Partie X - 22 v’la l’Tarot   Chapitre II - Kabbalisation du Tarot   III - Impératrice . XIV - Tempérance   

III - L'Impératrice - Chérubins - Tzaphiel - Binah - - 20 décembre - Abraham/Eugène - Gimel - Aralim

XIV - La Tempérance - Satan - 21 juin - Louis de Gonzague - Nun

Comme on peut le voir sur ses détails de la carte de la Tempérance, l'eau est soulignée d'une couleur rouge sombre, semblant indiqué un mélange de vin et d'eau, et une carapace de tortue apparaît en bas au-dessus du bord componé.

A boire !

L'utilité principale de l'eau est donc de réparer la sécheresse des chairs, l'âcreté du sang, la rigidité des tissus, et de rendre, par le moyen d'une rénovation, ce que notre corps a perdu d'humidité. C'est pour cette raison que le tourment de la faim se fait sentir moins cruellement que celui de la soif, car la soif dessèche et augmente la chaleur du corps, quand elle est prolongée, jusqu'au point de brûler les entrailles. De là, nous voyons que les animaux, tourmentés par la soif, se pressent avec une ardeur si vive de se rendre aux sources où ils trouveront de l'eau, afin d'éteindre le feu qui les brûle intérieurement (Alexis Mailloux, L'ivrognerie est l'oeuvre du démon mais la sainte tempérance de la croix est l'oeuvre de Dieu, 1867).

On donne à la Tempérance pour attribut un frein ou une coupe. Assez souvent elle parait appuyée sur un vase renversé, avec un mors dans sa main, ou mélangeant du vin avec de l'eau. L'éléphant, qui passe pour l'animal le plus sobre, est son symbole. Ripa en donne deux emblèmes; l'un, d'une femme avec une tortue sur la tête, qui tient un frein et de l'argent (François Noël, Dictionnaire de la fable, 1803).

Guy Tervarent signale également l'existence de représentations de tortues ailées signifiant la modération (Christophe Pollet, Les gravures d'Etienne Delaune (1518-1583), 2002).

Mais c’est surtout en Afrique, en particulier chez les Eve du Togo, que « pour éteindre leur feu intérieur et apaiser leur caractère tumultueux, on aura procédé à des rites de fraîcheur et de paix : eau laissée la nuit sous la rosée, ama fa fa, tortue symbole de calme et de tempérance, enserrement du poignet par un bracelet de perles aux trois couleurs magiques utilisées dans les cérémonies aux forces nocives du chaos : les Na. » (Claude Rivière, Union et procréation en Afrique, 1990).

L’importance des populations noires se révélera dans la suite de ce chapitre.

La tortue a affaire avec le vin, comme dans la soupe de Tortue qui se fait avec le vin de Madère, aiguisé avec les plus fortes épices, piment, gingembre, girofle et muscade ; elle est réputée parfaite, lorsqu'après en avoir mangé on est obligé de rester la bouche béante et d'éteindre le feu du palais avec du vin de Madère ou de Porto. Vous voyez que pour l'apprécier, il faut être parvenu au degré d'amateur.

Alchimiquement aussi, Adabasi (Adebezi, Adebessi) est la tortue des Philosophes, c'est-à-dire l'écorce qui renferme la vraie matière du mercure des Sages. Un Auteur interrogé qu'elle était la matière crue de l'Art, répondit : c'est la tortue avec la graisse de la vigne ; et un emblème philosophique représente Basile Valentin apprêtant une tortue avec du vin (Antoine Joseph Pernety, Dictionnaire mytho-hermétique, 1758).

Elisabeth, impératrice et fille d’empereur, maître de l’Ordre du Dragon

Pedro Tafur (or Pero Tafur) (vers 1410 – vers 1484) est un voyageur espagnol et écrivain. Né à Cordoue, de la famille des Guzman, Tafur traversa trios continents de 1436 à 1439 et visita la Terre sainte (en.wikipedia.org - Pedro Tafur).

Tafur fit route vers Prague pour faire ses hommages à Albert II, le roi des Romains de 1438 à 1439. Il n’était pas là mais à Breslau, où les voyageurs arrivèrent à Noël 1438. Tafur fut reçu avec tous les honneurs et Albert II l’investit de l’Ordre du Dragon […] Tafur poursuit son chemin ver Vienne où Elisabeth, fille de l’empereur Sigismond, dernier représentant de la dynastie des Luxembourg, et épouse d’Albert, lui dit que ce n’était qu’elle qui pouvait investir de l’Ordre du Dragon et que son mari n’avait aucune autorité en la matière (Pero Tafur, Travels and Adventures 1435-1439).

La cousine d'Elisabeth, elle même Elisabeth de Görlitz, fille de Jean de Görlitz frère de l'empereur Sigismond, reçoit Jeanne des Armoises, à Arlon. Un bruit se répandit tout à coup de Lorraine en Champagne, et, de là, dans les villes de la Loire : « — La Pucelle n'est pas morte! ce n'est pas elle qu'on a brûlée à Rouen! elle a reparu à Metz! elle a été reconnue par ses frères!... » En effet, une femme, qui avait avec Jeanne, née selon certains un 6 janvier 1412, une surprenante ressemblance, s'était présentée aux deux frères de la Pucelle, et ils l'avaient avouée pour leur sœur (20 mai 1436). La duchesse Elisabeth de Luxembourg, nièce, par alliance, du duc de Bourgogne, voulant effacer la honte de son cousin Jean de Luxembourg, avait fait un splendide accueil, dans Arlon, à la prétendue Jeanne. Un des comtes de Wurtemberg l'emmena ensuite à Cologne, où elle mit en rumeur tous les pays du Rhin. L'inquisition de Cologne commençant à l'inquiéter, elle revint à Arlon, puis à Metz, où elle épousa un chevalier, le sire Robert des Armoises (Louis Henri Martin, Histoire de France jusqu'en 1789, 1856).

Saints Eugène(s), les bien-nés, Œdipe, Cadmos et le dragon

Eugène(s), les bien-nés

Eugène et Macaire Prêtres d'Antioche auraient été présentés à l’empereur de Rome Julien l’Apostat dès le premier jour qu'il arriva à Antioche. Bannis à Oasis, et décapités le vingtième de décembre, [auquel leur fête est marquée dans le martyrologe Romain à l'imitation des ménologes des Grecs. Tous ceux qu'on envoyait à Oasis y mouraient en moins d'un an, à cause de l’intempérie de l'air. Mais ils se trompent de mettre Oasis en Arabie, puisqu'il est entre l'Egypte et la Libye. Aussi le martyrologe qui met ces Saints en Arabie, ne parle point d'Oasis. Ce que disent leurs Actes de saint Eugène et saint Macaire est tout différent de ce qui s'en lit dans les ménologes. Car ils portent qu'ils furent bannis en une ville de Mauritanie nommée Antidon, qu'ils convertirent à la foi, et où ils moururent en paix et selon quoi il faut plutôt leur donner la qualité de Confesseurs que celle de Martyrs qui leur est néanmoins attribuée dans les titres de ces ménologes. Le martyrologe Romain suit les actes d'Artème (Louis Sébastien Le Nain de Tillemont, Mémoires pour servir a l'histoire ecclesiastique des six premiers siecles, 1706).

Saint Eugène est donc honoré comme martyr le 20 décembre. Sa légende se trouve dans les Menologium Grœcorum Représenté précipité dans un étang rempli de bêtes venimeuses, dont il sortit sans aucun mal. Puis exilé. On lui doit, dit la légende, la destruction d'un énorme dragon qui causait de grands hommages. Saint Eugène alla le chercher dans la montagne où il faisait sa demeure. Le dragon Alors les habitants de la montagne lui disent: «Il ya dans la montagne un fauve, un dragon, qui nous fait beaucoup de tort.» Saint Eugène répondit: «Montrez-le-moi, frères.» Après trois heures de marche, ils montèrent jusqu'à l'endroit de leur exil. Et après trois jours, à la huitième heure, Eugène dit à Macaire: «Frère, qu'est-ce qui va nous être montré?» La montagne s'ébranla, secouée par un tremblement de terre qui ne dura pas longtemps. Le dragon sortit, il avait soixante coudées de longueur; sa tête, aussi large que longue, avait quatre coudées. De ses yeux, de ses narines et de sa bouche il soufflait du feu; et il se dirigeait vers l'endroit où étaient les saints. Alors les hommes de Dieu se mirent à prier avec ardeur: «Seigneur Jésus-Christ, disaient-ils, fils du Dieu vivant, exauce notre prière. Toi qui as créé ce fauve, lance contre lui ton épée, afin que tous sachent que tu es Dieu vraiment et ton fils bien- aimé Jésus-Christ, et que tous soient sauvés en croyant à Notre-Seigneur.» Quand ils eurent fini cette prière, voilà que vient du ciel un feu qui se roulait comme une roue, et il tombe sur le dragon et le consume entièrement, au point qu'il n'en resta même pas de poussière. Les saints s'approchèrent du rocher où était couché le dragon; ce rocher mesurait trois cents coudées de long et de large. Ils y passèrent neuf jours. Saint Eugène eut une vision et il dit à son frère Macaire et tous les autres : « Vous avez un signe, frères, qui va arriver à propos du diable.» Bientôt, une étoile apparut, venant du ciel, et elle tomba avec éclat du côté de l'orient. Alors S. Eugène s'écria: «Je te bénis, Seigneur, car tu m'as exaucé. Et il dit : «Vous avez vu, frères, le signe qui s'est manifesté: il a éclaté sur la terre.» (François Halkin, Saints de Byzance et du Proche-Orient,Volume 13 de Cahiers d'orientalisme, 1986).

Le caractère de bien-né d’Eugène d’Arménie est confirmé par les supposés supplices qu’il subit. Martyr en Arménie, il fut livré aux plus horribles tourments et enfin à la mort par ordre du président Lysias, pendant la persécution de l'empereur Dioclétien. Son corps, apporté à Rome, dans la suite, fut placé dans l'église de Saint-Apollinaire. Lysias, rempli tout à la fois d'admiration et de colère, dit : «Tu es vraiment un grand magicien pour avoir enlevé de tes pieds de tels clous!» Saint Eugène lui répondit : «Ce n'est pas par ma puissance que cela s'est fait, c'est la main du Seigneur : un ange est descendu des cieux. Il a arraché les clous de mes pieds; et maintenant, me voici devant toi. Fais ce que tu veux! » Ces pieds font, bien entendu, penser à ceux d’Œdipe.

La ville de Trébizonde faisait, enfin à son patron des fêtes extraordinaires. Les étrangers raillaient cette dévotion; mais les panégyriques ne tarissent pas d'éloges sur le compte du saint. En 1223, quand le sultan d'Iconium vient assiéger Trébizonde, c'est Saint Eugène qui sauve lui-même la cité. Les habitants considèrent que le meilleur moyen de mettre en fuite l'ennemi, c'est de promener en grande pompe dans la ville la tête de Saint Eugène ; l'empereur, dans la cathédrale, se prosterne au pied des autels; tout à coup, une voix céleste lui dit : « Andronic, ta prière a été exaucée ; car la prière d'un homme juste peut beaucoup dans le ciel. Nous enverrons Eugène, soldat de la vérité; il écartera les Barbares et te les soumettra. » Le saint use d'ailleurs de stratagème ; il apparaît au sultan : « Je suis, dit-il, le chef de cette ville, et je tiens les clefs des portes… Je dois rendre la ville entre tes mains. » Le sultan, confiant, le suit et fait donner l’assaut ; un orage formidable survient et met ses troupes en déroute ; lui- même est fait prisonnier, et conduit dans l'église de Saint-Eugène, où il reconnaît dans le saint le personnage qui lui est apparu. Naturellement, pour récompenser leur patron de son intervention, les habitants multiplient les cadeaux précieux et les ornements.

Mieux encore, quand Alexis II conçut le projet d'aller combattre un dragon qui désolait la contrée, il s'adressa, lui aussi, au monastère de Saint-Eugène ; et ce fut grâce à l'appui du martyr qu'il put triompher ; vainqueur, il coupa la tête du dragon et l'apporta à Saint Eugène. Sans cesse, le saint opère des miracles de cette sorte.

Cadmos et le dragon, Œdipe

Le dieu [Apollon Pythien] lui dit [...] de se laisser guider par une vache et de fonder une cité là où elle tomberait d'épuisement. Muni de cet oracle, route par la Phocide et, lorsqu'il rencontra une vache des troupeaux de Pélagon, il la suivit. Elle traversa la Béotie et se coucha. Là, Cadmos fonda la cité qui est l'actuelle Thèbes. Voulant sacrifier la vache à Athéna, il envoie quelques-uns de ses compagnons ptendte de l'eau à la source d'Arès. Mais un dragon qui gardait la source, dont certains ont dit qu'il était né d’Arès, fit périr la plupart de ses hommes. Irrité, Cadmos tua le dragon, et sur le conseil d’Athéna il en sema les dents. Quand elles furent semées, surgirent de la terre des hommes tout armés qu'on appelle les Spartes.

Il ne nous paraît pas douteux que Cadmos assume l'essentiel, pour ne pas dire la totalité, du processus de génération des premiers Thébains. Dans une perspective d'interprétation psychanalytique on a relevé que Cadmos sème des dents et jette une pierre aux Spartes. Or l'équation dents/pierre/pénis a été supposée en Grèce. Sans aller aussi loin, notons pour notre part que la filiation patrilinéaire à Thèbes passait établie précisément à partir des Spartes. Enfin, fondateur d'autorité à Thèbes, Cadmos passe aussi pour avoir été l'auxiliaire de la fondation du pouvoir de Zeus. Il aurait en effet aidé le dieu-père à éliminer Typhon, puissance néfaste et monstrueuse suscitée, sans père, par Terre. Le mythe de l'autochthonie thébaine est donc un exemple de survalorisation de la paternité, celle-ci étant pratiquement conçue comme le seul aspect du processus de procréation, en dépit de la présence, féminine (?), d'Athéna (Jean-Baptiste Bonnard, Le complexe de Zeus: représentations de la paternité en Grèce ancienne, 2004).

Déjà âgés, Cadmos et Harmonie quittent inexplicablement Thèbes, et c'est leur fils cadet, Polydore, qui assume le trône. Du mariage de Polydore et Antiope naît Labdacos, qui succède à son père après sa mort est marqué par divers conflits déclenchés par des disputes de frontières. Selon la version d'Apollodore, Labdacos fut mis en pièces par les bacchantes pour avoir interdit l'introduction à Thèbes du culte au dieu Dionysos. Laïos, trop jeune encore pour lui succéder, ne peut assumer le trône, et celui- ci revient à son oncle, qui sera bientôt assassiné par ses neveux. Après la mort de son oncle, Laïos s'enfuit de Thèbes, et va chercher refuge à la cour de de Pélopos, fils de Tantale. Laïos devient l'héritier du trône de Thèbes, mais également de toutes les malédictions qui pèsent sur le sort de ses ancêtres, surtout de Cadmos, qui a tué le dragon d'Arès, et de Labdacos, qui s'est opposé au dieu de l'extase et de l’enthousiasme (Cléopatre Athanassiou, La lignée de Cadmos, Revue française de psychanalyse, Volume 57,Numéros 1 à 2, 1993).

Labdacos, le boiteux, meurt quand son fils est encore un bébé, âgé d'un an. La lignée légitime interrompue comme est coupé le lien normal du père au fils. Le trône est occupé par un étranger, Lucos. Le jeune Laïos n'est pas seulement écarté du trône, mais éloigné, détourné de Thèbes pour se réfugier auprès de Pélops. Laïos, le gauche, devenu grand, se montre, dans ses relations sexuelles et dans ses rapports avec son hôte, déséquilibré et unilatéral. Il gauchit son comportement érotique par une homosexualité excessive, par la violence qu'il fait subir au jeune Chrysippe, fils de Pélops, rompant ainsi avec les règles de symétrie, de réciprocité qui s'imposent entre amants comme entre hôtes. Chrysippe se tue. Pélops lance contre Laïos une imprécation qui condamne sa race au tarissement : le genos des Labdacides ne doit plus se perpétuer. De retour à Thèbes, rétabli sur le trône, marié à Jocaste (ou Épicaste), Laïos est averti par l'oracle. Il ne doit pas avoir d'enfant. Sa lignée est condamnée à la stérilité, sa race vouée à la disparition. S'il désobéit et procrée un fils, cet enfant « légitime », au lieu de le prolonger droitement, dans la similitude avec son père, le détruira et couchera avec sa mère. Le gnêsios, le bien-né, se révélera ainsi pire qu'un nothos, au-delà de la bâtardise : un monstre. Laïos entretient avec son épouse des rapports gauchis, de type homosexuel, pour n'avoir pas d'enfant. Mais un soir d'ivresse, il ne prend pas garde : il plante un enfant dans le sillon de sa femme. Ce fils, tout ensemble légitime et maudit, est expulsé de Thèbes dès sa naissance, écarté dans l'espace du Cithéron où il doit mourir exposé. En réalité, il va à la fois moins loin et plus loin. Il échappe à la mort; il reste ici- bas; mais il est éloigné, détourné de son lieu propre, dévié au long d'un cheminement qui laisse sur son pied la trace tout ensemble de son origine et de son rejet ; il se retrouve à Corinthe, chez des étrangers dont il se croit le fils, porteur d'un nom qui rappelle et cache la lignée à laquelle il appartient et dont il a été, à sa naissance, exclu. L'histoire d'Œdipe, c'est celle de son retour à son lieu d'origine, sa réintégration dans la lignée dont il est le fils légitime et l'enfant interdit. Ce retour s'effectue, à la façon d'un boomerang, non pas en temps voulu, dans les conditions requises, dans la rectitude d'une succession respectant l'ordre régulier des générations, mais dans la violence d'une identification excessive : Œdipe ne vient pas occuper à son tour la place que son père a quittée pour la lui laisser libre, il prend la place de son père par le parricide et l'inceste maternel ; il revient trop loin en arrière : il se retrouve, comme mari, dans le ventre qui l'a enfanté comme fils, et dont il n'avait pas le droit de sortir.

Œdipe tue son père qui tombe de son char au niveau de son fils.

L'énigme de la Sphinge, fille bâtarde de Laïos selon ce que rapporte Pausanias, définit l'homme par son mode de locomotion, sa démarche. Et elle le définit en opposition à toutes les autres créatures vivantes, à tous les animaux qui avancent, qui se déplacent sur la terre, dans l'air, dans les eaux, c'est-à-dire qui marchent, qui volent, qui nagent (qui ont quatre pieds, deux pieds, pas de pieds) (Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, Oedipe et ses mythes, 2006).

Eugène est en grec le bien né, et le saint du 20 décembre et du 23 janvier, renonce à la paternité dans laquelle s’obstinent les héros grecs malgré les malédictions. Eugène évite ainsi une catastrophe filiale annoncée. Eugène d’Arménie, malgré ses blessures aux pieds, marche ! Mais ces saints accèdent à une paternité toute spirituelle, devenant prêtres.

Quoique quelques sectes de philosophes aient attaché une haute estime au célibat, on peut assurer cependant que le mariage était fort considéré chez les grecs. Et même chez les spartiates ceux qui refusaient de se marier étaient notés d'infamie : il était également défendu de se marier trop tard, ou d'une façon peu convenable.

Hagiographie et Mythe grec se rejoignent dans la prophylaxie eugénique pour la conservation d’un certain ordre social patriarcal. Le célibat des prêtres procéderait du même avertissement et sa remise en cause déjà à l’époque de l’empereur Sigismond annonçait des temps nouveaux de réforme. Sigismond, créateur de l’ordre du Dragon, dragon-statue du Commandeur qui condense les différents visages de la paternité symbolique : elle est le bras armé du divin, de YHWH donc et non d’Elohim.

Le christianisme a « inventé », dans nos régions, après les monastères bouddhistes, le célibat dans certaines conditions d’existence, célibat qui aujourd’hui s’installe de plus en plus, hors cadre religieux.

Le père, dans le théâtre de la séduction, présente son manteau protecteur qui s'ouvre devant une béance infernale, alors que la femme s'habille d'un corset qui l'enferme ou bien s'évapore en nuées spectrales qui se figurent par la robe de la mort.

Dénoncer les abus ne lui suffit pas, Tirso de Molina y ajoute un appel au père afin de régler ce jeu de débordement, au père des pères en péchés, le vrai père, l'incorruptible, le père de pierre, le minéral statufié. Et c'est alors, que le fils rebelle, Juan Tenorio, dans la parole du père, en tant que représentant d'un absolu, garant d'une complétude sans faille, placé de fait au-dessus des lois, incarne la paternité même, celle issue d'une filiation sans coupure : « Grand Roi, ma vie repose dans tes mains héroïques, car c'est ma propre vie que la vie de ce fils rebelle ».

Juan Tenorio se meut dans un système pervers de la paternité. Le paternel imaginaire lie le père et le fils sans rupture ni aucune séparation, l'ancêtre et les descendants sans la présence d'une femme. Cet imaginaire patriarcal annule la temporalité c'est-à-dire qu'il rejette la limite qu'impose la mort à tous les humains. Et le temps lui-même se construit en une structure perverse en se mordant la queue. (Alain Lefèvre, Don Juan et Hamlet: une étude psychanalytique : les mille et un éclats du désir dans les séductions et les jalousies, 1998).

Lorsque, arrivé à la source Dirkê, la vache de Cadmos se couche à terre, celui-ci comprend que là est l'endroit désigné par l'Apollon de Delphes pour la fondation de sa ville. Prêt à puiser l'eau nécessaire pour le sacrifice de fondation, Cadmos doit d' abord tuer le dragon du dieu Arès qui garde l'accès de la source, puis, sur les conseils d'Arès ou d'Athéna, la fille sans mère, en jeter les dents à terre. Certains auteurs expliquent que la lignée de Cadmos ait été malmenée par le fait qu'il a tué le dragon d'Arès gardien de la source. Mais il était aidé par la déesse Athéna ; et surtout, il avait choisi cet emplacement pour bâtir sa ville, par obéissance à l'oracle d'Apollon, alors qu’Euripide dit que c'est la malédiction d'Apollon qui pèsera sur Cadmos (www.lettres.ac-aix-marseille.fr - OEdipe).

Les Spartes, race de guerriers autochtones jaillis du sol après que Cadmos eut semé les dents du dragon, sont aussi une des formes de la réincarnation du monstre maléfique : on pourrait dire que le monstre primordial réapparaît sous forme de première fonction en Cadmos métamorphosé en serpent tutélaire, et sous forme de deuxième fonction en ces guerriers qui commencent leur existence en s'entretuant (w3.u-grenoble3.fr - Fonder une cité).

Le trou qui engouffre le jeune et le mort est-il le lieu intime de la féminité ? Cela reviendrait alors à annexer le continent noir de la féminité aux territoires paternels. Le sexe de la Femme par son creux serait le lieu du père mort. Le sexe de la Femme serait un passage de l'intérieur à l'extérieur, un seuil d'amour entre le dedans et le dehors. La femme, seuil de l'homme, n'aurait de ce fait pas d'existence propre. Et pourquoi trouer la figure paternelle d'un tel creux féminin ? La figure trouée du père fut souvent représentée dans les contes dans lesquels, par exemple, le loup, emblème de l'androgynie paternelle, porte un ventre qui abrite les enfants avalés. Si Don Juan fut avalé à l'intérieur de l'antre paternel, Tirso de Molina ne célébrerait-il pas, dans la scène Finale, les noces funèbres du père et du fils ?

Alors que la Statue du Commandeur disparaît avec Dom Juan dans un autre lieu, celui de la transcendance du Bas. Tirso de Molina noue le lieu de l'Enfer à celui du Bas, l'homme jeune et le mort prennent l'un et l'autre le chemin de l'espace souterrain en disparaissant dans le creux de la mort, le chaudron de l'Enfer (Alain Lefèvre, Don Juan et Hamlet: une étude psychanalytique : les mille et un éclats du désir dans les séductions et les jalousies, 1998).

Rappelons que Bernadette Soubirous appelait l’apparition de la grotte « Aquero » c’est-à-dire « ça ».

Don Juan, fils rebelle ? La vraie rébellion contre le père est assumer une paternité, être père face au père, dans une concurrence des titres qui met du désordre. Don Juan n’aura pas d’enfant, ne sera pas père.

Tirso de Molina (24 mars 1583 - 12 mars 1648), de son vrai nom Gabriel Téllez est, avec Lope de Vega et Pedro Calderón de la Barca, l'un des grands auteurs de théâtre du Siècle d'or espagnol. Il est célèbre pour avoir écrit la première pièce de théâtre sur le personnage mythique de Don Juan, avant Molière : El Burlador de Sevilla y convidado de piedra qui est la première œuvre littéraire créant le mythe de Don Juan. Elle fut écrite par le moine dramaturge Tirso de Molina, imprimée et jouée en 1630, et elle connut rapidement le succès. Dans cette version primitive, Tirso de Molina met l'accent sur la dépravation de toute une génération, hommes et femmes. Les femmes sont condamnées moralement, et Don Juan Tenorio les punit de leur manque d'honneur (fr.wikipedia.org - Tirso de Molina).

La croyance est ancienne selon laquelle une statue représentant un dieu ou un héros peut un instant s'animer, le plus souvent pour se venger des injures. Le christianisme conserva cette croyance ; mais les démons remplacèrent les dieux. C'est ainsi que le moyen âge a laissé deux légendes où Vénus figure comme toujours vivante. La première, la plus célèbre, est celle de Tannhauser. La seconde, où intervient une statue, bien que moins exploitée, est à la source, entre autres œuvres littéraires, d'un conte de Heine et de la Vénus dllle, de Mérimée.

Pour Gaston Paris, la légende de la statue de Vénus a dû se former « à une époque où le christianisme était encore en lutte avec le polythéisme et où les nouveaux fidèles redoutaient la vengeance des dieux qu'ils avaient trahis ». D'autres voient le point de départ de la légende dans la découverte fortuite, à Rome, d'une statue de Vénus et dans la croyance aux influences démoniaques malfaisantes qui devaient s'y attacher ; le détail de l'anneau aurait son origine dans un fait réel, accidentel, ou bien il aurait été imaginé après coup, pour rendre l'événement plus dramatique. Toutefois, le même auteur, quelques lignes plus bas, rapproche le trait de l'anneau sur lequel la statue replie le doigt, de la charte par laquelle un homme cède son âme au Diable ; au dénouement, l'intervention des puissances célestes permet la restitution de la charte au pécheur (miracle de Théophile et légendes apparentées). Pour étrange qu'il nous paraisse, une version de la légende parle non plus d'une statue de Vénus, mais d'une image de la Vierge, douée du même caractère jaloux que la Vénus de la légende ; mais la Vierge, finalement, triomphe là où la déesse païenne avait échoué, et oblige le jeune homme, devenu son fiancé par le fait de l'anneau, à abandonner sa future épouse et à se réfugier dans un couvent où il se voue au culte de Marie. Ce singulier miracle était des plus goûtés ; il se trouvait dans le recueil latin des miracles de la Vierge que Vincent de Beauvais inséra dans son Speculum Historiale (t. VIII, chap. 87) (Denise Paulme, La statue du Commandeur. In: Revue de l'histoire des religions, tome 153 n°1, 1958. pp. 34-67.).

Un exemple de cette légende se retrouve chez Bède le Vénérable, mais sans statue, et est placée au temps du pape Zéphyrin mort en 217.

Saint Louis de Gonzague

Louis de Gonzague, en latin Aloysius, jésuite, naquit au château de Castiglione, diocèse de Brescia, le 9 mars 1568. Son père, Ferdinand de Gonzague, marquis de Castiglione, et surtout sa mère, dame d'honneur d'Isabelle de France, femme de Philippe II, roi d'Espagne, l'avaient initié aux pratiques de la piété chrétienne. Lorsqu'il eut huit ans, le marquis son père le mena, avec un autre fils puîné nommé Rodolphe, à Florence, pour y commencer leur éducation à la cour de François, duc de Toscane. Deux ans après, ils furent envoyés à Mantoue, à la cour du duc Guillaume, leur parent, qui venait de donner au marquis leur père le gouvernement du Montferrat. Louis continuait ses exercices de piété en même temps que ses études. Un livre de Méditations du P. Canisius, quelques lettres écrites d'Orient par des missionnaires jésuites, mais surtout des entretiens qu'il eut, dit-on, avec François de Sales, fortifièrent ses dispositions. Convaincu du néant des grandeurs humaines, il forma le dessein de renoncer, en faveur de son frère, au marquisat de Castiglione, dont l'empereur venait de lui donner d'avance l'investiture. Il suivit son père à Casai, où le marquis allait prendre possession de son gouvernement. C'est là qu'il commença à mettre à exécution le plan d'austérité qu'il s'était tracé. En 1581 , Marie d'Autriche, fille de Charles-Quint et veuve de Maximilien II, passant par la Lombardie pour aller en Espagne trouver Philippe II, son frère, le marquis de Castiglione se mit à sa suite et l'accompagna avec ses enfants. Philippe II attacha Louis, en qualité de page, à don Jacques, l'un de ses fils. Le jeune Gonzague n'avait pas encore quatorze ans , et il faisait l'admiration de la cour d'Espagne par sa piété et par sa sagesse. C'est alors qu'il résolut décidément de quitter le monde et d'entrer dans la compagnie de Jésus; il s'en ouvrit à sa mère, qui en fut comblée de joie; mais son père y montra beaucoup d'opposition, et croyant y voir une sorte de censure de sa conduite, qui n'était pas irrépréhensible sur tous les points, il tâcha de le distraire de cette idée en le faisant voyager. La mort de l'infant don Jacques ayant rendu à Louis sa liberté, il redoubla ses instances, et son père lui accorda son consentement. Dès que Louis l'eut obtenu, il ratifia la cession qu'il avait faite à son frère de tous ses droits, et partit pour Rome, où, après avoir recula bénédiction de Sixte-Quint, il entra au noviciat des jésuites, n'ayant pas encore dix-huit ans. Il fit ses vœux le 2 novembre 1387, et commença aussitôt ses études de philosophie et de théologie, qu'il fut cependant obligé d'interrompre pour aller, de l'ordre de ses supérieurs, concilier les intérêts de Vincent, duc de Mantoue, qui avait succédé à Guillaume, son père, et de Rodolphe, frère de Louis, qui se disputaient la terre de Solfarino. Ce ne fut pas le seul fruit qu'il retira de son voyage : Alphonse de Gonzague, son oncle, était engagé dans un mariage inégal qu'il tenait secret; il en résultait du scandale. Louis fit si bien qu'il le détermina à le déclarer. De retour à Rome en 1 591, il voulut partager les soins que les jésuites prenaient des malades dans une épidémie qui ravageait la ville. Il gagna la contagion sans pourtant succomber au mal; mais il lui resta une fièvre lente qui le consuma en peu de temps. Il mourut le 21 juin de la même année, n'étant âgé que de 23 ans. Grégoire XV le béatifia en 1C21 et Benoit XIII le canonisa en 1726. Le P. Cepari, jésuite, qui l'avait connu personnellement, et le P. Dorléans, ont écrit sa vie. (L—Y.) (Biographie universelle (Michaud) ancienne et moderne, Volume 17, 1857).

Louis de Gonzague souhaitait de tout son cœur de vivre inconnu aux yeux du grand monde, et Dieu fait éclater sa haute Sainteté par des apparitions, et par un très-grand nombre de miracles, qui se font encore tous les jours par son intercession. Peu d'années après son heureux décès on en comptait déjà plus de deux cents tous bien avérés juridiquement, dont on garde les actes dans les Archives de Rome.

Le premier de ces Miracles se fit en faveur de la Princesse sa Mère, comme Notre-Seigneur le fit aussi aux Noces de Cana en faveur de Marie. Etant tombée dans une grande maladie, et ayant déjà reçu tous les Sacrements des malades, elle invoqua son Ange, c'est ainsi quelle avait coutume d'appeler le Bienheureux Louis. Il lui apparut brillant d'une clarté toute céleste, et il lui prédit que non-seulement elle recouvrerait la santé, mais qu'elle verrait aussi la Maison des Gonzague en meilleur état que jamais : L'un et l'autre arriva contre toute l'espérance d'un chacun (Miroir De L'Innocence Présenté à La Jeunesse Chrétienne, 1715).

Après la Canonisation de saint Louis de Gonzague, on vit couler abondamment de nouvelles sources de bienfaits et de grâces spirituelles et temporelles. Les personnes de tous les états recoururent à lui, quels que fussent leurs besoins. Ce qui fit que de toutes parts on voyait des démonstrations de reconnaissance, pour des bienfaits reçus, lesquels devenaient autant de garants de ceux qu'on espérait encore. Ce fut alors qu'on publia ces multiplications de farine, d'huile et devin, dont on ne parlait pas auparavant ; multiplications merveilleuses, qui devinrent une source étonnante de nouvelles merveilles; puisque cette huile, cette farine, ce vin, miraculeusement multipliés, produisaient de nouveaux miracles, en faveur de ceux qui en faisaient usage avec foi et une vraie confiance au Saint (Virgilius Cepari (S.J.), Vie de Saint Louis de Gonzague, de la Compagnie de Jésus, 1820).

En proclamant la sainteté du jeune serviteur de Dieu, à la face de l'univers, le souverain pontife l'a donné pour patron à la jeunesse chrétienne. Saint Louis de Gonzague est né le 9 mars 1568, de la compagnie de Jésus, en 1585, mort le 21 juin 1591, béatifié en 1605 par Paul V, canonisé le 31 décembre 1726 par Benoît XIII. Saint Louis de Gonzague ne pensait pas à la postérité : il n'a écrit que pour lui-même. La Méditation sur les saints Anges est son principal ouvrage.

La Tempérance

J'entends par cette Tempérance la vertu de sobriété dans 1e boire et le manger, qui a deux vices très opposés à combattre, savoir la Gourmandise et l’Ivrognerie. Cette vertu, disent les saints Pères, est la mère de la santé, la vigueur de l'esprit, la vie des vertus, la nourriture de l’âme, la mort des vices, l'ennemie de la luxure, et la fidèle compagne de la Chasteté. En quelque âge qu'on se trouve cette vertu est très nécessaire à tous ceux qui veulent vivre chastement, mais principalement aux Jeunes Gens, la chaleur du sang, qui bouillonne en leur âge, n'excite que trop les plaisirs sensuels, mais quand on l'aide par la bonne chair, elle fait un embrasement incroyable. […] L'auteur de [la vie de saint Louis] assure, que dès 1'âge d'onze ans il jeûnait trois jours pour le moins chaque semaine si sévèrement, que c’est en quelque façon un miracle qu'il ne soit pas mort de faim (Miroir de l'innocence: présenté à la jeunesse chrétienne dans un abrégé de la vie du bienh. Louis de Gonzague, 1715).

On disait à saint Louis de Gonzague que l'impératrice dont il avait été page pendant deux ans, venait à Rome où il était, qu'il devait bien la connaître. il répondit : « Si j'étais avec elle, je la connaîtrais en entendant sa voix, mais non en la voyant, je ne l'ai jamais considérée. » (Nouvelle encyclopédie théologique, Volume 10, 1863).

Considérez encore avec quel soin saint Louis de Gonzague conserva cette perle précieuse qui lui était si chère; il voulait que toutes les portes de ses sens fussent toujours fermées et impénétrables à l'ennemi de son salut. Attaché pendant plusieurs années au service de l'impératrice Marie d'Autriche, en qualité de Page d'honneur, il la voyait tous les jours sans jamais la regarder au visage. Il usait de la même retenue à l'égard de sa propre mère, tenant toujours les yeux baissés quand il était auprès d'elle ; il les ouvrait si rarement, que la plupart de ceux qui vivaient avec lui n'auraient pas pu dire de quelle couleur ils étaient (Exercices de dévotion a Saint Louis de Gonzague, 1834).

L’impératrice de Louis de Gonzague est Marie d’Autriche, née en 1528, morte en 1603. Fille de Charles Quint et d'Isabelle de Portugal Marie d'Espagne épousa en 1548 son cousin Maximilien II d’Autriche.

L’ivresse de Noé, les Noces de Cana et l’esclavage

Mettre de l’eau dans son vie est un signe de tempérance, mais peut signifier la dénaturation.

Suivant le sentiment de tous les docteurs, et particulièrement de saint Bonaventure, l'amour spirituel dégénère facilement en un amour charnel et sensuel : c'est d'abord du vin pur et très- exquis; mais il arrive ensuite que, selon cette parole d'Isaïe: Votre vin est mêlé d'eau (Isa. 1, 22), on y mêle de l'eau qui en fait perdre toute la bonté. C'est un baume très-précieux de lui- même ; mais on le gâte et on le falsifie bientôt par de mauvais mélanges; et voilà comment le démon nous attire adroitement à lui par des appâts qui nous trompent. Le démon, dit saint Bonaventure, use en cela suivant ce que l'époux des noces de Cana dit au maître d'hôtel qui servait au festin des noces : Que tout homme sert le bon vin le premier, et qu'après que les conviés sont ivres, il sert le moindre. (Joan. H, 10.) Il fait croire au commencement à ceux qu'il veut engager dans une passion de cette nature, que c'est la seule vertu qui les attire; que le commerce qu'ils veulent avoir n'est fondé que sur la piété, et que c'est pour y faire plus de progrès qu'ils recherchent la familiarité des entretiens particuliers. Mais quand ils commencent à avoir le cœur bien pris, et que l'engagement est bien formé, il découvre alors son venin et sa malice. Tout ce qu'il leur faisait envisager d'abord n'était qu'un appât pour les attirer dans le piège. Il ne se lasse point, au reste, d'entretenir longtemps une personne dans cette erreur; et quelque temps qu'il y emploie, il n'y a point de regret, pourvu qu'il vienne à bout de ce qu'il souhaite; et c est que cet amour de spiritualité se convertisse en amour de chair et de sang. Combien de personnes, dit ce grand saint, ont commencé des liaisons d'amitié, sous ombre de piété, s'imaginant que leur commerce ne regardait que le service de Dieu et le salut de leurs âmes et peut-être n'avaient-elles point d'autre vue; mais, par la suite, cette affection si sainte et si pure est venue peu à peu à dégénérer; il s'y est mêlé d'autres sentiments qui ont fait succéder d'autres entretiens aux premiers, et après avoir commencé par l'esprit, ils ont malheureusement fini par la chair (Jacques-Paul Migne, Encyclopédie théologique: ou Série de dictionnaires sur toutes les parties de la science religieuse, Volume 96,1854).

Ce territoire, avec celui d'Aser et de Zabulon, comprenait ce qu'on nomme la Galilée ; et sa partie septentrionale, qui touchait aux principales villes de la gentilité, Sidon et Tyr, s'appelait la Galilée des gentils. Isaïe prophétisera: Dieu a d'abord frappé légèrement la terre de Zabulon et la terre de Nephthali ; et, à la fin (ces peuples ne profilant point de ces premiers châtiments du Seigneur), sa main s'est appesantie sur la Galilée des nations, qui est le long de la mer de Tibériade au delà du Jourdain. Ce peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, el le jour de la vie s'est levé pour ceux qui marchaient dans l'ombre de la mort. Saint Matthieu nous montrera l'accomplissement de cette prophétie en la personne du Sauveur, qui portera dans ces régions la lumière de l'Evangile et commencera là sa prédication. Le Fils de Dieu viendra alors délivrer les hommes de l'empire du démon, comme d'abord il aura délivré les enfants de Juda de la main de Sennachérib (Mathieu-Richard-Auguste Henrion, Histoire ecclésiastique depuis la création jusqu'au pontificat de Pie IX, 1852).

Dans les grandes cités du Ier siècle, le mot « serviteur » qualifie celui qui sert à table. Dans l'Évangile de Jean, lors des noces de Cana, il est question des serviteurs qui accomplissent un service réservé aux esclaves. Jésus ordonne aux serviteurs sans remettre en cause l’ordre social. Ces Noces de Cana renvoient donc à l’esclavage comme on le verra à la fin avec le tableau de Véronèse et ici avec l’Ivresse de Noé.

Cham ou Ham, fils de Noé, ayant vu son père ivre, couché et endormi dans une posture indécente, en fit une dérision, et fut maudit dans sa postérité, Canaan, pour cette insolence. Il eut un grand nombre d'enfants et de petits-fils qui peuplèrent l'Afrique. Pour lui, on croit qu'il demeura en Egypte (Nicolas Sylvestre Bergier, Dictionnaire de théologie, 1830).

La Michnah, premier code juridique systématique après la Bible, rédigée vers le IIe siècle après J.-C., distingue entre deux catégories de sujétion. L’esclave hébreu relève d’un contrat synallagmatique; l’esclave canaanite, conformément à de nombreuses références bibliques non limitées à Genèse 9, est soumis au droit des biens meubles. Étant donné le petit nombre de Canaanites dans cette situation en Palestine au IIe siècle de notre ère, et leur nombre plus réduit encore en Mésopotamie quelques siècles plus tard, au moment et à l’endroit où la Michnah se transforma en Talmud, le nom de « Canaanite » a pu devenir la désignation officielle de tous les esclaves non juifs appartenant à un juif, quelle que fût leur origine. Ainsi que l’a montré Orlando Patterson dans son magistral Slavery and Social Death, on a plus d’une fois inventé une fausse généalogie, ou une fausse appartenance à un groupe étranger, créant ainsi une division artificielle à l’intérieur d’un même peuple ou de peuples très proches, afin de justifier la distinction entre maître et esclave.

La généalogie biblique de Cham (voir Genèse 10,6-8) associait les trois puissances hostiles : les deux fils de Cham – Miçrayim (Égypte) et Canaan – et son petit-fils, Nemrod, fils de Kush, fondateur de l’empire mésopotamien. Et c’est Canaan, en tant que rival d’Israël pour la possession de la terre, qui essuie le gros de l’attaque. Le nom hébreu de « Cham » pourrait relever d’un jeu de mots sur des termes, étroitement apparentés en égyptien, qui signifiaient « majesté » et « esclavage », comme s’il s’agissait de démontrer que la menaçante majesté d’aujourd’hui peut finir demain en esclave humilié. En outre, la Bible, comme l’art et la littérature du Proche-Orient ancien, et en contraste frappant avec l’imaginaire grec, ne fait pas de la couleur un marqueur d’identité.

Dans les sources les plus anciennes (le Talmud de Palestine et la Genèse Rabbah), Cham, pendant le Déluge et l’errance de l’Arche, enfreint l’interdit de commerce charnel et en est ainsi châtié : « Ham yatsah mefuham » (nous soulignons), à savoir, littéralement, « Cham en sortit charbonné ». Dans l’autre source (le Talmud de Babylone), la même faute lui vaut d’être « châtié dans sa peau » (laqah be-’oro). Le plus ancien des récits musulmans conservés, celui d’Ibn Hisham propose, reprenant Wahb, une version assez similaire, à cette notable différence près que la version arabe ajoute de façon ambiguë la possibilité d’un esclavage résultant de cette transgression. La troisième occurrence (la Genèse Rabbah encore) reprend le même jeu de mot « Ham... mefuham », mais dans un contexte différent. La punition est liée à ce qu’ont fait Cham et Canaan à leur père sous la tente. Et Noé explique à Cham la conséquence de son épouvantable méfait : « Le fruit de ta semence sera laid et charbonné ».

Les sources rabbiniques les plus anciennes suggèrent donc que Cham se rendit coupable de divers actes de mauvaise conduite. Et le châtiment adopta lui aussi des formes variées, dont la plus grave, et la seule explicitement mentionnée dans la Bible, est la réduction des Canaanites en esclavage. Le second châtiment, post-biblique, est un « noircissement » tantôt allégorique, tantôt littéral. Je soutiendrais volontiers que la version allégorique s’applique à Cham et à l’ensemble de sa postérité, tandis que la version littérale est réservée à Kush.

Noé jouissait aux yeux des premiers chrétiens d’un tout autre prestige que Cham : à l’évidence, il avait sauvé l’humanité lors du Déluge, mais il préfigurait aussi Jésus-Christ. À la différence du sort que connut le passage sur les descendants « noircis » de Cham, les autres analyses d’Origène sur la question, en particulier celle où il fait de Jésus un Noé spirituel et de l’arche l’Église du Christ, servirent de fondement à la conception proprement chrétienne de l’épisode de Noé et du Déluge (Benjamin Braude, Cham et Noé, Race, esclavage et exégèse entre islam, judaïsme et christianisme).

La racine de base est HOM, sorte de materia prima, couleur marron, et chaleur de la matière qui brûle, jusqu’à la noirceur, c'est-à-dire HaM, nom que porte le fils de Noé, et la terre de HaM, le pays d'Egypte. Il est intéressant de constater que le Midrach Rabba raconte comment HaM est devenu noir à cause de ses actes sexuels, notamment sa copulation avec un chien. A cet égard, remarquons que HaM est le père des cananéens, (KeNa'AN, avec un caph), nom qui se rapproche de la prononciation de KENINI (peuple cananéen), de KINIAN, (acquisition, possession) et par conséquent de QAYiN, Caïn, l'autre personnage maudit de la Bible. L'équivalent phonétique en grec est KOUNEOS (d'où cynique) et en latin CANIS, chien. Les Évangiles font le jeu de mot entre cananéen et canis, chien (jeu probable en écho avec les noces de Cana, en hébreu, KANAH). L'allusion au chien de HaM en est d'autant plus parlante. Cette disgression n'est pas sans souligner le travail des traductions et la recherche des équivalences de langue que la Vulgate et les Septante ont essayé de produire. Toute la thématique de Babel est là. Toutes les recherches ultérieures, qui tentaient de déceler ces identités de racine en témoignent également, la Renaissance ayant porté cette tendance à son apogée (Christine Escarmant, une lecture de Babel, Cahiers d'études juives, Volumes 1 à 3, 1986).

Solstice d’été, ivresse, esclavage

Ce qui résume le mieux cet assemblage, est la légende de Bacchus selon le poète Nonnus, ce qui nous ramène à Cadmus.

Voyons quels doivent être les parents de la Vierge-mère du Dieu-soleil. Cadmus (le Sagittaire s'élevant dans les cieux au moment où le taureau descend au dessous de l'horizon) se met à la recherche de sa sœur Europe. Dans ses courses, il découvre la foudre que Jupiter s'était laissé ravir par Typhon. Celui-ci l'avait cachée dans une sombre caverne (l'hiver). Le dieu du jour cherche alors à gagner les bonnes grâces du frère d'Europe et lui promet pour épouse la jeune Harmonie (l'ordre, qui, au printemps, succède aux désordres de l'hiver). Cadmus dérobe la foudre dans l'antre Ahrimé et la rend au père des dieux et des hommes. Typhon, dans sa fureur essaie encore de détruire l'univers (derniers orages de l'hiver); mais il est vaincu par le dieu et enchaîné par Cadmus (le Sagittaire presse dans ses mains le grand dragon de l'équinoxe d'automne).

La Persuasion, sous les auspices de Vénus, déesse du printemps, introduit alors Cadmus dans le palais d'Électre (une des pléiades) mère de la belle Harmonie. Jupiter envoie Mercure à Électre, pour lui manifester ses volontés à l'égard de sa fille et le discours qu'il lui adresse ressemble fort à celui que Gabriel adresse à Marie, lors de l'Annonciation que les Chrétiens placent le 25 mars. Comme Marie, la jeune Harmonie hésite à accepter l'hymen qui lui est proposé; mais finit par y consentir et s'embarque avec Cadmus. Sur l'avis de l'oracle de Delphes qu'il va consulter, celui-ci se rend en Béotie pour y fonder la ville de Thèbes, la cité sainte. Il se décide à la construire à l'endroit où il voit se reposer la vache Ino qu'il immole au père de la lumière (le taureau céleste descend sous l'horizon à la fin du premier mois du printemps). […] C'est à Thèbes que doit naître Hercule, cet autre grand symbole du dieu soleil. […]. Cadmus avait élevé la cité sainte selon les rites sacrés du dogme symbolique, construisant son enceinte de forme circulaire, comme la sphère céleste, dirigeant ses vues dans le sens des quatre points cardinaux, et lui donnant sept portes, représentant les sept planètes. La cité symbolique de l'Apocalypse, construite d'après les mêmes rites, prend, au contraire, le carré pour enceinte et possède douze portes exprimant les douze mois de l'année. Cette distribution de Thèbes donna lieu aux fables qui la firent élever au sou de la lyre d'Amphion et de Zéthus, placés dans le signe qui se couche à la suite du taureau. On sait que la Bible ni les Evangélistes ne parlent du père et de la mère de la Vierge. Mais la tradition nous apprend qu'ils se nommaient Joachim et Anne. Or, ce dernier nom signifie la Gracieuse, et la grâce est le résultat de l'harmonie des formes. On sait encore que Anna Pérenna était la nourrice du Soleil, Jupiter ou Bacchus, car c'est tout un, comme Anna Paurnada, chez les Indiens était la déesse du manger, la nourrice par excellence, la grande mère de la vie.

Jupiter, le dieu-père, s'étant décidé à donner le jour à un fils qui adoucirait le sentiment des maux qu'avait répandus sur la terre la boîte de Pandore, veut qu'il devienne le grand réparateur des malheurs du monde, le libérateur de la terre, le brillant et glorieux dieu de Nysa (Dio- Nisyus), le Bacchus sauveur, que l'univers adorera en chantant ses bienfaits, lorsqu'il sera remonté au ciel, où il siégera aux côtés du dieu, son père. […] Lorsque Jupiter vit [Sémélé], et fut soudain épris de la plus violente passion à l'aspect de sa beauté. Pure lumière, il n'eut pas de peine de s'insinuer dans le palais de la princesse qu'il rendit mère du jeune dieu, son fils et son égal. En retour, il promit à la vierge immaculée qu'un jour elle prendrait place au milieu de la cour céleste, aux côtés du dieu qui devait sortir de son sein. Ceci se passait au commencement du printemps. C'est aussi au mois de mars que conçoit la Vierge des Chrétiens par l'effet de l'opération divine.

[Sous les conseils de Béroé envoyée par la jalouse Junon, Sémélé] le supplia de lui jurer par le Styx qu'il lui accorderait la demande qu'elle allait lui faire. Jupiter le jura sans défiance, et son amante lui formula la fatale prière. Dès qu'elle l'eût commencé, le dieu voulut lui fermer la bouche; mais il ne put l'empêcher de la proférer. […] Jupiter se rendit aux larmes et aux supplications de l'imprudente et apparut dans ses appartements dans tout l'éclat de sa majesté, armé de la foudre, et entouré de tonnerre et d'éclairs. Le palais tout entier fut embrasé, et Sémélé périt foudroyée au milieu de cet incendie. […] Évidemment nous sommes au milieu des sécheresses et des incendies de l'été qui tuent si souvent toutes les productions et qui stérilisent la fécondité de la terre, représentée par Sémélé.

Cependant Jupiter avait ordonné à Vulcain de retirer Bacchus du milieu des flammes. [Il] se fit ouvrir la cuisse, y plaça l'enfant, fit recoudre les chairs et le garda jusqu'à ce que les neuf mois de la gestion fussent accomplis. Remarquons que le mot cuisse s'exprime en grec par méros, identique au mont Mérou, qui est le lingam de la terre pour les Indiens. Bacchus y demeure jusqu'à la fin de l'automne.

Arrivé à l'état viable, le jeune dieu naît à la lumière le 24 décembre, jour où les fêtes appelées dionysiaques célébraient l'anniversaire de sa naissance. Il fut d'abord déposé dans l'île de Naxos; mais les fureurs de Junon ne cessant de menacer sa vie, Jupiter résolut de le soustraire à ses persécutions. Il ordonne donc au vieux Silène de fuir avec l'enfant et avec sa tante. Silène obéit. Arrivé sur le continent, il les place sur un âne, animal consacré à ce dieu, et se rend, les uns disent sur le mont Mérou, dans les Indes ou dans l'île de Méroé, en Égypte; les autres en Arabie, dans la ville de Nisa, qui est aussi placée en Afrique près du mont Atlas. Les Atlantides, les Hyades et les Heures l’élevèrent jusqu'à ce qu'il fût en âge d'être instruit par les Muses et par Silène. L'hiver vient de passer.

Au milieu des jeux de son enfance, Bacchus a pour compagnon le bel Ampélus qui se joue avec lui au milieu des eaux et des fleurs du printemps. Mais une déesse cruelle fait périr sous les cornes d'un taureau furieux le bel adolescent, aimé du dieu. […] Pour calmer cette douleur cuisante, Jupiter métamorphose Ampélus en vigne bienfaisante. Le jus du raisin est le sang même du jeune enfant tué par l'effet de la rage de la féroce Junon. Telle est l'origine de l'Eucharistie des chrétiens, dans laquelle le vin du calice devient aussi le sang du Christ, mort sous les coups de la haine et de l'envie. […] Il se met en route avec une armée […] les conquêtes de cette troupe devant être toutes pacifiques. Le vieux Silène le suivait, monté sur l'âne le plus pacifique que l'on avait pu trouver. Le mythe vous transporte tout à coup au solstice d'été, au point le plus élevé de la course du soleil, qui répond au signe du lion. Le lever de celui-ci est précédé de celui du Cancer, que le soleil traverse avant d'atteindre le lion, et dont le nom est Astacos. Le poète en fait un fleuve d'Asie, l’Astacus, qui coule effectivement en Bithynie. Le passage de ce fleuve est disputé au jeune dieu par le peuple indien, c'est à dire par les nations placées sous les tropiques, et qui constituent les peuples noirs, les races des ténèbres, le principe de résistance qui cherche à neutraliser l'action bienfaisante de Bacchus. Le premier chef de ces races, qui s'oppose à lui, est nommé Astraïs, appellation dont l'allusion aux astres est évidente. Pour dompter ses ennemis, le dieu change les eaux du fleuve en vin; ceux-ci s'enivrent, se disputent entre eux, se débandent, et, tandis qu'une partie se retire, l'autre est chargée de chaînes par le dieu victorieux.

A la voix de l'Indien, ses noirs compatriotes accourent en foule sur les bords du fleuve aux doux. Bacchus, à la vue de ses ennemis assoupis profondément, sourit, et donne ainsi ses ordres souverains:

« Exterminateurs des Indiens, soldats de l'invincible Bacchus, venez vous emparer sans combat de toute l'armée ennemie. Prenez-les tout vivants dans une guerre où le sang ne coulera pas. Que l'Indien esclave, fléchissant le genou devant le formidable Bacchus, agite mon thyrse, et se soumette au culte « divin de Rhéa; qu'il jette loin de lui ses cnémides d'argent, et chausse nos cothurnes ; qu'abandonnant les hautes crinières de ses casques, il serre sa tète de mes bandeaux de lierre ; enfin, qu'au lieu de son cri de, combat et de ses clameurs guerrières, en l'honneur du dieu des guirlandes, il chante Évohé ! »

Le dieu avait cherché le lieu de la retraite de la farouche chasseresse [Nicê qui avait tué un soupirant Hymnus et qui fut livrée par Amour aux appétits de Bacchus] à l'aide du chien qu'il avait reçu de Pan, et à qui il promet une place au ciel auprès de Sirius, ou du chien céleste placé sous le lion, et qui annonce le solstice d'été ou l'époque de la victoire du soleil sur le lion. On se rappelle aussi que dans la guerre de Jupiter contre les Titans, lorsque tous les dieux s'étaient enfuis en Égypte, Bacchus resta seul auprès de son père, et prit la figure d'un lion pour aider le souverain des dieux à remporter la victoire, en jetant la frayeur parmi ses ennemis. […] Arrivé à la cour du roi d'Assyrie, le dieu y reçoit une splendide hospitalité de la part du dieu raisin, de la reine Méthé ou Ivresse à laquelle le dieu fit présent de son précieux nectar, et du prince la Grappe, leur fils. En d'autres mots, on célèbre la fête des vendanges au milieu des danses, des festins, de l'abondance, de la joie et des plaisirs. Nous touchons, comme on le voit, à la fin de l'été (Paul Renand, A. Lacroix, Van Meenen y Compañía, Christianisme et paganisme: identité de leurs origines ou nouvelle symbolique, 1861).

Le légistateur de Sparte, pour bannir la mollesse et l'intempérance, institua des repas publics où tous les citoyens mangeaient ensemble sans boire de vin. Les esclaves seuls, appelés dotes, avaient la liberté de s'enivrer, afin que le spectacle de leur ivresse inspirât l'horreur du vin aux hommes libres.

L’eau changée en vin est donc associé au solstice d’été lorsque la constellation du chien le marquait par son lever. Cette configuration anachronique a été conservée dans la symbolique de ce tarot.

Gonzague esclavagistes

Isabelle d'Este (1474 – 1539) posséda au moins deux enfants noirs. Isabelle naquit le 18 mai 1474, d'Hercule Ier, deuxième duc de Ferrare, et de Léonore de Naples, fille du roi Ferdinand I. Elle était la femme du Marquis François II de Gonzague (1466 – 1519).

En 1491, elle commande à son agent vénitien, Giorgio Brognolo, une « moretta » d'un an et demi à quatre ans. Elle désire qu'elle soit « più negra che possibile ». L'agent eut beaucoup de mal à se procurer la marchandise demandée. La marquise, alors âgée de 17 ans, commande aussi un bambin noir un peu plus jeune au même marchand. On voit dans ses lettres qu'elle considérait ces négrillons comme des poupées vivantes ; ce sont des esclaves de luxe. Dans une lettre de 1491, une « moretta» est qualifiée de «la migliore buffona del mundo».

La mode des esclaves noirs est manifeste dans le tableau des Noces de Cana de Véronèse. Et si les serviteurs noirs sont nombreux dans cette toile, c'est que la mode à Venise, vers 1550, consistait à disposer d'esclaves noirs, souvent vêtus de robes rayées. Figure, au premier plan à gauche, un jeune esclave noir tendant une coupe.

Dans ces Noces, de nombreux animaux sont représentés. On y trouve plusieurs chiens : l'un sur les genoux du marié, deux lévriers dans l'axe central, attachés l'un à l'autre, un minuscule chien sur la table à droite, un autre enfin qui passe la tête à travers la balustrade supérieure (tout en haut à gauche). On se pose ici la question de savoir si certains détails du tableau de Véronèse, sont issus de l'inspiration du peintre, s'ils proviennent du texte des Evangiles ou bien s'ils résultent d'une lecture active de ces mêmes textes ce qui rapprocherait notre tableau d'un midrash. On peut se poser la question de savoir pourquoi les deux lévriers de l'axe central sont attachés l'un à l'autre. Est-ce un symbole de fidelité, mais dans ce cas de quelle lecture Véronese a t-il tiré cet attribut ? Ces deux chiens sont-ils associés, via l'os qu'ils rongent, à la mort ? Certains critiques affirment que le tableau de Véronèse possède deux points de fuite. L'un de ceux-ci est Jésus, et l'autre… le petit chien (www.lechampdumidrash.net).

Le petit chien de la canicule...

Si on se rappelle les Putti potelés et trapus qui se cramponnent aux balustrades dans les architectures superbes des fresques du Mantegna à la Sala dei Sposi du château vieux de Mantoue, les esclaves noirs, les femmes d'atour, ces pages espiègles accoudés à la ringhiera, qui plongent leurs regards indiscrets sur la réunion de famille de la Cour des Gonzague.

La “camera picta” est une pièce située dans la tour nord-est du château de Saint Georges. La décoration de cette pièce fut commissionnée à Mantegna par Ludovic Gonzague en 1460. La raison de cette commission n’est pas encore claire mais vu que les fresques représentent les événements les plus saillants de la famille Gonzague et en particulier l’élection au rang de cardinal de François Gonzague, c’est probablement à cela qu’on doit l’exécution de cette pièce. Ce qui l’a rendue célèbre, ce sont les fresques que Mantegna réalisa entre 1465 et 1474. Il en étudia la décoration de façon que chaque paroi ainsi que le plafond soient recouverts de fresques mais en même temps il veut donner l’impression que la peinture outrepasse les limites de la pièce. Cette salle fut conçue pour une double fonction: comme salle des audiences (où le marquis traitait les affaires publiques) et comme chambre à coucher où il retrouvait sa famille (guideturistichemantova.it - Mantoue).

Satan

La vigne de Satan

« La première défense du vin fut celle que fit Noé; il « avait planté la vigne, trompé par Satan qui lui conseilla « de l'arroser du sang de sept animaux, savoir : du lion, de « l'ours, de l'hyène, du chien, du renard, du chacal et a du coq. Dès-lors, les raisins qui jusqu'alors n'avaient eu a qu'une couleur, en revêtirent plusieurs, et leur suc transie porta dans l'ivresse les vices de ces sept animaux. C'est a pourquoi l'intempérance a été nommée la mère des mauvaises actions, (Oum ol Khabaiel). » (Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles lettres de Dijon, 1835).

Une légende talmudique raconte l'histoire de Noé une version différente de celle de la Bible : " Lorsque Noé, après le déluge, planta la vigne, Satan vint vers lui et lui demanda :" Que plantes-tu là?- la vigne, répondit Noé, dont le fruité déliciex réjouit le coeur de l'homme.- Je veux t'aider dit Satan, et je vais te procurer un bon engrais.- Noé accepta cette offre. Aussi tôt alla chercher une brebis, un lion, un porc et un singe ; il immola toutes ces bêtes l'une après l'autre et en répandit le sang sur le terrain où était plantée la vigne. L'homme a son fait, se dit le démon, plein de joie ; désormais il prendra avec le vin les défauts des animaux dont le sang s'est mêlé à la vigne ; s'il boit du vin en petite quantité, il sera doux comme un mouton ; s'il en boit beaucoup il deviendra hautain et querelleur comme le lion ; s'il continue à boire , il ressemblera au cochon et se vautrera comme lui dans la fangue ; s'il s'enivre encore plus il sautera comme le singe et se rendra ridicule en débitant des paroles insensées" (cité par E.Rolland dans Flore populaire) (forum.aufeminin.com).

Des auteurs chrétiens en rajoutent :

« Lui aussi a ravagé la vigne et dévoré ses pampres ; il l'a absorbée et se l'est incorporée ; il s'est fait la tête des méchants qui sont ses membres, et la vigne du Christ est devenue la vigne de Satan, parce que la bête solitaire et féroce l’a dévorée. » déclare Savonarole, l’ami de Pic de la Mirandole (Oeuvres spirituelles choisies de Jérome Savonarole des frères prêcheurs, Volumes 1 à 3, traduit par Emmanuel-Ceslas Bayonne, 1879).

La Bible des pauvres du Vatican oppose la Vigne de l'Iniquité, où trône le Démon, et la vraie Vigne du Seigneur, d'où coule le vin de sa vengeance (Guy Lobrichon, La Bible des pauvres du Vatican, Palat. lat. 871).

Satan, chérubin ?

Si les démons sont tombés de rangs différents, Satan leur chef, de quel rang (est-il tombé) ? Nous disons que sur ce (point), » nous ne voyons aucun des docteurs parler clairement. Cependant, si nous entendons l'Écriture, qui, parlant comme d'un seul être, dit qu'il a été rejeté du milieu des chérubins, nous pensons que Satan était parmi les chérubins ; puisqu'il s'agit proprement comme d'un seul être, il convient de parler seulement de celui qui est le chef, et non de chacun des subordonnés (M. Albert, Septième base : Des démons, Patrologia Orientalis, Volume 30,Partie 2 de Le candélabre du sanctuaire de Grégoire Aboul'faradj dit Barhebraeus).