Partie XIV - Le Serpent rouge   Le voyage de l’âme   La chauve-souris 2   
SERPENT ROUGE SCEAU DE PALAJA CHAUVE SOURIS MESSIE AUDE ARTEMIS

En tant que belle au bois dormant, je ressemble plutôt à une chauve-souris, se disait-elle en s'examinant avec une complaisance attendrie dans la glace du comptoir

Dominique Rolin, Artémis: roman, 1958 - books.google.fr

La chauve-souris messianique

Le médecin Arnau de Vilanova [Arnaud de Villeneuve], proche des "béguins" et tertiaire franciscain et en même temps lié à la Maison d'Aragon, fut le premier des visionnaires du monde catalano-valencien à détourner au profit de la dynastie aragonaise les prophéties messianiques sur la conquête de Jérusalem et la royauté universelle qui, jusqu'alors, avaient été appliquées aux empereurs d'Allemagne et à la Maison de France. Sa version de la prophétie joachimite Vae mundo in centum annis, écrite entre 1297 et 1301, continua d'exercer son influence jusqu'à la fin du XVIe s., même si ses successeurs ne la connaissaient qu'indirectement et l'attribuaient à d'autres sources prophétiques (qui à Joachim de Fiore, qui à saint François, qui à Merlin, qui à saint Isidore). Dans le Vae mundo apparaît la chauve-souris dévoreuse de moustiques.

Il faudrait voir l'origine de la chauve-souris eschatologique du texte d'Arnau, très antérieur à l'adoption du "drac alat" dans les armes du roi d'Aragon, dans les prophéties byzantines et sarrasines de la fin du XIIe et du début du XIIIe s. qui annonçaient l'arrivée imminente à Constantinople, en Egypte et en Terre Sainte d'un "roi blond de l'Occident" et la ruine des musulmans lorsqu'une étoile apparaîtrait au Ponant, semblable à une lance et à un écu rond. Ces prophéties, connues en Espagne depuis la fin du XIIIe s., semble-t-il, et jusqu'au début du XVIIe s. — on les attribuait au "sabio philôsopho Acham Turuley arabe"" — avaient été, à l'origine, l'expression des terreurs des Byzantins et des Sarrasins face à une nouvelle croisade du roi de France ou de l'empereur Hohenstaufen, roi ou étoile du Couchant. Or 1 / l'étoile du soir se dit "vesper" en latin — 2/ l'Espagne était le pays le plus occidental du monde connu — 3/ la dynastie d'Aragon avait acquis l'héritage sicilien des Hohenstaufen qu'elle disputait à la Maison française d'Anjou, et revendiquait — puissance oblige — la direction de la croisade de Jérusalem. Quoi de plus naturel, par conséquent, qu'Arnau de Vilanova, visionnaire au service de la Maison impérialiste d'Aragon, ait transformé, dans sa prophétie fondée sur un bestiaire apocalyptique, le "vesper" en vespertilio, image de son souverain ? Il est d'ailleurs précisé, dans une autre phrase de la même prophétie, qu'il s'agit du vespertilio occiduus, la "chauve-souris du soleil couchant". Qui sait? Peut- être à l'origine de l'emblème de Valence y avait-il plus qu'une simple transformation prosaïque de l'apocalyptique et royal "drac alat" en misérable "rat penat", qui selon Gaspar Escolano reprenant la prophétie de Torrella en 1610 décrivait les vertus de la chauve-souris, dévoreuse de "mosquitos moros".

Dans son Breviloquium de 12 oneribus orbis de 1354/55, Frère Jean de Roquetaillade, franciscain auvergnat dont les œuvres furent tellement lues dans les pays de la Couronne d'Aragon qu'il fut considéré comme catalan ("Joan de Rocatallada" ou "Peratallada" ou encore "Johannes de Rupescissa"), reprenait intégralement le texte cité de Vilanova, quoiqu'en le commentant dans sa perspective habituelle, francophile et anti-aragonaise : le vespertilio est certes, pour lui, un roi d'Aragon qui aura un rôle positif de destructeur de l'Islam, mais son action vis-à-vis de l'Eglise et de la Couronne de France sera celle d'un flagellum Dei, préparant la voie à l'Antéchrist.

Le joachimisme, dans ses développements hétérodoxes, étrangers d'ailleurs à la pensée originelle de l'abbé calabrais, pouvait prendre appui sur le trithéisme historique de celui-ci (âge du Père, âge du Fils et millénium de l'Esprit) et sur sa méthode de correspondance entre les trois âges du monde pour conférer à la figure du Nouveau David une dimension supplémentaire : si David avait été le plus grand roi de l'âge du Père, si le Christ-Messie était qualifié de Nouveau David, pourquoi ne pas imaginer un Troisième David, nouveau messie inaugurateur du millénium de l'Esprit.

Arnau de Vilanova fut encore le premier, à ma connaissance, à utiliser en Espagne cette image du Nouveau David, probablement en faveur du roi d'Aragon plutôt qu'en faveur du pape. Toujours dans sa version de la prophétie Vae mundo in centum annis, il assignait à ce Nouveau David la fonction eschatologique de reconstruction de la citadelle de Jérusalem.

Armas del Rey de Aragón en Antonio Godinho, Libro da Nobreza e Perfeiçao das Armas, c. 1522 - (fr.wikipedia.org

Le mystérieux Johan Alamany qui s'intitule "fraile menor de la orden de Santi Spiritus", dans un traité rédigé probablement dans la première moitié du XVe siècle, recueillait — par quelles voies ? — l'héritage d'Arnau de Vilanova : à la phrase glosée sur le Nouveau David il faut ajouter en effet la reprise, dans la Venue de l'Antéchrist, du célèbre passage Hispania, nutrix mahometicae pravitatis..., avec cependant la substitution de l'image du vespertilio par celle de l'Encubierto. Si Vilanova semblait confondre dans la personne du roi d'Aragon les deux images du Novus David et du vespertilio, Alamany les distingue en les appliquant à deux personnages eschatologiques différents : le Nouveau David, c'est pour lui un pape d'une grande sainteté qui réformera l'Eglise, autrement dit une nouvelle version du pastor angelicas joachimite; quant à Y Encubierto, c'est l'empereur des derniers temps qui sera à la tête de la croisade des pauvres en Espagne et en Terre Sainte, tout en reconnaissant la supériorité de la loi du pape - Nouveau David. Cependant il ne faudrait pas trop exagérer cette différence établie entre pouvoir temporel et spirituel et cette subordination du premier au second; en fait, c'est en étroite collaboration que le Nouveau David et l'Encubierto devraient diriger la violence exterminatrice des pauvres contre les musulmans, les juifs et les mauvais chrétiens d'Espagne, ainsi que la conquête de Jérusalem, la lutte contre l'Antéchrist et l'établissement du millénium. De plus, il y a dans le traité un passage où la description de l'Encubierto tend à se confondre avec celle du Nouveau David, ce qui montre bien que les deux figures étaient deux aspects d'un même mythe.

La description de l'Encubierto-Nouveau David, que l'on trouve dans le traité d'Alamany, mais que l'on devait retrouver dans d'autres textes attribués à d'autres prophètes, fut récupérée par la propagande officielle dans un but de renforcement du pouvoir monarchique face à la noblesse que les Rois Catholiques, après la guerre de succession, essayaient de mobiliser autour de leurs personnes dans la reconquête de Grenade.

En 1486, Rodrigo Ponce de Leôn, l'un de leurs chefs de guerre les plus prestigieux, communiquait à tous les grands de Castille. avec l'aval des souverains, un commentaire, "qui lui avait été envoyé par un sage", de prophéties attribuées à saint Jean et à saint Isidore. L'interprétation donnée par Rodrigo Ponce de Leôn des thèmes du vespertilio, de l'Encubierto et du Nouveau David était parfaitement satisfaisante pour l'ordre établi.

Le mythe ibérique du roi caché s'apparente aux légendes européennes sur la réapparition d'un roi disparu, qui elles-mêmes correspondent au mythe oriental de l'émir caché [ou imam caché]. Les légendes sur la résurrection de Charlemagne qui reviendrait conduire la croisade (mythe essentiellement français du Carolus redivivus), sur le réveil de l'empereur dormant (prophétie byzantine du Pseudo-Méthode qui contribua à la formation du mythe germanique et sicilien du retour de Frédéric) et plus généralement sur le retour d'un bon roi disparu eurent une importance considérable dans la mythologie millénariste du Moyen Age, avec des prolongements à l'Epoque Moderne.

C'est le phénomène de l'"encubertismo" qui plaide le plus en faveur de l'influence de la Venguda de Antichrist en catalan, traduction du traité rédigé probablement dans la première moitié du XVe siècle par le mystérieux Johan Alamany qui s'intitule "fraile menor de la orden de Santi Spiritus" sur le millénarisme des "agermanats". Le messie qui prononça le fameux discours du 21 mars 1522 sur la place de la cathédrale de Jâtiva et trois autres chefs de la fin de la révolte, en 1522 et 1523, furent appelés Encubert par leurs sectateurs. La doctrine du plus célèbre d'entre eux, le premier, l'Encubierto par antonomase, offre des points de contact indubitables avec celle d'Alamany; certes, l'Encubierto de Jâtiva ne parlait que le castillan, mais il put être initié à cette doctrine eschatologico-sociale en Castille, où elle était connue; en arrivant dans le royaume de Valence, il pouvait ainsi être sur la même longueur d'ondes que des esprits préparés par la connaissance, directe ou indirecte, de l'ouvrage publié en catalan en 1520. Le plus frappant est, évidemment, que ce chef charismatique se proclame el Encubierto et, comme tel, le fils ou le petit-fils des Rois Catholiques (suivant les témoignages: le prince don Juan lui-même ou son propre fils) et qu'il fasse de constantes mentions de l'Antéchrist, qu'il identifiait au vice-roi. Comme Fray Johan, l'Eneubierto de Jâtiva manifestait un anticléricalisme accentué. Il affirmait qu'il avait été berger (réalité ou référence au modèle biblique de David?) et exaltait les pauvres qualifiés par lui d'"ovegicas de Dios que no tienen de corner"; il favorisait la répartition des richesses, semblant vouloir inaugurer un règne millénaire de justice; pareillement, Alamany se montrait sensible à la mythologie de la répartition et évoquait le millénium, entre autres images, comme celui des brebis gardées par un bon pasteur. Mais avant d'arriver à l'âge d'or millénaire, la rébellion des Germanias était, pour l'Encubierto de Jâtiva comme pour Alamany, une "sancta guerra" contre la fiscalité, les riches, les seigneurs, les mauvais ecclésiastiques, et aussi les maures et les juifs (Alain Milhou, La chauve-souris, le nouveau David et le roi caché (trois images de l'empereur des derniers temps dans le monde ibérique : XIIIe-XVIIe s.). In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 18-1, 1982 - www.persee.fr).

L'encobert (en catalan) de Jativa fut exécuté à Burjassot le 18 mai 1522 (ca.wikipedia.org - L'Encobert).

Ce Burjassot, près du centre des nonagones espagnols, sur l'axe du 7 février, dont parle l'abbé Henri Boudet dans La Vraie Langue Celtique, page 119.

Que le Sceau de Palaja soit une étoile à 6 branches, de David, qu'il soit une représentation de la Stella luti ou étoile de Bethléem, semble cohérent avec l'appartion de la forme issue du Serpent rouge de la tête de chauve-souris, dans le contexte prophétique aragonais.

L'Aude, Barcelone et Aragon

En 817, Louis le Débonnaire détache les territoires de Carcassès et de Razès de la Septimanie. En 819, sera mis en place le premier Comte de Carcassonne : Oliba, après Bellon. Lors de la division de 865, le roussillon est rattaché à Barcelone, la délimitation se situe au niveau du Massif des Corbières. Cette Frontière sera défendue jusqu'au XVIIème siècle.

En 904, le comté de Carcassonne est détenu par le comte Arnaud. Il eut trois fils auxquels il partagea ses États. L’aîné fut comte de Carcassonne sous le nom de Roger Ier, et eut à son tour trois fils, dont le second, Bernard-Roger de Foix fut le premier comte de Foix. Roger III meurt sans enfants en 1067 et institua son comté pour son héritière sa sœur Ermengarde. La succession du comté est disputé entre Ermengarde, la sœur du comte, et Roger II, comte de Foix, un cousin en lignée masculine. Ermengarde s’empresse de se donner un premier protecteur en épousant Raymond-Bernard Trencavel, vicomte d’Albi et de Nîmes, et un second protecteur en vendant la suzeraineté du comté de Carcassonne et du Razès à son parent, le comte de Barcelone. La lutte dure de nombreuses années, car le suzerain, les comtes Raimond Bérenger Ier, puis Raimond-Bérenger II et Raimond-Bérenger III de Barcelone ont également des visées sur la ville et tentent à plusieurs reprises de s’emparer de Carcassonne.

En 1082, la famille Trencavel prend le pouvoir et englobe la cité dans une vaste principauté allant de Carcassonne à Nîmes. Bernard Aton Trencavel, fils d'Ermengarde, vicomte d'Albi, de Nîmes et de Béziers fait prospérer la ville. C'est durant cette période qu'une nouvelle religion s'installe : le catharisme. Le vicomte de Trencavel permet en 1096 le début de la construction de la basilique Saint-Nazaire dont les matériaux sont bénis par le pape Urbain II. En 1107, les carcassonnais refusent la domination de Bernard Aton et font appel au comte de Barcelone pour le chasser. Mais, avec l'aide du comte de Toulouse, Bernard Aton reprend le contrôle de la cité. En 1120, de nouveau, les carcassonnais se révoltent mais il rétablit l'ordre quelques années plus tard.

Bernard-Aton, fils d'Ermengarde, réussit dans la suite à s'affranchir du vasselage de l'étranger, en réservant adroitement, dans un traité, l'hommage qu'il devait à la maison de Toulouse. En 1112, il prit le titre de vicomte de Carcassonne, qu'il joignit à ceux de vicomte d'Agde et Béziers, d'Albi et de Nîmes, entrés dans sa famille par alliance. Raymond-Trencavel comprit tous ces domaines sous le titre général de vicomté de Béziers (1150) (fr.wikipedia.org - Raymond-Bernard Trencavel, fr.wikipedia.org - Histoire de l'Aude, www.rhedae-magazine.com - Département de l'Aude en 1883, 2007, Thierry Dassy, Histoire de l'Aude, 2011 - www.balade-rando-pyrenees.com).

L'union du comté de Barcelone et du royaume d'Aragon est réalisée, en 1137, par le mariage de Pétronille d'Aragon, fille de Ramire II, et de Raimond-Bérenger IV de Barcelone, dit le Saint. Ce dernier, devenu prince d'Aragon prend la tête des deux États, permettant à Ramire II de se retirer de la vie politique (larosepourpre.forumstech.com - Dame Blanche, Châteaux de l'Aude).

Plus que sur Jacques II, l'influence d'Arnaud de Villeneuve et de sa doctrine se fait sentir sur Frédéric III, dont il devient le mentor dans la mise en œuvre d'un vaste programme de réforme de la société sicilienne. Protecteur d'Ubertin de Casale et des autres rescapés spirituels des persé­cutions de Jean XXII, le roi de Trinacrie travaille au renouveau religieux de la Sicile dans un contexte millénariste. Il proclame un code législatif compilé par Arnaud imposant les exigences de la pauvreté stricte dans tout son royaume. Il demande à ses courtisans une vie austère, qu'il prêche par l'exemple de sa propre pénitence : sa femme vend, sous le conseil d'Arnaud de Villeneuve, ses bijoux. L'équité et la justice, surtout à l'égard des pauvres, deviennent les valeurs suprêmes de l'État. Les nécessiteux et les forains sont protégés par les autorités ; des hôpitaux sont construits pour les Grecs razziés par les mercenaires catalans ; la manumission des esclaves est encouragée ; la pratique de la conversion forcée des musulmans siciliens est proscrite. L'évangélisme militant d'Arnaud de Villeneuve quitte ainsi le domaine des élucubrations théoriques : il se concrétise dans l'île par la poursuite de la politique volontariste de Frédéric II.

A la même époque, des attitudes spirituelles déterminent la vocation de quelques membres de la maison de Majorque qui rejettent honneurs et richesses de façon fracassante. Cette voie est suivie par deux des fils de Jacques II (1276-1311), protecteur du tertiaire missionnaire Raymond Lulle, naguère son précepteur et son sénéchal : en 1299, Jacques (mort en 1306) devient franciscain, renonçant à son aînesse et au mariage stipulé avec Catherine de Courtenay, héritière de Byzance ; c'est en commun accord avec Louis d'Anjou, son ami intime, longtemps captif en Catalogne, qu'il prend cette décision. Son exemple est suivi par son frère Philippe (1288-1343) qui, ordonné prêtre vers 1305, décline l'offre de l'épiscopat de Mirepoix pour promouvoir la stricte pauvreté parmi ses disciples. Sanchie (mort en 1345), autre enfant de Jacques II, femme de Robert Ier de Naples, fondatrice de plusieurs couvents de clarisses dans cette ville, est alors une partisane ouverte de Michel de Cesène, le ministre général de l'ordre franciscain démis de ses fonctions pour son attachement aux rigueurs de la pauvreté. Les membres de la maison de Majorque adhèrent au franciscanisme spirituel.

Tandis que Frédéric III promeut l'expérience évangélique en Sicile, Philippe de Majorque, son cousin germain, mène une action similaire dans les Baléares. Tuteur du futur Jacques III (1324-1349) depuis 1318, il essaye d'instaurer le programme du renouveau spirituel par la pauvreté dans son île. A la cour de Palma, il installe son entourage de béguins que l'un de ses membres, le noble roussillonnais Aimar de Mosset, définit en 1333, devant l'inquisiteur Jacques Fournier, comme « les frères encapuchonnés de la tierce règle de lafamilia de Philippe ». Les idées de ces personnages sont inspirées par les lettres et par la fréquentation d'Ange Claréno, su­périeur des ermites célestins, auteur du libelle intitulé Histoire des sept tribulations de l'ordre des mineurs. Elles traduisent une nette influence du franciscanisme spirituel : culte de la pauvreté et croyance joachimite en l'imminence de l'avènement du troisième âge, où seuls survivront les plus fidèles disciples de saint François.

Séduit par cet enseignement, l'infant Ferdinand émet le vœu de devenir franciscain : son frère Jacques III semble avoir également voulu suivre cette résolution, comme il ressort de la lettre de 1322 par laquelle Jean XXII sermonne Philippe pour appliquer des méthodes indignes à l'éducation d'un futur roi. La pression de ce pape pousse, enfin, Philippe et ses disciples à quitter les Baléares pour Naples, où Sanchie les accueille avec Ange Cla­réno, qui y a trouvé refuge dans la persécution qui s'abat désormais sur les spirituels. Philippe mène, dans des terres dont sa sœur est la reine, une vie de mendiant et prêche contre les bulles de Jean XXII hostiles à la pauvreté stricte des franciscains. En 1340, peu avant sa mort, il échoue dans sa tentative de faire approuver par Benoît XII sa fondation, l'ordre des Frères de la vie pauvre. La papauté rejette ses idées.

Le déclenchement de la persécution de 1316 contre les spirituels ouvre, aux yeux de beaucoup, le début du troisième âge : le sixième sceau de l'Apocalypse est brisé et une nouvelle ère, paisible et prospère sous la conduite des franciscains fidèles à la pauvreté, va bientôt être instaurée sur terre. Dans ce renouveau qui se substitue à la décadence ancienne, l'Église charnelle est périmée. La persécution qu'elle mène contre fraticelles et béguins confirme sa corruption, tout comme elle accroît la purification par la souffrance de ceux qui demeurent attachés à la règle primitive de saint François.

Elle justifie la contestation à la papauté avignonnaise par les dissidents spirituels et par des monarques qui, comme l'empereur Louis de Bavière (1314-1347) ou Frédéric III, rêvent à des États organisés d'après la seule loi de l'Évangile. La maison de Barcelone, dans ses trois branches d'Aragon, de Majorque et de Sicile, se fait l'écho de ce courant idéologique. Certains de ses membres instaurent même des utopies insulaires dans leurs domaines, reproduisant le programme évangélique cher aux fraticelles qui trouvent refuge auprès d'eux, tandis que durcit la persécution.

Dans le nord de l'Italie, les tendances spirituelles donnent souvent lieu à des expériences érémitiques, loin du monde dans lequel les frères mineurs sont, par la prédication et l'exemple, censés exercer leur apostolat. Dans les principautés de la Couronne d'Aragon, en revanche, elles s'enracinent profondément en milieu urbain. Les marchands — qui manient ces mêmes pièces de monnaie devenues indispensables aux fraticelles rejetant, dans leur mendicité, toute propriété foncière — sont sensibles au discours évan­gélique : ils fondent des communautés de béguins attachés à la pauvreté absolue, revêtent l'habit tertiaire et font personnellement l'expérience de la spiritualité franciscaine. Ces hommes, dont le commerce est l'activité vitale, appartiennent au puissant groupe de pression qui détermine largement l'impérialisme maritime de la maison princière. Ils ont leurs entrées à la cour, où ils assument souvent des offices. La thalassocratie de la royauté aragonaise est encouragée par des marchands idéologiquement proches de ces mêmes spirituels franciscains que la famille princière choisit pour confesseurs et pour conseillers. La diffusion d'un prophétisme d'inspiration joachimite favorable à la maison de Barcelone, puis aux Trastamare, est déterminée par l'étroitesse des liens qui associent le roi d'Aragon, les marchands et les franciscains.

Fridericus III Rex Siciliae, mosaico del Duomo di Messina, Abside centrale - fr.wikipedia.org

A l'orée du 14e siècle, la figure de Frédéric III, en lutte contre la papauté contestant sa domination sur la Sicile, éveille un espoir messianique chez les hérétiques exclus de la chrétienté. L'inquisiteur Bernard Gui mentionne la croyance des spirituels à la destruction prochaine de l'Église romaine ou charnelle par ses troupes. Il analyse les lettres rédigées en 1300 et en 1303 par Dolcino de Novare, chef des apostoliques : elles prophétisent l'action eschatologique de Frédéric III qui passera au glaive le pape, les cardinaux, les clercs, les moines, les nonnes et les autres religieux. Loin de l'Italie, au cœur des Pyrénées, Bélibaste, le dernier des cathares, se fait l'écho de ces idées, se réjouissant d'avance de voir fouler l'Église démoniaque par le roi de Trinacrie.

Pour ces hétérodoxes, imbus d'évangélisme, Frédéric III doit écraser Boniface VIII, responsable de la démission de Célestin V, le très saint pape spirituel. Son combat prépare l'avènement du millenium qui, sous la conduite d'une Église charismatique, apportera mille ans de bonheur aux hommes, libérés de toute contrainte cléricale ou seigneuriale. Le souvenir de Frédéric III se perpétue en Catalogne : rédigée en 1469 en l'honneur de Ferdinand le Catholique, une prophétie latine conservée à Vie loue l'action de son ancêtre sicilien qui corrigea le pape et les clercs, les dépouillant de leurs luxueuses richesses et de leur vaine puissance.

La familiarité avec ces thèmes explique en partie l'attitude de Bernard Delicios. Autour de 1300, ce franciscain spirituel se bat contre l'inquisition de Carcassonne. Afin d'en empêcher le fonctionnement et d'obtenir la libération de ses prisonniers, il fait appel à Philippe le Bel qui, loin d'écouter ses demandes, ordonne son arrestation. En 1304, quelques mois après la tentative de Bernard Saisset, évêque de Pamiers, de révolter les comtes de Foix et de Comminges contre la couronne, Delicios convainc les Carcassonnais d'abandonner le roi de France et de se donner un nouveau seigneur. Ce disciple de Pierre Jean-Olieu, prédicateur à la lumière de la sybille de la fin imminente du monde et lecteur assidu des Vaticinia de summis pontificibus, croit au messianisme de la maison d'Aragon, qui doit anéantir un jour la royauté française. Il se rend en Roussillon auprès du jeune Ferdinand de Majorque auquel il propose la domination sur Carcassonne. Mais le complot échoue : cinquante Carcassonnais sont pendus haut et court. Leur démarche n'a pas moins connu la fascination pour les descendants de Pierre III et de Constance de Hohenstaufen, protagonistes de maintes prophéties.

A l'époque [1449], le sentiment anti-français transparaît, de même, dans les dures critiques formulées à rencontre de Yolande de Bar, nièce de Charles V, épousée en 1380 par Jean Ier contre l'avis de son père qui voulait le marier à Marie, héritière de la Sicile. L'influence de la reine sur son mari était telle que sa belle-sœur Maria de Luna disait au sujet de Jean Ier : « II avait une femme française et il était tout français ». Nos prophéties se font l'écho de ce mariage. Le pseudo-Arnaud de Villeneuve rappelle à Pierre IV, son interlocuteur imaginaire, qu'il avait été contracté contre son gré. Partisan des Trastamare, il s'en prend à Yolande pour avoir promu la candidature de Louis III d'Anjou, son petit-fils, au trône de l'Aragon. Se­conde prostituée de l'Apocalypse, elle est responsable, par ses mauvais actes, de la fin de sa dynastie. Puisque Louis III n'a aucun droit sur Naples, Alphonse V conquerra cette ville : le léopard dévorera la fleur de lis. Un mariage français ne peut, au cours d'une période où les Trastamare combattent les Anjou en Italie, qu'être mal perçu par les visionnaires de la cour de Barcelone.

En 1453, au lendemain de la chute de Constantinople, Alphonse V, conquérant de Naples, avait été pressenti par la papauté comme le meneur d'une croisade anti-turque. Il était alors chanté, en Catalogne, comme la chauve-souris qui étendrait sa puissance en Orient. Ces thèmes se retrouvent dans le poème qu'Ausias March (1397-1459), fauconnier du roi, engagé auprès de lui dans la campagne de Bonifacio, avait composé quelques années auparavant : « Le grand cor de cet homme vaillant sonne si fort qu'il assourdit les Indiens ; les peuples qui sont du côté de la Tramontane, du couchant et du levant l'entendent » ; « Toutes les terres du monde, les royaumes grands et petits, seront donnés, en bref, à cet homme justifié qui en aura la monarchie ». La conquête de l'Orient, jusqu'aux Indes, mène à l'empire universel.

Les historiens modernistes ont insisté sur l'influence de ces idées dans la perception de l'image et de la mission de Ferdinand le Catholique : lors de ses entrées à Barcelone, les conseilleurs le saluent comme la chauve-souris attendue par ses royaumes, comme le nouveau David, comme le soleil éclairant la terre, voire comme le Messie lui-même. Ces expressions hyperboliques atteignent leur paroxysme avec la conquête de Grenade, achèvement heureux de la Reconquista, accompli par Ferdinand, réincarnation de Ferdinand III le Saint, conquérant de Seville et de Cordoue. L'événement admirable en 1492 est perçu par la propagande Trastamare comme le prodrome de la domination sur la Berbérie, phase préalable à la prise de Jérusalem. Christophe Colomb, auteur d'un livre de prophéties, où il cite explicitement les oracles de Joachim sur la reconstruction de Sion par un roi d'Aragon, persuade même les Rois Catholiques de subven­tionner, cette même année, son expédition en leur faisant miroiter la possibilité d'atteindre, par une route occidentale, la Ville sainte qui leur est promise de toute éternité. De Jérusalem à l'Amérique, la diffusion des vaticinations relatives au messianisme de la royauté aragonaise a beaucoup contribué à la découverte du Nouveau Monde (Martin Aurell, Messianisme royal de la Couronne d'Aragon. In: Annales. Histoire, Sciences Sociales, 52e année, N. 1, 1997 - www.persee.fr).

Alphonse V appartenait à la maison de Trastamare. La Maison de Trastamare monta sur le trône d'Aragon à la suite du Compromis de Caspe (1412), qui mit un terme à la crise de succession ouverte par la mort sans descendant légitime de Martin Ier l'Humain, en 1410. Cette dynastie tire son nom du comté de Trastamare (condado de Trastámara), à la tête duquel se trouvait Henri II de Castille, dit le Magnifique (1369-1379), avant d'accéder au trône de Castille, à la suite d'une guerre civile qui s'acheva en 1369 par la mort de son demi-frère Pierre Ier de Castille, dit Le Cruel, fils d'Alphonse XI de Castille et de sa seconde femme, Éléonore de Guzmán. Henri, fils naturel d'Alphonse XI, avait été confié par son père aux soins du comte de Trastamare Rodrigo Álvarez, qui l'avait élevé et à sa mort lui avait cédé son titre. Henri II était le grand-père de Ferdinand Ier d'Aragon, père d'Alphonse (fr.wikipedia.org - Maison de Trastamare).

C'est sous son règne, que Villemain place son roman Lascaris (Le Serpent rouge : Le voyage de l’âme).

Yolande de Bar, épouse de Jean Ier d'Aragon, serait le double de la Danseuse de corde de Maurice Leblanc. Violante de bar ou Yolande. or le duché de Bar comprenait une partie de l'Argonne. On ne peut penser qu'à Yolande d'Argonne, vrai nom de Dorothée, la danseuse de corde qui résout l'éngime de la médaille à l'inscription In robore fortuna (Arsène Lupin et la Croix d’Huriel : Sarek).

L'androgyne et la chauve-souris

La chauve-souris, mammifère ailé, cristallise les valeurs sexuelles de la fécondité : attribut classique d'une Artémis qui prodigue à l'envi ses fastes mammaires. Mais il y a plus. L'oiseau manqué, d'être hybride, assume dans le même temps - non sans contradictions - le registre sémantique d'une androgynie latente : vieux rêve platonicien (Régis Michel, Part maudite de la modernité, 2001 - books.google.fr).

L’activité narrative des filles de Minyas, roi d’Orchomenos, dans le quatrième livre des Métamorphoses, se développe selon une formule bien connue en Orient et destinée à faire fortune aussi en Occident : chacune des soeurs, afin de ne pas interrompre son travail manuel, mais pour « empêcher les autres de trouver le temps long », fait à son tour « un récit qui charme les loisirs des oreilles ». Puisque, pour pouvoir réaliser leur projet, les jeunes femmes se dérobent à l’obligation de célébrer les fêtes de Bacchus, leurs narrations se tachent, dès le début, d’une infraction aux préceptes de la religion dionysiaque. C’est dans ce contexte que naissent les histoires de Pyrame et Thisbé, de Vénus et Mars, de Leucothoé et Clytie, et surtout celle de Salmacis et Hermaphrodite. Il n’est pas sans intérêt qu’Alcithoé, la narratrice, introduise ce dernier récit par les mots suivants :

Je ne retracerai pas les amours trop connus (vulgatos) de Daphnis, berger de Ida, qu’une nymphe, irritée contre une rivale, changea en rocher, tant est grand le ressentiment qui brûle le coeur des amants ; je ne dirai pas non plus comment jadis, par une innovation dans les lois de la nature, Sithon eut un sexe ambigu, puisqu’il fut tantôt homme et tantôt femme. Toi aussi, aujourd’hui d’acier, autrefois si fidèle à Jupiter enfant, Celmis, [...] je te passerai sous silence ; je veux captiver les esprits par l’attrait d’une nouveauté raffinée.

L’histoire sensuelle et délicate de la passion que la gracieuse nymphe Salmacis, seule entre les Naïades à être malhabile à la chasse, nourrit pour l’enfant de Vénus et de Mercure introduit la description d’une « merveilleuse difformité ». Les deux corps mêlés de la nymphe et du jeune homme se confondant et revêtant l’aspect d’un être unique, depuis qu’un embrassement tenace les a unis l’un à l’autre, ne sont plus deux et pourtant ils conservent une double forme. On ne peut dire que ce soit là une femme ou un homme ; ils semblent n’avoir aucun sexe et les avoir tous les deux. Ce qui frappe le plus, dans la narration ovidienne, c’est l’accumulation de détails tout à fait « réalistes » pour décrire un événement « monstrueux ». Ce n’est pas un hasard si Boccace, dans le neuvième chapitre du quatorzième livre de ses Genealogiae Deorum Gentilium, mentionne la métamorphose en chauvessouris des filles de Minyas, qui clôt le récit ovidien, comme exemple de narration qui « in superficie non numquam veritati fabulosa commiscet » (Luciano Rossi, Entre Flabiau et Facétie : la nouvelle en France au XVe siècle, La nouvelle de langue française aux frontières des autres genres, du Moyen Âge à nos jours, Volume 1, Actes du colloque de Metz, 1996 - www.edern.be).

L'une des filles de Mynée (Minyas), Alcithoé (Alcathoé) qui sera transformée en chauve-souris, racontant la légende d'Hermaphrodite, semble être une réminiscence de la devinette de la chauve-souris mentionnée dans la République de Platon.

Un texte du livre V de la République - la « devinette » de l'eunuque et de la chauve-souris - peut nous fournir un exemple de ce maniement proprement platonicien de l'interrogation "mallon è" : « y a-t-il donc plus de raison, interroge Socrate, pour que chacun de ces multiples objets soit, plutôt que de ne pas être, cette chose qu'éventuellement on dit qu'il est ? La réponse est que cette chose n'est « ni les deux, ni ni l'un ni l'autre ». Dans les deux cas, ce qui est rejeté, c'est l'affirmation directe comme la double négation. L'eunuque n'est pas à la fois homme et femme, il n'est pas davantage ni homme ni femme, il est autrement un homme, il indique une autre manière d'être homme, et aussi une autre manière de n'être pas homme, différente de celle d'être femme (Monique Dixsaut, Platon et la question de la pensée: études platoniciennes, Volume 1, 2000 - books.google.fr).

On connaît la célèbre devinette: cet homme qui n'en est pas vraiment un, frappe sans le frapper puisqu'il manque sa cible, avec une pierre ponce qui n'est pas vraiment une pierre puisqu'elle flotte, un oiseau qui n'en est pas vraiment un puisqu'il s'agit d'une chauve-souris, sur un arbre qui n'est pas un arbre puisque c'est un roseau (Jean-Paul Dumont, Ouden mallon chez Platon, Le Scepticisme Antique, 1988 - books.google.fr).

La chauve-souris et Pégase

Le crépuscule du soir est aussi désigné par un jeune homme avec des ailes noires, qui fuit sous les voiles de la nuit; il a également une étoile sur la tête, et tient une chauve-souris. On le représente encore par une figure de femme sous la forme de Diana ou de Luna, conduisant un char traîné par deux bœufs, qui descendent une montagne. Les chevaux du Soleil, ou du Jour, gravissent ordinairement une montagne ; et ceux de Diane, ou du Soir, en descendent une (François-Joseph-Michel Noël, Dictionnaire de la Fable, A-K, 1823 - books.google.fr).

L'Occident est un des quatre points cardinaux. C. Ripa le peint en vieillard, vêtu d'une robe de couleur brune, et portant une ceinture bleue, ou sont les signes des jumeaux, de la balance et du verseau. Une étoile, Vespérus, brille sur sa tête; et une bandelette lui serre la bouche, emblème du silence dont il ramène l'empire. De la droite il semble indiquer la partie du ciel où le soleil se couche, et de la gauche il tient des pavots. Des chauve-souris voltigent autour de lui; l'ombre de la figure parait s'alonger, et l'air s'obscurcir (François Joseph Michel Noël, Dictionnaire de la fable ou Mythologie grecque, latine, etc, Volume 2, 1803 - books.google.fr).

Chez Claudius Aelianus (Claude Élien ou Élien, surnommé Élien le Sophiste), historien et orateur romain de langue grecque du IIème-IIIème siècles, dans Varia Historia, on trouve les noms de Leucippe, Arsippe et Alcithoé et chez Antoninus Liberalis (grammairien et mythographe d'expression grecque du IIème-IIIème siècles) la dernière est appelée Alcathoé (Alison Keith, Dionysiac Theme and Dramatic Allusion in Ovid's Metamorphoses 4, Beyond the Fifth Century: Interactions with Greek Tragedy from the Fourth Century BCE to the Middle Ages, 2010 - books.google.fr).

Ovide n'en nomme que deux : Leucippe est appelée Leuconoé ; et Alcithoé (Walter Burkert, Homo necans, 1983 - books.google.fr).

Leucippe est un épithète de Diane dans Pindare, prise de son char attelé de chevaux blanc : leukos, blanc ; hippos, cheval. On dit aussi que le char de Diane était tiré par un cheval blanc et un autre noir. Arsippe, peut-être de arsis, élevé, ou de arsen, mâle et hippos, cheval d'où grand cheval ou étalon. Alcithoé ou Alcathoé, de alke, force, et thoo, prompt, d'où défence prompte (François-Joseph-Michel Noël, Dictionnaire historique des personnages célèbres de l'antiquité, des dieux, des villes, fleuves, 1866 - books.google.fr).

Force et cheval sont liés comme on peut le voir dans l'association du diacre Philippe avec la sephira Geburah dans (La Croix d’Huriel et pierres noires : Le Sceau de Palaja et les 7 diacres - books.google.fr).

Chez Plutarque, les filles de Minyas sont nommées Leucippe, Arsinoé et Alcathoa (Questions grecques, Oeuvres morales de Plutarque, traduites par l'abbé Ricard, Tome IV, 1785 - books.google.fr).

Le cheval blanc de Foncine, ou Pégase de Foncine, est un merveilleux cheval blanc ailé, propre à Foncine-le-Haut, Foncine-le-Bas et les Planches, qui formaient une communauté unique jusqu'en 1790. De nombreux témoignages sont relevés dans la région au début du XIXe siècle : le cheval apparait plus volontiers au crépuscule, « l'heure de toutes les apparitions merveilleuses », et de nombreux bergers affirment avoir eu le plaisir de voir « cet élégant coursier » blanc paître aux sources de la Saine, près de la grange de la Doye9, puis s'envoler avec « une admirable légèreté » vers la cime de la montagne sacrée, ce qui les a envahis d'une émotion indéfinissable (fr.wikipedia.org - Chevaux légendaires dans le Jura).

Près de Foncine se trouve le Mont Bayard, du nom du cheval des Quatre Fils Aymon.

Pégase, le cheval ailé né de l'union de Poséidon et de Méduse dans une prairie fleurie aux extrémités occidentales du monde, associées au soir, est destiné à passer des rives d'Okéanos à l'ouranos. Dans la trajectoire qui le porte entre les parties liminaires de la terre et du ciel, il arrive à l'Hélicon (Maria Rocchi, Le Mont Hélicon : un espace mythique, La Montagne des muses, 1996 - books.google.fr).

Borsippa

La terminaison de Borsippa fait fortuitement penser à hippos, le cheval.

Hipparenum, Ville d'Asie, dans la Mésopotamie, sur le fleuve Narraga, qui étoit un bras Occidental de l'Euphrate. Pline dit qu'elle était fameuse par la doctrine des Chaldéens ; & que les Perses en rasèrent les murailles. Le R. P. Hardouin croit que ce Narraga est le Maarsarès de Ptolomée; & qu'Hipparenum est Barsippa Ville que ce Géographie met sur les bords de ce fleuve & que Strabon, selon lui, nomme beaucoup mieux BORSIPPA ; d'où une des Secte des Astronomes Chaldéens prit le nom de BORSIPPENIENS (Antoine-Augustin Bruzen de La Martinière, Le Grand dictionnaire géographique et critique, 1732 - books.google.fr).

Jean Hardouin (1646 - 1729) est un jésuite et érudit français. Il a soutenu toute une série de théories paradoxales. La plus remarquable est, qu'à l'exception des œuvres d'Homère, d'Hérodote et de Cicéron, de l'Histoire naturelle de Pline, des Géorgiques de Virgile, et des Satires et des Épîtres d'Horace, tous les écrits classiques de la Grèce antique et de Rome étaient des faux, fabriqués par des moines du XIIIe siècle, sous la direction d'un certain Severus Archontius. Il niait l'authenticité de la plupart des œuvres d'art, des pièces de monnaie et des inscriptions anciennes, et assurait que les versions grecques de l'Ancien Testament (la Septante) et du Nouveau Testament étaient des fabrications tardives (fr.wikipedia.org - Jean Hardouin).

Plus récemment Hipparenum (oppidum Hipparenorum), latinisation faite par Pline, a été identifiée à Sippar ou à Nipur.

A Borsippa s'élevait la Tour de Babel :

On devine qu'un culte si constant et si respectueux envers les êtres divins avait dû avoir pour effet de remplir l'Assyrie de sanctuaires. Les textes épigraphiques mentionnent fréquemment l'érection de temples. Babylone en comptait un grand nombre; aucune inscription ne nous apporte à cet égard des informations plus précises que l'espèce de proclamation dite inscription de la compagnie des Indes, qui se lit sur un monument de Nabuchodonosor. Il y faut joindre, pour compléter les indications qu'elle fournit, l'inscription de Borsippa, émanant également du fils de Nabopolassar. Le roi rappelle dans ces textes les grands travaux qu'il a exécutés à Babylone, la construction des temples de Nébo, de Zarpanit, de Nana, de Ninip-Samdan, de Sin, d'Ao. Ces divers édifices étaient bâtis, nous dit l'inscription de la compagnie des Indes, en bitume et en briques. Les deux sanctuaires qui doivent nous intéresser le plus dans cette pompeuse énumération sont incontestablement le temple du Ciel et de la Terre et celui des sept Lumières de la Terre. Ce qui est dit du premier par les deux épigraphes nous y fait reconnaître la pyramide décrite dans Strabon sous le nom de Tombeau de Bëlus. Le mot tombeau employé par le géographe grec est manifestement la traduction de l'expression assyrienne lieu de repos, qu'on appliquait au sanctuaire d'une divinité. Divers témoignages anciens nous apprennent que ce temple fut détruit par Xercès. Il s'élevait dans la cité royale, et paraît en avoir été comme le temple métropolitain. Il était dédié à Mérodach, qui avait sa demeure, son lieu de repos, à la partie inférieure du monument. Un dôme d'or et de marbre, dont la voûte constellée était une image du firmament, surmontait le sanctuaire où se rendaient des oracles. Aux divers étages de la pyramide étaient placés d'autres sanctuaires consacrés aux principales divinités. Enfin au sommet s'élevait l'édifice que les textes épigraphiques appellent le temple des assises du Monde. L'autel de Mérodach, qui était d'abord en argent, fut refait en or pur par ordre de Nabuchodonosor. Les charpentes employées dans l'édifice étaient en bois de cyprès apporté du Liban. Une toiture en cuivre recouvrait le temple bâti à la cime de la pyramide, et en cela l'inscription cunéiforme est venue confirmer le témoignage du biographe d'Apollonius de Tyane. Les ruines de cet édifice, restauré si magnifiquement par Nabuchodonosor, subsistent sous le nom de Babil, qui n'est autre que celui de Babylone, car dans les inscriptions cette cité est appelée Babilou; c'est la Babel de la Bible. Les signes idéographiques qui servent à écrire le mot prouvent qu'il signifiait porte d'Ilou, c'està-dire porte de Dieu. L'étymologie consignée dans la Genèse, qui explique Babel par confusion, n'a donc pas de valeur: il faut voir là une de ces interprétations forgées après coup, comme il y en a tant dans les écrits des anciens; mais, si Babel veut dire porte de Dieu et non confusion, cela n'infirme pas pourtant la réalité de la tour elle-même et de la tradition qui s'y rattachait. Au contraire l'inscription de Borsippa dépose d'une manière éclatante en faveur de l'authenticité de cette tradition. La fameuse tour y est mentionnée sous le nom de Temple des sept Lumières de la Terre auquel se rattache le plus ancien souvenir de Borsippa. Or le nom de ce quartier de Babylone, devenu ensuite une ville à part, signifie d'après le Talmud confusion des langues, sens conforme aux données du vocabulaire assyrien. Nabuchodonosor dit que ce sanctuaire, dont M. Oppert établit l'identité avec la tour à étages décrite par Hérodote, avait été bâti par un roi antique que quarante-deux vies humaines séparaient de lui; « mais ce roi, continue le monarque babylonien dans l'inscription de Borsippa, n'en éleva pas le faîte; les hommes avaient abandonné les travaux depuis les jours du déluge, proférant leurs paroles en désordre... Le tremblement de terre et le tonnerre avaient ébranlé la brique crue, avaient fendu la brique cuite des revêtemens; la brique crue des massifs s'était éboulée en formant des collines. Le grand dieu Mérodach a engagé mon cœur aie rebâtir. Je n'en ai pas changé l'emplacement. » Si M. Oppert a bien saisi le sens de ce curieux passage, la tour de Babel est ici clairement désignée, et l'inscription de la compagnie des Indes nous en fournit d'autre part la description. « Pour étonner les hommes, s'écrie le même Nabuchononosor, j'ai refait et renouvelé la merveille de Borsippa, qui est le temple des sept sphères du ciel et de la terre. J'en ai élevé le faîte en briques que j'ai couvertes de cuivre; j'ai plaqué de rangées alternantes de marbre et d'autres pierres le sanctuaire mystique de Nébo. » La tour où le roi babylonien avait, comme dans la pyramide, épuisé en quelque sorte tous les genres de décorations, n'a pas complètement disparu du sol; les ruines en subsistent, ainsi que celles du tombeau de Bélus (Alfred Maury, Ninive et Babylone, Revue des deux mondes, 1868 - books.google.fr).

Près des temples, il y avait des lieux élevés appelés « Ziggurat » formés d'étages cubiques superposés, reliés entre eux par des escaliers extérieurs. « Les Etages des Sept Sphères à Borsippa » [ou "maison des sept conducteurs du ciel et de la terre] étaient consacrés aux sept planètes et chaque étage supérieur se trouvait en retrait par rapport à l'étage inférieur et était peint d'une couleur symbolique : L'étage supérieur, consacré au soleil, était d'or ; le sixième étage, consacré à la lune, était d'argent le cinquième à la planète Mars, écarlate ; le quatrième à Mercure, bleu ; le troisième à Jupiter, pourpre ; le second à Vénus, blanc, et le premier à Saturne, noir (Demeter Gérard Roger Serbanesco, Histoire de la franc-maconnerie universelle, son rituel, son symbolisme, Volume 1, 1963 - books.google.fr).

La Tour de Borsippa, avec ses sept étages considérés comme la demeure des sept planètes et son soubassement où réside le dieu uranique et cosmique [Anou] qui les embrasse toutes, est une image du ciel visible, de l’hémisphère supérieur et lumineux. La consécration de l’assise la plus haute de la Tour de Borsippa au Soleil, indiquée par son revêtement d’or, qui la fit regarder par les Grecs d’une certaine époque comme un temple d’Apollon. Strabon (XVI, p. 739) et Arrien (ap. Steph. Byz. v. Borsippa) disent qu’il y avait à Borsippa de grandes fabriques de toiles, d’où venaient probablement les célèbres étoffes de Babylone, et un grand sanctuaire d’Apollon et d’Artémis, autour duquel était groupée une école de prêtres chaldéens (François Lenormant, Essai de commentaire des fragments cosmogoniques de Bérose d'après les textes cunéiformes et les monuments de l'art asiatique, 1871 - books.google.fr).

Borsippa est une ville sainte, consacrée à la fois à Artémis et à Apollon, c'est aussi le centre d'une grande fabrication de tissus de lin. Les chauves-souris abondent à Borsippa, et nulle part elles ne sont d'aussi grande taille. On les prend et on les sale pour les manger (Géographie de Strabon, Volume 3, traduit par Amédée Tardieu, 1880 - books.google.fr).

L'assimilation de Nabou a Hermès dut être revisée et acceptée par les Stoïciens, encore qu'elle eût été faite a la légère. Comme Ninib, Nabou est un dieu déchu. Jadis le premier a Borsippa, il avait dû céder la primauté à Mardouk, le favori des Babyloniens. Comme Ninib, il était aussi un dieu fécondant, mais avec bien des restrictions. Sa planète, rarement observable dans nos climats, était pour les Chaldéens un brasier auquel ils prodiguent les épithètes de « défavorable », « incendiaire », « récalcitrant », « ennemi », « méchant», « léopard », « renard », etc. Le renard fait songer à l'artificieux Hermès, et il ne faut pas oublier non plus que l'Hermès psychopompe, le pourvoyeur des bûchers et des enfers, était aussi un dieu redouté; mais il est certain, d'autre part, que les astrologues grecs ont fait prédominer dans le type d'Hermès—Mercure l'ingéniosité réfléchie et et l'art de charmer par la parole, aptitudes qui ne vont guère à l'"Etincelant" chaldéen (A. Bouché-Leclercq, L'Astrologie Grecque, 1899 - books.google.fr).

A Nabou, dieu de l'écriture, le scribe par excellence, et par suite le dépositaire de toutes les sciences, revenait la fixation des destins. Nabou rappelle assez bien l'égyptien Thot (M. Delcor, Religion D'Israël Et Proche Orient Ancien: Des Phéniciens Aux Esséniens, 1976 - books.google.fr, Gustave Bardy, Les religions non-chrétiennes, 1949 - books.google.fr).

L'assimilation de Nabou à Apollon par les Grecs était due sans doute à ce que Nabou, comme Apollon, était le dieu des oracles et de la sagesse (Francesco Pomponio, Nabû: il culto e la figura di un dio del pantheon babilonese ed assiro, 1978 - books.google.fr).

La parèdre de Nabou à Babylone était Nana, qui a des rapports d'affinité avec Hécate; elle paraît représenter la lune dans ses trois phases. on peut présumer que le soleil hyperboréen, le soleil de la gauche ou du nord, est réellement Nébo. Dans ce cas, Nébo est en même temps l'inspecteur des légions du ciel et de la terre, personnifié dans l'astre du jour, pendant son absence du firmament (Fulgence Fresnel, Expédition scientifique en Mésopotamie: 1851-1854, 1863 - books.google.fr).

Sa parèdre est aussi parfois Tasmôt, dont le nom (pour tasmétum) personnifie l'acte d'entendre les prières.

La mythologie des Chaldéens se rapproche beaucoup de celle des Phéniciens, et diffère notablement, dans le principe, du mazdéisme ou religion de Zoroastre. Cet élément lui est complètement étranger dans l'origine. Du mélange des anciennes doctrines sémitiques et du dualisme des Bactriens se sont formées postérieurement les croyances des Sabéens ou Chrétiens de saint Jean. La mythologie véritablement chaldéenne repose d’une part, sur l’astronomie et sur l'astrologie, de l’autre sur l'observation de la nature ; et si les Babyloniens s’occupèrent surtout du ciel, ils n’oublièrent pas les forces créatrices de la terre. Nous devons dire ici que les savants chaldéens eux-mêmes se divisèrent en écoles : nous en connaissons surtout quatre : celle de Babylone, proprement dite; de Borsippa (faubourg de Babylone où était la tour); de Sippara et d’Orchoë. Il est très-difficile de débrouiller les diverses doctrines que les Grecs ont attribuées aux Chaldéens, parce que souvent ils y ont mêlé des idées étrangères au chaldaïsme. Ainsi, ils ont confondu quelquefois les notions des prêtres babyloniens et des mages ariens, et identifié ces deux castes religieuses, qui sont pourtant profondément séparées. Il est sûr que les Chaldéens admettaient un être suprême, Ao Kan (peut-être l’origine du grec Okeanos), et qu’Eusèbe (Demonst. evang., l. m) nomme le feu principe. Les Chaldéens ont inventé le Zodiaque de douze signes dont chacun, selon Diodore, (liv. II, ch. 21), était présidé par une divinité supérieure. Les noms de mois, adoptés par les Juifs et les Chrétiens d’Orient, semblent également devoir leur origine aux sages de la Babylonie. Diodore continue : «Le monde planétaire des Chaldéens passe par ces douze signes; mais le soleil achève ce chemin dans un an, et la lune le fait dans un mois; chaque planète a sa période particulière, et leurs révolutions se font avec de grandes différences de temps et de grandes variations de vitesse. Les Babyloniens admettaient une année de 365 jours ; nous avons des calendriers ninivites qui le prouvent, mais il n’est pas sûr qu’ils aient connu exactement la longueur de l'année sidérale de 365 jours 6 heures 11 minutes, comme le prétend l'astronome arabe Albateni. Toutefois, ce sont eux quiont inventé, d’après Hérodote (liv. 11, ch. 108), le pôle et le gnomon, dont le premier était, selon Athénée, un instrument qui servait à préciser le temps exact du solstice. D’après le père de l'histoire, les Babyloniens partagèrent les premiers, en douze parties, le jour, c’est-à—dire la moitié de la période de rotation. Comme ils divisaient l’année en 12 mois et ces mois en 60 parties; ainsi ils subdivisèrent chacune de ces dernières en 12 heures, et chaque heure en 60 minutes (Encyclopédie du dix-neuvième siècle, Volume 5, 1870 - books.google.fr).

Artemis accoucheuse, modéle de sainte Marguerite

Danielle Montet-Clavié, (« Socrate, la jeune fille et la mort ») met en relation la chasteté de Socrate qui accouche les âmes avec la virginité d’Artémis, et le philosophe avec le miroir de la korê où il se perçoit (ou se contemple) (Agnès Fine, Claudine Leduc, Le grief, une expérience de recherche interdisciplinaire, 2012 - clio.revues.org).

La loi d'Artémis conjoint stérilité et maïeutique, dans une double entente des attributs de la Koré : derrière la stérilité virginale à laquelle se trouvent rendues les sages-femmes, la Koré/pupille renouvelle la scénographie de la maïeutique qui relève d'une opération au miroir. L'interlocuteur, livré aux questions de Socrate, se voit soumis à une épreuve impitoyable : aux propos fruits de vie, le «parturient» devra attention et vigilance, mais les avortons mal venus lui seront arrachés. En d'autres termes, la sélection opérée par Socrate sépare les produits où l'âme peut se reconnaître, des simulacres, des faux semblants où elle se perd. Opération blanche si elle ne s'accompagne pas de l'aveu de l'interlocuteur, convoqué à s'y reconnaître, à se reconnaître. La maïeutique, placée sous la loi d'Artémis, constitue une autre version du «connais toi toi-même», illustrée par l'expérience de la Koré/pupille. (Danielle Montet-Clavié, Socrate, la jeune fille et la mort, Générations de vierges, 1987 - books.google.fr).

De très bonne heure déjà, le nom de Marguerite fut donnée à la brillante constellation d’Ariane, la lucide couronne boréale qui disparaît du ciel vers l’époque de la fête de sainte Marguerite. Souvent cette sainte est invoquée comme la céleste perle, l’étoile lumineuse de la chasteté. Elle protége la jeune fille qui s’adresse à elle en un moment où la séduction met en danger le plus précieux trésor qu’une femme puisse posséder. Elle éloigne des champs les fléaux destructeurs qui font périr les récoltes. Elle bénit le travail de la fileuse qui implore son assistance, aussi longtemps que celle-ci n’abandonne pas la voie de l’honneur. Elle indique des richesses cachées sous terre, à la veuve éplorée qui erre dans un bois avec ses enfants, après avoir vu tuer son mari, piller et ineendier son habitation par une féroce soldatesque, etc., etc. Avant tout, Marguerite est la compatissante patronne des femmes à l’heure périlleuse de l’accouchement. La légende dit qu’au moment où elle devait être décapitée, elle demanda au bourreau le temps de faire une oraison, qu’elle pria alors pour elle et ses persécuteurs,- ajoutant que toute femme en couche qui l’invoquerait enfanterait sans danger. A quoi une voix du ciel répondit : Tes prières seront exaucées (Dr Coremans, La Belgique et la Bohême sous le rapport des traditions etc., Revue d'histoire et d'archéologie, Volumes 3 à 4, 1862 - books.google.fr).

Vous vous rappellerez d'abord que Sainte Marguerite tire de la tête du Dragon qu'elle a tué, une escarboucle, emblème éclatant de l'étoile brillante de la couronne boréale (margarita); et que l'escarboucle, dont Ovide orne le portique du palais du soleil, étoit en effet consacrée à cet astre, à cause de sa couleur d'un rouge flamboyant (Aubin Louis Millin, François Noel, Israel Warens, Magasin encyclopédique: ou Journal des sciences, des lettres et des arts, Volume 1, 1812 - books.google.fr).

Enfin, elle porte aussi le nom de korè, Pupilla que les Grecs donnoient à la fille de Cérès, & qu'on a traduit par Puella, parce qu'effectivement korè en grec a cette double fignification (Charles Dupuis, Mémoire sur l'origine des constellations et sur l'explication de la fable par le moyen de l'astronomie, 1781 - books.google.fr).

Les miroirs voient, et qu'inversement, bien entendu, les yeux sont comme des miroirs (l'argot dit des «mirettes»). Ce sont des miroirs actifs évidemment, puisque ici l'image voit. Mais c'est le cas de toute image qui, au fond, nous regarde lorsque nous la regardons. Toute la pensée « folklorique » est pénétrée d'idées de ce genre, mais également la pensée « savante » antérieure au XVIIe siècle, et celle qui la suit lorsqu'elle se détourne du modèle cartésien. Dans cette structure - en miroir ! -, symbolique en quelque sorte de la réciprocité sujet/objet, la possibilité du ma- locchio se trouve finalement inscrite. Un mot dit bien structure : c'est le mot pupille, pupilla en latin, « petite fille » ou « petite poupée » (on trouve aussi pupus, « petit garçon », au même sens de «pupille»). En grec, koré (ou kouré) a le même sens. La même appellation se retrouve en hébreu, en sanscrit. L'espagnol ninas de los ojos est très explicite. Mais déjà dans l'Egypte ancienne, la pupille est appelée « la jeune fille qui est dans l'œil ». Si on considère que c'est la pupille qui voit [pupilla peut signifier «œil»), c'est bien parce qu'elle est un miroir où nous nous reflétons en petit. Pline dit bien : « Les yeux sont un miroir si parfait que cette pupille toute petite rend l'image entière d'un homme » (Pline, Hist. nat. : XI, ch. 53). Pour beaucoup d'auteurs anciens, c'est par l'image reflétée ainsi dans la pupille que nous voyons. Il est à craindre cependant qu'ils aient été mal compris par les lecteurs modernes, postcartésiens. Car dire que nous voyons par les images qui se forment sur la pupille (ou ailleurs dans l'œil aussi bien) ne signifie pas nécessairement que nous voyons par une inspection de l'esprit sur ces images, mais peut vouloir dire que ce sont les images elles-mêmes qui voient. Mais si elles voient, c'est qu'elles ont une âme, une psukhè. De fait, il y a une « âme pupilline », qui est aussi une âme-image. Mais de qui est-ce l'âme ? La question se pose, dans la mesure où cette image est en nous celle de l'autre, la pupilla, comme elle est, en l'autre, la nôtre. La réponse ne peut qu'être ambiguë. En témoigne ce passage de l'Alcibiade de Platon où, pour illustrer le fameux « connais-toi toi-même », Socrate évoque précisément l'idée que la pupille, siège de la vertu visuelle de l'œil, est elle- même un miroir où l'œil, notre œil, se connaît lui-même en regardant l'œil de l'autre, comme l'âme se connaît elle-même en regardant une autre âme, au point où réside sa vertu propre. Je sais que je vois en me voyant voyant dans dans l'œil de l'autre, qui me voit voyant en se voyant lui-même en train de voir... Vertigineux jeu de miroirs ! En fait, il y a là quelque chose d'assez terrifiant, qui nous fait penser à ce qu'écrit Jean-Pierre Vernant au sujet du visage de la Gorgone : « La face de Gorgô est l'Autre, le double de vous-même, l'Etrange, en réciprocité avec votre figure comme une image dans le miroir (ce miroir où les Grecs ne pouvaient se voir que de face et sous forme d'une simple tête), mais une image qui vous happerait parce qu'au lieu de vous renvoyer seulement l'apparence de votre propre figure, de réfracter votre regard, elle représenterait, dans sa grimace, l'horreur terrifiante d'une altérité radicale, à laquelle vous allez vous-même vous identifier en devenant pierre » (Vernant 1985 : 81-82). Mais ce risque d'être fasciné et pétrifié par la Gorgone est inclus dans l'identification à l'image dans le miroir, identification à l'autre côté où derrière son visage se dessine aussi celui de la Mort (Max Caisson, La science du mauvais oeil (malocchio), Le regard, 1998 - books.google.fr).

La valeur funéraire du cheval solaire, « astral» et psychopompe, est une constante archaïque [...] En tant que signe cultuel pénétré de présence divine, la religion honore le cheval de son mieux et l'attitude initiale est commune à tous les « primitifs » : sans qu'il faille parler de totémisme en matière de religion, le zoomorphisme a toujours et naturellement précédé l'anthropomorphisme, et le cheval des Celtes, pas plus que celui des Grecs, n'a jamais'été l'attribut d'une divinité, mais a toujours participé à l'essence profonde de la divinité elle-même. Le cheval est dieu. En Grèce, Poséidon hippios, autre très vieux produit du monde méditerranéen, grec et préhellénique, associé à l'Artémis hippia a été dieu des abîmes et des morts avant de se voir confiné au monde marin, tandis que les traits chtoniens abondent chez toutes les déesses « chevalines », assez nombreuses, de la tradition grecque. Artemis polos est la déesse des revenants; la Gorgone, monstre auquel, seul, Poséidon avait osé s'unir, est la mère de Pégase, cheval ailé ; Artémis potnia hippôn a donné le «dompteur de chevaux» de la côte hellénisée de l'Ibérie (Françoise Le Roux, Le cheval divin et le zoomorphisme chez les Celtes, Ogam, Volumes 6 à 7, 1954 - books.google.fr).

La Description de la Grèce de Pausanias atteste que Pégase était une figure ornementale dans l'art antique : à Corinthe, où l'on rendait un culte héroïque à Bellérophon, une statue de ce héros et du cheval Pégase décorait le temple de Poséidon. « La plus remarquable des fontaines de Corinthe » était un Bellérophon placé auprès d'Artémis, monté sur Pégase, l'eau sortant d'un sabot du cheval (fr.wikipedia.org - Pégase).

Monté sur Pégase, Bellérophon combat la Chimère qui a donné son nom à un recueil de Nerval.

Artémis et les sept dormants

Majeure en Asie Mineure, Ephèse est marquée du sceau indélébile d'Artémis - sœur jumelle d'Apollon et vierge éternelle -, dont l'emblème fut l'Artémision, quatrième des sept merveilles du monde. Un temple gigantesque dédié à la déesse dans lequel les anciens vivaient des nuits rituelles d'incubation, propices au sommeil sacré et divinatoire. L'oniromancie était alors une science sûre. On venait là en pèlerinage, comme d'autres allaient consulter l'oracle des sanctuaires apolliniens de Delphes ou de Délos. Toujours cette pulsion du voyage pour connaître et comprendre, toujours cette même quête de sens.

Au centre de l’édifice, s’élevait l’immense statue de la déesse mère, aérolithe couleur ivoire, affublée d’une grappe de seins, poitrine d’abondance et de fécondité. Artémis est-elle Cybèle ? Elle en a tout l’air, et certainement plus que la sobre et svelte Diane romaine. Ses mystères fascinaient. Artémis Ephésia en imposait avec sa ribambelle d’animaux, dont sa meute de treize chiens offerte par le dieu Pan.

Artémis Ephésia en imposait avec sa ribambelle d’animaux, dont sa meute de treize chiens offerte par le dieu Pan. Dans les décombres, une seule colonne subsiste sur les cent dix d’autrefois parmi lesquelles des prêtres et des vestales affairés, des gardes immobiles, et puis des dormeurs étalés dans le coymeterion/dortoir, ancêtre du mot cimetière. Le sommeil (Hypnos) n’est-il pas le frère de la mort (Thanatos) ? Ephèse est un lieu habité, une piste d’envol pour l’imaginaire. Impossible d’en cerner la profondeur. Sa charge mythologique est insondable, “vertiginale”. “Terre onirique d’Ephèse”, disait Louis Massignon. Mais Ephèse fut aussi berceau du christianisme naissant. Saint Paul y fit brûler le célèbre traité d’Artémidore (qui sera même traduit en arabe) sur l’interprétation des rêves. Dans un coin de garrigue d’une colline voisine, saint Jean transcrivait son Apocalypse, suite au rêve fulgurant qui l’avait foudroyé dans une grotte sur l’île de Patmos. Ce faisant, il veillait aussi sur Marie, que Jésus lui avait confiée sur le Golgotha. Et justement, c’est à Ephèse qu’elle sera à jamais proclamée Théothokos, “mère de Dieu”, lors d’un fameux concile. D’elle à la déesse mère, il n’y a qu’un pas. Marie habitait un sommet qui domine Ephèse et d’où l’on voit le bleu de la mer. Sa maison fut miraculeusement retrouvée au XIXe siècle grâce aux visions extatiques de la stigmatisée de Dülmen, Anne-Catherine Emmerick. Lieu de la “Dormition” de la Vierge, “Assomption” dit-on en Occident, le Panaya Kapulu est aujourd’hui un sanctuaire marial fréquenté par des milliers de pèlerins chrétiens et musulmans. Cette montagne était initialement dédiée au culte de Léto, la mère d’Artémis. La montagne est définitivement maternelle. Dans son exil de Palestine, la mère de Jésus était accompagnée de Marie de Magdalana – premier témoin de la Résurrection –, qui aurait été clandestinement inhumée à Ephèse, quelque part sur le versant nord du mont Piôn. Du moins est-ce ce que laisse entendre l’étonnante histoire des Sept Dormants (Manoël Pénicaud, Il était une fois les sept dormants d'Ephèse, La pensée de midi, Numéros 20 à 22, Actes Sud, 2007 - books.google.fr, Le Serpent rouge : Le messianisme des 7 boules de cristal : Alexandre le Grand).

Une autre tradition place la mort de Marie à Jérusalem. Une de ses tombes s'y voit au pied du Mont des Oliviers, dans l'église de l'Assomption : l'Assomption, après la Dormition, c'est le "vol" de la neuvième strophe d'un cantique destiné aux pèlerins de Notre Dame de Marceille qui parle aussi de Serge-Paul venu dans la région. Le "Jadis vers nos rives" porterait non sur Marie, qui, ainsi, ne serait pas Marie-Madeleine, mais uniquement sur Serge-Paul (Catherine Pierdat, L'Île Sacrée, 2013 - books.google.fr).

L'abbé Henri Boudet écrit que Marceille viendrait de Marsilla, à rapprocher de Marseille où les reliques des Sept Dormants auraient été transférés. Ceux-ci sont fêtés le 27 juillet dans l'octave de la fête de Marie-Madeleine (22 juillet) (Entre Orient et Occident: la légende des Sept Dormants, 2007 - books.google.fr).

La polymastie constitue donc une autre manière de représenter la lactation surabondante sacrée. On la rencontre avec l’Artémis grecque à multiples mamelles. D’origine anatolienne et héritière du culte de Cybèle, cette déesse vierge est polymaste à Éphèse (et ailleurs). Les Byzantins orthodoxes connaissent pour leur part un type de Vierge appelé Panagia Platytera « au sein plus large que l’empyrée » illustrant un texte de saint Basile « où il est dit que Dieu a créé le sein de la Vierge assez vaste pour contenir le Christ incarné ». Mais il s’agit ici de la poitrine ou du torse en général qui porte en surimpression un médaillon contenant le Christ (Réau 1957 : II, 2, 72).

Investissant l’espace sacré, l’Église a aussi balisé le calendrier en plaçant une sorte de cordon sanitaire de fêtes lactogènes et purificatrices chrétiennes autour du 1er février, date correspondant à l’ancienne fête celtique d’Imbolc dans l’Irlande préchrétienne, fête comportant notamment, comme les Februaria romaines, des rituels de purification (lustratio). Une étymologie ancienne, sans doute analogique, assimilait en effet Imbolc au temps de la « lactation des brebis ». C’est ainsi qu’au 1er février, on trouve la Sainte-Brigitte, patronne des nourrices, au 2 la Chandeleur ou fête de Purification de la Vierge, dite aussi populairement N.-D. de Bon Lait ; le même jour, la « Lactation de Saint-Bernard », le 4 la fête de Véronique, sainte qui, dit-on, apporta du lait de la Vierge à Soulac ; enfin et surtout, le 5 la Sainte-Agathe, fête des nourrices dans de nombreuses provinces.

Cela n’empêchait d’ailleurs pas la tradition d’attribuer parfois une origine beaucoup plus ancienne à ces laits virginaux. Ainsi, à la chapelle N.-D. du Lait à Cadalen (Tarn), la tradition locale affirmait que du lait de la Vierge avait été rapporté soit par sainte Véronique, soit par sainte Marthe ou sainte Marie-Madeleine après leur débarquement en Provence (Bidault de L’Isle 1952 : I, 582). Il en était de même à l’abbaye de Soulac appelée N.-D. de la Fin des Terres ou N.-D. de Soulac (-sur-Mer) (Gironde), où dans la chapelle bâtie pour la Vierge par saint Martial l’on connaissait une dévotion à N.-D. du Saint-Lait, c’est-à-dire au lait – d’aucuns disaient même à la dernière goutte de lait – de la Vierge qui était censée avoir été apportée, selon Grégoire de Tours, dans une fiole par sainte Véronique (donnée dans ce cas comme la femme de Zachée-saint Amadour de Quercy, saint éponyme de Rocamadour) (Nègre 1975 : 21). Une pseudo-étymologie savante interprétait d’ailleurs ce nom en Solum lac « Seule goutte » en le rattachant à cette légende. Véronique aurait aussi donné du lait à Mende et à Clermont (Réau 1957 : II, 2, 61).

N.-D. du Lait est le nom populaire français d’une Vierge du Rosaire à La Cassaigne (Aude). Une plaque située à la base de la statue lui donne aussi le nom mi-français mi-occitan de Nostro-Dame-del-Lait, tandis qu’un document écrit l’appelle Nostro-Damo-de-la-Lait. À noter que N.-D. du Lait est l’équivalent français de l’italien Madonna del Latte (Lionetti 1988 : 27 et passim) (Jacques E. Merceron, Les « Notre-Dame de Bon Lait » : dévotions, rituels et antécédents préchrétiens, Espaces thérapeutiques, saints guérisseurs et autres intercesseurs, 2005).

L'allaitement miraculeux de saint Bernard par la Vierge, connu sous le nom de lactation de saint Bernard, fut longtemps fêté, le 13 mai, dans l'ordre de Cîteaux. Absent des premières biographies du saint, ce miracle circule en Occident des la fin du XIIIe siècle. Boisson céleste, le lait virginal permet la croissance dans la foi et procure science et don de prédication : le Ci nous dit, composé entre 1313 et 1330 par un clerc soissonnais, rapporte comment, alors qu'il s'était endormi en priant Notre-Dame, Bernard fut réveillé par la Vierge qui l'allaitait « lui enseignait la divine science ». (Julie Roux, Cîteaux : l'ordre, son histoire, ses abbayes, 2006 - books.google.fr).

En raison de l'assimilation phonétique de son nom avec des mamelles, saint Mamet (Mamert) était imploré par les mères désireuses d'avoir du lait. En remerciement, elles offraient des seins de cire aux chapelles abritant le patron des nourrices (Gavroche, Numéros 37 à 48, 1988 - books.google.fr).

Il y a une chapelle rurale Saint Mammès située à un kilomètre à l'ouest du village de Villeneuve-Minervois, en bordure de la route qui la relie à Sallèles-Cabardès. Ce lieu culte est très ancien puisque la première mention figure sur un diplôme du roi de France, Eudes, en date du 30 décembre 889. Trois cents ans plus tard, il reçut une réplique du Saint et porta ce nom jusqu'à nos jours. Les plaques de reconnaissances et les ex-voto exposés dans l'édifice il y a quelques années encore, témoignent de la grande renommée qu'a eu cette chapelle jusqu'à nos jours (www.villeneuve-minervois.com - Patrimoine).

L'Aude et Artémis

Villepinte : secteur du Bélier

La place de Villepinte, ancienne Aricia, dans le Bélier, est justifié par la liaison astronomique entre ce signe et celui de Cocher, image d'Hippolyte qui se réfugia à Aricie.

Hippolyte (híppos, « le cheval » et luein, « délier », donc « dont les chevaux sont déliés, courent à bride abattue ») est le fils que Thésée a eu d'Antiope ou d'Hippolyte, selon les versions, toutes deux étant reines des Amazones. Hippolyte est remis à sa naissance à sa grand-mère paternelle Éthra de Trézène, dont le père Pitthée, qui est reconnu pour sa sagesse, l'élève tandis que Thésée se remarie quelque temps plus tard avec Phèdre. Vice-roi, Hippolyte voue un culte particulier à Artémis. Mais Aphrodite, jalouse de cette adoration et de le voir mépriser l'amour, décide de se venger : elle rend Phèdre, sa belle-mère, amoureuse de lui. Étant repoussée, Phèdre se suicide de désespoir, en laissant à son mari une lettre dans laquelle elle accuse Hippolyte de lui avoir fait violence. Thésée, prêtant foi à cette lettre, maudit Hippolyte. Il demande à Poséidon, qui lui doit trois vœux, de tuer son fils. Hippolyte part en exil sur son char le long de la côte de Trézène. Il voit alors sortir de l'écume blanche des flots un monstre à forme de taureau et de serpent qui affole les chevaux. Déstabilisés, ceux-ci s'emballent et font se renverser le char, tuant Hippolyte. Plus tard, Thésée apprend la vérité par Artémis, laquelle rend semble-t-il la vie au jeune homme avec l'aide d'Asclépios. Hippolyte refuse de vivre avec son père. Artémis cache son protégé dans un bois sacré en Italie et lui fait épouser Aricie, change son nom en Virbius (« deux fois homme ») et interdit aux chevaux d'approcher du sanctuaire. Il devient roi, dans le Latium près du lac de Némi, où il institue le culte de Diane Aricine (Artémis).

Les habitants de Trézène rapportent qu'Hippolyte est devenu la constellation du Cocher (fr.wikipedia.org - Hippolyte fils de Thésée).

Les valeurs astrologiques de la formule sont multiples. Le mot de "troupeau" (grex) est employé ici en partie au sens propre, en partie au sens figuré. Au sens figuré le mot désigne les douze signe du Zodiakos "cycle de petits êtres animés", qui est composé, il est vrai, pour la plus grande partie d'animaux, mais abrite aussi quatre figures humaines (Gémeaux, Vierge, Verseau, porteur de la Balance) et une figure semi-humaine (le Sagittaire centaurique). S'y ajoute l'emploi au sens propre, car c'est probablement par esprit de géométrie que la source de Manilius a fait se lever avec la deuxième moitié du Bélier des constellations justement de bétail : les deux Chevreaux (Haedi) situés sur l'épaule du Cocher se lèvent avec Aries 20°, les Hyades, interprétées selon l'étymologie (us) comme de petits cochons (Suculae) avec Aries 27° et la Chèvre (Capella) située sur le bras du Cocher, avec Aries 30°. Voilà tout un troupeau de bétail qui accompagne le premier signe du zodiaque (Wolfgang Hübner, Vir gregis, Le monde et les mots: mélanges Germaine Aujac, 2007 - books.google.fr).

Cupserviès : secteur des Gémeaux

A l’emplacement de la chapelle Saint-Sernin de Cupserviès fut trouvé jadis un cippe (petit autel dédié à une divinité). Son inscription latine était une dédicace à Diane (« DIANAI »), la déesse romaine des forêts et des bois. L'église Saint-Sernin est une église située dans la commune de Labastide-Esparbairenque (polymathe.over-blog.com, fr.wikipedia.org - Saint-Sernin de Cupserviès).

Val de Dagne : secteur de la Balance et du Scorpion

À deux lieues (Est) de Carcassonne, on rencontre au milieu des montagnes qui forment les contreforts des Pyrénées, une vallée connue sous le nom de Val-de-Dagne. Elle se trouve à une demi-lieue du Mont-Alaric, qui est auprès de la grande route de Carcassonne à Narbonne. Le nom de Val-deDagne pourrait bien dériver, comme on l'a dit, de Vallis Dianœ, de même que Ville-Dagne, lieu voisin de Narbonne, aurait d'après Astruc la même étymologie.

Le nom de Val-de-Dagne aurait-il été donné parles Gaulois eux-mêmes, comme l'avait été celui des Ardennes, à une forêt consacrée à Diane ? Il paraît du reste que le culte de Diane était très-ancien chez les Gaulois, puisque le nom d'Arduinna qui est d'étymologie gauloise a précédé de beaucoup la conquête romaine (Gruterus, pag. 900; D. Jacques Martin , De la religion des Gaulois).

Cette vallée était appelée Acquitanica dans les nombreux actes de donations faites au monastère de Sainte-Marie d'Orbieu au commencement du IXe siècle. Sans doute qu'à cette époque les coteaux qui l'avoisinent étaient tous garnis de forêts; alors les sources étaient plus abondantes qu'elles ne le sont à présent, et lui valaient le surnom d'Acquitanica. Cette vallée renferme plusieurs lieux dont la nomenclature est donnée par une charte de l'an 111O : In valle Acquitanica : Rivum, Faverium, Villarium, Archas, Servianum, Villatritols, Taurisanum, Pradellas, Comellas; ces noms ont été conservés. Aucun des hameaux, villages ou métairies qui viennent d'être désignés, n'a été placé dans la partie la plus basse de la vallée qui serait habitable aujourd'hui, mais qui était autrefois une espèce de lac. Servianum, Servies, se trouve à l'entrée de la Val-de-Dagne. C'est sans doute pour perpétuer un jeu de mots, que le rebus suivant est gravé sur une croix qu'on trouve à l'entrée du village : un cerf et au milieu du champ d'un écusson; je vois là une œuvre capricieuse à laquelle je n'attribue aucune valeur historique (J. P. Cros, Torques-cercles gaulois trouvés à serviès en val le 18 juillet 1839 - books.google.fr).

Alet : secteur du Capricorne

Les montagnes qui dominent Alet sont en général assez élevées. Du sommet de celle appelée le Pech-de-Brau , on plane sur une immense étendue de pays et sur une grande partie du département de l'Aude; l'œil découvre, à l'horizon, le pic de Bugarach, le Canigou, la chaîne des Pyrénées, les montagnes de Bigorre et le Pic du Midi, la ville de Toulouse, la Montagne-Noire, et, dans un cercle plus rapproché, Castelnaudary, Montréal, Carcassonne et Limoux. Près du cimetière d’Alet, on remarque les ruines d'un ancien édifice que l'on croit avoir été un temple dédié à Diane (Girault de Saint-Fargeau, Histoire nationale ou dictionnaire géographique de toutes les communes du département de l'Aude, ouvrage orné de cartes, de gravures, de portraits et de vignettes, 1830 - books.google.fr).

Le toulousain Du Mège voyait dans cet édifice un temple romain de Diane, et le carcassonnais J. Sacaze se ralliait à son opinion. Il est vrai que l'on venait de trouver, à proximité du village, des vestiges gallo-romains, une inscription taurobolique, des médailles, un relief funéraire avec invocation à Attis. Nul autre monument roman ne peut être comparé à l'abside d'Alet, si ce n'est Saint-Querrien de Vaison que l'on compara aussi... à un temple de Diane (!) ainsi que l'a observé M. Durliat qui ajoute : "l'erreur est digne d'attention, surtout lorsqu'il y a convergence dans les divagations". Il est certain que l'abside d'Alet présente de singulières ressemblances avec un monument antique, tant par son décor que par son architecture. Elle est construite selon un plan centré, à cinq pans, s'ouvrant latéralement pour se raccorder à la nef. A l'extérieur, les angles sont renforcés par des pilastres à triple ressaut supportant, aux deux-tiers de la hauteur, des colonnes engagées (André Bonnery, Sources de la sculpture romane en Languedoc, Les églises abbatiales de Caunes et d’Alet, Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, Numéro 24, 1993 - books.google.fr).

En 1841, Claude de Vic, Joseph Vaissete, Alexandre Du Mège écrivaient :

Deux portes ont été simulées dans la façade : sur la face méridionale, est une porte basse et cintrée; son archivolte décorée de sculptures, parmi lesquelles on a représenté des cerfs, a fait dire que ce monument, avait été consacré à Diane. L'apside actuelle aurait renfermé l'autel de la déesse. Cette opinion est refutée par l'aspect seul de l'édifice; les bas-reliefs qui décorent la porte, les fenêtres dont les archivoltes offrent toute l'ornementation en honneur au moyen-âge , les palmettes d'une forme peu gracieuse, le damier, les billettes, etc., montrent qu'il ne faut pas attribuer une origine antique à ce monument. C'est l'examen de l'apside qui a propagé l'erreur à ce sujet (Claude de Vic, Joseph Vaissete, Alexandre Du Mège, Histoire générale de Languedoc, Volume 4, 1841 - books.google.fr).

Quelques auteurs semblent disposés à admettre que cette église aurait été construite sur les ruines d'un ancien temple de Diane; mais c'est encore une de ces erreurs si communes dans une contrée où la légende fantaisiste a souvent pris la place de l'histoire (Louis Fédié, Le Comté de Razés et le diocèse d'Alet: notices historiques, 1880 - books.google.fr).

Cette petite station est actuellement connue par ses sources thermales, d'où le nom d'Alet-les-Bains. Déjà ces eaux alimentaient des thermes et un temple fut élevé à Rhéa du temps des Romains. La tradition du « fanum de Diane » s'est longtemps perpétuée et c'est peut-être elle qui sauva le monument de sa destruction au XIXe siècle (La cathédrale d'Alet, Archéologia, Numéros 42 à 50, A. Fanton., 1971 - books.google.fr).

La Dame Blanche de Puivert : secteur du Capricorne

Le bassin de Puivert, dont le fond de prairies surprend dans le paysage très mouvementé et boisé des confins du Plateau de Sault, était encore immergé au Moyen Age. Le lac, situé sur un affluent de l'Hers, se vida subitement en 1279, le 16 juin d'après la tradition, rupture de la retenue, provoquant une énorme et brutale crue de cette rivière et dévastant les villes de Chalabre et de Mirepoix, peut-être jusque là nommée Coassa, la ville nouvelle, transférée sur la rive gauche en 1289, fut bâtie autour du prieuré dont la «chapelle», déjà existante, occupa ainsi le centre.

La légende de la Dame ou Reine Blanche est racontée par Casimir Pont en 1872 (Casimir Pont, Histoire de la terre privilégiée anciennement connue sous le nom de pays de Kercorb, canton de Chalabre, 1872 - books.google.fr).

Il semble que la véritable date de la catastrophe est 1289, le samedi 16 juin, jour de la Saint Cyr.

Le château de Puivert surplombait un immense et merveilleux lac. Une illustre princesse aragonaise vint un jour au castrum sur l’invitation de Jean de Bruyère, maître des lieux. Celle-ci tomba sous le charme du château mais surtout du lac qui s’étendait sous les tours. De par son amour des lieux elle prolongea son séjour à Puivert et finit par s’y installer définitivement. La dame toujours de blanc vêtu, à tel point qu’on la surnommait « la dame blanche », vieillit paisiblement sur les bords de son lac. Peu à peu, elle eut des difficultés pour se mouvoir et prit l’habitude de s’installer dans une roche creusée en forme de fauteuil. Elle y passait là de longues heures à contempler le clapotis de l’eau, à s’émouvoir de la paix des lieux ou à s’émerveiller devant les couchers de soleil qui embrasaient le lac. Elle restait assise, là, sur son trône de pierre, entourée de ses gens.

Les jours de pluie, le siège de pierre se trouvait submergé et inutilisable pour la vieille princesse. Alors la dame blanche devenait mélancolique et regagnait le château.

Un jour, un jeune et beau page, proposa une solution à la princesse. En faisant une brèche dans la muraille qui retient les eaux, le niveau du lac s’abaisserait et la roche serait toujours sèche. Elle expliqua son projet à Jean de Bruyère, qui, ne pouvant rien lui refuser, entreprit les travaux. Malheureusement la brèche dans la pierre suffit à fragiliser suffisamment le roc pour que, sous le poids de l’eau, elle cède totalement (legende-et-realite.blogspot.fr - Therion, La légende du lac de Puivert, 2008).

Correspondant à cette époque, une princesse capétienne, fille de Louis IX, portant le prénom de Blanche peut faire l'affaire. Elle aurait pu être reine si son mari avait vécu. Blanche est né à Jaffa en 1253. Elle passera une partie de sa jeunesse au couvent des Clarisses de Longchamp fondée par sa tante Isabelle. Princesse de Castille, elle se réfugia en Aragon avant de retourner en France. Blanche de France mourut entre le 17 juin 1320 et le 7 juin 1322. Elle avait fait bâtir une partie de l’église du couvent des Cordelières de Lourcine (13e arrondissement). Elle se retira à proximité à la fin de sa vie et se fit enterrer au couvent des Cordeliers de Paris (6e arrondissement).

Guillaume de Saint-Pathus est un Cordelier, confesseur de Marguerite de Provence puis de sa fille Blanche de France. À sa demande, il rédige vers 1302-1303 une Vie de saint Louis et les miracles du roi d'après le dossier du procès de canonisation (fr.wikipedia.org - Blanche de France (1253-1320), Anne-Hélène Allirot, Isabelle de France, sœur de saint Louis : la vierge savante, Une étude de la Vie d'Isabelle de France écrite par Agnès d'Harcourt, 2005 - medievales.revues.org).

Gable de porte, Blanche agenouillée devant son père saint Louis - Musée Carnavalet - www.carnavalet.paris.fr

Alphonse X, roi de Castille, à qui son amour pour la science valut le surnom de sage, que ne méritait pas son caractère faible et inconstant, eut pour fils ainé Ferdinand, appelé de la Cerda, à cause d'une grosse touffe de poil qu'il avait sur les épaules. L'an 1269, ce jeune prince fut marié à Blanche de France, fille de saint Louis, avec une pompe et des réjouissances extraordinaires. Philippe le Hardi, frère de Blanche, Edouard, héritier d'Angleterre et le roi de Grenade, assistèrent à cet hymen. En 1275 Ferdinand, alors régent de Castille en l'absence de son père, mourut à VillaReal ; on le regretta vivement, car il donnait les plus belles espérances. Il laissa deux orphelins en bas âge, Alphonse et Ferdinand : ce sont ces princes, nés sous des auspices si brillants, qui devaient subir la plus triste destinée, sous le nom d'infants de la Cerda. Sanche, second fils d'Alphonse X, doué de grands talents et dépourvu de tous scrupules, prétendit aussitôt ouvertement à la succession du trône de Castille. Le détail de ses intrigues et de ses audacieuses révoltes nous mènerait trop loin ; il nous suffira de dire que, non-seulement il l'emporta sur ses neveux, mais qu'il n'eût tenu qu'à lui de se faire proclamer roi du vivant de son père. Yolande, femme d'Alphonse X, désolée de voir ses petits-fils exposés, parla faiblesse du roi, aux attaques de don Sanche, s'enfuit avec eux près de son frère, don Pèdre, roi d'Aragon, qui parut d'abord leur être favorable; ils devaient compter encore plus sur la protection de Philippe le Hardi, leur oncle maternel. Pourtant la conclusion de tous les pourparlers en leur faveur fut qu'ils resteraient prisonniers en Aragon et que Yolande s'en retournerait seule en Castille. Blanche, leur mère, erra dans l'Aragon et dans la France, réclamant toujours en vain contre l'injustice de cette décision. Alphonse X mourut en 1285; son testament instituait Alphonse de la Cerda son héritier, et, à son défaut, Ferdinand de la Cerda. Il allait plus loin : dans sa haine contre le fils qui avait empoisonné sa vie et qui avait entraîné tous ses frères dans sa révolte, il appelait au trône, immédiatement après les la Cerda, Philippe le Hardi, petit-fils de Blanche de Castille. Une exhérédation si énergique fut regardée par les grands comme de nulle valeur : ils n'hésitèrent point entre des enfants malheureux qui languissaient depuis longues années au fond d'une forteresse de l'Aragon, et ce Sanche que ses victoires sur les Mores avaient déjà fait surnommer le Fort et le Vaillant. Mis plus tard en liberté par le roi d'Aragon qui voulait susciter des emharras au roi de Castille, reconnus à Badajoz, puis à Talavera, les la Cerda ne purent cependant pas se maintenir en Castille ; ils passèrent en France, où régnait alors Philippe le Bel. Occupé de la guerre de Flandre, le seul secours qu'il accorda à ses cousins fut une permission de lever,à leurs frais, des troupes dans la Navarre : ils purent ainsi guerroyer de nouveau sur les frontières de la Castille; mais ce fut toujours d'une manière malheureuse. Sanche était mort et Ferdinand, son fils, lui avait succédé aussi paisiblement que s'il y eût eu prescription pour les droits des la Cerda. Les rois de Portugal et d'Aragon, se portant enfin pour médiateurs entre la branche déshéritée et la branche régnante, rendirent, en faveur de celle-ci, une sentence définitive; ils crurent pallier leur injustice en stipulant que les villes d'Albe, de Bejar, de Val-de-Corneia, seraient cédées à Alphonse pour l'aider à soutenir l'éclat de sa naissance ; mais Alphonse refusa. Quelque temps après, ahandonné de tous ses défenseurs, errant et sans secours, il se soumit à accepter; c'est à dater de ce moment qu'il reçut le surnom d'Alphonse le Déshérité. Il s'était marié en France avec Mahaut, comtesse de Clermont, qui, suivant Mariana, aurait été du sang royal de France. Un des rejetons de ce mariage, Charles de la Cerda, reçut du roi Jean, après le supplice du comte d'Eu, l'épée de connétable; mais l'étoile sinistre qui présidait aux destinées de sa famille n'avait point perdu sa malignité : il fut la victime du premier attentat de ce Charles le Mauvais, qui devait en commettre tant d'autres. Comme il allait voir sa jeune épouse au château de l'Aigle, en Normandie, des assassins soudoyés par le prince envieux de ses honneurs le poignardèrent. Ferdinand, frère d'Alphonse, avait épousé Jeanne de Lara, sœur et héritière de Juan de Lara, surnommé le Contrefait; il en eut une fille qu'il maria en France au comte d'Alençon. Les ducs de Medina-Cœli, grands d'Espagne, descendent d'Alphonse de la Cerda (Auguste Wahlen, Nouveau dictionnaire de la conversation, 1844 - books.google.fr).

Le jeune page suggérant à la reine Blanche les travaux a des aspects sataniques. Il joue le rôle du serpent séducteur et la Dame Eve.

En voulant devenir semblable à Dieu, Adam a perdu Dieu et les joies célestes que, dans son étrange aveuglement, il a échangés contre les grossières voluptés et les souffrances de ce monde. Il a préféré la terre au ciel. Un proverbe grec, d'une admirable vérité, disait : Une mortelle pour une déesse, comme Athamas, qui avait abandonné Néphélé pour Ino, une divinité pour la simpie fille de Cadmus.

Adam a-t-il préféré Eve à Lilith ? Lilith démone n'est pas mortelle. Eve serait la femme mortelle, dès sa création. Le "péché" d'Adam, le chassant du Paradis, ayant été de la "choisir" elle plutôt que Lilith, ouvrant à la sexuation et la génération. Sans cela pas d'histoire humaine, le "choix" d'Adam étant tout relatif.

Adam et Eve ont fui la lumière de la vérité et de la sainteté dans laquelle Dieu les avait placés, et se sont précipités dans les ténèbres du péché. Eve est la plus coupable, et le seul animal qui semble fait pour vivre au grand jour, et qui pourtant n'aime que la nuit, c'est la chauve-souris. Or les rabbins nous disent qu'Eve=Lilith a été métamorphosée en cet animal. Nous n'hésitons pas à interpréter dans le même sens le mythe des trois filles de Minyas qui ont subi la même transformation que Lilith. Minyas est un Manou=Adam, et tout le cycle des traditions minyennes est pénétré du plus pur esprit de la primitive antiquité. A Lesbos, la chauve-souris a fait place au hibou dans le mythe de Nyctimène (Frédéric de Rougemont, Le peuple primitif, sa religion, son histoire et sa civilisation, Volume 2, 1855 - books.google.fr).

Nyctimène est la fille du roi de Lesbos, Épopée, nom proche du serpent egyptien Apop. Elle était très réputée pour sa beauté, et pour cette raison, son père la viola. Nyctimène, honteuse, alla se cacher dans une forêt où elle fut prise en pitié par Athéna, qui la transforma en chouette (fr.wikipedia.org - Nyctimène (mythologie)).

Chez les Romains, à époque classique, NOCTUA désigne la chauve-souris, c'est-à-dire un mammifère, autant que chouette. Il y a évidemment des chances que cela ne soit pas étranger au phénomène qui nous occupe. Un syncrétisme {chouette / chauve-souris} fondé sur le trait partagé “nocturne” rendrait assez bien compte, au plan des realia, de ce transfert sur la chouette de la caractéristique de la chauve-souris. D'autant plus vraisemblablement que le français chauve-souris comme sa variante chaude-souris est à considérer comme une reformulation de choue-souris. Une seconde considération est d'ordre archéologique : elle concerne l'iconographie. De multiples documents exhumés par les archéologues, tout particulièrement Gimbutas (1997), font état de chouettes à mamelles, représentées sur différents supports, sur des aires très larges et s'échelonnant sur le temps long. Le témoignage des dialectes modernes, on vient de le voir, suggère une représentation analogue, tout en traduisant une évolution : la nourrice prend des allures de bonne-mère, de protectrice, peut-être même de gouvernante, de duègne. Pour ce qui est de DOMINA, chacun sait que la chouette-effraie est dite la dame blanche.

La représentation de la chouette dans la Romania se fait composite et plus contrastée. Les témoignages collectés et consignés dans les atlas linguistiques et les dictionnaires dialectaux font apparaître que cette représentation d'une créature qui s'étend sur ses petits et leur donne le sein se double d'une image moins sympathique ; celle-ci mêle des attitudes et des comportements de chauve-souris à ceux de chouette. Et ce chevauchement des images transparaît dans les chevauchements de mots. On a vu que chouette et chauve-souris se partagent la dénomination NOCTUA et que, comme y invite wal. chawe-soris, la chauve-souris n'est autre qu'une chouette-souris [francique cawa : chouette]. Ajoutons que SORIX, -CIS donne lieu à deux séries d'aboutissements dans les langues romanes ; les unes comme l'italien conservent le schème accentuel du latin (it. sorcio), d'autres, essentiellement le gallo-roman, traitent ce mot comme si le I de la syllabe pénultième était long (*SORCE > souris); et notons queles continuateurs régulièrement prévisibles au plan phonétique de SORCE, SORCARIU en français auraient été *sorce, *sorcier, au lieu de souris, souricière. Ajoutons encore que, selon le témoignage de Sainéan (1972: II, 1948), la chouette, plus précisément la chouette-effraie, est dite dans la langue populaire l'oiseau sorcier (Jean-Philippe Dalbera, Quelques dénomminations de la chouette, (Dis)continuité en linguistique latine et grecque: hommage à Chantal Kircher-Durand, 2012 - books.google.fr).

Si Blanche de France est une Eve, il est vrai que l'on peut trouver un Adam dans son entourage : Adenet le Roi, roi des ménestrels.

Menestrel, et même roi – signe, certainement, d’une position point trop subalterne – parmi eux, comme il se qualifie lui-même à plusieurs reprises dans ses textes et comme il est désigné dans divers documents d’archives, Adenet, d’abord protégé du duc Henri III de Brabant (mort en 1261), passe probablement le reste de son existence au service de Gui de Dampierre, comte de Flandre, de 1270 au plus tard jusqu’à la fin du XIIIe siècle, sans qu’il soit possible d’être plus précis – le dernier document mentionnant le poète date de 1297, et Gui de Dampierre meurt en 1304, mais peut-être le ménestrel l’a-t-il précédé. D’Adenet le Roi on connaît aujourd’hui quatre compositions, dont il donne lui-même la liste au début de la dernière d’entre elles, le roman de Cleomadés :

Je qui fis d’Ogier le Danois / Et de Bertain qui fu ou bois / Et de Buevon de Conmarchis / Ai un autre livre rempris, / Mout merveilleus et mout divers. (v. 5-9)

Les trois premiers de ces textes, comme le nom de leur héros l’indique assez, ainsi que leur forme (la laisse de décasyllabes ou d’alexandrins), relèvent de la chanson de geste, tandis que le dernier, Cleomadés, est un roman d’aventures composé en couplets d’octosyllabes. Des éléments de critique interne permettent de situer leur composition entre 1270 et 1285 environ, ce qui fait d’Adenet le Roi un auteur plutôt prolixe, étant donné l’ampleur des textes considérés, de 3486 vers pour Berte as grans piés et 3947 vers pour Buevon de Conmarchis à 8229 vers pour les Enfances Ogier et rien moins que 18698 vers pour Cleomadés.

Buevon reprend la chanson de geste Le Siège de Barbastre qui se passe en partie à Narbonne, avec le comte Aimeri et sa femme Ermengarde de Pavie, Guillaume d'Orange, et en Aragon, sous le règne de l'empereur Louis.

Miniature du frontispice du Manuscrit 3142 de la Bibliothèque de l’Arsenal - kids.britannica.com

Le Cléomadès se déroule tout entier dans un climat de courtoisie amoureuse et fantastique, associée à un milieu social constamment royal : rien d'étonnant donc à ce que le "cuer" y tienne le premier rôle aussi bien dans l'action que dans les mobiles secrets ou avoués de tous les personnages sans exception : d'autant plus que le Cléomadès ne fait référence à aucune religion, ni chrétienne, ni musulmane, ni antique, l'appel à des "dieux" indéterminés y est fort rare et imprécis. Cléomadès est oeuvre laïque, athée au sens étymologique du terme. Quelle sera donc l'importance du Coeur dans cette société sans Dieu ? Il sert de base sociale au récit, du fait qu'il est un support moral pour les héros, qu'il apporte la morale. Le prince Cléomadès s'exprime et agit presque exclusivement par son coeur, ce dernier n'étant pas personnage distinct et autonome, tel qu'il apparait dans "Le Coeur d'Amour épris" de René d'Anjou où la séparation entre coeur et son possesseur est totale, et Coeur, devenu personnage, est alors le vrai héros ; rien de commun non plus avec la démarche de l'Amant de Guillaume de Lorris qui abandonne son coeur à Amour pour qu'il soit mis sous clef ; chez Adenet, le coeur, banalement, demeure dans la poitrine du héros, et il est le centre de sa vie psychique, mentale et matérielle. Le Je du narrateur, si présent dans le second Roman de la Rose, apparait rarement dans l'action très dynamique du Cléomadès ; peu d'espace est ménagé aux réflexions de l'auteur ; cependant Adenet profère en son propre nom certaines vérités morales ou sociales, la façon détaillée de "progresser en cour" par exemple ; ainsi s'instaure dans la narration, comme dans le Roman de la Rose, une trilogie, entre le Coeur du héros, Cléomadès lui-même, et occasionnellement Adenet, mais différemment toutefois de "La Rose" où le dialogue-débat se déroule entre le Je du Narrateur, le Je du Rêveur, et Amant lui-meme. De plus malgré la renommée du premier Roman de la Rose, et bien que la rédaction du Cléomadès (1280-85) soit proche de la rédaction de Jean de Meung, Adenet, comme il sera facile de le constater, n'écrit pas un roman allégorique, mais un roman "romanesque" offrant seulement des connivences passagères avec l'Allégorie, ne serait-ce que pour signifier qu'il n'en ignore pas l'existence et la fortune.

Dans cette société aristocratique dont le Cléomadès est la peinture et le reflet, Adenet le Roi pose le Coeur, et lui seul, comme mode de communication entre personnages royaux (en dehors du ménestrel Pinçonnet, on ne trouve que rois, reines, princes ou princesses impliqués dans l'action). On sait que le Cléomadès fut composé pour plaire à la reine Marie de France, à son frère le duc Jean de Brabant, à sa belle-soeur, Blanche Anne de Castille. Le coeur est dans l'oeuvre le moyen de partager, à ce niveau aristocratique, émotions et jugements. Il est le truchement de cette société raffinée, et lui seul est capable, et digne, d'établir le lien psychique entre eux. Le coeur devient ici intuition sociale (on peut en chercher la source dans la célèbre miniature du manuscrit A de l'Arsenal. [...] Une lecture attentive du texte démontre que le mot "cuer" ne détermine pas seulement en effet les émotions amoureuses, mais qu'il possède de multiples sens et de multiples emplois : le cantonner dans la phraséologie amoureuse serait limiter singulièrement son rôle. En ce XIIIe siècle finissant, le mot possède la plupart des sens qu'il conservera encore au XVIIe siècle, dans le langage cornélien ou racinien : viscère, siège des émotions et des passions, du sentiment intérieur, de l'amour en particulier, mais aussi de l'amour mystique, du désir, de la souffrance ou de la joie, enfin de la conscience et du courage... Toutes acceptions du mot que nous retrouverons employées par Adenet, d'autant que ses personnages vivent davantage par le coeur que par tout autre mobile, ou plutôt le coeur assimile tous les autres mobiles et devient le ressort essentiel et omniprésent de l'action (Régine Colliot, Les États du cuer dans le Cleomadès d'Adenet le Roi, Le cuer au Moyen âge, 1991 - books.google.fr).

Le manuscrit 3142 de la Bibliothèque de l’Arsenal, outre qu’il est le seul, comme nous le rappelions en introduction, à contenir les quatre compositions connues d’Adenet le Roi, se distingue par une autre particularité: il contient plusieurs enluminures représentant indubitablement le ménestrel en personne. [...] La grande miniature de frontispice montre, sur un fond à damier bleu, rouge et or, trois figures régulièrement disposées au premier plan: à gauche et debout, Adenet le Roi, reconnaissable à sa couronne et à la vielle qu’il tient dans sa main droite (sa main gauche est tendue), ainsi qu’à la robe grise à capuchon qu’il porte, humble vêtement comparé à celui de ses voisins; au milieu et à droite, assis sur des coussins, deux personnages richement vêtus, un homme et une femme portant couronne (et tendant la main droite), que leur robe armoriée permet d’identifier avec Jean II de Brabant et Blanche de Castille. Au second plan, étendue sur un lit, derrière Blanche de Castille, se trouve Marie de Brabant, elle aussi reconnaissable aux armoiries qu’elle porte. Cette miniature, qui représente donc l’auteur de Cleomadés en compagnie des deux femmes qui le lui ont conmandé, a donné lieu à des interprétations quelque peu divergentes. D’après A. Henry, Marie de France, Jean II de Brabant et Adenet «écoutent Blanche, fille de saint Louis et veuve de l’infant de Castille, qui raconte les aventures de Cléomadès». Selon M. Clouzot, en revanche, c’est le poète qui «adresse le geste du récitant à la reine Marie de France» et ce sont «les deux femmes qui écoutent Adenet en compagnie de Jean II de Brabant». Quant à W. Azzam et O. Collet, ils mentionnent ces deux possibilités, sans toutefois résoudre la difficulté (Silvère Menegaldo, Adenet le Roi tel qu’en ses prologues, 2009 - crm.revues.org).

Dans le long épilogue du roman, ce qui le différencie de la chanson de geste, dans un acrostiche, que nous devons signaler comme l'exemple français le plus ancien peut-être de ce genre d'exercice poétique, Adenès choisit pour les initiales de trente-quatre vers les lettres qui forment ces mots : LA ROIINE DE FRANCE MARIE, MADAME BLANCHE. MADAME BLANCHE ou MA DAME BLANCHE.

Cléomadès, fils d'un roi d'Espagne, après avoir parcouru la Grèce, l'Allemagne et la France, afin de mieux réunir toutes les conditions qui devaient former un prince accompli, revient dans sa patrie pour la défendre. Il avait trois sœurs d'une grande beauté : trois rois d'Afrique, pour mériter leur main, viennent offrir à leur père trois dons merveilleux qu'ils doivent à une profonde connaissance de la nécromancie. L'un de ces dons est une geline d'or, suivie de ses trois poussins, dont la voix était plus mélodieuse que les plus doux instruments. L'autre est un joueur de trompe également d'or; la trompe ne manquait pas de retentir dès qu'une trahison se brassait contre le prince possesseur de la statue. Cropart, le troisième roi, dont les traits étaient hideux et l'âme fort méchante, offrit un cheval de bois d'ébène, qui avait la vertu de transporter le cavalier au milieu des airs : plusieurs chevilles servaient à le diriger, à le retenir, à l'arrêter quand on voulait. Après avoir élégamment décrit ces trois merveilles, Adenès prévoit que ses auditeurs ne lui accorderont pas tous une égale foi. [...]

A ce propos, le poète rappelle tout ce que l'on avait déjà longtemps avant lui raconté de Virgile, le plus grand devin (vates) de l'antiquité; comment il avait attaché la durée de deux châteaux près de Naples à la parfaite conservation de deux œufs; comment il avait donné aux bains de Pouzzol la propriété de guérir tous les genres de maladie : une inscription, placée devant chaque baignoire, indiquait la douleur dont elle offrait le remède infaillible. [...] La troisième sœur de Cléomadès ne put oublier, en considération du cheval defust, les traits hideux de celui qui le présentait; mais le père avait juré que le mariage aurait lieu : rien ne semblait pouvoir la préserver de la nécessité d'obéir. Pour retarder cette triste union, Cléomadès voulut contester les qualités du cheval de fust, et Cropart lui proposa de monter en selle, pour mieux s'en convaincre. Cléomadès consent : il monte, et tourne une cheville. [...] Le premier point d'arrêt de Cléomadès fut la Toscane. Il pénétra près de la belle princesse Clarmondine endormie; il en devint amoureux, et parvint, après des traverses et des aventures innombrables, à la ramener en Espagne, à punir Cropart, à épouser sa maîtresse, enfin à succéder à son père. Mais le nœud de tout le roman est le cheval de fust que Cléomadès et Cropart perdent et retrouvent tour à tour, qui les transporte dans vingt contrées, et que l'on peut regarder comme le type du fameux hippogryphe de l'Orlando furioso, et surtout du cheval de Pacolet dans Valentin et Orson (Paulin paris, Adam ou Adenet Le Roi, Histoire literaire de la France: XIIIe siècle, Volume 20, 1842 - books.google.fr).

Ou un cheval de Troie ailé, Pégase en bois de couleur noire.

Chauve-souris, étoile et Pyrénées

Ann Radcliffe associe étoile et chauve-souris dans le poème "To the bat" de son roman Les Mystères d'Udolpho qui se passe en partie dans un château des Pyrénées et dans les Apennins. Le château Le Blanc est la version pyrénéenne de la forteresse d'Udolphe dans les Apennins (Ann Radcliffe, The Mysteries of Udolpho, Volume 1, 1794 - books.google.fr).

L'action du roman se situe en 1584, cependant cela s'oublie aisément au fil de la lecture. En effet, la situation géographique du roman, c'est-à-dire la France la plupart du temps, les personnages - Saint-Aubert, Valancourt, Villeroi, Villefort, Saint-Foix, Du Pont — ainsi que leurs titres et la façon dont le roman est construit restent imprégnés malgré tout de l'atmosphère du XVIIIe siècle. [...] Parmi les poèmes qui viennent s'inscrire dans le texte, se trouve la description inattendue d'une chauve-souris à travers quelques strophes évoquant cet animal se réfugiant dans des tours en ruine recouvertes de lierre, s'enveloppant dans ses ailes comme dans un linceul, mais aussi voletant avec une certaine gaieté. Blanche se rappelle avoir reçu ce poème d'Emily, et le sujet dont il traite est en fait assez inhabituel puisque la plupart de ses poèmes sont inspirés de scènes gaies et ensoleillées. Le caractère insouciant de la chauve-souris y transparaît néanmoins dans des expressions comme « to sport », « thou flit'st » et un amour s'esquisse entre le crépuscule personnifié et l'animal, guidé ici par l'étoile. [...] Comme une ode, le poème s'adresse à la chauve- souris, louant la danse lancinante, la provenance exotique puisqu'elle arrive de contrées indiennes (Estelle Valls de Gomis, Le vampire au fil des siècles: enquête autour d'un mythe, 2005 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Les Mystères d'Udolphe).

Le cheminement d'Emily est chaotique, mais les noms de localités sont repérables : Arles, Perpignan, Collioure, Leucate... Turin, Vérone, Padoue...

Dans L'Italien, Ann Radcliffe compose un tableau saisissant des Abruzzes, sommets les plus élevés de la chaîne des Apennins. Cet arrière-pays est présenté comme l'envers de l'image policée des cités portuaires : l'urbanité de Naples où le Vésuve lui-même paraît familier accentue la grandeur sauvage du relief intérieur (Joëlle Prungnaud, Le parcours de l'héroïne dans le roman gothique, Partir/revenir: actes du colloque des 24, 25 et 26 septembre 1998, 1999 - books.google.fr).

Souvenons-nous de Crognaleto dans les Abruzzes, probable site du tableau des Bergers d'Arcadie de Nicolas Poussin (Autour de Rennes le Château : Les Bergers des Abruzzes : Crognaleto).

Ann Radcliffe, née Ward le 9 juillet 1764 à Holborn, à Londres où elle est morte le 7 février 1823, est une romancière britannique, pionnière du roman gothique. Ses romans sont reçus avec beaucoup d’attention et ont de nombreux d’imitateurs, notamment (sous forme parodique) Jane Austen avec Northanger Abbey. Ils influencent également l’œuvre d’auteurs comme Sir Walter Scott, Mary Wollstonecraft ou encore Dostoïevski. Sur le continent aussi, elle a la réputation d’être à l’origine du roman gothique. Balzac s'inspire de son style au point d'en faire une presque parodie dans L'Héritière de Birague (1822) qu'il publie sous pseudonyme1. Paul Féval mentionne son nom dans une de ses nouvelles et fait d'elle un des personnages principaux de La Ville-Vampire (fr.wikipedia.org - Ann Radcliffe).