Les derniers feux de la Montagne brillent le 12 germinal et le 1er prairial, émeutes produites essentiellement par la misère.
Parmi les victimes des représailles du 12 germinal, Jacques Billaud, dit Billaud-Varenne ( La Rochelle, 1756 – 1819) et son ami Jean-Marie Collot d’Herbois (Paris, 1749 – 1796). Billaud-Varenne était un avocat sans clientèle. Il quitte sa ville natale pour devenir préfet des études, poste qu’il abandonne. Il vit alors d’une pension versée par son père après son mariage. Sans charisme, il a du mal à se faire une place dans le monde politique. Au club des Jacobins, après la fuite du roi à Varennes, il demande que l’on choisisse entre un régime républicain ou monarchique. Son audace lui vaut l’exclusion du club, mais il est accueilli chaleureusement par Danton aux Cordeliers. De retour aux Jacobins il en sera vice-président. Il succède à Danton au poste de substitut du procureur de la Commune. Les massacres de septembre seront pour lui des « vengeances nationales ». Elu député à la Convention, il vote la mort du roi dont il réclame l’accélération du procès. Il demande la mise en jugement de Marie-Antoinette, et participe à la chute des Girondins, puis des Hébertistes. Enfin c’est le tour de Robespierre et de son proche entourage dont Couthon, Saint-Just et Philippe Lebas (Frévent, 1765 – Paris, 1794) d’être éliminés avec l’appui de Collot d’Herbois, ancien acteur, qui avec Fouché, laissa mitrailler les rebelles et suspects lyonnais en 1793, la guillotine ne suffisant pas. Leur attitude jacobine ne favorisant pas la reconnaissance des Thermidoriens, Collot et Billaud sont déportés, à l’occasion de l’émeute du 12 germinal (1er avril 1795) en Guyane. Collot d’Herbois meurt des fièvres en 1796 tandis que Billaud, gracié au 18 brumaire, refuse de reconnaître le nouveau régime et finit par s’exiler à Haïti où il meurt en 1819.
Jean-Michel Duroy, né à Bernay en 1753, accusant les nouveaux tenant du pouvoir de s’être « blanchis au sang de Robespierre », entre dans la commission chargée par les insurgés du 1er prairial (20 mai 1795) de remplacer le Comité de Salut public. Les émeutiers, au nombre desquels se trouve Jean-Marie Goujon (Bourg-en-Bresse, 1766) envahissent l’Assemblée. Duroy, qui manque son suicide et qui guillotiné, et Goujon, qui se poignarde, seront arrêtés avec Romme, Duquesnoy et Bourbotte.
Jean-François Delmas (Toulouse, 1751- mort fou à une date incertaine), s’opposant franchement à Robespierre la veille du 9 thermidor, devient adjoint de Barras comme commandant de la force armée. Il participe à la répression de l’insurrection du 1er prairial, bien qu’opposé au modérantisme et défendant les sociétés populaires. Il mène celle de l’insurrection royaliste de vendémiaire.
Des Montagnards survivront au changement. Jean-Baptiste Bouchotte, né le 25 décembre 1754 à Metz, s’engage à 19 ans dans l’armée. Capitaine en 1788, partisan de la Révolution, il mate deux révoltes militaires à Cambrai et sauve la ville des Autrichiens en 1792. A la défection de Dumouriez et la capture du ministre Beurnonville, il devient ministre de la guerre pendant un an. Méprisé par les généraux, il s’efforce de subvenir aux besoins d’une armée minée par la désertion, les sabotages et les malversations. Démis de ces fonctions lorsque les ministères sont supprimés en avril 1794, il sera emprisonné à la chute de Robespierre, puis amnistié par la Convention. Sa carrière politique s’arrêtant là, il fait des démarches pour obtenir le grade de général qu’il n’obtiendra jamais, et votera « oui » au vote sur le Consulat décennal en vue de percevoir une rente de 5000 francs. Il meurt au Ban-Saint-Martin en 1840.
Edmond Dubois-Crancé, né à Charleville (Charleville-Mézières) en 1746, est un ancien mousquetaire de la garde du roi. Il est élu député aux Etats généraux par le tiers. Elu à la Convention, il est membre du comité militaire et, envoyé en mission, on lui reproche sa modération auprès du général Montesquiou en Savoie, et à Lyon. Il vote la mort du roi et est un partisan de Marat. Suspect, éliminé du club des Jacobins en 1794, il est inquiété par Couthon, mais la séance devant statuer est ajournée. Trop jacobin, il n’est pas élu Directeur, mais est élu aux Cinq-Cents. Inspecteur général de l’armée du Rhin, il remplace Bernadotte comme ministre de la guerre en septembre 1799. Remplacé par Berthier après le 18 brumaire, il se retire et meurt en 1814 à Rethel.
Claude Antoine Prieur-Duvernois, né à Auxonne en 1763, est élu à la Législative et à la Convention. Il vote la mort du roi et entre au Comité de Salut public en août 1793. Auxiliaire de Carnot dans l’organisation de la Défense nationale, il crée un centre d’expérimentation de l’armement à Meudon. Il quitte le Comité en octobre 1794, prenant la défense de ses collègues mis en accusation. Plusieurs fois élu aux Cinq-cents, il s’occupe de la navigation intérieure, des poids et mesures et des ports. Il se retire de l’administration militaire pour n’avoir pas obtenu le grade qu’il espérait du Consulat, et se consacre à la manufacture de papiers peints qu’il avait créée. Il évite l’exil car il n’avait pas signé l’acte additionnel aux constitutions de l’Empire lors des Cents Jours.
Les frères Lindet virent le jour à Bernay. Robert Thomas, né en 1743, curé de la paroisse de Sainte-Croix en 1789, est élu aux Etats généraux. Prêtre des plus favorable à la Révolution, il adhère à la Constitution civile du clergé. Evêque de l’Eure en 1791, député de l’Eure, il se marie et vote la mort du roi. Réélu au Conseil des Anciens de son département en 1798, il doit abandonner son mandat, l’élection ayant été cassée. Lindet se retire de la politique et gagne sa vie en tant qu’avocat à Bernay jusqu’à sa mort en 1823 Son frère, Jean-Baptiste, né en 1746, avocat dans sa ville natale en devient maire en 1790. Elu à la Convention, girondin puis montagnard, il vote la mort du roi. Il entre au Comité de Salut public en 1793 et est envoyé à Lyon où il essaie de concilier insurgés et gouvernement. Il est rappelé en juin, et la ville sera assiégée par Kellermann en août. Il est ensuite envoyé réprimer la révolte fédéraliste dans l’Eure et le Calvados. De retour à Paris, son action au Comité de Salut public permet de sauver la vie à de nombreux prévenus en ajournant le procès des fédéralistes. Il ne peut éviter l’arrestation de Danton. A la chute de Robespierre, il est arrêté puis amnistié par la Convention. Impliqué dans la conspiration de Babeuf, il sera acquitté. Appelé au ministère des finances en 1799, il démissionne au 18 Brumaire pour reprendre son métier d’avocat.
Après le 18 fructidor, le Directoire favorise les théophilanthropes dont l’origine remonte à un manuel publié par le franc-maçon Chemin-Dupontès en 1796. Le culte commença en janvier 1797 dans l’ex-chapelle Sainte-Catherine de l’école pour aveugles de Valentin Haüy qui en fut l’un des premiers adeptes. Le Directoire attribue au nouveau culte quatre églises dans Paris, dont Notre-Dame en avril 1798. Le culte essaime en Province avec le soutien du directeur La Révellière-Lépeaux et du ministre de l’Intérieur Sotin de la Coindière. Les théophilanthropes organisent même le service funèbre du général Hoche. Après le coup d’Etat du 22 Floréal (mai 1798), le gouvernement qui subventionnait la nouvelle religion à travers son journal, la juge trop proche des Jacobins. Seul, La Révellière, qui dans sa jeunesse avait dû subir les mauvais traitements d’un précepteur prêtre et qui en avait retiré une haine du catholicisme, continue à soutenir le culte qui sera interdit par Bonaparte en 1801.
Né à Ajaccio en 1769, élève de 1779 à 1784 à l’Ecole militaire de Brienne-le-Château, Napoléon Bonaparte fera un an d’études à Paris pour devenir lieutenant d’artillerie à La Fère, puis dans diverses garnisons françaises : Valence, Douai, Lyon, et Auxonne. De juin 1788 à septembre 1789 et en 1791, Bonaparte, jeune lieutenant en second, est à l’Ecole d’Artillerie d’Auxonne commandée par le général Du Teil. Faisant partie de la société des officiers La Calotte dont il rédigea la constitution, Bonaparte se réunissait avec ses collègues dans la Tour du Signe, appelée aussi Tour du Cygne. Après un épisode indépendantiste en Corse, il retourne en France où il devient jacobin et, après avoir commandé l’artillerie au siège de Toulon, devient général de brigade. Inquiété après Thermidor, il se lie avec Barras qui lui ouvre la voie du pouvoir. Général de division pour avoir réprimer l’émeute royaliste de Vendémiaire, général de l’armée d’Italie, général en chef de l’armée d’Egypte, il quitte Toulon en mai 1798. La victoire de Pyramides précède de peu le désastre d’Aboukir où la flotte française est détruite. François Paul Brueys d’Aigalliers, né à Uzès en 1753 et devenu marin à 13 ans, fut nommé commandant en chef de la flotte chargée de transporter l’expédition d’Egypte qui arrive à Alexandrie le 1er juillet 1798. Le mois suivant les Anglais commandés par Nelson l’attaquent dans la rade d’Aboukir. Brueys d’Aigalliers meurt en sautant avec tout l’équipage de son navire, L’Orient, ayant fait l’erreur d’engager le combat alors que la flotte était encore au mouillage.
Bonaparte regagne la France pour préparer le coup d’Etat du 18 Brumaire qui le porte au consulat et à l’empire en 1804. Il crée l’Ordre de la Légion d’Honneur dont la première remise se fait à Recques dans les Pas-de-Calais, le 21 mai 1805.
Des hommes de guerre permettent à Napoléon d’atteindre le fait de la gloire. Jean-Baptiste Bernadotte est de ceux-là. Né à Pau en 1763, il entre dans l’armée comme simple soldat, monte rapidement les échelons pour devenir général de brigade dans l’armée du Nord, à la division Kléber, puis général de division en 1794. Il participe aux opérations en Allemagne et en Italie. Nommé ambassadeur à Venise en 1798, il quitte la ville après une émeute anti-française. Il combat à nouveau en Allemagne pour démissionner de son poste et venir à Paris accuser les directeurs des défaites françaises de l’armée française. Démissionnant à nouveau du ministère de la guerre à cause des intrigues de Sieyès, il ne participe pas au coup d’Etat du 18 Brumaire. Cependant, ses liens familiaux avec la famille Bonaparte lui favorise son ascension qui le mène au maréchalat en 1804. De toutes les campagnes de Napoléon, il sera à Austerlitz. Elu prince héréditaire en Suède, adopté par le roi Charles XIII, il prend part à la coalition de 1813 contre son ancien maître. Il devient roi de Suède et de Norvège sous le nom de Charles XIV la même année.
Il y a aussi Louis Gabriel Suchet, né à Lyon en 1770, d’un père soyeux. Il entre dans l’armée en quittant la ville aux mains des contre-révolutionnaires. Il sert à Toulon et en Italie. Chef d’état-major de Brune en Suisse, il l’est de l’armée d’Italie en 1798. Il épouse la fille de la belle-sœur, né Clary, de Joseph Bonaparte. Napoléon fera sa carrière, le faisant maréchal en 1811, puis duc d’Albufera l’année suivante.
On compte encore toute une kyrielle de généraux natifs de Lectoure : Jean Lannes (1769 – Vienne, 1809), Jérôme Soulès (1760 – Paris, 1833), Pierre Banel (1766 – Cassario, 1796) et Jean-Baptiste Dupin (1772 – Paris, 1863) qui sauva la vie de l’empereur visé par un étudiant autrichien à Schönbrunn.
Pour administrer l’empire, Napoléon fait appel à toutes les compétences. Jacques Rose Récamier, né à Lyon en 1751, travaille avec son père dans la chapellerie et la banque. A sa mort, il monte à Paris où il épouse Jeanne Françoise Bernard, né aussi à Lyon, dont la beauté charme toute la ville. Administrateur des comptes courants, Récamier participe aux fournitures du gouvernement et aux opérations de la fin de la Révolution. Il devient l’un des premiers régents de la toute nouvelle Banque de France. Il fera deux fois faillite par la suite en 1805 et 1819, et meurt en 1830.
Pendant la campagne de France qui le fait briller de ses derniers feux, Napoléon cherche à empêcher les armées ennemies de faire leur jonction, attaquant là où on ne s’y attend pas.
Le 27 janvier, les Russes sont battus à Saint-Dizier, deux jours plus tard, à Brienne-le-Château la bataille est indécise. Napoléon est battu à La Rothière le 1er février. A la suite de ce combat, Prussiens et Autrichiens se séparent pour se ravitailler plus aisément. Napoléon en profite pour attaquer Blücher à Champaubert, Montmirail, Château-Thierry, Vauchamps lui faisant perdre 40 000 hommes. Puis il se retourne contre Schwarzenberg, détruisant ses avant-gardes à Mormant, Nangis, Montereau, et le rejette sur Troyes. La détermination du tsar Alexandre et des Anglais a raison de l’abattement de leurs alliés. Le pacte de Chaumont ressoude les troupes. Schwarzenberg, poursuivi par Napoléon, réussit à faire sa jonction avec les avant-gardes de Bernadotte et à se retrancher sur le plateau de Laon d’où il ne peut être délogé. Les deux armées se confrontent à Arcis-sur-Aube où les Français doivent faire retraite. Napoléon pense alors entraîner l’ennemi vers l’est, marchant sur la Lorraine pour ramasser des troupes fraîches dans les garnisons et couper les lignes de ravitaillement des alliés. Mais ceux-ci foncent sur Paris ayant appris qu’un fort parti royaliste s’apprêterait à passer à l’action en cas d’approche des coalisés. Paris se défend chèrement mais capitule le 30 mars, provoquant la chute de l’Empire. Lyon avait déjà été occupé le 21, et Toulouse sera prise le 10 avril par Wellington venu par l’Espagne.
A son retour de l’Île d’Elbe, Napoléon est aux prises avec une nouvelle coalition qui le mettra définitivement hors jeu à Waterloo, les 18 et 19 juin 1815.