Partie XIV - Le Serpent rouge   Charles Baudouin   Nonagones, Serpent rouge, Vraie Langue Celtique   
SERPENT ROUGE NONAGONES VRAIE LANGUE CELTIQUE CHARLES BAUDOUIN

Introduction

nonagones.info se propose un retour aux nonagones par l'intermédiaire d'Edern, saint de Bretragne, qui a au moins un point commun avec Didon, mentionnée dans La Vraie Langue Celtique de l'abbé Boudet qui est le motif de la fondation d'un établissement humain par le truchement d'un animal, le cerf ou le taureau, ce dernier devenant boeuf ou buffle.

Edern

Edern, latin : Tinidernus, Eternus; gallois : Etern. Ce nom est à rapprocher du vieux gallois edyrn signifiant «grand», «énorme». Le nom semble aussi confondu avec une forme latine aeternus, «éternel». Il porte un nom célèbre de la mythologie celtique : Edern était le fils de Nuz (Nudd en gallois) et le frère de Gwenn (Gwynn en gallois). Il a été proposé d’y voir aussi un avatar du dieu gaulois Cernunnos, le dieu aux bois de cerf, récupéré et transformé par le christianisme.

Le christianisme a fait de Gwenn un diable gardien de l'enfer. En Bretagne, le personnage de saint Gwenn, en dérive peut-être; il aurait donné son nom à Pleuven (29), Saint-Guen (22), Senven-Léhart (22), autrefois Saint-Guen-Léhart. Sainte Gwenn, au Vème siècle est l'épouse de saint Fragan, et la mère de saint Jagu, saint Guéthenoc, saint Guénolé et sainte Clervie; elle aurait donné son nom à Plouguin (29), où serait né saint Guénolé.

Saint Fracan, sans doute d'origine galloise, se fixe à Ploufragan (22), vers la fin du Vème siècle. Il est aussi honoré dans le Pays Pagan, où il a laissé son nom à Saint-Frégant, et où, à la tête des hommes du Léon, il vainc les barbares qui ravagent la côte; la chapelle de Lochrist, en Plounévez, aurait été élevée sur le lieu de la bataille (Alain Stéphan, Tous les prénoms bretons, 1996 - books.google.fr).

Ploufragan est le sommet breton du petit nonagone, tandis que la commune d'Edern est celui du grand nonagone.

Arpentage

Anatole Le Braz recueille, à Lannédern, une autre tradition orale indigène relative à la fondation paroissiale par l’affrontement de saint Edern et de sa sœur, Génovéfa, patronne de la paroisse de Loqueffret.

Le saint arriva dans ce pays, monté sur un cerf, avec sa sœur Génovéfa en croupe.

Après que Genovefa eut choisi le lieu de son installation à Loqueffret et Edern à Coat-ar-Roc’h non loin du bourg actuel de Lannédern, restait à délimiter les territoires des deux paroisses. Génovéfa, qui était femme, se montrait exigeante. Volontiers, elle n’eût abandonné à son frère que les quelques champs qui avoisinaient son église, à peine assez de place pour enterrer les morts, pas assez, tant s’en faut, pour fournir à la subsistance des vivants. Ces prétentions parurent à Édern excessives. Mais, comme il avait l’âme complaisante et douce et qu’il détestait les querelles, il feignit de transiger.

Petite sœur, dit-il, ne donnons pas nos dissensions en spectacle à la foule, et convenons d’un arrangement. Accorde-moi, par exemple, tout l’espace dont je pourrai faire le tour, monté sur mon cerf, en un délai déterminé. Génovéfa demanda à réfléchir. Elle réfléchit que le cerf était vieux, que ses jambes commençaient à plier sous lui, que le pays était accidenté, raviné, coupé d’obstacles de toute nature et, bref, elle accepta la proposition de son frère, en y mettant, cela va sans dire, de dures conditions. Ainsi, elle stipulait qu’Edern ne quitterait Coat-ar-Roc’h qu’à la nuit bien close et qu’au chant du coq, en quelque lieu qu’il fût, il ferait halte. Le bon saint en passa par tout ce qu’elle voulut. Au soir fixé, il grimpa sur le dos du cerf. La vaillante bête, à qui le seul contact de son cavalier communiquait des forces nouvelles, respira bruyamment et prit sa course tout d’une haleine. Elle allait, elle allait. C’est à peine si ses pieds touchaient le sol. Édern, cramponné à ses bois, l’excitait de la voix et du talon. Ils dévoraient l’espace, insoucieux des côtes et des précipices. Dieu, qui était avec Édern, avait fait allumer toutes les étoiles du ciel, en sorte que la nuit était claire à l’égal d’une belle matinée. Aussi Génovéfa en eut-elle du dépit en son cœur. Elle s’était venue asseoir sur un tertre, à une portée de fusil du bourg de Loqueffret, comptant bien assister à la déconvenue de son frère. Et voici qu’il triomphait d’elle, qu’il réduisait à néant ses petites machinations. Déjà le cerf arrivait droit sur le talus où elle était assise. Encore quelques minutes et presque toute la paroisse de Loqueffret allait passer dans celle de Lannédern. Mais les femmes, vous le savez, ne se laissent jamais prendre sans vert. Et Génovéfa, en sa qualité de sainte, avait plus d’esprit qu’aucune autre. Une ferme était là, tout proche. Y courir, saisir sur le perchoir du poulailler un coq engourdi par le sommeil, le plonger brusquement, la tête la première, dans une auge pleine d’eau, ce fut pour la sainte l’affaire d’un instant. Voilà le coq à peine revenu de sa stupeur, de battre des ailes, pour en secouer l’eau, et de se mettre à chanter. — Le coq a chanté, mon frère ! s’écria Génovéfa, comme le cerf bondissait dans l’aire du manoir. Édern dut s’arrêter.

L’appellation «Byrsa» proviendrait du terme grec "bursa" qui signifie «bœuf». Selon Virgile et Justin, elle se rattache à la légende de la fondation de Carthage par Didon, cette dernière achète aux indigènes autant de terres que peut couvrir une peau de bœuf. Justin, dans son Histoire Universelle, Livre XVIII, V, 9, «Guerre de Pyrrhus en Italie et en Sicile» digresse sur l’histoire ancienne de Carthage :

Arrivée sur les côtes d’Afrique, Élissa recherche l’aminé des habitants, qui voyaient avec joie, dans l’arrivée de ces étrangers, une occasion de trafic et de mutuels échanges. Ensuite elle acheta autant de terrain qu’en pouvait couvrir une peau de bœuf, pour assurer jusqu’à son départ un lieu de repos à ses compagnons fatigués d’une si longue navigation; puis, faisant couper le cuir en bandes très étroites, elle occupe plus d’espace qu’elle n’en avait paru demander. De là vint plus tard à ce lieu le nom de Byrsa. Attirés par l’espoir du gain, les habitants des contrées voisines accourant en foule pour vendre leurs denrées à ces hôtes nouveaux, ils s’établissaient parmi eux, et leur nombre toujours croissant donna bientôt à la colonie l’aspect d’une ville

Dans l'Énéide, Livre I, 16, «Arrivée d’Énée à Carthage» :

1, 365 Les fugitifs parvinrent en ces lieux, où tu vois maintenant d’immenses remparts et la citadelle naissante de la jeune Carthage, qui s’appelle Bursa du fait qu’ils ont acheté comme surface de terrain juste la quantité qu’ils pouvaient entourer avec la peau d’un taureau.

1, 441-445 Au centre de la ville se trouvait un bois sacré, délicieusement ombragé, à l’endroit où les Puniques, malmenés par les flots et la tempête, mirent à jour dès leur arrivée le présage que leur avait annoncé la royale Junon : la tête d’un cheval fougueux; ainsi donc, leur nation serait incomparable à la guerre et vivrait prospère pendant des siècles. C’est là que la sidonienne Didon fondait un immense temple dédié à Junon... (Joël Hascoët, Les troménies bretonnes. Un mode d’anthropoïsation de l’espace à l’examen des processions giratoires françaises et belges, 2010 - core.ac.uk).

La perfidie phénicienne (ars punica) de Didon est rejetée sur la soeur d'Edern qui le dédouble d'une manière manichéenne (Jean-Jacques Vincensini, De la fondation de Carthage à celle de Lusignan : "engin" de femmes vs prouesse des hommes, "Magie et illusion au Moyen Âge, 1999 - books.google.fr).

Selon M. Movers, Le nom d'Élissa que Didon portait chez les Carthaginois, doit être rapproché de celui d'Alusia qu’Hésychius donne à l'Artémis d'Ephèse, qui signifierait "divinité forte". Quant au nom de Didon même, d'accord avec Gesenius, ce savant le donne pour "amant", auquel on a ajouté le suffixe, marque du pronom possessif. Ce nom aurait donc signifié son amante; et cette épithète convient parfaitement à une divinité lunaire dépeinte comme l'amante du dieu solaire. Les ingénieuses explications que M. Movers propose pour la légende de Didon, ne sont point dénuées de vraisemblance, et même quant à l'assimilation de Didon à la Tanit des Carthaginois, elles nous paraissent très-probables (Georg Friedrich Creuzer, Religions de l'antiquité, traduit par Joseph-Daniel Guigniaut, 1849 - books.google.fr).

L'Artémis d'Éphèse est la mère aux mamelles sans nombre (Alfred Maury, L'Administration Française avant la révolution de 1789, Volume 107, 1873 - books.google.fr).

Connue sous le nom de Santez Gwen Teirbronn, sainte Gwenn est représentée avec trois seins. Le troisième lui aurait été octroyé spécialement pour allaiter Guénolé, sa poitrine ayant été dévastée par ses deux aînés. En fait, ce nom de trimamis lui aurait été donné parce que mère de trois garçons. Elle est ainsi représentée à la chapelle Sainte-Blanche, à Saint-Cast-le-Guildo (22), et à la chapelle Saint-Vennec près de Briec (29); les nourrices venaient à la chapelle Saint Vennec pour s'assurer une poitrine féconde; à Notre-Dame-du-Mané-Guen, à Guénin (56), les jeunes filles grattaient la mousse dorée qui se développait sur la pierre de la chapelle et la portaient sur la poitrine, ou en faisaient des infusions afin de développer leurs formes. Fête le 18 octobre (Alain Stéphan, Tous les prénoms bretons, 1996 - books.google.fr).

Cerf

Il arriva qu’un jour un cerf, poursuivi par un gentilhomme à la chasse, et sur le point d’être forcé par les chiens, se réfugiât dans la hutte de saint Edern, semblant lui demander un asile pour échapper à la mort. L’Ermite lui accorda l’hospitalité, et désormais l’animal ne le quitta plus, allant brouter et pâturer aux environs dans la journée, et revenant le soir prendre son gîte (Joël Hascoët, Les troménies bretonnes. Un mode d’anthropoïsation de l’espace à l’examen des processions giratoires françaises et belges, 2010 - core.ac.uk).

Dans le Livre VII de l'Enéide, le fils d'Enée chasse un cerf domestiqué appartenant à Tyrrhus et à ses enfants, du peuple des Latins.

Tyrrhus est le père d'Almo et de Sylvia. Il est le propriétaire d'un cerf qui est tué par Ascagne, alors que les troupes troyennes d'Énée viennent d'arriver dans la région du Latium. Le fait qu'Ascagne tue le cerf engendre une rixe, où Almo, son fils, finit par périr. C'est ce qui servira d'excuse à Turnus, un chef rutule influent de la région, de déclarer la guerre à Énée et à ses hommes, car en réalité Enée lui aurait volé sa promise, Lavinia, avant leur mariage, et il est contre son installation dans la région (fr.wikipedia.org - Tyrrhus).

Femmes dans l'Enéide

Un des épisodes les plus émouvants et les plus illustres de l'Enéide est à coup sûr celui où nous voyons Enée, à la fin du livre II, revenir sur ses pas, en quête de son épouse Créuse, qui a cessé de le suivre, tandis qu'il fuit Troie incendiée. Enfin, elle reparaît, mais ce n'est plus qu'une ombre; elle a trouvé la mort, et lorsqu'il veut l'étreindre, c'est une vaine apparence qui s'évanouit dans les airs «tenuesque recessit in auras» (lib. II, v. 791). On peut soupçonner que la scène s'apparente à ce motif mythique que nous avons reconnu si important dans le contenu latent de l'épopée homérique le héros recherchant la femme captive du royaume des morts. La présomption prend corps, si l'on se souvient que Virgile a traité ailleurs directement ce mythe, avec affection et succès. C'est en effet par le bel épisode d'Orphée et d'Eurydice qu'il a éprouvé le besoin de couronner les Géorgiques. Mais il y a plus, et il suffit de confronter les deux morceaux pour être convaincu de leur intime parenté; lorsque Orphée veut étreindre Eurydice qui lui échappe, elle aussi s'évanouit dans les airs, «in auras... fugit diversa» (Géorg. IV. 599). Et l'on reconnaît, à plusieurs reprises, les mêmes termes que dans la scène de l'Enéide. Orphée, comme Enée, aurait encore bien des choses à dire : «multa volentem dicere» (Géorg. IV. 500; En. II. 790). Et Eurydice, comme Créuse, termine ses adieux en prononçant le même «Jamque vale» placé, par surcroît, aux mêmes pieds du vers (Géorg., IV, 496; Én., II, 789). Retenons ce premier fil conducteur : Énée serait une autre incarnation d'Orphée. Mais à partir de ce moment, dans l'action de l'Énéide, le mythe, pour ainsi dire, éclate. L'image de la femme perdue et recherchée se scinde en deux. Créuse elle-même a annoncé à Énée qu'il trouverait, dans le pays qui lui est destiné, une autre épouse, de sang royal, regia conjux (II, 783). C'est comme d'un Ménélas qui aurait à accomplir, au lieu de la reprise d'Hélène, la conquête d'une autre Hélène, comme d'un Orphée qui aurait à inventer une autre Eurydice. Ce motif des deux femmes l'une perdue et l'autre recherchée est certainement important, car il reparaît, dans l'épisode de Didon; cette fois la distance entre les deux images s'est accusée. Le héros doit repousser Didon, s'arracher volontairement à elle, pour obéir à son destin. Ici, la femme perdue devient la femme interdite. Ne s'oppose-t-elle pas, dès lors, à la femme recherchée, comme la mère à l'épouse ? Et aussi bien, Didon n'a-t-elle pas conçu son amour pour Énée en caressant maternellement l'enfant Ascagne, dont Cupidon lui-même avait subrepticement emprunté les traits (lib. I) ?

Nous retomberions ainsi dans un thème des plus connus, et sur lequel il n'est pas besoin d'épiloguer. Mais plus encore que le banal complexe d'Edipe auquel on trouvera, certes, dans l'Enéide, et notamment dans les supplices infernaux du livre VI, toutes les allusions classiques qu'on voudra il faudrait, ici, semble-t-il étudier surtout ce thème en fonction d'éléments ethniques plus primitifs de l'ordre du tabou de l'endogamie (plutôt que du simple tabou de l'inceste). Créuse déjà, au cours de ces adieux prophétiques que nous avons cités, spécifie bien que chacune des deux femmes, elle et l'autre, est liée respectivement à une terre; elle-même Cybèle la retient sur ces rivages «his detinet oris» (II. 789). Mais où les tabous s'expriment plus fortement, c'est au livre VII, où ils voisinent d'ailleurs avec des allusions qu'on peut tenir pour «totémiques». Car qu'est-ce que cet aïeul du roi Latinus, Picus (VII, 48), qui porte le nom du pivert (qui, selon une légende, fut changé en pivert par Circé) ? Qu'est-ce, sinon une sorte d'oiseau totémique ? Quoi qu'il en soit, le tabou est formel, le sort a parlé pour interdire l'endogamie, pour ordonner l'exogamie. Il est prescrit au roi Latinus de ne pas songer pour sa fille à un époux du pays.

Ne pete connubiis natam sociare latinis (VII, 96.).

Le gendre viendra de terres étrangères «externi venient generi» (VII, 98). L'interprétation du motif des deux femmes n'est d'ailleurs pas liquidée pour autant. C'est un motif des plus chargés. Les deux images s'opposent comme deux pôles, sur lesquels se fixent désormais plusieurs couples d'opposés, expressifs de plusieurs conflits essentiels. La femme quittée tend à prendre un aspect hostile et redoutable, comme il ressort bien des malédictions de Didon : Elle implore les sombres puissances, d'accumuler sur la route d'Enée les travaux et les peines (IV. 612-629). Qu'est-ce à dire, sinon que Didon, dès ce moment, entre dans le rôle de la «mère terrible», à tel point qu'elle parle la même langue que Junon ? Junon, en effet, est dans toute cette histoire, exactement comme dans celle d'Hercule, l'incarnation typique de cette «mère terrible» qui semblable à la marâtre des contes inflige au héros détesté les plus lourds, les plus difficiles «travaux» dont il ne viendra à bout que grâce à son caractère de personnage surhumain et prédestiné. C'est la malveillance de Junon qui ne cesse de poursuivre Enée, qui le chasse sur les mers et à travers les tempêtes; sa haine est insatiable.

Junonis gravis ira neque exsaturabile pectus (V, 781.)

Mais le motif est assez virulent pour se décharger sur un grand nombre d'images parentes. Il est saisissant de relever avec quelle fréquence, tout au long de l'Enéide la figure féminine reparaît sous des traits rébarbatifs et hostiles. Les oiseaux répugnants, les odieuses Harpies, dont la faim n'est pas moins insatiable que la haine de Junon (et qui par là participent au vampire) sont des oiseaux femelles, et le poète se complait dans la peinture de ces monstres : Virginei volucrum vultus, fœdissime ventris Proluvies, uncæque manus, et pallida semper (III, 215-217.) Ora fame. Les femmes des Troyens deviennent pour leurs époux les ennemies, qui tentent d'entraver l'accomplissement de leur destin : elles mettent le feu aux vaisseaux. Cela se fait d'ailleurs à l'instigation de Junon (V, 606 sqq.) ce qui revient à dire qu'elles participent toutes au numen de la déesse malveillante. C'est alors que les Troyens se résolvent bien facilement à laisser les femmes le poète dit les mères dans une ville qui sera édifiée pour elles, transcribunt urbi matres (V, 750) et à poursuivre la route sans elles ce qui répète une fois encore, et en le multipliant, le motif de la femme quittée. Mais le principe hostile renaît toujours de ses cendres. Les Troyennes liquidées, le «numen» de Junon s'emparera d'autres femmes. Lorsqu'Enée a abordé enfin au rivage du Latium, lorsqu'il paraît près d'atteindre le but, et que son mariage semble imminent, les puissances de la féminité ennemie se réveillent de plus belle. Junon cherchera du renfort, s'il le faut, jusqu'auprès de la Furie Alecto, et grâce à elle, elle entraînera la reine Amata et les femmes de Laurente dans une folle Bacchanale, afin de faire échec à l'hymen décidé et à la paix conclue (VII, 322-405). A ces mouvements si puissants, et si fortement rendus, de la féminité hostile, quelles peintures, quelles évocations de la femme charmante et favorable avons-nous à opposer ? Il est stupéfiant de constater combien, ici, la moisson est maigre. La silhouette de la promise, celle qui sera pourtant le couronnement de tant de peine, est presque inexistante; elle se réduit presque à un nom, Lavinie. Quand le héros aura accompli tous les travaux, assisterons-nous enfin à une rencontre, à l'éveil d'un amour, aux prémisses de l'union ? Pas même. Lavinie demeure un signe abstrait. Le poème se termine au moment où le héros triomphe du dernier obstacle, où il tue son rival Turnus. Quant au prix du combat, l'on dirait que cela n'intéresse pas, comme dans les contes que nous évoquions, «s'ils furent bien heureux». Il est clair qu'ici, Virgile cesse d'être inspiré. Et que dire des précédentes figures de la femme aimée ? Créuse n'apparaît que pour disparaître : c'est une ombre. Quant à Didon, elle n'est que pour un court moment l'amante favorable; et se jette pour finir dans le rôle, où nous l'avons rencontrée, de celle qui maudit, non sans avoir imploré Junon et les divinités infernales. Et pour ce court moment favorable... nous allons y revenir. Dès maintenant, nous soupçonnons que les couples de termes déjà invoqués - endogamie et exogamie, mère et épouse, mère terrible et mère aimable - n'épuisent pas l'interprétation du motif des deux images féminines; la balance entre elles est décidément trop inégale; l'image négative l'emporte avec une évidence trop sensible. Orientés par là, nous remarquons aussitôt que les femmes qui, au cours de l'Enéide, se présentent favorablement à nos yeux reçoivent volontiers des attributs virils. Camille, l'Amazone, bien que son rôle ne soit qu'épisodique, est présentée certainement avec plus de couleur et de relief, avec plus de sympathie, que la pâle Lavinie. Or cette guerrière est une servante de Diane; celui qui l'a tuée mourra sur la volonté de Diane, qui tient à honorer sa fidèle.

Non tamen indecorem tua te regina reliquit (XI, 845.)

Tout le personnage est conforme au «complexe de Diane». L'allusion à la mutilation est présente jusque dans l'histoire de son nom, qui petit détail amusant a perdu une de ses lettres :

Nomine Casmille, mutata parte, Camillam (XI, 543.)

Mais il n'est pas jusqu'à Didon elle-même qui, dans ce moment favorable dont nous parlions, ne se manifeste avec certains caractères virils, et cela est d'autant plus curieux qu'elle représente, au cours de l'histoire du «pieux» héros, la seule diversion amoureuse. Didon n'est pas une quelconque aimable princesse. C'est une reine, qui gouverne et administre les États du feu roi son époux avec toutes les qualités d'une femme de tête. Lorsque Enée aborde sur ses rivages, elle n'est occupée à rien de moins qu'à la construction d'une ville. Mais dès qu'elle se laisse prendre au piège de l'amour, cela se traduit pour elle par des images de mutilation; ses travaux de construction s'arrêtent, ses tours demeurent tronquées :

Non cæptæ assurgunt turres... pendent (IV, 86-88.)

Elle aussi, c'est une Diane. Et cela est même indiqué explicitement. Lorsqu'elle apparaît pour la première fois devant Enée, au milieu de son peuple, appliquée à ses grandioses entreprises, elle est dépeinte, en cet instant décisif, comme semblable à Diane parmi le choeur de ses nymphes :

Qualis in Eurotae ripis aut per juga Cynthi
Exercet Diana choros
Talis erat Dido, talem se læta ferebat
Per medios, instans operi regnisque futuris
(I, 504.)

L'Hélène homérique nous est bien apparue aussi, par moments, comme une Artémis, mais c'est plutôt alors l'Artémis lunaire (ou Séléné), tandis que Didon, c'est surtout la Diane virile; le climat est fort différent.

Bref, la femme apparaît en général dans l'Enéide comme une Harpye, un oiseau de mauvais augure, un être d'intention mauvaise lorsqu'il en est autrement, la femme tend à revêtir les traits virils d'une Diane au carquois.

Il faut mettre à part Andromaque; mais celle-ci même, pour humaine et tendre qu'elle soit, n'est pas du moins la femme séduisante : c'est une sorte de pieuse image de la fidélité et de la patrie.

Qu'il y ait, en tout ceci, une certaine inversion des images, c'est une conclusion à laquelle il est difficile de se refuser.

Même renversement, en somme, dans la descente aux enfers (VI). Orphée y descendait pour reprendre Eurydice; Enée entend y consulter son père.

Ici, l'on sera tenté de faire état de détails plus connus. On pensera à l'émouvant épisode de Nisus et d'Euryale, dont l'amitié, fidèle jusqu'au bout, ne dédaigne pas de se désigner du nom d'amour.

Non tamen Euryali, non ille oblitus amorum (V, 334.)
His amor unus erat (IX, 181.)

Et sans vouloir faire dire à ces vers plus qu'ils ne disent, il faudra du moins reconnaître que Virgile est plus inspiré, plus convaincu, par le sentiment qui unit ces deux jeunes hommes, que par l'amour de l'homme et de la femme. Même indication, quoique toute fugitive, au cours des multiples épisodes de combat, au livre X, lorsque est évoqué le sentiment de Cydon pour son ami Clytius dont le premier duvet de la jeunesse ombre les joues (X, 324-325). On remarquera encore, si l'on veut, que lors des concours du livre V, l'un des prix est un «carquois d'amazone plein de flèches» (V, 311); un autre est une chlamyde où est brodé l'épisode du jeune Ganymède enlevé par Jupiter (V, 252 sqq).

Enfin, l'on rapprochera tous ces traits des données plus précises de la deuxième Églogue. C'est en considérant cette dernière qu'on a débattu - qu'on ne pouvait manquer de débattre la question délicate, d'aucuns diront scabreuse, vers laquelle il semble que nous acheminons aussi notre analyse de l'Enéide. Sur ce point, laissons la parole à un critique récent, le Dr A. Stocker : Nous ne rechercherons pas, après tant d'autres, la place que l'«amour grec» a pu tenir dans la vie même de Virgile. Nous ne nous perdrons pas en des commentaires nouveaux de la deuxième Eglogue, où Gide a trouvé le nom de Corydon. Une anecdote, rapportée par Suétone et Martial, veut que Virgile ait été frappé un soir, chez Pollion, de la beauté d'un jeune esclave nommé Alexandre, et que Pollion le lui ait cédé. Le nom d'Alexis, de la deuxième Eglogue serait une allusion à cet Alexandre. Mais Henri Goelzer pense que l'anecdote pouvait fort bien être controuvée, et Plessis, en admettant que Virgile ait composé l'Eglogue sous l'influence d'un incident de sa vie, pense qu'il y a transformé en une aventure passionnée l'intérêt qu'il éprouva pour un beau jeune homme intelligent. Il ne faut pas oublier, en effet, les traditions du genre littéraire, les souvenirs de Théocrite... On erre dans les suppositions. Mais la question de fait importe peu à notre propos. Qu'il nous suffise de noter que l'imagination de Virgile s'est complue un instant à cette fantaisie «uranienne». Le fil que nous venons de suivre à travers l'Enéide tend à prouver que l'imagination de Virgile, au vrai, a fait plus que de «se complaire un instant» dans cette fantaisie; des tendances assez profondes semblent en jeu. Cependant, nous nous rallierons aux conclusions du Dr Stocker pour estimer que «la question de fait importe peu à notre propos».

Ce qui nous importe bien davantage, c'est de constater qu'Enée, le héros, mène une lutte sans merci contre l'attrait des images inverties.

Les Troyens, au cours des combats, essuieront l'insulte de n'être pas des hommes, d'être des femmes :

«O vere Phrygiæ, neque enim Phryges» (IX, 616)
«Semiviri Phrygis» (XII, 99).

Sa victoire, c'est la victoire sur elles. Cela est dans l'ordre. Les analystes nous ont appris déjà que le combat du héros a pour fin d'arracher la libido à ses fixations anciennes; ils parlent toujours ici avec prédilection de la fixation à la mère : mais il en est d'autres. Freud lui-même admet bien, au cours du développement, une étape homosexuelle plus ou moins marquée, qui serait toujours présente, bien que le plus souvent latente. Il importe donc aussi d'arracher la part de libido qui peut être retenue par cette fixation, pour permettre cet épanouissement total que représente la victoire du héros. Or c'est ce moment de la lutte héroïque qui paraît recevoir l'accent dans l'épopée de Virgile. Cela paraît indiquer que sa propension à l'«amour grec» était réelle, mais que le dépassement de cette étape lui importait infiniment. Ceci soit l'occasion de relever au passage la signification personnelle que peut prendre, pour chacun de nous, un mythe universel. Le combat du héros c'est sans doute, pour chacun, selon l'état de ses complexes, la lutte qui importe le plus à son entière libération. C'est ce que nous avons déjà entrevu en étudiant le poème de Lucrèce. Que l'accent, dans Virgile, soit posé comme nous venons de le dire, cela nous paraît exprimé éloquemment par certaines compositions d'images : l'Amazone Camille est une puissante alliée de Turnus contre Enée (XI, 432 sqq.). Et il y a plus. Lorsque l'Amazone est tuée, son dernier soupir est exprimé par le beau vers au sombre frémissement :

Vitaque cum gemitu fugit indignata sub umbras (XI, 831).

Or, un peu plus tard, lorsque c'est Turnus à son tour qui reçoit la mort, de la main d'Enée, c'est le même vers qui est répété mot pour mot (XII, 950). Et ce vers est le dernier du poème. N'est-ce pas à dire que, d'une part il y a identité affective entre la mort de Camille et la mort de Turnus et que, d'autre part, cette double et unique victoire signifie l'acte nécessaire et suffisant du héros, la conclusion logique du poème ? Si les données précédentes sont propres à Virgile, nous retrouvons au contraire le mythe dans sa physionomie coutumière lorsque apparaissent les imaginations du sein maternel. Elles s'éveillent, comme on peut s'y attendre, à propos du cheval de Troie, cette machine grosse d'armes «feta armis» (II, 238), d'où les chefs grecs se laissent couler par une corde, «demissum lapsi per funem» (II, 262) et où, devant le danger, ils se réfugient, dans le «ventre bien connu» :

Scandunt rursus equum et nota donduntur in alvo (II, 401.)

L'image, certes, est ici toute occasionnelle et d'ailleurs consciemment imitée d'Homère; incidentes aussi les évocations de la «neuvième aurore» (V, 104) ou des «neuf jours» (V, 762) qui paraissent néanmoins ajouter un caractère rituel aux quatre jeux célébrés en l'honneur des mânes d'Anchise. Alors s'ouvre le fameux livre VI qui, sous l'aspect de la descente aux enfers, met en scène un véritable rituel de mystère souterrain, au cours duquel Enée sera initié non seulement à non seulement à la connaissance des générations successives de ses descendants, mais encore aux secrets de la métempsychose. On a parlé, ici d'un souvenir des mythes contés par Platon dans le Gorgias et la République; on peut évoquer Pythagore et jusqu'aux mystères d'Eleusis. Quoi qu'il en soit, tout le symbolisme de ce livre capital est parfaitement cohérent; tout s'y réfère aux variantes les plus classiques des images du sein maternel, de la descente dans le gouffre originel et de la nouvelle naissance. Ce n'est pas un hasard si ce livre s'ouvre par l'évocation de Dédale, qui construisit le temple de la Sibylle et du Labyrinthe, par l'image duquel il l'a lui-même orné; car c'est aussi dans un labyrinthe redoutable qu'Énée va s'aventurer, à la faveur du rameau d'or. Et il est bien aussi à sa place, l'avertissement de la Sibylle qui doit mettre le héros en garde contre le danger d'une reprise définitive par le gouffre il est facile de descendre; mais l'«œuvre» (on voudrait dire : le «grand œuvre») c'est de remonter :

facilis descensus Averno.
Sed revocare gradum superasque evadere ad auras,
Hic opus, hic labor est
(VI, 127-129).

Avertissement capital, en vérité, d'une portée universelle, et que ne doivent oublier soit dit en passant — ni les psychanalystes, ni les artistes séduits par le «surréalisme» de l'inconscient. On ne badine pas avec le gouffre. Il n'est peut-être pas vain d'observer à ce propos que la descente aux enfers est immédiatement précédée par l'épisode de Palinure qui clôt le livre V : le pilote endormi tombe à la mer, et la flotte qui s'avance désormais sans guide, risque de donner dans les écueils des Sirènes, où blanchissent les os d'antiques naufragés. Perils of the soul, dirait Jung. Mais le héros reprend juste à temps le gouvernail. Aussi bien, le thème de la seconde naissance s'explicite dans l'Eneide en maintes occasions. L'oracle de Delos a donné aux Troyens exilés la consigne énigmatique, qui sera d'ailleurs mal interprétée d'abord, de rechercher leur «antique mère» cette terre qui offrira de nouveau un «sein fécond» (III, 94-96). L'on découvrira enfin que, selon une ancienne tradition, Dardanus, l'ancêtre des Troyens, était originaire, du Latium (VII, 206, 240). C'est ainsi que les exilés, en faisant souche au Latium, retrouveront une seconde fois leur «antique mère». Mais le thème des deux naissances, comme tout thème chargé, ne laisse pas de s'exprimer par maintes images diverses.

Les Troyens, quittant l'Epire, prennent la mer, là où la route pour l'Italie est la plus courte.

Unde iter Italiam cursusque brevissimus undis (III, 507.)

Bientôt, la côte apparaît et les navigateurs saluent par son nom, avec enthousiasme, ce qui sera leur nouveau pays. [...] Il semble qu'ils vont être au port. Mais les destins en ont décidé autrement; après cette première apparition, ils seront emportés loin de cette terre d'Italie, qu'ils ne toucheront définitivement, et sur la rive adverse, que lors d'une deuxième rencontre, après maints travaux. Enfin est-il besoin de rappeler ici ce que nous avons relevé au début : que les deux terres - Troie et le Latium, la patrie perdue et la patrie promise sont respectivement associées, d'une manière très intime, aux deux images féminines, de Créuse et de Lavinie, et que dès lors ce schéma des «deux femmes» qui nous est apparu expressif de toutes sortes de couples d'opposés, verrait se couronner sa signification par une allusion à ces deux figures mythiques : la mère de la première et celle de la seconde naissance.

C'en est déjà plus qu'il ne faut pour nous permettre d'identifier, dans Enée , le héros par excellence. Examinons-le en luimême, et nous verrons que les traits matériels eux-mêmes du héros solaire, lui sont explicitement attribués. Au début, il chemine caché sous un nuage; lorsqu'il en sort, il apparaît éclatant de lumière et semblable à un dieu, sans oublier l'honneur d'une splendide chevelure :

Scindit se nubes el in æthera purgat apertum.
Restitit Eneas, claraque in luce refulsit,
Os humerosque deo similis; namque ipsa decoram Cæsariem, etc...
(I, 587 sqq.)

Ailleurs, il est comparé à Apollon en personne, dont l'or et le feuillage ornent la chevelure et sa beauté est éclatante (IV, 143-150)

Qualis... Apollo... Ipse jugis Cynthi graditur, mollique fluentem
Fronde premit crinem fingens, atque

Nous avons déjà appris à reconnaître dans la descente aux enfers une élaboration du thème primitif de la navigation nocturne du soleil. Et ici, ce que nous rappelions un peu plus haut de l'épisode de Palinure devient encore plus significatif. C'est bien par le tableau, plein d'atmosphère, d'une navigation noc- turne au sens propre du mot que se trouve introduite la descente aux enfers. Pour le reste, tout le déroulement des cinq premiers livres est bien celui d'une navigation du héros, mais il s'agit alors de la navigation diurne et par surcroît, elle est bien orientée, geographiquement, d'est en ouest. Et la terre promise vers laquelle tend ce périple s'est appelée Hespérie - le pays du soir — avant de recevoir des dernières générations, le nom d'Italie (III, 163-166).

A la fin du livre V, la mort du pilote Palinure nous annonce la navigation nocturne, qui se poursuivra durant tout le livre VI sous la forme, donc, de la descente aux enfers, et c'est précisément aussitôt après cette épreuve que le héros abordant (au début du livre VII) à l'embouchure du Tibre, prend contact avec la terre promise la terre de la nouvelle naissance. Cela suscite alors, en un véritable éclatement de fraîche lumière, l'inoubliable évocation matinale, traversée d'oiseaux colorés, qui est, pour l'atmosphère et la poésie, un digne pendant de la scène nocturne de la mort de Palinure (III, 25-36). Il faut d'ailleurs que la nourrice d'Énée, Caïete, meure lors de ce premier contact avec la terre promise, et qu'il commence, avant toutes choses, par l'ensevelir selon les rites. Le lecteur moderne s'étonne, se choque, de ce minime épisode, sans tenant ni aboutissant, qui se trouve tout à coup mis en vedette, on ne sait pourquoi, à cet endroit. On comprend mieux, si l'on se réfère au mythe de naissance. Caïete n'était-elle pas la nourrice selon la chair ? Cet ordre est liquidé, au moment de la seconde naissance, qui est naissance d'un autre ordre, et il faut sans doute que cela soit rituellement signifié. L'on remarquera alors que ce minime épisode, que l'intelligence superficielle serait tentée de tenir pour superflu, se trouve en ce début du livre VII - placé au milieu même de toute l'œuvre, et l'on se dira que cette position capitale dans l'architecture du poème doit bien obéir à une certaine logique profonde.

L'on comprendra mieux aussi, à la faveur du mythe solaire, les malédictions de Didon. Relisons ce texte, et nous remarquerons que le «royaume» dont elle voudrait voir frustré l'infidèle s'identifie avec la «lumière désirée»; son voeu, c'est qu'il «tombe avant le jour», et ces mots prennent aussitôt pour nous une résonance nouvelle (IV, 618-620).

Si Énée fait figure de soleil, son adversaire Turnus, avec la sombre armée (atrum agmen, XII, 450) qui se masse (agglomerant, XII, 457) autour de lui, se présente pour le combat décisif comme une nuée d'orage de mauvais augure : Qualis ubi ad terras abrupto sidere nimbus... (XII, 451). Nous reconnaissons ici cette variation sur le thème solaire, bien connue des mythologues, qu'est le combat du soleil et des nuées. Ce moment du mythe reparaît, plus directement, lors de l'épisode d'Hercule et de Cacus le voleur de bœufs, qui est développé incidemment, mais avec complaisance. Cette histoire fameuse a été précisément interprétée par les théoriciens du mythe solaire, comme un des meilleurs exemples de ce combat victorieux du soleil contre les sombres nuages; or les termes dans lesquels elle nous est contée par Virgile sont bien des plus propres à illustrer leur thèse. Le monstre Cacus a fait son repaire d'une caverne inaccessible aux rayons du soleil, «solis inaccessam radiis» (VIII, 195); c'est une divinité des ténèbres, et quand Hercule crève le plafond de l'antre, l'intérieur apparaît semblable aux enfers «infernas sedes» (VIII, 246). Mais alors Cacus, poussé dans ses derniers retranchements, ne sait rien de mieux que de vomir une fumée épaisse, dans les tourbillons de laquelle il s'enveloppe comme dans une nuit mêlée de feu :

Faucibus ingentem fumum (mirabile dictu !)
Evomit, involvitque domum caligine caeca
Prospectum eripiens oculis, glomeratque sub antro
Fumiferam noctem , commixtis igne tenebris
(VIII, 252-255).

C'est dire que la fête célébrée par Evandre en mémoire de cet exploit d'Hercule n'est pas un hors-d'œuvre. C'est un rappel, dans un autre registre, du thème fondamental. Hercule, comme Orphée, est un des grands prototypes d'Enée; il a essuyé avant lui l'animosité de Junon; il est descendu avant lui aux enfers. Et n'est-il pas, pour tout dire d'un mot, le type même du héros solaire le vainqueur des douze travaux ? Ici, il est difficile d'éluder le rapprochement entre les douze travaux et les douze livres de l'Enéide. Que l'idée soit présente dans le choix de ce nombre, rien de plus vraisemblable. Ce n'est pas à dire certes qu'il faille vouloir poursuivre le parallèle dans le détail (pas plus qu'il ne faut vouloir trouver à tout prix une correspondance terme à terme entre les éléments du contenu manifeste d'un rêve et ceux du contenu latent). Mais, tout en se défendant contre la tentation des «fausses fenêtres pour la symétrie», on se doit de noter les remarques qui s'imposent. Oui ou non, les douze livres composent-ils un symbolisme zodiacal ? (Charles Baudouin, Psychanalyse de l'Enéide, Psyché : revue internationale de psychanalyse et des sciences de l'homme, Volume 7, Numéros 63 à 74, 1952 - books.google.fr, nonagones.info - Le Serpent rouge - Charles Baudouin - L’Enéide et le Serpent rouge - books.google.fr).

Nous avons souligné l’importance du substrat méditerranéen archaïque dans les personnalités féminines : cette volonté de puissance presque virile, et toujours condamnée à l’échec, nous semble être la manifestation spontanée et la dernière tentative d’une survivance matriarcale encore fortement marquée dans les structures mentales collectives, au moins dans les milieux populaires.

La manifestation d’une série d’images archétypales propres aux Latins, et aux Méditerranéens en général (c’est un trait de la mélancolie latine, si chère à Virgile, que la beauté et la mort soient liées en un couple antithétique et indissociable) est une explication de la prédilection virgilienne pour ces morts d’adolescents (Joël Thomas, Structures de l’imaginaire dans l’Énéide, 1981 - books.openedition.org).

Buffle

La ville de Carthage y fut bâtie, 888 ans avant Jésus-Christ, par Didon, princesse tyrienne (LVLC, page 91 associée avec la page 246 (91-155) au psaume 91(92)). (nonagones.info - La Vraie Langue Celtique de l’abbé Henri Boudet - Livre IV - Ps. 91).

Cette mention servira à un nouveau zodiaque de la Vraie Langue Celtique combiné avec l'Enéide.

Dans une traduction de l'Énéide en vers languedociens, le taureau ou le boeuf de Didon devient un buffle.

M. Charles Cavallier, notaire honoraire, a bien voulu autoriser la Revue des langues romanes à éditer la traduction suivante du premier chant de l'Énéide de Virgile, dont il fit l'acquisition au mois de novembre 1875, lors de la vente de la bibliothèque de M. Bory. L'ancien maire de la ville de Marseille comptait ce manuscrit parmi les raretés de ses collections bibliographiques. Les dates résultant des pièces françaises et latines du même manuscrit permettent de supposer qu'il a été copié en Provence entre l'année 1730 et l'année 1740. Rien n'indique l'auteur de ce premier chant; rien ne fait connaître non plus s'il a travesti, à leur tour, les autres chants du poëme de Virgile. Son idiome est un bas-languedocien fortement teinté de provençal :

...Vingt vaissels prestes per lou viage
Empourterou tout lou bagage,
L'or et l'argent, tant de Didon
Que d'au traite Pygmalion.

Lou ven, sus aqueste rivage
Ounte are fa basti Cartage,
Herousamen nous counduguet.
Aqueste endrech l'i plazeguet.
Preguet lou mestre de l'y vendre
Autan comme se pot estendre
La pel d'un buffle de terren;
Lou proprietari ly vend (Charles Cavallier, Traduction de l'Énéide en vers languedociens, Revue des langues romanes, Volume 27, 1885 - books.google.fr, Tardoli, Rondes d'enfants, L'INTERMEDIAIRE DES CHERCHEURS ET CURIEUX, 1868 - books.google.fr).

Les Septante, qui se partagèrent à Alexandrie la traduction de la Bible, traduisirent le mot hébreu reem qui signifie dans les Psaumes (91, 11) bœuf sauvage, buffle, bison par le grec monokerôs que la Vulgate a transcrit littéralement sous la forme unicornis (Louis Réau, Iconographie de l'art chrétien, Tome 1 : Introduction générale, 1955 - books.google.fr).

Les traductions plus modernes surtout protestantes donne "buffle" : 11 Mais tu me fais lever la tête comme le buffle; je suis oint avec une huile fraîche (La Sainte Bible qui contient l'ancien et le Nouveau Testament: version d'Ostervald : avec des parallèles, traduit par Jean Frédéric Ostervald, 1891 - books.google.fr).

J.F. Ostervald, théologien et pasteur protestant suisse, et son équipe a révisé la Bible de Genève, cette révision a été editée la première fois en 1744 (www.lueur.org).

Unicornium (remim, reemim), comme XXVIII, 6. Is., XXXIV, 7. Le mot reem qui est huit fois dans la Bible, est traduit dans la Vulgate cinq fois par «unicornis», Ps., XX1, 22; XXVIII, 6; LXXVII, 69; XCI, 11; Is., XXXIV, 7, et trois fois par «rhinocéros», Num., XXIII, 22; Deut., XXXVIII, 17; Job., XXXIX, 9, 11. Le reem est le même animal qui est représenté graphiquement dans les inscriptions assyriennes, et qui y est appelé rímu, le bœuf sauvage, le buffle (La Sainte Bible: Texte de la Vulgate, traduction française en regard, avec commentaires théologiques, moraux, Tome 12, 1883 - books.google.fr).

La Bible de Carrières que Boudet donne comme sa référence reste sur "licorne" (Sainte Bible contenant l'Ancien et le Nouveau Testament, Tome 3, 1839 - books.google.fr).

Didon, fille de Bélus, roi de Tyr, veuve de Sichée, et reine de Carthage, est colloquée par Dante au deuxième Cercle, parmi les Ames des Luxurieux (Enfers, V, 21, 61) (Dante, La divine comédie, traduit par Joseph Antoine de Gourbillon, 1831 - books.google.fr).

La ville de Carthage porte plusieurs noms chez les Grecs Carchedon, Cadmie, Byrsa, &c. Si l'on en croit Virgile, c'est Didon & les Phéniciens qui ont bâti cette ville, ayant acheté des habitans du Païs, autant de terre que la peau d'un boeuf en pourroit renfermer; mais cette Reine fit couper la peau en des courroies si déliées, qu'elles firent un cercle assès grand pour y bâtir une ville & une Citadelle, qui porterent le nom de Byrsa, mot Phénicien qui fignifie Citadelle. Mais Appien croit que le fondateur de cette ville est un Phénicien nommé Choros ou Carchedon, & que Didon n'a bâti que le fort de Byrsa. Ibnuraquiq Historien Africain rapporte la fondation de Carthage à des peuples de la Marmarique, qui avoient été chassez par les Rois d'Egypte (Olfert Dapper, Description de l'Afrique, traduit du flamand, 1686 - books.google.fr).

Serpent rouge et buffle

Au Taureau du Serpent rouge lit-on :

«Grâce à lui, désormais à pas mesurés et d’un oeil sûr, je puis découvrir les soixante-quatre pierres dispersées du cube parfait, que les Frères de la BELLE du bois noir échappant à la poursuite des usurpateurs, avaient semées en route quant ils s’enfuirent du Fort Blanc.»

Il y est question de mesure "pas mesurés".

Les instruments militaires en usage chez les Romains étaient la cornu, la tuba, la buccina et le lituus. Suivant Hyginus le Grammairien, les marins furent les premiers qui employèrent la cornu, qui n'était autre qu’une corne de boeuf, et Varron (De lingua latina, liv. V, § 117) donne le même renseignement. D'après ce que dit ce dernier auteur, on voit que de son temps, cet instrument était d'airain, mais on lui avait conservé le même nom parce qu'il avait la même forme. A l'époque où vivait Végèce, la cornu était faite avec une corne d'urus (boeuf sauvage) cerclée d'argent (liv. III, chap. 5); dans le vingt-deuxième chapitre de son deuxième livre, il dit qu'elle servait à transmettre les ordres relatifs, non pas aux soldats, mais bien aux enseignes; on en sonne, ajoute-t-il, quand ces dernières doivent marcher ou s'arrêter. Celui qui en sonnait s'appelait cornicen. La cornu avait des sons graves, rauques et menaçants; Horace a dit à ce sujet :

Jamjam minaci murmure cornuum
Perstringis aures.

De son côté, Virgile a dit dans le livre VII de l'Énéide :

Æreaque assensu conspirant cornua rauco,

et dans le livre VIII :

Rauco strepuerunt cornua cantu... (Alfred Émile Alexis Eugène Masquelez, Étude sur la castramétation des Romains et sur leurs institutions militaires, 1864 - books.google.fr).

Le bruit d'airain peut renvoyer à la fabrication d'instruments en corne introduits dans des tubes de cuivres (Les livres de Hiérome Cardanus (Girolamo Cardano), traduit par Richard Le Blanc, 1584 - books.google.fr).

M. Pineau constate d'abord dans le nom du dieu gaulois Cernunnos une «confusion évidente» entre un mot signifiant éclair et un mot signifiant bois de cerf. Je veus bien que Cernunnos soit un dieu-home muni de cornes ou même un dieu-cerf; mais M. P. n'établit pas que Cernunnos était un dieu-éclair, ce qui serait essentiel. M. P. la même parenté entre les mots grecs keras «corne» et keraunos «éclair»; cète parenté resterait à établir d'après les les lois de la phonétique; fut-èle même établie, d'ailleurs, que cela ne prouverait rien pour la thèse de M. P.; car il en résulterait simplement que le mot keraunos aurait signifié à l'origine «petite corne», sens très acceptable, étant doné que les bélemnites, très souvent considérées come des pierres de tonerre, peuvent être comparées à de petites cornes et que le mot keraunos ne désigne pas l'éclair, come M. P. le dit, mais justement la pierre de foudre, l'objet qui dans l'orage frape la terre, en même temps que mugit le tonerre (brontê) et que brille l'éclair (asteropê); quant au raport que M. P. voit enfin entre les mots celtiques taran «toner» et tarandus «cerf», je ne veus pas en discuter le côté philologique mais fut-il exact, on devrait simplement en conclure que les Gaulois auraient pu concevoir come un cerf le dieu du ciel qui fait le tonerre, et il resterait, à prouver non seulement que ce dieu est l'éclair ou le soleil, mais que la confusion de termes du celtique remonte à la langue aryenne, puisque, suivant M. P., le mythe du cerf-soleil existe chez la plupart des peuples (Bibliographie : "Les vieux chants populaires scandinaves. I. Epoque sauvage: Les chants de magie" de Léon Pineau, Bulletin de folklore, Volumes 1 à 3, Société de folklore wallon, 1891 - books.google.fr).

Afin de prévenir les passants et d'en empêcher la profanation, ils élevaient un petit monument; tantôt ils l'entouraient d'un mur circulaire, en forme de margelle de puits (d'où le nom de puteat qui servait à le désigner); tantôt ils y élevaient un cippe à Jupiter sur lequel on avait sculpté soit un foudre, soit la roue fulgurante, symbolisant l'un l'éclair, l'autre le bruit du tonnerre; tantôt enfin ils y construisaient un dé en maçonnerie sur lequel se détachaient les deux mots significatifs : "fulgur conditum" (foudre enfouie) (L. Rochetin, Le camp de César de Laudun, Mémoires, Volume 18, Académie de Vaucluse, 1899 - books.google.fr).

Serpent rouge et psaumes

"et d’un oeil sûr"

Ps. 91,11 : Et mon œil a regardé mes ennemis avec mépris: et mon oreille entendra parler de la punition des méchans qui s'élèvent contre moi... (La Sainte Bible, 1821 - books.google.fr).

Ps. 91,7 : Lorsque les pêcheurs se seront produits au-dehors comme l'herbe, et que tous ceux qui commettent l'iniquité auront paru avec éclat: ils périront dans tous les siècles;

Ps. 91,10 : Et ma force s'élevera contre la corne de la licorne, et ma vieillesse se renouvellera, par votre abondante miséricorde. (La Sainte Bible, 1821 - books.google.fr).

Que ce soit la licorne, le taureau ou le buffle, ces animaux sont des ruminants qui mangent de l'herbe.

Cf. Ps. 144, psaume alephbethique :

Ps. 91, 15 : Le Seigneur notre Dieu est droit, et il n'y a point d'iniquité en lui: rectus Dominus Deus noster, et non est iniquitas in eo

Ps. 144,14 Samech. Le Seigneur soutient tous ceux qui sont près de tomber, et il relève tous ceux qui sont brisés. (Thomas Gousset, Théologie dogmatique, ou Exposition des preuves et des dogmes de la religion catholique, Tome 2, 1892 - books.google.fr).

Ps. 144,15 : Ain. Tous, Seigneur, ont les yeux tournés vers vous; et ils attendent de vous, que vous leur donniez leur nourriture dans le temps propre.

Ps. 144,16 ; Phé. Vous ouvrez votre main; et vous remplissez tous les animaux des effets de votre bonté. (La Sainte Bible, 1821 - books.google.fr).

P. Pé fait partie de la série des sept lettres hébraïques qui désignent une partie du corps humain :

- le hé : le corps en prière
- le yod : la main
- le kaf : la paume de la main
- le ayin : l'oeil
- le pé : la bouche
- le rèch : la tête
- le chin : la dent.

La bouche est liée à la nourriture, à la respiration, à l'amour et au langage. Les commentateurs de la tradition talmudique et midrachique ont souligné avec force la dimension parlante de l'être humain et donc essentiellement sa capacité de parler avec sa bouche, avec l'organe-lettre pé (Marc-Alain Ouaknin, Les mystères de l'alphabet : l'origine de l'écriture, 1997 - books.google.fr).

Dans le psaume alephbethique le Ain n'apparaît pas et est reconstitué en 29 : [Ain. Ceux qui sont injustes seront punis], et la race des impies périra. Mais les justes recevront la terre en héritage; et ils y demeureront dans les siècles des siècles. (Ain est le début du mot "Avon", crime).

Ps. 36,30 : Phé. La bouche du juste méditera la sagesse; et sa langue parlera selon l'équité et la justice. (La Sainte Bible, 1821 - books.google.fr, Spartakus FreeMann, Kabalah pour un "goy avancé", 2005 - elishean.l.e.f.unblog.fr).

Nourriture, grandeur et droiture

L'âme est assez grande pour comprendre les choses éternelles, assez droite pour y tendre, IV, 551. Sa vraie nourriture est l'intelligence des choses spirituelles, III, 350 (Bernard de Clairvaux, Oeuvres complètes, 1878 - books.google.fr).

L'âme est grande parce qu'elle est capable des choses éternelles, et droite, parce qu'elle les désire, celle qui ne cherche et ne goûte point les choses d'en haut, mais les choses de la terre, n'est pas entièrement droite, elle est courbée, ce qui ne fait pas qu'elle ne demeure toujours grande, puisqu'elle demeure toujours capable de l'éternité (80e sermon sur le Cantique des cantiques) (Oeuvres complètes de Saint Bernard, Tome 4, Louis Vivès, 1867 - books.google.fr).

L'intelligence des choses spirituelles et invisibles, c'est un vrai pain pour l'âme; un pain qui fortifie le cœur et lui donne l'énergie nécessaire pour toutes les bonnes œuvres dans l'ordre spirituel (2e sermon pour l'Annonciation de ma sainte Vierge) (Oeuvres complètes de Saint Bernard, Tome 3, Louis Vivès, 1867 - books.google.fr).

Le Christ exerce à notre égard chacune de ces œuvres spirituelles et corporelles, et nous les départit avec miséricorde.

1° Il nourrit ceux qui ont faim. Je ne parle pas de cette magnificence royale qui fournit à l'homme et à tous les animaux que Dieu a mis à son service tout ce qui leur est nécessaire, et dont le Psalmiste dit : «Tous les yeux, Seigneur, espèrent en vous, et vous leur donnez la nourriture dans un temps favorable.» (Psaume 144,15). Je ne parle pas de la manne céleste, de cette nourriture admirable. Je ne parle pas de la multiplication miraculeuse des cinq pains et des sept autres pains qui rassasièrent quelques milliers de personnes. Je ne parle pas du pain miraculeux envoyé à Élie, à Paul, à Antoine et à saint Dominique, notre Père. Je parle seulement de la nourriture spirituelle qu'il nous distribue tous les jours et dont il nourrit nos âmes exténuées, c'està-dire de sa doctrine sacrée, de la contemplation des choses célestes, des sacrements, et surtout du plus auguste de tous, de la divine Eucharistie, des exemples des Saints, des vertus et des bonnes actions. C'est cet aliment spirituel que le Christ offre tous les jours à nos âmes affamées, afin de les nourrir et de les engraisser pour la vie éternelle. «Le Seigneur me gouverne (en hébreu, me nourrit); rien ne pourra me manquer.» (Psaume 22,1) (Justinus Miechoviensis, Conférences sur les litanies de la très-sainte Vierge, Tome 1, 1868 - books.google.fr).

Ephraïm

Selon Hermann Gunkel (1862 - 1932), on peut distribuer les psaumes en quatre grands genres littéraires principaux : les hymnes, les supplications nationales, les supplications individuelles et les actions de grâces individuelles. À cela s'ajoutent quelques genres mineurs comme les psaumes royaux ou les psaumes didactiques. (fr.wikipedia.org - Psaume).

Gunkel publie en 1926, un classique, son commentaire des Psaumes : The Psalms: Translated and Explained. Introduction to the Psalms est son dernier grand travail que complétera son élève Joachim Begrich en 1933 (fr.wikipedia.org - Hermann Gunkel).

Les hyperboles des psaumes royaux servirent de moules aux formules de la christologie 79. Liste des psaumes royaux selon Gunkel : 2, 18, 20, 21, 45, 72, 89, 101, 110, 132, 144 (Leopold Sabourin, Un classement littéraire des Psaumes, 1964 - books.google.fr).

Le psaume 144(145), qui ne fait pas partie de la liste de Gunkel, est un hymne de louange à la royauté de Dieu : «Je t'exalterai, mon Dieu, mon Roi, je bénirai ton nom toujours et à jamais !» (v. 1.) (Vincenzo Paglia, La Parole de Dieu chaque jour pour 2017, 2016 - books.google.fr).

Albert le Grand met en relation le psaume 144 avec Zacharie 9 autour de la miséricorde de dieu pour les jours des Rogations (Sermon XIV) (Albert le Grand, Sermones de tempore et sanctis, 1479 - books.google.fr).

Admirez encore une fois le triste et pauvre équipage de ce roi mais aussi étoit-ce un roi pauvre, qui n'étoit riche qu'en grâces. Voici, dit Zacharie, ton roi pauvre, juste et sauveur. Mais écoute la suite de la prophétie : avec ce foible équipage, je mettrai en fuite les chariots d'Ephraïm attelés à quatre chevaux, et les fiers coursiers de Jérusalem : et tous les arcs tendus pour le combat seront rompus; et il annoncera la paix aux gentils; et sa puissance s'étendra d'une mer à l'autre, et depuis les fleuves sur lesquels il prêchera, et où il donnera le nouveau baptême, jusqu'aux extrémités de la terre. Et vous, ô Sauveur victorieux, vous avez avec le sang de votre alliance, tiré vos prisonniers du lac où il n'y a point d'eau, et du cachot ténébreux d'une prison. Voilà toutes les nations les plus belliqueuses et les plus fières, vaincues, rachetées, délivrées, par ce roi monté sur un âne. (Zacharie IX, 9 ss) (Bossuet, Méditations sur l'Evangile, 1839 - books.google.fr).

Dans le sillage de la Liturgie qui le divise en deux parties, nous revenons sur le Psaume 144, un chant admirable en l'honneur du Seigneur, roi aimant et attentif à ses créatures. Nous voulons à présent méditer sur la deuxième des sections qui constituent le Psaume : il s'agit des versets 14-21 qui reprennent le thème fondamental du premier mouvement de l'hymne. Dans celui-ci, on exaltait la piété, la tendresse, la fidélité et la bonté divine qui s'étendent à toute l'humanité, touchant chaque créature. À présent, le Psalmiste porte toute son attention sur l'amour que le Seigneur réserve de manière particulière au pauvre et au faible. La royauté divine n'est donc pas détachée et hautaine, comme cela peut parfois se produire dans l'exercice du pouvoir humain. Dieu exprime sa royauté en s'inclinant sur les créatures les plus fragiles et sans défense (Catéchèses sur les psaumes, 2016 - books.google.fr).

Jewish tradition alludes to four messianic figures, called the Four Craftsmen, from a vision found in Book of Zechariah (Zechariah Hebrew text 2:1-4; traditional English texts 1:18-21). Rashi in his commentary on the Talmud gives more details. Rashi explains that Messiah ben Joseph is called a craftsman because he will help rebuild the temple. In Jewish eschatology Mashiach ben Yoseph or Messiah ben Joseph, also known as Mashiach bar/ben Ephraim, is a Jewish messiah from the tribe of Ephraim and a descendant of Joseph Messiah ben Joseph has an established place in the apocalypses of later centuries and in the midrash literature. Pirke De-Rabbi Eliezer like the Sefer Zerubbabel refers to Menahem ben Ammiel. He is referred to as the son of Joseph. In others editions the name Menahem son of Ammiel son of Joseph is omitted and the text simple refers to the son of David. According to the Zohar and the Sefer Zerubbabel, Menahem is the Messiah ben David. Pirke De-Rabbi Eliezer is often thought to have had Christian and Muslim influences. The text is often dated from the eighth or ninth century. The Isawiyya were an important Jewish sect founded by Abu Isa and sometimes linked with the rise of Shia Islam. Al-Shahrastani appears to have identified with the Isawiyya. The writer of Pirke De-Rabbi Eliezer is also thought by some to have identified with the Isawiyya. The description Al-Shahrastani gives of Abu Isa is very similar to the one given to Menahem ben Ammiel in Pirke De-Rabbi Eliezer. Thus it has been suggested that Abu Isa may have thought himself the Messiah ben Joseph. (en.wikipedia.org - Messiah ben Joseph).

Et tu élèves ma corne, comme celle des buffles...» (Ps. 92, 11). De la même manière que le buffle possède les plus hautes cornes parmi les animaux et qu'il encorne par la droite et par la gauche, ainsi Menahem fils de Amiël de la tribu de Joseph, ses cornes sont les plus hautes de toutes celles des animaux et il encorne aux quatre coins du monde, et c'est à son propos que Moïse dit : «Il est son taureau premier-né, honneur à lui; et ses cornes sont des cornes de buffle» (Deut. 33, 17) et avec lui viendront les myriades d'Ephraïm et les milliers de Manassé ainsi qu'il est dit «Ce sont les myriades d'Ephraïm et ce sont les milliers de Manassé» (ibid.). Et Israël qui se trouve sur la terre est dans un grand malheur mais leur douleur est comme l'olivier verdoyant ainsi qu'il est dit «Tu me trempes dans l'huile fraîche» (Ps. 92, 11). «Mon œil brave ceux qui m'épient...» Israël voit la chute de ceux qui le haïssent ainsi qu'il est dit «Mon œil brave ceux qui m'épient». «Le juste fleurit comme le palmier» (ibid. 12). De la même manière que ce palmier a une belle apparence et que tous ses fruits sont doux et bons, ainsi le [messie] fils de David a une belle apparence; son comportement et toutes ses actions sont doux et bons devant le Saint, béni soit-Il, sont innombrables et, viendraient tous les méchants qu'ils ne le feraient pas bouger de sa place, ainsi qu'il est dit : «Il s'élève comme un cèdre du Liban». De la même manière que ce cèdre du Liban a de très nombreuses racines souterraines et, viendraient tous les vents du monde, qu'ils ne le feraient pas bouger de sa place, ainsi le [messie] fils de David, ses forces et ses actions devant le Saint, béni soit-Il, sont innombrables et, viendraient tous les méchants qu'ils ne le feraient pas bouger de sa place, ainsi qu'il est dit : «Il s'élève comme un cèdre du Liban.» «Ils sont plantés dans la maison de YHVH» (ibid. 14) (Pirqé de Rabbi Eliézer : leçons de Rabbi Eliézer, traduit par Marc-Alain Ouaknin et Eric Smilévitch, 1983 - books.google.fr).

Joseph, père d'Ephraïm et de Manassé, fils de Jacob, intervient aux pages 68 et 69 de la LVLC.

Mozzarella

Les buffles étoient inconnus aux Romains. La race en est venue d'Afrique au septième siècle. Cet animal qui se plait dans l'eau et dans la fange, ne s'accouple jamais avec la vache commune. On dit que dans les grandes chaleurs il se couche entièrement dans l'eau, dont il ne sort que la bouche pour respirer. Quoique pour le trait, la force du buffle soit au moins double de celle du boeuf, surtout dans les chemins fangeux, on lui préfère néanmoins la race des boeufs, parce que le buffle, en frappant le gazon de ses pieds durs et pleins de force, gâte les prairies humides dans lesquelles il se plait à vivre. Les grands troupeaux de buffles sont dociles à la voix de leurs bergers, et féroces, même agressifs, pour tous les inconnus. Chaque buffle a son nom, auquel il répond quand on l'appelle. Comme les bergers ont trouvé difficile d'en inventer par centaine ou entend, dit-on, retentir parmi les trou peaux de buffles, les noms des plus illustres Princesses de Rome. Dans les combats de taureaux qui se donnent au peuple Romain dans le tombeau d'Auguste, l'homme qui combat le buffle se sauve aisément des terribles coups de cornes de son adversaire, en s'élançant sur une frêle table, où sur quelque chose d'élevé, parce que le buffle dont les regards ne font que raser la terre, cesse d'apercevoir ce qui est au-dessus de sa surface. Son oil stupide est l'image des esprits pour qui tout ce qui est élevé n'existe pas. On fait de petits fromages de buffle qui se vendent très bien à Rome. Ces fromages, qui se mangent frais ne sont pas friables, comme ceux de vache, et quoique délicats, ils filent comme de la pâte de pain (Bonstetten, Voyage sur la scène des six derniers livres de l'Enéide, 1804 - books.google.fr).

La mozzarella ou mozzarelle est un fromage à pâte filée traditionnel de la cuisine italienne, à base de lait de vache ou de bufflonne (fr.wikipedia.org - Mozzarella).

Mozart est là

"Un bruit circule sourdement depuis quelques jours dans le monde musical. Le compositeur Saliéri a, dit-on, avoué, au moment d’expirer, qu’il était l’auteur d’un crime affreux, l’empoisonnement de Mozart … tantæne animis celestibus [sic] iræ ? Saliéri, ennemi de Mozart et son meurtrie ! Saliéri, ami de Liszt et son maître ! Quel rapprochement extraordinaire, et quel vaste sujet de réflexions! Les remords l’auraient-ils engagé à chercher un héritier des talens de sa victime ? Serait-ce aux remords que nous serions redevable d’entendre de nos jours le successeur de Mozart ? Aimable enfant, poursuis ta carrière, mais songe que de grands devoirs te sont imposés, si le ciel t’a destiné à recueillir la succession du plus grand génie musical dont l’Europe s’honore", Le Corsaire, Journal des Spectacles, de la Littérature, des Arts, des Mœurs et des Modes, n° 284 (Lundi 19 avril 1824) (Arturo García Gómez, Mozart y Salieri: entre naturaleza y razón de la creación artística, 2019 - www.scielo.org.mx, Le Corsaire, Journal des Spectacles, de la Littérature, des Arts, des Mœurs et des Modes, n° 284, Lundi 19 avril 1824 - gallica.bnf.fr).

tantæne animis caelestibus iræ : citation de Virgile, Enédide I, 11.

L'introduction de l'Enéide (1, 1-11) donne le sujet de l'Énéide et lance une invocation à la Muse.

Les premiers vers, suivis d'une invocation à la Muse, présentent d'emblée le sujet de l'oeuvre : l'arrivée du Troyen Énée en Italie et les combats qu'il dut mener avant son installation dans le Latium; bien que protégé par le destin, il fut longtemps la victime des dieux, en particulier de Junon (1, 1-11).

Je chante les combats du héros prédestiné qui, le premier,
fuyant les rivages de Troie, aborda en Italie, près de Lavinium ;
longtemps sur terre et sur mer les dieux puissants
le malmenèrent, à cause de la colère tenace de la cruelle Junon ;
il endura aussi bien des maux à la guerre, avant de fonder sa ville
et d'introduire ses dieux au Latium, le berceau de la race latine,
des Albains nos pères et de Rome aux altières murailles.
Muse, rappelle-moi quelle cause, quelle offense à sa volonté, quel chagrin
poussa la reine des dieux à imposer à un héros d'une piété si insigne
de traverser tant d'aventures, d'affronter tant d'épreuves ?
Les âmes des dieux éprouvent-elles de si grands ressentiments ? (bcs.fltr.ucl.ac.be - Virgile, Enéide, Livre I).

Auguste de Labouïsse-Rochefort dans son Voyage à Rennes-les-Bains fait mention en une note de l'affaire Salieri, à l'occasion d'une lecture fortuite, alors qu'il était à Mirepoix, d'un article sur l'abbé Prévost accusé de parricide :

Parmi cent mille exemples qu'on pourrait trouver, en voici un entr'autres qu'il faut que je cite. N'a-t-on pas prétendu naguères que le fameux compositeur SALIERI, avait avoué avant de mourir, que par jalousie, il avait été l'auteur de la mort prématurée de MOZARD ? Sans doute on a vu ici-bas des crimes monstrueux; mais les arts et les lettres n'en ont jamais inspiré de pareils. Salieri n'empoisonna point son jeune rival. «Quand bien même, (a dit un sage critique) il serait prouvé que Salieri se serait accusé lui-même, en mourant, d'être l'auteur de ce crime affreux, on ne devrait pas si légèrement accréditer et répandre des expressions échappées au délire d'un malheureux vieillard de 74 ans, accablé d'infirmités, qui lui avaient occasionné des souffrances si intolérables, que ses facultés intellectuelles en étaient sensiblement altérées, plusieurs mois avant sa mort ?» Mais rien arrête-t-il la haine, ou l'envie, ou même quelquefois l'indiscrète et criminelle ambition, de vouloir raconter une horrible anecdote ? (Auguste de Labouïsse-Rochefort, Voyage à Rennes-les-Bains, 1832 - books.google.fr).

Six mois s'écoulent et son chagrin paraît s'apaiser : le marquis de Renoncour médite, lit Horace et le quatrième livre de l'Énéide : nombre de passages qu'il trouvait jadis obscurs, il les comprend maintenant, parce qu'il a aimé (Victor Schroeder, Un romancier français au XVIIIe siècle: l'Abbé Prevost, sa vie, ses romans, 1898 - books.google.fr, Manon Lescaut de l'Abbé Prévost - BAC Français 1re 2024, 2022 - books.google.fr).

Le "sage critique" de Labouïsse est Sigismund Ritter von Neukomm (Edouard G.J. Grégoir, Souvenirs artistiques: documents pour servir à l'histoire de la musique, Tome 1, 1888 - books.google.fr).

Autrichien né à Salzburg en 1778, le 21 janvier 1815 il crée à Vienne de son Requiem en ut mineur à la mémoire de Louis XVI. Louis XVIII l'anoblit et le fait chevalier de la Légion d’Honneur. Il meurt à Paris en 1858, enterré au cimetière de Montmartre, 22ème division, rejoint par son frère Anton en 1873. La tombe n'existe plus, elle a été reprise en 1988 par l'Administration des cimetières. Sigismund Neukomm a laissé plus de 1300 œuvres, dont, pour l’église, des oratorios, une quinzaine de messes, des Te Deum, des cantates, des psaumes en allemand, anglais, italien, latin et même en russe.

Son neveu, Edmond Neukomm, né à Rouen le 2.11.1840, mort en 1903, était rédacteur, avec P. Lacome, de L’année musicale. Auteur de diverses publications musicologiques, dont une Histoire du Freischütz (1867) et un ouvrage sur Boieldieu intitulé Trois jours à Rouen (1875), il fut également critique à la Revue, la Gazette musicale de Paris et au Ménestrel. Il hérita des manuscrits parisiens de son oncle et en fit don en 1896 à la Bibliothèque du Conservatoire (www.musimem.com).

On retrouve d'ailleurs l'expression "Tantæ ne animis...!" dans le journal Le Ménestrel du Dimanche 26 septembre 1884, au sujet de la Panne-aux-airs (1861) de Clairville, parodie en 1 acte du Tannhauser de Wagner (Le Ménestrel, Volume 52, 1885 - books.google.fr).

On voit dans les galeries de Versailles, un petit tableau d'un peintre à peu près inconnu, nommé Olivier, qui donne une sorte de miniature d'une de ces assemblées familières. Ce tableau exposé au salon de 1777, mais peint depuis 1763, est intitulé Le thé à l'anglaise dans la cour du prince de Conti. On est assemblé au salon des quatre glaces. [...]

La maréchale de Mirepoix verse du thé à madame de Vierville en pelisse bleue, madame de Mirepoix, de la maison de Craon, veuve en premières noces du prince de Lixin, de la maison de Lorraine, tué en duel par le duc de Richelieu, son beau-frère, et dont la hauteur, décente d'ailleurs et réservée, rappelait la fierté de cette première alliance. Le prince de Conti s'était laissé représenter de dos, en perruque, causant avec Trudaine. A gauche, Mozart, tout enfant, assis, touche du clavecin, tandis que le merveilleux Jélyotte, debout, chante en s'accompagnant de la guitare (Félix Feuillet de Conches, Les salons de conversation au dix-huitième siècle, 1891 - books.google.fr).

Anne-Marguerite-Gabrielle de Beauvau-Craon, Princesse de Lixin (Lixheim), Maréchale de Levis Mirepoix, née le 28 avril 1707 à Lunéville et morte le 12 mars 1792 à Bruxelles est une dame de la noblesse lorraine plus généralement connue sous le titre de Maréchale de Mirepoix et son rôle de conseillère des favorites de Louis XV, mesdames de Pompadour et du Barry. Devenue veuve à l'âge de 27 ans, la princesse convola une seconde fois en 1739 avec Gaston Pierre Charles de Lévis, marquis de Mirepoix et maréchal de La Foi (titre que les Levis portent depuis le XIIe à la suite de leur participation dans la croisade contre les albigeois). Son époux est fait duc le 25 septembre 1751, tant pour ses talents militaires que pour ses capacités de diplomate. Nommé lieutenant-général et gouverneur des Pays de Vivarais et Velay, du diocèse d'Uzès et de la province du Languedoc en 1755, il est fait maréchal de France le 24 février 1757 par Louis XV. Il meurt le 24 septembre 1757 à Montpellier laissant son épouse veuve pour la seconde fois. Aucun enfant n'est né de cette union (fr.wikipedia.org - Anne-Marguerite-Gabrielle de Beauvau-Craon).

Charles-Louis Juste Élie Marie Joseph Victurnien de Beauvau, 6e prince de Beauvau est né le 5 mars 1878 et mort le 15 septembre 1942. Fils du prince Marc de Beauvau-Craon (1816-1883) et de sa seconde épouse, Marie Adèle de Gontaut-Biron (1848-1938). Il tomba passionnément amoureux de la princesse Bibesco, Marthe Lahovary, mais ne put l'épouser. Marthe Lahovary épouse le prince George-Valentin Bibesco, fils de George Bibescu et de Valentine de Riquet de Caraman-Chimay, née à Ménars près de mer en Loir et Cher (fr.wikipedia.org - Charles-Louis de Beauvau-Craon, nonagones.info - La Chouette d’Or - Hypothèses - Sotie valentinique).

Le Thé à l'anglaise dans le salon des Quatre-Glaces au Temple, avec toute la cour du prince de Conti écoutant le jeune Mozart. Toile de Michel Barthélemy Ollivier présentée au Salon de 1777. (Musée du Louvre, Paris.) - - www.larousse.fr