Partie XIV - Le Serpent rouge   Le voyage de l’âme   Les 7 boules de cristal   
SERPENT ROUGE CHAUVE SOURIS TINTIN 7 BOULES DE CRISTAL

Mettre un point d'interrogation pour annoncer une devinette

(Elisabeth Doumenc, Travailler avec des albums en maternelle - Activités d'expression langagières et artistique, 2010 - books.google.fr).

The beautiful lines insisted on being traced

« Ces belles lignes insistaient pour être tracées. » John Ruskin (Praeterita, 1885-1889)

(Philippe Goddin, Hergé: Lignes de vie, 2007 - books.google.fr).

Nous en viendrons à l'androgynie, inspiré par la devinette de la chauve-souris du livre V de la République de Platon.

Le Pseudo-Elias (Praxis 16) rapporte une énigme ancienne à laquelle Platon fait allusion dans La République (V, 479 b). Et voici le contenu de l'énigme ancienne : «Ceci est une énigme : un homme qui n'est pas un homme, voyant et ne voyant pas un oiseau qui n'est pas un oiseau, perché sur un arbre une pierre qui n'est pas une pierre». Solution de l'énigme : un eunuque borgne vise une chauve-souris perchée sur un sureau avec une pierre ponce et la manque (Pascal Mueller-Jourdan, Une initiation à la philosophie de l'antiquité tardive: les leçons du Pseudo-Elias, 2007 - books.google.fr).

Chauve-souris et Boules de cristal

Sur l'affiche du fakir Ragdalam que l'on voit lorsque Tintin et Haddock sortent précipitemment du Music Hall, page 17, il y a aussi un point d'interrogation. Yamilah la voyante annonce à madame Clairmont la maladie subite de son mari. Sachant qu'elle accompagne un fakir, Yamilah peut porter un nom indien. or Jamila est un prénom d'homme, celui d'un voleur qui surpris par un tigre appela "Hari, Hari". Le dieu Krishna intervint aussitôt, délivra l'imprudent qui devint ascète et construisit un temple à l'endroit de l'intervention divine (Charles E. Gover, The Folk Songs of Southern India, 1871 - books.google.fr, Alexis Legayet, Sidonie Tournesol, 2014 - books.google.fr, Bertrand Portevin, Le démon inconnu d'Hergé, ou, Le génie de Georges Rémi, 2004 - books.google.fr, Thèmes : Tintin).

"Voleur", en français, celui qui dérobe, vient d'un terme de chasse au faucon et du verbe "voler", dans les airs. Le voleur pratique surtout la nuit, c'est un oiseau de nuit, tel une chauve-souris, comme le montre le terme espagnol "Murcigallero", voleur qui vole à l'entrée de la nuit, à rapprocher de "Murciegalo, Murcielago, Murceguillo", chauve-souris (Domingo Gian Trapani, Nouveau dictionnaire français-espagnol et espagnol-français, Volume 2, 1826 - books.google.fr).

The Prakrit term jamala corresponds to the Sanskrit yamala, i.e., 'twin, paired, doubled' (Jutta Jain-Neubauer, The Stepwells of Gujarat: In Art-historical Perspective, 1981 - books.google.fr, M. Monier, Sanskrit-English dictionary, Volume 2 - books.google.fr).

"yamila, n. = yamala" (A Sanskrit-English Dictionary: Etymological and Philologically Arranged With Special Reference to Cognate Indo-European Languages), ainsi que le montre le nom du livre tantrique Rudra-Yamala ou Rudra-Yamila, Yamala étant une divinité du Tantra.

Bats by Whistler in Les Chauves-souris, frontispiece - www.asia.si.edu

La caverne d'Ali Baba et des 40 voleurs apparaît même dans le poème Lunebourg du premier recueil de Robert de Montesquiou, qui passe pour être le modèle de des Esseintes chez Huysmans, Les chauves-souris (1892) :

Harpagon et Narcisse, Ali-Baba, de même, / Lorsqu'une grotte s'ouvre, au fond de ton palais / Praticable et truqué, mirant celui qui l'aime / Dans un lac de lingots, de pièces, de billets. / Bourges t'y fait songer devant le Crépuscule / Des dieux — et tes ana, dans la Suisse, à ses lacs / Et moi, pour toi je rêve et je récapitule / Ta destinée inane au féroce entrelacs (archive.org).

Durant nombre d'années, la silhouette idéogrammatique de la chauve-souris se détachant sur l'astre lunaire tient lieu de cachet et de figure emblématique, presque héraldique, sur les enveloppes et le papier à lettres du poète (Antoine Bertrand, Les curiosités esthétiques de Robert de Montesquiou, 1993 - books.google.fr).

Ordre belge du roi Léopold Ier - (www.semon.fr

"Rag", tiré du nom de Ragdalam, en anglais signifie "haillons" comme flitter qui a donné flitter-mouse, autre nom de la chauve souris (bat).

Dans Love's Meinie, Three Lectures on Greek and English Birds (1881) de John Ruskin (1819-1900), cher à Proust, on trouve : "The flying squirrel drifts like a falling leaf; the bat flits like a black rag torn at the edge." (www.gutenberg.org).

"Dhalam" en arabe signifie "obscurité". On trouve "dalam" en maltais comme en témoigne Ghar Dalam (The Dark Cave - The Cave of Darkness). Malte fut colonie britannique comme l'Inde.

Le professeur Arturo Issel (1842-1922), géologue génois, à la recherche de la présence d’une colonisation par l’homme paléolithique de Malte, découvre en 1865 le gisement de Ghar Dalam (la grotte obscure en maltais) dans l'est de l'île de Malte. Cette grotte contient une quantité importante d’ossements. Une trentaine de squelettes d’animaux (fr.wikipedia.org - Ghar Dalam).

Il est regrettable que l'on soit obligé de faire intervenir deux langues différentes pour interpréter le nom de Ragdalam.

Est-il lui même chauve-souris, craignant le soleil avec ses lunettes teintées ? Il est lui même décoré d'une croix (militaire ?) ressemblant à la croix à 8 pointes de l'ordre belge du roi Léopold Ier (1832). Il s'agit en fait de l'ordre du Grand Naja rose. Le secret de son numéro lui a aété dévoilé par Chandra Patnagar Rabad (chandra : la lune) (page 7).

La Castafiore est aussi présente sur scène, chantant le Faust de Gounod.

L'intérêt, la passion même, de Gounod pour Pœuvre de Goethe est bien antérieur et remonte à son séjour à la villa Médicis, au tout début des années 1840. Dans ses Mémoires d'un artiste, il avoue : « Cet ouvrage ne me quittait pas je l'emportais avec moi partout. » La composition de Faust occupera Gounod plusieurs années (Bertrand Dermoncourt, L'univers de l'opéra, 2012 - books.google.fr).

Dans Goethe, il y a bien des chauve-souris comme : "Que la sainte baguette te frappe, méchant gueux ! que tes membres se tordent aussitôt en d'affreuses convulsions ! — Voyez, le double nain se pelotonne tout à coup en une masse immonde! — Ô prodige! — La masse devient œuf, l'œuf se gonfle, il crève; deux jumeaux s'en échappent : la vipère et la chauve-souris. L'une s'en va rampant dans la poussière; l'autre, noire, prend son essor vers le plafond. Toutes deux se hâtent au dehors pour faire alliance; je n'y voudrais pas être en tiers.", et en d'autres extraits (Johann Wolfgang von Goethe, Faust, traduit par Henri Blaze, 1857 - books.google.fr).

Le capitaine Haddock, dans ses invectives, mentionne quelques termes en rapport avec les chauve-souris : page 45, "Tas de sauvages !... Vampires !... Protozoaires !... Brutes !" ; page 54, "Et nous l'arracherons aux mains de ces iconoclastes, de ces vampires, de ces..." ; page 55, "Bandits !... Chauffards !... Saltimbanques !... Ecraseurs !... Brutes !... Nyctalopes !... Parasites !"

En ce qui concerne le nom du professeur Laubépin : "En Bulgarie et en Serbie, les hommes et les chiens nés le samedi portent le nom de subotnici, subotnjaci, tandis que les enfants du vampire sont appelés glogove (de glog, « aubépine »). Quelquefois, cette distinction n'est pas précisée, et alors les tueurs de vampires sont appelés vampirdzii ou vampirari (Daniela Soloviova-Horville, Les vampires: du folklore slave à la littérature occidentale, 2011 - books.google.fr).

Le "roi des illusionnistes" Bruno

Le "roi des illusionnistes" qui procède au tour de magie de l'eau tranformée en vin s'appelle Bruno.

Bruno d'Eguisheim, futur Léon IX, et chauve-souris

Bruno fut confié plus particulièrement aux soins de son jeune parent, Adalbéron, fils du prince Frédéric de Luxembourg, qui achevait alors le cercle de ses études scolastiques. Adalbéron devenu évêque de Metz assistait le futur pape dans la solennité des fêtes de Noël célébrées à Toul en 1048. L'avenir des deux condisciples de l'école épiscopale était placée sous les auspices du vénérable Berthold.

Ils les passaient ensemble dans les châteaux de leurs parents communs. Un soir d'été, comme ils étaient à Egisheim, il advint qu'après leurs oraisons accoutumées les deux amis se retirèrent chacun dans l'appartement qui lui était destiné. Bruno ne tarda point à s'endormir. Durant son sommeil, un horrible reptile qu'on supposa depuis être un crapaud s'introduisit dans la chambre, sans doute par une fenêtre laissée entr'ouverte, grimpa jusque sur le visage du jeune homme et cramponnant l'une de ses pattes dans l'oreille, l'autre au menton, la troisième sur la joue, la quatrième sur la lèvre inférieure, glissa la tète sous la langue et se mit à sucer en perçant la chair vive. Eveillé par une douleur atroce, Bruno poussa un cri et s'élança hors de sa couche. Aux rayons de la lune qui l'éclairaient, il reconnut l'ennemi dont il était la proie ; d'un coup vigoureusement asséné, il le fit tomber sur le coussin. L'animal cherchait encore à rebondir, lorsque les serviteurs éveillés au bruit accoururent près de leur jeune maître. On chercha vainement le hideux animal dans le lit, sous les coussins, dans tous les recoins de l'appartement. Il fut impossible de le retrouver, mais les morsures empoisonnées qu'il avait faites n'étaient que trop visibles. Tout le visage, le cou, la poitrine du jeune homme se tuméfièrent au point de lui ôter l'usage de la parole. Il resta deux mois en cet état, deux mois pendant lesquels Adalbéron ne le quitta ni jour ni nuit. L'enflure croissant toujours, Hugues et Helwide, toute la famille en pleurs n'attendaient plus qu'une issue fatale. Adalbéron redoublait de prières; tout à coup, à un moment où il se trouvait seul près du malade, il le vit se dresser sur son séant. Ses lèvres si longtemps fermées s'ouvrirent sans effort : «Je suis guéri, dit-il. Un vieillard à cheveux blancs environné d'une auréole céleste vient de m'apparaître. Il a touché mes lèvres, mes joues, mon oreille à l'endroit des morsures, et le venin a disparu. »

L'animal en latin "bufo" est appelé et pourrait s'appliquer à quelque chauve-souris de l'espèce vénéneuse, dont la morsure produit quelquefois des plaies incurables (Abbé Darras, Histoire générale de l'Eglise, Tome XXI, 1875 - archive.org).

Au sommet de la montagne de Dabo, pour la purger des fantômes païens qui y séjournent, on a élevé une petite chapelle à saint Léon au XXème siècle, tout surpris de se trouver là. Mystérieux Dabo, environné d'arbres où s'assemblaient les druides, où les Romains eurent un autel consacré à Jupiter ! En plein ciel, on y jouit d'une vue incomparable sur le paysage du Schneeberg, le Grossmann, le Donon... Hélas, le château des comtes de Dabo et de Dagsbourg a été rasé par les Français en 1679. Sa tour, où voltigent des légions de chauve-souris, offre un point de vue grandiose (François Ribadeau Dumas, Histoire secrète de la Lorraine, 1979 - books.google.fr).

Léon IX était Bruno d'Egisheim.

Un autre Bruno : Bruno de Segni

Segni en italien signifie "signes".

Bruno de Segni, ou Brunon, né à Solero, près d'Asti, en 1045 et mort le 18 juillet 1123 à Segni au Latium, fut un théologien, abbé du Mont-Cassin et évêque de Segni. Il est reconnu comme saint par l'Église catholique romaine et célébré le 18 juillet (fr.wikipedia.org - Bruno de Segni).

Bruno de Segni écrivit une Vita S. Leonis IX vers 1109 (mlat.uzh.ch - Universität Zürich - Bruno Astensis, Vita S. Leonis IX).

Dom Ambroise Amelli parle d'un codex de Vérone, où il a rencontré un texte qui explique l'origine de ce commentaire. Henri IV avait du lever le siège de Rome et se retirer en Lombardie. Brunon voulait regagner son siège de Segni, mais arrêté et jeté en prison pendant trois mois, il avait dû rentrer à Rome. C'est alors qu'à la demande de l'abbé Damien, un des sept diacres du sacré palais, il écrivit le commentaire, de Noël à Pâques. C'est en août 1082 que Brunon fut libre de retourner à Rome ; c'est donc entre le 25 décembre de cette année et le 9 avril 1083 qu'il écrivit son livre. (Revue bénédictine, Abbaye de Maredsous, 1904 - books.google.fr).

Au cours de cette captivité, Bruno changea l'eau en vin : ce qui, selon l'Anonyme, signifiait les épreuves supportées avec joie ou l'intelligence des Ecritures; une fois encore, on est probablement en présence de clichés hagiographiques (Réginald Grégoire, Bruno de Segni, exégète médiéval et théologien monastique, 1965 - books.google.fr).

Un témoignage particulièrement expressif de l'influence en Catalogne de la littérature issue des milieux réformateurs italiens est fourni par la présence des œuvres de Bruno de Segni (1049-1123), dont nous recensons, le plus souvent sous dont nous recensons, le plus souvent sous le nom de Bruno d'Asti, sept manuscrits antérieurs au XIIIe siècle (Michel Zimmermann, Écrire et lire en Catalogne: IXe-XIIe siècle, Volume 2, 2003 - books.google.fr).

Un peu de boue

Bruno écrit son Commentaire sur Jean entre 1083 et 1086 dans les années suivant sa consécration comme évêque de Segni. Comme de nombreux exégètes de son époque, il est influencé par saint Augustin.

The only links that Bruno sees between John 9 and its Gospel context involve the healing miracle. Like Augustine, Bruno interprets the mud which Jesus used in healing the man born blind in terms of the Incarnation. Bruno writes, “the spit, which comes down naturally from the head, is the divinity of Christ, whose 'head' as the Apostle says, 'is God' (1 Cor 11:3).”132 Bruno adds, “this divinity has come down to earth, came into the Virgin, and became mud because 'the Word became flesh and dwelt among us' (John 1:14).” The mud, which is made of both spit and earth, is a figure of the incarnate Word, who is both divine and human. Bruno follows Augustine in understanding the Incarnation to be divine healing for fallen humanity. (William M. Wright, Rhetoric and Theology: Figural Reading of John 9, 2009 - books.google.fr).

La chauve souris de Bruno de Segni

Parmi les nombreux écrits de Bruno de Segni, on ne pouvait manquer la mention de la chauve-souris, ainsi dans l'Expositio in Leviticum, partie de l'Expositio in Pentateuchum, chapitre XI :

« Haec sunt quae de avibus comedere non debetis, et vitanda sunt vobis; aquilam, et gryphem, et haliaetum, et milvum, ac vulturem iuxta genus suum, et omne corvini generis in similitudinem suam, struthionem, et noctuam, et larum, et accipitrem iuxta genus suum: bubonem, et mergulum, et ibin, et cycnum, et onocrotalum, et porphyrionem, herodionem, et charadion iuxta genus suum, upupam quoque, et vespertilionem. » Haec enim pene omnia de praeda et rapina vivunt, aliisque animalibus importune insidiantur, in quibus fures, latrones, sacrilegi omnesque raptores ab Ecclesiae corpore repelluntur. Corvinum autem genus ideo abiicitur, quia ab insita et naturali nigredine nunquam lavatur; significat autem peccatores in malitia perseverantes, et poenitere nescientes. Sed quid per struthionem, qui alas quidem habet, volare tamen non potest, nisi hypocritas intelligimus ? (0415C) Qui quamvis boni similitudinem ferant, bonum tamen facere recusant. Quid vero per noctuam, quae lucem fugit, noctem diligit, nisi eos qui regem tenebrarum sequuntur, et Christum solem iustitiae fugiunt ? « Omnis enim qui male agit odit lucem (Ioan. III, 10) ; » haec tamen, sicut bubo, de praeda et rapina vivit. Upupa vero turpissimum animal in stercore nidificat, per quam meretrices et adulteros intelligimus. Quae autem de noctua dicta sunt, de vespertilione quoque intelligantur. (0415D) (mlat.uzh.ch - Universität Zürich - Bruno Astensis, Exposotion in leviticum, Chapitre XI - books.google.fr).

Les Noces de Cana, l'eau changée en vin, et l'androgynie

Les Noces de Cana ne sont pas un des épisodes des Evangiles les plus commentés par Bruno de segni et apparaissent dans une de ses homélies (Bruno Astensis, Opera, Lempel, Tome II, 1791 - books.google.fr, Bruno d'Asti, Commentarius in IV Evangelia nunc primum editus ex ms. cod. bibliothecae novi Athenaei Collegii Romani, Palearini, 1775 - books.google.fr).

Les Noces de Cana de Jérôme Bosh présentent un cygne sur un plat : cygnus en latin assez proche de signum, en français encore plus.

Couple bien étrange que celui constitué par Jésus et sa mère Marie. Encore bien plus étrange, la question posée par le fils à sa mère : «Que me veux-tu, femme ?» (verset 4). Nous disons bien «femme», gunè en grec, et non pas "mère". [...] Une telle traduction est incapable de signifier le caractère symbolique de la scène qui se vit et se joue à Cana, où est rejouée la scène primitive de la création de l'homme façonné homme et femme ainsi que le mentionne le récit sacerdotal (Genèse I,27).

Depuis les premiers siècles du christianisme, Marie est considérée comme la seconde Eve, la mère spirituelle de tous les vivants - ce que représente Eve sur le plan charnel. St Paul avait ouvert cette brèche en faisant de Jésus le nouvel Adam, celui qui renouvelle l'ensemble de la création et réconcilie l'homme avec Dieu. [...] Véritable «échelle du firmament» que Dieu emprunta pour descendre sur terre, selon l'expression d'un poète du Moyen âge, Marie est le signe vivant de la naissance de l'Eglise, que St Paul présente comme le corps du Christ-Tête (Nicolas Mba-Zué, Des noces de Cana au mariage chrétien, 2010 - books.google.fr).

Petit aparte concernat la tête du Christ chez l'abbé Boudet : Les Redones du sud ont passé un temps relativement court dans les superstitions insensées du paganisme. Le proconsul Sergius Paulus, disciple de l'apôtre St-Paul était venu porter l'Evangile dans le midi de la Gaule et avait fixé son siège à Narbonne. [...] Alors, à l'arête du cap dé l'Hommé sur le haut d'un ménir, en face du temple paï en, converti en église chrétienne détruite plus tard par l'incendie, fut sculptée une belle tête du Sauveur regardant la vallée, et dominant tous ces monuments celtiques qui avaient perdu leurs enseignements (La Vraie Langue Celtique, p. 306).

Jésus, nouvel Adam, commence à se manifester, par le miracle de l'eau transformée en vin.

L'eau des noces de Cana, après qu'elle fut changée en vin, est encore nommée eau par S. Jean; dans le même sens aussi qu'Adam nomme la chair celle d'Eve, parce que la matière dont cette chair d'Eve étoit formée, avoit fait pàrtie du corps d'Adam (François-Joseph de Partz de Pressy, Instructions pastorales et dissertations théologiques de Mgr l'évêque de Boulogne, 1786 - books.google.fr).

C'est un mot qui signifie à la fois signe et miracle qui est employé dans l'Evangile de Jean au sujet de Cana. Jean n'utilise pas le mot miracle (en grec dynamis), mais seulement les mots signes [sèmeion, au pl. sèmeia) et œuvres (erpa) (Charles Perrot, Jean-Louis Souletie, Xavier Thévenot, Les miracles, 1995 - books.google.fr).

Ce caractère sensible est même de rigueur quand il s'agit du miracle-signe, du miracle-argument, accompli comme confirmation d'une doctrine ou comme preuve de la sainteté d'un personnage, car l'homme ne peut voir que ce qui tombe sous les sens. Suivant le théâtre sur lequel les effets de l'action divine se manifestent, le miracle est d'ordre physique, intellectuel ou moral. Le miracle physique est un phénomène matériel que la cause première intercale dans la trame des phénomènes du monde sensible, mais en dehors de la chaîne des causes secondes. Tel fut le changement de l'eau en vin aux noces de Cana (Louis Brémond, La vraie notion du miracle, Revue des sciences ecclésiastiques, Rousseau-Leroy, 1901 - books.google.fr).

Aux noces de Cana, l'eau changée en vin par le Christ est une image de la transmutation de l'âme et de la transsubstantiation du corps. Après avoir institué le rituel de l'Eucharistie, Jésus dit que désormais il ne boira plus du produit de la vigne « jusqu'au jour où je boirai le vin nouveau dans : Royaume de Dieu. » Un vin apprécié par le Christ, Nouvel Adam, symbolise une Sagesse qui immortalise l'âme, et qui redonne à l'homme la conscience perdue du paradis (Patrick Ringgenberg, Miroirs du Moyen Age, 2006 - books.google.fr).

Saint Bernard a deux sermons sur les Noces de Cana. Dans le premier, il insiste sur le témoignage de bonté que donne la Vierge Marie. C'est une fontaine de tendresse. La bonté de Dieu a rempli son cœur avant de résider dans ses entrailles. Dans le second sermon, il s'agit surtout des noces du Christ et de l'âme.

Il est comme l'époux sortant de sa chambre nuptiale. Quant à l'épouse, c'est nous-mêmes, si cela ne vous paraît pas incroyable. Tous ensemble nous sommes l'unique épouse, et l'âme de chacun est comme une épouse en particulier.

A ces noces, Marie est présente. Nous sommes aimés de Dieu du même amour qu'une épouse est aimée de son époux. Marie est présente, elle veille à ce qu'il ne manque rien. Nous ne sommes encore qu'au dîner, le souper est pour le ciel, là le vin ne manquera pas. Au dîner, il arrive que le vin manque, alors supplions la mère de miséricorde de suggérer à son fils que nous n'avons plus de vin. Elle interviendra sans aucun doute. Suit un très beau commentaire de la question que pose Jésus à sa mère : "Qu'y a-t-il à toi et à moi ?"

Dans quel but alors, frères, dans quel but répondait-il tout d'abord de cette manière ? C'est pour nous, à n'en pas douter, pour que désormais le souci de la parenté charnelle ne trouble pas ceux qui se sont donnés au Seigneur, et que de telles préoccupations n'entravent pas le travail spirituel. Le Seigneur nous a donc enseigné de la meilleure façon, à ne pas nous inquiéter de nos proches selon la chair plus que ne le réclame notre condition de religieux (Bernard de Clairvaux, Écrits sur la Vierge Marie, Traduit par Bernard Martelet, 1995 - books.google.fr).

René-Michel Slodtz, dit Michel-Ange Slodtz, réalisa avec son frère Paul-Ambroise en 1750, le panneau des Noces de Cana placé comme devant de l'autel de la chapelle de la Vierge à Saint Supilce de Paris (www.wikiphidias.fr - Slodtz), www.tombes-sepultures.com - Saint Sulpice).

La Tempérance et les Noces de Cana

Le tout premier miracle raconté dans l'évangile de Jean concerne les noces de Cana. Une servante verse de l'eau provenant d'une jarre de pierre et celle-ci se transforme en vin. Nous découvrons là le reflet exact de notre ange de la tempérance qui met de l'eau dans son vin... Ajoutons à cela que le texte de Jean se termine avec la Passion. Un légionnaire romain à qui la tradition a donné le nom de Longin(us) perce le flanc de Jésus et ce sont de l'eau et du sang qui s'écoulent de la blessure. Cet homme devenu dieu, je parle de Jésus, bien sûr, a su effectuer en lui cette transformation, cette alchimie par le mariage de l'eau et du vin. Nouveau miracle célébré par le rite romain qui transforme en vrai sang du Christ le vin versé dans le ciboire et mélangé à l'eau qui représente la multitude. Les premiers Chrétiens croyaient à la réincarnation et il est assez fréquent de voir dans cette lame de la Tempérance, si ce n'est une forme de réincarnation symbolisée par le passage d'un récipient à un autre et donc, par passage de l'âme d'un corps à un autre, tout au moins, s'agit-il d'une migration de l'âme. Chez les grecs, le simple fait de verser un liquide d'un vase à un autre était une allusion à la métempsycose. Cette lame est donc bien actuelle quant à sa référence au signe zodiacal du Verseau. C'est l'ère dans laquelle pénètre peu à peu notre système solaire qui est également en train de quitter le règne des Poissons. Nous ne pouvons que souhaiter que les deux mille années à venir soient fortement imprégnées de tempérance. Les Poissons sont le monogramme du Christ et, d'un pêcheur qui jette ses filets, il fit un pêcheur d'hommes. Quant au Verseau, l'élément fluide nous renseigne : il s'agit bel et bien d'une purification. Faut-il y voir le déclin du Christianisme qui annonce en même temps la chute des religions « rivales » ? Le désir d'hégémonie des religions actuelles et leur fanatisme les amèneront tôt ou tard à leur perte [...] De par son assimilation au signe du Verseau, cette lame est placée sous le signe de l'Air. Comme tous les anges, ce personnage qui représente la Tempérance (ses ailes le trahissent) n'est ni mâle ni femelle. Juste milieu entre deux polarités, c'est un androgyne. [...] La couleur de sa robe est bien celle du Ciel et c'est bien dans l'Air qu'il se déplace. En regardant cette belle image d'un ange qui transvase le « fluide » d'un récipient à un autre, nous devinons que, par ce geste, il est train de « mesurer » une capacité. Mais, par-dessus tout, c'est au mot « mesure » qu'il faut accorder la plus grande importance. Ce mot revêt plusieurs significations : il est synonyme de sobriété, mais il vise également la discrétion, la pondération, la retenue... Enfin, il désigne la sagesse et l'équilibre (Jean-Pierre Roirand, La Symbolique du Tarot, 2010 - books.google.fr).

Le nombre tarotique de la Tempérance, XIV, est bien présent dans les 7 boules de cristal : page 12, c'est le numéro de la loge de Ramon Zarate (général Alcazar) ; page 62, date du départ du Pachacamac de La Rochelle. tempérance tempérée par les verres de whisky que se sert le capitaine Haddock avant de partir pour Saint Nazaire, devant le tableau de Tournesol qui dans une hallucination lui dit "un peu plus à l'ouest", page 53. L'ouest, lieu du coucher du soleil, du soir, où sortent les chauve-souris. Saint Nazaire est le nom donné à la cathédrale de Carcassonne, avec saint Celse, deux saints dont les tombeaux ont été retrouvés à Milan, où se trouve la Scala chère à la Castafiore (22 v’la l’Tarot : Kabbalisation du Tarot : Impératrice-Tempérance).

Nous signalerons à ce propos qu'il existe aussi, dans la Maçonnerie anglaise, des Loges spéciales dites « Loges de tempérance », dont les membres prennent l'engagement de s'abstenir rigoureusement de toute boisson alcoolique (René Guénon, Le théosophisme, Revue de philosophie, Volume 28, 1921 - books.google.fr).

Plutôt que de voir le rationalisme d'Hergé, ne peut on voir dans les 7 boules une critique du théosophisme qui forme un synchrétisme où tout est mélangé, des croyances pré-colombiennes, au judéochristianisme, parodie, comme dirait Guénon, de la vraie tradition ? Guénon d'ailleurs n'avait que mépris pour la Maçonnerie actuelle qu'il considérait comme une « parodie ».

C'est aussi pourquoi l'Antéchrist, qui synthétisera, pour le règne de la grande parodie, toutes les puissances de la contre-initiation, sera le plus illusionné de tous les êtres - et c'est là la « sottise du diable » - en même temps qu'il sera le trompeur, le dajjal "par excellence" (Jean Robin, René Guénon, témoin de la tradition, 1978 - books.google.fr).

La psychologie de Proust, féminité ou androgynie

Que je l'aimais, que je la revois bien, notre Église ! Son vieux porche par lequel nous entrions, noir, grêlé comme une écumoire, était dévié et profondément creusé aux angles (de même que le bénitier où il nous conduisait) comme si le doux effleurement des mantes des paysannes entrant à l'église et de leurs doigts timides prenant de l'eau bénite, pouvait, répété pendant des siècles, acquérir une force destructive, infléchir la pierre et l'entailler de sillons comme en trace la roue des carrioles dans la borne contre laquelle elle bute tous les jours [...] ; et s'enfonçant avec sa crypte dans une nuit mérovingienne où, nous guidant à tâtons sous la voÛte obscure et puissamment nervurée comme la membrane d'une immense chauve-souris de pierre, Théodore et sa soeur nous éclairaient d'une bougie le tombeau de la petite fille de Sigebert, sur lequel une profonde valve, — comme la trace d'un fossile, — avait été creusée, disait-on, "par une lampe de cristal qui, le soir du meurtre de la princesse franque, s'était détachée d'elle-même des chaînes d'or où elle était suspendue à la place de l'actuelle abside, et, sans que le cristal se brisât, sans que la flamme s'éteignît, s'était enfoncée dans la pierre et l'avait fait mollement céder sous elle." (Marcel Proust, Du Côté de Chez Swann, 1965 - books.google.fr).

Il n'est pas jusqu'à la petite fille de Sigebert qui ne trouve sa place dans la série des couples mères-filles ; un épisode de sa légende, que Proust a lu dans les Récits des temps mérovingiens d'Augustin Thierry, raconte que la mère et la fille, Galeswinthe et Goïswinthe, furent séparées dans les larmes. La fille fut brutalement arrachée à sa mère par son futur époux, Hilpéric, avant de sombrer, en même temps que dans la soumission forcée au roi mérovingien, dans une mélancolie qui ne devait l'engager à la combativité ni contre lui, ni contre sa rivale Frédégonde.

La crypte, sur la voûte nervurée menaçante et protectrice de laquelle se projette, démesurément agrandie, le sexe de pierre de la petite fille de Sigebert, est aussi une représentation du ventre maternel, déclinée suivant le paradigme de la petite madeleine [...] L'insistance du thème de la virginité mérovingio-combraysienne, la construction merveilleuse du sexe minéral féminin par fusion de la matière souterraine, la chaîne analogique qui conduit du fossile en intaille dans le tombeau de la crypte au d'Albertine, en passant par le « petit coquillage de pâtisserie si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot », tout concourt pour désigner, au-delà de la dimension criminelle et interdite du désir du héros pour la mère, celle, doublement criminelle, du désir de la fille pour la mère (Raymonde Coudert, Proust au féminin, 1998 - books.google.fr).

Le savant Hippolyte Bergamote

Si la bergamote est principalement cultivée en Calabre, il existe une Hippolyte, de la famille des Sforza, fille de Jean-Galéazzo et soeur de François, mariée à Alphonse d'Aragon, duc de Calabre, fils d'Isabelle de Clermont et de Ferdinand Ier roi de Naples et de Sicile, concurrent de René d'Anjou, en octobre 1455. Blanche Visconti, femme de François Sforza alors malade, lui avait demandé de rompre avec la maison d'Aragon et d'accorder Hippolyte à Jean, duc de Calabre, fils de rené d'Anjou. François se rétablit et contribua à la défaite des Angevins.

Une trinité profane

Palaja : papa (père) - lala - jaja (vin).

Lara : Nymphe romaine, fille de Almo, le dieu des ruisseaux, et mère des Lares. Surnommée « Lala » (la jaseuse, de « lallo- are » : chanter), bavarde à ennuyer les dieux, pour la faire taire, Jupiter lui coupa la langue...

ou (Bavarde), puis « Larunda » (mouette, oiseau), « Muta » (de « mutus » : muet) ou « Tacita » (de « tacitus » : silencieux, de « tacere » : se taire), que Jupiter rendit muette à cause de son intarissable bavardage (elle avait crié à tue-tête, dans toutes les rivières du Latium, la passion que dans le coeur de Jupiter avait déclenché « Juturne », lorsque le dieu la cherchait et celle-ci se cachait).

Lar : Lares : Fils de « Lara », divinités Étrusques et Romaines protectrices de certains lieux : « Lares praestites » (de « praestes » : qui protège, qui préside) « Lares familiares » : familières ; « Lares domestici » : domestiques ; « Lares patrii » : de la patrie ; « Lares compitales » : des carrefours ; « Lares vicorum » : des rues... Ils sont, en tant que divinités du foyer, assimilés aux « Mânes ». Le « Lar » est représenté sous les traits d'un beau jeune homme, léger et court vêtu (Santiago Juan-Galan, Terra Barda - Tome 1 - Les Indo-européens, 2008 - books.google.fr).

Lala, nymphe de la parole : le logos ?

Le vin ou l'esprit ?

Il faut avant savoir que le Saint-Esprit est le vin du ciel, chez S. Bernard qui disoit qu'au qu'au ciel il y avoit surabondance de ce vin, je veux dire l'allégresse du Saint-Esprit et la joie béatifique (François de Sales, Lettre 729, Volume 3 des Oeuvres complètes, Albanel et Martin, 1839 - books.google.fr).

Comme Lara est devnue Tacita, on peut songer à la Roque Mude, ou Roche du silence située près de Saint Salvayre, RUPEM PACS, anagramme de PS PRAECUM (Autour de Rennes le Château : PSPRAECUM ou PS PRAECUM : le petit frère des pieuvres, Autour de Rennes le Château : Au niveau de la sole, Autour de Rennes le Château : Une étoile hermétique à deux niveaux).

L'identité d'origine de la déesse Tacita est donc celle d'une divinité qui assume son statut per antiphrasin : on passe d'un excès de mots (Lala/Lara, la nymphe bavarde) à un défaut de parole (Tacita, la déesse muette). Toute l'histoire, telle que le poète la présente, est animée d'une vigoureuse misogynie, véhiculant une idée de fond à savoir que les femmes ne se taisent jamais. On se souvient qu'au cours du rituel, Ovide a soin de préciser que, bien qu'elle qu'elle sacrifie à une déesse appelée Tacita, la vieille vix tamen ipsa tacet « a vraiment du mal à se taire » (Maurizio Bettini, Homéophonies magiques, Revue de l'histoire des religions, Volume 223, 2006 - books.google.fr).

Mais il est une autre particularité de la religion romaine qui, me semble-t-il, peut servir de terme de comparaison. Au deuxième livre des Fastes, Ovide (v. 575 ss.) décrit certaines cérémonies cultuelles accomplies lors de la fête de dea Tacita. Mettant en scène une vieille femme, il la montre s'adonnant à des pratiques : Tune cantata ligat cum fusco licia rhombo, Et septem nigras versât in ore jabas. Quodque pice adstrinxit, quod acu traiecit aëna, Obsutum maenae ton et in igne caput; Vina quoque instillat. Certains auteurs, préférant plumbo à rhombo, croient qu'il s'agit de poupées de plomb qui sont ligotées par la sorcière au moyen de fils. Si l'on retient le mot rhombo, on a affaire ou bien à un poisson, sole ou turbot, ou bien à une espèce de toupie ou de sabot dont usaient les magiciens. Pour le problème qui nous occupe, nous pouvons laisser en suspens ce point litigieux. Les vers suivants prouvent bien que nous nous mouvons dans une sphère qui rappelle singulièrement celle des divinités qu'on pourrait appeler ». En effet, la vieille femme fait rôtir au feu un poisson (maena) dont, entre autres, elle a bâillonné la gueule après l'avoir perforée d'une aiguille en bronze. La mention de ce dernier métal rend très probable le caractère ancestral et cultuel de cet acte. Je crois donc que la pratique magique décrite par Ovide s'est substituée à une très vieille cérémonie religieuse accomplie en l'honneur de dea Tacita. En effet, tous les détails qui accompagnent cet acte et que décrit Ovide nous ramènent vers le culte des morts. Il est dit que la vieille remue sept fèves noires dans la bouche : celles-ci jouent un rôle important dans les cultes funéraires. Il en est de même encore de la maena, petit poisson offert en sacrifice aux divinités souterraines aussi bien grecques que romaines, et surtout à Hécate. Par un texte de Festus, p. 274, Lindsay (dont on peut rapprocher la donnée de Varron, De lingua latina, VI, 20, qui emploie le terme plus général d'animalia), l'on sait que des pisciculi étaient offerts à Vulcanus ; ce dieu, comme l'a montré F. Altheim, relève du monde souterrain. Mais ce qui importe avant tout, c'est que la cérémonie magique décrite par Ovide a lieu le jour même de la fête de dea Tacita. Cette déesse nous est à présent bien connue par le travail déjà cité d'E. Tabeling. Dea Tacita est un autre nom désignant la Mère des Laies. Son caractère infernal ne fait pas le moindre doute. S'il est un nom «parlant», c'est bien celui de la « taciturne ». Par lui déjà elle se rapproche des manes taciti. Dans le domaine souterrain — les loca tacentia — règne un mutisme absolu. Les morts sont des silentes. L'on comprend ainsi le symbolisme des poissons à la gueule bâillonnée qu'on a dû offrir un jour à cette déesse. Mais comment, dès lors, ne pas songer à notre Angerona qui, telle que nous la représentent les anciens, un bandeau ou un doigt sur la bouche, est, elle aussi, une tacita ?

Or, je crois pouvoir fournir la preuve décisive qu'entre Tacita et Angerona il existe un rapport certain, indiscutable. La fête d'Angerona tombe le 21 décembre, celle de Tacita le 21 février. On a déjà fait observer occasionnellement que certaines fêtes religieuses romaines, revenant le même jour, à deux ou plusieurs mois visent une même divinité ou deux divinités très intimement apparentées. Ainsi le 15 juin se situe la fête de Semo Sancus, le 15 août celle de Salus Semonia : les deux divinités appartiennent, comme leur nom l'indique, au groupe général des Semones, invoqués, en même temps que Mars et les Lares, dans le carmen arvale. Le 24 mars et le 24 mai (à deux mois de distance aussi) se situent les deux fêtes marquées Q(uando) R(ex) C(omitiavit) F(as) dans le calendrier de Numa, suivies toutes les deux, le 25 du même mois, de la fête du Tubilustrium. Le parallélisme saute vraiment aux yeux. Il en est de même encore pour les fêtes du 9 juin (Vesta) et du 9 août (Sol Indiges) et de celles de Sol Indiges (11 décembre) et des Matralia (11 août), dont la parenté a été démontrée par C. Koch. Les fêtes de Mars, elles aussi, reviennent le même jour, dans les deux mois consacrés à son culte : à la fête des Equirria, le 14 ou le 15 mars, correspond celle de Vequus October, le 15 octobre, au Quinquatrus du 19 mars l'Armilustrium du 19 octobre. Tous ces indices prouvent, me semble-t-il, l'identité fondamentale de dea Tacita et de diva Angerona. Ce qui plus est, si la fête de dea Tacita tombe à la fin d'un mois consacré au souvenir et aux fêtes des morts, il en est de même encore pour Angerona dont la fête s'intercale entre celles des Consualia (15 décembre), des (17), des Opalia (19) et des Larentalia (23), toutes d'essence infernale et chtonienne (Pierre Lambrechts, Diva Angerona. In: L'antiquité classique, Tome 13, fasc. 1, 1944 - www.persee.fr).