Partie V - Arts et Lettres   Chapitre XL - Section littĂ©rature   Epoque classique   

Les débuts du XVIIème siècle assistent au succès des livres de L’Astrée d’Honoré d’Urfé publiés sur une période de 20 ans de 1607 à 1627. L’œuvre d’Urfé a été à l’origine du mouvement de la littérature précieuse et mondaine, résurgence de la courtoisie. Urfé se rattache aux nonagones non par son lieu de naissance, Marseille, mais par le château de sa femme Diane de Chateaumorand. Fille d’Antoine Lelong de Chenillac, protestant, elle épouse tout d’abord l’aîné d’une famille catholique, Anne d’Urfé, frère d’Honoré et soldat de la Ligue, dont elle se sépare. Honoré, amoureux de Diane dès ses quinze ans, succède à son frère. Ils se séparent trois ans plus tard, Urfé gardant cependant le château de Chateaumorand, sur la commune de Saint-Martin-d’Estréaux. Loin de tout maniérisme, dont elle a été injustement traitée, L’Astrée offre un style simple, fluide et naturel.

D’un style à l’autre

Jean-François Paul de Gondi, le Cardinal de Retz, fut le dernier Ă  porter le titre de Damoiseau Ă  Commercy oĂą il se retire, lorsqu’il reçoit l’autorisation de rentre en France Il y Ă©crivit une partie de ses MĂ©moires qui est un chef d’œuvres de la littĂ©rature française – « ce n’est pas le style classique, mais ce n’est plus le style prĂ©cieux [1]» -, très instructif sur l’époque quoique sujet Ă  caution sur son rĂ´le durant la Fronde. On y trouve dans le dĂ©tail ses aventures galantes dignes de sa rĂ©putation de libertin et d’esprit fort. Il Ă©crit en homme d’action et non en Ă©crivain de mĂ©tier, dans un style vigoureux, les pĂ©ripĂ©ties d’un aventurier qui donna toute sa mesure dans les intrigues de la Fronde.

Né à Montmirail en 1613, Jean-François Paul était appelé par son père, malgré ses prédispositions, à succéder à son oncle Jean-François, évêque de Paris, érigé en archevêché en 1622 pour son compte. Déjà deux autres Gondi avait été évêque de Paris, Pierre et Henri, respectivement oncle et frère du père du cardinal de Retz. Les Gondi avaient réussi à acquérir de véritables droits sur ce titre. Le nom de Retz provient de la terre du même nom, ou orthographiée Rais, qui appartint au tristement célèbre Gilles de Rais, et qui échut à Pierre de Gondi, frère de Jean-François Paul, par mariage avec sa cousine Catherine.

Essayant de tirer profit au mieux de la situation, dĂ©jĂ  coadjuteur, Jean-François Paul espère devenir le maĂ®tre de Paris Ă  la succession de son oncle qui surviendra en 1654. Entre temps la Fronde Ă©clate. Retz promet Ă  Mazarin le soutien du parlement contre la Fronde des Princes en Ă©change du cardinalat. La promesse n’étant pas tenue, il ne sera cardinal-archevĂŞque de Corinthe qu’en 1651, Retz fait nommer Gaston d’OrlĂ©ans lieutenant gĂ©nĂ©ral du royaume, ce qui oblige Mazarin Ă  s’exiler un temps. Mais il revient et fait enfermer en prison Retz qui y apprend la mort de son oncle, devenant ainsi archevĂŞque de Paris. Il accepte de se dĂ©mettre de sa charge en Ă©change de compensations offertes par Mazarin, mais le pape refuse sa dĂ©mission. Retz s’échappe de Nantes et s’exile Ă  Rome, oĂą il est reçu par le pape Innocent X, et accueilli dans la Maison de la Mission, fondation de Vincent Depaul, que par reprĂ©sailles Mazarin fera fermer. Il tient son rĂ´le d’archevĂŞque de Paris par correspondance, mais le successeur d’Innocent, Alexandre VII lassĂ© par son tapage le renvoie. Retz erre sur les frontières de la France et ne recevra l’autorisation de rentrer au pays qu’en 1661, par la grâce du roi Louis XIV Ă  la mort de Mazarin. Il meurt, converti et confit en dĂ©votion ostentatoire, en 1679.

LiĂ© Ă©troitement Ă  la famille de Gondi, Vincent Depaul, plus tard connu sous le nom de saint Vincent de Paul, est nĂ© Ă  Pouy, aujourd’hui Saint-Vincent-de-Paul dans les Landes, en 1581. Gardien de troupeaux dans son enfance, il sera envoyĂ©, ses capacitĂ©s ayant Ă©tĂ© reconnues par ses parents, chez les cordeliers pour faire des Ă©tudes. Il est ordonnĂ© prĂŞtre en 1600. Il fait un voyage Ă  Rome oĂą il entr’aperçoit le pape ClĂ©ment VIII. Puis il y a un trou de deux ans dans sa biographie. Dans une lettre Ă  M. de Comet chez qui il a Ă©tĂ© prĂ©cepteur dans les annĂ©es 1595-1597, il raconte un pĂ©riple, inventĂ© ou non, dans les Etats Barbaresques. EnlevĂ© par des pirates alors qu’il naviguait vers Narbonne depuis Marseille, il est vendu Ă  quatre maĂ®tres successifs dont un « mĂ©decin spagirique, souverain tiran de quintessences, homme fort humain et traictable, lequel, Ă  ce qu’il me disoyt, avoyt travaillĂ© cinquante ans Ă  la recherche de la pierre philosophale, et en vaint quant Ă  la pierre, mais fort seurement Ă  autres sortes de transmutation des metaux. En foy de quoy, je lui ai veu souvent fondre autant d’or que d’argent ensemble, les mettre en petites lamines, et puis mettre un lit de quelque poudre, puis un autre de lamines, et puis un autre de poudre dans un creuset ou vase Ă  fondre des orfevres, le tenir au feu vingt-quatre neures, puis l’ouvrir et trouver l’argent estre devenu or ; et plus souvent encore, congeler ou fixer l’argent vif en argent fin qu’il vendoyt pour donner aux pauvres [2]». OĂą l’on retrouve l’alchimie, d’une manière insolite et dĂ©paysĂ©e, avec les nonagones.

EvadĂ© de Tunis avec un  renĂ©gat qu’il converti, Vincent Depaul rejoint Avignon oĂą il rencontre le vice-lĂ©gat du pape, Mgr François Montorio avec lequel il retourne Ă  Rome pour peu de temps. Il gagne la France et s’installe Ă  Paris. Il est placĂ© comme aumĂ´nier de la Reine Marguerite de Navarre, ancienne Ă©pouse d’Henri IV, en 1610. Le cardinal Pierre de BĂ©rulle, « l’apĂ´tre des mystères du Verbe incarnĂ© Â», fondateur de l’Ordre des Oratoriens, le place Ă  la cure de Clichy, puis comme prĂ©cepteur des enfants de Philippe-Emmanuel de Gondi, Lieutenant gĂ©nĂ©ral des Galères, en 1613. La confession d’un paysan Ă  l’article de la mort, Ă  Gannes en 1617, l’engage Ă  l’organisation mĂ©thodique de bonnes confessions gĂ©nĂ©rales. Le 25 janvier, Vincent Depaul prononça dans l’église de Folleville, bourgade oĂą se trouve, sur une colline, le château dans lequel il loge avec ses Ă©lèves, le sermon qui fondait l’œuvre de la mission pour le secours du « pauvre peuple des champs Â». Il quitte les Gondi et est nommĂ© Ă  Châtillon-en-Dombes. Il y fonde l’association des Dames de CharitĂ© pour le secours des pauvres, qui sera Ă  l’origine de l’ordre des Filles de la CharitĂ©. Ayant rĂ©animĂ© le catholicisme de sa paroisse, il est de retour chez les Gondi après un passage Ă  Paris. Philippe-Emmanuel de Gondi fait nommĂ© Vincent Depaul aumĂ´nier gĂ©nĂ©ral des galères. Celui-ci se partagera entre de multiples activitĂ©s : SupĂ©rieur de la Visitation, Principal du Collège des Bons-Enfants, Ĺ“uvre des Enfants TrouvĂ©s. Il missionne dans les paroisses des Gondi, Montmirail, Joigny, Villepreux. En 1633, il fonde la congrĂ©gation des PrĂŞtres de la Mission installĂ©e au prieurĂ© Saint-Lazare - d’oĂą le nom de lazaristes -, et finalement approuvĂ©e par Rome après plusieurs refus motivĂ© par BĂ©rulle. Philippe-Emmanuel de Gondi, entrĂ© Ă  l’Oratoire en 1625, pensait mĂŞme retirer l’argent donnĂ© aux Ĺ“uvres de Vincent. En cette mĂŞme annĂ©e 1633, Louise de Marillac dirige l’ordre des Filles de la CharitĂ©. Louise, nĂ©e Ă  Ferrières-en-Brie en 1591, est la fille de Louis de Marillac, marĂ©chal de France en 1629 pour sa participation Ă  la guerre contre les Protestants, et dĂ©capitĂ© Ă  la suite de la journĂ©e des Dupes en 1632.

Vincent Depaul n’hésite pas à défendre son ami l’abbé de Saint-Cyran, Jean du Vergier de Hauranne, alors emprisonné par Richelieu pour ses idées jansénistes. Mais, peu à peu, il s’était éloigné de Port-Royal, reconnaissant que sa voie était différente.

Louis XIII, sur son lit de mort, fera appel à Vincent Depaul pour l’assister, et, sous la régence d’Anne d’Autriche, il est introduit au Conseil de Conscience chargé de décider des nominations épiscopales. Sa fidélité aux Gondi le fera soutenir Jean-François Paul, le cardinal de Retz, partie prenante dans la révolte de la Fronde contre Mazarin. Vincent demandera le départ de celui-ci à Anne d’Autriche, en vain. Il voyagera six mois en France pour s’éloigner mais conservera le soutien de la régente. Les Missions et les Charités se développent en France et en Europe, et dans le Monde. Elles continuent aujourd’hui malgré les révolutions et les guerres qui ont jalonné l’Histoire. En 1659, Vincent Depaul est immobilisé dans sa chambre, malade. Il suivra Louise de Marillac dans la mort six mois plus tard, le 27 septembre 1660. Béatifié en 1729, il est canonisé en 1737 par le pape Clément XII.

Molinisme et Jansénisme

Le problème de la Grâce est le débat intellectuel du siècle. S’opposent les thèses de Molina, accordant la Grâce à tous, et celles de Jansénius défendues par une minorité conduite par la famille Arnauld et assistée de Pascal, Nicole, Saint-Cyran.

Innocent X condamna les 5 propositions supposĂ©es rĂ©sumer l’Augustinus de JansĂ©nius, sous l’influence de Nicolas Cornet, syndic de la Sorbonne et prĂ©sident du conseil de conscience de Mazarin. « Les jansĂ©nistes enragent de voir le souverain pontife passer sous la coupe de leurs adversaires [3]». Ils s’opposaient aux jĂ©suites qui fournissaient le plus gros contingent de casuistes, qui offraient par leur recueil de jurisprudence « aux confesseurs du monde entier les moyens de pardonner au peuple, aux bourgeois et surtout aux princes [4]».

Corneille et Racine sont les auteurs du siècle. Ils restituent dans leur théâtre le dĂ©bat entre molinisme et jansĂ©nisme. L’œuvre de Corneille, nĂ© en 1606 Ă  Rouen, est romanesque et cynique, avec des hĂ©ros pleins de fougue et de jactance. Rappelons en passant que son frère Thomas Ă©crivit entre autres pièces, Les Alchimistes. Chez Corneille, le monde est sans pĂ©chĂ©. S’il y a des Ă©checs il n’y a pas de faute, comme les casuistes s’efforçant de pardonner Ă  tous. Le théâtre de Corneille est celui de « l’action tragique Â» dans lequel s’affrontent les forces de l’histoire. C’est un théâtre du monde au sens oĂą Blaise Pascal Ă©crivait dans ses PensĂ©es : « la force est la reine du monde Â». Le théâtre de Racine, nĂ© Ă  La FertĂ©-Milon en 1639, est « l’essence tragique Â» oĂą gĂ©mit « la souffrance de l’individu broyĂ© par le destin Â»[5]. AttirĂ© un moment par un bĂ©nĂ©fice ecclĂ©siastique, il se rend Ă  Uzès chez son oncle le chanoine Sconin en 1660. LassĂ© d’attendre, il rentre Ă  Paris pour se consacrer Ă  la littĂ©rature. Lors de la « querelle des Imaginaires Â», il se dĂ©partira un moment de son Ă©ducation jansĂ©niste lorsque ses maĂ®tres s’en prendront, en 1665, Ă  l’auteur dramatique Desmarets de Saint-Sorlin qu’il dĂ©fendra dans une Lettre. Il gagne les faveurs du roi, mais ses pièces et surtout la dernière, Phèdre, empreintes de fatalitĂ©, le conduisent Ă  renouer avec son Ă©ducation. Il se retire du théâtre, se marie et a cinq enfants. NommĂ© historiographe du roi, il ne produira que des Ĺ“uvres « ornĂ©es de musique Â» pour la cour. ImpliquĂ© dans l’affaire des poisons, il ne sera pas inquiĂ©tĂ©. Sa disgrâce, en 1697, a Ă©tĂ© mise en relation avec son attachement pour Port Royal dont sa tante avait Ă©tĂ© nommĂ©e abbesse. Saint-Simon, lui, pensa Ă  une Ă©tourderie de Racine qui se moqua du théâtre de Scarron, en prĂ©sence de Madame de Maintenon, son ancienne Ă©pouse, et du roi. Mais en 1699, après l’enterrement de Racine qui se fit inhumer Ă  Port Royal, Boileau Ă©crivit Ă  un de ses amis : « Sa MajestĂ© m’a parlĂ© de M. Racine d’une manière Ă  donner envie aux courtisans de mourir, s’ils croyaient qu’Elle parlât d’eux de la sorte après leur mort Â». Si la foi de Racine n’est pas mise en doute, il Ă©tait aussi courtisan et sut mĂ©nager le pouvoir presque tout au long de sa vie pour s’en attirer les grâces.

Si Racine compose avec le pouvoir, il n’en est pas de mĂŞme de Blaise Pascal, nĂ© Ă  Clermont-Ferrand. Il se lancera dans le dĂ©bat sur la Grâce avec ses Provinciales dont les quatre premières posent « le problème de fond : « quel est le vĂ©ritable Ă©tat de la nature de l’homme Â», son pouvoir est-il limitĂ© ou illimitĂ© ? Les consĂ©quences pratiques de la rĂ©ponse Ă  cette question mĂ©taphysique sont ensuite examinĂ©es dans les six lettres suivantes sur le mode ironique. Les huit dernières approfondissent passionĂ©ment la polĂ©mique sur la justice, le droit, la violence et la vĂ©ritĂ© [6]».

Quiétisme

A la fin du siècle, Ă©clate la controverse entre Bossuet et son ancien protĂ©gĂ© FĂ©nelon au sujet de la mystique de Madame Guyon du Chesnoy. Madame Guyon, nĂ© Ă  Montargis en 1648, veuve du fils du constructeur du canal de Briare, s’adonne Ă  la religion en collaborant d’abord Ă  une fondation de Nouvelles Catholiques, destinĂ©e Ă  l’éducation des jeunes protestantes « converties Â». A Thonon en 1681, elle doit quitter le diocèse deux ans plus tard Ă  l’instigation de l’évĂŞque de Genève opposĂ© Ă  la diffusion de son mysticisme. Ses voyages la conduisent Ă  Paris, en 1686, dont l’archevĂŞque la fait enfermer chez les Visitandines. Madame de Maintenon la libère et l’installe Ă  la Maison royale de Saint-Cyr. Elle y exerce un tel ascendant qu’elle s’attire la jalousie de Madame de Maintenon qui l’accuse de quiĂ©tisme dont le promoteur, Miguel de Molinos, a Ă©tĂ© condamnĂ© et emprisonnĂ© Ă  Rome. Molinos fait la promotion dans ses Ă©crits d’une contemplation faite de prière silencieuse qui se substitue Ă  la mĂ©ditation et rend inutile les pratiques extĂ©rieures de la dĂ©votion. Pour madame Guyon « l’âme ne possède pas, elle est possĂ©dĂ©e Â». FĂ©nelon fera sa connaissance en 1688, subira profondĂ©ment son influence et refusera de s’associer Ă  sa condamnation de la mystique prononcĂ©e Ă  l'occasion de l’examen de ses Ă©crits lors des entretiens d’Issy en 1695. Madame Guyon sera embastillĂ©e sans qu’aucune charge doctrinale ou morale ne soit retenue contre elle. ExilĂ©e Ă  Blois, elle vivra entourĂ©e de vĂ©nĂ©ration jusqu’à sa mort en 1717. C’est Pierre Poiret, nĂ© Ă  Metz en 1646 et mort Ă  Rijnsburg en 1719, fixĂ© Ă  Amsterdam en 1680, qui Ă©dita les Ă©crits de Madame Guyon, faisant connaĂ®tre aux pays protestants le quiĂ©tisme catholique.

Le duc de Saint-Simon

Saint-Simon se dispute l’attention du duc de Bourgogne avec Fénelon qui écrira pour le prince Les aventures de Télémaque, ouvrage passant pour une critique du gouvernement de Louis XIV et lui valant sa disgrâce complète.

Imbu de sa noblesse, exĂ©crant la puissance de l’argent de la roture, Saint-Simon est nourri de L’AstrĂ©e et de Dom Quichotte. Il rappelle sans cesse le code idĂ©al de la chevalerie et les droits et prĂ©rogatives attachĂ©es au rang des nobles. Il fera appliquer au dĂ©but de la RĂ©gence le gouvernement par les conseils des grands du royaume, Ă©cartant les roturiers, dont on reviendra et qui sera aboli. « Que l’on songe aux rĂ©formes proposĂ©es Ă  la mĂŞme Ă©poque par FĂ©nelon. Elles sont d’un politique. Saint-Simon, lui, est un poète qui ne rĂŞve que de rites superbes, que liturgies de cour [7]». Ses MĂ©moires sont « un des chefs-d’œuvres les plus vivaces, et l’un des plus attachants, de notre littĂ©rature [8]».

Les possessions du mémorialiste et un passage de ses Mémoires rencontrent les nonagones.

L’attentat de Nonancourt[9] est racontĂ© par Saint-Simon, beau-frère de Lauzun, dans l’œuvre qu’il rĂ©digea en partie Ă  La FertĂ©-Vidame, « Ă  cinq lieues Â» de Nonancourt, dans lequel il passait souvent et oĂą il put prendre des informations. C’était son chemin aussi pour aller au couvent de la Grande Trappe oĂą il faisait retraite.

Jacques II d’Angleterre, détrôné par Guillaume d’Orange en 1689, avait dû quitter son pays pour trouver refuge en France, accueilli par Louis XIV. Il sera de passage à Mohon et à La Roche-Bernard en Bretagne. Une expédition de troupes française, envoyées en Irlande en 1690 et commandé par le comte de Lauzun, avait tenté en vain la reconquête de la couronne. Marie de Modène, femme de Jacques II, avait obtenu du roi de France que les terres de Lauzun fussent érigées en duché. Antonin Nompar de Caumont la Force, né à Lauzun en 1633 et mort à Paris en 1723, avait épousé secrètement en 1684 la Grande Mademoiselle, qui posséda les terres de Saint-Fargeau. Après la mort de sa première femme, il épousa Geneviève de Durfort, fille cadette du maréchal de Lorges, dont la soeur Marie Gabrielle se maria la même année 1695 avec Saint-Simon. Leur père acheta, en 1681, à son cousin le marquis de La Moussaye couvert de dettes, la seigneurie de Quintin qui deviendra le duché de Quintin ou de Lorge. L'héritier des Lorge, Guy Nicolas, fera construire le château de Lorge à L'Hermitage (L’Hermitage-Lorge) de 1721 à 1730.

Peu après le mariage, Lauzun acheta deux maisons à Passy, dont l’une, pourvue de souterrain et de multiples sorties pour abriter ses infidélités. C’est dans cette maison qu’il reçut secrètement, le 9 novembre 1715, Marie de Modène, veuve depuis 1701, et son fils Jacques, le prétendant, dit le Chevalier de Saint-Georges. Jacques Stuart, depuis l’instauration de la Régence qui avait établit de bonnes relations avec l’Angleterre, n’était plus personna grata en France. Il avait trouvé asile en Lorraine auprès du duc Léopold. Le prétendant se trouvait en France pour rejoindre l’Ecosse et reconquérir le titre perdu par son père. Le gouvernement anglais de Georges Ier avait eu vent du projet, et avait réclamé de la France que le Stuart soit arrêté et reconduit en Lorraine. Le Régent promit, mais donna des instructions secrètes au major des gardes française, Monsieur de Contades, de laisser faire.

Bien renseigné, l’ambassadeur d’Angleterre en France, John Darymple, comte de Stair, envoya quatre agents, dont Thomas Dean, à la recherche de Jacques Stuart sur le trajet qu’il devait emprunter pour joindre un port côtier. Les sbires du gouvernement anglais laissèrent Dean en embuscade à Nonancourt, au relais de poste. La femme du maître de Poste de la petite ville, Madame l’Hopital, intriguée par les préparatifs de Dean qui déchargeait et rechargeait son mousqueton, se décida à avertir le prétendant lorsqu’il arriva au relais. La fuite de celui-ci fut organisée par un parent de Madame l’Hopital, Monsieur de Cunelle, et un officier royal. Jacques fut soustrait à l’attention de Dean par une porte dérobée, et déguisé en abbé, dont le costume fut procuré par un aumônier de l’Hôtel-Dieu de Nonancourt, partit à cheval avec deux accompagnateurs vers Verneuil. Le chevalier de Saint-Georges gagna l’Ecosse, régna dans le palais de Scone trois semaines seulement. Rejeté à la mer, il trouve d’abord refuge en Avignon d’où le Régent le déloge, puis finalement à Rome.

Madame de Sévigné (Paris, 1626 - Grignan, 1696)

C'est principalement par son mari, avec lequel elle se marie à 18 ans, que Marie de Rabutin-Chantal, née le 5 février 1626 à Paris, entre en corrélation avec les nonagones. En effet elle écrira nombreuses de ces lettres à l'abri de la cour au château des Rochers-Sévigné près de Vitré où elle "s'enterre". Renvoyant dos à dos Frondeurs et fidèles du roi, elle fréquentera aussi bien Retz, La Rochefoucault ou le mal en cour son cousin Bussy-Rabutin que Versailles et ses fêtes galantes, tout en regrettant son ami Fouquet. mais assurément, elle préfère ses "champs", à Livry (Livry-gargan), aux Rochers, ou à son château de Bodégat à Mohon. Le misogyne Saint-Simon reconnaîtra son talent : « Cette femme par ses grâces naturelles et la douceur de son esprit en donnait par sa conversation à qui n'en avait pas ». Peu férue de métaphysique, ayant le sens du concret, cette femme du monde nous laisse ses lettres à sa fille, madame de Grignan, toujours aussi vivantes que lorsqu'elle les a écrites.

Elle manifestera aussi son affection à son « petit abbé de la Chétardie » (Le château de la Chétardie se trouve à Exideuil), curé de Saint-Sulpice à Paris, confesseur de Madame de Maintenon, et nommé évêque de Poitiers par Louis XIV.


[1] « Dictionnaire encyclopĂ©dique de la littĂ©rature française Â», Laffont-Bompiani, p. 635

[2] Lettre de Vincent Depaul, citĂ©e par Fulcanelli, « Les demeures philosophales Â», tome I, Pauvert, p. 206-207

[3] Jacques Attali, « Blaise Pascal Â», Fayard, 2000, p. 230

[4] ibid., p. 226

[5] Odile Biyidi, « Histoire de la littĂ©rature française Â», Larousse, p. 872 et 1155

[6] ibid., p. 1100

[7] Jean Malignon, « Dictionnaire des Ă©crivains français Â», Seuil, p. 461

[8] ibid., p. 464

[9] Le rĂ©cit suivant est tirĂ© de l’article du Duc de la Force, « La chaise de poste de Nonancourt Â», Historia n° 163