Partie XVII - Le Prieuré de Sion   Prologue   Schidlof, Pétrarque et Darmstadt   
PRIEURE DE SION SCHIDLOF PETRARQUE PLATON SAMSON

« Henri Lobineau » serait un pseudonyme, dérivé de la « rue Lobineau » située près de la rue Saint-Sulpice à Paris. De nombreux textes ultérieurs de ces dossiers nomment Leo Schidlof comme étant le vrai auteur, bien que ces textes ne soient parus qu'après la mort de ce dernier en octobre 1966. Leo Schidlof était un marchand d'art autrichien établi à Londres en 1948. Sa fille a toujours nié qu'il ait employé ce pseudonyme ou qu'il ait eu un quelconque lien avec ces publications. Le Prieuré de Sion a édité des textes dans les années 72 affirmant que Henri Lobineau était un aristocrate français : Henri, Comte de Lénoncourt (fr.wikipedia.org - Dossiers secrets d'Henri Lobineau, forum.andrewgough.co.uk).

Cette rue, ouverte vers 1820 sur le site de l'ancienne foire de Saint-Germain-des-Prés, tient son nom, depuis 1817, du moine bénédictin et historien Guy Alexis Lobineau (1666-1727), en raison du voisinage l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés voisine (fr.wikipedia.org - Rue Lobineau).

Guy Alexis Lobineau, dit Dom Lobineau, né le 9 octobre 16671 à Rennes, mort le 3 juin 1727 en l'abbaye de Saint-Jacut-de-la-Mer, est un historien breton, moine bénédictin de la congrégation de Saint-Maur. La paroisse Saint-Jacut, autrefois appelée Landouar, enclavée dans l'évêché de Saint-Malo faisait partie du doyenné de Bobital relevant de l'évêché de Dol dont le patron est saint Samson (fr.wikipedia.org - Saint-Jacut-de-la-Mer).

Schidlof écrivit un dictionnaire de la miniature en Europe dont lequel est répertorié Bernhard Schloesser (1802–1859), né à Darmstadt et peintre à Francfort, frère de Louis, musicien à la cour de Darmstadt. En 1911, déjà il produisit D. Bildnisminiatur in Frankreich im 17. bis 19. Jh (Leo R. Schidlof, The Miniature in Europe in the 16th, 17th, 18th, and 19th Centuries, Volume 2, 1964 - books.google.fr).

Leo R. Schidlof caractérise bien les œuvres de Devernois, écrivant qu’il n’était pas un grand peintre de miniature mais, néanmoins, qu’il n’était pas complètement dénué de talent, malgré l’absence d’expression dans ses travaux, qui étaient trop tendres et mous.

François-Joseph Desvernois est un miniaturiste français de qualité couvrant une période s'étendant du milieu du XVIIIe siècle jusqu'au début du XIXe. Il est actif de 1768 jusqu'en 1810 environ. L'année de sa naissance ainsi que celle de sa mort nous sont inconnues. Un certain François Desvernois, élève de l'Académie de Paris, part travailler en Suisse vers 1768. Il s'agit très probablement de François-Joseph Desvernois, peintre en miniature de Lons-le-Saunier, époux de d'Elisabeth Vergelat, père du peintre Joseph-Eugène Desvernois, né à Lausanne en 1790. Il aurait travaillé à Genève de 1787 à 1788 avant de s'installer à Strasbourg en 1799 où il se déclare « Membre de l'Académie des Arts d'Helvétie ». On retrouve François Desvernois à la cour de Bade puis à celle de Hesse-Darmstadt, où il est employé en 1803. Il serait ensuite parti pour Milan en 1807. En 1810, il expose à Berne son Autoportrait ainsi que les miniatures de plusieurs Bernois en vue. Il peint la reine Caroline de Bavière, la reine Frederika de Suède, la duchesse de Brunswick, la grande-duchesse de Hesse. Il est surnommé « le maître des regards mélancoliques » et « le maître des profils à la manière des Bourgeois » avant que son identité soit connue (fr.wikipedia.org - François-Joseph Desvernois, Dimitri Gorchkoff, Portraits d’officiers de l’armée de Condé par François-Joseph Desvernois, 1797-1798 : analyse et identification, Napoleonica, La Revue, 2016/3 (N° 27) - www.cairn.info, musees.lausanne.ch).

Schidlof et Pétrarque à Chatsworth

16389 — opere di Fr. Petrarcha, without place, 1514.8°. As yet the only known copy of this edition, is that mentioned in the Bibl. Parisina (Lond. 1790.8°.), No. 328, with the following note of the possessor: Exempl. sans prior, avec grand nombre de miniatures charmantes. Il passait pour constant a Florence, où je l'ai acheté, qu'il y avait imprimé à part, probablement pour quelqu'un des Médicis, et sur les corrections de l'édit. de 1514; car les fautes me s'y trouvent pas, et il ne m'a pas été possible d'en découvrir une seule. Lord Spencer bought it at Pâris's sale for 116 l. 11s. and made it a present to his sister, the duchess of Devonshire, now deceased. It is now in the library of the duke of Devonshire. The 174 excellent miniatures were attributed in the same catalogue to Giulio Clovio; they are, however, not by him, as Dibdin, Decam. II. 366, asserts. He is of opinion that the types resemble the Aldine; others have attributed it to the Giunti. (Friedrich Adolf Ebert, A General Bibliographical Dictionary, Volume 3, traduit par Arthur Browne, 1837 - books.google.fr).

Apparemment, Simona Cohen dénomme ce qui est appellé "Opere di Fr Petrarca", au XIXème siècle, Cose Volgari.

Cose Volgari, Alde Manuce, 1514 - Chatsworth - Simona Cohen, Transformations of Time and Temporality in Medieval and Renaissance Art, 2014 - books.google.fr

Little is known about a unique and richly illuminated volume of Petrarch’s Le cose volgari located in the collection of the Duke of Devonshire at Chatsworth. This rare edition, printed in Venice in 1514 by Aldus Manutius in octavo format on vellum rather than on the customary paper, has not received attention in the literature on hand-painted printed books or illustrations to Petrarch. [...]

Although the Petrarch volume is richly illuminated and contains two emblematic title-pages, there are no heraldic arms or indications of arms having been erased. The only clue to the possible origin of the book was inserted at the end, possibly by Jean-Baptiste Pâris de Meyzieu (1718–1778), uncle of Anthoine-Marie Pâris, for whom the present binding was made, stating: "N[ot]a que le dit Exemplaire a appartenu à la bibliothèque fondée par les Medicis et qu’il passoit pour Constant à Florence qu’il avoit été jadis embelli pour une jeune Princesse de cette même maison des Médicis". One of the aims of this study is to establish whether the manuscript itself provides evidence for such a connection. [...]

The present binding was made for Anthoine-Marie Pâris d’Illins (1718–1778), after the book had been pro cured in Florence and purchased in the Biblioteca Parisina sale by the 2nd Earl Spencer who gave it to his sister, Georgina, Duchess of Devonshire in 1791. This information on the later provenance and more recent history of this volume was taken from the catalogue by Nicolas Barker, The Devonshire Inheritance, Five Centuries of Collecting at Chatsworth, Virginia 2003, no. 144, 256 –58. I am indebted to Dr. Charles Noble, Keeper of the Devonshire Collection, for his kind help in enabling me to carry out this research (Simona Cohen, An Aldine Volume of Petrarch Illuminated for a Prestigious Patron, Zeitschrift für Kunstgeschichte 73. Band / 2010).

On sait que le château de Chatsworth recèle la première version des Bergers d'Arcadie de Nicolas Poussin ainsi que des serres prélude au Crystal Palace de l'Exposition Internationale de Londres de 1851 (La Vraie Langue Celtique de l’abbé Henri Boudet : Etudes particulières de psaumes : Psaumes 115 et 59 : Arcadie, verre et serres).

Johann Heinrich Hurter, Georgina Spencer - i.pinimg.com

The Earl Beauchamp Coll. contains the portr. of William Cavendish, Duke of Devonshire, sign, and dat. 1782 and of Georgina Spencer, Duchess of Devonshire, sign, and dat. 1780 (Leo R. Schidlof, The miniature in Europe in the 16th, 17th, 18th, and 19th centuries, Volume 1, 1964 - books.google.fr).

Cavendish, Georgina Spencer, 5th Duchess of Devonshire (June 7, 1757–March 30, 1806) The first wife (1774) of the Fifth Duke of Devonshire was Lady Georgiana Spencer from Althorpe, the family home of the Spencers which two centuries later produced the future Princess Diana (Scott Wilson, Resting Places: The Burial Sites of More Than 14,000 Famous Persons, 3d ed., 2016 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Georgiana Cavendish).

Un miniature de Pétrarque à Darmstadt

La fresque de Padoue, dans la grande salle de la bibliothèque universitaire, qui est malheureusement très repeinte, et dont certains mss. (à Vienne, à Darmstadt) reproduisent l'état originel, donne, comme le ms. Strozzi, la grande table pupitre, le lutrin et même le chat (V. la reproduction dans le vol. du centenaire, Padoue, a Fr. P., 1904, avec une notice d'A. Moschetti, et le travail de J.-J. Jusserand, dans la Revue de Paris du 1er juillet 1896).

Julius von Schlosser est l'auteur de Ein veronesisches Bilderbuch, Vienne, 1896 qui présente la miniature de Pétrarque de Darmstadt reproduisant la fresque de Padoue (Pierre de Nolhac, Pétrarque et l'humanisme, Tome 1, 1965 - books.google.fr).

Rappelons que le Pétrarque de la miniature de Darmstadt date d'avant l'invention de l'imprimerie, donc d'une époque où la copie manuscrite d'un ouvrage requérait souvent des années de labeur, et où même un grand liseur n'avait pas toujours en même temps plusieurs livres à sa disposition. Une fois de plus, c'est avec les rois de l'époque que le Pétrarque du codex de Darmstadt partage le privilège de disposer d'un nombre considérable de livres. Au milieu des trésors de sa bibliothèque et de ses instruments de travail, le poète transforme ainsi les fruits de ses lectures en œuvres de son cru. C'est bien ce que suggèrent le papier, l'écritoire et l'encrier qu'on voit à portée de la main de Pétrarque, de Mellin de Saint-Gelais, de Nicolas Bourbon en train d'écrire dans un in-folio comme le fait René d'Anjou. A côté de la page ou du livre destinés à recevoir le texte en gestation, un autre livre ouvert signale pour Pétrarque et René d'Anjou, pour Nicolas Bourbon et Mellin de Saint-Gelais une lecture momentanément interrompue pour métamorphoser en textes nouveaux les inspirations puisées dans ce qu'on vient de lire. Ainsi les bribes glanées chez les « Anciens » entrent dans la composition d'un nouveau bouquet poétique. Pendant ce travail le monde extérieur, nous l'avons dit, reste d'abord quasiment exclu du cabinet des poètes. Dans celui du codex de Darmstadt, on peut remarquer sur la gauche d'un Pétrarque songeur, le battant d'une petite fenêtre vitrée en cul-de-bouteille qui est certes ouverte, mais on ne voit rien. Un demi-siècle plus tard René d'Anjou, lui, tourne le dos à une porte ouverte cette fois sur l'enceinte et le jardin de son château. La Sappho de 1473, accompagnant son chant du luth, détourne elle aussi les yeux de sa porte ouverte. Et à travers la fenêtre de Nicolas Bourbon nous devinons un paysage que le poète cependant ne daigne regarder. A ce propos, les ajouts à la fresque de Pétrarque effectués au XVIe siècle reflètent, de manière évidente, la mentalité d'une ère nouvelle. Exactement à l'endroit où, dans l'œuvre primitive, la plupart des livres s'entassaient dans deux casiers, une large baie s'ouvre désormais sur un paysage de haute montagne au ciel chargé de nuages, avec, au premier plan, un moulin à eau. Il ne serait pas trop osé, je pense, de voir dans ce panorama, après un siècle de « petrarchismo » italien, un symptôme de la réception de l'œuvre de l'illustre poète, plus précisément une allusion à la Fontaine-de-Vaucluse ou à la célèbre montée du Mont Ventoux en 1336. Même au cas où l'artiste n'aurait pas songé à évoquer un endroit précis, il aurait exprimé avec une lucidité étonnante le rôle que joue le paysage pour l'œuvre poétique de Pétrarque : en effet, si c'est bien d'une absence - celle de la bien-aimée -, de la solitude qu'est née l'œuvre du poète, elle procède tout autant du « dialogue avec le paysage », d'une pieuse « Welzuwendung » vers cette « transalpina solitudo iocundissima » qui lui deviendra une source - aussi intarissable que celle de Vaucluse - d'inspiration poétique. Bien sûr, ce n'est pas le paysage pastoral d'un Giorgione dont il s'agit ici : ce qui comptait pour Pétrarque, c'était la signification du paysage non pas pour les âmes paisibles, mais pour une âme « prompte à l'excitation ». Le Pétrarque revu par le XVIe siècle ne sera toujours pas dépourvu de livres, mais visiblement ce n'est plus des lectures seulement qu'émanera le souffle créateur qui l'anime. Il en va de même pour la Sappho de 1473. Car cette gravure sur bois montre une poétesse qui n'aurait qu'à tourner légèrement la tête pour voir devant sa porte un couple tendrement enlacé - donc un sujet poétique tout trouvé pour celle dont les vers ont exalté la passion amoureuse (Colette Demaizière, De la Muse à l'écriture: le choix linguistique comme support de l'invention, La Naissance du monde et l'invention du poème: mélanges de poétique et d'histoire littéraire du XVIe siècle offerts à Yvonne Bellenger, 1998 - books.google.fr).

Les livres de Pétrarque quittèrent Venise avec leur maître. Il avait formellement réservé, dans ses offres à la République, son entière liberté de résidence, qui impliquait le droit d'emporter avec lui la bibliothèque, dont il ne .se séparait pas. Après quelques années d'habitation, coupées par de nombreux voyages, il se dégoûta d'une ville, où il rencontrait trop d'Averroïstes et où il manquait d'un jardin. Il prit peu à peu l'habitude de séjourner à Padoue ; il aimait à y remplir ses fonctions de chanoine et à jouir de la familiarité d'un prince vraiment lettré, François de Carrare. Enfin, les sollicitations de celui-ci et les exigences d'une santé qui avait besoin de l'air des montagnes, le décidèrent à abandonner les lagunes et à partager son temps entre Padoue et Arqua, où le seigneur de Padoue lui avait fait don d'une maison rustique. La proximité de Venise lui permettait, d'ailleurs, d'y revenir aisément et d'y cultiver ses amitiés. Ses livres s'y trouvaient encore au commencement de 1368, confiés aux soins de Donato degli Albanzani ; mais ils ne tardèrent point à venir rejoindre leur maître. Celui-ci, pour agrandir sa propriété d'Arquà, venait d'y acquérir une terre de ses propres deniers, et marquait ainsi son intention définitive de résider dans les états de François de Carrare. En cet ermitage des monts Euganéens, entouré de l'horizon paisible que domine encore la maison construite pour lui, Pétrarque revivait, en ses vieilles années, la vie de Vaucluse : «Je suis demeuré, écrivait-il, dans la médiocrité d'existence que j'avais alors et que j'ai jugée plus avantageuse et plus douce : je ne me suis enrichi que d'années et de quelques livres... Une grande partie du temps, je reste à la campagne, désireux comme toujours de solitude et de repos. [...]

La guerre, qui couvait depuis longtemps entre François de Carrare et les Vénitiens, finit par éclater et le séjour hors des villes cessa d'être sûr. Pétrarque demeura à Arqua le plus tard possible ; mais, bien qu'un ami prétendît qu'il suffirait d'écrire sur la porte son nom vénéré pour en écarter les gens de guerre, il trouva plus prudent de rentrer à Padoue : « J'attends aujourd'hui ou demain, écrîvaii-il le 17 novembre 1373, ma petite famille restée à la campagne. Quant aux livres que j'y tenais, je les ai rapportés, laissant la maison et le reste à la garde de Dieu ». Ce séjour forcé à la ville, que la guerre prolongea longtemps, ne fut pas perdu pour son travail. Son gendre Francescuolo da Brossano et surtout son ami et disciple Lombardo délla Seta, qui habitait aussi avec lui et lui servit de dernier secrétaire, avaient soin de son intérieur et de sa bibliothèque; les soucis matériels lui étaient ainsi évités, et il trouvait réunies sous sa main les ressources nécessaires pour ses recherches dans les volumes soigneusement annotés par lui dans le cours de sa vie et familiers aux personnes qui l'entouraient. Mais il souffrait de ne pas retourner aux champs et répétait impatiemment le vœu d'Horace. Il dut attendre jusqu'au mois d'octobre 1373, et même accompagner à Venise, après une défaite du seigneur de Padoue, le fils de son ami, qui allait faire amende honorable à la Seigneurie et traiter des conditions de la paix. Ce n'est qu'à la suite de cette pénible mission que le vieux poète, dont la santé s'épuisait de plus en plus, put retourner à Arqua et y goûter encore quelques mois d'étude et de recueillement.

La nuit du 18 juillet 1374, comme Pétrarque veillait, suivant sa coutume, dans son petit cabinet, la mort vint le surprendre. On dit que ses amis le trouvèrent, au matin, le front appuyé sur le livre ouvert devant lui. Le travail qui avait occupé ses dernières heures était la biographie de César'; la page écrite par sa main tremblante s'arrête sur un renvoi aux lettres de Cicéron annonçant un passage qu'il n'a pas transcrit. Ainsi, jusqu'à la fin, sa pensée fut remplie de la grandeur de Rome et vécut dans le monde idéal qu'elle s'était choisi (Pierre de Nolhac, Pétrarque et l'humanisme, Tome 1, 1965 - archive.org).

Pétrarque est donc mort près de Padoue, ville associée à Rennes-le-Château et à Héliopolis d'Egypte (Le Cercle et la Croix des Prophètes : Les Prophètes et Rennes le Château : Le sceau-signature du Grand Parchemin).

Pétrarque précurseur de la mélancolie moderne

Entre deux eaux, entre deux mondes, le Secretum de Pétrarque (1304-1374), écrit vers 1347, [texte « précurseur du culte moderne de la mélancolie» (Hugo Friedrich)] joue un rôle de pivot. Ce texte, qui a promu la vie intérieure au rang de domaine nouveau pour la réflexion des philosophes et des poètes, n’est pas seulement l’histoire intime et secrète d’une âme, dans la filiation avouée des tristes Confessions de saint Augustin. Il trahit les ambiguïtés de toutes sortes d’adieux. Pétrarque rompt avec soimême comme avec le monde ; mais il rompt aussi avec son grand modèle, pour affirmer le choix du désir. [...]

Le temps est venu de congédier la méditation sur un crâne – sur Dieu, la vie, la mort – pour lui substituer un travail de l’esprit nettement plus intellectuel (et profane). Tel est l’enjeu, clairement affirmé, du choix final de Pétrarque, rasséréné par son dialogue avec Augustin mais déterminé à lire et écrire. En fin de compte, Pétrarque est l’auteur, et Pétrarque est seul. Il n’a fait que débattre avec soi-même, suscitant à titre de personnage dans le roman de son âme un autre écrivain chrétien, son maître spirituel. Saint Augustin ne se consacra pas entièrement à la méditation sur la mort. Il appliqua aussi son esprit à l’écriture d’ouvrages qui, pour être religieux, s’aventurent dans des voies moins strictement orthodoxes – comme son autobiographie. Mauvais apôtre de la pure contrition méditative, où la créature se dilue en Dieu, saint Augustin accorde une place à la vie personnelle de l’âme. Le personnage romanesque d’Augustin, chez Pétrarque dont le Secretum est le fruit chéri des Confessions, sert une cause finale qui n’a que peu de rapport avec les fins dernières de l’homme : il glorifie la méditation personnelle, la ligne intérieure de vie et la production des oeuvres. Pour Pétrarque comme pour Dürer, la mélancolie, même si elle est volontiers douloureuse et sombre, n’est plus tant le péché d’une âme malade que le tribut à payer pour une vie intérieure créatrice, inspirée, préoccupée d’elle-même. Régénéré par son introspection, Pétrarque s’en retourne à ses activités d’amour et d’écriture avec une force nouvelle. Et bientôt, signe de l’avancée des temps nouveaux, la Mélancolie de Dürer, compas en main, ne sera pas près, elle non plus, de baisser les yeux (Anne Larue, L’autre mélancolie : Acedia, ou les chambres de l’esprit, 2001 - books.google.fr).

Pétrarque et Montrevel

Un cercle de poètes se réunit chaque soir autour de Marguerite : Picot, d'Aubigny, La Baume et Bouton s'essayent à composer des pièces de vers,le plus souvent des rondeaux, qui sont en suite mis en musique. Ils ne sont guère novateurs, utilisentles thèmes del'amour courtois, chantent la tristesse des amants séparés et les désillusions de la vie. Une ballade, Chanson faite par Semadams, est écrite entièrementde la main de Marguerite. [...] Dans les soirées de Malines, Marguerite dicte, écoute, reprend, inspire. Les mêmes thèmes reviennent toujours, du souvenir et de l'attente de l'amour qui survit à la mort. Pétrarque – le poète préféré de Marguerite – recompose sans cesse le Canzoniere : il a aimé une seule femme, Laure, et l'a chantée jusqu'à la mort. De même, dans ses vers, Marguerite chante Philibert disparu – sans d'ailleurs jamais le nommer. Pétrarque retrouve partout l'image de sa dame, comme Marguerite celle de Philibert : «L'amour seulme soutient avec le souvenir». Marguerite évoque dans ses poèmes unevie ballottéeentre l'amour, leregret, le désir et l'espoir (Jean-Pierre Soisson, Marguerite, 2002 - books.google.fr).

Guy de la Baume est comte de Montrevel après la mort de son cousin Jean, et père de Pierre, évêque de Genève chassé en 1523, puis archevêque de Besançon. Du troisième fils de Guy, Claude, est né Claude de la Baume qui fut élève de l'humaniste Gilbert Cousin, né à Nozeroy, disciple d'Erasme. Le frère de ce Claude, François, deviendra comte de Montrevel à la mort de son cousin Jean qui assista aux funérailles de Philibert de Chalon, prince d'Orange, à Lons le saulnier, en 1530 (Anselme de Sainte-Marie, Histoire généalogique et chronologique de la Maison Royale de France, Tome VIII, 1733 - books.google.fr).

A quatorze ans, en 1517, Philibert de Chalon vint près de François Ier réclamer la principauté d'Orange ; malgré la suite nombreuse et brillante qui l'accompagnait, le roi de France fît peu d'attention à lui. Philibert, mécontent, offrit ses services à Charles d'Autriche (L. Plantet, L. Jeannez, Essai sur les monnaies du comté de Bourgogne depuis l'époque Gauloise jusqu'à la réunion de la Franche-Comté à la France, sous Louis XIV, 1855 - books.google.fr).

De son séjour à Amboise où il avait été invité avec sa mère Philiberte de Luxembourg, il avait rapporté le gont des tournois. Déjà, au mois de septembre 1518, il en avait organisé un. De retour à Nozeroy, il rêve d'une joute qui rivalise avec celles de la Cour de France et affirme la puissance de sa maison (Ulysse Robert, Philibert de Chalon, prince d'Orange, vice-roi de Naples: 18 mars 1502-3 août 1530, 1902 - books.google.fr).

La ville de Nozeroy, vieille capitale des Chalon-Orange, située sur un petit mamelon, au centre du gracieux val de Mièges, n'est aujourd'hui qu'un modeste chef-lieu de canton. Mais, les ruines de son château, ses murailles, ses tours, ses vieilles maisons, son antique collégiale, lui conservent encore un aspect imposant. Au XVIe siècle, Nozeroy était une importante cité : « à l'extrémité de la ville, vers le midi, c'est-à-dire dans le point principal, s'élève le château du prince, grand et superbe édifice de forme carrée, construit en pierres ajustées avec un art infini, entouré d'un mur qui le ceint lui et la ville» (Gilbert Cousin, Description de la France-Comté). Les travaux de M. Ulysse Robert sur Philibert de Chalon donnent au lecteur de précieux renseignements ; il y trouvera une description du château de Nozeroy, le récit des fêtes qui eurent lieu en 1519, les détails du grand tournoi dont le jeune Cousin dût être un des spectateurs émerveillés et dont l'éclat, peut-être, guida ses frères vers la carrière des armes (P.A Pidoux de Maduère, Gilbert Cousin, 1910 - books.google.fr).

On pourrait penser que les joutes ne sont que simulation. Pourtant, la relation du tournoi de Nozeroy, en Franche-Comté, tenu du 24 décembre 1519 au 2 janvier 1520, révèle que l'intérêt porté par les chroniqueurs au décor ou au scénario ne signifie pas que les champions ne sont que des comédiens. Dans ce tournoi, [...] certains compétiteurs « ont esté blessez jusques à effusion de sang » (Sébastien Nadot, Rompez les lances !: Chevaliers et tournois au Moyen Age, 2010 - books.google.fr).

Malgré les tentatives de Zingle et de Hérold il n'avait point versé dans le protestantisme; il continuait à exercer ses fonctions de chanoine et son ministère de prêtre catholique. En vain Hérold lui écrivait de Mâle le 1er mars 1543 jouant sur son orgueil, Cousin le Bourguignon, le comparant à Sadoletus l'Italien, Cavin le Français tous deux passés à la Réforme. (P.A Pidoux de Maduère, Gilbert Cousin, 1910 - books.google.fr).

Jean-Basile Hérold, écrivain allemand, connu sous les noms de Hochstattensis, d'Acropolitanus, de Basilius Joannes, né en 1511, à Hochstædt, en Souabe, mort à Bâle, vers 1570 (ou 1581). On ne sait rien sur sa jeunesse. Après avoir fait un voyage en Italie, il apparut en 1539 à Bâle, où il se fit connattre par des ouvrages dans lesquels il défendit le protestantisme contre les attaques du parti catholique. Vers 1541 il obtint une cure dans le voisinage de Bâle, mais en 1546 déjà il revint dans cette dernière ville pour se consacrer entièrement aux travaux littéraires. Hérold a laissé un nombre fort considérable d'ouvrages, dont on trouve la liste dans la Bibliotheca de Gessner.

Son édition de Pétrarque en 1554 est précieuse, à cause du soin avec lequel les poésies latines de Pétrarque y ont été réunies : Francisci Petrarcha: Opera, quæ entant, omnia. Adjecimus ejuxdem authoris quæ hetrusco sermone scripsit carmina sive rhythmos; Bâle, 1554, in-fol.

Il ne faut pas confondre notre Hérold avec le dominicain Jean Herold, qui vécut au quinzième siècle, et dont les savants travaux théologiques ont été publiés à Mayence (Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, avec les renseignements bibliographiques et l'indication des sources à consulter, Volumes 23 à 24, 1858 - books.google.fr).

Cousin qui excellait dans toutes les études auxquelles il s'adonnait devint bientôt un maître réputé. C'est à lui qu'en 1558, J.-B. Hérold dédie ses deux dialogues intitulés : « Scipio, seu de discipulorum erga prœceptores grati animi memoria » et « Nero, vel de discipulorum erga pracceptores horrendo ingrati animi crimine ». Son fils Emmanuel avait d'ailleurs été l'élève de Cousin.

En lui dédiant, en 1559, son « Pantheon sive universitatis libri qui chronici appellantur libri XX », J.-B. Hérold faisait à Claude un brillant éloge de Cousin, éloge que treize ans plus tard, l'archevêque devait avoir encore devant les yeux lorsque, probablement par un souvenir reconnaissant envers son maître et pour lui donner toutes les de la justice, il tenait à diriger lui-même les débats de son procès. (P.A Pidoux de Maduère, Gilbert Cousin, 1910 - books.google.fr).

Maurice Scève et miniatures

Dans la chapelle de la Croix, Laure de Noves fut ensevelie en 1348, et c'est là qu'un poète-antiquaire de Lyon, Maurice Scève, prétendit découvrir la tombe en 1533 de la Laure de Pétrarque (Emmanuel Davin, Les différentes Laure de Pétrarque. In: Bulletin de l'Association Guillaume Budé : Lettres d'humanité, n°15, décembre 1956 - www.persee.fr).

Selon une interprétation du quatrain I, 32 des Centuries de Nostradamus, la Laure que chante Pétrarque serait en rapport avec la principauté d'Orange dont Philibert de Chalon fut titulaire. Celui-ci est né à Lons le Saulnier comme Desvernois (Translatio imperii et translation studii : la Laure de Pétrarque, I, 32, 1580-1581 - www.nostradamus-centuries.com).

Saulsaye est une églogue surprenante de Maurice Scève faite d’un assemblage de matériaux hétérogènes (tous italiens ou romain) que sont le dialogue bucolique à la manière virgilienne, le discours pétrarquiste, les Salices de Sannazar et l’éloge de la vie épicurienne emprunté à la silve Rusticus de Politien : de ce fait, ils font formellement de l’églogue une silve, et fondamentalement de l’églogue une fiction philosophique. C’est donc une églogue qui sort du cadre habituel, allégorique et politique, pour offrir après plusieurs propositions discursives et narratives un débat philosophique concernant deux modes de vies. L’un est déterminé par de nouveaux rapports sociaux et économiques, l’autre – préférable dans la logique du texte – est déterminé par une résurgence inattendue de la philosophie épicurienne dont le mot d’ordre : « vivre caché » sied tout particulièrement à Maurice Scève, le poète caché par excellence, quoique par ailleurs son contenu philosophique détonne particulièrement dans la pensée scévienne. On est alors placé devant un plaidoyer pour une vie de plaisir, étrangère à la sphère chrétienne, énigme non résolue de ce moment épicurien dans l’œuvre de Scève, presque totalement emprunté à Politien.

Cette découverte d’un nouvel ancrage italien de l’églogue nous permet quelques conclusions et, entre autres, une nouvelle hypothèse interprétative de la devise « Souffrir non souffrir », placée à la fin du poème comme unique signature. Alors qu’il avait utilisé comme première devise en 1535 « SOUFFRIR / SE OUFFRIR. », c’est avec Délie en 1544 que Scève choisit sa deuxième devise « souffrir non souffrir » qu’il reprend en 47 dans Saulsaye. Mais si la devise semble porter la contradiction dans Delie, elle n’a peut-être pas cette fonction dans Saulsaye. Elle pourrait s’éclairer assez simplement si le passé de Philerme relaté au début de Saulsaye représente le souffrir et si la résolution finale de Philerme d’une vie épicurienne représente le non souffrir. Pas de contradiction donc ici mais une évolution claire du souffrir lié à l’amour (passion) au non souffrir libéré de l’amour (et de toute autre passion) par l’ascèse. La philosophie ici explicitée est bien remède à la souffrance, comme l’envisage Épicure (Michèle Clement, Scève et Politien ou comment réinventer l’églogue française : ”Saulsaye” et la silve ”Rusticus”, Réforme, Humanisme, Renaissance, Association d’Études sur la Renaissance, l’Humanisme et la Réforme, 2012 - hal.archives-ouvertes.fr).

Non sans raison je me suis resveillé / Au premier somme, et fort esmerveillé / Oyant, Philerme, une voix long temps plaindre / Piteusement, et qui sans point se feindre / Se lamentant montrait par sa complainte / Une âme triste et de douleur atteinte. / Je ne pouvais en sommeillant comprendre / Que ce fût toi qui le m'as fait entendre / Par tant de fois ; si bien j'eusse ouvert l'œil, / Qui m'es congnu plus qu'à toy ce Soleil. / Et mesmement dès que tu soulois paistre / Sur la montaigne, et non en ce champestre, / Lieu solitaire, ou la Saulsaye espaisse / Soubs doulce horreur est de mort une espece, / Ou nul (fors toy, et tout desespoir) vient. / Car je t'ay veu (et tresbien m'en souvient) / Quand tu suyvois Doris la camusette, / Tout ententif au son de ta musette, / Dont tu faisois resonner la valee. / Ores tout morne, avec chère avalée, / La barbe longue et les cheveux sans ordre, / Je ne te vois fors bras et mains détordre, / A basse voix, et mots entrecouppez / De maints souspirs par sanglots sincopez, / Qui (tout ainsi qu'en estroite fornaise / On voit grand feu sortir mal à son ayse) / Dedans ta bouche ensemble s'entrebattent: / Voire,& de sorte entre eux ilz se debattent, / Qu'on te diroit,non en le recitant, / Mais à tevoir,quelque febricitant, / Qui à sa fin douloureusement tire (Le Livre de Plusieurs Pieces, Dont le contenu se treuve en la page suyuante, Arnoul l'Angelier, 1548 - books.google.fr).

La Saulsaye se termine par "oultre le mont Forviere". Qui ne sait que Fourvière est le forum vetus, ou en grec l'agora.

Le sage épicurien vit à l'écart de la place publique, et préférera l'amitié à l'amour (« Cache ta vie ») (Traverses, Volumes 37 à 39, Centre de création industrielle, 1986 - books.google.fr).

Au cours de l'année 1547 Tournes fit paraître les Marguerites de la Marguerite et sa Suyte, deux tomes conçus comme un ensemble bien que la pagination en fût indépendante. C'est dans la deuxième partie seulement qu'on trouve les bois de Salomon, au nombre de onze (figs 113 à 118), et leur originalité est encore plus frappante. La question de leur origine a été étudiée plus d'une fois, notamment par Robert Marichal qui signale l'existence de cinq manuscrits de La Coche dont deux sont agrémentés de onze miniatures (Chantilly, Ms 522 et Oxford Bodléienne, XIV B 31); les trois autres ont, à la place des miniatures, une description verbale qui correspond à ces illustrations. Marichal a montré que Salomon ne cherchait pas à imiter les miniatures (ce qui aurait peut-être été plus normal) mais à reproduire sous forme graphique la description écrite fournie par la reine, qui constituait ses instructions formelles d'après lesquelles les miniaturistes avaient fait leur travail. C'est donc cette description qui est la vraie source des gravures de Salomon qui ne cherche pas plus à illustrer le poème qu'à imiter les miniatures. Son but reste pourtant celui des miniaturistes puisque ses sujets sont identiques aux leurs, à ceci près qu'il omet l'hommage de l'auteur à la duchesse d'Etampes qui vient à la fin du livre et n'a donc que dix gravures pour illustrer La Coche, la onzième étant celle de «L'Histoire des Satyres et Nymphes de Dyane», le premier poème dans la Suyte des Marguerites (fig. 114). Marichal fait aussi observer que le style des gravures de Salomon est très différent de celui des miniatures et que toute ressemblance dans les détails est due au fait qu'elles suivent les légendes des manuscrits. Il est possible que Salomon ait connu ces manuscrits enluminés, surtout si c'est Marguerite en personne qui lui avait passé la commande de l'illustration et qui en avait donc discuté avec lui, mais cela n'est pas nécessaire ni même très probable. Et même s'il les a vus, il ne s'en est pas servi directement dans la préparation de ses dessins. [...]

La dernière des publications littéraires de 1547 ne contient que deux gravures, mais l'une d'entre elles est d'une grande originalité. Depuis au moins 1540, comme nous l'avons vu, Salomon connaissait Maurice Scève, le dédicataire du Pétrarque (et qui avait contribué par un poème aux Marguerites et par un autre à la Suyte), et allait travailler de nouveau avec lui en 1548 pour l'Entrée d'Henri II et de Catherine. Scève appréciait sans doute leur première collaboration artistique et il était donc tout à fait normal que l'invitation à illustrer Saulsaye. Eglogue de la vie solitaire (1547) (Catalogue, n° 8), dont le texte doit beaucoup à l'influence de Marguerite de Navarre, lui soit adressée. Salomon s'acquitta bien de ce nouveau travail en commun. Saulsaye constitue une idylle pastorale, un débat sur la vie rustique et un petit récit mythologique, et l'édition originale est ornée de deux jolies gravures de Salomon: une scène pastorale de deux bergers devant une vue de Lyon (fig. 125), et une scène mythologique, la métamorphose en saules des nymphes de Diane dont nous venons de parler. La vue de Lyon est la première image réaliste de cette ville (malgré la présence fantaisiste des deux pasteurs décrits par Scève) n'ayant ni source niantécédent. La vue supposée de Lyon publiée dans la Chronique de Nuremberg (1493) était entièrement idéalisée et donc imaginaire. La petite gravure de Salomon a été, de toute évidence, dessinée, ou au moins étudiée et esquissée en plein air; elle représente la colline de Fourvière aperçue de l'autre côté de la Saône avec les maisons qui bordent le fleuve, la cathédrale Saint-Jean et, éparpillées sur les pentes, quelques villas, comme celle de Pierre Sala, l'«Antiquaille», et tout en haut l'église Notre-Dame (Peter Sharratt, Bernard Salomon: illustrateur lyonnais, 2005 - books.google.fr).

www.univ-montp3.fr

Laure et le Royaume de Bourgogne

Les Dossiers secrets de Toscan du Plantier donnent une généalogie des seigneurs de Broyes.

Les Commercy sont une branche de la maison de Broyes.

Laure de Commercy (morte en 1275) épouse Jean de Bourgogne-Chalon, auteur de la branche des Chalon-d'Arlay qui sera en possession de la principauté d'Orange. Laure de Commercy est la fille de Simon II de Commercy, marié en premières noces à Mathilde de Saarbrücken elle-même fille de Laurette de Lorraine (racineshistoire.free.fr).

Marie de Baux (ou Marie d'Orange), princesse d'Orange, est la fille unique héritière du Prince d'Orange Raimond V des Baux et de Jeanne de Genève. Elle épouse le 11 avril 1386 le seigneur d'Arlay Jean III de Chalon-Arlay, fils de Louis seigneur d'Argueil et de Marguerite de Vienne, avec qui elle a Louis II de Chalon-Arlay (dit Louis II le Bon) (1390-1463). Elle disparait le 14 octobre 1417 à Orange et son mari en 1418. Leur fils leur succède au titre de Prince d'Orange (fr.wikipedia.org - Marie des Baux-Orange).

Canzoniere (Rime (italien), Rime sparse (italien), Rerum vulgarium fragmenta (latin)) est une oeuvre poétique en langue vulgaire, composée de pièces diverses, élaborée à partir des années 1342-1343 et souvent retravaillée. L'un des manuscrits, daté de 1366-1367, porte le titre : "Rerum vulgarium fragmenta". Le titre "Canzoniere" vient de l'édition de 1516. - Comprend 317 sonnets, 29 chansons, 9 sextines, 7 ballades, 4 madrigaux. Divisé en 2 parties : poésies écrites du vivant de Laure, poésies écrites après sa mort. Beaucoup de poésies exclues par l'auteur sont désignées sous le titre "Rime extravaganti".

Le codex Vaticano 3195, daté de 1374, est, pour une partie, autographe de l'auteur (data.bnf.fr, fr.wikipedia.org - Canzoniere).

Sur la « réalité » de Laure, Pétrarque est en effet particulièrement laconique. Ce sont d'abord deux dates. La première est celle de 1327 qui marque leur rencontre ; elle est présente dans le sonnet Voglia mi sprona où le poète dit : « C'est l'an 1327 à la première heure le 6 avril que j'entrai dans ce labyrinthe de l'amour » (Rime, Sonnet III). La seconde est celle de 1348 que dans le sonnet Tornami a mente il donne comme étant l'année où mourut Laure : « L'an mil trois cent quarante-huit, le 6 avril à la première heure cette âme bienheureuse a quitté son corps » (Rime, Sonnet CCLXVII) . En 1348, la peste décime une partie de l'Europe et la tradition fait de Laure l'une de ses victimes. Au sonnet XCI, Pétrarque écrit : « La belle dame que j'ai tant aimée nous a quittés soudainement ». Dans l'églogue X du Bucolicum carmen, usant de l'allégorie, il représente le vent de l'orient, l'Eurus, et le vent du midi, l'Auster, le premier chargé de germes pestilentiels, le second d'humidité, « renversant tous les arbres et arrachant le laurier qui faisait son bonheur ». Laure apparaît également dans le Triomphe de l'amour, le Triomphe de la Chasteté, le Triomphe de la mort et le Triomphe de l'éternité. On la trouve aussi dans quelques lettres familières (Fam. II, 9, 18-20 ; VIII, 3, 16 ; IX, 4, 20 ; X, 3, 23-24), la Lettre à la Postérité et certaines églogues (III, X, XI). D'une manière très réaliste, un passage du Secretum la décrit comme une femme fatiguée par ses nombreux accouchements : « Chaque jour te rapproche de la mort et ce corps magnifique qu'ont épuisé les maladies et les grossesses a perdu de sa vigueur première ». Enfin, Pétrarque exprime la passion qu'il éprouve pour elle dans deux épîtres en vers (I, 6 et 8) et par deux sonnets, nous savons qu'au printemps 1336, le peintre Simone Martini exécuta son portrait (Rime, Sonnets LXXVIII et LXXIX). Toutes ces évocations sont inscrites dans l'œuvre littéraire mais le problème est rendu plus complexe par l'existence d'une note, à caractère nettement autobiographique, insérée par Pétrarque sur le verso du feuillet de garde du Virgile ambrosien. Il s'agit d'un commentaire nécrologique, rédigé vraisemblablement en 1351 alors que le poète avait appris, à Parme le 19 mai 1348, la disparition de Laure (Eve Duperray, L'Or des mots: une lecture de Pétrarque et du mythe littéraire de Vaucluse des origines à l'orée du XXe siècle : histoire du pétrarquisme en France, 1997 - books.google.fr).

Wolfram se base sur des lieux réels qu’il connait pour camper le décor de son histoire avec une grande cohérence spatiale (par exemple l’association Besançon – Bêârosche décrite par Greub est très convaincante, dans Parzival), ce qui ne signifie absolument pas que l’histoire s’est déroulée dans ces lieux. Cela signifie simplement que Wolfram connaît ce lieu et le parcourt mentalement pour donner une description vivante et crédible dans son histoire, exactement comme Chrétien de Troyes avec la Normandie.

En ce qui concerne Whillehalm, l’identification d’Orange dans le sud de la France à l’Oransch de Wolfram est sans surprise (d’ailleurs la traduction anglaise traduit directement par Orange, selon le choix des traducteurs de "traduire le nom des lieux proches et connus par leur nom actuel" [7]). Par contre, et contrairement à son intention, la démarche de Greub démontre que Wolfram n’est justement ni un historien ni un géographe mais bien un poète : il est en effet inconcevable, comme le fait très justement remarquer Christoph Lindberg (c.f. note 2), d’assimiler un amphithéâtre romain à une tour de château fort. Ce qu’on peut en déduire au contraire est que Wolfram a sûrement vu les lieux, mais qu’il laisse ensuite vagabonder librement son imagination pour reconstruire sur la base des éléments réels les décors de son roman.

D’après Greub, toute l’action du Parzival se situe dans un mouchoir de poche d’un rayon d’environ 150 kilomètres autour de Pontarlier (www.graal-initiation.org - Werner Greub - La Quete du Graal).

En corrélant Willelhalm et Parzival, on met en relation la région Francomtoise et la principauté d'Orange.

L'alliance des Chalon et des Baux au XIVème siècle a peut-être couronné des relations entretenues depuis longtemps avant.

Albert SCHREIBER (Neue Bausteine zu einer Lebensgeschichte Wolframs von Eschenbach, Frankfurt a. M. Oritz Diesterweg, 1922 (Deutsche Foprshungen hbg. von Fr. Panzer und J. Petersen, 7), grand in-80, IX-233 pp. Il est peu d'auteurs dont la biographie ait donné lieu à autant de discussions que Wolfram d'Eschenbach. La chose paraît surprenante quand on songe qu'on ne sait guère de Wolfram que ce qu'il a dit de lui-même. Il semblerait donc que toute controverse doit être exclue, puisqu'il n'y a qu'à admettre ses confidences. Mais ces confidences sont des allusions dont il faut percer le mystère, d'où un premier objet d'étude. Puis — et surtout — Wolfram est accusé par certains d'avoir déguisé la vérité. Il aurait pris un malin plaisir à conduire ses lecteurs sur de fausses pistes. Il a, par exemple, affirmé qu'il avait pour son Parzival fait état d'un livre français écrit par un auteur qu'il appelle Kyot. La sincérité de cette affirmation a été mise en doute par une quantité de critiques, affirmée exacte par d'autres, qui sont nombreux aussi et qualifiés. M. Schreiber est parmi ces derniers. Ce faisant il reste logique. Il croit fermement à toutes les allégations de Wolfram, dussent-elles nuire à la réputation du poète. Il ne peut admettre — ce qu'ont fait d'autres — que Wolfram n'ait pas dit la vérité quand il a affirmé qu'il était un illettré, ne sachant ni lire ni écrire. Il est à noter d'ailleurs que cet aveu confirme la thèse Kyot. Car tout le savoir dont Wolfram fait montre en matière d'astronomie et d'histoire naturelle ne serait pas pour surprendre s'il en avait trouvé les éléments chez un auteur instruit et qui aurait puisé dans des documents arabes. Admirateur de Wolfram, M. Schreiber s'est donc astreint à de longues recherches pour élucider des points obscurs de la biographie de son poète. Son attention s'est dirigée sur les contemporains de Wolfram. Il a étudié l'histoire des familles avec lesquelles Wolfram a été — ou pu être — en relations. De la poussière des archives il a exhumé des documents dont quelques-uns présentent un vif intérêt et sur lesquels il a édifié des hypothèses séduisantes, sinon toujours à l'abri du doute. Wolfram serait peut-être né d'une famille bavaroise — non franconienne — fixée en Franconie. Il aurait été un cadet de famille, ce qui justifierait la pauvreté dont il se plaint. Parmi ses protecteurs se placerait Rupert de Darne, homme instruit, qui lui aurait sinon procuré, au moins expliqué les sources françaises de son Parzival et de son Willehalm. Il aurait été en relations avec le prince Guillaume de Baux-Orange, grand seigneur provençal en qui il trouva — ou pensa trouver — un protecteur. Un trait de biographie légué par l'auteur de la Guerre de la Wartburg est admis, assez libéralement, par M. Schreiber : Wolfram aurait été fait chevalier par le comte de Henneberg (Revue germanique, Volume 15, 1924 - books.google.fr).

But was Wolfram now really in Orange or not ? Fairly recent research indicates that indeed he was. Hans-Wilhelm Schäfer writes in his book “Kelch und Stein” (Chalice and Stone), published in Frankfurt am Main, 1983, on p. 18: “He believes that the first two chapters (of “Parzival”) were written after 1218, after the death of Wolfram’s sponsor Wilhelm von Baux-Orange and after the definite breaking-off of the Willehalm.” The “he” in this quotation refers to Albert Schreiber, author of “Neue Bausteine zu einer Lebensgeschichte Wolframs von Eschenbach”, (Deutsche Forschungen Bd. 7, Frankfurt am Main 1922). This book I could not get a hold of yet to gather more information on this loose, almost incidental statement by Schäfer that Wilhelm von Baux-Orange was Wolfram’s sponsor, for this Wilhelm was none other than the Prince of Orange at that time, and this Baux Family inherited this princedom at the end of the 12th century! This makes it almost certain, granted more research needs to be done, that Wolfram did indeed visit Orange as Greub already suspected. (www.boekenroute.nl).

Besançon, Pontarlier, Orange et Lyon faisaient partie du Royaume de Bourgogne à certaines époques.

Un premier royaume de Bourgogne, la Burgondie (en allemand Burgund), fut créé par le peuple burgonde après son installation sur les bords du lac Léman, en Sapaudie, au Ve siècle. Son souverain le plus glorieux, Gondebaud, gouverna alors un territoire qui s'étend de Langres à Marseille et du Rhin à la Loire. Le traité de Verdun de 843 divise la Bourgogne en deux grandes entités territoriales : une Bourgogne franque à l'ouest (futur duché, dont l'actuelle région Bourgogne est issue), et une Bourgogne impériale à l'est dans laquelle se trouve notamment la future franche comté de Bourgogne ou Franche-Comté. Au IXe siècle, la Bourgogne impériale voit naître, en son sein, deux royaumes : le premier, au sud, touchant les rives de la Méditerranée, qui prend le nom de « Bourgogne-Provence » appelé aussi « royaume d'Arles » ; le second, appelé « royaume de Bourgogne », situé à l'origine en Helvétie (en Transjurane, au-delà des monts du Jura), intègre rapidement d'autres domaines, dont les terres du diocèse de Besançon.

Le 15 octobre 879, une assemblée de notables et de prélats, réunis à Mantaille élit roi le beau-frère de Charles II le Chauve, Boson, comte d'Autun, exerçant les fonctions ducales dans le Lyonnais, le Viennois, et en Provence. Le couronnement du bivinide Boson fut à l'origine du royaume de Provence. S'il reçoit le titre royal, Boson ne prend toutefois pas la qualité de roi de Bourgogne cisjurane. Son « royaume de Provence », appelé aussi « royaume d’Arles ou de Vienne » s’étend, au nord, des rives du Doubs jusqu’aux rives de la Méditerranée au sud, il déborde sur l’Helvétie et l’Italie. Sous sa couronne se trouvent réunis une partie de la Bourgogne, le Bugey, la Bresse, le Dauphiné, le Forez, la Tarentaise, la Provence et une partie du Languedoc. Boson prend Vienne pour capitale et se dote d’une chancellerie dirigée par Adalgaire, l’abbé de Flavigny.

Rodolphe II réussit à réunir Bourgogne et Royaume d'Arles et les transmet à son fils Conrad III. En 1032, à la mort sans postérité de Rodolphe III, fils du roi d'Arles ou Deux Bourgognes, Conrad III dit « le Pacifique » (925-993), Conrad II, dit Le Salique, duc de Franconie et empereur romain germanique, hérite du trône de Bourgogne qui est alors annexé au Saint-Empire, suscitant la révolte de l'aristocratie de la région. Les Empereurs se regardent constamment comme roi d'Arles, en vertu de la donation de Rodolphe. Mais leur domination est plus nominale que réelle. Ils y firent de temps à autre des actes de souveraineté.

Charles Ier (1226-1285), de la maison d'Anjou, succède à celle de Barcelone en Provence. Charles d'Anjou est plus puissant qu'aucun de ses prédécesseurs. Pendant près d'un demi-siècle la royauté arlésienne reste en sommeil (fr.wikipedia.org - Royaume de Bourgogne).

Pétrarque dédie son Afrique à Robert d'Anjou, roi de Naples et comte de Provence.

Au cours de l’année 1341, Pétrarque quitta momentanément sa retraite de Vaucluse et sa chère fontaine pour se rendre au royaume de Naples. Le Vauclusien fut d’abord accueilli, en mars, par le roi Robert à Naples qui allait juger s’il était digne d’être couronné des lauriers d’Apollon comme prince des poètes. Durant trois jours, Pétrarque se soumit publiquement à son jugement. Le troisième jour, après lecture de quelques extraits de l'Africa, le souverain le déclara digne des lauriers. Robert d’Anjou lui ayant proposé de le couronner à Naples, le poète insista pour l’être à Rome (Jean-Christophe Saladin, La Renaissance pour les Nuls, 2017 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Pétrarque).

François Rigolot suppose que Laure devait son nom à la symbolique du laurier, emblème du poète couronné de gloire (Clément Marot, Œuvres complètes, Tome 1, présenté par François Rigolot, 2007 - books.google.fr).

En 1312 le royaume d'Arles refait surface. Henri VII du Saint-Empire, empereur, tient à affirmer les droits de l'Empire sur le royaume d'Arles. L'empereur, mécontent du parti pris en Italie par Robert d'Anjou, roi de Naples et comte de Provence, en faveur des guelfe contre lui, condamne à mort Robert d'Anjou et le déchoit de ses terres de Provence qu'il offre à Frédéric, roi de Sicile, à condition que ce dernier les conquiert. Il confirme également tous les droits et privilèges de l'archevêque d'Arles. La menace reste sans effet. À nouveau, le royaume d'Arles n'entendit plus parler des empereurs germaniques jusqu'à ce que Charles IV du Saint-Empire retrouve en 1355, le chemin de la Provence et confirme une fois encore, tous les privilèges de l'Église d'Arles. Jeanne d'Anjou et son mari Louis de Tarente, mis en danger à Naples par Louis le Grand, le roi de Hongrie, reviennent en Provence. Jeanne consent à rendre hommage à Charles IV, pour le gouvernement de la Provence, et ce dernier lui accorde par diplôme daté du 1er février 1355 à Aix-en-Provence, l'investiture du comté. Charles IV est de retour en Provence en 1365, et se faire couronner dans l'église Saint-Trophime d'Arles (fr.wikipedia.org - Royaume de Bourgogne).

L'historien Johann Georg von Eckhart (aussi Johann Georg Eccard) (Duingen, Saxe, 1664 - Würzburg, Bavière, 1730) donne comme une éventualité l'origine du nom de la forêt d'Odenwald, située près de Darmstadt, dans celui du dieu Wotan en vieux haut-allemand/Wodan en saxon/Woden en vieil anglais, l'Odin germanique (De Origine Germanorum : Eorumque vetustissimis coloniis, migrationibus ac rebus gestis. Goettingae: Schmidh, 1750). L'hypothèse est reprise par Wilhelmine Christiane von Chézy, née Von Klenck. L'Odenwald est liée à la Chanson des Nibelungen et à Siegfried. Lors d'une chasse qui le conduit de Worms, la ville des Burgondes, dans l'Odenwald, il est assassiné par Hagen von Tronje, sans qu'aucun lieu précis ne soit cité.

Worms est rattaché à la Hesse-Darmstadt en 1815 avec d'autres localités de Rhénanie, ensemble devenu la Hesse rhénane (Darmstadt : La piste Darmstadtienne : Darmstadt, Wotan et Uranus (CEIL), La Croix d’Huriel : Tintin, Hergé et la Croix d’Huriel : L’axe Cheverny - Huriel : saint Gervais).

Pétrarque et Quintilien

En 1350, la révélation de Quintilien marqua, aux dires du poète, son renoncement définitif aux plaisirs des sens (fr.wikipedia.org - Pétrarque).

Quintilien part de l'idée que l'homme est né pour penser et que cette aptitude est considérée comme une preuve de l'origine céleste de l'âme. Les commentateurs a rapprochent de cette opinion celle d'Aristote d'après qui tous les hommes ont par nature le désir de savoir. Pure ressemblance. Il ne faut pas oublier que le siècle de Quintilien est celui de l'éclectisme. L'Académie a été entraînée par Philon de Larisse et Antiochus d'Ascalon vers le dogmatisme et elle accorde assez étrangement Platon, Aristote et les stoïciens. Le moyen stoïcisme incline vers le platonisme avec Panétius et vers le péripatétisme avec Posidonius. Nous sommes tenté de voir dans la pensée de Quintilien un finalisme d'origine stoïcienne ; de même que l'enveloppe du bouclier est faite pour le bouclier, la gaine de l'épée pour l'épée, l'homme est fait pour penser, pour contempler et pour imiter l'harmonie de l'univers ; on sait, d'autre part, que, pour les stoïciens, l'homme microcosme, corps et âme, est une image du macrocosme : dans le mélange total dont parlaient Zenon et Chrysippe est impliquée l'idée de la solidarité et de la hiérarchie qui rappelle le point de vue platonicien de la participation. L'âme humaine, nous dit Sénèque, « est une partie du souffle divin plongée dans le corps de l'homme (in corpus humanum pars diuini spiritus mersa) » (Jean Cousin, Etudes Sur Quintilien: I. Contribution a la Recherche Des Sources de L'Institution Oratoire. II. Vocabulaire Grec de La Terminologie Rhetorique Dans L'Institution Oratoire (1935-36), 1967 - books.google.fr).

Avant la découverte de Poggio Bracciolini au cours du concile de Constance, découverte qui mit au jour un Quintilien complet, les humanistes durent se contenter d’un texte partiel de l’Institution oratoire. Pétrarque, tout comme Coluccio Salutati à sa suite, ne connaît le traité du rhéteur romain que sous une forme mutilée, dans un manuscrit qu’il a d’ailleurs eu entre les mains relativement tard, au cours de l’année 1350. [...] C’est donc à la maturité que Pétrarque entre en contact avec le texte fondamental du rhéteur romain, contrairement à ceux de Cicéron dont il est familier depuis sa plus tendre enfance. Pour cerner cette relation du Florentin à Quintilien, nous disposons de deux éléments fondamentaux : la lettre qu’il lui adresse et le manuscrit qu’il annote, devenu aujourd’hui le Parisinus latinus 7720. [...]

L’humaniste se place aux côtés de Quintilien comme un admirateur et disciple de leur maître et modèle commun dans le domaine de l’éloquence : Cicéron. [...]

Le mérite principal de Quintilien réside donc dans son originalité par rapport à son modèle : il a su imiter l’Arpinate de manière non servile, en ménageant le caractère personnel de sa propre œuvre (doctrine proprie). Pétrarque insiste en outre sur la différence des démarches des deux hommes : si Cicéron a voulu donner ses armes à l’orateur, Quintilien a cherché à orner et embellir cet équipement. [...]

La lettre à Qunitilien (Familiaris XXIV 7) confronte Qunitilien, comparé à une meule (pierre à aiguiser), excellent dans la thérorie de l'art oratoire, à Cicéron, épée de l'éloquence de combat. [...]

Sénèque et Quintilien, unis dans le Triomphe de la Renommée, sont aussi associés par Pétrarque et par les hommes de la pleine Renaissance pour l’élaboration d’une doctrine de l’imitation qui allie imprégnation et création, réécriture et invention, théorie que Pétrarque n’a cessé de mettre en pratique dans l’écriture de ses œuvres tant latines qu’italiennes. [...]

Pétrarque met donc en œuvre dans son style cette opération de transformation figurée par la digestion. Et Quintilien, aux côtés de Cicéron et de Sénèque, vient prendre place parmi les auteurs latins sur lesquels Pétrarque appuie sa théorie de l’imitation. La manière même dont il travaille et réécrit ses textes modèles révèle une mise en pratique immédiate et rigoureuse des principes de l’imitation qu’il prône dans ses lettres : c’est nourri de toutes ses lectures que l’écrivain doit composer sa propre œuvre. Pétrarque développe l’image de la digestion pour décrire cette innutrition : il s’est lui-même sans cesse nourri (comedi, hausi) de ses lectures diverses. [...] Le concept d’innutrition, auquel le poète français ajoute l’image de la greffe, est au cœur de l’imitation selon Du Bellay. Pétrarque apparaît ainsi comme l’initiateur de la conception de l’imitation créatrice à la Renaissance (Laure Hermand-Schebat, Pétrarque et Quintilien, 2009 - hal.archives-ouvertes.fr).

C'est une meule que dut tourner Samson dans la demeure-prison de Dalida après qu'on lui eut oté les forces.

Pétrarque platonisant

Le dernier ouvrage que Pétrarque composa à Arqua était : De sua ipsius atque multorum ignorantia.

En 1368, pendant son séjour à Venise, où il avait reçu une magnifique hospitalité, Pétrarque fut vivement attaqué par quatre scolastiques : Non per saper, ma per contender chiari. Ils avaient remarqué que l'illustre vieillard, qui souvent les avait accueillis avec bonté et même introduits dans sa bibliothèque refusait de jurer sur la foi d'Aristote : ils le citèrent doue à leur tribunal, lui donnèrent d'office un défenseur, et décrétèrent unanimement, après un débat contradictoire, qu'il était un homme honnête, maïs illétré. Cet outrage inattendu blessa cruellement le, philosophe qui adressa au grammairien Donato degli Albanzani, chancelier du duc de Ferrare, un traité de sa propre ignorance et de celle du beaucoup d'autres. Il rappelle ses triomphes passés, ses longues études, ses laborieuses veilles, les fatigues qu'il a supportées, les dépenses qu'il a faites pour découvrir et pour acheter de précieux manuscrits, l'amitié du bon roi Robert, ses savantes méditations dans la solitude de Vaucluse, et il se plaint amèrement de la sentence injurieuse qu'on a prononcée sans l'entendre. Se fondant ensuite sur l'autorité des Pères de l'Eglise, il combat les pernicieuses doctrines professées parles adorateurs du Stagyrite, il lui préfère les belles théories de Platon et celles de Tullius, qui offrent bien plus d'analogies avec le christianisme, et bien plus de charmes pour le penseur. « Si Aristote, dit-il, a défini avec justesse le bien et le mal, il n'a pas su enflammer assez ses disciples de l'amour exclusif de la vertu, et tel doit être pourtant l'unique objet du moraliste. » Juste dans sa colère, il reconnaît les titres de gloire que l'on ne saurait contester au fondateur du Lycée mais il s'élève avec une vive indignation contre l'orgueil insensé de ses partisans, il les représente entêtés dans les discussions, divisés dans leurs systèmes, aveugles dans leurs sympathies comme dans leurs haines, inintelligibles dans leurs idées comme dans leur langage. Dans ce traité, le plus important peut-être comme monument historique, Pétrarque détermine clairement la situation philosophique de l'Italie au XIVe siècle, il se prononce sur la grande question de la prééminence entre Aristote et Platon. C'est une éloquente protestation de l'école spirilualiste contre les progrès de l'averrhoïsme, que la licence des mœurs, les malheurs des temps et les commentaires de Pierre d'Albano et de frère Urbain avaient répandu dans toute la Péninsule (L. Maggiolo, Essai sur la philosophie morale de Pétrarque: Thèse présentée à la Faculté des Lettres de Strasbourg, 1843 - books.google.fr).

Marie Madeleine

Il existe un saint Platon au 22 juillet, aussi fête de Marie Madeleine.

Nous avons déjà vu dans le martyrologe romain, au 4 avril, un saint Platon, confesseur, supérieur du monastère du Mont-Olympe, et grand protecteur de la foi, de la justice et de la chasteté, contre des empereurs de Constantinople hérétiques, impies et adultères. L'Eglise nous en présente aujourd'hui un autre plus ancien, qui a combattu jusqu'à la mort pour la vérité de notre religion, sous les cruels empereurs Dioclétien et Maximien. De sorte que, si les païens se peuvent vanter d'avoir eu un Platon qui a été, selon les lumières de la nature, le plus sublime de tous les philosophes du monde, les chrétiens se peuvent vanter d'en avoir eu deux, que leur vertu et leur constance inébranlable dans l'amour de la vérité, jointes à une trèsgrande prudence et à une érudition peu commune, ont rendus admirables à tous les siècles. Notre saint Martyr naquit à Ancyre, ville de Galatie, aujourd'hui Angora ou Angourieh, sur le Sangarius, au déclin du IIe siècle. [...]

Au cours de son martyre, le tyran dit au Martyr qu'il s'étonnait extrêmement que, portant le nom du sage et divin Platon, il n'imitât pas ses actions et ne voulût pas reconnaître les divinités que ce grand philosophe a reconnues. « Il ne les a reconnues », dit le généreux Martyr, « que par lâcheté : car il savait bien qu'il n'y avait qu'un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre, et qu'il ne se pouvait pas faire qu'il y en eût plusieurs; mais la crainte de la mort lui a fait honteusement trahir la vérité : aussi il est un de ceux dont parle l'apôtre saint Paul, lesquels, connaissant Dieu, ne l'ont pas honoré et glorifié comme Dieu : c'est pourquoi ce juste juge les a abandonnés, non-seulement aux déréglements de leur esprit, mais aussi à des passions infâmes et à un sens réprouvé » (Les petits Bollandistes vies des saints de l'Ancien et du Nouveau Testament : Du 3 juillet au 23 juillet, Tome 8, 1872 - books.google.fr).

Les artistes et les théologiens ne cesseront d'amplifier la légende et ils se plairont à représenter, dans une grotte isolée ou en des lieux âpres, une femme naguère très séduisante qui se voue à la pénitence. Ils pensent qu'elle a tourné le dos à ses folies passées, aux toilettes éclatantes et aux parfums précieux. Ils croient que dans cette retraite, privée du regard de ses galants, elle va modérer sa coquetterie, anéantir ses ardeurs. lls se plaisent à décrire une pécheresse confrontée à la mort prochaine, à la dégradation du corps. Désormais, un crâne, un crucifix, un fouet, parfois un livre saint seront ses compagnons. Ou encore, dans la représentation des Vanités chère au XVIIe siècle, la pénitente est confrontée à un miroir, à un sablier, à une bougie fragile, son image naguère voluptueuse va s'évaporer avec les fleurs printanières et les bulles de savon qui complètent le tableau. Parfois gisent au sol les peignes, les bijoux et les colifichets dont se parait la belle, et le pot d'onguent est encore présent, énigmatique, insistant. Ce modèle édifiant triomphera après le concile de Trente, avec le mouvement de la Contre-Réforme qui encourage l'illustration de la vie des saints. La courtisane de Magdala, trop tentatrice même en pleurs, fait place à une ascète, vêtue d'un sac ou en haillons, le corps maigre, le visage creusé. La femme ermite se morfond, implore le ciel, se donne la discipline. Le brouhaha du monde ne l'atteint plus. Cependant, d'autres peintres montreront Marie Madeleine davantage philosophe, telle une figure de la Mélancolie s'interrogeant sur le destin de l'homme, sur la finitude de toutes choses. Ainsi, en ses dernières années, la femme solitaire apparaît sous des traits austères voire repoussants ou bien se trouve en proie au tourment métaphysique, au remords, au sentiment du péché (Jacqueline Kelen, Marie Madeleine, ou, La beauté de Dieu, 2003 - books.google.fr).

Platon et Samson : mariage

Le 6 avril, date de la rencontre de Pétrarque et Laure (1327) et date de la mort de cette dernière (1348), est la fête de sainte Platonide (plutôt que saint Platonide), veuve martyre à Ascalon en Palestine, dont le nom est en rapport avec celui de Platon, préminent sur Aristote selon Pétrarque.

Le texte grec des Ménées louant la sainte utilise l'adjectif "platos" (ample, large) étymologie de son prénom, traduit en latin par spatiosius : "spatiosa coeli te ferunt Platonida, / Spatiosa terrae meritis illustrantem" (Acta sanctorum: Ed. novissima, Tome 1, 1865 - books.google.fr).

Ascalon est mentionné dans le Triomphe de l'Amour, au sujet de Samson qui y tue 30 personnes (Francesco Petrarca,, Les Triumphes excellens et magnifiques du tres elegant poete, traduit par La Forge, Denys de Harsy, 1532 - books.google.fr).

In a sense, the image of Love "holding sway" or tyrannically ruling the wills of infatuated men colors the whole Dalilah episode of Samson Agonistes. At one point, for example, Dalilah remarks that she desires to make Samson "Mine and Love's prisoner, not the Philistines'" (808), which effectively explains her desire to subject the hero to the spiritual bondage of a life devoted to sensual gratification in place ot this present physical slavery to his enemies. Samson has no interest in such a change of masters, however, and he tells her so. But behind his overt rejection of Dalilah's offer lie significant iconographic overtones. In representations of the "triumph of love" theme, a virile male is often shown bound or trodden underfoot by the figures of Venus or Cupid. And when these portrayals include biblical or historical "victims" of fleshly passions, the figure of Samson is often prominently displayed. The literary locus classicus for Samson's association with the scene of Love's triumph is the Trionfi of Francesco Petrarca. [...] In the visual arts an appropriate example of this same motif is provided by a northern Italian fresco now in the Louvre, which is cited by Panofsky in Studies in Iconology." Here Venus is depicted with her most illustrious victims: Achilles, Paris, Troilus, Tristram, Lancelot, and, of course, Samson. Samson's reputation as a sort of "textbook case" of Love's tyranny sheds new light on Dalilah's offer of sensual gratification in Milton's poem. Through this offer Milton has provided his hero with an opportunity to exorcise a negative dimension of his traditional reputation, his shameful defeat at the hands of the lust of the flesh, and thus establish by his rejection of that same lust the idea of hard-won triumph over one of the world's temptations. The metamorphosis of Samson from victim to victor implied by the iconographic overtones of the Dalilah episode also anticipates the hero's triumph at the end of the poem. Victory over the spiritual enemy of worldly lust presages victory over Samson's physical enemies, the Philistines (Paul F. Reichardt, Milton's Samson and the Iconography of Worldly Vice, Milton and the Middle Ages, 1982 - books.google.fr, Joseph Burney Trapp, Remarques sur l'iconographie des Trionfi de Pétrarque, La Posterite Repond a Petrarque, 2006 - books.google.fr).

If Samson's melancholy pain takes resonance from Shakespeare's intuitive understanding of the nature of man, it also resembles the religious melancholy Burton diagnosed. Burton himself used Samson conventionally as an instance of love melancholy and not religious melancholy. He lamented 'Samson and Dalilah's embracings', noted 'Samson's strength enervated' by love, his enslavement to Dalila 'unbefitting [his] gravity and person', the 'infinite mischiefs' that attended his love. Elsewhere Burton drew conventional morals from the Samson fable: he described 'Sampson's hair' as a vain gift; referred to Samson's size and strength as conducing to self-love, pride and vainglory which he thought contributory causes of melancholy; adjudged his voluntary death an innocent and not guilty suicide, and cited Samson's abstemiousness as a remedy against discontent at one's poverty. [...] 'I write of melancholy, by being busy to avoid melancholy'. In choosing the persona of the mocking philosopher Democritus, he deliberately eschewed a tragic mask; his self- analysis would be sceptical and comic. The Anatomy of Melancholy was clearly a work of self-therapy (Mary Ann Radzinowicz, Medicinable tragedy, English Drama: Forms and Development: Essays in Honour of Murial Clara Bradbrook, 1977 - books.google.fr).

Un passage du Causae et curae de Hildegarde de Bingen consacré aux humeurs, enfin, énumère une suite de noms parmi lesquels figure celui de Platon : Et in quocumque homine huiusmodi livor supra mensuram suam in superfluitate se extenderit, ceteri humores in illo pacifici esse non possunt, nisi tantum in illis hominibus sit, quos gratia dei infudit aut in fortitudine ut Samsonem aut in sapientia ut Salomonem aut in prophetia ut Iheremiam aut in quibusdam paganis, ut Plato fuit et sibi similes. On peut tout d'abord se demander quelle est ici la part du poncif à propos de Samson et Salomon : l'association de ces deux noms est en effet fréquente, en particulier dans la littérature misogyne des XIIe-XIIIe siècles. [...] Dans le même but, des autorités païennes comme Aristote, Virgile ou Hippocrate étaient également mises en scène dans des situations ridicules. Or, en fait de païen, c'est Platon que l'on voit ici cité à la suite de trois figures exemplaires — Samson le fort, Salomon le sage, et Jérémie le prophète — et cette allusion au philosophe grec relève d'une autre tradition. Elle reflète en effet moins une connaissance des écrits de Platon lui-même que des Problemata attribués à Aristote, notamment du plus célèbre d'entre eux, qui fait partie de la section XXX (« De la réflexion, de l'intellect et de la sagesse »), où l'on trouve exposée la théorie suivante : non seulement les héros tragiques, mais tous les hommes hors du commun, que ce soit dans le domaine des arts, de la poésie, de la philosophie ou de la politique — y compris Socrate et Platon — étaient des mélancoliques. Que le Problème XXX soit ou non d'Aristote, c'est en tout cas sa philosophie naturelle qui, la première selon les auteurs de Saturne et la Mélancolie, avait favorisé « l'union entre la notion purement médicale de mélancolie et le concept platonicien de fureur », et de fait, on peut se demander avec J. Pigeaud si la mention de Platon est liée à sa personne ou à son œuvre. Dans notre passage du Causae et curae il est clair que c'est en tant que personnalité représentative du lien entre génie et mélancolie que Platon apparaît, et non en tant que théoricien de cette problématique. Bien que païen, il est ici un de ces êtres d'exception que « la grâce de Dieu » a « remplis d'un don » qui tempère les accès de « fureur » auxquels porte en général le tempérament mélancolique. Il est certes surprenant que « Platon et d'autres païens semblables » soient mis sur le même plan que de grandes figures de l'Histoire sainte ; mais ce qui l'est plus encore, c'est précisément de trouver ces personnages bibliques interprétés à travers le Problème XXX. C'est ce que fera au XVIe siècle Juan Huarte (1529- 1588), auteur de l'Examen de ingenios para las ciencias étudié par J. Pigeaud : aux noms d'Empédocle, de Socrate et de Platon cités dans ce problème, il ajoutera en effet celui de saint Paul (Laurence Moulinier, Le manuscrit perdu à Strasbourg: enquête sur l'œuvre scientifique de Hildegarde, 1995 - books.google.fr).

Dans l'œuvre immense et si variée de la moniale inspirée Hildegarde de Bingen (1098-1179), qui va des poèmes à l'exégèse en passant par ses visions, deux ouvrages occupent une place à part : ce sont les deux livres qui, sans être consacrés exclusivement à la médecine, contiennent une foule de recettes médicales, transmises de l'Antiquité ou recueillies dans l'usage populaire. Ce sont peut-être ceux qui ont le plus fait pour sa renommée, à notre époque éprise de médecines douces et naturelles : Le Livre des Subtilités et Causae et curae (Hildegarde de Bingen, Les causes et les remèdes, traduit par Pierre Monat, 2007 - books.google.fr).

Hildegarde est née près d'Alzey qui passera à la Hesse-Darmstadt (Grand Duché de Hesse) en 1816, ayant été auparavant dans le Palatinat (fr.wikipedia.org - Alzey).

Platon parle aussi par énigme comme le fit Samson (Juges XIV) (Konstans Menoide Mynas, Diagramme de la création du monde de Platon découvert et expliqué en gr. ancien et en fr, 1848 - books.google.fr).

Le nombre 30 intervient dans le repas de mariage de Samson avec un femme philistine.

Samson fit un festin, car c'était la coutume des jeunes gens. Dès qu'on le vit, on invita trente compagnons qui se tinrent avec lui. Samson leur dit: Je vais vous proposer une énigme. Si vous me l'expliquez pendant les sept jours du festin, et si vous la découvrez, je vous donnerai trente chemises et trente vêtements de rechange. Mais si vous ne pouvez pas me l'expliquer, ce sera vous qui me donnerez trente chemises et trente vêtements de rechange. Ils lui dirent: Propose ton énigme, et nous l'écouterons. Et il leur dit: De celui qui mange est sorti ce qui se mange, et du fort est sorti le doux. Pendant trois jours, ils ne purent expliquer l'énigme. Le septième jour, ils dirent à la femme de Samson: Persuade à ton mari de nous expliquer l'énigme; sinon, nous te brûlerons, toi et la maison de ton père. C'est pour nous dépouiller que vous nous avez invités, n'est-ce pas? La femme de Samson pleurait auprès de lui, et disait: Tu n'as pour moi que de la haine, et tu ne m'aimes pas; tu as proposé une énigme aux enfants de mon peuple, et tu ne me l'as point expliquée! Et il lui répondait: Je ne l'ai expliquée ni à mon père ni à ma mère; est-ce à toi que je l'expliquerais? Elle pleura auprès de lui pendant les sept jours que dura leur festin; et le septième jour, il la lui expliqua, car elle le tourmentait. Et elle donna l'explication de l'énigme aux enfants de son peuple. Les gens de la ville dirent à Samson le septième jour, avant le coucher du soleil: Quoi de plus doux que le miel, et quoi de plus fort que le lion? Et il leur dit: Si vous n'aviez pas labouré avec ma génisse, vous n'auriez pas découvert mon énigme. L'esprit de l'Éternel le saisit, et il descendit à Askalon. Il y tua trente hommes, prit leurs dépouilles, et donna les vêtements de rechange à ceux qui avaient expliqué l'énigme. Il était enflammé de colère, et il monta à la maison de son père. Sa femme fut donnée à l'un de ses compagnons, avec lequel il était lié (Traduction d'après la Bible Louis Segond) (fr.wikipedia.org - L'énigme de Samson).

Luca Pacioli, Summa de arithmetica (1494), 1523 - Gérard Minaud, Le comput digital et ses symboles dans l'iconographie romaine, Des doigts pour le dire, Histoire de la mesure, XXI - 1 | 2006 : Varia - histoiremesure.revues.org

Nazdecabre curieusement le reguardoit, puys leva la main guausche en l'aer et retint clous en poing tous les doigtz d'icelle, excepté le poulce et le doigt indice, desquelz il accoubla mollement les deux ongles ensemble. "J'entends, dist Pantagruel, ce qu'il prétend par cestuy signe. Il denote mariage, et d'abondant le nombre trentenaire, scelon la profession des Pythagoriens. Vous serez marié."

Selon le traité de Comélius Agrippa, Philosophie occulte. c'est exactement ainsi qu'on désignait le nombre trente par gestes (Oeuvres de François Rabelais, Tome 5, présenté par Abel Lefranc, 1931 - books.google.fr).

Dans le cadre évangélique de Thélème, s'il était nécessaire d'attribuer une valeur sexuelle à l'usage que notre auteur fait du nombre six, on préférerait peut-être la proposition de Jamblique à celle de Philon d'Alexandrie. Dans son Introduction à l'Arithmétique de Nicomaque, œuvre largement répandue au seizième siècle, Jamblique parle du six comme du 'nombre matrimonial' - gamikos arithmos. Mais on peut d'emblée éliminer cette thèse, ainsi que le rapprochement avec les vues de Philon d'Alexandrie. Il se trouve que Rabelais déclare ailleurs ce qu'il considère comme le nombre matrimonial. Dans le Tiers Livre il nous en donne en fait deux; ni l'un ni l'autre n'est six. Il s'agit de trente et de cinq. Si le nombre six lui avait servi de 'nombre matrimonial' dans l'incident de Thélème, aurait-il pu l'oublier si totalement dans le livre suivant ? Clément d'Alexandrie est un auteur auquel Rabelais aurait eu libre accès et qui nous met sur une autre piste. Clément dit que 'les pythagoriciens estiment six le nombre parfait depuis la création du monde..., et l'appellent Meseuthys et Mariage, parce que parmi les nombres pairs de deux à dix, six est celui du milieu. Il est clairement équidistant des deux extrémités. En outre, tout comme le mariage naît de l'union du mâle et de la femelle, ainsi six naît de l'union du nombre impair trois, qu'on appelle nombre masculin, et du nombre pair deux, que l'on considère comme nombre féminin. Car deux fois trois font six.' Pour nous, l'intérêt de cette opinion ne réside pas dans le 'nombre matrimonial' en soi, mais plutôt dans la qualité de ce Meseuthys. Le respect que Rabelais porte à l'aurea mediocritas transparaît dans ses récits; voici un nombre qui symbolise cette qualité. [...]

D'Ooge, dans son introduction à la Theologumena arithmetica, écrit au sujet des croyances pythagoriciennes sur le nombre six : [...] 'dans l'ensemble, aucun nombre ne s'accorde mieux à l'âme que le nombre six; aucun autre ne pourrait dans la même mesure aussi bien représenter l'univers en tant que créateur de l'âme, et perçu comme ayant la capacité de distiller les conditions nécessaires à la vie; c'est pour cette raison qu'il est appelé héxade (hexas - hexis).' Suivant cette même façon de penser, la qualité 'matrimoniale' du nombre six avait acquis une qualité spirituelle correspondant à l'harmonie céleste. Francesco Giorgi, dans son Harmonie du Monde, consacre un chapitre entier à ce sujet. Ses conclusions conviennent parfaitement à Thélème, si l'on se rappelle que l'Abbaye constitue à la fois un refuge contre l'erreur hostile et une communauté équilibrée se suffisant à elle-même et fondée sur l'harmonie (M.A. Screech, Rabelais et le mariage, traduit par Ann Bridge, 1992 - books.google.fr).

Le Sceau de Palaja, Stella luti, est le mariage terrestre de l'âme et du pneuma (La Croix d’Huriel et la Ligne gnostique : Le Chariot, fr.wikipedia.org - Nombre de Platon).

On sait que la fameuse période du septenaire est vieille comme la médecine. [...] Mais les Pythagoriciens avaient, en dehors de ces périodes, des nombres particulièrement nuptiaux. Nous avons d'assez nombreux documents à ce sujet; mais il faut remarquer qu'ils sont postérieurs à Platon, et que le passage de la République est peut-être la preuve la plus sérieuse que l'on pourrait donner de la croyance à un nombre nuptial dans l'ancienne école pythagoricienne. Pour la nouvelle école, on connaît les nombres 5,6, et 30 = 5 x 6. (Voir par exemple Rabelais, Pantagruel, livre III, ch. 20.). Mais il nous faut citer deux passages topiques : Théon de Smyrne, II, 45. — Le nombre 6 est parfait... aussi l'appelle-t-on mariage parce qu'il rend l'œuvre du mariage, les enfants, semblables aux parents (Paul Tannery, Le nombre nuptial dans Platon, Revue philosophique de la France et de l'étranger, Tome 1, 1876 - books.google.fr).

Les Hiéroglyphes de Pierus est le nom commun d’un ouvrage de l’humaniste Giovanni-Pietro Valeriano, publié à Bâle en 1556 sous le titre Hieroglyphica sive de Sacris AEgyptiorum literis commentarii Ionnais Pierii Valeriani Bolzanii Bellunensis. Traduit en français par Montlyart il sera régulièrement publié entre 1536 et 1631 par sous le titre de Commentaires Hieroglyphiques. Ce code a été utilisé par le peintre Philippe de Champaigne qui possédait l'édition française de 1615 (La Vraie Langue Celtique de l’abbé Henri Boudet : Trésors : Les Bijoux de la Castafiore).

Valeriano consacre tout le livre XXXVII aux «nombres des Doigts». Au chapitre premier, il expose la manière dont les Chaldéens exprimaient les nombres par les gestes de la main, la «numérotation digitale », qui donne lieu à l'une des plus justement célèbres gravures des Hieroglyphica. Si l'on regarde attentivement le geste représenté à la troisième ligne de la troisième colonne, il s'agit bien de la boucle, formée par l'index et le pouce, qui exprime le nombre «trentenaire». Au chapitre 35, Valeriano écrit: Est verô numerus tricenarius nuptiarum hieroglyphiwm, ut sacri EvangeIiorum interpretes Mattbæo, aflirmant [...]. (p. 359) Or le nombre de trente est l'hieroglyphique de nopces, comme tesmoignent les saincts les saincts Interpretes des Evangiles en sainct Matthieu. (p. 489) (Claude La Charité, L'édition lyonnaise de 1586 des Hieroglyphica, Quand les Jésuites veulent comprendre l'Autre: le témoignage de quelques livres anciens de la collection de l'UQAM, 2012 - books.google.fr).

Les énigmes mathématiques ont dû voyager à travers le bassin méditerranéen, la Mésopotamie et au-delà il y a bien longtemps.

L'un des plus grands principes de l'alchimie est l'union des opposés; ce principe opère d'un bout à l'autre du processus alchimique. Dans sa première phase (l'œuvre au noir ou nigredo), cette synthèse est souvent qualifiée d'union, d'assemblage, de mariage et d'accouplement (décomposition des éléments qui réalise une union des opposés suivi de la mort du produit) (Jung, Psychologie et Alchimie) (Yoshinori Iwata, Écriture et intériorité dans quatre romans de Robert Pinget, 1997 - books.google.fr).

On insiste généralement sur le fait que le premier mariage, celui entre l'âme et l'esprit, est l'albedo.

Par la rubedo s'accomplit le mariage de l'homme rouge et de la femme blanche, du soleil et de la lune, ou l'union du mercure et du soufre. On peut voir aussi la rubedo comme le second mariage, celui du corps avec la conjonction âme/esprit.

Charles Baudouin et les miniatures

Charles Baudouin, inspirateur probable de Serpent rouge pour le moins, s'intéresse, s'intéresse au Livre d'heures dit d'Expilly. (Le Prieuré de Sion : Prologue : Serpentaire : Annemasse et Charles Baudouin).

Parmi les personnes enregistrées à la frontière genevoise durant la Deuxième Guerre mondiale, on note deux Schidlof : Leo né le 04.09.1908 de nationalité autrichienne, et Leo Rodolphe né le 01.07.1886 de nationalité française (Archives d'Etat de Genève Etat au 30.07.2009 - ge.ch).

Leo Schidlof né le 1 juillet 1886 à Vienne (Autriche) est fils de Dr.jur. Gustav Gerson Schidlof et Katharina Schidlof et frère de Arthur Schidlof et Gabriele Schidlof. Arthur est né le 20 mars 1877 (www.geni.com).

Le site www.myheritage.fr rapporte au sujet du Leo Schidlof né à Vienne le 1er juillet 1886 (Leo Rodolphe de la frontière suisse né à la même date ?) une anecdote le présentant comme "antique dealer" parue dans un journal australien The Argus du Vendredi 17 mars 1954. C'est l'activité du Schidlof du Prieuré de Sion (www.myheritage.fr).

Cet Arthur Schidlof, naturalisé Suisse en 1907, et dont toute la carrière scientifique se déroule à Genève, fait partie de physiciens qui ont participé à l’émergence de la physique théorique en Suisse (Documents pour servir à l'histoire de l'Université de Genève, Numéro 5, 1909 - books.google.fr, www.sps.ch).

A l'Université de Genève, au semestre d'Été 1921, parmi les Privat-docents et Maîtres au Séminaire de français moderne de la Faculté des Lettres on compte : M. Baudouin, Charles, Dr ès lettres. Psychologie - Saconnex-d'Arve et comme professeur extraordinaire de la Faculté des Sciences : Assistant-Chef des travaux des Laboratoires et Cliniques : M. Schidlof, Arthur, Avenue du Mail, 26 (Liste des autorités, professeurs, assistants et étudiants, semestre d'été 1921 (Avril-Juillet) - www.unige.ch).

A la Faculté de Médecine de Genève, toujours en 1921, parmi les Privat-docents du nouveau règlement : Dr Flournoy, Henri, Psychopathologie, Florissant, 25.

Celui-ci, personnalité des débuts de la psychanalyse en Suisse, est le fils de Théodore Flournoy qui, à partir de 1891, est professeur de psychophysiologie à l'université de Genève, où il crée le laboratoire de psychologie. Il s'intéresse au paranormal et au grand courant spirite de l'époque. Il rencontre en 1894 la médium Catherine Élise Müller, qu'il rebaptise « Hélène Smith » dans son important ouvrage Des Indes à la planète Mars. La médium dit écrire sous la dictée d'un certain Léopold, qui serait un autre nom pour Joseph Balsamo dit Cagliostro. Impressionné par l'étendue de son talent, Flournoy décide d'étudier son cas. Pour ce faire, il assiste à de nombreuses séances et la soumet à quelques expériences qui modifient ses transes et la plongent dans le somnambulisme. Hélène Smith se met à écrire des romans en état de somnambulisme, partagés en trois grands cycles. Dans le cycle martien, elle communique avec des habitants de la planète mars et écrit dans un autre alphabet. Dans le cycle hindou, elle est la réincarnation d'une princesse indienne, fille d'un cheikh arabe, et parle le sanscrit par glossolalie. Enfin, lors du cycle royal elle prend la personnalité de la reine de France Marie-Antoinette d'Autriche. Théodore Flournoy publie ses recherches en 1900, dans Des Indes à la planète Mars. Il reprend à F. W. H. Myers l'idée de conscience subliminale pour expliquer les états créatifs d'Hélène Smith. Il demande également à Ferdinand de Saussure d'examiner les langues qu'elle écrit spontanément. Il montre que les alphabets qu'elle utilise sont fantaisistes et calquent le français, et que ses rêveries reprennent des connaissances auxquelles elle avait eu accès. Cependant, son scepticisme ne le fait pas tomber dans un positivisme étroit : il déclare ne pas pouvoir éclairer tous les phénomènes, et laisse en suspens la question des pouvoirs parapsychiques. Carl Gustav Jung connaissait personnellement Théodore Flournoy. Les écrits d'une patiente américaine de ce dernier, qu'il nomme « Miss Miller » sont longuement analysés dans son ouvrage Métamorphoses de l'âme et ses symboles (fr.wikipedia.org - Théodore Flournoy).

On peut lire dans les Carnets de route de Charles Baudouin que la découverte freudienne « est apparue d'emblée comme une découverte de première importance et bien séduisante ». Aussi s'engage-t-il lui-même. « Il importe, écrit-il en avril 1915 déjà, d'éclairer mon énigme. Il me semble que la psychanalyse est pour cela un instrument de choix. La lumière soudaine qu'a jetée sur les deux derniers rêves la méthode des associations d'idées est une expérience convaincante. J'entends continuer. Aussi peut-être, achèverai-je de me découvrir, et cela pourra m'aider à travers mon plan d'avenir-» (C.R. IV, p. 114). Ce n'est pas à la légère que Baudouin s'engage dans une cure psychanalytique. En effet, il écrit, le 17 avril 1916 : « Faire la psychanalyse de soi-même c'est se dédraper, et même se décharner, c'est promener le scalpel en soi. Ceux qui admiraient votre moralité ou votre art (et vous le premier !) vont désormais en voir le dessous ; ils sauront le chemin qui mène à votre source, et s'ils imaginaient cette source sous la forme poétique d'une nymphe ou d'un dieu penchant son urne, ils auront la désillusion de découvrir que votre fleuve sort de terre, d'une manière très terre à terre, jaillissement, gargouillis, qui remue le sable et un peu la boue. Mais qu'importe cela ? Cela aussi a sa beauté » (c.R. IV, p. 119). Ses rencontres avec Edouard Claparède, Pierre Bovet, Théodore Flournoy et Henri Flournoy, le fils de celui-ci, ont contribué largement à sa décision d'entreprendre une cure. C'est en 1917 que C. Baudouin commence une première psychanalyse avec un Allemand, le Dr Cari Picht, de formation jungienne. Le 21 novembre 1917, il écrit dans son journal : « Un jeune psychologue allemand, le Dr Cari Picht, se trouvait à Genève à ce moment. Je l'ai rencontré à la Société de psychanalyse, qui réunissait librement Claparède et Henri Flournoy, fils du vieux Théodore Flournoy, des médiums et des charlatans pour ces nouvelles investigations ; l'orthodoxie freudienne ne sévissait pas encore, en ce temps-là. Picht avait écrit un livre sur La suggestion et l'hypnose dans l'éducation (Marcel Scheidhauer, Freud et ses visiteurs français et suisses francophones, 2010 - books.google.fr).

Je me réfugie au Palais du Café, place Grenette, et je continue de m'y plonger dans le latin convaincu et parfois amusant de mon vieux réformateur, hérétique d'hérétique, et chaleureux ennemi du terrible Calvin. Mercredi, 7 octobre. De nouveau à la Bibliothèque. Je passe la matinée à y travailler Castellion, et j'en profite pour demander l'accès aux incunables. On me l'accorde de fort bonne grâce pour l'après-midi. Donc, à l'heure dite, je me retrouve à la Bibliothèque, avec Yves, soulagé de ses épreuves écrites. On nous conduit d'abord dans la partie obscure où sont conservés la plupart des manuscrits et incunables, et où l'on n'a pas de lumière, par crainte des courts-circuits. Puis on nous mène dans la grande salle où est abritée la réserve contenant les pièces les plus précieuses. Nous voyons ainsi le Catholicon, dont on répète toujours qu'il est sorti des presses de Gutenberg, bien que cela ne soit pas certain; mais à coup sûr, il est contemporain de ces premiers débuts de l'imprimerie. Cette pièce vaut surtout par sa reliure de bois et de cuivre, rehaussée de cerfs et d'autres ornements, que l'on vernit pour les conserver. On nous montre des Bibles et des Livres d'Heures qui vont du XIIe au XIVe siècles. On peut y voir l'écriture évoluer du roman au gothique, puis, de nouveau, du gothique à la romaine moderne. Souvent les écritures gothiques sont accompagnées de majuscules romanes enluminées. Les livres des Chartreux — leur grande Bible d'autel, leurs Bibles portatives personnelles, leurs livres de Commentaires — sont remarquables à plus d'un titre. D'abord, le style de leur décoration comme de leur écriture est en retard par rapport au style dit « français » de la même époque (par « français », il faut entendre : de l'Ile de France); le roman, l'ornement carolingien y subsistent longtemps après qu'ils furent abandonnés ailleurs : c'est que les influences, en ce temps-là, ne pénétraient que lentement dans ces montagnes reculées. Notre cicerone — un bibliothécaire sorti de l'Ecole des Chartes — élargit ici son commentaire : il ajoute que la même remarque vaut aussi pour l'architecture du Dauphiné, qui est fort en retard, par exemple, sur celle de l'ouest. On trouve du roman ici jusque dans les 1500. Et la tour de la cathédrale, qui est du XIIe siècle, passerait, si l'on était à Poitiers, pour une construction du IXe ou du Xe. Même des connaisseurs s'y sont laissé prendre. Pour en revenir aux manuscrits des Chartreux, un autre de leurs traits caractéristiques, c'est leur austérité. L'ornementation, l'enluminure, sont toujours très belles, mais extrêmement sobres. Des pages entières sont en noir et n'ont d'autre beauté — mais c'en est une — que celle de leur admirable graphisme. Parfois, il n'y a d'autres enluminures que celles des têtes de chapitres. Rien de semblable dans le Livre d'Heures d'Expilly — du XVe siècle — où l'enluminure se donne libre jeu et fleurit de toutes parts en de fines branches sensibles et éclatantes, avec des miniatures pleines de délicatesse, de couleur, de réalisme aussi (Charles Baudouin, Douceur de France (1941), Tome 1, 1944 - books.google.fr).

Le vieux réformateur est Sébastien Castellion dont Charles Baudouin traduit de l'original latin, avec Pierre Reymond, De l'Art de douter et de croire, d'ignorer et de savoir (catalogue.bnf.fr).

Douceur de France est présenté comme le premier volume de "Carnet de route", recueil de carnets écrits entre 1922 et 1939 (catalogue.bnf.fr).

Issu d’une famille de la petite noblesse dauphinoise, Claude Expilly (Voiron, 1561 – Grenoble, 1636) mena ses études à Paris, au collège de Tournon, avant de se fréquenter les universités de Turin, puis Padoue, où il rencontra l’humaniste et poète Sperone Speroni, qui l’initia « à la galanterie des Muses » (autrement dit aux vers). Il obtint son doctorat en droit à l’université de Bourges en 1583. Il entra dans la carrière juridique comme avocat au Parlement de Grenoble, où il se distingua par ses brillants plaidoyers. Il soutint un temps le parti de la Ligue, mais se rallia, après la victoire remportée par les Royaux à Pontcharra le 18 septembre 1591, à la cause d’Henri IV et à son représentant dauphinois, le duc de Lesdiguières. Le monarque lui confia plusieurs missions de confiance et le nomma conseiller d’Etat. Outre ses remarquables travaux de juriste, Expilly fut aussi un poète remarqué. Il fut finalement nommé conseiller au Parlement de Grenoble, avocat-général en 1604, puis président de cette cours, une fonction qu’il occupa de 1616 à 1629. En tant qu'homme de lettres, il laissa notamment de nombreux poèmes et un Supplément à l'histoire du chevalier Bayard (mabiblio.hypotheses.org).

En 1660, la bibliothèque d'Expilly appartenait à sa petite-fille, Isabeau de Chaponay, mariée à Pierre-Louis de Veynes, seigneur du Prayet, conseiller au parlement de Grenoble, auquel elle légua "l'usage des livres de la bibliothèque du feu président Expilly" (E. Maignien, la Bibliothèque de Grenoble et ses premiers bibliothécaires). Au XVIIIe siècle, il arriva sans doute que les héritiers d'Isabeau de Chaponay vendirent à Jean de Caulet une partie des livres et des manuscrits de leur aïeul : c'est ainsi que l'évêque de Grenoble entra en possession de divers manuscrits remarquables, et notamment du célèbre recueil de poésies de Charles d'Orléans, encore conservé à la Bibliothèque de Grenoble.

Le Livre d'Heures date du XVe siècle. Vélin. 202 feuillets. 240 sur 181 niiUim. Initiales à décoration tricolore sur fond d'or; encadrements à toutes les pages; quinze grandes miniatures très-riches. Coloris à tons crus. Le manuscrit provient vraisemblablement d'un monastère de femmes de l'ouest de la France. Il a appartenu à la bibliothèque d'Expilly, et à celle de Caulet, évèque de Grenoble. Les premiers feuillets, très-endommagés, ont élé remontés. Trois miniatures qui devaient représenter les évangélistes avaient disparu lors de celte réparation (Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Départements, 1889 - archive.org).

Les livres d'heures possédés par la bibliothèque de Grenoble sont le résultat d'une collection, celle de l'évêque de Grenoble, Mgr de Caulet, qui appréciait les manuscrits à peinture. Au hasard des achats et des découvertes - y compris dans les couvents de Grenoble - il réunit un bel ensemble dont le fleuron est un livre d'heures acheté aux héritiers du président Expilly. Convoitée par Catherine II de Russie et un prince Milanais, elle revint finalement à la capitale dauphinoise, en 1772, grâce à une souscription publique exceptionnelle (Yves Jocteur Monrozier, Les livres d'Heures, Mille ans d'écrits: trésors de la Bibliothèque municipale de Grenoble, 2000 - books.google.fr).

Grenoble est sur un axe nonagonal du 23 novembre soit à la fin du Scorpion, ou du Serpentaire avec un zodiaque à 13 signes, ou au début du Sagittaire.