Partie VII - Cohérence grand nonagone   Chapitre L - Troisième Etoile   Troisième Etoile - La Belle Etoile 2   

Huriel / Uriel

Huriacum en 1087, Urié au XIIIème siècle, le nom du village serait passé à Huriel ou Uriel par hypercorrection dans un pays où l'on dit cié au lieu de ciel. Mais le placement d'Huriel sur cette étoile fait penser immédiatement à l'ange Uriel ou Huriel (Diagonale Rennes-le-Château - Vieille-Chapelle).

L'ange Uriel est présent dans différents écrits pseudépigraphiques comme le Livre d'Hénoch. Dans le Quatrième Livre d'Esdras (IV, 1-20) ou Apocalypse d'Esdras, Uriel, comme Dieu le fit pour Job, rappelent à Esdras les limites de l'entendement humain. Dans les Oracles sibyllins judéo-chrétiens qui le firent connaître en Occident, Uriel, comme une imposante figure, brise les portes de l'Hadès d'où il fait remonter les ombres des Titans, des Géants et autres victimes du Déluge.

Le Livre d'Hénoch est un écrit pseudépigraphique de l'Ancien Testament attribué à Hénoch, arrière-grand-père de Noé. Il fait partie du canon de l'Ancien testament de l'Église éthiopienne orthodoxe mais il est rejeté par les Juifs et n'est pas inclus dans la Bible des Septante. Il a été officiellement écarté des livres canoniques vers 364 lors du concile de Laodicée (canon 60), et il est considéré depuis comme apocryphe par les autres Eglises chrétiennes. Mais il était connu en Occident, au moins indirectement, et on retrouve par exemple son influence sur les passages consacrés au calendrier dans les textes hiberno-latins, comme Altus prosator. C'est le célèbre voyageur écossais James Bruce qui, le premier, apporta d'Éthiopie en Grande-Bretagne, en 1773, trois exemplaires de ce livre, longtemps recherché par les érudits européens (http://fr.wikipedia.org).

C'est dans le Livre d'Hénoch que pour la première fois les noms d'anges apparaissent groupés de façon à composer, au sens moderne, une " structure ", chacune des figures prenant place par relation à une configuration de rôles interdépendants, se dessinant dans le creux ménagé entre les domaines des autres présences virtuelles. Que l'une disparaisse ou change d'attribution, et chaque membre du système sera tenu d'ajuster au nouveau découpage. Les assemblages à 4 ou à 7 termes ne sont pas stabilisés.

Le " second voyage d'Hénoch " n'a laissé aucun vestige dans les plus anciens manuscrits qumrâniens de son livre […] Il est précédé par une liste des " sept anges qui veillent ". Les quatre premiers noms correspondent aux 4 anges qui servent de guide au patriarche, dans l'ordre de leur entrée en scène [Uriel, Raphaël, Gabriel, Mikhaël].

L'ange Uriel est celui qui avait enseigné à Hénoch tous les secrets des astres dans le Livre des Luminaires., indépendant à l'origine du Livre des Egrégores. Son nom le qualifiait pour ce savoir céleste puisqu'on prêtait à 'Urî'el une double étymologie, l'une à partir d'ûr'el, " feu de Dieu " et l'autre d'ôr'el, " lumière de Dieu ". La première de ces connotations paraît seule en cause au début du voyage, lorsque Hénoch décrit deux " lieux " de châtiment distincts mais jumeaux. Le " feu de Dieu " brûle hors Cosmos, dans un espace " sans forme ", les sept planètes semblables à des montagnes qui ont transgressé l'ordre divin. Il est aussi le feu qui, en bordure du disque terrestre, monte par une crevasse de l'Abîme où seront emprisonnés après le Jugement les Egrégores déchus (Hén. 21, 1-10). Tous deux, le second surtout, évoquent l'Enfer. Le Dieu maître de l'orage aurait précipité là ses ennemis foudroyés. Ces thèmes s'accordent avec la définition d'Uriel sur la liste à sept noms : " ange préposé au tonnerre et au monde de terreur ".

L'idée de Toute-Puissance étendue aux directions des quatre vents avait été préparée par le Rouleau de la Guerre de Qumrân. Le groupe d'anges qui protègent les tours de combat reste conforme aux anciens textes d'Hénoch : Mikhaël, Raphaël, Gabriel et Sarî'el. Mais chacun d'eux a pris position sur l'une des quatre faces des tours en marches pour l'assaut. Plus tard, en un temps ou Sarî'el a été supplanté par Uriel sans doute par l'intermédiaire de Surî'el (la " Tour de Dieu " qui semble figurée par la Toque d'Huriel), l'utopie de Qumrân a été concrétisée. En Syrie, vers 412 A.D., la tour d''Umm'el-Gimâl a reçu pour gardiens Gabriel à l'est, Mikhaël à l'ouest, Raphaël au sud, Uriel au nord. La même topographie angélique se perpétue aux quatre coins de coupoles byzantines en Cappadoce : celle de l'église byzantine de Sébaste en Phrygie (aujourd'hui Selçikler Köyu) représente au centre le Christ ; à sa droite, Marie, puis Mikhaël et Uriel ; à sa gauche Jean-Baptiste, puis Gabriel et Raphaël.

La Toque à Huriel, http://www.lancewadplan.org

Le plus ancien manuscrit du Livre des Egrégores, à Qumrân, est un peu antérieur à celui des Songes. Le récit de la Genèse, décapé des allégories zoomorphes, y est plus clairement lisible. D'emblée on remarque une différence de vocabulaire. Les " fils de Dieu " sont remplacés par les " fils du ciel ". Plus souvent Hénoch les appelle " Veilleurs ", 'irin (en grec " Egrégores "). Ce nom lui a-t-il été inspiré par le verset d'Esaïe (62, 6) où YHWH déclare qu'il a posté sur les remparts de Jérusalem des " veilleurs " afin qu'ils lui rappellent jour et nuit la Ville, son Epouse ? Plus probablement il transpose le thème babylonien des dieux qui animent les astres et qui pour les guider veillent sans repos […] Hénoch, dans son Livre des Luminaires célestes, traite longuement des anges qui guident les astres, les saisons, les mois et les jours. Dans ses Paraboles, le mot 'irin est paraphrasé : " ceux qui ne dorment pas " [1].

Postérité de l'ange Uriel

Mais Uriel subit les foudres de la hiérarchie de l'Eglise puisqu'il n'apparaissait pas dans les livres canoniques qu'elle-même avait définis. L'Église se préoccupait d'une religiosité populaire encore teintée de paganisme. " L'angélologie pouvait aisément donner lieu à des pratiques suspectes, car l'on attribuait aux êtres invisibles des pouvoirs, notamment d'ordre médicinal. Porteurs de puissance, les noms angéliques paraissaient capables d'écarter un mal ou d'assurer un bien, aussi était-il tentant d'en créer et de les invoquer au détriment de la puissance divine. C'est précisément la fabrication et l'invocation des noms angéliques qui sont condamnées dans le canon 35 du concile de Laodicée en Phrygie, dans la seconde moitié du IVème siècle. Un siècle plus tard, le décret gélasien interdit l'usage de tout phylactère portant des noms d'anges. De telles pratiques ne s'arrêtent ni au cinquième siècle, ni aux frontières de l'Orient byzantin : une patène découverte en France et datée du VIIème siècle peut en témoigner ; elle est ornée de figures et d'inscriptions angéliques. C'est semble-t-il en Gaule qu'eurent lieu les excès les plus sérieux. Dans l'hypogée des Dunes à Poitiers, deux plaques de sarcophage datées de 680-690 associent les évangélistes et des archanges, dont Raphaël et Raguël. Or ce tombeau est l'œuvre d'un abbé, Mellebaude. Ainsi, un dignitaire ecclésiastique considérait les êtres célestes comme des protecteurs puissants pour sa sépulture, et n'hésitait pas à recourir à l'archange Raguël, inconnu des Écritures canoniques. Au VIIIème siècle, une affaire retentissante fournit au pape l'occasion d'opérer une mise en ordre dans la dévotion aux anges. Un prêtre du nom d'Adalbert affirmait avoir reçu du ciel une lettre du Christ, par l'entremise de saint Michel, et être en relation avec les anges. L'un d'eux, assurait-il, lui avait apporté des reliques grâce auxquelles il obtenait tout ce qu'il désirait. Il adressait en outre une prière aux êtres célestes : " Precor vos et conjuro vos, et supplico me ad vos, angélus Raguel, angélus Tubuel, angélus Michael, angélus Adinus, angélus Tubuas, angélus Sababoc, angélus Simiel ". Ainsi l'archange Michel disparaissait au milieu d'une liste de noms pour la plupart imaginaires. Adalbert, qui était parvenu à attirer à lui une partie des populations de Champagne, fut d'abord condamné au synode de Soissons en 744. Mais l'affaire parut suffisamment grave pour être portée devant le pape Zacharie. Renouvelant la condamnation de Soissons, le concile de Latran (745) interdit l'invocation des noms angéliques et, pour la première fois, limita la vénération aux trois archanges expressément nommés dans les Écritures, Michel, Gabriel, Raphaël, considérant les autres comme d'essence démoniaque. Cette vigoureuse mise au point sacrifie délibérément le quatrième archange, Uriel, qui, en dépit de son absence dans la Bible, avait acquis une grande notoriété en Occident, au point d'être cité par de grands docteurs comme Bède et surtout Isidore de Séville, qui donne l'étymologie supposée du nom : " Uriel interpretatur ignis Dei ". A Milan, le plan de l'ancienne cathédrale comprenait même une tour dédiée à Uriel, au début du VIIème siècle. En 789, le concile d'Aix-la-Chapelle entérine la décision de Rome et préconise l'excommunication en cas d'invocations autres que celles des trois archanges officiellement reconnus. Le capitulaire de Charlemagne rédigé pour l'occasion s'en fait l'écho. Le VIIIème siècle voit donc aboutir un effort d'épuration et de réglementation des pratiques cultuelles liées aux anges, mais aussi se préciser les contours d'une dévotion légitime qui puisse canaliser les besoins spirituels de populations rurales dont les comportements restent largement païens. " (Philippe Faure, L'Ange du Haut Moyen Âge occidental).

Dans la première moitié du XIème siècle, les sectateurs bulgares du bogomilisme qui vivaient dans le duché d'Ahtum invoquaient Uriel dans leur rituel. L'évêque catholique de la région saint Gérard en témoigne après 1028. L'Église orthodoxe, elle, place Uriel parmi les Sept Archanges Majeurs.

La présence d'Uriel en Occident, malgré son interdiction, pouvait provenir d'importation d'objets religieux depuis l'Orient où l'ange était reconnu. " L'empereur Baudouin II, ayant été réduit à la triste nécessité d'engager aux Templiers plusieurs morceaux considérables de la vraie Croix avec d'autres Reliques de la chapelle impériale, pour remplir le vide occasionné dans son trésor par le fléau de la guerre, saint Louis, instruit de cette résolution, lui envoya des personnes de confiance, avec l'argent nécessaire pour retirer ces précieux objets. Ils furent apportés en France en 1241, et solennellement transférés dans la chapelle du Palais, le 14 septembre, avec les mêmes cérémonies qui avoient eu lieu deux ans auparavant, en l'honneur de la sainte Couronne, et dont nous aurons bientôt occasion de parler. L'église de Paris célèbre la mémoire de cette translation le 14 septembre, jour de l ' Exaltation de la sainte Croix. On conservait encore à la Sainte-Chapelle de Paris, à l'époque de la révolution, l'étui dans lequel avait été apporté en France le principal morceau de la vraie Croix envoyé à saint Louis par l'empereur de Constantinople. Cet étui, dont l'intérieur est ici représenté, d'après le dessin qu'on en trouve dans 1''Histoire de la Sainte-Chapelle par Morand, avait environ deux pieds dix pouces de long, sur un pied trois pouces de large. Il était garni, en dedans, d'une lame d'argent doré. On avait ménagé, dans le fond, trois creux de grandeurs différentes, en forme de croix grecques, destinés à recevoir trois portions différentes de la vraie Croix. La principale de ces portions, qui était déposée dans la grande châsse de la Sainte-Chapelle, avait, lorsqu'elle fut apportée en France, deux pieds six pouces et demi de long, sur deux pouces de large, et un pouce et demi d'épaisseur. La plus grande traverse paraît avoir eu environ un pied de long. On ne sait ce qu'étaient devenues les deux croix de moindre grandeur, qui se trouvaient autrefois dans l'étui, auprès de la croix principale. Au bas de cette dernière, on voyait, à droite et à gauche, deux figures en relief, avec deux inscriptions qui indiquaient sainte Hélène et Constantin. Au-dessus des bras de la même croix, on voyait quatre anges dans l'attitude de l'adoration, et dont les noms Michel, Gabriel, Raphaël et Uriel étaient écrits en caractères grecs majuscules. " (Jean Edme A. Gosselin, Notice historique et critique sur la sainte couronne d'épines…).

Le libellus de angelis et hominibus... attribué à Pierre Le Roy, est une compilation d'oraisons, de récits et d'exposés théologiques élaborée au Mont-Saint-Michel au cours du XVème siècle. L'exposé angélologique signale la persistance d'un enseignement monastique basé sur saint Augustin et Grégoire le Grand, relevé d'une touche dionysienne, et limité, sauf exceptions, aux auteurs antérieurs au XIIIème siècle. Le passage du théologique au dévotionnel se fait par le biais d'éléments qui relèvent d'une méditation sur la connaissance angélique et la chute de Lucifer, prototype du destin des hommes. La mention d'Uriel, archange proscrit, trahit l'ancienneté de certaines pièces liturgiques et la recherche extensive de la protection céleste.

Le mystère de la vengeance de Notre Seigneur, joué en septembre 1437 à Metz, peut-être d'Eustache Mercadé, mort en 1440, fait intervenir notre ange qui réapparaît ainsi à la même époque que le changement de nom d'Huriel. " Vespasien, duc d'Espagne, est gravement atteint de la lèpre, et trois médecins de Tolède désespèrent de le guérir. Dieu lui envoie l'ange Uriel, vêtu en pèlerin, pour l'inviter à faire venir de Jérusalem la Sainte Face, cette incomparable relique ; aussitôt Vespasien envoie ses chevaliers la chercher. Caïphe, prévenant Pilate, l'a dénoncé à Rome ; Pilate à son tour dénonce Caïphe ; la première journée se termine à l'arrivée des messagers du gouverneur et du grand prêtre dans la ville impériale. Au commencement de la seconde journée Tibère se fait lire la lettre de Pilate. Elle est en prose et fort longue ; c'est une paraphrase de la lettre prétendue de Pilate à l'Empereur, qu'on lit dans les Actes apocryphes de Pilate, document certainement faux, mais fort ancien. Tibère est si frappé des merveilles qu'on lui rapporte de la vie de Jésus et des prophéties faites à son sujet chez les Juifs et chez les Romains eux- mêmes, par David et par la Sibylle, qu'il propose au Sénat de reconnaître Jésus comme Dieu. Le Sénat s'y refuse. Les envoyés de Vespasien ont obtenu de Véronne, cette pieuse femme à qui appartient la Sainte Face ou la Véronique, qu'elle consentît à les suivre en Espagne [Le Véronique] entre déjà en compétition symbolique avec l'image d'Edesse puisqu'elle " sert " à guérir un roi d'Occident […] Cette compétition est à ce point forte que les Libri carolini dénient toute réalité à l'image d'Edesse. " (Multiple Jérusalem: Jérusalem terrestre, Jérusalem céleste).

Dans le Livre des Secrets D'Hénoch (Hénoch slave), Uriel joue un rôle important dans l'initiation d'Hénoch auprès du Trône de Gloire. Dans le Livre des Paraboles, c'est Phanuel qui, parmi les quatre anges, remplace Uriel. Le nom de Phanuel semble être un titre qui accentue le rôle d'Uriel/Sariel comme Ange de la Face. L'intervention d'Uriel dans la Vengeance de Notre Seigneur se comprend mieux puisqu'il invite Vespasien à faire venir la représentation de la face du Christ, matérialisation de la face divine, auprès de lui pour le guérir.

La Vierge aux Rochers peinte en 1483 par Léonard de Vinci (Le Code Voynich) représente l'ange Uriel avec les deux cousins et Marie. Dans le monde byzantin la figuration de l'intervention d'Uriel dans la vie de Jean-Baptiste est fréquente. Le tableau indiquerait une rivalité masquée entre Jean-Baptiste et Jésus. L'ange Uriel semble désigner Jean-Baptiste du doigt, comme s'il était le véritable héros de l'histoire. Saint Jean-Baptiste est certes le patron des franciscains, ordre auquel appartient la confrérie commanditaire de la peinture mais Léonard possédait un exemplaire de L'Apocalypsis nova, de Amedeo Mendes da Silva, juif converti au catholicisme, qui défendait la thèse selon laquelle l'évangile mènerait non à Jésus, mais à Jean-Baptiste et à Marie. (www.liberius.net).

Léonard de Vinci, Vierge aux Rochers, 1483

http://fr.wikipedia.org/wiki/1483

Mais c'est son aspect hétérodoxe en Europe occidentale qui favorisa les invocations magiques à cet ange. Agrippa von Nettesheim le mentionne à quelques reprises dans De occulta philosophia (1510). Pour Agrippa, Uriel est un des quatre anges résidant aux points cardinaux du ciel, avec Michaël, Raphaël, Gabriel. A noter qu'il s'agit bien des points cardinaux du ciel et non des points cardinaux terrestres. Ce sont donc les points marquant le début des saisons. En astrologie, les signes débutant les saisons sont qualifiés de cardinaux (http://fr.wikipedia.org).

Plus tard, un soir de novembre 1582, John Dee aurait été témoin de l'apparition dans son musée personnel, d'un ange qui déclara se nommer Uriel. Comme le docteur restait muet et terrifié devant l'apparition, l'ange lui fit cadeau d'une pierre polie noire de forme convexe. Il lui déclara que cette pierre permettait de converser avec des êtres se trouvant dans un autre plan d'existence et apparaissant sur la surface de la roche pour dévoiler les secrets de l'avenir.

Notre ange inspire le prénom d'Uriel ou Ouriel Da Costa (1585 - 1640) était un chrétien portugais issu de marranes qui se convertit au judaïsme et gagne Amsterdam vers 1615. Il affirme que la Loi de Moïse est une invention humaine. Accusé d'hérésie par les instances communautaires, il est excommunié à deux reprises. A la seconde, on lui inflige 39 coups de fouet et une rétractation publique dans la synagogue. Il finit par se suicider[2].

La bibliothèque du château de Grosbois-en-Montagne, qui comprend 40000 volumes, conserve l'original d'un procès s'étalant sur trois ans (1742-1745), décrivant des démarches d'invocation d'anges. Ce rapport a été rédigé par Jean-Claude Perreney de Vellemont (1718-1810), conseiller-commissaire de l'instruction. Il porte le titre suivant: Procès des sorciers de Lyon 1742. Un inculpé, Benoît Michalet, évoque, lors des questions, sa quête magique. Tout commence, selon lui, par la rencontre de Claude François Charbonnier, qui lui aurait conseillé d'entrer dans une "société". Celle-ci avait pour objectif de trouver des trésors à l'aide de l'ange Uriel. Ce recours aux êtres purs se qualifie de théurgie, au contraire de la goétie, qui astreint les esprits sataniques à apparaître. Benoît Michalet dépeint avec détails, toutes ses démarches d'invocation (Didier Mathias Dupas, Un procès de magiciens au XVIIIème siècle).

Uriel jouit en Ethiopie d'une grande notoriété que suffirait à expliquer le rôle éminent tenu par cet archange dans le Livre d'Hénoch qui est compté par l'Église éthiopienne au nombre de ses livres saints. La fête d'Uriel est célébrée le 21 hamle. Ménélik II consacra à Uriel une des églises d'Addis-Ababa. On est amené "à placer sous le règne de Ménélik II [(1899 - 1913) fondateur de l'Ethiopie moderne, vainqueur des Italiens à Adoua en 1896] et à qui Rimbaud (1854, Charleville-Mézières - Marseille, 1891) vendit des fusils à des conditions désaventageuses, la composition sous sa forme actuelle du dersâna Urael. Pour lui conférer la valeur d'une " prophétie ", l'auteur a eu recours au procédé de la pseudépigraphie. L'homélie est attribuée à un certain Théodore. Il semble qu'on ait voulu désigner l'évêque d'Ancyre du Ve siècle, adversaire acharné de Nestorius et auteur d'homélies sur la Nativité et l'Incarnation dont certaines sont passées dans le Qerellos éthiopien. La première partie de l'homélie qui raconte comment saint Jean expliqua à ses disciples la fusion parfaite en la personne du Christ de la nature humaine et de la divinité peut justifier d'une certaine manière cette attribution. […] Le dernier épisode de cette vision forme le corps même de notre dersân. Jean montre à ses disciples comment l'ange Uriel recueillit le sang qui coulait du flanc du Crucifié et parcourut le monde, répandant çà et là quelques gouttes de ce sang et marquant à l'avance les lieux saints de l'Ethiopie. De cette manière se trouve introduit un véritable catalogue des principaux sanctuaires qui ont fait la gloire de l'Ethiopie chrétienne. […] Les textes apocryphes du Nouveau Testament ne font pas allusion à ce rôle qu'aurait tenu Uriel au moment de la crucifixion. Mais une œuvre éthiopienne du XVème siècle, le Mashafa Mestir zasamây wamedr de Bahâyla Mikà'ël, décrivant la descente des armées des anges autour de la Croix du Christ, précise que l'armée de Michel protégea les plaies de ses mains, celle de Gabriel les plaies de ses pieds tandis que l'armée d'Uriel recouvrait la plaie de son flan. C'est probablement un développement de cette représentation qui a fait d'Uriel l'archange recueillant le sang du Christ. […]

II est fait allusion à plusieurs reprises au cours de l'homélie à la " dîme de l'Ethiopie " donnée par le Seigneur à la Vierge Marie. On reconnaît là un écho de la croyance très répandue selon laquelle la Sainte Famille a prolongé jusqu'en Ethiopie son voyage en Egypte." (A. Caquot, L'homélie en l'honneur de l'archange Ouriel, Annales d'Éthiopie, 1955, n° 1, pp. 61-88.).

Pratiques peu orthodoxes

Le nom d' Huriel serait devenu tel vers les années 1420 (1426 : www.huriel-en-bourbonnais.fr), alors que Jean Ier de Brosse, avait succédé à son père Pierre de Brosse dont le tombeau se trouvait dans la collégiale Saint-Martin, disparue aujourd'hui, à Huriel.

Comment un personnage en vue de la cour de France avait-il pu donner le nom d'un ange déclassé par l'Eglise officielle à une de ses possessions ?

Des accusations de pratiques magiques dans l'entourage du roi ont été lancées contre Pierre de Giac, principal conseiller du roi qui avait formé un parti contre le connétable de Richemont, élevé à la cour de Bourgogne, et contre l'alliance de Bourgogne, dont il avait tant à craindre, lui qui autrefois avait trahi le duc Jean à Montereau. Le comte de Clermont, à qui il avait fait donner le duché d'Auvergne, le comte de Foix, qui avait eu le Bigorre, étaient entrés dans sa cabale. Le connétable, après s'être accordé avec les autres seigneurs, se rendit auprès du roi à Issoudun, où était le sire de Giac. Alléguant qu'il voulait, au point du jour, aller entendre la messe dans l'église de Notre-Dame du bourg de Déol, hors la ville, il se fit remettre les clefs des portes. Le lendemain comme cette messe allait commencer, on lui vint dire que tout était prêt; il laissa là son prêtre, et rentra dans la ville. Le logis du sire de Giac était déjà entouré des archers du connétable; on rompit la porte : " Qu'est-ce donc? " s'écria Giac. - Le connétable, répondit-on. - " Ah ! je suis mort ! " dit-il. On l'arracha de son lit, on le mit à demi-nu sur un cheval, et on l'emmena hors d'Issoudun. Le roi s'était éveillé au bruit et il avait envoyé sa garde. " Ne bougez pas, leur signifia M. de Richemont, et retournez ; ce qui se fait est pour le service du roi ". Le sire de Giac fut conduit à Dun-le-Roy, dont la seigneurie appartenait au connétable. Ce fut son bailli et ses gens de justice qui firent la procédure. Giac confessa, dit-on, mille horribles crimes. Outre qu'il avait procuré la mort de son ancien maître le duc de Bourgogne, il avait empoisonné sa première femme, afin de pouvoir épouser Catherine de l'Isle-Bouchard, comtesse de Tonnerre ; il avait dérobé les finances du royaume ; enfin il avait donné, disait-on, une de ses mains au diable, pour obtenir son alliance. Il offrit cent mille écus pour se racheter, et promit de ne jamais approcher du roi de plus de vingt lieues, laissant en gage sa femme, ses enfants, ses biens, ses forteresses. Le connétable répondit que tout l'argent du monde ne le sauverait pas. Pour lors il supplia du moins qu'avant sa mort on lui coupât cette main qu'il avait donnée au diable. Il fut jeté à l'eau et noyé (M. de Barante, Histoire des ducs de Bourgogne).

Jean Ier de Brosse, maréchal de Boussac en 1426, participa à l'exécution du successeur de Pierre de Giac Jean du Vernet, dit Le Camus de Beaulieu, favori de Charles VII, qui le gratifia de divers offices : écuyer d'écurie du roi, grand-maître d'écurie, capitaine du château de Poitiers. Il mourut en 1427, assassiné à l'instigation du connétable Richemont et de Georges de La Trémoille, parce qu'il était impossible d'arriver à aucun traité avec la Bourgogne.

La vie de Richemont a été racontée par Guillaume Gruel dans La Chronique d'Arthur de Richemont qui ressemble plus à une hagiographie qu'à un livre d'histoire. Cela commence par Richemont enfant qui conduit seul Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, à qui a été confiée son éducation, à sa dernière demeure. Affabulation totale, puisque Jean sans Peur accompagne la dépouille de son père de Halle à Dijon. Mais Arthur se montrera intraitable envers les sorciers et magiciens. " Il en fist plus bruler en France, en Poictou et en Bretaigne que nul autre en son temps " [3].

Le connétable Arthur de Richemont, après avoir détruit le sire de Giac, était retourné à son armée : il avait mis une forte garnison à Pontorson, et obtenu quelques avantages sur les Anglais. Mais instruit du mauvais gouvernement du sieur le Camus de Beaulieu, il revint à Poitiers auprès du roi, et se trouva d'accord avec tous les seigneurs pour renverser ce nouveau conseiller. La résolution fut bientôt prise. Le sire de Beaulieu était allé se promener sur sa mule, dans les prairies au bord de la rivière, dans un pré derrière le château de Poitiers. Des gens du maréchal de Boussac vinrent l'assaillir et le tuèrent. La colère du roi fut grande d'abord; il ordonna qu'on poursuivit les meurtriers. Mais bientôt on calma son courroux. Le connétable lui donna pour conseiller le sire Georges de la Tremoille : c'était le fils aîné du fameux sire de la Tremoille, mort à la croisade, et le frère de Jean de la Tremoille, sire de Jonvelle, qui était au service de Bourgogne; il venait d'épouser Catherine de l'Isle-Bouchard, veuve du sire de Giac, qu'il n'avait pas été des moins ardents à détruire, d'intelligence avec elle, disait-on.

Th'Arch-Angel Uriel, one of the sev'n

Who in God's presence, nearest to his Throne

Stand ready at command, and are his Eyes

That run through all the Heav'ns, or down to th'Earth

Bear his swift errands over moist and dry,

O'er Sea and Land : him Satan thus accosts.

John Milton, Paradise Lost, Book III

 


[1] Bernard Teyssèdre, Anges, astres et dieux, Albin Michel

[2] Pierre Chavot, Dictionnaire des dieux, des saints et des hommes, L'Archipel, p. 725

[3] Amaury Chauou, Note sur quelques traces de religion souterraine dans la Chronique d'Arthur de Richemont, dans Religion et mentalités au Moyen Age, PUR, 2003, p. 363-369