Partie XI - La Vraie Langue Celtique de l’abbé Henri Boudet   Etudes particulières de psaumes   Psaume 119 : l’Encobert et l’ange Cédar   
LA VRAIE LANGUE CELTIQUE BOUDET PSAUME 119 BURJASSOT CEDAR ENCOBERT ROMANTISME

Cédar -> La Chute d'un ange de Lamartine (grotte et vieillard), parution et mise à l'index en 1838 -> apparition du choléra dans le Midi en 1838 -> Burjassot (grotte, vieillard et choléra)

Le texte sur le choléra à Burjassot est tiré du journal L'Eclair quotidien du midi du 7 juin 1885 (culture.cr-languedocroussillon.fr).

Dans la Chute d'un Ange de Lamartine, par amour pour une mortelle, Daïda, l'ange Cédar est devenu homme. Avec Daïda il est esclave d'une tribu de géants au bord de l'Oronte. Deux jumeaux naissent. Leur sort est misérable, ils vont périr. Un aigle les enlève jusqu'à la grotte de l'ermite, du patriarche qui autrefois s'est enfui de Babel emportant le livre de la révélation primitive que les hommes ont oubliée. Cédar et Daïda cherchant leurs enfants accèdent à la grotte. Le veillard entrouvre le livre pour eux, et Lamartine se livre à une profession de foi déiste, panthéiste où, dans une cacophonie qui semble voulue, le christianisme, Rousseau, Chateaubriand, Fourier, les théories des saint-simoniens, se rencontrent sans arriver à s'unir. Un soir, une machine volante arrive à la grotte et enlève Cédar, Daïda et les enfants et les emmènent chez le roi des dieux Nemphed [Neimheid ?]. S'ensuit un combat de Cédar et des Titans. Daïda s'enfuit au désert avec ses enfants et y meurent. Cédar se brûle avec eux. Un esprit descend sur le bûcher, fait entendre les paroles de l'expiation, et laisse entrevoir la réintégration de l'ange (La Vraie Langue Celtique de l’abbé Henri Boudet : Livre V - Ps. 119, La Vraie Langue Celtique de l’abbé Henri Boudet : L’antimoine : VLC et Douai).

Le roi des dieux dans La chute s'appelle Nemphed, nom donné par Henry O'Brien aux "round towers" irlandaises que Boudet, avec Henri Martin, "Feid-Neimheidh".

And as to my solution of the "Towers," from the analysis of the epithet by which they are registered in our ancient annals, viz. Fidh-nemphed, that analysis requires but to be made known to insure for it universal assent. "Fidh, then, as the Ulster annals, or Fiadh, as those of the Four Masters spell it, is the plural of Budh, i. e. linga; the initial F of the former being only the aspirate of the initial B of the latter, and commutable with it. Syncellus accordingly spells Budh even in this singular with an F, while Josephus, from the Scriptures, additionally commutes the final d into t; and Nemphed is an adjective, signifying divine or consecrated, from nemph, the heavens: so that Fidh-nemphed, taken together, will import the consecrated Lingas (Henry O'Brien, Round Towers of Ireland, The Gentleman's Magazine, Volume 156, 1831 - books.google.fr).

« Les pierres isolées, dit H. Martin, se nomment men-hir, pierre longue, ou peulvan, pilier de pierre ; les grottes factices, leckh, roche, ou dol-men pierres levées, (de tol ou dol, élévation) ou table de pierre, (de taol, table) : les cercles, crom leckh (pierres de crom ou cercles de pierres). Les fameuses tours rondes d'Irlande sont aussi des monuments gaëliques, d'un caratère religieux, comme l'atteste bien leur nom traditionnel, Feid-Neimheidh. » (VLC, p. 166)

Ce qui est noté "Neimheidh" par Boudet l'est "nemphed" par O'Brien qui est justement le nom du roi des dieux dans La Chute d'un Ange de Lamartine. Le héros de l'histoire est Cédar, nom qui apparaît dans le psaume 119. Cédar devient homme par amour, meurt et est promis à la réintégration au Paradis (La Vraie Langue Celtique de l’abbé Henri Boudet : Livre V - Ps. 119).

La Chute d'un Ange consacra pour le grand public la rupture définitive entre Lamartine et le catholicisme de sa jeunesse. Violemment attaqué par la presse religieuse, le 27 août 1838, La Chute d'un ange est mise à l'Index par Rome quatre mois après sa publication, tandis que le 30 septembre le choléra fait son apparition dans le Midi de la France et le 10 octobre meurt Charles Fourier (Louis Le Guillou, Correspondance générale de Félicité Robert de Lamennais, Volume 7, 1978 - books.google.fr, André Jardin, Correspondance d'Alexis de Tocqueville et Gustave de Beaumont, Volume 1, 1967 - books.google.fr).

Scribe met en scène dans la Jeune Allemagne, les prodromes des émeutes de 1848, le « choléra révolutionnaire » qui gagnait même la bourgeoisie, les journées de 1848 enfin (Pierre Jourda, L'exotisme Dans la Litterature Francaise Depuis Chateaubriand Tome I, Le Romantisme, 1938 - books.google.fr).

Le choléra révolutionnaire, fléau plus dangereux que l'autre, s'étendait chaque jour, et envahissait à la fois la France, l'Allemagne et l'Italie (Eugène Scribe, Proverbes, nouvelles, romans: La jeune Allemagne, 1875 - books.google.fr).

L'éminent penseur catholique Jaime Balmes vante les mérites des Martyrs et du Génie du Christianisme. Mais certaines œuvres de Lamartine suscitent des réserves : dans la revue El Católico de 1841, il est dit que Le Voyage en Orient Jocelyn et La chute d'un ange sont « très éloignés de la saine morale ». George Sand est la plus détestée : dans la revue El Solitariod e 1841, Lélia estprésenté comme « un livre peuplé de prostituées, de bandits, de maniaques et d'escrocs ».

L'auteur d'un article paru dans l'Hebdomadaire Pittoresque Espagnol [Semanario Pintoresco Español] de 1837 ne voit pas de contradiction à vanter les mérites d'une œuvre romantique irréprochable, Le page [El paje] du jeune écrivain Antonio García Gutiérrez,et à dénoncer «les drames modernes », convertis en «armes empoisonnées de séductions et de méfaits qui qui prêtent à la nouvelle école littéraire un caractère immoral qui n'a rien de commun ni d'indispensableau juste assouplissement de certaines règles écrites avec lesquelles l'autoritédes anciens voulait entraver le libre jeu de l'imagination ». [...]

Cependant le contenu révolutionnaire des drames de García Gutiérrez se précise dans L'Inconnu de Valence [El encubierto de Valencia] (1843) où sont dénoncés les privilèges exorbitants des monarques et le cynisme des révolutionnaires qui s'enrichissent.

Dans la revue El Artista (1835-1836) vouée à la défense du romantisme, Eugenio de Ochoa, dissimulant son identité sous les initiales « O.E.» et repoussant les accusations proférées par les adversaires, laisse entendre qu'une partie des catholiques rejettent, en tant que tels, la nouvelle mode littéraire : «Il est des personnes pour lesquelles le mot romantique équivaut à hérétique, à pire que hérétique, à individu capable de commettre n'importe quel crime; romantique est, pour ces personnes, la même chose que Antéchrist, c'est un synonyme de Belzébuth.» Quelques années plustard, Jaime Balmes, dans Le critère [El criterio], sans désigner explicitement les romantiques, les inclut probablement dans la masse des « hommes qui seplaignent de tout, blasphèment Dieu, calomnient l'humanité entière et, quand ils s'élèvent jusqu'à des considérations philosophiques, conduisent l'âme vers une région de ténèbres où elle ne trouve qu'un chaos désespérant » (Anti-romanticismo (Espagne), Dictionnaire du romantisme, 2012 - books.google.fr).

Mgr Costa y Borrâs, évêque de Barcelone, n'est pas représentatif de l'épiscopat de son temps. Celui-ci partage effectivement ses préventions à l'égard des écrits jugés hétérodoxes ou immoraux mais sans avoir son impétuosité et en intervenant rarement. Les évêques hésitent à porter plainte contre la circulation d'ouvrages qui ne sont strictement doctrinaux ; lorsqu'ils sont à l'index, que ce soit celui de l'Inquisition ou l'index romain de 1841 et son supplément de 1851, la tâche s'en trouve facilitée, mais avec toutes les contradictions que comporte l'Index, puisqu'on n'y voit pas figurer le nom de Laclos, les Liaisons dangereuses n'ayant jamais été dénoncées devant le tribunal romain, et qu'on y trouve par contre depuis 1836 et 1838 trois œuvres de Lamartine, Jocelyn, La chute d'un ange, et le Voyage en Orient. Il pouvait sembler sage de mettre en garde l'opinion catholique espagnole admiratrice des Méditations et des Harmonies contre des interprétations personnelles du poète frôlant l'hétérodoxie, mais le lecteur ne courait-il pas plus de danger à lire d'autres ouvrages qui n'avaient pas retenu l'attention des censeurs romains ? (Brigitte Journeau, Eglise et état en Espagne au XIXe siècle: les enjeux du concordat de 1851, 2002 - books.google.fr).

Cédar ou les ténèbres

Jérôme explique, dans sa lettre XLI à Paul sur la mort de sa fille Blésille, que "Cédar" signifie les "ténèbres" du monde d'en-bas (topos déjà présent dans la philosophie antique comme chez Cicéron, Les Tusculanes I,74) (Patrick Laurence, Lettres sur la mort d'une fille: Servius Sulpicius Rufus et saint Jérôme, Epistulae antiquae 3, actes du colloque "Le genre épistolaire antique et ses prolongements", Tours, 2004 - books.google.fr).

La plupart des commentateurs du Cantique des cantiques du Moyen Âge établissent un rapport entre les deux comparaisons du second stique du verset 4 et les deux adjectifs du premier : nigra/sicut tabernacula Cedar, formosa/sicut pelles Salomonis, ce qui permet d'accentuer encore l'antithèse. Qedar est identifié au fils d'Ismaël, nommé en Genèse 25, 12 et à qui les commentateurs appliquent ce qui est dit d'Ismaël en Gn 16, 12 : Celui-là sera un onagre d'homme, sa main contre tous, la main de tous contre lui. Quant aux «peaux» (ou à la peau) de Salomon, elles suscitent parfois l'embarras : le prémontré Lucas de Montcornillon n'en trouve pas d'autre mention dans l'Écriture " : Guillaume d'Alton observe également qu'il n'est dit nulle part dans l'Écriture que Salomon ait utilisé des peaux pour couvrir le tabernacle, le temple ou l'arche d'alliance ; cependant, d'une manière générale, on y voit la tente où se repose le roi. recouverte d'étoffes précieuses. De la sorte, on oppose les tentes frustes et rudimentaires du nomade Qedar au pavillon luxueux de Salomon. [...]

Les « tentes de Qedar » apparaissent aussi en Ps 119,5 (iuxta LXX : habitavi cum habitai ionibus Cedar : iuxta Heb. : habitavi cum tabernaculis Cedar). [...]

Naturellement, la noirceur sera associée aux ténèbres, à travers, on l'a vu, l'interpretatio de Qedar, tenebrae. Les termes tenebrosa, obscura, obscurata, caligo reviennent dans les commentaires, qui exploitent parfois l'opposition ténèbres/lumière, comme chez Philippe de Harveng [deuxième abbé prémontré de l'abbaye de Bonne-Espérance (Hainaut), théologien mort en 1183] ; celui-ci met en relation les ténèbres avec la vieillesse et la lumière avec la jeunesse (Gilbert Dahan, Nigra sum sed formosa, Au cloître et dans le monde: femmes, hommes et sociétés (IXe-XVe siècle) : mélanges en l'honneur de Paulette L'Hermite-Leclercq, 2000 - books.google.fr).

La vieillesse du vieillard et l'obscurité de la grotte renvoient à cette interprétation de Cédar. C'est peut-être pour cela que l'ange de Lamartine s'appelle ainsi.

Les tentes de Cédar peuvent représenter les ténèbres de la conscience, du monde, de la mort, du corps, des vices et des démons.

Guillaume de Saint-Thierry [mort en 1148] associe la nigredo aux « ténèbres d'une conscience troublée ».

Les paroles nigra sum sedformosa se rapportent au Christ en croix, s'adressant aux âmes croyantes et leur disant : « Je suis noir du fait de la douleur de la passion imminente et de la mort très cruelle, mais je serai bientôt beau et plaisant, du fait de la résurrection en gloire et de la merveilleuse ascension ». Qedar désigne les ténèbres de la mort, la peau de Salomon la gloire de la résurrection. Le soleil de justice qui habite en moi m'a fait perdre ma couleur par la mort ; après la résurrection, il me fera resplendir d'une gloire incomparable (Gilbert Dahan, Nigra sum sed formosa, Au cloître et dans le monde: femmes, hommes et sociétés (IXe-XVe siècle) : mélanges en l'honneur de Paulette L'Hermite-Leclercq, 2000 - books.google.fr).

« Cédar, » qui signifie ténèbres, semble avoir un rapport assez clair avec ce qui est noir; mais le même rapport ne se trouve pas entre « les tentes de Salomon » et la beauté. Qu'est-ce, en effet, que les tentes, sinon le corps dont nous sommes revêtus dans cet exil ? Car nous n'avons pas ici une cité permanente, mais nous aspirons après la cité future (Job. XIII, 11). D'ailleurs, nous combattons dans ce corps mortel, comme lorsqu'on est sous la tente, en faisant une sainte violence pour conquérir le ciel. En effet, la vie de l'hommesur la terre est un combat perpétuel, et, tant que nous combattons ici-bas, nous sommes exilés de la présence du Seigneur, c'est-à-dire nous sommes privés de la lumière. Car le Seigneur est la véritable lumière, et, tant que nous ne sommes point avec lui, nous sommes dans les ténèbres, c'est-à-dire dans Cédar. Aussi cette voix gémissante et plaintive nous convientelle : « Hélas ! que mon exil est long!je vis ici comme un étranger parmi les habitants de Cédar; mon âme est ennuyée de demeurer si longtemps hors de ma patrie (Psal. CXIX, 5). » Cette demeure de notre corps n'est donc pas la demeure d'un citoyen ou la maison d'un indigène ; mais c'est la tente d'un combattant on l'hôtellerie d'un voyageur. Ce corps, je le répète, est une tente, et une tente de Cédar, parce qu'il environne l'âme, et la prive de la jouissance de la lumière infinie, et ne lui permet point de la voir, si ce n'est comme dans un miroir et en énigme, umais non pas face à face. Voyez-vous d'où vient que l'Église est noire, et que les plus belles âmes ne sont pas exemptes de quelque rouille ? Cela vient des tentes de Cédar, de l'exercice d'une guerre laborieuse, de la longueurde ce misérable séjour, enfin de ce corps fragile et pesant. Car le corps corruptible appesantit l'âme, et cette demeure de terre et de boue abat l'esprit qui veut s'élever par la sublimité de ses pensées (Sap. IX, 15). » C'est pour quoi aussi ces âmes souhaitent d'en sortir, afin qu'étant délivrées de ce corps, elles volent pour jouir des chastes embrassements de Jésus-Christ. C'est ce qui fait dire à l'une d'elles avec gémissement : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort (Rom. VI, 24) ? » Car elle sait que tandis qu'elle demeure dans les tentes de Cédar, elle ne peut pas être entièrement exempte de taches, de rides, ou de quelque noirceur, et c'est ce qui lui fait désirer d'en être dehors, afin de pouvoir acquérir une parfaite pureté. Voilà pourquoi l'Église dit qu'elle est noire « comme les tentes de Cédar. » (Sermon XXVI, Saint Bernard pleure la mort de son frère Girard) (Sermon XXVI, Oeuvres complètes de Saint Bernard, Volume 4, 1867 - books.google.fr).

L'exemple le plus clair de tropologie (allégorie avec application à l'histoire de l'âme) est fourni par Pierre le Chantre. Après avoir exposé l'interprétation ecclésiale, celui-ci propose une lecture mistice, fondée, comme c'est souvent le cas, sur l'interpretatio des noms propres. Qedar a pour interpretatio « ténèbres » et signifie la noirceur des vices ou des démons. (Gilbert Dahan, Nigra sum sed formosa, Au cloître et dans le monde: femmes, hommes et sociétés (IXe-XVe siècle) : mélanges en l'honneur de Paulette L'Hermite-Leclercq, 2000 - books.google.fr).

L'encobert de Burjassot

C'est le phénomène de l'"encubertismo" qui plaide le plus en faveur de l'influence de la Lenguda de Antichrist sur le millénarisme des "agermanats". Le messie qui prononça le fameux discours du 21 mars 1522 sur la place de la cathédrale de Jâtiva et trois autres chefs de la fin de la révolte, en 1522 et 1523, furent appelés Encubert par leurs sectateurs. La doctrine du plus célèbre d'entre eux, le premier, l'Encubierto par antonomase, offre des points de contact indubitables avec celle d'Alamany: certes, l'Encubierto de Jâtiva ne parlait que le castillan, mais il put être initié à cette doctrine eschatologico-sociale en Castille, où elle était connue; en arrivant dans le royaume de Valence, il pouvait ainsi être sur la même longueur d'ondes que des esprits préparés par la connaissance, directe ou indirecte de l'ouvrage publié en catalan en 1520. Le plus frappant est. évidemment, que ce chef charismatique se proclame el Encubierto et. comme tel, le fils ou le petit-fils des Rois Catholiques (suivant les témoignages: le prince don Juan lui-même ou son propre fils) et qu'il fasse de de constantes mentions de l'Antéchrist, qu'il identifiait au vice-roi. Comme Fray Johan, l'Encubierto de Jâtiva manifestait un anticléricalisme accentué. Il affirmait qu'il avait été berger (réalité ou référence au modèle biblique de David ?) et exaltait les pauvres qualifiés par lui d'"ovegicas de Dios que no tienen de corner"; il favorisait la répartition des richesses, semblant vouloir inaugurer un règne millénaire de justice; pareillement. Alamany se montrait sensible à la mythologie de la répartition et évoquait le millénium. entre autres images, comme celui des brebis gardées par un bon pasteur. Mais avant d'arriver à l'âge d'or millénaire, la rébellion des Germanias était, pour l'Encubierto de Jâtiva comme pour Alamany, une "sancta guerra" contre la fiscalité, les riches, les seigneurs, les mauvais ecclésiastiques, et aussi les maures et les juifs (Alain Milhou, La chauve-souris, le nouveau David et le roi caché, Mélanges de la Casa de Velázquez, 1982 - books.google.fr).

L'Encobert de Jativa meurt à Burjassot le 19 mai 1522 (ou le 18) (es.wikipedia.org - Burjasot, Eulalia Duran, Aspectes ideologics de les germanies, Pedralbes, Revista D'Historia Moderna - books.google.fr, Le Serpent rouge : Le voyage de l’âme : La chauve-souris 2).

L'aiguillon de la page 274

Ces deux sources ferrugineuses froides ont reçu des Celtes le nom de Gode, – to goad (gôd), aiguillonner, exciter, animer –. (VLC, p. 274)

On peut distinguer une autre nuance dans l'interprétation ecclésiale. quand une dimension morale l'accompagne (on pourrait parler alors d'interprétation ecclésiale morale). C'est surtout à propos de Qedar que la remarque est faite : l'Eglise s'oppose à tous, tous se dressent contre elle ; mais sa mission est bien de se retrouver parmi « les pécheurs et les ténébreux », comme le dit maître Anselme ; elle devient elle-même ce Qedar. fugitif, errant, contraint de vivre précairement sous une grossière tente. Pierre le Chantre parle de l'Eglise militante, exilée, errante et étrangère. Le pseudo-Bède utilise une comparaison familière : ceux qui restent tranquillement chez eux conservent certes une peau blanche, mais ceux qui travaillent aux champs ou aux vignes sont brûlés par le soleil, comme c'est le cas pour l'Église. C'est dire l'ambivalence de l'interprétation de Qedar, qui désigne donc soit les pécheurs, soit l'Eglise elle-même (Gilbert Dahan, Nigra sum sed formosa, Au cloître et dans le monde: femmes, hommes et sociétés (IXe-XVe siècle) : mélanges en l'honneur de Paulette L'Hermite-Leclercq, 2000 - books.google.fr).

Paul, dans la première épître aux Corinthiens, entreprend d'exposer le mystère de la résurrection, c'est-à-dire de quelle manière elle se fera. Et d'abord il déclare (selon les exemplaires grecs) que nous ne dormirons pas tous du sommeil de la mort, mais que tous seront : aussitôt il s'explique en disant qu'en un clin d'œil, au son de la dernière trompette, les morts ressusciteront dans un état incorruptible ; et nous, nous qui serons alors trouvés vivans sur la terre, nous serons changés. Il fait entendre quel est ce changement lorsqu'il ajoute, qu'il faut que ce corps mortel et corruptible soit revêtu de l'incorruption et de l'immortalité. L'Apôtre continue et montre qu'alors sera accomplie la prophétie d'Isaïe qui dit que la mort sera absorbée et détruite par une entière victoire ; et celle d'Osée qui demande à la mort où est sa victoire et son aiguillon. Il fait remarquer que le péché est l'aiguillon de la mort, et que la loi est la force du péché ; et il nous invite à rendre graces à Dieu qui nous fait triompher du péché et de la mort par Jésus-Christ. Il finit en exhortant les Corinthiens à être désormais fermes et inébranlables dans la foi de la résurrection, et à travailler sans cesse à l'œuvre du Seigneur, persuadés que leur travail ne sera point sans récompense en notre Seigneur, parce que la résurrection future est certaine (Epitres de Saint Paul, Tome 22, Méquignon, 1823 - books.google.fr).

On retrouve la Serbie

Lamartine a inséré dans la première édition de son Voyage en Orient, parue en 1835, ses Notes sur la Servie contenant ses impressions et ses observations de route et un bref historique du pays qu'il venait de traverser au retour de sa visite aux Lieux Saints. A cette date, un ouvrage poétique serbe était déjà en vente à Paris, mais il est douteux qu'il en ait pu prendre connaissance lors de la rédaction de son livre. Les deux volumes des Chants populaires des Serviens que Mlle Elise Voïart, ne connaissant pas le serbe, avait traduits de la version allemande de Thérèse Albertine von Jacob connue sous le nom de Talvy, portent la date de 1834. Ayant lu par la suite ce florilège, Lamartine a complété ses Notes sur la Servie, dans les éditions suivantes de son livre, par l'addition de huit poésies populaires serbes. Ce fait seul suffirait à prouver l'intérêt que le poète français portait à ces créations littéraires dont le caractère serait, d'après lui, « la grâce dans la force et la volupté dans la mort ».

Ce goût de Lamartine pour une poésie un peu sauvage peut s'expliquer peut-être par ses préoccupations littéraires du moment. Au retour de son voyage en Orient, il avait pris pour tâche d'élaborer une vaste épopée qui aurait embrassé toute l'histoire morale de l'humanité. Jocelyn (1836) et La Chute d'un ange (1838) sont, comme on le sait, deux épisodes de cette œuvre immense restée inachevée. Le dernier poème, dont l'action se passe dans les temps antédiluviens, dérouta par ses étrangetés et fut un échec cuisant pour le poète. On avait trouvé trop de cruauté dans cette œuvre touffue et inégale, et son dénouement pessimiste fut jugé sévèrement par les catholiques. Certains chants serbes, celui que nous venons de mentionner ou d'autres que nous citerons par la suite, ont pu contribuer à alimenter la veine poétique d'où sortit cette peinture saisissante d'une société monstrueuse. On n'a publié encore aucune étude d'ensemble sur La Chute d'un ange, et on a négligé de suivre une indication de Lamartine lui-même sur ses lectures. Pourtant, on aurait pu trouver des traces palpables de la poésie populaire serbe dans la trame même du poème français.

Du côté serbe, on a déjà remarqué, mais sans apporter la preuve irréfutable d'un emprunt direct, que Lamartine avait utilisé le motif d'un chant populaire très connu, qui est traduit dans le recueil de Voïart (I, p. 206) sous le titre La Fondation de Scadar.

L'hirondelle de Lamartine s'envole, effrayée du geste et de la voix de Daïdha. Mais, même sans cela, cette scène rappelle le début de certains chants serbo-croates, de La Bataille de Mischar, par exemple, qui commence par un colloque entre deux corbeaux et la femme de Kulin.

Il est arrivé plusieurs fois aux lettres françaises de chercher à l'étranger ce qu'on avait eu déjà en France. La poésie populaire serbo-croate a emprunté à la poésie épique française du Moyen Age plusieurs motifs, celui, entre autres, de l'évasion d'un héros chrétien des cachots ennemis avec l'aide d'une Sarrasine amoureuse. Lamartine retrouve ce vieux motif dans l'aventure de Stojan Jankovic, le réintègre dans son pays d'origine, et il s'inspire encore d'autres chants serbes, après avoir écrit chaleureusement sur le peuple qui les a produits (Nikola Banasevic, La Chute d'un Ange et la poésie populaire serbe. In: Revue des études slaves, tome 31, fascicule 1-4, 1954 - www.persee.fr).