Partie XIV - Le Serpent rouge   Charles Baudouin   L’Enéide et le Serpent rouge   
SERPENT ROUGE 13 ENEIDE ZODIAQUE CHARLES BAUDOUIN

Introduction

Oui ou non, les douze livres composent-ils un symbolisme zodiacal ? J'ai dressé l'oreille à cette question, lors d'une de mes lectures de l'Enéide, en rencontrant, au livre X, une prédilection pour les comparaisons empruntées au Lion (X, 273, 454, 723). Cela ne signifie peut-être pas grand-chose; mais voici, au livre XI, une présence plus marquée (et liée davantage au sujet même du livre) des images de la Vierge. C'est alors que Lavinie est désignée comme «la vierge, cause de tout ce mal, Lavinia virgo, cotisa mali tanti» (XI, 479), mais c'est ce chaut surtout qui célèbre longuement la personne et les exploits de la «vierge Camille» vouée à Diane (XI, 535 sqq.

Continuons, et voici au livre XII, Jupiter, arbitre et pacificateur, qui recourt à la juste Balance. Jupiter ipse duas aequato examine lances Sustinet (XII, 723). Ainsi des images correspondant aux signes du Zodiaque seraient évoquées dans l'ordre même de ceux-ci. N'est-ce pas décidément une piste ? Je crains que, dans d'autres livres, on ne perde les traces. Cependant, pour reprendre par l'autre bout, Gaston Bachelard, le spécialiste du symbolisme des éléments, nous dirait sans doute que le livre I, celui de la tempête, est bien sous «signe d'eau» (Scorpion ?) et que le livre II, consacré à l'incendie de Troie, est tout aussi visiblement sous «signe de feu» (Sagittaire ?). Au livre III, le rapprochement se ferait de nouveau plus étroit; car cette partie de l'histoire est bel et bien datée : c'est le moment où «le soleil achève d'accomplir son cycle annuel» et où apparaît «l'hiver glacial» Interea magnum sol circum volvitur annum Et glacialis hiems Aquilonibus asperal undis (III, 284-285). Ce qui paraît situer très proprement ce moment de l'action à l'entrée du soleil dans le Capricorne... On pourrait s'amuser à poursuivre la recherche. En ne donnant ces remarques fort incomplètes que pour ce qu'elles valent, nous pensons qu'il était bon de soulever, en passant, une question qui pourra intéresser d'autres chercheurs. En face d'Énée, le héros de lumière, il nous reste à placer son adversaire Turnus. De fait, Turnus est bien à Enée ce que le brigand Cacus est à Hercule. Lorsqu'il s'introduit dans le camp troyen, c'est le tigre dans la bergerie. Mieux encore, il devient à ce moment une sorte de créature surnaturelle qui inspire l'horreur ses yeux jettent des flammes, ses armes des éclairs, le panache de son casque est une crête sanglante : Immanem veluti pecora inter inertia tigrim... (IX, 729-733). N'a-t-on pas déjà reconnu, aux traits que nous avons relevés, quelques-unes des caractéristiques les plus classiques du dragon du mythe ? Et si nous relisons le passage avec cette image dans l'esprit, nous la verrons se refléter dans chaque détail, et peut-être jusque dans ces «armes qui sonnent horriblement», semblables aux écailles du monstre. Dira-t-on que nous nous contentons de vagues analogies ? Nous renverrons alors à un autre passage où le portrait se précise, où les mêmes traits sont repris, mais poussés dans un sens, cette fois, manifestement mythologique; le casque de Turnus est surmonté d'une figure de la Chimère, dont la gueule crache les feux de l'Etna (VII 785-786) (Charles Baudouin, Le Triomphe du heros, Etude psychanalytique sur le mythe du heros et les grandes epopees, 1952) (nonagones.info- Synthèse - Chapitre LXIII - L’étoile hermétique - Alchimie et Astrologie, nonagones.info - Le Prieuré de Sion - Prologue - Serpentaire : Annemasse et Charles Baudouin).

Scorpion - Livre I

Le sens du voyage est également révélateur de l'initiation. Il serait trop réducteur de dire que le voyage d’Enée est une trajectoire d'est en ouest, même s’il est clair qu’il s’inscrit dans une archétypologie solaire. Il est continuellement associé à la trajectoire solaire, rythmé par exemple, par les levers de soleil. Un point essentiel, pour notre approche, est la remarque apportée par Joël Thomas : la trajectoire d’Enée ne le conduit pas régulièrement d'est en ouest, suivant un mouvement uniforme. Elle le mène à Carthage et pour aller de Carthage vers la terre promise, Enée revient vers l’Est, avec une escale dont nous verrons plus tard qu’elle est une création virgilienne. Ainsi, la trajectoire du héros se définit non seulement dans des mouvements complémentaires vers l'Orient et vers l'Occident, mais aussi par un mouvement "convergent et spiraloïde" (Joël Thomas, L’imaginaire du temps et de l’espace chez les Latins).

La spirale est à coup sûr, l'un des symboles majeurs du voyage initiatique parce qu'elle "définit le passage et l'évolution". Dans l'Énéide, la spirale est évolutive : associée à la genèse de Rome et de son peuple, son mouvement convergera vers le Centre, en l'occurrence, Rome. Et, l'image du Centre et de la Périphérie nous amène tout naturellement au labyrinthe qui associe à un mouvement spiralé de la périphérie vers le centre une relation constante entre eux. La marche d'Enée vers le centre s'exprimera par sa quête de la terre promise et de la patrie originelle (Frédéric Dewez, Cartes, routes et chemins symboliques dans l’Énéide, 2014 - theses.hal.science).

Pensons à Enée, perdu dans la tempête et les tourbillons du livre I de l'Enéide; pensons aussi à Didon, dont Virgile nous dit, au livre IV : «Toujours, il lui semble qu'elle est laissée seule, toujours qu'elle marche sans compagnon sur une longue route et cherche ses Tyriens dans un désert» (IV, 466-468).

L’Enéide, livre I, vers 114 :

Ingens a vertice pontus
In puppim ferit : excutitur, pronusque magister
Volvitur in caput ; ast illam ter fluctus ibidem
Torquet agens circum, et rapidus vorat aequore vortex

Le tourbillon, le vortex vecteur de mort : torrent dévastateur, trombe de vent, ou tempête marine du Ier Livre; chaque élément peut se charger de cette puissance destructrice et avaleuse. Je relève incidemment que l'on trouve la même image de spirale de mort, sur le plan horizontal associée à l'élément marin chez Virgile, et sur le plan vertical associée à l'élément aérien chez Saint-Exupéry, dans Vol de nuit, lorsque Fabien, prisonnier de son avion — autre esquif — et de la tempête, s'élève «en spirale, dans le puits qui s'était ouvert».

Au vortex involutif s'oppose donc la spirale évolutive; déjà, les voyages d'Héraklès le ramenaient, chaque fois, à la cour d'Eurysthée, mais différent, enrichi d'un nouveau travail; de même, dans le roman de chevalerie, les quêteurs du Graal passent et repassent à la cour du roi Arthur, mais en franchissant chaque fois comme un degré supplémentaire sur une spire évolutive. La progression d'Enée, de Troie à Rome, est elle aussi à sa manière, en forme de spirale, dans la mesure où, des errances du III Livre à Carthage, puis à la Sicile à l'Italie, pour finir par la remontée du Tibre, la trajectoire du héros ne cesse de se circonscrire et de se préciser vers un Centre (Joël Thomas, Poésie latine et psychologie des profondeurs, Actualité de l'Antiquité, Actes du Colloque Pallas de Toulouse, 1989 - books.google.fr).

Servandoni naquit à Florence en 1695, de Jean-Louis Servandoni & de Marie Ottariani et mort à Paris le 19 janvier 1766. Les crayons & les pinceaux furent le jouet de son enfance : la lecture des poëtes latins & italiens, en lui ouvrant la source des richesses de la fiction, lui donna ce génie plein d'élévation & de noblesse pour les bâtimens, la décoration & les fêtes. Pendant environ 18 ans que M. Servandoni eut la direction du théâtre de l'opéra de Paris, pour la partie des décorations, il en fit exécuter plus de 60. Il eut, quelque tems après, à sa disposition, le théâtre du roi appellé la salle des machines, au palais des Tuileries. Ce ne fut que dans la descente d'Enée aux enfers, exécutée en 1740, qu'il parvint à la perfection. Il y eut aussi la Forêt enchantée, sujet tiré de la Jérusalem délivrée. Le roi de Pologne, électeur de Saxe, l'appella à sa cour, en 1755. De retour à Paris, Mr. Servandoni obtint au concours la conduite du bâtiment de St. Sulpice, dirigé auparavant par Oppenord. C'eft d'après ses dessins, qu'a été construit le portail de cette église (Journal encyclopédique, Tome 141, 1773 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Giovanni Niccolo Servandoni).

Le poulpe pourrait se retrouver dans le monstre Scylla.

Une fois au port, Enée répartit ses prises entre tous ses compagnons. Il apaise, par ses paroles, leurs coeurs affligés :

"Amis, nous n'oublions pas bien sûr nos malheurs passés,
vous qui avez subi les pires des maux, auxquels un dieu aussi mettra fin.
Vous avez approché la rageuse Scylla, les rugissements
sortant du fond de ses écueils..."
(Livre I, 198-201) (bcs.fltr.ucl.ac.be - Virgile, Enéide, Livre I).

La Scylla homérique est une pieuvre géante (Odyssée, 12, 85-100); celle de Virgile est un monstre aussi, mais sa monstruosité ne se voit pas. Comme les Sirènes par leur chant, elle agit par l'attrait meurtrier de son visage offert, de son buste aux formes pures et parfaites le péril, c'est de la voir, v. 431 — et les navires vont se jeter sur les rochers (Jacques Perret, Eneide de Virgile, Volume 1, 1981 - books.google.fr, Revue de l'instruction publique de la littérature et des sciences en France et dans les pays étrangers: recueil hebdomadaire politique, Volume 17, 1867 - books.google.fr).

Sagittaire - Livre II

La colline blanche renverrait à Albe la Longue, Albe la Blanche, dont la fondation est annoncée par une truie blanche à Enée (Livre VIII), sachant que le mot truie provient de "troja", nom latin de la ville de Troie (Ghislaine Juramie, Hélène ou l'or des songes: Le prodigieux roman d'Heinrich Schliemann, 1962 - books.google.fr).

Le "serpent rouge" renverrait à l'un des deux serpents envoyés par Athéna qui tuent le prêtre Laocoon à Troie pour avoir flairé le stratagème du cheval de bois, tel que le raconte Enée au Livre II.

Mais il y a aussi des prédicteurs, Laocoon et Cassandre, et la fatalité du destin ne s'accomplit que parce que leur action se trouve inhibée. D'où la charge écrasante des contrefactuels : si..., si..., Troie serait encore debout. Laocoon, prêtre à la fois d'Apollon et de Poseidon, est l'oncle d'Énée. Au début, c'est un prêtre sacrificateur en tant que prêtre d'Apollon. Il représente les Destinateurs mais il se trouve ensuite lui-même sacrifié par les Destinateurs, et cette fois en tant que prêtre de Poseidon (Laocoon avait été tiré au sort pour remplacer le prêtre de Poseidon antérieur, lapidé par les Troyens pour n'avoir pas su empêcher le débarquement des troupes grecques). Son agonie, décrite par le célèbre vers «il pousse vers les astres des clameurs horribles», est qualifiée par métaphore sacrificielle «comme mugit un taureau sacrifié». C'est cette inversion de statut de sacrificateur à sacrifié qui est interprétée comme une expiation et qui force la décision. Quant à Cassandre, la plus belle des filles de Priam, c'est une voyante qui donne à voir le futur. Elle a tout prévu : l'enlèvement d'Hélène par son frère Paris, la guerre, la destruction de Troie; puis, devenue prisonnière d'Agamemnon, elle prédira également l'assassinat de ce dernier par son épouse Clytemnestre. On ne la croit cependant pas car si Apollon, amoureux d'elle, lui avait appris la prophétie, il l'avait aussi condamnée, lorsqu'elle se refusa à lui, à ne pas être crue. Elle possède le don de prophétie mais pas le don de persuader (Monique Canto-Sperber, Devons-nous désirer la paix perpétuelle ?, Jean-Pierre Dupuy, Dans l'œil du cyclone: colloque de Cerisy, 2008 - books.google.fr).

Dans la pièce Les Troyennes d'Euripide, le caractère criminel de la conduite des Grecs à l'égard de Troie, et donc des Athéniens à l'égard de Mélos, est, dès le début de la pièce, fortement dénoncé par les dieux. Poseidon lance : «Insensé le mortel qui détruit les cités et livre à l'abandon les temples et les tombes, asiles saints des morts; sa perte s'ensuivra» (v. 95-98). Les coupables seront punis, comme le décident Athéna et Poseidon, et leurs retours seront rendus terribles par les ouragans déchaînés par Zeus et Poseidon, et leurs retours seront rendus terribles par les ouragans déchaînés par Zeus et les tempêtes déclenchées par Poséidon lui-même (Francis Prost, Armées et sociétés de la Grèce classique: aspects sociaux et politiques de la guerre aux Ve et IVe s. av. J.-C., 1999 - books.google.fr).

Cf. les tourbillons/spirale du Livre I.

Le symbolisme de l'eau est si riche et si universel. Elle est le principe qui donne la vie. Elle est aussi celui qui redonne la vie après l'avoir ôtée. En elle tout meurt, tout se dissout, tout s'abolit; mais par elle et en elle tout se recrée, tout renaît, tout se régénère et tout se purifie. Cela toutes les religions l'ont admis et le christianisme l'a magnifié, tout particulièrement avec le baptême. L'idée que les ablutions purifient des souillures et du crime est exprimée dans l'Enéide (II, 717-720) (Jean Fournée, Le culte populaire des saints en Normandie, Tome 1, 1973 - books.google.fr).

Énée organise les modalités du départ : il se chargera lui-même d'Anchise et de Iule; Créuse marchera derrière eux; le point de ralliement des fugitifs sera le temple de Cérès. Ensuite, une fois confiés à Anchise les objets sacrés et les Pénates de Troie, tous se mettent en route comme prévu, dans l'obscurité et dans la peur (2, 705-729).

Toi, père, tiens les objets sacrés et les Pénates de notre patrie;
pour moi, qui sors à peine d'une guerre si terrible et de ce carnage,
ce serait sacrilège de les toucher, avant de m'être purifié
dans l'eau courante d'une rivière (2, 717-720) (bcs.fltr.ucl.ac.be - Virgile, Livre II).

Capricorne - Livre III

Au livre III, le rapprochement se ferait de nouveau plus étroit; car cette partie de l'histoire est bel et bien datée : c'est le moment où «le soleil achève d'accomplir son cycle annuel» et où apparaît «l'hiver glacial» Interea magnum sol circum volvitur annum Et glacialis hiems Aquilonibus asperal undis (III, 284-285). Ce qui paraît situer très proprement ce moment de l'action à l'entrée du soleil dans le Capricorne.

L'histoire de Polyphême ressemble assez aux contes de l'Ogre du Petit-Poucet ou de la Barbe-Bleue dont on berce les enfans, et l'on pourroit assez s'étonner de la trouver dans deux des trois poëmes les plus célèbres de l'antiquité. Virgile n'a fait que copier le neuvième Livre de l'Odyssée; et, quoiqu'il y ait mis son talent ordinaire, le récit de cette aventure, dans la bouche d'Ulysse, inspire bien un autre intérêt que dans celle du très-subalterne Acheinenide. Quoi qu'il en soit, il falloit que ce morceau d'Homère fût très-goûté autrefois, puisque Virgile s'en est emparé, et qu'Horace, cet homme d'un goût si súr, le metroit au rang des choses merveilleuses, enfantées par le poëte Grec :

Ut speciosa dehinc miracula promat
Antypharem Scyllamque et cum Cyclope Charybdim
(HOR. Art. Poët.) (Virgile, Énéide, Tome 1, traduction Claude de Loynes d'Autroche, 1804 - books.google.fr).

Au Livre III, Enée, au cours de sa navigation, retrouve Achéménide, abandonné par Ulysse, dans la caverne du Cyclope Polyphème. Dans le Livre VIII, les Cyclopes siciliens, congénères de Polyphème, fabriquent les armes d'Enée sur ordre de Vulcain (Virgile, L'Énéide, traduit par Gaspar Melchor de Jovellanos, 1846 - books.google.fr).

Le petit Poucet sème des cailloux pour marquer son chemin, comme au taureau (Livre VII), les "frères" sèment des pierres qui pourraient être des tesserae (dés).

Dans un autre conte, La Barbe bleue, seul le personnage de la soeur de la mariée est nommé, Anne en référence à l'Anna soror virgilienne de l'Enéide.

Les contes de Charles Perrault s'inscrivent dans la Querelle des Anciens et des Modernes et leur auteur cherche, par la confection de tels textes, à montrer que l'on peut encore innover en littérature à partir des textes antiques et répondre aux théories des Anciens (Océane Puche, Virgile et Ovide dans la querelles des Anciens et des Modernes, La représentation du «couple» Virgile-Ovide dans la tradition culturelle de l'Antiquité à nos jours, 2016 - books.google.fr, nonagones.info - Le Prieuré de Sion - Les axes - Axe du 7 mai : Barbe bleue et Ballets roses).

Verseau - Livre IV

Le Verseau (l. IV) voit l'aboutissement de la crise «scorpionique» d'Énée et de Didon, l'un passant par l'abîme pour s'éveiller, grâce à Mercure, aux plus hautes potentialités de l'être humain, l'autre sombrant dans ce même abîme qui se referme sur elle. Scellant son alliance avec les dieux, le héros va trancher, de son «épée de foudre», le câble qui retient son vaisseau au rivage didonien : affranchissement de tous les pièges de la psyché, de la matière, de la mâyâ, et surgissement dans l'éclat de la supraconscience (Y.A. Dauge, le treizième livre de l'Enéide, Pallas N° XXX, 1983 - books.google.fr).

Lorsque Didon meurt déchirée, et peine à se libérer de son corps, c'est Iris, la déesse de l'arc-en-ciel, qui lui apparaît :

Ergo Iris croceis per caelum roscida pennies mille trahens varias adverso sole colores devolat et supra caput astitit (IV, 700-703). (Iris, dont les ailes de safran étincellent de rosée et qui illumine le ciel de mille reflets divers, droit sous les rayons du soleil, descend et s'arrête au dessus de la mourante).

À l'apex même de cette souffrance – toujours l'ambivalence féconde – Iris, en coupant un cheveu de Didon, permet que Didon elle-même se dénoue, se délie dans la douleur, passe du monde des vivants, qui devient mort, à celui des morts, qui devient vivant :

Sic ait et dextra crinem secat : omnis et una dilapsus calor atque in ventos vita recessit (IV, 704-705). (Elle dit, et de sa main droite elle coupe le cheveu. Aussitôt, toute la chaleur de Didon se dissipe et sa vie s'exhale dans les airs).

Le rythme, le mouvement qui tisse et associe, sont donc les conditions qui conditions qui permettent d'accéder au passage. Et avec le rythme, le nombre livre les portes de l'harmonie, qui permet justement de trouver le déliage possible, l'apaisement qui autorise la séparation de soma et psyché, du corps et de l'âme, qui choisit définitivement sa part immortelle : le nous, l'Esprit et la lumière sans ombre C'est une forme d'imitation (au sens de l'Imitation de Jésus-Christ) qui permet de retrouver le rythme primordial, celui de l'arbre taoïste en équilibre parfait. Donc, pour échapper à l'ombre, il faut la traverser, en faire l'expérience dans le clairobscur de l'existence, où elle n'est jamais totale, mais jamais absente non plus. De ce mélange naît paradoxalement une capacité d'échapper au mélange. De même, c'est au fond de la catabase et de l'immersion dans la noirceur que le héros trouve les forces de toucher le fond, et de le frapper du pied pour remonter vers la lumière, en anabase, tel Antée retrouvant ses forces au contact au contact de Gaia sa mère (Joël Thomas, Lumière, rythmes et couleurs dans l'Enéide et dans La Divine Comédie, Rythmes et lumières de la Méditerranée, 2020c - books.google.fr).

La Sirène du Bestiaire - dédié à la seconde femme du roi d'Angleterre Henri Ier, Adélaïde de Louvain et par conséquent rédigé entre 1121 (date à laquelle Adélaïde épouse Henri Ier) et 1135 - de Philippe de Thaun est une allégorie suivante qui nous montre la poésie didactique romane dans une langue presque aussi voisine du latin que celle des anciennes cantilènes épiques :

Sereines ki sunt ? Richieses sunt del mund. La mer mustre cest mund, la nef : gent ki i sunt, E l'aneme est notuner, et la nef : cors, que dait nager (Que sont les sirènes ? ce sont les richesses du monde. représente ce monde, la nef les gens qui y vivent; Le nautonier, c'est l'âme, et la nef qui doit voguer, c'est le corps) (Gustave Vapereau, Éléments d'histoire de la littérature française, Tome 1, 1886 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Philippe de Thaon).

Le livre I de l’Énéide raconte l’arrivée d’Énée sur les côtes libyennes et sa rencontre avec Didon, la reine de Carthage. Les livres II et III sont consacrés au récit que fait le héros de la prise de Troie et de sa fuite. Voici les premiers vers du livre IV dans lesquels Virgile montre le tourment de la jeune femme, déchirée entre sa volonté d’être fidèle à son premier époux, Sychée, assassiné par son frère, et sa passion pour le jeune Troyen. Virgile dépeint d’abord le feu de la passion, puis prête un long discours à la reine, dans lequel elle célèbre avec passion le héros. Si elle avoue son amour, il est toutefois impossible : déterminée à ne jamais aimer personne d’autre que Sychée, la mort lui semble préférable à l’infidélité (odysseum.eduscol.education.fr).

Didon et Enée, voici un couple éternisé par l'art de Virgile dans sa singularité; veufs l'un et l'autre et voués par le Destin à quitter la Méditerranée orientale, leur patrie, pour fonder en Occident deux villes antagonistes : Rome et Carthage, aux aspirations hégémoniques et, par la-même, rivales. Cette étude s'attache à montrer que ces deux personnages représentent allégoriquement les deux composantes de l'âme, individuelle et cosmique, selon le mythe de l'attelage ailé dans le Phèdre de Platon (Gianfranco Stroppini, L'amour dans les livres I-IV de l'Enéide de Virgile ou Didon et la mauvaise composante de l'âme, 2003 - www.editions-harmattan.fr).

Poissons - Livre V

Au Livre V, Enée repart en mer (Poissons : signe d'eau) et quitte Carthage.

Enée s'échappe de Carthage, et sa flotte cingle droit vers l'Italie. Dès qu'il se trouve en vue des ports de Sicile où il avait éprouvé le terrible naufrage qui l'avait jeté en Afrique, les menaces de Neptune , et l'expérience du passé, le forcent de rentrer dans le port de Drepanum, d'où il était parti. La ville qui commande ce port, est aujourd'hui Trapani del Monte. Le rocher dont il est parlé dans la joûte navale se reconnaît facilement sur nos grandes cartes de Sicile, et est évidemment le Scoglio de Malconsiglio qu’on observe dans la rade de Trapani. Cet écueil est en pleine mer, à cinq cents toises environ de la pointe formée par le promontoire de Trapani et à quinze cents toises du fond de la baie, ce qui répond à la désignation de Virgile. La fondation d’Acesta, nommée depuis Ægesta et Segesta, qu'un grand nombre d'auteurs attribuent à Enée, est le principal motif qui a engagé Virgile a employer le ministère de Neptune pour forcer son héros å débarquer de nouveau en Sicile. Les ruines de Segesta ont été reconnues au sud-ouest d’Alcamo, dans un lieu nommé Barbara, et sur les bords de la rivière Bartolemeo, que l'on considère par cette raison comme le Crimisus ou Crinisus fluvius. Après la fondation d'Ægesta, Virgile fait mention de celle du temple érigé à Vépus sur le mont Eryx, qui était célèbre dans l'antiquité. Le mont Eryx est nommé aujourd'hui mont de Santo-Juliano, et est après l'Etna et le Nébrode, le plus élevé de la Sicile. Il a six cent neuf toises d'élévation; il est escarpé du côté de Trapani, qui est bâti sur son penchant. C'est sur le terre-plain qui forme le sommet de ce mont et où se trouve aujourd'hui la citadelle de St-Julien, qu'était le fameux temple de Vénus Erycine. Enée se rembarque, et de Drepanum (Trapani), il se dirige droit sur l'Italie , en passant près de l'ile d'Ustia, dont Virgile ne parle pas, et en laissant à droite les îles du redoutable Eole. En approchant de la côte d'Italie, le pilote Palinure tombe dans la mer, et par sa mort, donne son nom au promontoire et au port, qui le conserve encore aujourd'hui. En continuant de longer les côtes d'Italie, et en s'avançant vers le lieu de leur destination, les Troyens aperçoivent les rochers des Sirènes; ce sont les îles nommées aujourd'hui Galli, à l'autre extrémité du golfe de Salerne. La flotte troyenne pénètre ensuite dans le golfe de Campanie ou de Naples. Misène y mourut. Enée lui érige un monument, et le nom de Misène, chez les modernes comme chez les anciens, est resté attaché au promontoire, grand port, et au cap qui se trouvent au sud-ouest de Puzzuoli et à l'entrée de sa vaste baie. Le poëte fait arriver, il est vrai, son héros de Sicile sur le rivage de Cumes, sans aborder dans aucum autre lieu; il semble conduire la flotte des Troyens, non dans le port de Misène, mais sur le rivage même de Cumes où il n'y a point de port; on nous pardonnera sans doute de suppléer à ce qu'il a omis. Eu sortant du port de Misène, la flotte d'Enée relâcha à l'ile Prochyta, qui est l'ile Procida des modernes, près du promontoire et du port de Misève. Enée reconnaît ensuite le promoutoire de Cayeta aujourd'hui Gaëte, ainsi nommé, à cause de la nourrice du héros troyen (au Livre VII). Avant d'arriver au Tibre, Virgile signale encore l'ile dc Circé. C'est oujourd'hui le mout Circello, promontoire élevé qui est à l'extrémité des marais Pontins. Du temps de Virgile, ce promontoire tenait à la terre comme aujourd'hui; mais les marais et les lagunes dont il était, et dont il est encore environné, faisaient penser qu'il avait été une île, que la tradition prétendait être l'île d'Aea, célèbre dans Homère, pour avoir été la demeure de l'enchanteresse Circé. A la fin, Enée entre dans le Tibre avec sa flotte; l'endroit où il campa a porté depuis ce temps-là le nom de Troie, et est éloigné de la mer de quatre stades; ce lieu devait donc être près d'Ostie (Jacques Delille, L'Énéide traduites en vers français, 1817 - books.google.fr).

L'ile Enaria (Ischia) passoit pour être ainsi nommée par respect pour les vaisseaux d'Énée. Plin. III, 6; Festus in AEnaria (Giuseppe Micali, L'Italie, avant la domination des Romains, Tomes 1 à 2, traduit par Claude Charles Fauriel, Joseph Joly, 1824 - books.google.fr).

Ischia dérive du sémitique Schra, être noir, et les Phéaciens ("Phaièkes" de "phaios" noir et "èkè" pour "akès" pointe) sont précisément les habitants de l’île de la Roche Noire (Revue des questions historiques, Volume 81, 1907 - books.google.fr).

On jouit à Mola d'une vue magnifique sur le beau golfe qui s'étend de Gaète aux îlots rocheux d'ischia et de Procida, situés au large (Friedrich Johann Lorenz Meyer, Les tableaux d'Italie (Darstellungen aus Italien, 1792), traduit par Elisabeth Chevallier, 1980 - books.google.fr).

Au Nord, Gaète.

On découvre en quelques endroits le roc blanc du promontoire de Gaëte; je le crois calcaire (Abbé Rozier, Observations sur la physique, sur l'histoire naturelle et sur les arts, Tome 7, 1776 - books.google.fr).

On voyoit à Caiéte ville maritime de la Campanie, aujourd'hui Gaéte au royaume de Naples, une colonne dodécagone ou à douze faces, sur chacune desquelles étoit gravé le nom d'un vent (Senec. Quæft. Natur. L. 5. c. 16) (Nicolas Furgault, Dictionnaire géographique, historique et mythologique, portatif, 1776 - books.google.fr).

Michel-Ange est le Moïse du catholicisme monumental, tel qu'il sera un jour compris. Il a fait l'arche impérissable des temps futurs, le Panthéon de la raison divinisée. [...] Enfin, après m'être assouvi de Rome, je voulus voir Naples. C'est le tombeau de Virgile et le berceau du Tasse qui m'y attiraient surtout. Les pays ont toujours été pour moi des hommes. Naples, c'est Virgile et le Tasse. Il me semblait qu'ils avaient vécu hier, et que leur cendre était encore tiède. Je voyais d'avance le Pausilippe et Sorrente, le Vésuve et la mer à travers l'atmosphère de leurs beaux et tendres génies (Alphonse de Lamartine, Les confidences, Tome 2, 1849 - books.google.fr).

Bélier - Livre VI

Au début du livre VI peut-on lire :

Mais le héros pieux, franchissant le vallon,
Monte vers la colline où préside Apollon;
Vers l'immense caverne, impénétrable asile,
Où le dieu de Délos à l'ardente sibylle
Révèle du destin les mystères obscurs.
Hécate ouvre aux Troyens son bois sombre et ses murs.

...

Voici l'inextricable et profond labyrinthe;
L'audacieux Thésée, errant dans son enceinte,
Se perd dans ce réseau d'innombrables détours,
Quand le fil d'Ariane arrive à son secours. (Virgile, L'Enéide, Volumes 1 à 2, traduit par Barthélemy, 1835 - books.google.fr).

Taureau - Livre VII

Une fois Énée débarqué, le roi de Laurente, Latinus, l'accueille amicalement, lui donne un emplacement pour y construire une ville et lui promet la main de sa fille Lavinie. Mais sa femme Amata pousse le jeune et vaillant roi des Rutules, Turnus, à qui Lavinie a été fiancée, à prendre les armes contre Énée (William Smith, Dictionnaire de biographie, mythologie, géographie anciennes, 1865 - books.google.fr).

La scène d'Allecto au VIIe chant de l'Enéide précède la nouvelle Iliade que constituent les 6 derniers livres de l'épopée romaine (Les Études classiques, Volume 46, 1932 - books.google.fr).

Le tableau des préparatifs de combat qui se lit au Livre VII, 625 et ss. de l'Énéide est une imitation de l'Iliade, II, 382 et ss. (Edmond Cougny, Extraits des auteurs grecs concernant la géographie et l'histoire des Gaules: Deuxième partie: Les historiens IV, 1886 - books.google.fr).

On se mêle aussitôt tombe le brave Almon,
Premier fils de Tyrrhée, espoir de sa maison;
Et, sortant à grands flots sous la flèche ennemie,
Son sang arrête l'air, la parole et la vie.
Sur ce corps expirant s'entassent mille corps.
Un mortel s'opposait à ces premiers transports;
C'est le vieux Galésus, fameux par sa sagesse,
Et de qui la justice égalait la richesse:
Cent coutres exerçaient ses robustes taureaux;
Dans ses prés mugissaient ou bêlaient vingt troupeaux (Œuvres de Virgile traduites en vers Français par Tissot et Delille, 1838 - books.google.fr).

Sylvie, fille de Tyrrhus (Tyrrhée), gardien des troupeaux du roi Latinus, est attachée au cerf domestique qui est chassé et tué par Ascagne, fils d'Enée (Livre VII).

D'UN CERF PAR QUI DE MARS ESBATS COMMENCERENT, &c.

Macrobe traite certe invention de ridicule, & Castevetro au contraire l'admire. Plusieurs Commentateurs ont appuyé l'un & l'autre parti. La Cerda sur tout montre par une longue induction que les plus grandes guerres n'ont pas eu de plus grandes causes; mais entre tous ceux que j'ai lûs, personne à mon avis n'a mieux défendu le Poëte que Tarquinus Gallurius Jesuite Romain, qui a fait un Livre qu'il incicule Vindicationes Virgiliana. Il remarque fort judicieusement que ce Cerf n'est pas, à proprement parler, la cause de cette sanglante guerre. Avant qu'il fûr question du Cerf le Poëte avoit déja dit :

Causa mali tanti conjux iterum hospita Teucris.

Avant que Turne eût pris la défense des Pasteurs de Latinus, il avoit déja couru vers ce Roi pour lui remontrer l'injustice qu'on lui faisoit de lui ôter Lavinie; & Amate irritée du choix que son mari vouloit faire d'Enée, avoit celebré l'Orgie & soûlevé l'esprit des principales Dames. Il faut donc dire que ce Cerf n'est ni la source ni la cause de la guerre; mais que les divisions étant toutes formées, ce Cerf fût la premiere occasion de courir aux armes. Or cette fiction est si naturelle, qu'il est mal aisé d'en trouver une qui le soit davantage. Car sans compter pour rien l'entremise d'Alecton qui fomente la division; Y a-t-il rien de plus naturel que pendant qu'Enée s'occupe à l'établissement de sa Colonie, & aux fondemens de la Ville, Ascagne qui est un enfant plein d'ardeur, prennent le divertissement de la Chasse ? Et se peut-il rien imaginer de plus facile à croire que les sujets de Latinus que Turne avoit gagnez, embrassent la premiere occasion de courre-sus aux Troyens, que les interêts de ce Prince, & leurs propres interêts leur faisoient regarder comme des usurpateurs. J'ajoûterai aux raisons de ce grand Critique qui a si bien défendu Virgile, que l'excellence de la Poësie consiste souvent en cet art d'agrandir les moindres choses, & d'amoindrir les plus grandes. Ce ne feroit pas une grande merveille, si les Troyens ayant couru aux armes, eussent massacré ce qu'ils eussent trouvé de Latins sur leur route, & que les Latins eussent aussi couru aux armes pour se défendre. L'adresse du Poëte est bien plus grande, de faire voir qu'un si petit commencement a eu de si grandes suites que de faire l'embrasement aussi grand d'abord, qu'à la fin. C'est ce qui entretient le merveilleux avec bien plus d'adresse; & ce doit être le principal but d'un Ouvrage narratif : car il languit sans ces merveilles continuelles; & le Lecteur s'en dégoûte. Au reste l'amour que Sylvie avoir pour ce Cerf, la beauté de cet animal, & les plaintes de cette Bergere font écrites avec tant de tendresse & d'arcifice, qu'il n'y a point de Lecteur qui n'en soit touché; & qui n'admire l'adresse, & la grandeur de l'esprit de Virgile; de faire de la grandes beautez, de choses qui paroissent si petites (Jean-R. De Segrais, L'Eneïde de Virgile, Tome 2, 1719 - books.google.fr).

Sylvie de "sylvia", forêt, bois.

Avant Rome, donc, Albe essaime de Lavinium. Le tout premier roi d'Albe, après le fondateur Ascagne, se nomme Silvius, de son origine sylvestre : quelque circonstance avait fait qu'il était né dans les forêts. La généalogie longue des rois d'Albe va répéter cette origine : Enée Silvius, Latinus Silvius... Tiberinus Silvius. Rhea Silvia, la mère des jumeaux, vestale, est de la lignée. Comme les bœufs sortent de l'antre, boîte noire, comme l'assassin, le voleur, les pâtres, le quasi-roi, le demi-dieu en sortent, les rois sortent du bois noir (Michel Serres, Rome. Le livre des fondations, 2014 - books.google.fr).

L'enfant Silvius, donc, aurait eu Tyrrhus pour nourricier, jusqu'à ce que, à la mort d'Ascagne, la royauté lui revînt. Et il faut croire que les deux personnages, les deux noms même étaient étroitement liés, puisque, chez Virgile, une Silvia est fille du même Tyrrhus : l'on sait que c'est elle qui soigne le cerf quasi-sacré, qu'une javeline trop habile du jeune Iulus va blesser à mort (J. Gagé, Comment Enée est devenu l'ancêtre des Silvii Albains, MEFRA, Volume 88, École française de Rome, 1976 - books.google.fr).

Ce fut Tyrrhus qui après la mort d'Enée donna à Lavinie, fille de Latinus, une retraite contre l'ambition d'Ascagne : ce fut dans la maison que naquit Sylvius, fils posthume d'Enée (Les œuvres de Virgile, Tome 3, traduit par Pierre François Guyot Desfentaines, 1743 - books.google.fr).

Est locus, Italiæ medio sub montibus altis,
Nobilis, et fama multis memoratus in oris,
Amsancti valles: densis hunc frondibus atrum
.

Au sein du Latium, sous des rochers déserts,
S'étend un noir vallon, où des feuillages sombres
Entretiennent l'horreur de leurs épaisses ombres (Virgile, Eneide, traduit par Jacques Delille, 1824 - books.google.fr).

Or, pour pouvoir peupler sa ville, Romulus ouvre un lieu d'asile entre deux bois sacrés. En ce lieu sacré la violence fait trêve. Là trouvent refuge des gens obscurs, une tourbe sans distinction d'individus avides, pour quelque raison que ce soit, de choses nouvelles. On traduit en français qu'ils désirent se refaire une blancheur.

Lui, tout ensanglanté de la fatale atteinte,
Acccourt à son asile, et par sa triste plainte,
Gémissant, l'oeil en pleurs, la flèche dans le sein,
De ses maîtres chéris semble implorer la main.
Sylvie entend ses cris; elle accourt la première;
Elle accourt, elle voit la flèche meurtrière;
Elle frappe son sein, invoque à haute voix
Ses frères, ses amis, dispersés dans les bois.
Alecton la seconde. A l'instant tout s'assemble;
Diversement armés ils accourent ensemble:
Ici c'est un tison tout noirci par les feux,
Là des pieux aiguisés, là des rameaux noueux;
De tout ce qu'il saisit chacun se fait des armes (Virgile, L'Enéide: Livres VI, VII, VIII, IX, traduit par Jacques Delille, 1804 - books.google.fr).

Turnus est comparé à un Cerf chassé par les chiens quand il est poursuivi par Enée au Livre XII (Les œuvres de Virgile, Tome 6, traduit par François Catrou, 1716 - books.google.fr)

La soeur de Turnus, Juturne, est aimée de Jupiter qui l'a met au rang des dieux. Elle est dite aussi fille du dieu du fleuve Volturnus de même nom, à rapprocher de vultur (vautour) qui se dit aussi vulturius (Jacques Heurgon, Recherches sur l'histoire, la religion et la civilisation de Capoue préromaine des origines à la deuxième guerre punique, 1942 - books.google.fr).

"vulturius" est un coup de dé qui fait perdre (Louis Baize, Lexique latin-francais: rédigé d'apres le décret du 19 juin 1880 pour le baccalauréat, 1893 - books.google.fr).

Le carré magique de 4 est dit carré de Jupiter. 4 au cube vaut 64.

Le quatre, en maçonnerie, évoque aussi le cube (ou pierre cubique). De même nature symbolique que le carré, le cube illustre la stabilité et la concrétisation, sur les trois plans, physique, intellectuel et spirituel, de la pensée créatrice. Il est la matière harmonisée et disciplinée. Le cube fuit tout abord associé à Zeus (Jupiter), représenté parfois par une grande pierre cubique et le chiffre quatre. Dans l'Antiquité, les dés à jouer, cubiques, s'appelaient précisément «Cubes de Jupiter». De nombreux autels destinés aux sacrifices avaient la forme d'un cube représentant la base terrestre d'où s'élevaient les prières des hommes. Dans la franc-maçonnerie, le cube est la base supportant l'élévation philosophique et spirituelle, le triangle ou pyramidion qui la surmonte. Le premier ouvrage d'un franc-maçon est de polir sa pierre, de la rendre cubique pour entreprendre ensuite la construction du temple intérieur (Pierre Ripert, La franc-maçonnerie révélée aux profanes, 2010 - books.google.fr).

Les dés sont appelés en latin tesserae d'où "Semper bene cadunt Jovis tesserae" (Lexicon, Textum graecum cum manuscriptis collatum, purgavit (etc.) versionem latinam Aemilii Porti correxit Ludolphus Küsterus. (graec. et lat.), Volume 3, 1705 - books.google.fr).

Il y a plusieurs occurrences du nom SERRANUS dans l'Enéide : Livres VI, VII et IX.

Au livre VII, la traduction de Delille remplace les "Rutuli" par les "fils de Serranus" sujets de Turnus, le chef Rutule, ennemi d'Enée, qui épousera Lavinie promise au premier.

Traduire signifie naturaliser un texte étranger, attitude qui se réfère à la tradition des «belles infidèles» qui, pour Georges Mounin, «ne prétendaient pas autre chose [...] qu'éviter ce qui répugnait au goût de leur temps» (Les Belles infidèles, 1955) (Elizabeth Durot-Boucé, L'Abbesse de William Henry Ireland (1799), 2006 - books.google.fr).

Vers 1830, Delille, dernier grand représentant des Belles Infidèles, semble tomber en disgrâce alors que les romantiques dénoncent sa pratique (Benoît Léger, Une traudctrice révolutionnaire : Madame de Rochmondet, Traduire en langue française en 1830, 2020 - books.google.fr).

Au Livre IX, un jeune Serranus est massacré par les Troyens, après s'être endormi d'avoir trop joué (aux dés semble-t-il).

Le prénom du personnage ne disparaîtra pas, entrant dans l'histoire future de Rome: Serranus est, en effet, l'agnomen de la gens Atilia. (fr.wikipedia.org - Serranus (mythologie)).

Le commentaire de Servius sur le vers 844 du livre VI de l'Enéide qui présente cette étymologie de Serranus : "quis (relinquat)... te sulco, Serrane, serentem ?", "qui pourrait t'oublier... toi, Serranus, semeur de tes sillons ?". Le cognomen serait dû au fait qu'il était en train de semer (serere) quand on vint le chercher. Ce C. Regulus, consul en 257, et vainqueur de la flotte carthaginoise aux îles Lipari, fut le premier de la gens Atilia à porter le surnom de Serranus (Philippe Dain, Mythographe du Vatican I: traduction et commentaire, 1995 - books.google.fr).

Chaque coup de dés avait un nom et nous en connaissons par les grammairiens soixante-quatre : le meilleur coup ou coup d'Aphrodite (Vénus) était pour les Grecs celui des trois six, le plus mauvais ou coup du vin était celui des trois as (La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts par une Société de savants et de gens de lettres, Volume 14, 1885 - books.google.fr).

Quant au cerf, il évoque la dimension royale d'Enée, ainsi intronisé dans sa fonction par les deux grands principes, paternel et maternel. D'ailleurs, la chasse du cerf par Ascagne n'est pas une erreur ou une maladresse. Elle prend toute sa valeur de transgression, dans un processus initiatique où il faut s'approprier les droits sur le royaume de Latinus en captant les forces qui consacrent le roi, et donc en immolant un animal prodigieux (en l'occurrence le cerf), totem du souverain, et consacrant son autorité en place. Dans le domaine des forces sauvages totémiques, l'épisode a le même sens transgresseur que la demande en mariage de Lavinia, déjà fiancée à Turnus, prince indigène (Joël Thomas, La truie blanche et les trente gorets dans l'Eneide de Virgile, Mythologies du porc, 1999 - books.google.fr).

De même que la truie sert de marque à la fondation de la ville de Lavinium et annonce à 30 ans de distance celle d'Albe (blanche) la Longue (Livre VIII), le cerf est un animal conducteur dans les récits mythologiques de création de cités. Francis Vian, Les Origine de Thèbes, Cadmos et les Spartes (1963), rapporte la fondation de Byzance sous le signe du cerf et du poisson mangeant sur le même territoire qui servira à l'installation de la ville. Au Moyen âge, Jean d'Arras dans sa Mélusine raconte que la peau d'un cerf, animal aristocratique, sera utilisée pour délimiter l'espace de la forteresse construite par la fée. Celle-ci préfère le cerf au boeuf. Ce dernier apparaît, de la même manière que le cerf, dans la légende de la fondation de Carthage par Didon (Jean-Jacques Vincensini, De la fondation de Carthage à celle de Lusignan : "engin" de femmes vs prouesse des hommes, "Magie et illusion au Moyen Âge, 1999 - books.google.fr).

Dans le mythe de la fondation de Thèbes, Cadmos, frère d'Europe, est conduit par une vache sur le site de la ville. Auparavant il devra combattre un dragon et sèmera ses dents selon

Cadmos, le fondateur de Thèbes est ainsi devenu le prototype du héros fondateur, en regard duquel les autres ont pris forme (Vinciane Pirenne-Delforge, L’Aphrodite grecque, 2013 - books.google.fr).

Qu'on lise attentivement la description de Virgile, et l'on verra qu'il entend par Albunea (qui signifie eau blanche) une forêt sacrée très étendue sous un rocher de ce nom; l'oracle même étoit une forêt : Subita ex alto vox reddita luco est (Livre VII, 86). Le voix sortit de la forêt; sans doute que. la terre blanche, le rocher blanc et les eaux laiteuses et tombantes ont fait donner le nom d'Albunea aux rochers, à la source et à toute la forêt.

Nous voilà dans un vallon assez étroit. A un quart de lieue plus loin, je vois une eau blanche, serpenter lentement à travers le gazon; le sentier tournoit avec le côteau. Tout-à-coup j'aperçois un petit étan d'une eau laiteuse d'où s'échappoient de grosses bulles d'air, et dont on faisoit fortement bouillonner l'eau en la remuant. Le terrain tout à l'entour étoit blanc, et le bassin se trouvoit placé sous un rocher volcanique tout blanc, presqu'à pic, assez élevé, où l'on voyoit à travers des herbes des traces de plusieurs cascades qui devoient tomber dans le bassin par dessus l'entrée d'une caverne faite de mains d'hommes, à ce qu'il me sembloit. Elle avoit quatre à cinq pieds de haut et environ quinze de profondeur, sur six à sept de large. Je la trouvai pleine de cette même eau bouillonnante, dont les pétillemens fréquens, et le sifflement léger, produisoient dans cette voûte mille bruits bizarres. Qu'on se représente l'antique forêt qui s'étendoit entre Laurente et Albe, (dans laquelle Nisus s'engagea,) ces arbres touffus, ce profond silence, cette obscurité mystérieuse, cette odeur de souffre concentrée dans l'épaisseur de l'ombrage, et ces roches éclatantes, cette muraille blanche, d'où se précipitoit de partout une eau bouillonnante qui alloit tomber sur une terre blanchâtre dans un bassin blanc, où l'eau, quoique froide, dégageoit avec bruit de grosses bulles d'air, pétilloit comme du feu, et produisoit dans la caverne mille sons et sifflemens bizarres. A tous ces traits, je crus reconnoître l'Albunea de Virgile (Carl Victor von Bonstetten, Voyage sur la scène des six derniers livres de l'Énéide. Suivi de quelques observations sur le Latium moderne, 1805 - books.google.fr).

Albunea est le nom que porte dans l'Enéide, l'oracle du dieu Faunus, cet oracle que va consulter le roi Latinus, à la veille de l'arrivée des Troyens, alors qu'une succession de prodiges est venue troubler sa quiétude. Sur la foi du commentaire de Servius, on le situa longtemps à Tibur, où se trouvait effectivement un oracle, et une cascade qu'Horace appelle Albunea. Mais il n'y a pas, à Tibur, d'eau sulfureuse. Or une glose du commentaire qui nous est parvenu sous le nom de Probus mentionne une seconde Albunea, in silva Laurentinorum. Il ne peut s'agir que de la Zolforata. Bonstetten paraît ignorer la glose de Probus; du moins il n'en fait pas état et son hypothèse est fondée sur des arguments moins décisifs, sinon sans valeur. Cette glose figurait pourtant au commentaire de Heyne, et nous pouvons penser qu'elle était connue de Zoëga. L'identification proposée par Bonstetten ne trouva au XIXe siècle aucun partisan. C'est M. Carcopino qui la reprit et qui, fort de la glose de Probus, rattacha définitivement, semble-t-il, l'Albunée de Virgile à la Zolforata. Tels sont les principaux résultats du Voyage de Bonstetten (Denis van Berchem, Le "Voyage sur la scène des six derniers livres de l'Enéide" de Bonstetten, Etudes de lettres, Université de Lausanne, Faculté des lettres, Société des études de lettres, 1941 - books.google.fr).

Le jeu de dés se retrouve sur le chemin de croix de l'église Sainte Marie Madeleine de Rennes le Château au n° 10. (nonagones.info - Synthèse - Chapitre LVIII - Autour de Rennes - Chemin et signe de croix).

Le jeu des latroncules est un jeu de stratégie romain datant du IIIe siècle av. J.-C., variante de la petteia grecque et du senet égyptien. Le matériel se compose d'un plateau à damier de 64 cases (tabula), 8 cavaliers (ou latroncules) blancs et noirs et 8 fantassins blancs et noirs (pedes). Selon Cicéron et Vopiscus, latrunculus signifie «vil brigand». Le nom pourrait également venir de latrones qui signifiait «mercenaires» sous la République romaine. Le gagnant se proclame imperator. Les jetons sont appelés calculi (cailloux) (fr.wikipedia.org - Latroncules, nonagones.info - Synthèse - Chapitre LVIII - Autour de Rennes - Signol - Sigzol : la lettre de Mantinée).

Gémeaux - Livre VIII

À l'appel de Turnus, le Latium entier se soulève; des alliés extérieurs se présentent spontanément, et les Latins recherchent l'alliance du héros grec Diomède, installé après la guerre de Troie dans le sud de l'Italie (8, 1-17). Devant ces mouvements, Énée hésite sur le parti à prendre et tombe endormi près du Tibre. Le dieu Tibérinus apparaît en songe à Énée et le rassure sur sa destinée en lui annonçant l'imminence du présage de la truie blanche, qui préfigure notamment la fondation d'Albe par Ascagne (8, 18-48). Tibérinus prodigue aussi à Énée deux conseils : contracter une alliance avec l'arcadien Évandre, installé à Pallantée, et honorer Junon par des offrandes et des prières. Après s'être présenté, Tibérinus disparaît, et Énée se réveille (8, 49-67) (bcs.fltr.ucl.ac.be - Virgile, Livre 8).

ALBE, ALBE-LA-LONGUE, Alba Longa, v. fort anc. du Latium, à 20 kil. au S. E. de Rome, s'étendait du flanc septentr. du mont Albain jusque sur la rive orient. de l'Albanus lacus. On en rapporte la fondation à Ascagne, fils d'Enée, qui y régna 8 ans (vers 1144-1136 av. J.-C). On donne à ce prince 13 successeurs, qui auraient régné 296 ans. On ajoute que la population surabondante d'Albe donna naissance à des colonies qui fondèrent plusieurs villes latines, et qu'Albe est ainsi la mère de Rome. L'an 89 de Rome (665 av. J.-C.), Albe fut prise et détruite par les Romains (V. TULLUS HOSTILIUS). Le vin d'Albe était fort estimé à Rome. On recherchait aussi les pierres des environs : c'est en pierres d'Albe que sont construits les fondements du Capitole (Marie Nicolas Bouillet, Dictionnaire universel d'histoire et de géographie, 1866 - books.google.fr).

Avec les points cardinaux de la strophe du Serpent Rouge, on pense au cardo et au decumanus en forme de croix des fondations des villes romaines.

Le document, transmis par une riche tradition manuscrite, appelé calendrier de 354 depuis la datation qu’en a proposée Mommsen qui en assura l’édition, contient dans la seizième et dernière section une liste albaine : dans ce texte qui se présente comme une chronique universelle, allant de Picus et la création biblique jusqu’à l’empereur Licinius, on trouve en effet les noms suivants, avec à chaque fois une indication de la durée des règnes respectifs : après Ascanius Aeneae filius, fondateur d’Albe et ayant régné trente-six ans, viennent Postumus Silvius (37), Aeneas Silvius (31), Latinus (51), Alba (28), Appius (41), Capys (28), Campeius (21), Titus (8), Agrippa (51), Aventinus (38), Procas (8), Amulius (51) et Remus Silvius (17), soit, au total, quatorze rois pour 446 années (Alexandre Grandazzi, Les Rois d’Albe : analyse d’une tradition In : Alba Longa, histoire d’une légende : Recherches sur l’archéologie, la religion, les traditions de l’ancien Latium, 2008 - books.openedition.org).

La division de Rome en quatorze régions date d'Auguste. Chaque région se subdivisait en plusieurs vici. Chaque vicus comprenait une rue principale et plusieurs petites rues (André Piganiol, Le sac de Rome: vue d'ensemble, 1964 - books.google.fr).

Les pierres ou colomnes inscrites qui servoient à montrer l'endroit de chacun mille Italique, prenoient leur commencement & leur mesure du Milliaire Doré, il s'ensuit, que les trois premieres qui tiroient à chacune des portes, estoient dedans la ville. De-là aussi s'ensuit, que la septiéme pierre de celles, qui de ladite colomne s'estendoit hors la ville par chacune porte, estoit à peu près au bout de chacun fauxbourg. Et sorte que pour aller du bout de l'un des fauxbourgs à l'autre, à travers la ville on pouvoit compter quatorze pierres, qui sont autant de milles Italiques (Nicolas Bergier, Histoire des grands chemins de l'empire romain, Tome 1, 1728 - books.google.fr).

Le repérage d'une coïncidence «calée» sur un axe livre VI, Bélier – livre XII, Balance, permet de faire coïncider le VIIIe livre, celui de notre épisode, avec le signe des Gémeaux, à cheval sur mai et juin; l'épisode qui nous intéresse est donc localisé entre le signe du taureau (reliant avril et mai, et donc introduisant le sanglier, aper) et les gémeaux, associés à Maia. Si l'on ajoute à cela le symbolisme zodiacal du nombre 30 lié à l'épisode, et relevé plus haut, il y a bien une logique et une continuité de la présence de la truie féconde à ce moment précis, jusque dans la symbolique zodiacale de l'Énéide : le prodige est aussi écrit dans le ciel et le destin. Si l'on songe que Maia est la parèdre de Volcanus, dieu du feu, et que Vulcain joue un rôle primordial dans le même VIIIe livre, c'est toute une alchimie qui se joue entre les puissances du Feu artiste et les puissance de la Terre féconde, et que Virgile, poète inspiré, a saisie dans sa dimension cosmique (Joël Thomas, La truie blanche et les trente gorets dans l'Eneide de Virgile, Mythologies du porc, 1999 - books.google.fr, Joël Thomas, Structures de l’imaginaire dans l’Énéide, 2021 - books.google.fr).

Le livre VIII fait une grande place au récit du combat d'Hercule contre Cacus. "Je ne suis pas Hercule" dit la strophe du Cancer associé au Livre IX.

Cancer - Livre IX

Énée a formé en lui-même la coupe d'où jailliront désormais les Énergies créatrices, et sa filiation divine s'accompagne maintenant des cercles de l'amitié et de la fraternité (épisode d'Evandre et des Arcadiens). C'est l'éclosion de la supraconscience liée à l'interconscience, l'achèvement de la navigation (remontée du Tibre), l'éveil à la hiérohistoire et aux radiances transmutatrices. Phase ultime de l'évolution d'Énée, qui lui donne accès à la «porte des dieux» (Capricorne). C'est pourquoi, durant le livre IX, il demeure pour ainsi dire occulté et recueilli, dans l'attente d'une réapparition fulgurante. A cette évolution répond une involution, souffrances et échecs des Troyens, folie meurtrière des Italiens, les uns et les autres abreuvant la terre de leur sang pour laisser place à ce nouveau qui ne peut s'élever que sur les ruines du passé. Livre sombre et douloureux, car nous sommes toujours dans l'oeuvre au noir. Mais le héros solaire se dresse au livre X (Sagittaire) pour tracer la voie flamboyante vers la victoire. Sa maîtrise du feu se manifeste par l'usage qu'il fait, salvateur et destructeur à la fois, de son bouclier d'or (cf. vv. 270 sq.). Sa maîtrise de lui-même, par la discipline qu'il s'impose dans la lutte, par son humanité et sa bonté intactes. C'est aussi le difficile passage du plan des Idées divines à celui du combat sanglant sur terre, de l'idéal dans le cœur à la dure réalité matérielle, de la méta-histoire à l'histoire, pour que, par les ouvertures ainsi faites dans le tissu rebelle de ce monde, puissent germer les forces futures. Le livre XI appartient au Scorpion, domicile de Mars, signe de crise et de dissolution. Au couple Énée-Didon du livre I répond ici le couple Turnus-Camille : mais ces êtres sont tous deux en proie à la désagrégation, à l'autodévorement scorpioniques, au désordre de l'inconscient, aux monstres incoercibles. Camille «se suicide» littéralement, ainsi que Turnus au terme du poème (XI, 831 = XII, 952). C'est l'écroulement de cet univers italien excessif, fermé, orgueilleux, irrécupérable par incapacité de supporter la rupture avec l'ordre ancien, nécessaire pour une renaissance. L'intervention d'Énée révèle la vraie nature de ces âmes; elle accélère le processus de décomposition, mais aussi le tri des énergies qui marque toute transition entre deux phases de l'histoire. Donc, tous les démons non «angélisables» disparaissent de la scène. Nous retrouvons alors le signe de la Balance (l. XII) comme promesse de l'aboutissement du Grand Oeuvre. Un triple résultat est annoncé : la paix des dieux et des hommes, la déification d'Énée, et la création d'une nouvelle «race artificielle» supérieure destinée à réordonner l'espace et le temps. Valeurs de totalité, d'harmonie et d'impérialité, qui sont bien symbolisées par l'éther auquel ce signe est tout particulièrement lié (Y.A. Dauge, le treizième livre de l'Enéide, Pallas N° XXX, 1983 - books.google.fr).

On aura reconnu dans la strophe du Cancer la décoration de l'église Sainte Marie Madeleine de Rennes-le-Château.

Hommes et femmes, dans l'épopée virgilienne, ne partagent pas le même univers; les femmes ont des sentiments et des valeurs qui ne sont pas ceux du monde masculin. Elles manquent ainsi totalement de ce sens de la mission qui anime les hommes. Pis, elles peuvent s'opposer à sa réalisation. Cet antagonisme atteint des degrés divers selon la force de caractère de la femme; aussi, dans certains cas, s'avère-t-il nécessaire d'éliminer le principe féminin pour permettre au héros d'assurer sa mission. Tel est le système mythique dont participe le bref extrait virgilien qui nous a retenus. Mais c'est sur la beauté du texte que je voudrais finir, grâce à un hommage néo-latin :

Atque utinam extremus si quis halitus errat,
Accelerem gressum tam cita ut ore legam (...)
Figite me telis, (...)
Hanc si qua est pietas ueniam tribuetis amanti.

Celle qui prononce ces paroles, c'est Marie-Madeleine, l'amante, la compagne de Jésus dans l'élégie de Claude de La Place, Magdalena accepto de Christo publiée en 1634. L'auteur chrétien a reconnu dans le cri de la mère d'Euryale la quintessence de la souffrance féminine et du désir de s'unir dans la mort à l'être aimé. La mère troyenne se trouve ici associée à Anna, avide de recueillir un dernier souffle sur les lèvres de sa sœur. Sur le corps du Christ en croix, la mère et la sœur se fondent pour donner naissance à la sainte amante de Dieu, témoignant de la vérité humaine intemporelle du vers virgilien.

L'élégie Magdalena accepto de Christo comprehenso nuncio apparaît à la suite d'une élégie de la Nativité, dans une plaquette éditée en 1634 , sans aucune indication de lieu , ni aucune référence sur l'auteur . Un tel emprunt à l'Énéide n'est pas isolé : il apparaît dans de nombreux poèmes chrétiens et notamment dans deux épigrammes du jésuite P.-J. SAUTEL , extraites du recueil Diuae Magdalenae ignes sacri et piae lacrymae , paru en 1656 : V , 7 , 5-6 :

Basiaque in gelidis libans extrema labellis,
Si quis adhuc superest halitus ore legit.

et V , 12 , 15 :

Me si qua est pietas, me fige tricuspide telo.

Or nous entendons là le cri que la mère d'Euryale jette aux Rutules dans le livre IX de l'Énéide : Figite me, si qua est pietas; in me omnia tela Coniicite. L'emprunt ne renvoie pas au lamento amoureux et pourtant s'impose naturellement porté par le souvenir de la formule virgilienne figite me, et par la vision des deux Marie unies au pied du calvaire, un glissement se produit entre la mère et l'amante. Les propos de la mère d'Euryale se glissent ainsi dans la bouche de la Madeleine et donnent à son désir de mourir une connotation maternelle pathétique. Nicolas Barthélémy, dans le Christus Xylonicus, exprime un souhait identique, mais en le modulant et en l'enrichissant d'une autre référence :

Nunc figite alteram hic crucem,
Quando una non ferret duos :
De hac me prope hunc
Ut si supersit halitus
Extremus, ore colligam.

C'est l'image de la soeur qui est cette fois-ci convoquée, celle d'Anna couchée sur le cadavre de Didon et qui implore : "Donnez-moi de l'eau, je veux laver sa plaie, et si quelque souffle flotte encore sur ses lèvres le recueillir dans un baiser." Ces deux vers sont d'ailleurs repris chez Sautel et dans l'élégie de de La Place :

Basiaque in gelidis libans extrema labellis

et :

Si quis adhuc superest halitus, ore legit.
Atque utinam extremus si quis super halitus errat,
Accelerem gressum tam cita ut ore legam
.

Leur répétition témoigne de l'évidence avec laquelle un même modèle antique s'impose à des auteurs différents. Ces deux emprunts au texte de l'Énéide, à la figure de la mère et à celle de la soeur, convoquent toutes les douleurs féminines pour donner forme à la souffrance de l'amante. La réunion de ces voix permet d'approcher la violence de son désir d'anéantissement dans l'union au Christ (Laurence Beck-Chauvard, La déréliction: l'esthétique de la lamentation amoureuse de la latinité profane à la modernité chrétienne, 2009 - books.google.fr).

Claude de La Place fut deux fois recteur du collège de Beauvais à Paris (Marie Dominique Chapotin, Une page de l'histoire du vieux Paris. Le college de Dormans-Beauvais et la chapelle Saint Jean l'Evangeliste, 1870 - books.google.fr).

Charles Perrault (1628 - 1703) fait des études littéraires brillantes au collège de Beauvais à Paris dont il raconte, dans ses Mémoires, qu'y étant élève de philosophie, il quitta la classe à la suite d’une discussion avec son professeur, en compagnie d'un de ses camarades. Tous deux décident de ne plus retourner au collège, et ils se mettent avec ardeur à la lecture des auteurs sacrés et profanes, des Pères de l'Église, de la Bible, de l’histoire de France, faisant de tout des traductions et des extraits. C'est à la suite de ce singulier amalgame de libres études qu'il met en vers burlesques le sixième livre de l'Énéide et écrit les Murs de Troie ou L'Origine du burlesque (fr.wikipedia.org - Charles Perrault).

Pierre Just Sautel né en 1613 à Valence en dauphiné fut un jésuite et est mort en 1662 à Tournon (Biographie universelle, ancienne et moderne, Tome 40, 1825 - books.google.fr).

Le nom de Tournus "Derive de Turnus chef des Rutuliens Lequel encontre Enée & contre les Troyens Arma sa main vaillante & sa force guerriere, ou de ce Turnus fils d'AEeneas Sylvius; auquel on refere aussi communément la dénomination de Tournon & de Tours" (André Du Chesne, Les Antiquitez et recherches des villes, chasteaux, et places plus remarquables de France, Seconde partie, 1668 - books.google.fr).

Nicolas Barthélemy de Loches (1478 - après 1537) est un moine bénédictin né à Loches, en Indre-et-Loire, en 1478. Il a été professeur de droit à l'université d'Orléans, puis à Paris, et prieur à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle jusqu'en 1537, date à laquelle on perd sa trace. Il est l'un des tout premiers auteurs français de tragédie religieuse, bien que le Christus xylonicus porte encore la marque des mystères médiévaux; on y décèle aussi l'influence de Plaute et de Térence (fr.wikipedia.org - Nicolas Barthélemy de Loches).

Euryale est l'ami de son mentor Nysus qui tue Serranus, le joueur de dés, dans ce même livre.

Livre IX, vers 429-430, Nisus s’adressera aux Rutules pour s’offrir en sacrifice à la place de son ami Euryale.

Déjà marchait se déployant dans la plaine l'armée entière des Rutules; la cavalerie resplendissait d'or; l'or et les couleurs éclataient sur les vêtements des guerriers. A la tête des premiers rangs est Messape; les derniers sont commandés par les fils de Tyrrhus au centre paraît Turnus, les armes à la main, et dépassant de toute la tête les autres combattants. Tel s'enfle et coule silencieux le Gange, gros de ses sept courants tranquilles; ou encore le Nil, quand il rappelle ses fertiles ondes répandues dans campagnes, et qu'il est enfin rentré dans son lit (Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus : oeuvres complètes, 1864 - books.google.fr).

Messape, fils de Neptune était un fort habile écuyer, qui porta des secours à Turnus, contre les Troyens commandés par Enée.

Lion - Livre X

Une étude comparative de certaines des compétitions funéraires, si admirablement traitées dans le chant XXIII de l'Iliade et le livre V de l'Énéide, permet de mettre en valeur et d'analyser l'originalité et les intentions virgiliennes d'une part, dans le tableau des régates (qui sont comme une transposition hardie, sur l'eau, de la course de chars homérique), de l'autre dans celui du carrousel équestre des jeunes Troyens appelé ludus Troiae (Epigraphies latines et antiquités romaines, Annuaire 1966-1967 - books.google.fr).

Les jeux qui célèbrent en Sicile l'anniversaire de la mort d'Anchise éclairent certains épisodes du livre X de l'Enéide et s'intègrent ainsi profondément à la seconde partie du poème dont ils sont la préparation. Mais il ne faut pas chercher de rigoureuses correspondances entre épreuves sportives et scènes de guerre. C'est sur le plan de la formation morale, sensible à travers certaines attitudes des concurrents, qu'on peut saisir les principes fondamentaux inspirant l'action d'Enée au combat. Les Jeux lui fournissent le cadre et la matière d'une et la matière d'une réflexion sur ses responsabilités futures comme chef de guerre.

Nisus et Euryale joueront un rôle important au livre IX, de sorte que leur participation aux Jeux fait un peu l'office d'une présentation. Cependant une différence fondamentale avec l'Iliade retient notre attention : Nisus prend l'entière responsabilité de la ruse qui porte préjudice à Salius en avantageant Euryale, tandis qu'Ulysse, au contraire, doit à l'intervention d'Athéna sa victoire sur Ajax. Ainsi, la chute du concurrent, dans les deux cas, n'a pas le même sens. Chez Virgile il se produit d'abord une glissade accidentelle, celle de Nisus; puis a lieu la chute de Salius qui n'est pas due à une cause naturelle. Ajax, en revanche, ne peut manifestement que s'incliner devant le fait accompli. La leçon de l'épisode virgilien est négative; il faut y voir la condamnation indirecte d'un procédé déloyal. Deux faits appuient cette interprétation :

a) D'abord la description de la chute de Nisus qui accentue, par rapport à Homère, la souillure matérielle. Ajax tombe dans la bouse; le mot est répété plusieurs fois; c'est un trait plus cocasse que dramatique. Virgile au contraire parle de fange et de sang mêlés qui ont souillé les herbes vertes : immundoque fimo sacroque cruore - levi cum sanguine - viridesque super madefecerat herbas. On devine le passage du physique au moral dans une telle description, d'ailleurs conforme à la manière de Virgile. Le texte est plus discret quand il s'agit de Salius (spissa harena) car on voit bien que Salius n'est pas en faute.

b) Ensuite, on constate qu'Énée n'a pas recours volontiers à la ruse dans les combats. Il attaque de front, loyalement, cruellement parfois, lorsqu'il cherche ou poursuit Turnus. Il est clair que l'exemple de Nisus ne sera pas suivi. Or un geste comparable à celui-ci, mais qui consiste cette fois à s'interposer entre un poursuivant et une personne aimée dont on veut sauver la vie, se produit au livre X, dans l'épisode de la mort de Lausus. On sait que le jeune homme se précipite devant Énée quand celui-ci va frapper Mézence (X, 789 et suiv.). Cette attitude, touchante sur le plan humain, est condamnable parce qu'elle est inutile. Bien sûr, les compagnons de Lausus applaudissent à ce beau geste comme la foule avait acclamé Euryale, tandis qu'Enée déplorait amicalement ce procédé déloyal : Me liceat casus miserari insontis amici (V, 350). De même, avant de s'attendrir sur le courage de Lausus, après sa mort, il s'en prend violemment à lui pour sa témérité : ...Lausum increpitat Lausoque minatur (X, 810). Dans les deux cas Énée saisit bien «une faute» (Roger Lesueur, L'enseignement moral dans les Jeux de l'Enéide, Pallas, Volumes 19 à 23, 1972 - books.google.fr).

Le jeu de dés déchaînait des passions. Déjà dans L'Iliade Homère dit que Patrocle tua son camarade pendant une partie de dés : «Ce jour où, emporté par la colère durant une partie d'osselets, je tuai involontairement le petit Amphidamos.» (Chant XXIII) (Wilhelm Richter, Les jeux des Grecs et des Romains, 2000 - books.google.fr).

Au livre X, la mort de Pallas déclenche en lui un accès de rage. Digne prédécesseur du jeune Octave, brusquement poussé sur le devant de la scène pour venger la mort de César, il venge son protégé Pallas en décidant d'immoler vivants huit guerriers (X 517 sq). Il s'attarde à user du sarcasme envers ceux qu'il s'apprête à abattre malgré leurs prières, Magus (X 521 sq), Tarquitius (X 554 sq), Lucagus (X 591 sq), Liger (X 599 sq). En proie au furor, il est alors tellement étranger à ses dispositions habituelles qu'il est comparé à Égéon le révolté, acharné à combattre le pouvoir de Jupiter (X 565 sq) (J.-L. Pomathos, Le pouvoir politique et sa représentation dans l'Enéide de Virgile, Collection Latomus, Volumes 199 à 200, 1987 - books.google.fr).

...de loin, Enée lança contre Magus une pique mortelle.
Mais, adroit, Magus se baisse, et laisse le trait vibrant le survoler ;
étreignant alors les genoux d'Énée, il le supplie en ces termes :
«Par les mânes de ton père, par l'espoir que te donne le jeune Iule,
je t'en prie, épargne ma vie, pour mon fils comme pour mon père.
Je possède une haute demeure où des talents d'argent ciselé
sont profondément enfouis, j'ai des tas d'or travaillé et brut.
Ce n'est pas ici que se déroule la victoire des Teucères,
et la vie d'un seul homme ne fera pas une si grande différence».
Il s'était tu. Face à lui, Énée rétorqua ainsi :
«Ces monceaux de talents d'or et d'argent, dont tu parles,
garde-les pour tes enfants. Turnus avant moi a rendu impossibles
ces marchandages de guerre par la mort de Pallas
Voilà l'avis des mânes de mon père Anchise, voilà celui de Iule».
Sur ces paroles, saisissant de la main gauche le casque du suppliant,
il tire son cou en arrière et y enfonce son épée jusqu'à la garde (http://bcs.fltr.ucl.ac.be - Virgile, Enéide Livre 10).

Vierge - Livre XI

Les Arcadiens sont alliés des Troyens, qui combattent les Latins, avec les Etrusques. Le fils de l'arcadien Evandre, Pallas, est tué au chant X par Turnus et ses funérailles sont célébrées au chant XI. Mantinée en Arcadie est un des lieux supposés de la sépulture d'Anchise, sur le Mont Anchisai. Les archéologues au XIXème siècle y ont trouvés la traces de quatres emplacements de sabots d'une statue équestre.

Au livre XI, les combats de cavalerie font penser à la bataille du lac Régille, où apparurent les Dioscures (Emile Belot, Histoire des chevaliers romains : considérée dans ses rapports avec les différentes constitutions de Rome, Tome 1, 1866 - books.google.fr).

On connaît la légende du lac Régille, où les Dioscures combattirent en tête de l'armée romaine, tout comme ils avaient fait à Sagra pour l'armée locrienne, et vinrent même à Rome, aussitôt la victoire remportée, pour en annoncer la nouvelle et faire boire leurs chevaux à la fontaine de Juturne. On montrait encore du temps de Cicéron la marque du pied du cheval de Castor, imprimé sur un rocher. Les deux frères apparurent encore à Rome lors de la bataille de Pydna et de celle de Verceil, toujours à l'époque du solstice d'été, qui chez les Grecs était probablement la fête de ces dieux de la lumière. Les faits merveilleux du lac Régille décidèrent les Romains à bâtir un temple aux Dioscures à la place même où ils étaient apparus pour annoncer la victoire, et à établir une fête annuelle en leur honneur le 15 juillet (L. Preller, Les dieux de l'ancienne Rome: mythologie romaine, 1865 - books.google.fr).

Balance - XII

L'auteur de la strophe chevauche l'abîme comme le saint Michel au casque presque phrygien, fêté à l'automne, de Delacroix à Saint-Sulpice, sans cheval visible, les jambes écartées dans le vide. Ou comme un des Disocures du Livre XI.

Ceux-ci portaient le bonnet phrygien (L. Lamotte, Cours méthodique de dessin linéaire et de géométrie usuelle: applicable a tous les modes d'enseignement, Parties 1 à 2, 1874 - books.google.fr).

Stendhal, durant ses séjours à Rome, faisait à la saison chaude des séjours plus ou moins longs à Albano. Le site en était célèbre. Mme Adélaïde, fille de Louis XV, vante «le bon air qu'on respire à Albano» dans une lettre à la marquise d'Osmond citée dans les Mémoires de Mme de Boigne. Stendhal devait se trouver, pour la scène qu'il décrit, sur le petit chemin ombragé de chênes verts qui domine le lac et qui conduit de Castel-Gandolfo à Albano. C'est la Galleria di Sopra (supérieure) d'où la vue est magnifique. Il avait dû faire souvent cette promenade; en compagnie de Delécluze et de Duvergier de Hauranne, il l'avait déjà entreprise le 28 janvier 1824 (cf. Delécluze : Impressions romaines, introduction et notes de Robert Baschet, Paris, Boivin, 1942, p. 74). Non loin se voit un chemin de croix franciscain sur la Piazza dello Gnommero o d'ell'Albero Bello. Le couvent existe toujours, c'est un couvent de Capucins ou, autrement dit, de Mineurs de la Grande Observance, ordre fondé par Saint-François. Le frère du pape Urbain VIII, le cardinal Antoine Barberini (1569-1646) avait été lui-même capucin et il protégea constamment cet ordre. Lalande a mentionné ce jardin des Capucins avec sa belle terrasse dont la verdure forme un paysage très agréable et qui a été peinte par Boucher. Ces années dernières on voyait encore sur le terre-plain que borde les stations du calvaire un gros et vieil arbre toujours entouré de son petit mur rond (Henri Martineau, Vie de Henry Brulard par Stendhal, Tome 2 : Chronologie, notes et commentaires, 1949 - books.google.fr).

Le couvent des franciscains était situé sur une élévation, au-dessus du lac d'Albano. On en aperçevait les eaux limpides, sur lesquelles se découpaient les silhouettes des petites chapelles d'un chemin de croix (Robert Fonville, Désiré Monnier, Annales littéraires de l'Université de Besançon, 1974 - books.google.fr).

Le chemin de la Croix est un exercice de piété datant du XIVe siècle. Savez-vous qu’il a été répandu dans le monde par les franciscains ?

Quant à François d’Assise, il contemplait le crucifix de Saint-Damien quand il entendit une voix : “François, rebâtis ma maison, qui, tu le vois, tombe en ruines…” Dès cet instant le souvenir de la passion du Christ ne le quitta plus. Nombreux sont ceux, dans la tradition franciscaine, qui ont mis la contemplation du mystère de la Croix au centre de leur spiritualité, comme Angèle de Foligno, au XIIIe siècle, une mystique de la Croix du Christ. Mais aussi saint Bonaventure qui proposera dans son ‘Lignum vitae’ un chemin de croix avant la lettre. Véritable contemplation des scènes de la vie du Christ, mais surtout de sa passion, son ouvrage connaîtra un grand succès et sera réédité durant des siècles (franciscains.fr).

En 1273, Bonaventure est consacré cardinal-évêque d'Albano par le nouveau pape. L'année suivante, Bonaventure quitte la tête des franciscains. Il est remplacé à cet office par Jérôme d'Ascoli, futur Nicolas IV (fr.wikipedia.org - Bonaventure de Bagnoregio).

Urbano VIII, oltre a far costruire il palazzo papale e tramite il nipote Taddeo la villa Barberini, promosse l'apertura di due strade che dall'uscita del paese, a sud, conducono una, quella di sopra, seguendo il crinale con vista sul lago e passando per il convento dei Cappuccini, ad Albano; l'altra, quella di sotto, alla via Appia. Le strade furono definite gallerie fin dai tempi di Urbano VIII perché gli alberi secolari che le fiancheggiano formano quasi una copertura naturale di effetto oltremodo suggestivo. La Galleria di Sopra, sorpassata la facciata verso il lago della palazzina di Taddeo, rasenta un piazzale circolare, la piazza della Pace, dove si trovano, sul fondo, la chiesa dell'Assunta, anticamente intitolata a S. Francesco, su DEIPARAE IN COELVM ASSVMPTAE la un'alta scalinata, sul lato destro l'attuale sede estiva della Congregazione di Propaganda Fide e sull'altro le stazioni della Via Crucis, tutte costruzioni promosse da Urbano VIII. I Francescani riformati, infatti, sul terreno loro assegnato fin dal 1619 da Paolo V edificarono durante il pontificato Barberini sia il convento che la chiesa dato che questa risulta terminata nel 1624 anche se venne consacrata solo nel 1632; sempre Urbano VIII, nel 1627, adibì la costruzione conventuale ad Istituto delle Missioni, poi rilevato in tempi recenti dalla Congregazione di Propaganda Fide. La chiesa, oggi utilizzata unicamente come cappella privata della Congregazione di Propaganda Fide, presenta una semplice facciata con iscrizione dedicatoria sul portale e una serie di stemmi nel timpano e ai lati attraverso i quali viene ricordato sia papa Urbano VIII sia il cardinale Francesco Peretti che sostenne le spese per edificare la chiesa, (l.i.) (I Prìncipi della Chiesa. L'arte nel territorio di Roma tra Rinascimento e Barocco, 2017 - books.google.fr).

The church and convent of the Cappuccini, between the town and the lake, celebrated for its lovely position and its magnificent views from the upper part of the garden, into which ladies are not admitted, and especially from the raised terrace, over the highest station of the Via Crucis, occupies a part of the villa of Domitian (A Handbook of Rome and Its Environs, 1871 - books.google.fr).

Les contemporains de Nicolas Poussin reconnaissaient dans ses compositions certains aspects des berges du Tibre près d'Ostie, certains sites d'Albano ou de Frascati (André Vera, L'homme et le jardin, 1950 - books.google.fr).

L’intervention de Clovis Whitfield va être déterminante. Dans un premier article en 1979, il part de l’inscription pour conforter l’attribution à Poussin, car il suppose la toile coupée au milieu du prénom Nicolas, et pour déterminer que le tableau est une vue de Grottaferrata. En 1980, il relève dans l’inventaire de Gabriele dal Pozzo de 1695 au no 113, une Vue de Grottaferrata de Poussin plus large que notre Vénus et Adonis (9 palmes, c’est-à-dire environ 2 mètres). Il additionne la largeur du Vénus et Adonis à celle du Paysage au dieu Fleuve, considérant que leurs compositions s’assemblent fort bien. La suite de l’inscription lue derrière le tableau du musée Fabre doit donc se trouver sous le rentoilage du Paysage au dieu Fleuve, hypothèse que seul un désentoilage pourra confirmer. [...] Poussin a représenté la région de Grottaferrata, près du lac d’Albano et du lac de Nemi (Olivier Zeder, Claire Gerin-Pierre, Régina Moreira et Jean-Pascal Viala, La réunification des deux parties d’un tableau de Poussin conservé au musée Fabre de Montpellier : Vénus et Adonis; Paysage au dieu Fleuve, Technè N° 38, 2013 - journals.openedition.org).

Grotta Ferrata est un village de la campagne de Rome, situé au pied de l'antique mont Albain (aujourd'hui Monte Cavo) (Jules Gourdault, Alphonse Feillet, Œuvres du cardinal de Retz, Tome 5 : Mémoires, troisème partie. Pamphlets, La conjuration du comte Jean-Louis de Fiesque, 1880 - books.google.fr).

Le pied romain mesure de 0m27 à 0m30 (Mémoires de l'Académie de Nîmes, 1910 - books.google.fr).

La palme vaut un quart de pied.

D'où un palmipes, appelé pygum (pygon) par Pline (un pied plus une palme) de 35,77 cm (K. Zheku, Découvertes épigraphiques sur les murs d'enceinte de la citadelle de Durrës, Studia Albanica, Volume 9, Numéro 1, 1972 - books.google.fr).

Sans nous attarder au siècle brumeux d'Ascagne fils d'Enée, qui, d'après les légendes recueillies par Virgile, aurait bâti Albe la Longue sur une crête du Monte Cavo actuel, nous remarquerons seulement au passage que, si l'on compare au site choisi pour cette première métropole du Latium celui d'où Rome sortit par la suite, on constate un progrès de civilisation. Albe était une cité haut juchée, qui n'avait souci que de la défensive, absolument comme les châteaux forts des barons de l'âge féodal. Rome, au contraire, fondée au point le plus favorable d'une magnifique vallée fluviale, dans un bassin bien délimité, au centre d'un cirque de collines ni trop hautes ni trop basses, qu'il n'était pas malaisé d'enceindre, procédait à la fois d'une idée politique et d'une préoccupation commerciale. Par sa position, c'était tout ensemble un emporium et un castellum, un marché et une place de guerre. Le Tibre, bien plus navigable autrefois qu'aujourd'hui, était un chemin de trafic tout fait, appelant à lui les denrées des fertiles régions situées en amont. La mer voisine n'offrait pas, il est vrai, des côtes très hospitalières, mais on pouvait améliorer ce port d'Ostie qui était l'émissaire le plus proche du négoce, et ce fut une tâche à laquelle les Romains n'eurent garde de manquer (Jules Gourdault, Rome et la Campagne Romaine, 1885 - books.google.fr).

Le pied de Glanum se situe à égale distance du pied phrygien (27,5 cm env.) ou osco-italique (27,4 à 27,8 cm) reconnu en Narbonnaise dans les colonies marseillaises d'Agde et Olbia et des pieds attico-euboïque (29,5 cm) (Anne Roth-Congès, Glanum préromaine : recherche sur la métrologie et ses applications dans l'urbanisme et l'architecture. In: Revue archéologique de Narbonnaise, tome 18, 1985 - www.persee.fr).

Les Troyens étaient des Phrygiens.

A titre anecdotique, signalons la découverte, en 1899, au nord du Fayoum, d'un instrument utilisé par les arpenteurs égyptiens, vraisemblablement de l'époque ptolémaïque, et comparable, dans son principe de fonctionnement, à la groma romaine [gruma étrusque qui répond au "gnômôn" grec] : il s'agit en effet d'une croix, composée de deux morceaux de nervure de feuille de palme, d'inégale longueur (35,2 et 34,2 cm), liés à angle droit avec une cordelette en fibres de palme. Cet instrument de visée orthogonale est un appareil portable, conçu pour être utilisé en étant tenu par la main. La branche supérieure comporte une incision pour que l'assemblage soit maintenu de manière rigoureusement orthogonale. Chacune des quatre branches de la croix comporte une profonde entaille qui permettait de fixer le fil à plomb qui formait, avec son vis-à-vis, le plan de visée. On peut s'interroger légitimement sur l'usage d'un tel instrument. Quand on voit les problèmes d'utilisation de la groma, on se demande comment on pouvait opérer avec cette croix sans support et très légère. L'utilisateur de cet instrument n'avait de toute évidence pas la prétention de tracer une limitation, mais sans doute s'en servait-il pour arpenter des parcelles ou des champs de céréales prêtes à être récoltées, à l'instar des mensores frumentarii des légions romaines (Gérard Chouquer, François Favory, L'arpentage romain: histoire des textes, droit, techniques, 2001 - books.google.fr).

Les gromas sont plus grands (Rivista archeologica dell'antica provincia e diocesi di Como antichità ed arte, Società archeologica comense, 1933 - books.google.fr).

A gauche de ce ménir regardant la station thermale et son église paroissiale, on découvre sur les roches voisines des croix grecques profondément gravées par le ciseau et mesurant depuis vingt jusqu'à trente et trente-cinq centimètres. Ces croix, à branches égales et au nombre de cinq sur ce seul point, ont dû être gravées par ordre des premiers missionnaires chrétiens envoyés dans la contrée (VLC, p. 235).

Della groma, a parte il rilievo sulla tomba dell'agrimensore L. Albutius Faustus scoperta ad Ivrea (in Piemonte, Italia) nel 1852, rimane un esemplare conservato nel Museo Archeologico Nazionale di Napoli. È una croce di ferro (stella), dai bracci ortogonali lunghi circa 35 cm, dalle cui estremità (cornicula) pendono dei fili a piombo (Collection Latomus, Volumes 339 à 340, 2012 - books.google.fr).

Ivrée fut peut-être fondée par les Salasses, mais les romains en firent une colonie sous le consulat de Caius Marius, nommée Eporedia (fr.wikipedia.org - Ivrée).

“Les Gaulois nomment eporediae les «bons dresseurs de chevaux»” (Dottin, 1915, 66; Delamarre, 2003, 164). On reconnaît ce thème à l'origine du nom d’Eporedia, établissement au débouché du Val d’Aoste, fondé en 100 av. J.-C., sur un ancien territoire des Gaulois cisalpins (tribu des Salasses); c’était sans doute la “Localité-des-Gens-de -Chevaux” : lieu d’une garnison, mais aussi étape de marché sur les axes de circulation (Chevallier, 1983, 101; Kruta, 2000, 603 et 805-806) (Jacques Lacroix, Les noms d'origine gauloise, La Gaule des combats, 2012).

Par abus de langage, le groma désigne également le centre d'un camp militaire romain ou le forum lors de la fondation d'une ville, à l'intersection du cardo et du decumanus, car l'angle droit formé par les directions de ces deux artères était vérifié à la groma par des agrimenseurs (fr.wikipedia.org - Groma (instrument de mesure)).

Le treizième livre ou le treizième signe zodiacal : le Serpentaire Livre XIII ou "iota" et le Soleil

Cette perpétuité de Rome, la seule, la véritable foi de l'antiquité païenne, a quelque chose de si merveilleux que le Concile de Nicée se fit traduire en grec la quatrième Églogue, où Virgile résume toutes les prophéties sur le Désiré des nations. Rome sait, avec le chantre de l’Énéide, que Dieu n'a posé ni terme ni temps à sa puissance, et qu'il lui a donné un empire sans fin. Rome agit en conséquence. L'imperium sine fine dedi passe de la poésie aux prophètes, et des prophètes à la plus absolue des réalités (Jacques Crétineau-Joly, L'église romaine en face de la révolution, Tolme 2, 1859 - books.google.fr).

Jérôme comparait ainsi la prise de Rome à celle de Jérusalem décrite par les Psaumes, puis à celle de Troie suivant Virgile : «Le désastre de cette terrible nuit, les morts, quelle parole les raconterait ? Ou qui pourrait égaler ses larmes à sa douleur ? Une ville antique s'écroule; pendant de longues années, elle fut la maîtresse du monde» (Lettres, CXXVII, 12) (André Piganiol, Le sac de Rome: vue d'ensemble, 1964 - books.google.fr).

SIXIÈME ÉPOQUE. SALOMON OU LE TEMPLE ACHEVÉ (Cinquième âge du monde) : Ce fut environ l'an 3000 du monde, le 488 depuis la sortie d'Egypte, et, pour ajuster les temps de l'histoire sainte avec ceux de la profane, 180 ans après la prise de Troie, 250 devant la fondation de Rome, et 1000 ans devant Jésus-Christ, que Salomon acheva ce merveilleux édifice (1004-992). Il en célébra la dédicace (1003-991) avec une piété et une magnificence extraordinaire. Cette célèbre action est suivie des autres merveilles du règne de Salomon, qui finit par de honteuses faiblesses.

D'après la chronologie bénédictine, il faudrait dire l'an du monde 5971, la 653 depuis la sortie d'Egypte, 278 ans après la prise de Troie, 259 avant la fondation de Rome et 992 av. J.-C. (Jacques Bénigne Bossuet, Discours sur l'histoire universelle de Bossuet, 1856 - books.google.fr).

Le Christ Chronocrator-Pantocrator est un thème fréquemment exploité que de montrer dans le Christ le foyer solaire d'un ensemble de 12 rayons que figurent les apôtres. Cela s'interprète comme la substitution de la liberté évangélique à la captivité du destin, de la cohérence salvatrice à la vaine juxtaposition des pouvoirs, comme la constitution de l'Année parfaite, celle de la régénération par le «Soleil de justice». [...] Ainsi voit-on, dans les Actes de Jean, les 12 apôtres, formant la chaîne, graviter autour de Jésus comme autant de reflets de l'astre central, le Treizième, l'Unificateur.

Énée peut être assimilé au Christ Chronocrator, axe de la roue zodiacale, seigneur du temps qualifié, unificateur des puissances de vie et de renouvellement (cf. les 12 Grands Dieux), Soleil de justice (cf. sa pietas surhumaine). [...] Il est également possible de le nommer Pantocrator - comme l'Apollon qui resplendit au centre de son boucher (clipeus) -, dominant le monde tout en le soutenant, régnant au-dessus de tout et agissant en même temps au-dedans de tout.

Le clipeus cosmique, ou à l'imago clipeata, est une illustration fréquente, dans l'Antiquité, de l'impérialité solaire. A la périphérie court un zodiaque; au centre resplendit Jupiter, ou le Soleil, ou le Cosmocrator, en tant que Treizième et Un. Or, ce thème du clipeus joue un rôle important dans l'Enéide, si important qu'il invite à une assimilation entre cet objet et le poème lui- même. Le bouclier circulaire d'Enée, ne l'oublions pas, porte Apollon en son centre, ou le Soleil - 13e dieu au cœur du zodiaque, symbole de la déification du héros et des Énéades. Dans ces conditions, l'épopée apparaît bien comme un temple - ou un mandala - zodiacal à vocation solaire, et ordonné autour d'un 13e livre non écrit, cœur invisible mais réel, au sens platonicien du terme, de l'ensemble, «fin» véritable du cycle. Il n'y a pas lieu de rédiger ce 13e livre, comme l'a fait en 1428 Maphaeus Vegius ; car il émane de tout le poème, clarté qu'on ne peut circonscrire, mais qui, de temps à autre, fait irruption dans la trame du récit - voir, par exemple, 1,588 sq. (transfiguration d'Enée), 1,259-260 (son apothéose), VIII,720 (le Cosmocrator), XII, 167 (l'héliomorphose), XII, 794-5 (Énée dieu indigète : pater Indiges, Iuppiter Indiges, ou Sol Indiges). Par ailleurs, il est même possible de découvrir dans VEnéide, en lui appliquant une méthode herméneutique inspirée de Raymond Abellio, une structure dialectique exemplaire (double sénaire) qui aboutit nécessairement au nombre 13.

Le travail d'Enée, à l'instar de celui d'Hercule, consiste à assumer l'homme tout entier pour le porter à son plus haut degré d'accomplissement. Dans le contexte qui nous occupe, il s'agit pour lui d'épuiser les potentialités de chaque signe zodiacal - considéré comme un mode d'être particulier -, de manière, à la fois, à posséder la totalité dynamique de ce cercle d'énergies et à en transcender le caractère relatif. [...]

Virgile avait déjà utilisé cette thématique dans sa IVe Bucolique : voulant montrer, conjointement, l'avènement de l'âge d'or et celui de l'Homme parfait, il y dessine la remontée des signes zodiacaux, de la Vierge au Bélier, jusqu'à la sortie du déterminisme cyclique, l'héliomorphose du «fils de Jupiter», et l'instauration du règne atemporel des «Agneaux». Mais c'est l'Enéide qui, par son architecture secrète et son profond symbolisme, en constitue la plus magistrale illustration. Au cœur même du poème se découvrent de nettes allusions à cet idéal, impératif pour le Romain, de maîtriser et de dépasser le zodiaque.

Le fils de Vénus, qui connaît les routes du ciel, de la terre et de la mer (X, 161-2), connaît aussi et surtout la voie qui mène l'homme à travers les Énergies cosmiques, jusqu'au Divin, cette voie héroïque d'ardeur et d'obéissance qui permet de dépasser la condition humaine et de s'élever au-dessus du cercle même des Grands Dieux (XII, 839 : supra homines, supra ire deos pietate) (Yves-Albert Dauge, Le treizième livre de l'Énéide, Astrologie et énergétique de la métamorphose. In: Pallas, 30/1983. Astres, astrologie, religions astrales dans l'Antiquité - www.persee.fr).

Les expressions vocales et mystiques du système planétaire et du Dieu-soleil, qui en était le chef, et qui répandait sa lumière depuis alpha jusqu'à óméga, ou dans toute l'étendue du système du monde, figuré par sept chandeliers, n'étaient point étrangères aux Phrygiens et à toute la côte de l'Asie-Mineure où sont placées les sept églises. On a trouvé dans ce même pays, vis-à-vis Pathmos, près d'Ephèse et de Laodicé, enfin à Milet, une inscription qui renferme des invocations mystérieuses adressées aux sept planètes, et les planètes y sont désignées chacune par une des sept voyelles, qui, combinées différemment entre elles, forment un mot mystique et sacré que l'on prononçait en l'honneur de chacune d'elles. La lettre initiale du mot, suivant qu'il commence par alpha, ou epsilon, ou iota, etc., désigne la planète à qui s'adresse la prière. Si c'est alpha qui est la première voyelle, c'est à la lune; si c'est iota, c'est au soleil; si c'est epsilon, c'est à Mercure (Charles-François Dupuis, Origine de tous les cultes, Tome 5, 1822 - books.google.fr).

On comprend alors que l'Enéide soit si proche, dans son économie générale, de certaines thérapies analytique, en particulier celle de Robert Desoille, conciliant théorie freudienne et jungienne : dans les deux cas, il s'agit de trouver - retrouver ? - une harmonie des différentes instances de la psyché, sans en sacrifier aucune, dans un discours plurivoque. Dans sa technique du «rêve éveillé», Desoille insiste sur l'importance, dans l'analyse, de la notion de dynamique, de déplacement du moi conscient entre ce qu'il appelle le ça (l'inconscient) et le soi (l'archetype sublimé) pour trouver un équilibre. Ainsi, Desoille retrouve les créateurs des quêtes initiatiques : dans les deux cas, l'immobilisation équivaut à la mort; quant à la vie de la psyché, elle est entretenue, dans le mouvement, par l'élaboration d'une chaîne d'images; la conscience peut se déplacer le long de cette chaîne; par la suggestion d'un «voyage» ascensionnel ou descensionnel, Desoille invite le sujet à imaginer une piste en spirale, qu'il gravit ou qu'il descend; ainsi se déterminent les deux visages complémentaires d'une structure agonistique, et se crée le mouvement par la différence de potentiel qui permet l'évolution : exploration du bas, puis remontée vers le haut. On pense à Héraclite : «La route qui monte et descend est une et la même» (fragm. 69). (Joël Thomas, La violence transformée, Europe: revue littéraire mensuelle, Numéros 765 à 769, 1993 - books.google.fr).

Assez vite, Desoille fut encouragé dans la voie de l'utilisation des images à des fins thérapeutiques. Dès 1923, il entra en contact avec le psychanalyste Charles Baudouin de Genève, qui lui ouvrit les colonnes de sa revue Action et pensée, où il publia sous forme d'articles ce qui allait constituer l'essentiel de la méthode du rêve éveillé en psychothérapie. Charles Baudouin préfaça en 1938 le premier live de Desoille, Exploration de l'affectivité subconsciente par la méthode du rêve éveillé. Nous savons par Juliette Favez-Boutonnier que Desoille avait aussi rencontré René Laforgue et Françoise Dolto. Elle-même Juliette Boutonnier fit pendant la guerre avec Desoille des expériences de rêve éveillé, qu'elle évoque dans sa thèse sur l'angoisse. Elle écrit par exemple : «Comme le dit Robert Desoille, le sujet au cours du rêve éveillé parle le langage de l'inconscient... Le rêve éveillé se déroule alors comme une œuvre dramatique, où les gestes et l'attitude de chaque personnage, ainsi que la nature du décor, ont une valeur affective qui a la force d'une donnée objective. C'est par là que l'on peut comprendre l'effet thérapeutique du rêve éveillé, effet qui paraît même indépendant des interprétations conscientes qu'on peut en donner». Après la guerre, Desoille reprend de façon systématique sa méthode dans l'ouvrage de 1945 Le rêve éveillé en psychothérapie. Le fonctionnement de la cure rêve éveillé était alors relativement différent de ce que nous connaissons aujourd'hui. Robert Desoille proposait systématiquement au patient une image de départ, et lui demandait d'exprimer les images induites par ce point de départ. Il intervenait fréquemment en incitant le sujet à imaginer se déplacer, monter et descendre (Jacques Natanson, la découverte du rêve-éveillé en psychothérapie par Robert Désoille, Topique, Numéros 76 à 77, 2001 - books.google.fr).