant son moutard, son petit « liaude. » A sa place, elle retrouve une espèce d'Hercule en bas âge qui mange comme quatre, alors qu'il n'a point encore ses dents. C'est un fils de Fayette, car ces dames procréent, mais point à coup sûr par l'opération du Saint-Esprit. Les commères du pays,en de telles occurrences, donnent un conseil qui réussit toujours : c'est de porter l'enfant du diable jusqu'à l'entrée de la grotte, et là de le fouailler tant qu'il piaule bien fort. Cela émeut la Fayette, qui rapporte à la paysanne son rejeton, en lui disant : Te, vequio le tio, rends me le mia; Tiens, voici le tien, rends-moi le mien. [...] Le jour, elles se changent volontiers en taupes, ou darbons, pour ravager les champs et jardins, et c'est pour cela que les taupes ont de si jolies petites mains. En outre, dans les nuits calmes, on les entend très-distinctement battre leur linge, un vrai linge de duchesses ou de figurantes du théâtre de la Biche au Bois, fin comme la gaze, quasiment tramé de nuages et brodé de rayons de lune. Au lever du jour, si quelque indiscret les surprend attardées à leur ouvrage, elles se dissipent comme feuilles au vent, et parfois, mais pas trop souvent, il arrive que quelqu'une, dans sa précipitation, oublie sur la bruyère un battoir d'or massif (Mario Proth, Au pays de l'Astrée, 1868 - books.google.fr).