Partie V - Arts et Lettres   Chapitre XLI - Section peinture   De réactions en réactions   

Des peintres, suivis plus tard par des américains, s’étaient réunis, dès les années 1860, à Pont-Aven où leur point de ralliement était l’hôtel de Julia Guillou qui ouvrit aussi une pension à Port Manec’h. Ils furent bientôt rejoints par Paul Gauguin en 1886, fuyant la « civilisation » gouvernée par l’or et criminelle qui le dégoûte, et s’installant à la pension Gloanec. L’école de Pont-Aven, formée autour de Gauguin, Laval, Bernard (Lille, 1868 – Paris 1941) qui reniera le symbolisme après 1905, Sérusier et du Puigaudeau, en réaction contre le néo-impressionnisme pointilliste des Signac, Seurat, est un mouvement symboliste qui exalte la mémoire et l’imagination. La simplification formelle qui en résulte – contraste de couleurs vives, aplats, cernes noirs, sujets épurés - fut appelée synthétisme, concept émis premièrement par Emile Bernard. Le Symbolisme apparaît d’abord dans le domaine littéraire, baptisé par Jean Moréas. L’interaction entre arts plastiques et littérature, caractéristique de l’époque, se manifeste dès 1886 avec les revues La Pléiade, La Vogue, Le Symboliste.

L’ambiance bretonne, favorisant la dimension spirituelle – « au centre mystérieux de la pensée » disait Gauguin - que revendiquaient les peintres de Pont-Aven, fournissait ses calvaires, ses églises et ces cérémonies. Le primitivisme breton constituait une puissante source d’inspiration, avec les émaux médiévaux, les images d’Epinal et les japonaiseries. Cette école inspira les principaux mouvements picturaux postérieurs, des nabis au début de l’abstraction.

En réaction à l’impressionnisme, dans le sillage du très admiré Gauguin, l’art des Nabis, groupe formé autour de Paul Sérusier, né à Paris en 1864, qui s’installera en 1893 à Chateauneuf-du-Faou dont il décorera l’église, et de Maurice Denis, qui se voulaient ironiquement prophètes de la régénération de la peinture, est illustré par Pierre Bonnard. Grand voyageur, et ancien adepte de la peinture grise, il prendra goût à la couleur grâce à la Provence. Paris, Le Cannet, et Vernon en Normandie seront ses lieux privilégiés pour peindre. Bonnard se différencie de Monet par le souci d’architecturer sa composition, d’éviter les vides que l’emploi de la perspective, rejeté par les Nabis, peut créer. Mais aussi par la palette de couleurs irréelles qui colore en violet les eaux de l’Epte et en bleu électrique le ciel de Normandie, par la disparition des ombres. « Il ne s’agit pas du tout pour le peintre de Vernon de copier la réalité que celui de Giverny s’est toujours efforcé de rendre jusque dans ses éléments les plus insaisissables [1]».

Se joindra un temps aux nabis, Félix Vallotton, né à Lausanne en 1865, et mort à Paris en 1925, acceptant pour sa peinture la bidimensionnalité et l’arabesque. Cependant il refusa leurs recherches symbolistes, pour s’attacher aux sujets du quotidien et à la critique sociale. « Sa vision amère et sans concession de la petite bourgeoisie a une âpreté particulière dans ses œuvres au découpage net et à la technique lisse et impitoyable [2]».

Parallèlement aux grands mouvements qui regroupent une majorité de peintres, un premier expressionnisme, illustré par Toulouse-Lautrec, Modigliani, Rouault, s’épanouit au début du XXème siècle avant la guerre de 1914. Une de ses représentantes, Suzanne Valadon, Maria-Clémentine de son vrai prénom, est née à Bessines en 1867, connut tous les métiers et devint même acrobate en trapèze volant. Une chute en fit un modèle et elle posa pour Puvis de Chavanne (Lyon, 1824 – Paris, 1898) et Renoir. Toulouse Lautrec découvrit ses talents et la présenta à Degas qui l’encouragea dans la voie de la peinture. Son style personnel, fusion des influences de Lautrec, Degas et Gauguin est ferme et vigoureux, fait d’un dessin ample aux formes cernées d’un trait noir s’accordant avec couleurs dures. Suzanne Valadon eut un fils naturel que l’écrivain espagnol Utrillo adopta en lui donnant son nom. Maurice Utrillo, né à Paris en 1883, s’adonnait à la boisson, ce qui l’amena à être interné, à Saint-Anne en 1900, puis plusieurs autres fois entre 1914 et 1921. Utrillo connut plusieurs périodes picturales, impressionniste, blanche où il mêle les couleurs au plâtre et à la colle, puis cloisonnée à la façon de sa mère, et enfin colorée.


[1] Bernard Dorival, « Les peintres du XXème siècle », Editions Pierre Tisné, p. 28

[2] « Encyclopédie de l’art », sous la direction de Lucio Felici, La pochotèque-Garzanti, p.1020