Partie XIII - La Croix d’Huriel   Leçons de la Croix d’Huriel   

Saint Michel et le Psaume 112 (113)

Les 4 lieux des intersections centrales des cercles des 4 sommets de la croix d'Huriel ont un rapport avec les lieux élevés : Mont Gargan, Mirabel, Murol et saint Michel de Landesque, en rapport avec le vers du psaume 112 (113),5 : "il a sa demeure en haut".

Mont Gargan se trouve près de Domps qui doit son nom à saint Psalmet. La légende raconte que le nom de Psalmet est en rapport avec la prédilection du saint pour la récitation des psaumes (La Croix d'Huriel : Points induits).

Le psaume qui porte la signification du nom de Mikhaël est le 112 (113). Le nom de l'ange, "Mikhaël", signifie "qui est comme dieu".

La question « Qui est comme YHWH notre Dieu ? » se situe au cœur de la deuxième strophe, et donc au cœur du psaume 113. Elle participe aussi à une rhétorique qui implique le lecteur, et l'invite à envisager une réponse. La seule réponse possible, dans le contexte semble être : 'personne'. Dans le psaume 113 en effet, la question de l'incomparabilité semble évoquée de façon générale : nous n'avons pas de mention d'autres dieux, ni d'autres personnages ; il n'y a pas non plus de mention de l'objet de la comparaison. Pour autant, on remarquera l'accumulation de hauts faits qui suit immédiatement la question « Qui est comme YHWH, notre Dieu ? » En particulier, la question de l'assistance aux petits nous paraît liée au verset 5a ; cette association n'est pas fortuite ; elle semble signifier un attribut divin particulier qui appuie la thèse de l'incomparabilité : « Lui il siège là- haut, et il abaisse son regard... »

Alors que la première strophe du psaume 113 évoquait l'immensité du peuple appelé à louer le Seigneur, voici que l'espace est de nouveau évoqué pour ainsi dire, de façon 'verticale' : ce regard se porte vers les cieux, et la terre (Pierre Coulange, Dieu, ami des pauvres: etudes sur la connivence entre le Très-Haut et les petits, 2007 - books.google.fr).

L'immensité du peuple est la dimension horizontale adjointe à la verticale, on obtient la croix.

Sa gloire est au-dessus des cieux : pour l'évêque d'Antioche, Jean Chrysostome, les cieux désignent les anges ; leur mission est justement de chanter la gloire de Dieu : « Là réside la gloire de Dieu. Ce sont les anges, avant tout, qui le glorifient non seulement par leur propre nature, mais encore par une obéissance de bons serviteurs, en accomplissant avec scrupule ses ordres et ses volontés. » On notera qu'il associe souvent les cieux avec les anges ; il comprend la troisième demande du Pater comme une prière se référant aux hommes et aux anges (« ...sur la terre comme au ciel. »)

Ce psaume est cher à la tradition juive et chrétienne. Il est même considéré comme le Magnificat de l'Ancien Testament à cause des contacts avec Luc. On notera en particulier le parallèle entre le verset 6 du psaume 113 et Luc 1,48 : « il a jeté les yeux sur l'abaissement de sa servante », et également entre le verset 7 et Luc 1,52 : « Il a renversé les potentats de leurs trônes et élevé les humbles ».

Le psaume 113 ouvre un fascicule de psaumes en Hallel, qui fut adopté dans la liturgie de la dédicace, ainsi que pour les trois grandes fêtes annuelles juives : la Pâque, la Pentecôte et les Tentes ; il figure aussi dans la liturgie propre aux néoménies, les nouvelles lunes qui marquent le calendrier lunaire. Selon ce qui est indiqué dans la Mishna, les deux premiers psaumes (Ps 113 et 114) étaient récités à Pâque avant la cène, tandis que les autres (Ps 115 - 118) étaient dits après. Au cours du repas pascal, Jésus chante le Hallel avec ses disciples, comme cela semble attesté en Mt 26,30 et Me 14,26.

La Mishna invite chacun à chanter le Seigneur pour les merveilles qu'il a accomplies en faveur d'Israël : le psaume 113 est entendu dans le sens d'une louange qui évoque la sortie d'Egypte et l'alliance ; c'est aussi la ligne d'interprétation qu'adopte le Midrash Tehillim ; le psaume 113 est associé au souvenir (cf. Ps 77,7). Le peuple soumis à la servitude en Egypte est rendu à la liberté, ce qui est le motif de la louange. Le commentaire du psaume s'appuie principalement sur l'événement de l'Exode, et en particulier sur la parole de Pharaon à Moïse et Aaron : « Levez-vous et sortez du milieu de mon peuple, vous et les Israélites, et allez servir YHWH comme vous l'avez demandé. » (Ex 12,31) (Pierre Coulange, Dieu, ami des pauvres: etudes sur la connivence entre le Très-Haut et les petits, 2007 - books.google.fr).

Dans le livre de Daniel, nous trouvons l'idée que chaque peuple a son ange (Dan 10,13.20-21 ; 12,1). L'ange d'Israël est Michel, dont le nom « Qui est comme Dieu (El) ? » veut indiquer que rien ne peut être comparé à Yahweh (= El) (Walther Zimmerli, Esquisse d'une théologie de l'Ancien Testament, 1990 - books.google.fr).

Les anges président au gouvernement des nations. Telle fut la croyance des Pères de l'Église, fondée sur le témoignage des saintes Écritures. Je citerai d'abord les passages sur lesquels ils se sont appuyés, et ensuite j'en ajouterai plusieurs autres. Daniel se promenant un jour sur le bord du Tygre, un ange, que l'on croit avoir été Gabriel, lui apparut et lui dit : « Daniel, homme de désirs, entendez les paroles que je viens vous dire : Le prince du royaume des Perses m'a résisté pendant vingt et un jours; mais Michel est venu à mon secours, et je suis demeuré près le roi des Perses. » (Daniel, c. 10, 15.)

Saint Grégoire-le-Grand (in Job, c. 25.), parlant de la vision de Daniel, s'exprime d'une manière conforme au sentiment de saint Jérôme. « Quels sont ces princes des nations, dit-il, sinon les anges préposés à leur garde ? Celui qui s'entretenait avec le prophète protégeait les Juifs, captifs dans la Perse, pendant que saint Michel, leur prince, continuait à veiller sur la Judée. »

Saint Jérôme, expliquant la vision de Zacharie, dit que ce cavalier le plus apparent, placé au milieu des myrtes, était saint Michel, protecteur du peuple de Dieu, et les autres des anges qui présidaient aux nations étrangères. Ceux-ci disant que leurs royaumes étaient heureux et tranquilles, Michel en prit occasion de prier pour son peuple malheureux, et Dieu se montra sensible à sa prière. (In Zachar.)

Nous lisons dans l'Exode (c. 13, 21.) que Dieu donna à son peuple, pour le conduire dans le désert, une colonne qui était de nuée pendant le jour, et de feu pendant la nuit ; or, cette colonne était un ange; car il est dit d'elle (Exode, c. 14, 19.) que l'ange quitta la tête du camp, où il se tenait d'ordinaire, et se mit à la queue pour couvrir l'armée, et la dérober aux yeux des Egyptiens. Pendant que le peuple était au pied du mont Sinaï, le Seigneur dit à Moïse: « Voilà que j'enverrai mon ange pour vous guider, vous protéger pendant le voyage, et vous introduire dans la terre que je vous ai préparée; observez bien son mouvement, écoutez sa voix, et gardez vous de mépriser ses ordres. » (Exod., c. 23.) (La Revue de Bourgogne, Volume 6, 1916 - books.google.fr).

Saint Michel et légendes du loup supplétif

Lorsque l'armée fut arrivée dans le pays des Moabites, le roi de ce pays envoya chercher le prophète Balaam , pour la charger de malédictions. L'ange d'Israël l'avertit qu'il n'en devait rien faire; mais tenté, sans doute, par l'espoir d'une riche récompense, il monta sur son ânesse et se mit en chemin. L'ange armé d'une épée se rendit visible à l'animal, et le fit fuir à travers la campagne; ensuite il fut l'attendre dans un étroit passage bordé de deux murs et se mit au milieu. L'ânesse effrayée se jette contre une des murailles et froisse le pied de son cavalier. Celui-ci la frappe avec violence, elle se couche, et Balaam redouble ses coups. Alors l'ange se découvre et dit au prophète: Je suis venu m'opposer à ton dessein, parce qu'il est mauvais et contraire à mes intérêts. Si ton âne eût avancé, je t'aurais tué sans aucun doute. Je consens néanmoins à ce que tu continues ta route; mais garde-toi de dire autre chose que ce que je te commanderai. N'est-il pas clair que cet ange qui faisait de l'intérêt de ce peuple le sien, et le protégeait avec tant d'énergie, était son ange tutélaire ? (Abbé Arnold P., Les Saints anges considérés dans leur nature, leur ministère et leur bienveillance à notre égard, 1844 - books.google.fr).

L'âne de Balaam ne renvoie-t-il pas à l'âne des légendes de Psalmet et du Mont saint Michel de manière inversée : Psalmet/Balaam, loup/ange saint Michel (opposition pascalienne ange/bête), mission de Psalmet envoyé de dieu/mission de Balaam envoyé de Balak fils de Tsippor, âne tué par le loup/âne épargné par saint Michel. Pratiquement tous les termes des deux légendes correspondent.

Méridienne et psaume 112

C'est en 1454 que l'horloger Guenot adapta au Jacquemart de Dijon une lune mouvante et une montre. Tel était sans doute aussi le cadran de l'horloge que possédait dès le XVIème siècle l'église Saint-Michel.

L'horloger Michel est l'auteur de la méridienne de la rue Vauban, à la fin du XVIIème siècle, et d'une horloge pour l'église Saint-Nicolas (Arch. comm.). Une autre méridienne est tracée dans la salle supérieure de la tour de la Terrasse, où était autrefois installé l'observatoire.

Il existait encore en 1876-78, dans le jardin de l'ancien Petit Citeaux, rue Condorcet, un fort beau cadran solaire horizontal sur piédestal, aujourd'hui disparu. On y lisait l'inscription suivante tirée du Ps. 112 : A solis ortu usque ad occasum laudabile nomen Domini (La Revue de Bourgogne, Volume 6, 1916 - books.google.fr).

Cette devise se retrouve sur des cadrans à Eréac (Côtes-d'Armor), Saintes (Charente, 1774), Le Mans (Sarthe, 1843 par les moines de Solesmes) ; avec des variantes à Pleumeur-Bodou (Côtes-d'Armor, 1875), Laval (Mayenne), Préroux commune de Pérignac (Charente-maritime), Pons (Charente-Maritime, collège ancien couvent franciscain, 1774), Château Ville-Vieille (Hautes-Alpes, 1821), Kergrist-Moëlou (Côtes-d'Armor, 1650), Sarre-Union (Bas-Rhin, collège des Jésuites), Abriès (Hautes-Alpes, 1821), Briançon (hautes-Alpes, 1823), Puy-Saint-Vincent (Hautes-Alpes, 1972) ; Paris (Hôtel des ambassadeurs de Hollande) en français à passy (hautes-Savoie, 1883) et Labergement-Sainte-Marie (Doubs, 1853) (Nicole Marquet, Pierre Bacchus, Jean For, Serge Grégori, Olivier Escuder, Paroles de soleil - tome I, 2005 - books.google.fr, Paroles de soleil - tome II, 2005 - books.google.fr, Bulletin monumental, Volume 44, Société française d'archéologie, Musée des monuments français, 1878 - books.google.fr).

L'emblème des Jésuites porte : D'azur au monogramme IHS d'or, enfermé dans des rayons ou soleil de même. Sous le monogramme trois clous d'argent en point. Légende : A solis ortu usque ad occasion laudabile nomen Domini (Marcel Blaise de Régis de la Colombière, Fetes patronales et usages des corporations et associations qui existaient à ´Marseille avant 1789, 1863 - books.google.fr).

Saint Michel et le centralisme

Quel rapport entre l'archange Michel et le centralisme, incarné par Ebroïn, Charlemagne, Louis XI et même Richelieu, contre lequel se sont dressés les quatre fils Aymon, Huon de Bordeau dans les chansons de geste ainsi que les Armagnacs ?

Personne n'est "comme Dieu", semble dire le psaume 112. Le centralisme tend a s'arroger tous les pouvoirs à la manière d'un dieu suprême et rivalise avec ce qui l'incarne, que dieu existe ou n'existe pas. Se prendre pour un dieu tout puissant, sur terre, va à l'encontre des intérêts de l'humanité et de la planète. Dieu est, sur Terre, un contre-exemple, c'est Satan. Le fils qu'il a envoyé, Christ, lui-même, n'a pas manifesté sa toute puissance sur Terre, forme de parabole politique de bon gouvernement. S'il est au ciel, qu'il y reste (Prévert).

Uriel, un signe d'union

Le nom d'Huriel serait devenu tel vers les années 1420 (1426 : www.huriel-en-bourbonnais.fr), alors que Jean Ier de Brosse, avait succédé à son père Pierre de Brosse dont le tombeau se trouvait dans la collégiale Saint-Martin, disparue aujourd'hui, à Huriel (Troisième Etoile - La Belle Etoile 2).

Et si la transformation du nom en Huriel était un signe en direction de l'unité des églises qui était en pourparlers à cette époque, Uriel étant un ange reconnu par les Orthodoxes ?

Le pape Martin V donna un jour ce conseil aux ambassadeurs de Manuel II Paléologue : Que par vos efforts le concile ait lieu ici à bref délai, car je suis vieux et crains de mourir. Si vous veillez à ce que le concile se tienne de mon vivant, V Union se fera heureusement. Moi disparu, elle ne se fera pas commodément. Il y avait dans ce propos comme un accent de gratitude. Le pontife devait en effet, dans une certaine mesure, sa tiare aux Grecs qui, présents à Constance depuis mars 1416 et non contents de s'impatienter de la durée du concile alors en cours, se refusèrent obstinément d'ouvrir les pourparlers tant que l'Église Romaine resterait elle-même divisée. Les Byzantins proclamaient d'autre part assez haut leur volonté d'union pour que de puissants rois, comme Ferdinand d'Aragon, désertant la cause d'un antipape (Pierre de Luna), adhérassent au concile dans l'espoir que, la Chrétienté occidentale ayant retrouvé sa cohérence sous un unique chef, on pût traiter avec Constantinople. Le rôle joué par le président de la mission grecque, Nicolas Eudaimonoïoannès, pour la réconciliation de tout l'Occident sous une même obédience et les propos qu'il tint en l'occasion contribuèrent à diffuser largement l'espoir exagéré que l'Église d'Orient se soumettrait sans plus au pape qui referait l'unité de l'Église latine. L'élection de Martin V, le 11 novembre 1417, en fut certainement hâtée et l'on comprend que, lors de son couronnement, le nouveau pontife ait fait un accueil particulièrement chaleureux aux apocrisiaires de Manuel II. Promu sous le signe de l'unité chrétienne, il devait jusqu'à sa fin en garder la hantise (V. Laurent, Les préliminaires du concile de Florence : Les neuf articles du pape Martin V et la réponse du patriarche Joseph II (octobre 1422). In: Revue des études byzantines, tome 20, 1962 - www.persee.fr).

Les pourparlers, dont la mission d'Antoine de Masa de 1422, déboucheront sur le concile de Ferrare-Florence en 1439. Le 26 avril 1441, le concile est transféré de Florence à Rome. Il s'y tient deux sessions pendant lesquelles sont publiées des décrets concernant la réunion des Jacobites, des Syriens, des Chaldéens et des Maronites, les Orthodoxes ayant rejeté, sous la pression du prince Vassili III pour les russes, sous celle du peuple de Constantinople pour l'empire byzantin (fr.wikipedia.org - Concile de Ferrare-Florence-Rome).

On parle d'union et non d'assujettissement de l'une à l'autre, ce qui est une crainte justifiée.