Partie IV - Techniques et sciences   Chapitre XXXIX - Sciences   Médecine   

Friedrich Hoffmann (Halle, 1660 – 1742) fonde la théorie organiciste pour laquelle la vie dépend de la mécanique des fibres, dont la capacité de se dilater et de se contracter est appelée le tonus, et non de l’âme. Hoffmann étudia à Iéna où il se lia d’amitié avec Stahl, père du phlogistique. Il enseigna 48 ans à l’université de Halle fondée en 1693 par Frédéric III de Brandebourg qui deviendra roi de Prusse et qui l’aura comme médecin à Berlin pendant trois ans. Il publiera un traité en 9 volumes sous le titre français de Médecine raisonnée d’Hoffmann. Son enseignement embrassera la physique, la chimie, l’anatomie, la médecine et la chirurgie. Ses recherches en chimie porteront sur les sels qui sont pour lui des corps constitués principalement d’une base et d’un acide se neutralisant. Il sera le premier à distinguer la magnésie de la chaux.

Anatomie

A la même époque que Vésale qui révolutionna l’anatomie, montrant que Galien, qui était la référence, avait décrit l’anatomie de singes et non d’hommes, Iacopo Berengario (Carpi, vers 1470 – Ferrare, 1550) enseigna le premier que dans l’espèce humaine, l’utérus est formé d’une cavité unique et non double comme on l’avait cru jusqu’alors en observant l’anatomie des autres animaux. Il introduisit l’usage des figures dans les ouvrages d’anatomie.

L’anatomie est illustrée par différents praticiens : Théophile Bonnet (Genève, 1620 – 1689) est considéré comme le fondateur de l’anatomie pathologique (Sepulchretum anatomicum), préparant la voie à Morgagni ; Jean Pecquet (Dieppe, 1622 – Paris, 1674) découvrit la circulation lymphatique. Raymond Vieussens (Le Vigan, 1641 – Montpellier, 1715) a laissé son nom à une saillie à l’intérieur du cœur : l’anneau de Vieussens ; Antonio Pacchioni (Reggio nell’Emilia, 1665 – Rome, 1726), élève de Malpighi, a donné son nom à un trou ovale par où passent les pédoncules cérébraux. Le Danois Jacques Bénigne Winslow (Odense, 1669 – Paris, 1760) reçut une pension de son roi pour étudier à travers l’Europe. Il se fixe à Paris où il enseigne l’anatomie au Jardin du Roi, et entre à l’Académie des sciences. On compte les Lyonnais Louis-Antoine Ranvier (1835 – Vendranges, 1922) et Louis-Auguste Prenant (1861 – Paris, 1927) parmi les anatomistes de la texture microscopique.

Embryologie

L’embryologie intéressa Albert le Grand au XIIIème siècle, et fut pratiqué par Aldrovandi et Coiter au XVIème, Malpighi au XVIIème. Au XIXème et au XXème, l’évolution des techniques permet l’expérimentation. Parmi les embryologistes, notons Giuseppe Albini (Milan, 1827 – Turin, 1911) qui a porté aussi son attention sur les sécrétions glandulaires, et la physiologie des nerfs. Francis Maitland Balfour (Edimbourg, 1851 – Mont-Blanc, 1882) est le principal représentant de l’embryologie évolutionniste. Il était le frère d’Arthur James Balfour qui préconisa la création d’un foyer national juif en Palestine. Wilhelm Roux (Iéna, 1850 – Halle, 1924), surtout, introduisit la méthode expérimentale en embryologie et fut le fondateur de la mécanique du développement. Laurent Marie Chabry (Roanne, 1855 – Riorges, 1894) est un embryologiste qui montra avec ses expériences sur l’œuf d’ascidie qu’un des deux premiers blastomères même séparé de l’autre ne peut produire qu’un demi embryon.

Psychothérapie

Jean Esquirol (Toulouse, 1772 – Paris, 1840), disciple de Pinel, dont il poursuit le travail nosographique, est favorable à l’isolement des malades mentaux et est à l’origine de la loi de 1838 contre laquelle se battront les tenants de l’antipsychiatrie. Mais les traitements différaient suivant la notoriété des patients. Esprit Blanche (Rouen, 1796 – Paris, 1852) créa en 1846 une maison de santé à Passy qui accueillit Guy de Maupassant et Gérard de Nerval sous l’administration de son fils, son successeur, Antoine-Emile (Paris, 1828 – 1893).

Les théories organicistes de la maladie mentale sont défendues par Jacques Moreau de Tours (Montrésor, 1804 – Paris, 1884) qui a comparé les troubles dus à la maladie mentale et à la prise de haschich. Il affirme que les troubles mentaux sont d’origine organique et que la folie révèle la totalité de l’être qui n’est connu qu’à moitié en bonne santé. De même, Gaëtan Gatian de Clérambault (Bourges, 1872 – Malakoff, 1934), partisan d’une théorie mécaniciste des troubles psychiques, a fait d’important travaux sur les intoxications chroniques, les délires passionnels et l’automatisme mental.

Des techniques douces pour dénouer des conflits psychiques sont élaborées. Johannes Heinrich Schultz (Göttingen, 1884 – Berlin, 1970) est le fondateur d’une technique de relaxation, le training autogène, basée sur une décontraction progressive somatique et une concentration de la pensée sur certaines sensations.

Face à la psychiatrie traditionnelle, s’élevèrent des médecins pour favoriser la réinsertion des malades mentaux au sein de la société. Tel Franco Basaglia (Venise, 1924 – 1980) qui est le principal représentant du courant désialéniste italien, chef du mouvement Psychiatria Democratica. Il joue un rôle déterminant dans le vote de la loi de 1978 rendant aux malades mentaux leurs droits civiques. On compte aussi l’écossais Ronald David Laing (Glasgow, 1927 – Saint-Tropez, 1989) un des fondateurs de l’antipsychiatrie. Pour lui la folie est « une stratégie particulière qu’une personne invente pour supporter une situation insupportable et que la fonction de la famille, et, au-delà d’elle, celle de la société qu’elle représente, est de refouler non seulement la sexualité, mais aussi les élans vers la spiritualité »

Techniques médicales

Deux chirurgiens français contribuèrent au progrès de leur spécialité. Léopold Ollier (Les Vans, 1830 – Lyon 1900) fit faire d’importants progrès à la chirurgie osseuse et articulaire. Il tenta de sauver le président Sadi-Carnot victime d’un attentat en 1894 à Lyon. Lucien Jean-Baptiste Baudens (Aire-sur-la-Lys, 1804 – Paris, 1857), imagina un appareil pour réduire les fractures auquel on a donné son nom.

Les maladies pulmonaires ont été combattues par Maurice Bariéty (Illiers, 1897 – Paris, 1971)  qui a mené des recherches en physiopathologie et thérapeutique de telles maladies. L’importance de Camille Guérin (Poitiers, 1872 – Paris, 1961) n’est plus à rappeler, qui est connu, avec Calmette, comme l’auteur de la méthode de vaccination contre la tuberculose (BCG).

Claudius Regaud (Lyon, 1870 – Paris, 1941) réalisa des travaux importants sur l’action des radiations sur les tissus vivants pour leur application médicale.

Marc Tiffeneau (Mouy, 1873 – Paris, 1945) a mené des recherches sur les transpositions moléculaires, la stéréochimie, la synthèse asymétrique, qui lui ont permis de découvrir des corps au pouvoir thérapeutiques importants telle la noréphédrine.