Partie IX - Synthèse   Chapitre LIX - Toute une histoire   Mon Trésor : tout un fromage   
MON TRESOR TOUT UN FROMAGE ANCILES

Partage

Le premier partage du regnum Francorum dont Grégoire de Tours fait mention dans le Decem Libri Historiarum, est celui qui a eu lieu après la mort de Clovis. Ses quatre fils, Thierry (v. 484-533), Clodomir (v. 495-524), Childebert (v. 497-558) et Clotaire (v. 499-561), ont chacun obtenu une partie du royaume. Après le meurtre de leurs neveux, fils de Clodomir, mort durant la guerre contre les Burgondes, les fils de Clovis se sont partagé le royaume de leur frère tenant la balance égale entre eux - Grégoire de Tours laisse entendre que Thierry n'a pas bénéficié de ce partage. Il est à nouveau question d'équilibre dans le récit de la succession de Clotaire, devenu seul roi des Francs de 558 à 561. Après sa mort, l'un de ses fils, Chilpéric, a voulu accaparer la plupart de l'héritage paternel. Il s'est empressé de prendre possession du trésor royal et de Paris, prestigieux centre politique du royaume, où Clovis était enseveli. Mais ses frères s'étant associés contre lui, ils ont procédé, ajoute Grégoire, à un partage régulier du royaume. […] Les frontières issues des partages étaient souvent très instables. Avec la mort de Clodomir en 524, et à la suite de la conquête de la Bourgogne et de la Provence, on assiste à la redistribution des cités. L'héritage de Clodomir s'est partagé de la façon suivante : Thierry a obtenu Sens, Auxerre, Troyes et peut-être Bourges, ce qui a créé une continuité territoriale entre ses cités auvergnates et celles de l'Est ; Childebert, les cités d'Orléans et de Chartres ; quant à Clotaire, c'étaient Tours et Poitiers. Comme récompense de sa participation dans la campagne contre les Burgondes, Théodebert a pu étendre son gouvernement sur Avenches, Autun, Châlons-sur-Saâne, Sion, Besançon, Vienne, Viviers et Langres. A cette occasion, Childebert a annexé les cités de Macon, Lyon et Genève. Clotaire a fait de même pour Grenoble et Die. Finalement, dans la dernière étape d'expansion du regnum Francorum, en 536, avec l'annexion de la Provence, les cités d'Aix, de Digne, d'Avignon, de Glandèves, d'Uzès et de Senez sont tombées dans les mains de Théodebert. Childebert a pris le contrôle de Marseille, Arles, Toulon, Fréjus, Vence, Antibes et Nice, tandis que Clotaire a acquis Embrun, Gap, Carpentras, Sisteron, Vaison, Orange et Trois Châteaux. Le regnum Francorum a retrouvé l'unité politique du temps de Clovis lors de la mort de Childebert, en 558. Ce dernier n'ayant pas d'héritier mâle, c'est son frère Clotaire qui lui a succédé. Il s'est emparé également des trésors du défunt roi et a exilé son épouse et ses filles. L'union de tous les Teilreiche sous un seul roi a été néanmoins éphémère. Au bout de trois ans, après le décès de Clotaire, un nouveau partage du royaume a eu lieu. Le fait qu'entre 511 et 561 le royaume d'un roi défunt revienne soit à ses fils soit à ses frères a créé l'idée d'une certaine anarchie. Plutôt que par une règlementation, on a supposé parfois que les partages étaient dirigés par la conjoncture, c'est-à-dire, la disposition meurtrière des rois mérovingiens envers leurs neveux. L'unité retrouvée entre 558 et 561 ne serait dans ce cas qu'une coïncidence. Cependant, le compromis auquel est arrivé Chilpéric avec ses demi-frères à propos de l'héritage paternel est une évidence de plus que les partages étaient le fruit d'un arrangement politique. En 561, alors que l'étendue du royaume des Francs était beaucoup plus importante qu'auparavant, ses héritiers se sont tourné´s vers le modèle du partage de 511. Gontran a hérité des cités de l'ancien royaume des Burgondes. Le grand perdant était Chilpéric, puni par ses frères pour avoir voulu prendre possession de la majeure partie de l'héritage paternel. Alors que l'Aquitaine était partagée entre Gontran et Charibert, et que l'Auvergne revenait à Sigebert, Chilpéric a eu probablement droit dans la portion méridionale du regnum Francorum à la cité de Toulouse. La portion du royaume qu'il s'est vu attribuer en 561 était la moins importante parmi les trois parts issues de l'héritage de Clotaire. La mort de Charibert en 567, sans laisser d'héritier, conduisit à un nouvel arrangement territorial En 573, comme compensation du meurtre de sa femme Galswinthe, Chilpéric a dû léguer à Sigebert les cités de Bordeaux, Limoges, Béarn et Cahors. A la suite de tous ces partages, l'Aquitaine était beaucoup plus morcelée que le restant du regnum Francorum.

L'un des documents qui témoigne le mieux de la valeur fiscale des cités et de leur rôle dans les partages mérovingiens est le Pacte d'Andelot, de 587. Ce traité, signé par Gontran et Childebert II, et auquel était associée la " très glorieuse dame et reine Brunehaut ", avait pour objectif de régler des vieux contentieux territoriaux. Son texte, transmis par Grégoire de Tours, mentionne les cités que chacune des parties en question devrait recevoir. On voit bien que c'était surtout à partir des cités, et en fonction des revenus fiscaux qu'elles pouvaient apporter, que les rois se partageaient le royaume. Gontran obtient le tiers de la cité de Paris, et Childebert II se voit attribuer la cite´ de Meaux, le deux tiers de Senlis, la cité de Tours, Poitiers, Avranches, Aire, Couserans, Labourd et Albi. Tout cela ne veut pas dire que les considérations fiscales étaient les seules à prévaloir lors des partages mérovingiens. On a mentionné plus haut le respect de l'intégrité territoriale de l'ancien royaume de Cologne.

Les régions du nord de la Loire restaient le centre de gravité du regnum Francorum, et correspondaient à peu près à l'ancien " royaume de Syagrius ". Faute d'une définition précise jusqu'au milieu du VIIème siècle, on les détermine par élimination, comme étant tous les territoires qui ne font pas partie ni de l'Austrasie, ni de la Burgondie, ni de l'Aquitaine, et on le nomme comme le " royaume de Soissons ". La dénomination de Neustrie apparaît pour la première fois dans la Vita Columbani, écrite vers 643 par Jonas de Bobbio. Lorsque le dernier roi mérovingien fut déposé en 751, son successeur n'hérita point d'un royaume morcelé, signe que l'unité fondamentale de la Gaule a pu être maintenue. Force est de reconnaître que les partages successifs du royaume des Francs, qui se sont poursuivis jusqu'au IXème siècle, n'ont pas provoqué sa désagrégation territoriale (Marcelo Candido da Silva, Les cités et l'organisation politique de l'espace en Gaule mérovingienne au VIe siècle).

Paris ancienne capitale sous Clovis, perd ensuite ce rôle pour devenir le symbole de l'unité du royaume car elle était exclue des partages. Sous les carolingiens, elle rentre alors dans le rang des autres villes, alors que le centre du pouvoir se déplace vers l'Est (Metz ou Aix-La-Chapelle). Mais les Carolingiens décident de se faire inhumer à Saint-Denis, à l'exception de Charlemagne. Par la suite, les rois de France ont pris l'habitude de se faire enterrer au même endroit, dans la basilique de Saint-Denis, au Nord de Paris (http://www.parisrama.com).

Le Trésor royal

" Le corps du Christ, représenté par procuration par les attributs de son sacrifice, la couronne d'épines du Christ donnée à Louis IX par l'Empereur de Constantinople conservé à la Sainte-Chapelle achevée pour le départ en croisade de 1248, constitue, le bien céleste abandonné par Dieu dans le siècle le plus précieux et le plus abouti. Par cette formidable captation du trésor impérial, le roi capétien se place en position d'intercesseur privilégié auprès de la puissance divine. Les artisans de la propagande et de la " religion royale " ont transformé cette position acquise en prédestination : " Et devons tenir que si précieuses Reliques sont singulierment gardees, de la présence de Dieu et de sez Angues, comme le plus principal tresor lequel Dix ait laissié en ce siècle, après son très précieux corps ; duquel tresor il a esleü un singulier tresorier, c'est assavoir, le Tres Crestian Roy de France ; duquel Roy, comme de celluy qui est garde et tresorier de si precieulx tresor, Jhesuchrist puet dire les paroles d'une loy : Rex Franciae " magister sacrorum scriniorum, nostre libertatis benevolencia tribuenda, qui Nostre, quodam modo assistera, Majestati, videtur ", Codice, De magistris sacrorum scriniorum, lege unica, libro duedocimo : le Roy de France est " maistre et garde de noz sains escrins, dezquels escrins nous donnons et eslargissons a ceulx qui il nous plait, et pour ce est il que il fait aucunement conpaingnie a Nostre Majesté ". Arc-boutée sur un passage détourné du Code de Justinien, l'argumentation d'Évrart de Trémaugon, conseiller de Charles V, qui fit bâtir la Bastille, est sans appel : gardien des trésors célestes, le roi de France est l'administrateur - le trésorier - le plus légitime des trésors terrestres " (http://www.cairn.info/revue-hypotheses-2003-1-page-45.htm).

Childebert Ier avait probablement rapporté le trésor d'Amalaric, tué à Narbonne en 531 après J.-C. (1284 AUC). Les Francs Saliens étaient tout destinés pour garder les talismans romains arborés autrefois par les prêtres Saliens.

La France, qui avait lié son destin à celui de Rome, depuis la conversion de Clovis rééditée dans le sacre des empereurs carolingiens, conservait les précieux talismans pour assurer l'avenir de l'Eglise, véritable successeur de l'empire romain, et le sien.

Le trésor du Roi était gardé, du temps de Clovis, au Palais de ce Prince, où s'établit par la suite le Parlement, aujourd'hui le Palais-de-Justice. Grégoire de Tours et Aimoin, deux de nos plus anciens historiens français, parlent du Trésorier de Clovis I, thesaurarius Clodovici ; il passa de là au Temple, il y était gardé par un Templier, qui se qualifiait Trésorier du Roi au Temple. En 1295, on le transporta au Louvre. Charles V le sage (1338 - 1380) quitte le Palais où il y maintient son administration : Parlement, Chambres des Comptes, Chancellerie. Le Trésor passe à la Bastille, où il était encore en 1612. Depuis, il fut établi en l'hôtel dit du Trésor royal, sous la surveillance des Gardes du Trésor.

La garde du trésor royal par les Templiers a débuté en 1146, pour le temps de l'expédition, lorsque Louis VII part pour la deuxième croisade. Par la suite, cela se développa, si bien que nombre de souverains firent confiance aux trésoriers de l'ordre. Une autre grande personnalité, Henri II d'Angleterre, avait laissé la garde du trésor au Temple. Par ailleurs, de nombreux Templiers de la maison d'Angleterre étaient également des conseillers royaux. Mais c'est avec Philippe Auguste que le Temple eut en charge les deniers de l'Etat pour une longue période. La méfiance du roi " envers les grands feudataires le conduit cependant à prendre une mesure qui, à terme, risque d'être fort dangereuse : en 1191, il confie la garde aux Templiers et leur laisse bientôt le soin de le gérer. Depuis 1146, la royauté avait eu parfois recours aux Templiers mais, à partir de 1191, les liens deviennent étroits et permanents, avec des avantages et des inconvénients. " (Les Capétiens et l'argent au siècle de Saint Louis Gérard Sivéry).

Les Templiers sont déjà présents à Paris, à proximité de la place de Grève où ils occupent une maison, lorsqu'ils reçoivent du roi Louis VII vers 1140 un important domaine situé dans une zone marécageuse au nord de la ville. Les Templiers y entreprennent d'importants travaux d'assainissement et d'aménagement. Ils érigent d'abord une imposante tour carrée et une chapelle en rotonde. Cette tour carrée prendra plus tard l'appellation de " Tour de César ".

César apposa l'ancile sur ses trophées comme sa marque personnelle. Le bouclier bilobé fut abandonné par Auguste au profit du Clipeus Virtutis qui lui fut offert par le Sénat en 27 avant J.-C (Bruno Fornasier, Les fragments architecturaux des arcs triomphaux en Gaule romaine).

A partir de 1194, La tour de César abritera le trésor royal qui sera transféré par la suite dans le second donjon. […] A la fin du XIIème siècle et au début du XIIIème siècle, la commanderie s'étend. Tout le domaine occupé par la commanderie, qui s'étendait sur plus de 6 hectares, était protégé par un mur crénelé de 8 à 10 mètres de hauteur. […] Au cours du XIIIème siècle, les Templiers entreprennent la construction d'un nouveau donjon, plus connu sous le vocable " Tour du Temple ". Ce donjon, construit comme la " Tour de César " sur un plan carré, comportait quatre étages. Ce cinquième niveau, ainsi que les tours étaient couverts d'une toiture pyramidale en tuiles. […] Lieu de résidence du maître de France, la Villeneuve du Temple devient également celle du grand-maître de l'Ordre après la chute d'Acre en 1291 et prend le titre de maison cheftaine. En 1306, alors qu'il est menacé par une émeute, Philippe le Bel doit se réfugier dans l'enclos du Temple où Jacques de Molay l'accueille avec faste.

Le 13 octobre 1307 à l'aube, les Templiers sont arrêtés dans tout le royaume de France. C'est Guillaume de Nogaret en personne qui se charge de diriger l'arrestation des Templiers présents à la Villeneuve. La veille, Jacques de Molay avait encore assisté aux funérailles de la belle sœur de Philippe IV le Bel, Catherine de Courtenay, épouse de Charles de Valois. Après l'arrestation, la tour du Temple sert de prison pour nombre de Templiers dont les grands dignitaires, Jacques de Molay, Geoffroy de Charnay, Hugues de Pairaud et encore d'autres. Plusieurs dizaines de Templiers y mourront sous les tortures imposées par l'inquisition. En 1792, la tour du Temple servira de prison au couple royal jusqu'à leur exécution le 18 octobre 1793 ainsi qu'au dauphin jusqu'à sa mystérieuse disparition en 1795. Pour éviter que ce témoin du drame qui toucha la famille royale ne devienne un lieu de pèlerinage "anticonstitutionnel" pour les royalistes, Napoléon en ordonnera la destruction par un décret daté du 16 mars 1808 (http://www.templiers.org).

La royauté va exprimer sa volonté de ressaisir le contrôle de ses finances. Pour le consolider, le verrouiller et éviter tout dérapage, elle le perfectionne pendant tout le XIIIème siècle jusqu'au moment où en 1295, Philippe le Bel retire du Temple son trésor et le place au Louvre. N'imaginons pas cependant que ce déplacement se soit seulement résumé dans le transfert de coffres pleins de pièces de monnaie. On est alors loin de la situation de 1 190 et le Trésor royal consistait aussi et surtout dans la tenue de comptes courants, principalement ceux des baillis et celui du roi dans ses rapports avec son propre Trésor. Il importe avant tout de connaître les positions comptables des baillis et des prévôts envers le Trésor royal et la situation de celui-ci par rapport au Temple qui avait poussé son rôle de banque de dépôt jusque dans ses conséquences ultimes et gérait le compte du Trésor royal parmi d'autres, c'est-à-dire qu'il intégrait ses résultats dans sa comptabilité globale.

Cette situation ne présenta pas de difficultés majeures tant que le compte royal était excédentaire, c'est-à-dire pendant la majeure partie du XIIIème siècle. Le Trésor royal avançait de l'argent au Temple qui le prêtait à des tiers, avec d'ailleurs le cautionnement royal en certaines occasions. Assuré en outre de grosses rentrées d'argent lors de chacun des termes des exercices comptables, le Temple pouvait supporter parfois quelque retard dans le versement d'une partie du revenant-bon. De plus, il faisait valoir l'argent du Trésor royal dans les emprunts qu'il accordait. Il ne recevait pas d'intérêts de ces prêts mais utilisait à merveille le contrat de change de place en place et avait trouvé ainsi un moyen commode de se payer les services qu'il rendait à la royauté. De toute manière, la royauté connaissait à tout moment les sommes d'argent dont elle disposait en réserve pour ses grands desseins ou pour faire face à une dépense impromptue et pouvait le réclamer sur le champ.

Mais, vers la fin du siècle, l'inconvénient du compte du Trésor royal intégré dans le compte global du Temple apparut dès que le débit l'emporta sur le crédit. De positif le résultat du compte du Trésor royal devint négatif, en 1285-1286 par exemple. Prêteur vis-à-vis du roi, le Temple allait avoir droit de regard sur l'ensemble des finances royales. Tous les efforts entrepris par la royauté depuis près d'un siècle pour supprimer puis éviter un tel contrôle templier risquaient d'être anéantis (Gérard Sivéry, Les Capétiens et l'argent au siècle de Saint Louis).

Un scénario identique se déroula au même moment dans toute la France. La plupart des Templiers présents dans les commanderies furent arrêtés. Ils n'opposèrent aucune résistance. Quelques-uns réussirent à s'échapper avant ou pendant les arrestations. Les prisonniers ont été enfermés pour la plupart à Paris, Caen, Rouen et au château de Gisors. Tous leurs biens furent inventoriés et confiés à la garde du Trésor royal.

Bien avant d'être un palais national, le Louvre (une première mention du nom date de la fin du XIIe siècle) fut une forteresse protégée par des tours, accolée à l'enceinte fortifiée par Philippe-Auguste en bord de Seine. La fonction première du " Vieux Louvre ", château féodal reconstruit du XIVe au XVIe siècle, a longtemps été la préservation du Trésor d'un royaume menacé par les guerres et l'insécurité : François Ier fut prisonnier de Charles Quint en 1525 et ses armées en campagne en Italie (1526-1529, 1536-1542). Un ordre royal rédigé à Rouen avait donc ordonné " que tous les deniers des domaines, tailles, aides, subsides, [soient] portés au Louvre " (ordonnance du 7 février 1532). Au palais étaient établis un " trésorier de l'épargne ", office institué en 1523, et des contrôleurs des recettes et des dépenses du trésor (déclaration du 12 avril 1547). Louis XIII et l'architecte Jacques Lemercier, puis Louis XIV et les architectes Louis Le Vau et Claude Perrault achevèrent la démolition du château médiéval et du quartier enserrant le palais au nord et à l'est, permettant l'édification des bâtiments entourant la Cour carrée. Privé de ses tours, le Louvre ne jouait plus le rôle de gardien du Trésor. A la mort d'Henri IV, le Trésor royal avait été transféré à la Bastille… dans la tour du Trésor.

Destinée à défendre la porte Saint-Antoine et les remparts de l'est de Paris devenus plus vulnérables, la Bastille ou Bastide Saint-Antoine était initialement un véritable château-fort et un arsenal. Elle fut bâtie sous le règne de Charles V, de 1370 à 1383, par Hugues Aubriot, qui se composa originairement de deux grosses tours rondes reliées entre elles par une porte fortifiée. Bientôt, on ajouta deux tours aux premières, puis Charles VI en fit bâtir quatre autres en 1383 et les entoura d'un fossé, en détournant le chemin sur la gauche. Elle faisait 66 mètres de long pour 34 mètres de large et 24 mètres de hauteur au niveau des tours, et était entourée d'un fossé de 25 mètres de largeur par 8 de profondeur alimenté par les eaux de la Seine. Les huit tours se nommaient tours du Coin, de la Chapelle, du Trésor, de la Comté, de la Bertaudière, de la Basinière, du Puits et de la Liberté. L'entrée se faisait par la rue Saint-Antoine et donnait sur la Cour de l'Avancée qui abritait des boutiques et une caserne. À la même époque est édifié le donjon de Vincennes.

Sous l'ancien régime, " l'administration générale des finances " était principalement établie en trois hôtels, le long de la rue Neuve des Petits Champs (hôtel de Lionne-Pontchartrain, hôtel Tubeuf, hôtel Bautru Colbert). Les autres services étaient regroupés autour du Palais royal. A l'Est était le siège parisien des fermiers généraux (hôtel des fermes), avec ses annexes sur les bords de la Seine (hôtel de Bretonvilliers, hôtel de Longueville), et la régie des hypothèques (hôtel de Bullion). Vers le nord-ouest, au-delà des jardins du Contrôle général des finances, la régie générale des aides s'était installée à l'hôtel de Choiseul et déployait son activité jusque dans le quartier du Temple (hôtel de Mesmes). Enfin au Nord, près de l'enceinte des fermiers généraux, la direction générale des douanes avait investi l'hôtel d'Uzès sous le Premier Empire. Un arrêt du Conseil de novembre 1633 décida l'ouverture de la rue Neuve des Petits Champs. L'année suivante, à l'angle de cette rue et de la rue Vivienne, l'architecte Jean Thiriot édifia un hôtel pour Charles Duret de Chevry, président à la chambre des comptes de Paris et contrôleur général des finances. En 1641, année où lui fut " donnée commission pour la charge d'intendant et contrôleur général des finances ", Jacques Tubeuf en fit l'acquisition. Il loua son nouvel hôtel à Mazarin, qui l'acheta à son tour en 1649, y entreprenant de nouvelles constructions : la galerie Mansart dans le prolongement de l'aile ouest, l'aile Richelieu sur la rue éponyme, puis l'aile traversière reliant l'aile Richelieu à l'hôtel Tubeuf. Cet ensemble immobilier, devenu par fait de succession hôtel de Nevers et hôtel Mazarin, demeura dans sa famille jusqu'en 1719. A cette date, les deux hôtels furent vendus, le premier au financier John Law pour l'installation de sa " banque générale ", le second à la première Compagnie des Indes. Nommé président à la chambre des comptes de Paris, Jacques Tubeuf fit bâtir un petit hôtel par l'architecte Pierre Le Muet en 1643-1644, à l'angle des rues de Richelieu et Neuve des Petits Champs. Après 1721 et la faillite du système de Law, l'hôtel de Nevers fut affecté à la " Bibliothèque du roi ", tandis la Bourse était établie rue Vivienne, dans une cour de l'hôtel de la Compagnie des Indes par un arrêt du Conseil du 24 septembre 1724. La Bourse occupait le rez-de- chaussée de la galerie Mansart. Les locaux de l'hôtel Tubeuf, pour partie occupés par certains services de la Compagnie, furent par la suite investis par la " Loterie royale de France " dont les tirages devaient être " faits publiquement dans une des salles de l'hôtel ", en vertu des dispositions de l'arrêt du Conseil du 30 juin 1776.

L'administration des finances succéda dans ses bâtiments à la Compagnie des Indes un an avant la Révolution. Résidaient encore dans cet hôtel les services d'archives de la première Compagnie, en voie de liquidation à la suite de la suppression de son privilège en 1769, et de la nouvelle Compagnie formée en 1785, ainsi que deux des douze administrateurs de cette dernière. Après la Révolution, la bibliothèque, royale que Colbert avait installé rue Vivienne dans un hôtel lui appartenant dans les années 1660, devenue nationale, disposait ainsi de murs mitoyens avec les locaux de la Trésorerie nationale. Les risques d'incendie pouvant en résulter marquèrent la première étape d'une réflexion sur le transfert des services de l'administration des finances vers d'autres bâtiments (arrêté du 13 germinal an VII). Bourse, Loterie, caisse d'escompte, Compagnie des Indes - furent supprimés ou déplacés en 1793. La réforme de 1788 avait installé durablement rue Vivienne les caisses du Trésor public (pensions et amortissement, guerre, marine, dépenses diverses) autour d'une " caisse générale ". Sous la Restauration, après un bref séjour à l'autre bout de la rue Neuve des Petits Champs (hôtel de Lionne Pontchartrain), le Trésor royal et son inspection générale, la caisse de service et les payeurs généraux furent de retour dans l'hôtel Tubeuf. Ces services faisaient face à d'autres bureaux de l'administration des finances installés dans l'hôtel Bautru Colbert qui abritait le secrétariat général du ministère et les bureaux de la dette publique. Le Trésor demeura rue Vivienne jusqu'en 1826, date de la cession des deux hôtels et du transfert des services rue de Rivoli (hôtel des finances du Mont Thabor).

En mai 1871, le palais des Tuileries et l'hôtel des finances du Mont-Thabor furent détruits dans l'incendie de la Commune. L'occupation des " dépendances du Louvre " par le ministère des finances fut immédiatement décidée par Adolphe Thiers, président de la République (arrêté du 29 mai 1871).

Depuis la première Restauration et la réunion en une seule administration centrale des ministères des finances et du Trésor (1814), le regroupement des administrations centrales de l'Etat constituait un thème récurrent du débat politique. Pour organiser cette réforme, les " décideurs " (gouvernement, parlement, administration) inclinaient vers la réservation de terrains domaniaux (loi de finances du 31 mars 1932, art. 160) : tel fut le cas du vaste espace (25 000 m²) du futur quai Branly, " en grande partie libre de toute construction ", sur lequel le ministère installa une annexe en 1947. Mais l'Etat pouvait également procéder à l'échange de biens fonciers avec la ville de Paris ou à l'expropriation pour cause d'utilité publique. Cette dernière procédure permit ainsi en 1941 l'acquisition d'un groupe d'immeubles par l'Etat, pour les besoins du ministère des finances, dans un secteur compris entre les rues Montesquieu et Saint-Honoré et connu sous le nom d'" îlot C ". Ce chantier fut, dans les années 1960-1970, une sorte de préfiguration de celui qui, au cours de la décennie suivante, conduira sur le nouveau site de Bercy la plus grande part de l'administration centrale des finances, quartier où Antoine Paris avait fait construire son " Pâté " (Ministère des Finances).

Gardes du Trésor Royal

Saint Eloi, dont un vitrail décore l'église de Neuillay-les-Bois

En 618, Clotaire II perdit sa femme, la reine Bertrude ; elle fut enterrée à Saint-Germain-des- Prés où son tombeau fut retrouvé au XVIIIème siècle ; il se remaria peu de temps après, et à partir de ce moment fit de Paris sa résidence habituelle qu'il ne quittait guère que pour se rendre à Clichy la Garenne où il avait un palais. Ce fut sous le règne de Clotaire II qu'on voit apparaître le fameux saint Eloi. Vis-à-vis le palais, dans la Cité, était une maison occupée par un orfèvre déjà célèbre qu'on appelait Eloi et qui " faisait ouvrage pour le roi. " Il était né à Chaptelat, en Limousin, en 588. Il arrivait de Neustrie, lorsqu'il fit connaissance à Paris de Bobbon, trésorier de l'épargne et intendant des finances du roi, qui le présenta à Clotaire II. Ce prince, qui aimait les belles choses, confia à l'artiste les travaux les plus importants et se plaisait à l'aller voir travailler dans son atelier. Eloi fabriqua pour le roi deux fauteuils d'or sertis de pierreries quand il ne lui avait été donné de matières premières que pour un. Quand le roi vit le premier fauteuil il fut émerveillé, mais quand Éloi lui présenta le second il le fut bien plus encore ; non seulement il loua le grand talent de l'artiste, mais, appréciant son honnêteté, il l'attacha à sa personne en qualité de trésorier. Des deux fauteuils dont il est question, un seul fut conservé sous le nom de fauteuil de Dagobert ; on le montrait au trésor de Saint-Denis et il servait de trône à nos premiers rois, lorsqu'ils recevaient l'hommage des grands de la cour à leur avènement. Il fut réparé au Xème siècle par les soins et avec les deniers des moines de Saint-Denis. […] Lorsque Dagobert Ier monta sur le trône en 628, il accorda toute sa confiance à Eloi, et, tout en lui conservant les charges dont il était revêtu, il lui confia de magnifiques travaux qui attestent les progrès que le luxe avait fait depuis le premier âge de la monarchie mérovingienne. Les châsses de Sainte-Geneviève, de Saint- Denis, de Saint-Martin de Tours, de Saint-Germain, furent exécutées par cet habile artiste, qui en même temps était évêque et donnait l'exemple de vertus rares à cette époque ; il achetait les esclaves par centaines sur les marchés publics et leur rendait la liberté, donnait la sépulture aux suppliciés.[…] Dagobert octroya à Éloi une grande étendue de terrain. […] Éloi eut d'abord le dessein de construire un hôpital sur ce terrain, mais il changea d'avis et il y fit édifier un monastère pour les deux sexes. En 871, cette abbaye prit le nom de Saint-Éloi et Sainte-Aure et renfermait trois cents filles. En 1107, Galon, évêque de Paris, pour mettre fin au libertinage, fut obligé de chasser les religieuses et de donner l'abbaye à Thibaud, abbé de Saint-Pierre-des-Fossés. La grande église, dont une partie tombait en ruines, fut séparée en deux par la rue Saint-Éloi ; le chœur forma l'église Saint-Martial et de la nef on fit le couvent des Barnabites, ainsi nommé parce que les moines qu'on y plaça avaient été amenés de Milan par saint Barnabé. Comme, à l'époque où Éloi fit construire son monastère, il n'était point encore d'usage d'enterrer dans les villes, il acquit au dehors un terrain pour servir de cimetière aux religieuses et y fit bâtir une chapelle sous le titre de Saint-Paul-des-Champs, parce qu'elle se trouvait hors Paris. Devenue paroisse en 1107, elle devint insuffisante. Une église plus vaste fut bâtie sous Charles V. Elle fut reconstruite aux XIVe et XVe siècles. Sa cuve baptismale fut plus tard transférée à Poissy. Cette église avait des charniers qui conduisaient à un cimetière où furent enterrés Rabelais et l'homme au masque de fer. Dans l'église furent inhumés le maréchal de Biron, Nicot, François et Jules Mansard (http://www.paris-pittoresque.com).

Enguerrand de Marigny, seigneur de Villemoisson

Enguerrand de Marigny, gardien du trésor royal, sous Philippe le Bel, avait entrepris une grande oeuvre de centralisation, stabilisant un budget annuel, améliorant le service du Trésor. Il attaqua et ruina la puissance des Templiers, véritable état dans l'Etat. Le roi, sans doute, pour le remercier de ses services lui accorda une rente à prendre sur des biens que Enguerrand de Marigny leur avait peut-être confisqué au profit de la couronne. Mais, à la mort de Philippe IV, Enguerrand fut arrêté sur l'ordre de Louis X, répondant à la demande de Charles de Valois ; on porta sur lui quarante et un chefs d'accusation (la totalité de ceux-ci sont répertoriés dans les Grandes Chroniques de France). On refusa de l'entendre ; mais comme ses comptes étaient en ordre et ne présentaient aucune irrégularité, Louis le Hutin souhaitait seulement condamner l'ancien bras droit de son père au bannissement dans l'île de Chypre. Charles de Valois présenta alors une accusation de sorcellerie qui, bien que totalement fausse, fut plus efficace. L'accusateur principal fut son propre frère cadet, l'évêque Jean de Marigny. Il fut condamné et pendu le 30 avril 1315 au gibet de Montfaucon. Son corps resta exposé au gibet pendant deux ans, jusqu'en 1317. Le nouveau roi Philippe V le Long, le disculpa des méfaits qu'on lui imputait et réhabilita sa mémoire (http://fr.wikipedia.org).

Pierre Scatisse

Pierre Scatisse était trésorier de la sénéchaussée de Nîmes. Lors de la captivité de Jean le Bon à Londres durant la guerre de Cent Ans et fut donc chargé de surveiller la collecte des impôts dans le Languedoc. Pierre Scatisse, trésorier royal, acquiert le château de Villevieille en 1365. Par la lettre close datée du 5 mars 1368, le roi Charles V demande à Pierre Scatisse de payer la rançon du chevalier Bertrand du Guesclin. Cette lettre, en français, a été rédigée à Melun et est scellée d'un cachet de cire rouge. En début janvier 1356, le comte d'Armagnac se rend à Avignon pour rencontrer des envoyés du roi d'Aragon. Il a été chargé par Jean II, d'obtenir du roi Pierre IV, le secours d'une flotte de galères pour opérer le long des côtes de Bretagne contre les Anglais. En raison des implications financières de l'affaire, Pierre Scatisse, trésorier de France, lui a été adjoint. Les émissaires de Pierre IV, François de Perilleux (Franceschi de Perellos), chambellan du roi, et Bernard de Capraria (ou Caprara) sont chargés de leur côté de proposer l'union de l'infante Jeanne d'Aragon avec Louis, duc d'Anjou, deuxième fils du roi Jean II. L'entourage du prince de Galles qui a eu vent de l'affaire, s'en inquiète. Le traité signé le 8 janvier 1356 à Sérignan, près de Béziers, par le comte d'Armagnac et Bernard de Capraria, est approuvé par le roi le 7 avril. Jean II donne son accord au mariage projeté. De son côté, le roi d'Aragon met au service du roi de France, quinze galères armées et douze cents hommes sous le commandement de François de Perilleux, pour la somme de 24 000 florins d'or. Le mariage ne se fera pas. En septembre 1356, les envoyés de la cour de France partis chercher la jeune fiancée, s'arrêteront à Nevers à l'annonce de la défaite de Poitiers.

Jacques Cœur

Jacques Cœur fut argentier de Charles VII, qui correspondait à Garde du Trésor (Voyage dans le temps : Jacques Coeur).

Sully

En 1611, Sully (Rosny-sur-Seine, 1559 - Villebon, 1641) est éloigné du pouvoir, on lui ôta la surintendance des finances et la garde du trésor royal, que la Reine prit, et la donna en garde à Monsieur de Châteauneuf.

Gédéon Dumetz

Gédéon Berbier Du Metz, Président de la Chambre des Comptes est mort en 1709. Gédéon Dumetz fut " Garde de mon trésor royal, monsieur Gedeon Dumetz, payez comptant au sieur de Saint-Mars, cappitaine de la compagnie d'infanterie, qui sert à la garde des sieurs Foucquet et Lauzun, la somme de quinze mil livres, que je luy ay accordée par gratiffication, en considération de ses services et pour luy donner moyen de me les continuer... Fait à Saint-Germain en Laye, le 30 janvier 1679, Louis Le Tellier " (Joseph Delort, Histoire de la détention des philosophes et des gens de lettres à la Bastille et à Vincennes).

Les Frères Paris

Les quatre frères Paris sont originaires de Moirans (Dauphiné) où leurs parents tiennent une auberge. Ils sont mis à contribution par des munitionnaires dans le cadre du ravitaillement des armées françaises en Italie. Accusés d'avoir accaparé des blés pendant une disette, ils durent quitter le Dauphiné. Les deux frères aînés vont travailler à Paris chez des munitionnaires; un peu plus tard, les deux autres frères les rejoignent. Tous les quatre demeurent solidaires et évoluent rapidement vers des situations de plus en plus importantes. Les Paris s'enrichissent et créent un réseau de relations dans les plus hautes sphères du royaume sous les règne de Louis XIV et de Louis XV.

Personnage parmi les plus en vue de la capitale, Antoine Paris fait l'acquisition en 1711 d'un terrain aux environs de Bercy où il élève une somptueuse demeure connue sous le nom de "Paté Paris". Cette construction marque la consécration pour le Moirannais. A la mort de Louis XIV, Antoine Paris sera associé par le Duc de Noailles au règlement de la dette colossale de l'État. A cet effet il va contribuer avec ses frères à la naissance de la comptabilité en partie double (débit-crédit), fondement de notre comptabilité actuelle. Dès lors Antoine Paris ne quittera plus les allées du pouvoir. La liquidation de la dette par l'opération dite du Visa en 1716 confie aux frères Paris un pouvoir exorbitant puisque d'un trait de plume ils décident de la faillite ou non d'un individu. Antoine Paris s'attire ainsi des inimitiés qui lui seront fatales lorsqu'il s'opposera au financier John Law en 1720. La promotion du marquis d'Argenson, le 28 janvier 1718, alors âgé de soixante-sept ans, dans les fonctions de garde des sceaux et à " la direction de l'administration principale des finances " fut un véritable coup d'Etat dirigé contre la domination du " clan Noailles " dans les conseils de la polysynodie. En acceptant les sceaux, d'Argenson, connu pour son attachement aux jésuites, favorisait le revirement du Régent contre la politique religieuse du cardinal de Noailles, qui autorisera la construction d'un tombeau pour le diacre Pâris en 1727, président du Conseil de conscience depuis 1715, qui soutenait l'opposition des magistrats gallicans et du clergé janséniste contre la bulle Unigenitus. D'autre part, en prenant les sceaux, d'Argenson obligeait le duc de Noailles, ami du chancelier d'Aguesseau, à céder la présidence du Conseil de finance au duc de La Force, un partisan de Law, laissant ainsi les coudées franches à l'établissement de son système que le Régent entendait fermement introduire en France, soutenu par les fidèles de Madame de Tencin et de son frère, alliés des jésuites et hardis spéculateurs. Par un édit du mois d'octobre 1718, les fermes générales, dont le bail avait été adjugé aux frères Pâris sous le nom d'Aymard Lambert, un valet de chambre du marquis d'Argenson, furent en effet réformées sur le modèle de la Compagnie d'Occident. Elles furent alors constitués en une société au capital de 100 millions de livres divisé en actions payables en billets de l'Etat et en anciens contrats de rentes sur les impositions. Mais à la différence du système, qui entendait consolider le cours des billets de l'Etat par le soutien de la croissance économique, cette compagnie ne faisait que reprendre les procédés classiques d'une conversion d'anciennes créances en contrats de rentes assignés sur les revenus fiscaux. Cette société, dont les revenus étaient beaucoup plus importants que la rente de 4 millions accordée à la Compagnie d'Occident, menaçait de faire ombrage au système de Law. Elle disparut au mois d'août 1719, lorsque la Compagnie des Indes réussit à faire casser le bail Lambert à son profit. Law obtient de la part du Régent Philippe d'Orléans l'exil des 4 frères Paris. Ce premier revers pousse Antoine Paris à acquérir des terres hors de France. Son choix se porte sur le Comté de Sampigny en Lorraine. La banqueroute de Law verra Antoine retrouver le chemin de Versailles. Philippe d'Orléans leur confie la mise en œuvre du deuxième Visa, opération visant à rétablir les finances de la France après l'expérience de Law. A cette époque Antoine travaille à la création de la Bourse de Paris. Arrivé au faîte de sa gloire, il acquiert en 1722 pour la somme énorme d'un million de livres l'office de Garde du Trésor Royal. Ultime marque de faveur : il est nommé Conseiller d'État en 1724. A la mort du Régent, le duc de Bourbon prend les commandes. Mais une révolution de palais le 11 juin 1726 aura pour conséquence un deuxième exil pour les 4 frères, et le remerciement du duc de Bourbon. Antoine est assigné à résidence à Sampigny, il ne quittera plus ses terres de Lorraine. Il décède dans son château le 29 Juillet 1733.

Jean Paris de Monmartel (Moirans, 1690 - Brunoy, 1766), marquis de Brunoy, comte de Sampigny, signeur de Villers sur Mer, est le benjamin des 4 frères Paris. Il acquiert en 1722 la seigneurie de Brunoy. Personnage le plus riche du royaume après Louis XV, il fait de son parc de Brunoy un chef d'œuvre de l'art paysager du XVIIIème siècle avec des grandes eaux. Brunoy deviendra le lieu de visite favori de la Marquise de Pompadour, Voltaire ou le ministre Choiseul. Jean Paris de Monmartel acquiert en 1724 l'office de Garde du Trésor Royal. Les Frères Paris évincés du pouvoir en 1726, Jean Paris de Monmartel passe quelque temps à Saumur, avant de gagner Sampigny puis Brunoy. Jean et son frère Joseph Paris Duverney profitent de la mort de Fleury et l'arrivée de Madame de Pompadour pour retrouver de l'influence. Jeanne Antoinette Poisson, Marquise de Pompadour est la filleule de Jean Paris de Monmartel. Son père a travaillé comme commis pour les 4 frères Paris. Cette relation privilégiée va permettre à Jean Paris d'exercer progressivement la mainmise sur les domaines clefs de la politique du Royaume. Les Ministères des Finances, de la Guerre et des Affaires Étrangères sont contrôlés indirectement par Jean Paris de Monmartel et son cadet Paris Duverney. Le Duc de Saint Simon ne s'y trompe pas et écrit dans ses mémoires : "ils (les Paris) sont redevenus les maîtres des finances et que l'on voit la Cour à leur pieds". Jean Paris de Monmartel demeurera Banquier de la Cour jusqu'en 1759, date à laquelle il passera le relais au Fermier Général Jean-Joseph de Laborde. Il s'éteint dans son château de Brunoy le 10 septembre 1766.

Joseph Paris fut nommé en 1721 à la tête de la commission du Visa, chargée de réviser la fortune de tous ceux qui, grâce au système de Law, avaient fait des bénéfices exagérés. Il permit à l'État de refuser de payer environs 1 500 millions de livres de dettes. Il lança l'idée en 1725, d'une caisse d'amortissement de la dette publique, créa de nouveaux impôts, rétablit le droit de joyeux avènement, et contribua au mariage de Louis XV et de Marie Leszczynska. Joseph Paris fit créer en 1751 l'École Militaire, dont il fut le premier intendant (www.comite-histoire.minefi.gouv.fr - Marc-René de Voyer de Paulmy d'Argenson, fr.wikipedia.org - Les frères Pâris).

Joseph Micault d'Harvelay

Joseph Micault d'Harvelay (1723 - 1786) était le neveu de Jean Pâris de Monmartel , troisième des quatre frère Pâris, auquel il succéda. Joseph avait épousé une fille de Madame de Nettine, banquier de l'impératrice à Bruxelles. Vienne n'a pas découragé les rapprochements avec la finance française et Versailles y a tout autant œuvré, le renversement des alliances de 1757 y ayant contribué. Trois des quatre filles de Madame de Nettine, anoblie en 1758, trouvèrent un mari en France. Les trois appartenaient aux milieux les plus fortunés du royaume. En 1760, Rosalie épousa Jean Joseph de Laborde, banquier de la cour (1759), Fermier général, marquis en 1785, à la tête d'un empire commercial. Par cette alliance, Harvelay devenait le beau-frère de Jean-Joseph Laborde, d'origine béarnaise mais né en Espagne et naturalisé en 1749. La famille Laborde avait fait fortune dans le commerce de la laine puis dans celui des matières précieuses. Jean-Joseph était devenu le banquier de la Cour et le confident de Choiseul, lequel avait souhaité cette alliance entre le clan Pâris et la famille Laborde. François-Louis-Joseph de Laborde, marquis de Méréville, né à Paris en 1761, était le fils de Jean-Joseph et fut député aux Etats généraux et garde du trésor royal. Il siègera plus tard à la Constituante (http://fr.wikipedia.org).

Charles Savalette de Magnanville

Charles-Pierre-Paul (Tours, 1746 - Paris, 1797), fils de Charles Pierre Savalette de Magnanville (1713-1790), intendant de la généralité de Tours, commis de M. Fagon, l'intendant des finances, fermier général, directeur de la Caisse d'escompte et garde général du Trésor royal de 1756 à 1789, fut lui-même garde du Trésor en 1773. Savalette, qui s'intéresse à toutes les formes d'occultisme accessibles est mesmérien. En 1786 il sera l'un des membres les plus influents de la Société parisienne de l'Harmonie universelle (Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie).

L'abbé Augustin Barruel (1741 - 1820) dans ses "Mémoires pour servir à l'histoire du Jacobisme" dit de lui : "Cette adepte [Savalette de Langes] chargé de la garde du Trésor Royal, c'est-à-dire honoré de toute la confiance qu'auroit pu mériter le sujet le plus fidelle, étoit en même temps l'homme de tous les mystères, de toutes les Loges et de tous les complots. Pour le réunir tous, il avoit fait de sa Loge le mélange de tous les Systèmes sophistiques, martinistes et maçonniques. Mais, pour en imposer davantage au public, il en avoit fait en quelque sorte aussi la Loge des plaisirs et du luxe de l'Aristocratie. Une musique mélodieuse, les concerts et les bals y appeloient les Frères du haut parage: ils y accouroient en pompeux équipages. Les alentours étoient munis de gardes, pour que la multitude des voitures ne causât point de désordre. C'étoit en quelque sorte sous les auspices du Roi même que ce fêtes se célebroient. La Loge était brillante, les Crésus de la Maçonnerie fournissoient aux dépenses de l'orchestre, des flambleaux, des refraîchissemensm et de tous les plaisirs qu'ils croyent être le seul objet de leur réunion; mais, tandis que ce Fréres avec leurs adeptes femelles, ou dansoient, ou chantoient dans la salle commune les douceurs de leur égalité et de leur liberté, ils ignoroient qu'au-dessus d'eux étoit un comité secret, où tout se préparoit pour étendre bientôt cette égalité au delà de la Loge, sur les rangs et les fortunes sur les chateaux et les chaumières, sur les marquis et les bourgeois".

Le Rite des Philalètes fut constitué en 1773, à la Loge parisienne la Respectable Loge des Amis Réunis, fondée par le garde général du Trésor Royal, Savalette de Langes, loge maçonnique peu connue, qui réunit de 1771 à 1791 de nombreux financiers. En fondant cette Loge, Savalette n'avait pas l'intention d'en faire un "repaire" d'affairistes, mais un centre d'union si cher au siècle des Lumières. Le premier Grand Maître fut le Marquis Savalette de Langes. Ses membres sont des spécialistes de l'Hermétisme et des Sciences Occultes. Ils se donnent pour objectif de recueillir dans les principaux rituels maçonniques les traces des sciences secrètes afin de mettre celles-ci en action. Ils pratiquent ainsi l'Alchimie et la Théurgie et entrent en contact avec de nombreux Ordres Hermétiques à caractère non maçonnique. Parmi ses membres: le Cabaliste et alchimiste Duchanteau, le Marquis de Chefdebien, l'Alchimiste Clavières, Court de Gébelin, Von Gleichen, le Prince d'Assia de Beverley. Entre 1775 et 1780, ils constituent une riche bibliothèque rassemblant tous les monuments de la franc-maçonnerie. Ils héritent des archives des Chevaliers Elus-Cohen de Martinès de Pasqually.

En 1780 des maçons ayant à leur tête Savalette fondent la Maison philanthropique (bientôt dénommée Société philanthropique), première fondation parisienne de bienfaisance libre.

Au Convent international de 1787 organisé par les Philalèthes, se distingue le mémoire de Bode, chef de l'ordre des Illuminaten, présent au congrès avec son collègue Von den Busche, et la création de la loge secrète des Philadelphes, avec Savalette de Langes et Tassin de l'Etang, section des Illuminés de Bavière, ne se vouant plus à la recherche de la pierre philosophale, mais décidée à travailler au bonheur du genre hulmain dans l'esprit de la philosophie rationaliste des Lumières.

Les armes des Savalette sont d'azur au sphinx d'argent, accompagné en chef d'une étoile d'or.

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Le sphinx semble astrologiquement lié à la Vierge et au Lion, constellations contigües. L'étoile alpha de la Vierge ou Spica, l'épi, lui était aussi associée. Lorsqu'une planète est dans le signe opposé de celui qu'elle gouverne, on dira qu'elle est en exil. Ainsi, son action deviendra négative, mal employée ou encore presque inexistante, affaiblie. Jupiter est en exil dans la Vierge et les Gémeaux.

Il était une fois l'astrologie

Le Jupiter Héliopolitain (Baalbek) est habituellement représenté le bras droit levé, brandissant de sa main le fouet qui est tenu soit horizontalement soit obliquement. Ce fouet laisse percevoir le caractère puissant et combatif de Jupiter. Le bras droit est plié, avec l'avant bras étiré vers l'avant tenant de la main le classique épi de blé. Cet épi est l'attribut essentiel de Jupiter. C'est aussi l'emblème de fertilité, très fréquent dans l'Antiquité, qui est employé comme motif de décor dans l'encadrement des portes monumentales des temples de Jupiter et de Bacchus à Baalbek (Leila Badre, Les Figurines en plomb de 'Ain el-Djoudj).

Quand les Grecs supposèrent que le sphinx moitié femme et moitié lion donnait des énigmes à deviner, cette fable fut assez évidemment une suite de la doctrine égyptienne qui faisait du sphinx l'emblème de l'énigme. D'un autre côté, l'antiquité ne nous a pas appris quel était le sens de l'espèce de mythe d'après lequel le sphinx dévorait ceux qui ne devinaient pas ses énigmes : on ne peut former là-dessus que des conjectures. L'accueil seulement que Phidias fit à cette fable, lorsqu'il en plaça une représentation sur le trône de Jupiter, prouve qu'elle formait l'enveloppe de quelque dogme religieux. Il est vraisemblable que le sphinx dévorant ceux qui ne pénétraient pas le sens de ses énigmes, était un emblème de la religion soumettant aux peines de l'autre vie les incrédules et les indifférents qui ne l'avoient pas comprise ou pratiquée. Quoi qu'il en soit de ce dernier point, nous voyons pourquoi Phidias représenta Jupiter appuyant son bras sur un sphinx : c'est par la raison que le sphinx était l'emblème de l'organisation des êtres, et en même temps le symbole des mystères de la religion. Le sphinx disait à l'homme religieux : Le créateur seul possède le secret des harmonies de la nature ; adore ce que tu ne comprends pas; ta propre organisation est une énigme aussi difficile à expliquer que celle de l'univers (Émeric-David Toussaint-Bernard, Jupiter).

Un pilier sculpté de la porte de Zeus et d'Héra à Thasos est constitué du fragment C portant un sphinx assis de profil vers la droite, qui formait ornement à l'avant du trône de Zeus et auquel manquent l'extrémité dès ailes et la tête humaine dont il ne subsiste plus que la nuque couverte de longues mèches tombantes (Paul Bernard, Les deux piliers sculptés de la Porte de Zeus et d'Héra à Thasos).

Un médaillon de Marc-Aurèle représente Jupiter Philaléthès (ami de la vérité), tenant dans une main son aigle, et dans l'autre un sceptre, entre deux Némésis : autour et dans l'exergue on lit Attale Sophiste, à ses deux patries, Smyrne et Laodicée.

La ville antique de Laodicée du Lycos (en latin : Laodicea ad Lycum ou Laodicée de Phrygie) était la capitale de la Phrygie en Asie Mineure. Ses ruines sont encore visibles à proximité entre le village de Goncali et le quartier d'Eskihisar (en turc : Vieille citadelle), près de Denizli en Turquie. Elle porte le nom de l'épouse d'Antiochos II, de la dynastie des Séleucides, fondateur de la ville en 246 av. J.-C. En 188 av. J.-C., Laodicée passe au royaume de Pergame, puis en 133 av. J.-C. sous l'autorité des Romains. Bien que manquant d'eau et frappée par plusieurs séismes considérables, la ville a été extrêmement prospère. En raison de sa forte communauté juive, elle devint rapidement un évêché chrétien. Elle est l'une des sept Églises d'Asie citées dans l'Apocalypse : 3 :14 - " A l'Ange de l'Eglise de Laodicée, écris : Ainsi parle l'Amen, le Témoin fidèle et vrai, le Principe de la création de Dieu. {15} Je connais ta conduite : tu n'es ni froid ni chaud - que n'es-tu l'un ou l'autre ! - {16} Ainsi, puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche. {17} Tu t'imagines : me voilà riche, je me suis enrichi et je n'ai besoin de rien ; mais tu ne le vois donc pas : c'est toi qui es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu ! {18} Aussi, suis donc mon conseil : achète chez moi de l'or purifié au feu pour t'enrichir ; des habits blancs pour t'en revêtir et cacher la honte de ta nudité ; un collyre enfin pour t'en oindre les yeux et recouvrer la vue. {19} Ceux que j'aime, je les semence et les corrige. Allons ! Un peu d'ardeur, et repens-toi ! {20} Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. {21} Le vainqueur, je lui donnerai de siéger avec moi sur mon trône, comme moi-même, après ma victoire, j'ai siégé avec mon Père sur son trône. {22} Celui qui a des oreilles, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Eglises. " (http://www.apocalipsis.org).

Jupiter a joué le rôle de bouclier, protecteur de la vie sur notre planète. Si Jupiter n'était pas présent, le bombardement d'astéroïdes, sur Terre serait 1 000 fois plus fréquent (http://www.astronoo.com).

Le berger Ignace Pâris

La légende du berger Pâris, issue du fascicule " Un trésor mérovingien à Rennes-le-Château ", de A. L'Ermite, 1961 semble être une construction. Le nom du berger Ignace Pâris ressemble à un oxymore du jésuite Ignace de Loyola et du diacre janséniste François Pâris représentant chacun des groupes fort opposés au XVIIème et XVIIIème siècle. La découverte du trésor par le berger peut symboliser l'incroyable enrichissement des frères Paris tandis que son nom leur indifférence religieuse intéressée (Le Mercure de Gaillon).

La légende est située en 1645 alors que Nicolas Pavillon était évêque d'Alet depuis 1637, et ce jusqu'en 1677. L'austère évêque avait cependant des pratiques financières étonnantes décrites par Daniel Dessert dans L'argent du sel : Le sel de l'argent.

"Au travers du prisme socioprofessionnel, la nébuleuse Bonneau et Cie apparaît comme un conglomérat de publicains dont le crédit repose sur les familles alliées, les relations et les amis. Mais le prisme religieux révèle une particularité qui en accroît la cohésion et l'efficacité : les fermiers des gabelles sont membresdu parti dévot. Le groupe Bonneau, Quentin, Pallu, Gault et Pavillon mêle finance et militantisme catholique. Chaque génération apporte son lot de fermiers généraux, de prélats réformateurs ou missionnaires et de femmes charitables. Par leurs épouses,leurs oncles, leurs tantes etleurs cousins, Thomas Bonneau son frère Jacques et Quentin de Richebourg sont apparentésà Eustache et Jean Baptiste Gault, François Pallu et Nicolas Pavillon, évêque d'Alet, et, à la fin du siècle, à Louis Milon, évêque de Condom. Dans la première moitié du XVIIe siècle, ces hommes prônent la Contre-Réforme. Les frères Gault sont des oratoriens : nommé à l'évêché de Marseille, Eustache meurt en odeur de sainteté avant d'avoir pris possession de son siège ; Jean Baptiste lui succède en 1640 et incarne le bon pasteur jusqu'à sa mort, trois ans plus tard. Premier évêque nommé en Chine en 1659, François Pallu, prêtre missionnaire, relève, tout comme Nicolas Pavillon, de la mouvance de saint Vincent de Paul. Celui-ci partage les idéaux de M de Miramion et de M Pollalion, autre dame de la Charité, belle-mère de Chatelain, membre du groupe Bonneau. Le mariage en 1639 de Claude Chatelain avec Marie Pollalion éclaire bien cette société : son épouse appartient à l'élite de la banque italo-lyonnaise; elle est la fille d'un résident pour le roi à Raguse et de Marie Lumague, fondatrice des Filles de la Providence. Le contrat est signé par son beau-frère Pierre Aubert, son associé Thomas Bonneau et, surtout, la comtesse de Saint-Paul, la duchesse d'Aiguillon, la chancelière Séguier, la maréchale d'Effiat, quatre éminentes personnalités des Dames de la Charité, toutes immergées dans le monde financier parisien, mais également Bertrand Drouart, figure de proue de la Compagnie du Saint-Sacrement. [...]

Il est frappant de constater que le groupe Bonneau s'empare du Convoi de Bordeaux et des fermes jointes, puis de la Ferme générale des Gabelles de France, quand émerge, dans les années 1629-1630, la Compagnie du Saint Sacrement. Cette société secrète combat l'hérésie, les déviances, la misère, et prône une foi missionnaire ainsi qu'un vaste programme charitable. Ces objectifs supposent des ressources, d'autant que les souffrances et les désordres liés au conflit avec les Habsbourg accroissent les difficultés et requièrent une augmentation des financements. Mais les impératifs canoniques condamnant le prêt à intérêt, joints aux préventions sociales relatives à la finance et aux financiers, mettentles publicains,leurs familles et leurs bailleurs de fonds dans une situation quasi schizophrénique. Comment un pasteur qui blâme le trafic de l'argent et les pratiques coupables qu'il sous tend peut-il s'accommoder d'un frère, d'un beau frère, d'un neveu publicain ou bailleur de fonds ? Comment peut-il justifier l'union de fermiers ultracatholiques, comme Bonneau, Chatelain, Pavillon, Scarron, Gillot ou Le Roy avec des protestants non moins convaincus comme Monceau, Daliès, Bigot, Louvigny, Sarrau ou Rambouillet ? [...]

C'est dans cette contradiction permanente que vit Nicolas Pavillon, symbole du militantisme catholique le plus rigoureux : sa famille est immergée dans la maltôte et lui-même y participe en qualité de prêteur, ce qui surprend davantage ! Certes, ce paradoxe pourrait tenir à son hypocrisie, réponse trop facile au problème. D'autres données interfèrent. L'activisme dévot en compagnie de protestants semble aberrant, mais n'en reste pas moins compréhensible, car la finance loin d'être monolithique, applique la formule de l'Écriture: «Il y a plusieurs maisons dans la dans la maison du Père.» Aussi fédère-t-elle, dans un ordre plus temporel que spirituel, ceux qui demeurent orthodoxes et ceux qui sont considérés comme hérétiques. Ainsi, les deniers du culte et le culte des deniers se révèlent être deux expressions différentes du même credo. Le pragmatisme gomme peu à peu les préventions à l'égard ducommerce de l'argent, d'autant plus que les pressions sociales et la casuistique concourent à neutraliser la contradiction entre religion et finance. [...]

Si les fermiers des Gabelles se recrutent dans les milieux ultracatholiques côtoyant souvent la Compagnie du Saint Sacrement, ce constat vaut également pour leurs bailleurs de fonds. Ces derniers sont nombreux, environ 25 %, à compter parmi leurs proches un évêque, un religieux, une dame de la Charité, un dévot militant, d'autant que les dignitaires de l'Église s'affranchissent difficilement de l'univers de la maltôte Près de quarante prélats sont parents d'un ou de plusieurs prêteurs de ces Messieurs des Gabelles. Là encore, cela concerne les personnalités les plus en vue du catholicisme français. Ainsi,les évêques Sébastien et Victor Bouthillier, Bourlon, Brandon, Caulet, Cospeau, Gault, Godeau, Perrochel, Vialart et Habert de Montmort – pour certains, membres éminents de la Compagnie du Saint Sacrement – sont parents de bailleurs de fonds ; parmi eux, d'aucuns sont prêteurs, comme Nicolas Pavillon, Pierre Habert, Dominique de Ligny ou Jean de Lingendes. Comment justifier,là encore, une participation àl'opposé de l'idéologie dévote et de la morale dominante ? Car, nécessité quotidienne faisant loi, le groupe Thomas Bonneau n'hésite pas à démarcher pêle-mêle catholiques et protestants. [...]

Un homme du XVIIe siècle, profondément chrétien, peut objectivement s'adonner aux opérations financières sans grand risque pour sa conscience. En effet,les fermiers des gabelles avancent les sommes prévues en recourant à des promesses ou à des obligations, contrats où le montant de l'intérêt n'est jamais précisé. Et lorsqu'ils recourent à des constitutions de rente, elles sont souscrites au denier légal, donc canonique. Même si ces emprunts, ces promesses et ces obligations dissimulent un taux nettement plus élevé,le bénéfice reste secret et la morale est sauve dans une société où la forme l'emporte sur le fond. La participation aux finances publiques ne pose pas davantage de problème. Dieu lui-même a fixé le chemin à suivre. L'Écriture ne dit-elle pas: «Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu» ? Ce qui relève de César – le souverain –, c'est l'impôt. Le percevoir, le financer ne contrevient donc pas à l'ordre divin. [...]

On constate que les dévots du XVIIe siècle n'ont guère de scrupules en matière de placements financiers. Au reste, si les Pères de l'Église, les exégètes, les évêques dénoncent seulementles péchés induits – avarice cupidité, usure et débordements de toute sorte –, la richesse non conservée et distribuée aux pauvres est, elle, sanctifiée : le parti dévôt a besoin d'argent pour accomplir sa mission. En outre, il trouve l'occasion de le faire fructifier dans la finance royale, le crédit octroyé à l'État ne tombant pas sous le coup des interdits théologiques. Tout comme le laquais financier permet aux élites sociales d'échapper aux condamnations éthiques ce personnage créé de toutes pièces servant de paratonnerre, l'exégèse permet de résoudreles contradictions religieuses (Daniel Dessert, L'argent du sel: Le sel de l'argent, 2012 - books.google.fr).

Après l'avoir entendu lors d'une octave du Saint-Sacrement, le cardinal de Richelieu nomme Nicolas Pavillon, en 1637, évêque du petit diocèse d'Alet, au sud-est de Toulouse. Sacré le 22 août 1639, il devient, selon sa propre expression, « évêque de village » (fr.wikipedia.org - Nicolas Pavillon).

Marc-Antoine Lumague, banquier italien, mort en 1618, eut comme fils : Octavio, banquier à Nuremberg ; Barthélemy, naturalisé français en 1599, bourgeois de Lyon, mort sans enfant en 1641 ; Jean-André, anobli en 1603, seigneur de Villiers sous Saint-Leu-d'Esserent, où fut invité Vincent Depaul, mourut en 1627 (ou 1637), père de Marie de Lumague, fondatrice des Filles de la Providence et de Nicolas Lumague, fils, abbé de Saint-Pierre-de-Risle qui rattache son monastère à l'esprit de la congrégation de Saint-Geneviève de Paris ; Charles ; Marc-Antoine, banquier à Paris, qui serait le commanditaire du tableau "Diogène jetant son écuelle" de Nicolas Poussin (1648, Louvre) où le renoncement aux richesses et la vie selon la nature sont exaltés par l'ampleur du paysage (Jean Tricou, Doucments lyonnais aux armes des Lumague, Archivum heraldicum, Volume 40, Société suisses d'héraldique, 1926 - books.google.fr, Alain Mérot, Du paysage en peinture: dans l'Occident moderne, 2009 - books.google.fr).

Barthélemy Lumague, bourgeois de Lyon, banquier, seigneur de la Haye, oncle de Marie, épousa à Lyon, par contrat du 14 septembre 1619, Anne de Bourg, veuve en premières noces de Jean-Baptiste Beccarie. Cette dernière mourut à Lyon le 8 mai 1632. Bienfaiteur des Carmes Déchaussés, il fonda dans leur couvent le 1 juillet 1627 une chapelle sous le vocable de Sainte-Thérèse, qui passait pur l'une des plus riches de Lyon, pour laquelle il commanda au Guerchin un Christ apparaissant à Thérèse (Jean Tricou, Doucments lyonnais aux armes des Lumague, Archivum heraldicum, Volume 40, Société suisses d'héraldique, 1926 - books.google.fr, Les sommets de La Croix d’Huriel : Scolastique).

Quelques autres gardes

Estienne Jeannot, sieur de Bartillat, baron d'Huriel en 1662 ; Nicolas de Frémont en 1689 ; Claude Lebas de Montargis ; Jean-Baptiste Brunet de Chailly, Nicolas Frémont d'Auneuil (1622 - 1696) garde de 1689 à sa mort, un des financiers les plus marquant du règne de Louis XIV, créature de Colbert dont la maison, un bijou selon Germain Brice dans sa Description de Paris, 1684, était située dans l'enclos du Temple ; Jacques Poulletier (1644 - 1711) en 1700 ; Jean de Turmenies, seigneur de Nointel, né vers 1637, mort à Paris en 1702, inhumé à Nojntel, garde de 1696 à sa mort ; Roland-Pierre Gruyn de Tigery (mort en 1721) enregistré en tant que garde du trésor royal pour les années 1695, 1697 et 1701. Entre 1703 et 1718, il partage cette charge avec Jean de Turményes de Nointel, selon Boislisle.

Pinet, agent de changea Paris, était un riche agent de change parisien, qui ayant monté un système de carambouille similaire à celui de Law vit passer entre ses mains de 1785 à 1789 des sommes considérables. Il empruntait en 1788 et 1789 de l'argent à un intérêt si exorbitant qu'il séduisit tous les avides et crédules capitalistes de cette ville, et son exactitude à paver les intérêts et surtout à rendre les fonds de quiconque témoignait la moindre inquiétude sans qu'aucune instance put les lui faire reprendre, lui attira une telle confiance que sans aucun capital apparent qui servît de caution, il vit passer dans sa caisse en fort peu de temps des sommes immenses. Ses liaisons connues avec le duc d'Orléans qu'on croit le premier auteur de sa fortune et qui l'employa dans ses accaparements de grains, le firent appeler en 1789 par la cour qui recherchait alors les causes de la disette que l'on éprouva au moment de l'ouverture des états généraux. Il eut une conférence à Marly avec les ministres et plusieurs autres personnes que l'on soupçonnait aussi être dans le grand secret des accaparements. On promit a Pinet la place de garde du trésor royal, et il s engagea de son côté à fournir des éclaircissements sur cet objet; mais il fut assassiné quelques jours âpres (le 20 juillet) dans un bois prés du Raincy. Voici comment M. de Moleville raconte cet événement: " Le duc d'Orléans engagea Pinet à aller chercher son portefeuille au Raincy où il était déposé, et le renvoya dans une voiture avec des gens de sa maison. Comme il revenait à Paris, il fut assassiné, et les gens du duc déposèrent qu'ils avaient été attaqués a par des voleurs. Après les premiers secours qu'on lui administra, Pinet s'écria : mon portefeuille ! mon portefeuille ! les scélérats ! " Selon le même auteur, les créanciers de Pinet ayant découvert à la fin de 1791 un ancien valet de chambre du prince, entamèrent une négociation avec lui et en obtinrent des détails précieux ; mais lorsqu'il fut sur le point d'être amené devant la justice, cet homme disparut tout à coup de Paris sans qu'on ait pu savoir ce qu'il était devenu. On crut dans le temps qu'il avait vendu son silence au duc d'Orléans, et que celui-ci assura sa fuite. Amateur d'art, il avait constitué une belle collection de tableaux et d'estampes, ainsi qu'une riche bibliothèque dispersé à la Révolution (Alph. de Beauchamp, Biographie moderne).

Pertes possibles du Trésor royal

En 1194 lors de la bataille de Frétéval, non loin de Vendôme, Philippe Il Auguste subissait une importante défaite face à Richard Coeur de Lion. Comme ses ancêtres, Philippe Il emmenait avec lui lors de chaque campagne les archives et trésors de la couronne qui étaient placée dans 6 énormes charrettes de sa suite. Au cours de la débâcle de l'armée française, ces charrettes tombèrent aux mains du roi Plantagenêt.

Sous Charles V, les " joyaux " de la couronne étaient dispersés dans les différentes résidences royales : Melun, Vincennes, Saint-Germain en Laye, Hôtel Saint-Pol, Louvre, d'où autant de risques.

Le 23 novembre 1407, l'assassinat de Louis d'Orléans rue Vielle-du-Temple provoque la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons. En septembre 1411, la cité bascule dans le camp Bourguignon ; la guerre civile règne alors de 1412 à 1420. Lors de cette dernière, en 1413, la révolte des Cabochiens secoue la ville. La chasse est donnée aux Armagnacs sous le contrôle des Bourguignons et mené par la corporation des bouchers, les écorcheurs. Du Traité de Troyes à 1435, la ville de Paris est aux mains des Anglais et de leurs alliés bourguignons. Henri VI d'Angleterre est sacré roi de France en 1431. Paris sort profondément ruinée par la guerre, en particulier suite au siège de 1429 imposé à la ville par Jeanne d'Arc qui veut la reprendre aux anglais et à leurs alliés bourguignon (http://fr.wikipedia.org).

Paris n'eût cependant pas à souffrir de pillage au cours de la guerre de Cent ans, la crise économique et politique qui toucha la ville au tournant du XIVème et du XVème siècle entraîna souvent une dégradation de l'état des édifices religieux, du fait surtout d'un manque d'entretien. Aussi, au lendemain du départ des Anglais en 1436, les travaux de restauration se multiplièrent-ils dans les églises parisiennes (http://lha.enc.sorbonne.fr).

Les prises de la Bastille, où le trésor royal fut entreposé à certains moments, aux mains de rebelles à l'autorité royale sont au nombre de trois :

- La Journée des Barricades (huitième guerre de religion), la Bastille se rendit le 13 mai 1588.

- Pendant la Fronde en 1649, un Frondeur en est nommé gouverneur : Pierre Broussel.

- Enfin 1789, le 14 juillet : Outre les prisonniers, la forteresse héberge les archives du lieutenant de police de Paris qui sont soumises à un pillage systématique. Ce n'est qu'au bout de deux jours que les mesures sont prises par les autorités afin de conserver ces traces de l'histoire.

Le 3 janvier 1790, le naufrage du Quintanadoine, anciennement Télémaque, coule à Quillebeuf avec, paraît-il, les trésors des abbayes de Jumièges et de Saint-Georges-de-Boscherville, ainsi que celui de Louis XVI. Plusieurs tentatives de renflouement ont lieu en 1818, 1837 (Magny et David), 1842 (Taylor) et en 1939 (Lafitte) où l'on retrouve des monnaies à l'effigie de Louis XVI datées de 1788.

Après la défaite de Napoléon lors de la campagne de France, les Alliés occupent la France et Paris. Mais les Bourbons étaient dans leurs malles.

Sous l'occupation, les Allemands avaient tout intérêt à déposséder la France des symboles, même si ce n'était que ça, de sa puissance. Mais cela impliquait aussi l'Eglise de Rome qu'Hitler a tout de même respectée. Les Allemands n'ont jamais pénétré dans l'enceinte du Vatican (en vertu de quel arrangement ?).

A la recherche du trésor...

Arthur Bernède, né à Redon (Ille-et-Vilaine) le 5 janvier 1871 et mort à Paris le 20 mars 1937, est un romancier populaire français, journaliste au Petit Parisien. Auteur très prolixe, il a publié près de 200 romans d'aventures et d'histoire et créé plusieurs centaines de personnages romanesques, dont certains, devenus très célèbres, tels que Belphégor, Judex et Mandrin, ont effacé leur créateur. Il a également mis en scène Vidocq, inspiré par les exploits de ce chef de la Sûreté haut en couleurs.

Mais, parmi les centaines de cinéromans que ce bourreau de travail a imaginés, Belphégor reste le plus envoûtant. L'intrigue, nouée autour de l'inquiétante statue du dieu moabite, se déroule dans le musée du Louvre, aux heures où ses portes, refermées sur le public, s'ouvrent aux mystères de la nuit : grimoires codés, trésor caché au fond d'une trappe, passage secret aboutissant au pied de la Victoire de Samothrace. Simone Desroches, maîtresse du journaliste Jacques Bellegarde, apprend d'un manuscrit écrit par l'astrologue de Catherine de Médicis, Ruggieri, que le Trésor des Valois était caché quelque part dans le palais du Louvre. Simone adopte le costume et l'identité de Belphégor et crée l'impression que le musée est hanté.

Denier de Charles IX, http://www.coinarchives.com)

Dans ce dédale obscur, de troubles personnages manigancent, tel ce mystérieux bossu qu'on voit filer au détour d'un couloir. Et que poursuit Chantecoq, le "roi des détectives". C'était le temps où, pour commettre son larcin incognito, un voleur s'accoutrait d'un linceul noir et d'un capuchon, où les détectives pouvaient s'affubler d'une barbe postiche et d'une perruque pour berner la police; et où un journaliste du Petit Parisien était en droit d'espérer résoudre à lui tout seul une énigme au retentissement national (Laurence Liban, Belphégor, Lire, juillet 2001 / août 2001).

Belphégor est une divinité ancienne révérée sur le mont Pe'or au Proche-Orient inspiré du dieu Baal Phégor, mentionné dans le Tanakh et la Septuaginte, traduction grecque de la Torah. Dans un passage de l'Ancien Testament, les Hébreux menés par Moïse font halte avant leur arrivée au pays de Canaan, et s'étaient laissés entraîner par des femmes locales (moabites ou midianites - bédouines -, selon le passage) à la fornication et au culte de leurs dieux. Dans la démonologie chrétienne, Belphégor est le démon qui séduit ses victimes en leur inspirant des découvertes et des inventions ingénieuses destinées à les enrichir.

Belphégor, 1965

Ce dieu de l'invention permet de retrouver Numa, hors diabolisation.

" Numa Pompilius et Moïse comparaissent dans les sommes heurématiques au titre d'inventeurs, ce sont des législateurs-artistes (Polydore qualifie Numa de " novae religionis auctor ") qui ont inventé les rites, les cultes, la politia de leur peuple. Ici se rejoignent et se fondent tradition heurématique et science des antiquaires : des textes aussi inscrits dans la culture de la Renaissance que la Divination et la Nature des dieux de Cicéron, les Vies parallèles de Plutarque ou les Fastes d'Ovide livrent des versions étoffées de l'éloge de Numa ordonnateur de la politia romaine qui ne fait défaut à aucun catalogue des Inventores rerum. Parmi ces piliers de l'éducation humaniste, la République de Cicéron formule, en des termes qui seront ressassés et élaborés jusqu'au XVIIème siècle, les figures de l'art royal. Les législateurs sont des artistes et la métaphore technique, travail du fer ou du marbre, ne manque jamais de rappeler que la politia ou civiltà est œuvrée. […] Traduisant Plutarque, Amyot a recours à la métaphore artisanale pour qualifier l'art de Numa : " Amollir et adoucir, ni plus ni moins qu'un fer, sa ville, en la rendant au lieu de rude, âpre et belliqueuse, qu'elle était, plus douce et plus juste " (De la république, II, XIV.) (Patricia Falguières, Les inventeurs des choses).

Tout un fromage

Nous avons vu que le graal pouvait désigner une claie (clé...) à fromage (Le mot graal). On retrouve cette claie dans une poème attribué à Virgile, l'initiateur du mythe de l'Arcadie en Europe occidentale. Dans ce poème, sont cités les mêmes fruits de l'automne qu'offre Tityre à Mélibée à la fin de la première bucolique virgilienne :

Sunt et caseoli, quos juncea fiscina siccat,

Sunt autumnali cerea pruna die,

Sunt et mora cruenta, et lentis uva racemis

Et pendens junco caeruleus cucumis

Castaneaeque nuces et suave rubentia mala.

(Voici encore de petits fromages que sèche une claie de jonc, voici les prunes blondes d'un jour d'automne, voici encore des mûres sanglantes, et une grappe de raisins fondants, et, pendant à sa tige, un concombre d'azur, des châtaignes et des pommes doucement rougissantes)

L'attribution traditionnelle à Virgile "a pour elle Servius, qui énumère la Copa dans sa liste des sept ou huit ouvrages mineurs de Virgile [...] En faveur de l'attribution milite aussi la ressemblance de facture indéniable qu'offre la pièce avec les fiers et charmants distiques : Si mihi susceptum fuerit decurrere munus..., qu'on attribue aussi à Virgile […] Qu'on tienne l'authenticité de la Copa pour certaine, comme H. Focillon, ou seulement pour probable, cette "fraîche et folle fantaisie " est de tous les poèmes mineurs attribués à Virgile le plus joli et le plus digne peut-être du poète de Mantoue" (remacle.org - La fille d'auberge (Copa)).

" Le nom de Fiscus, comme ses dérivés Fiscina et Fiscella, a été appliqué à toutes sortes d'ouvrages d'osier, de jonc, de genêt, pouvant servir de récipient; mais on ne doit pas attacher à ce nom l'idée d'une forme rigoureusement déterminée. Des textes prouvent que les olives et d'autres fruits étaient placées dans des fisci sous le pressoir ; il s'agit, dans ce cas, de corbeilles larges et basses […]. D'autre part, le nom de fiscus, et aussi ceux de fascina et fiscella, ont été donnés à des récipients monétaires pouvant contenir en numéraire des sommes importantes, et ceux-ci devaient être nécessairement d'une certaine profondeur, fermés et munis d'anses pour être facilement transportables. Sans doute aussi, après avoir été faits primitivement d'osier, ces fisci le furent de matières plus résistantes, telles que le bronze ou le fer. Enfin, on prit l'habitude de désigner par le mot fiscus plus spécialement le vase contenant l'argent du Trésor public et, parla suite, il servit d'appellation au Trésor lui-même On a reconnu l'image du fiscus ayant cette destination officielle sur des monnaies et d'autres monuments où il figure parmi les insignes de la questure […] Le mot fiscus, fut employé d'une manière technique sous Auguste et surtout depuis Tibère pour indiquer le trésor du prince, ou domaine de la couronne organisé par ce premier empereur. Cette institution correspondait à la distinction des provinces du peuple ou du sénat, et des provinces de l'empereur, administrées d'ailleurs au moyen de la séparation de l'Aerarium populi ou Saturni de l'Aerarium militare et du Fiscus, Auguste espérait obtenir à la fois un accroissement de ressources, et une action plus énergique pour le recouvrement des impôts. Le Fiscus était considéré comme le trésor de la couronne, et, en ce sens, opposé à l'Aerarium ou trésor public, dont les éléments et l'administration étaient différents. Quelquefois, le premier est appelé Aerarium privatum, et le second Aerarium publicum ou majus. Bien plus, Sénèque et même le jurisconsulte Ulpien vont jusqu'à assimiler le Fiscus à un quasi patrimoine du prince : res fiscales quasi privatae et propriae principis sunt. Cependant le patrimoine proprement dit du prince semble avoir déjà à cette époque formé en fait, et depuis Septime Sévère en droit, une partie du Fiscus, res privata Caesris ou Augusti ratio administrée séparément. On pourrait donc avec quelque raison assimiler plutôt le fisc d'Auguste à notre domaine de la couronne (Dictionnaire Daremberg).