Partie V - Arts et Lettres   Chapitre XL - Section littérature   XXème siècle   

Honni par les surréalistes, Jean Cocteau né à Maisons-Laffitte en 1889, commença sa carrière littéraire en produisant des poèmes qui seront proposés au public du Théâtre Fémina avec succès. Il fréquente les salons, rencontre Marcel Proust. La guerre arrive et il s’engage comme ambulancier civil et se fait adopter par des fusiliers marins de Nieuport desquels, un jour, il se fait expulser par les autorités. Ces camarades périront le lendemain au cours d’un assaut. Au sortir de la guerre, il fait retraite à la campagne où il s’adonne à la recherche des sources profondes de la poésie avec la rédaction du Potomak (1919). La mort de Radiguet en 1921 le plonge dans un état dépressif qu’il soigne par l’opium et par un rapprochement avec le catholicisme dont il répudiera le dogmatisme dans sa Lettre à Jacques Maritain. Dans les années Trente, il se tourne vers le cinéma avec Le Sang d’un poète suivi de nombreux autres films (L’Eternel Retour, La Belle et la Bête, Orphée). Il écrira des arguments de ballets, comme il le fit en 1912 avec le Dieu bleu pour Diaghilev : Phèdre, et La Dame à la licorne en 1953. Par delà la diversité de ses moyens d’expression, théâtre, cinéma, poésie, danse, « la mort, e, l’immobilisant, devait mettre au jour sa forme véritable, et l’unité d’une œuvre essentiellement tournée vers l’exploration de nos abîmes où règne cette nuit lumineuse chantée par les mystiques [1]». Cocteau est mort à Milly-la-Forêt en 1963, et enterré dans la chapelle Saint-Blaise du village.

Si la guerre épargne certains, d’autres n’y survivront pas. C’est le cas de Charles Péguy (Orléans, 1873 – Villeroy, 1914) qui tombe au champ d’honneur à 41 ans à la tête de sa compagnie sur la commune de Villeroy, près de Meaux dans la Seine-et-Marne, événement commémoré par un monument. Charles Péguy en viendra à un catholicisme nationaliste proche de Barrès après être passé par un socialisme très personnel inspiré par ses origines modestes : sa mère était une rempailleuse de chaise bourbonnaise et croyante et son père un menuisier orléanais. Fondateur de la « Librairie socialiste », ami de Bernard Lazare, il prendra fait et cause pour Dreyfus. Subissant l’influence anti-intellectualiste de son maître Bergson à l’Ecole normale supérieure de Paris, il s’en prendra au socialisme scientifique puis au socialisme « politicien » de Jaurès. Il fera retour à la foi catholique en 1908, et accomplira plusieurs pèlerinages à Notre-Dame de Chartres. Il meurt au début de la contre-offensive de la Marne, en rêvant « au-delà de la guerre d’une vocation mystique de la France ». Les deux ouvrages sur Jeanne d’Arc qu’il écrit à 13 ans de distance marquent son évolution spirituelle. Dans la Jeanne d’Arc de 1897, l’héroïne, révolutionnaire comme lui à l’époque, impose la volonté du peuple au veule pouvoir du roi et meurt en essayant « de porter remède au mal universel ». Dans le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc en 1910, Jeanne se résout au triomphe du mal, se reprochant d’avoir menti à sa famille sur les vraies raisons de sa fuite.

Son style confère cependant aux deux parties contrastées de son œuvre une véritable unité. « Par la grâce de cette écriture si originale, sa prose même, et ce, jusque dans les brochures les plus alourdies de préoccupations politiques, se trouve transplantée bien souvent dans un registre verbal […] qui est celui-là même de la poésie. Sa phrase, à dessein traînarde au début, s’amuse à nous prendre à froid, à nous amener par degrés dans le jeu des cadences, de ses hochements de tête puis de ses lents balancements, et insensiblement nous voilà portés avec lui, à sa suite, dans sa foulée ; si ce n’est, dans son envolée. C’est par cet art du rythme, marqué, solide, mais plus savant qu’il n’y paraît d’abord, que Péguy, poète jusque dans ses pamphlets, nous soulève parfois de notre trop confortable « assiette » intellectuelle [2]».

Le XXème siècle débuta donc avec la première Guerre mondiale dont rendit compte un écrivain né à Amiens en 1886, Roland Dorgelès. Les Croix de bois racontent les combats auxquels l’auteur participa, engagé volontaire dans l’infanterie. Tragique et gouaille parisienne sont mêlés, celle-là permettant de prendre ses distances avec l’horreur de la boucherie et d’insuffler un courage renouvelé aux combattants. Sa carrière se poursuivit jusqu’en 1971, avec la parution du Marquis de la Dèche, évocation de ses années de jeunesse passées aux Beaux-Arts et à fréquenter la bohème artistique et littéraire de Montmartre. Ecrit un peu plus tôt, Portraits sans retouche ressuscitent des hommes qui participèrent de cette bohème et qu’il admirait : Van Gogh, Courteline, Toulouse-Lautrec et le Normand Octave Mirbeau.

Octave Mirbeau est justement né à Trévières, le 16 février 1848 Il meurt le même jour en 1917. Remettant en cause les valeurs et les institutions, il se présentera comme un justicier pour les souffrants et les victimes d’un monde absurde. Auteur de Les affaires sont les affaires, du Journal d’une femme de chambre, de L’Abbé Jules, il donnera droit de citer, comme son maître Dostoïevski, à la psychologie des profondeurs, dont les mondes souterrains sont une représentation. Il utilisera sa notoriété pour soutenir peintres, sculpteurs et écrivains tels que Pissarro, Cézanne, Rodin ou Maeterlinck. Eugène Semenoff écrivait dans le Mercure de France en septembre 1903 : « Pour Tolstoï, Octave Mirbeau est le plus grand écrivain français contemporain, et celui qui représente le mieux le génie séculaire de la France ». Il a ouvert la voie au roman du XXème siècle tant par les transformations auxquelles il a soumis le récit, déconstruction, psychologie des profondeurs, que par les thèmes qu’il a abordés, absurdité du monde, incommunicabilité, aberration des institutions. Octave Mirbeau écrivait dans le Figaro en 1888 : « Chaque individu, surtout l’individu d’aujourd’hui, dont la civilisation trop développée a déformé les tendances primitives et les naturels instincts, l’individu que tourmente et que surmènent les hâtes, les fièvres, les vices, les névroses, les systèmes, les doutes, les aspirations confuses, les mille besoins factices et contraires l’un à l’autre des époques de progrès, des sociétés transitoires en travail de renouvellement ; l’individu placé, comme nous le sommes tous, entre les deux abîmes sur les confins du vieux monde agonisant, au bord du monde nouveau, dont l’aurore pointe parmi les brumes qui montent de l’ignoré, cet individu-là, profondément fouillé dans l’intime et le caché de son être, n’est-il point une exception ? Et pourtant, nous en sommes tous là. [3]»

Contrairement à Mirbeau, l’œuvre de Marcel Proust (Paris, 1871, - 1922) ne semble pas « engagée » comme en faisait la critique de Jean-Paul Sartre. L’originalité de la manière proustienne qui se confond avec l’originalité du propos a marqué une véritable révolution dans la littérature. Du côté de chez Swann, premier volume de A la Recherche du Temps perdu, bouleverse les normes du roman. Il rend l’intrigue inutile, se proposant « d’élucider une conscience [4]» en prise avec le réel.

Guidé par la saveur de la madeleine, qui fut sans doute de Commercy, reclus dans sa chambre, fuyant l’extérieur insupportable, tourné vers un monde intérieur recréé à partir d’images sensorielles, Marcel Proust guettait le « fantôme du passé [5]» : « Quand d’un passé rien ne subsiste après la mort des êtres et la destruction des choses, seules, plus frêles, mais plus vivaces, plus immatérielles mais plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer sur la ruine de tout le reste ». Proust se rattache aux nonagones, par sa naissance à Paris et par le village d’où est originaire la famille de son père et où il passa certains moments de son enfance, Illiers, appelé aujourd’hui Illiers-Combray du nom que la localité a dans ses romans. « Et comme ce jeu où les Japonais s’amusent à tremper dans un bol des petits morceaux de papier qui deviennent des fleurs, des maisons… de même maintenant toutes ces fleurs de notre jardin… et tout Combray et ses environs, tout cela, qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé ».

L’œuvre de Proust se caractérise par « une architecture puissante » en manière « d’épopée moderne où le Graal serait la conquête de l’Art ou des moyens de parvenir jusqu’à lui, pour l’écrivain comme pour son lecteur puisque Proust ne cesse de confondre les deux démarches ; son livre est le triomphe d’une conscience délivrée à la fois du monde et d’elle-même, qui tout en dénonçant le relativisme de tous les mobiles de l’action humaine continue de souscrire à un absolu, celui de l’intelligence créatrice, ultime valeur dans un univers historique qui va connaître le déclin et la chute des dieux et des idéologies [6]».

Paris, Illiers, Cambremer, Guermantes, Charlus (dont les ruines d'un château portent le nom à Bassignac), tous ces noms ponctuent l'oeuvre proustienne en y inscrivant la Terre de France. Querqueville, ville de la Manche, a donné son nom dans les manuscrits de Proust à la ville qui deviendra Balbec. Balbec possède le parfum oriental de Baalbek qui s'écrit d'ailleurs Balbec dans l'Encyclopédie. Baalbek portera le nom d'Héliopolis dans l'antiquité greco-romaine. Faut-il y voir une allusion à la Fraternité d'Héliopolis dont parle Fulcanelli qui semblait fréquenter les salons où se cotoyaient artistes et scientifiques ?

Les terres normandes sont aussi des lieux d'élections du romancier "populaire", terme qui le fera souffrir, Maurice Leblanc. Originaire de la grande bourgeoisie rouennaise, de père armateur, il naît à Rouen en 1864 et passe toute son enfance et son adolescence dans le Pays de Caux et la vallée de la Seine, le Triangle d'or Rouen- Le Havre-Dieppe. Maurice fut baptisé et confirmé par Monseigneur de Bonnechose, archevêque de Rouen, ancien évêque de Carcassonne auquel succéda Monseigneur Félix Arsène Billard, tous deux supérieur de l'abbé Saunière. La cathédrale de Carcassonne possède des reliques de saint Lupin, tandis que Bonnechose dote l'église de Rolleville (en Seine-Maritime) des reliques de sainte Clotilde, épouse du très mérovingien Clovis. La sœur de Maurice, Georgette, sera liée avec l'auteur Maurice Maeterlinck. Leblanc publie des romans d'analyse psychologique, ainsi qu'une pièce de théâtre, La Pitié, en espérant s'inscrire dans la lignée des Maupassant. Mais en 1904, il rédige pour le magazine Je Sais Tout la première aventure du voleur au grand cœur : "L'arrestation d'Arsène Lupin". « La naissance d'Arsène Lupin s'est faite en neuf étapes, comme les neuf mois d'une grossesse heureuse. La conception a lieu en 1905, lorsque Maurice Leblanc décide d'accepter la commande d'une nouvelle pittoresque, passée par un magazine à grand tirage de l'époque [...] Cela donnera L'arrestation d'Arsène Lupin. De 1905 à 1907, huit autres nouvelles sont écrites [...] En juin 1907, ces neuf nouvelles sont regroupées en un seul volume, publié par les éditions Hachette, qui réalisent là un coup de génie (et plus particulièrement en faisant signer une clause d'exclusivité à Maurice Leblanc qui va devenir une sorte de « poule aux œufs d'or » de la maison d'édition). Le succès est immédiat et ne démentira plus jamais : près de 200 000 exemplaires d'Arsène Lupin gentleman-cambrioleur - chiffres considérables pour l'époque- sont écoulés peu de temps.  »

(http://www.ciao.fr/Maurice_Leblanc_Arsene_Lupin_l_integrale_tome_1__Avis_949546)

Maurice Leblanc s'inspira, semble-t-il car il nia toujours, de l'anarchiste-cambrioleur Alexandre Marius Jacob (Marseille, 1879 - Reuilly, 1954) qui commit 150 cambriolages et passa 23 ans au bagne. Arrêté une première fois à Toulon en 1899, il se fait passé pour fou et s'évade avec la complicité d'un infirmier de l'asile d'Aix-en- Provence. Il fonde la bande des " Travailleurs de la Nuit ". Les bourgeois et les églises sont allègrement pillées. Il laisse parfois des mots d'esprit en guise de signature. Ainsi dans l'église Saint-Sever à Rouen, nuit du 13 au 14 février 1901 : "Dieu des voleurs, recherche les voleurs de ceux qui en ont volé d'autres". Chez le bijoutier Bourdin, les Travailleurs sont passés par l'appartement du dessus en perçant un trou dans le plancher et introduisant un parapluie dans le trou pour récupérer les gravats et éviter le bruit de leur chute. Le réalisateur Jules Dassin s'en inspirera dans une scène du film Du rififi chez les hommes. Jacob est arrêté en 1903 après une opération à Abbeville. Le procès a lieu en 1905 à Amiens où il déclare " j'ai préférer voler que d'être volé ", faisant la publicité de l'anarchisme illégaliste. Direction la Guyane. Il tentera 17 fois de s'évader, en vain. Il sera gracié en 1925 à la suite des démarches incessantes de sa mère Marie avec l'appui de la campagne lancée par la publication du livre "Au bagne" d'Albert Londres en 1923. Il est libéré en 1927, ayant passé ses dernières années de détention dans plusieurs prisons métropolitaines. Il deviendra marchand forain dans le centre de la France et meurt suicidé à la morphine à Reuilly en 1954, " réussissant sa dernière évasion ".

(http://contre.propagande.org/pravda/modules/news/article.php?storyid=102).

Radical-socialiste et libre-penseur dans sa jeunesse, Leblanc devint conservateur avec l'âge et la Première Guerre mondiale. Mais son personnage de Lupin s'inspire des milieux libertaires. Parmi les identités revêtues par Lupin, certains noms recoupent les listes des personnes impliquées dans les événements de la Commune (listes disponibles sur http://lacomune.club.fr), en particulier la liste des demandes en grâce. Suivent les noms d'emprunt de Lupin et entre parenthèse ceux des Communards s'ils diffèrent : Andrésy ou Andrézy (Andrez), Baudru (épouse Collet), Beaumont, Beauny (Bony), Berlat (Berlot), Bermond, Dubreuil, Delangle, Janniot (Jeanniot), de Laureins (Laurens), Lecoq, Lenormand (Lenorman), Limezy (Limouzy), Nicole (Nicolle), Sylvestre, Velmont (Valmont). Notons qu'un certain Lupin Jean-Marie y est mentionné (cote Bibliothèque nationale : BB 24 / 752).

L'aspect feuilletoniste de Leblanc rappelle le maître de la littérature populaire du XIXème siècle, l'auteur de quelques 350 ouvrages, Pierre Alexis Joseph Ferdinand De Ponson qui naît le 8 juillet 1829 à Montmaur (Hautes-Alpes). Pendant un an, il sera l'un des nègres d'Alexandre Dumas. Au total il rédigera neuf romans mettant en vedette Rocambole, dans la veine des Mystère de Paris d'Eugène Sue. Marié à Orléans en 1860 à une riche héritière lyonnaise, Mademoiselle Jarry- Morand, il gagne en sa compagnie l'été venu son château de la Reinerie, à Fay-aux-Loges. Il possède aussi un petit hôtel particulier à Orléans et une maison à Donnery. Il est enfin nommé chevalier de la Légion d'honneur le 15 août 1866. le même jour, Flaubert partage cet honneur avec lui qu'il méprise. A la fin du Second Empire, Ponson du Terrail s'installe dans une belle à Auteuil. Pendant la guerre de 70, il est mobilisé comme officier de la garde nationale, il fera preuve de bravoure contre l'ennemi. Les Prussiens pilleront ses propriétés de l'Orléanais. Après la défaite, il se retrouve à Bordeaux où s'est replié le gouvernement provisoire qui ses offres de services. Il meurt le 20 janvier 1871 et est enterré à la Chartreuse de Bordeaux. Son corps sera transféré au cimetière de Montmartre.

Jacques Chardonne, Boutelleau de son vrai nom, quitte sa ville natale, Barbezieux, à 18 ans, pour devenir secrétaire du préfet de Haute-Loire. Il rejoint ses parents ruinés à Paris, où il fait des études de droit et de politique. Réformé au cours de son service militaire pour maladie pulmonaire, il écrit pendant sa convalescence Catherine qui ne sera publié que dans les années 60. Embauché chez l’éditeur Stock, qui se ruine au poker, Chardonne s’associera avec lui, pour demander, quelque temps plus tard, la dissolution de la société pour cause d’indélicatesse. Il récupère en tant que créancier la maison d’édition Stock. Il éditera Apollinaire et Géraldy, Cocteau le choisira pour ses poèmes, romans et essais. Pendant la guerre, il sera réformé de son poste d’infirmier et se réfugiera à Chardonne en Suisse où il écrira L’Epithalame. Problèmes du couple, histoire familiale constituent la charpente de sa première époque. Au cours de la seconde guerre mondiale, ses écrits aux relents pétainistes lui attireront de nombreuse critique qui poussera le Comité de Libération de La Frette où il s’était installé dans les années 20 à demander sa tête. Faisant peau neuve, il invente une nouvelle forme littéraire où se mêlent réflexions, nouvelles et souvenirs. « Son style deviendrait de plus en plus musical et aérien : Chimériques (1948), Vivre à Madère (1953), Le Ciel dans la fenêtre (1959), Demi-Jour (1964) comptent parmi les chefs-d’œuvre de la littérature française [7]». Chardonne meurt à La Frette-sur-Seine en 1968, dans une retraite passée à correspondre avec, en particulier, Paul Morand.

Les écrivains chrétiens du XXème siècle font briller les derniers feux de la foi dans un monde de plus en plus laïcisé. Ami de Gide et de Carco, le poète Francis Jammes (Tournay, 1868 – 1938) commencera sa carrière littéraire avec des œuvres où la personnalité d’affirme « tout à la fois ingénue et ingénieuse [8]», chantant et l’esprit provincial et l’exotisme. Après la mort de son ami Charles Guérin, il fait un retour au christianisme et se marie avec Geneviève Goedorp. Une foi plus austère irriguera désormais son œuvre qui compte les Géorgiques chrétiennes (1911-1912) et dont la rythmique se fera plus stricte. Il s’installe à Hasparren en 1921 et y est inhumé. Autre auteur pleinement catholique, François Mauriac (Bordeaux, 1885 – 1970) fut à la fois mémorialiste, homme de théâtre, poète et romancier. Les thèmes principaux de son œuvre romanesque et théâtrale sont ceux de l’être dominateur et de l’être vulnérable qui s’entremêlent dans Les Mal aimés et Asmodée. Claudel, ensuite, qui pensa se faire moine à Ligugé au début du siècle et qui se retira en Dauphiné à Brangues, et y mourut. « Brangues lui était, en quelque sorte, accordé, et c’était certainement en vertu d’une affinité substantielle qu’il avait acquis cette terre. A Paris, l’appartement qu’il avait pu trouver au lendemain de la guerre, si agréable qu’il fût, n’était pas assorti à sa taille. Brangues, au contraire, le village que désigne cette « syllabe de bronze monnayée trois fois par jour par l’angélus », Brangues la demeure admirable, était digne de figurer à côté d’Hostel-en-Valromey, ou aussi bien de Monsanvierge, au premier rang des lieux « claudéliens ». Le Rhône vient de franchir le dernier défilé des Alpes. Dans la plaine qu’il a façonnée, il s’étale et paresse. Partout les peupliers d’Italie, en longues files, montent de mystérieuses gardes. Vers l’est, la dernière chaîne du Jura s’étire, roide et massive, avec des allures de bête figée, comme pour bien limiter l’horizon. Mais, vers l’ouest, la « puissante ondulation des collines prosodiques, se relevant et s’abaissant comme une période de Bossuet », donne une impression d’infini, de plénitude, que le ciel immense parachève.

Le château est là, au haut d’un petit renflement de terre, à la fois ramassé et harmonieux, avec ses trois parties parfaitement unies, en dépit d’un certain disparate qui accole une noble façade du Grand Siècle à de puissantes tours du Moyen Âge finissant. Tout est vaste en ce lieu, le tapis vert de la pelouse, l’enfilade des salons, la cage d’escaliers ; tout suggère l’ampleur du rythme, la solidité de la vie. [9]». Enfin Georges Bernanos (Paris, 1888 – Pellevoisin, 1948) qui écrivit son premier roman, Sous le soleil de Satan (1926), au 47 de la rue des Ducs de Bar à Bar-le-Duc. Le personnage principal du roman, le père Donissan voit son nom porté par une localité de Gironde sur les tracés. Georges étudia comme interne au collège d’Aire-sur-la-Lys, près de Fressin où ses parents avaient acheté une maison. Sans domicile fixe, il séjournera avec sa famille à Bagnère-de-Bigorre, Clermont de l’Oise, Toulon, en Espagne. Monarchiste en sa jeunesse, la seconde guerre mondiale en fera le contempteur de la réaction et du fascisme. Mais ce n’est pas pour autant qu’il se convertira au monde moderne et à sa trinité « du confort, de la quantité et de l’efficience »  dont il fera le procès (La France contre les robots, 1947 et Liberté pour quoi faire ? 1954). Sa dernière œuvre, posthume, le consacre comme l’un des grands écrivains du siècle : Le dialogue des Carmélites.

Nous citerons enfin Jean-Edern Hallier, dont le prénom est composé du nom du saint éponyme de la commune d’Edern, un des sommets du grand nonagone. La famille Hallier possède le château de la Boixière à Edern, où passait des vacances le romancier ainsi que Sollers, Huguenin et d’autres et où séjourna François Mitterrand en 1973. Auteur de plusieurs romans, et de L’Evangile du fou (1986),  biographie du père de Foucauld. « C’est là, parmi les auteurs modernes, l’un des plus solidement armés : une écriture, d’abord : le jet soudain et bref. Du relief, du nerf, du feu, du caractère [10]».


[1] Raymond Rollin, « Dictionnaire encyclopédique de la littérature française », Laffont, p. 208

[2] Jean Malignon, « Dictionnaire des écrivains français », Seuil, p. 378

[3] Cité par Jean-François Nivet et Pierre Michel, « Octave Mirbeau, une biographie »,

[4] Jean-Marc Rodrigues, « Histoire de la littérature française », Larousse, p. 639

[5] Jean Malignon, « Dictionnaire des écrivains français », Seuil, 1971

[6] Bernard Raffalli, « Dictionnaire encyclopédique de la littérature française », Laffont-Bompiani, p. 10-11

[7] Jacques Brenner, « Dictionnaire encyclopédique de la littérature française », Laffont, p. 174

[8] Jean Malignon, « Dictionnaire des écrivains français », Seuil, p. 234

[9] Daniel-Rops, « Paul Claudel tel que je l’ai connu », Historia n° 130, p. 241-242

[10] Jean Malignon, « Dictionnaire des écrivains français », Seuil, 1995, p. 275