Partie IX - Synthèse   Chapitre LVIII - Autour de Rennes   L’Affaire Gélis et les charpentiers d’Isaïe   
AFFAIRE GELIS ISAIE CHARPENTIERS BOSNIE

Quelques autres Gélis

Joseph Antoine Lucie Géli ou Gélis

Mgr de Bonnechose passe définitivement au siège d'Evreux ; la lettre autographe du Pape, écrite en Italien et qui manifeste à notre vénéré prélat le désir de S. S., conforme à celui de l'Empereur Napoléon, est arrivée, il y a peu de jours, et la démission du siège de Carcassonne a été envoyée aussitôt. Il parait cependant que cette démission ne deviendra définitive que par l institution canonique qui devra être donnée à Borne et par l'edregistremeat des bulles qui la consacreront au conseil d'Etat ; en sorte que Sa Grandeur conservera jusque.là l'administration du diocèse. Il se séparera cependant de nous, selon toutes les probabilités, dans le courant de la semaine prochaine, et le Moniteur nous révèlera bientôt le nom de son successeur. Il est question de Mgr Tirmache , ancien curé de Ham, second aumônier de l'Empereur; on parlait aussi dans un monde qui est bien informé, de MM. Lecourtier, théologal de la métropole de Paris et curé de Notre-Dame, et Ginious, vicaire général de Bordeaux, frère de Mgr l'évéque de Beauvais.

- La commune de Leuc, aux environs de Carcassonne, a été envahie par l'épidémie régnante il y a à peine 6 jours, et déjà le nombre des victimes est de plus de 40, sur une population de 700 âmes seulement. MM. les docteurs Bellemanière, Ressi guier, Bonnafous et Castel ont vainement accouru sur les lieux et prodigué leurs soins aux malades, le fléau semble vouloir constater de plus fort l'insuffisance de l'art médical. M. Larrey, secrétairegénéral, remplissant par intérim les fonctions de préfet, alla lundi dernier porter des paroles de consolation à cette population si cruellement décimée ; M. ,Moutardier, commissaire de police, M. le capilainede gendarmerie, M. le maréchal-des-logis et deux gendarmes se rendent tous lesjours au milieu d'elle, et cependant la consternation est encore au comble M. l'abbé Gélis, dont on avait mal à propos annoncé la mort, a fait des prodiges de charité. Il a été, dans les premiers moments, secondé par M. Alboize, curé de Cavanac; niais quand la situation de Leuc a été connue à Carcassonne, c'est M. l'abbé Verguet, c'est le courageux missionnaire du vicariat de Mélanésie, qui a voulu porter les secours de la religion, et depuis lors, on le rencontre au chevet du lit de tous les malades, de tous les mourants, inspirant à tous les sentiments de foi et de résignation, dont il a lui-même fait preuve bien souvent; avec l'abbé Verguet, se trouvent, concourant à la même oeuvre, deux soeurs de la Sainte-Famille. Dieu veuille que les jours de deuil finissent bientôt ! (Courrier de l'Aude). (Journal de Toulouse, 26 et 27 décembre 1854 - images.jdt.bibliotheque.toulouse.fr).

Il s'agit de Joseph Antoine Lucie Géli ou Gélis, né le 2 novembre 1791, d'une famille bourgeoise de Carcassonne, mort le 7 avril 1855.

1854, Décembre. Choléra : Les médecins qui se sont transportés sur les lieux ont constaté... qu'il s'agissait d'une épidémie de choléra, présentant un caractère de gravité insolite. La pluspart des cas se sont présentés sans prodromes, et les personnes attaquées ont succombé en quelques heures. La maladie a présenté chez un grand nombre de malades, tous les caractères du choléra asiatique. A son apparition, c'est-à-dire le 16 décembre, sur une population de 634 habitans, le chiffre des décès avait été de 23 dans une seule nuit; le 23 du courant, le nombre total des décès était de 47 ; dans la nuit du samedi au dimanche 24, il y a eu 5 décès ; et aujourd'hui (27) à midi, on en comptait 3... Les autorités civiles et religieuses luttent de zèle. M. Gélis, curé de la paroisse depuis près de 35 ans, donne tous les jours des preuves d'un courage infatigable (Courrier de l'Aude , du 27 décembre 1855. no 17. — v. le même journal, des 20, 23 et 30 décembre 1854. no 15,16 et 18. — v. aussi: Echo de l'Aude, des 23 et 30 décembre 1854. nos 329 et 330) (Alphonse Jacques Mahul, Cartulaire et archives des communes de l'ancien diocèse et de l'arrondissement administratif de Carcassonne, Volume 5, 1867 - books.google.fr).

Louis Gélis et la Sainte Famille

Un Louis Gélis fut aumônier des Soeurs de la Sainte Famille de Pézens en 1940 (Journal La croix, 20 juillet 1942 - gallica.bnf.fr).

Sœurs de la Sainte—Famille : Mlle Henriette d’Hautpoul (sœur de M. le marquis d’Hautpoul), fonda, en 1834, l'Institut charitable et enseignant des Sœurs de la Sainte-Famille, dont le double but serait l'instruction des jeunes filles et le soin des malades, spécialement dans les villages qui sont trop souvent privés de ces bienfaits. Les fondements de cette institution furent posés par la réunion de quatre jeunes personnes, à la maison de campagne nommée la Criminelle, appartenant à Mlle d'Hautpoul, située paroisse de Couffoulens, sur la route de Carcassonne à Limoux. Bientôt après, feu Mgr de Saint—Rome Gualy, évêque de Carcassonne, installa ce petit personnel à Saint-Papoul, aujourd'hui résidence principale de la famille d’Hautpoul. Vers la même époque, M l'abbé Bastoulh, depuis 1825 curé de Carlipa, commune voisine de Saint-Papoul, découvrit, par un hasard providentiel, l'arrêt d'homologation par le parlement de Toulouse, en date du 15 février 1786, de testament de M. Joseph Cros, ancien curé de Carlipa. Le testament est du 20 décembre 1768, et le testateur était décédé le 28 juillet 1787. Il avait institué les pauvres ses légataires universels, et avait fondé à Carlipa une école pour l'instruction des jeunes filles du lieu, avec une rente perpétuelle de 100 fr. affectée à l'entretien de la régente. La révolution, qui dévore tant d'établissements fondés par la charité de nos pères, empècha aussi l'exécution des volontés du pieux curé de Carlipa. Le bureau de bienfaisance du lieu fut investi de l'héritage de M. l'abbé Cros. Cet état de choses durait depuis plus de 30 années, lorsque la découverte du testament de M. Cros, passé à l'état de vague tradition, inspira à M. l'abbé Bastoulh la bonne pensée de faire revivre l'exécution des volontés de son prédécesseur. A cet effet, il s'adressa à son évêque qui l'autorisa a traiter cette affaire avec l'autorité administrative. Une somme capitale de 16,000 fr., provenant du legs de M. Cros, inscrite au grand-livre de la dette publique, avait été réduite au tiers par les lois révolutionnaires. D'autre part, on criait à la spoliation du bureau de bienfaisance, et l'école fondée par M. Cros avait disparu depuis bien des années. Malgré toutes ces difficultés, grâce à la fermeté et aàla justice de M. Boullé, alors préfet du département de l'Aude, le bureau de bienfaisance de Carlipa alloue annuellement, sur son budget, la somme de cent francs, pour desservir la fondation de Carlipa, conformément au titre primitif de la donation qu'il avait reçue de l'abbé Cros. Ce premier succès obtenu, M. l'abbé Bastoulh, curé de Carlipa, obtint de Mgr l'évéque de Carcassonne, en 1836, deux personnes de la petite communauté de Saint-Papoul, qu'il s'applique à former, pour les ttré en état de diriger l'école des jeunes filles.

A partir de 1837, les Sœurs de la Sainte-Famille furent demandées par plusieurs cotnmunes du diocèse. M. le comte Gérard de Pins leur offrit en don son ancien château de Pezens. Le conseil municipal de ce village, sous l'administration de M. Théodore Belloc, a appelé les Sœurs de la Sainte-Famille pour régir son école des filles, et la communauté s'est transportée à Pezens, arrondissement de Carcassonne, aujourd'hui chef—lieu de l'Institut, le 8 décembre 18. Les Sœurs de la Sainte-Famille ont été reconnues comme Institut religieux à supérieure générale, par décret Impérial du 3 janvier 1853. L'institut compte aujourd'hui (mars 1854) 88 religieuses et 1,620 élèves. Le personnel est réparti dans 16 communes : Alairac, an. 1847. Elèves 50. ; Aleth, ancien siège épiscopal. 1851. Elèves 80. ; Alzonne, sonne, siège épiscopal. 1848. Elèves 90. ; Arzens, 1840. Elèves 78. ; Belcaire, chef-lieu de canton. 1842. Elèves 85. ; La fondation de cette maison est due à M. L'abbé Médus, originaire du lieu, ancien vicaire général de Pamiers, et à M. l'abbé Bonnerie, curé de Belcaire, qui s'est associé à l'oeuvre en construisant le couvent à ses frais. ; Carcassonne, siège épiscopal. 1846. Les Sœurs de de la Sainte-Famille sont chargées de la lingerie et de l'infirmerie du collège communal, nouvellement érigé en lycée impérial ; Carlipa, Fondation et dotation de l'école des filles, par testament de M. Cros, curé du lieu, en date de 1768 (voir ci-dessus). Organisation de la communauté en 1836. Nombre des élèves 60. ; Conques, chef—lieu de canton. 1842. M. de Moux, membre du conseil général de l'Aude, a fondé une salle d'asile confiée, en même temps que l'école des filles, aux Sœurs de la Sainte-Famille. Le personnel des deux établissements s'élève au chiffre de 200. ; La Bécède-Lauraguais. 1839. Élèves 50. ; Narbonne, ancien siège épicopal. 1847. Nombre des élèves 350. Cet établissement est dû au zèle et au dévouement de M. Bazimbaud, curé de l'ancienne église collégiale de Saint-Paul-Serge. ; Ornaisons. 1853. E1èves 10. ; Pezens, maison mère. 1851. Elèves 80. ; Peyriac-Minervois, chef-lieu de canton. 1844. Ecole, crèche, salle d'asile. C'est l'établissement, a raison duquel l'Académie française a décerné un des grands prix Monthyon à M. l'abbé Bertran, curé de Périac— Minervois, fondateur. Il en a été parlé en détail dans les Annales de la Charité (année 1853 page 310). Nombre d’élèves des établissements réunis 250. ; Rivel de las Semals, 1844. Élèves 60. ; Tuchan, chef—lieu de canton. 1853. Elèves 90. ; Villepinte, 1845. Élèves 60. ; La commune de Saint-Papoul, ancien siège épiscopal, est actuellement en instance pour l'établissement d'une maison de Sœurs de la Sainte-Famille. Il n'est pas un seul village du département de l'Aude qui ne s'estimât heureux de confier à ces pieuses filles son école et le soin de ses pauvres malades, si ses ressources pouvaient le lui permettre. Aucune bonne œuvre ne mérite plus que celle-là d'être signalée au zèle de MM. les curés des villages, et à la charité des bons catholiques de la province. (Ces documents nous sont fournis par M. Mahul, ancien député et ancien préfet) (M. Martin-Doisy, Dictionnaire d'économie charitable, Tome III, Troisième et dernière Encyclopédie théologique, Tome VII, Migne, 1856 - books.google.fr).

L'institut fut absorbé en 1972 par les Soeurs de la Sainte-Famille de Villefranche-de-Rouergue (data.bnf.fr - Soeurs de la Sainte-Famille de Pezens).

En 1831, M. l'abbé Bonnisson, doyen pro-curé de Saint-Papoul, arrondissement de Castelnaudary (Aude), de concert avec M. le marquis d'Hautpoul et Mlle Henriette, sa sœur, formèrent le pieux projet d'établir une congrégation religieuse pour donner des soins aux malades et l'instruction aux enfants pauvres. Il choisit pour cela, quatre filles de Saint-Papoul, désireuses de se consacrer au service de Dieu. Mlle d'Hautpoul les logea dans une maison dont elle fit l'acquisition; bientôt après, plusieurs autres filles vinrent se joindre aux premières, et vécurent ensemble, vêtues d'un costume religieux, sans toutefois avoir une règle approuvée par l'autorité ecclésiastique. Elles étaient appelées sœurs de SaintPapoul. A peine cette pieuse réunion comptait-elle cinq années d'existeBce, lorsqu'elle fut détruite par les mésintelligences survenues entre les sujets et les supérieurs. Les religieuses retournèrent dans leur foyer paternel, à l'exception de deux, dont l'une était la supérieure. Mlle d'Hautpoul, voyant que son but n'était pas rempli, reprit lamaisonet ordonna aux deux religieuses de se retirer, et elles allèrent loger dans une maison particulière. Cinq mois avant cette débacle, M. l'abbé Bastoul. curé de Carlipa, arrondissement de Castelnaudary (Aude), prit connaissance d'un testament de M, Cros, son prédécesseur, dont il est fait mention dans le parlement du Toulouse, dans lequel il a légué une pension annuelle de cent francs à la régente de l'école des filles de cette paroisse. Ce legs fit espérer à M. Bastoul qu'il pourrait réaliser l'ardent désir qu'il avait depuis longtemps, d'avoir deux religieuses, afin de donner aux jeunes filles confiées à sa sollicitude pastorale une éducation chrétienne, et leur faciliter le moyen de faire plus tard le bonheur de leur famille. Mais cent francs n'étaient pas suffisants pour la réalisation de son projet ; néanmoins il résolut de s'imposer tous les sacrifices possibles, pour subvenir aux urgentes dépenses de son nouvel établissement. Il n'avait que cinq francs en bourse, quand il fit l'achat de la maison; parce que les abondantes aumênes qu'il répandait dans le sein des pauvres le réduisaient souvent à l'indigence. Plein de confiance en Dieu, ce digne prêtre emprunta deux mille francs, pour l'achat elles réparations de cette maison. Puis il s'adressa à M. Bonisson, et le pria de lui donner de ses religieuses pour fonder un établissement dans sa paroisse. Deux religieuses furent désignées pour aller habiter Carlipa, et bientôt après une troisième vint se joindre aux deux premières; la supérieure qui fut chargée de diriger cette nouvelle communauté a successivement depuis exercé les fonctions de supérieure générale dans la Sainte-Famille. Dieu bénit les soins que ces trois sœurs donnèrent aux malades, et le zèle avec lequel elles instruisaient les enfants dont l'éducation leur fut confiée. Cependant Mgr de Saint-Rome, apprenant que de graves difficultés s'étaient élevées à Saint-Papoul, déclara que cette réunion ne pouvait exister, et ordonna aux deux religieuses qui y restaient encore, de quitter le costume religieux, et de reprendre l'habit du monde. Puis il écrivit à M. Bastoul d'aller à Carcassonne, que Sa Grandeur avait une affaire importante à lui communiquer.

Ce digne prêtre s'y rendit immédiatement, et Sa Grandeur lui fit part de la dispersion de la communauté de Saint-Papoul, et du désir qu'il avait de le charger lui-même de fonder un établissement de religieuses, pour le soin des malades et l'instruction des jeunes filles qui habitaient les villages, avec les trois religieuses qu'il avait déjà; ou bien d'en prendre d'autres, si toutefois celles qu'il avait n'étaient pas décidées à rester. M. l'abbé Bastoul s'y refusa d'abord; car sa profonde humilité lui faisait croire qu'il était tout-à-fait incapable de fonder une œuvre si importante; quelques jours après, Monseigneur lui écrivit de se rendre à son palais et lui intima l'ordre de fonder le susdit établissement. L'obéissance et le désir ardent de faire en tout la volonté de Dieu, manifestée parcelle de ses supérieurs, lui fit accepter cette charge malgré les répugnances qu'il en avait.

Les religieuses de Carlipa apprirent avec une grande douleur la destruction de leur maison-mère; mais, bien déterminées à demeurer dans le saint état qu'elles avaient embrassé, elles reconnurent M. Bastoul pour leur supérieur et Monseigneur donna à cette communauté le nom de Sainte-Famille.

Il serait trop long de dire ici les fatigues et les sacrifices que ce zélé pasteur s'imposa pour la fondation de cette communauté, qui, dès le principe, ne paraissait avoir aucun moyen d'existence. L'exemple de la vie pauvre et des vertus que pratiquaient les premières sœurs de la Sainte-Famille, firent bientôt de vives impressions sur le peuple. Plusieurs jeunes filles désireuses de se consacrer au Seigneur vinrent frapper a la porte du petit couvent de Carlipa et demandèrent à y être admises.

Mgr de Gualy ne cessait de lui donner des marques de son vif intérêt; il leur envoya lui-même plusieurs postulantes. Des prêtres, témoins du changement qui s'était opéré dans Carlipa, voulurent aussi partager ces avantages, et demandèrent des sœurs de la SainteFamille dans leurs paroisses ; plusieurs établissements furent fondés entrès peu de temps.

En 1841, M. le comte Gérard de Peins offrit à M. Bastoul son ancien château, situé à Pézens, distant de 8 kilomètres de Carcassonne. La maison-mère y fut transférée. Alors M. Bastoul se démit de la cure de Carlipa, pour se livrer entièrement à la direction de son œuvre. La communauté de la Sainte-Famille a pris, depuis lors, tant d'extension, qu'elle compte actuellement cinquante-huit maisons particulières.

Notre congrégation a été approuvée par décret impérial du 3 janvier 1853. Nos règles ne diffèrent de celles des Dames de la Charité qu'en ce que nous admettons les classes payantes et la tenue des pensionnats. Notre costume est semblable à celui des religieuses de Notre-Dame, sauf une bande de batiste blanche, appelée modeste^ eroisée m cœur sous le menton, une guimpe dite votive qui descend jusqu'à la ceinture, et une croix suspendue à un cordon noir et reposant sur la poitrine. Les novices font deux ans de noviciat. Les sœurs dela Sainte-Famille font les trois vœux de religion, perpétuels ou annuels, selon la disposition des sujets. Nos règles et nos constitutions tendent au dénûment évangélique, à l'entière abnégation de sa propre volonté et prescrivent le plus grand éloignement pour tout ce qui tient de l'esprit et des manières du monde. (Abbé Maillaguet, Le miroir des ordres et instituts religieux de France, 1865 - books.google.fr, Alphonse Jacques Mahul, Cartulaire et Archives des Communes de l'ancien diocèse et de l'arrondissement administratif de Carcassonne, vol. 1-6, Partie 1, 1857 - books.google.fr).

Bastoul est l'auteur de Prosodia latina. Quantité et versification latines. Castelnaudary, impr. de Labadie; Paris et Lyon, Périsse, 1836, in-12. (Porte la signature manuscrite autographe de l'auteur) (Paul Chéron, Catalogue général de la librairie française au XIXe siècle, Volumes 1 à 2, 1856 - books.google.fr).

Pendant la guerre de Flandres, Jean-Henri d'Hautpoul, alors jeune officier au régiment de Bourbon-Busset, se trouva au siège d'Ath (1745) avec un de ses amis et compatriote, le jeune marquis de Foucaud, officier au Royal-Dragons.

Marie-Constant-Fidèle-Henri-Amand d'Hautpoul était né le 30 septembre 1780, au château de Lasbordes, près Castelnaudary, de Jean-Henry (1725-1804), marquis d'Hautpoul-Félines, chevalier de Malte et de Saint-Louis, ancien lieutenant-colonel du régiment de Royal-Picardie-cavalerie, et d'Anne-Henriette-Elisabeth de Foucault d'Alzon, épousée en 1770. Il fut en 1834 précepteur du duc de Bordeaux à Pragues. Le général Alphonse d'Hautpoul, cousin du général d'Hautpoul Salettes qui fut tué à Eylau, était frère du général Amand d'Hautpoul qui participèrent tous aux campagnes napoléonniennes. De même un certain Louis Bastoul, né à Montolieu (Aude) le 19 août 1753, et mort à Munich (Allemagne) le 15 janvier 1801 après avoir été blessé à la bataille de Hohenlinden, atteint par un boulet qui lui broie la jambe, qui général de brigade à la Révolution française (fr.wikipedia.org - Louis Bastoul).

Une soeur, Henriette Rose d'Hautpoul, est née le 10 mars 1777, morte sœur de charité de Saint-Vincent de Paul à l'hôpital de Dourdan, le 7 février 1804. Une autre, celle qui hérita de sa mère Madame de Foucaud (ou Foucault) la maison de la Criminelle à Couffoulens est Anne Henriette Claire enterrée à Carcassonne :

ICI REPOSE

ATTENDANT LA RESURRECTION GLORIEUSE

LA VENERABLE DEMOISELLE

ANNE-HENRIETTE-CLAIRE D'HAUTPOUL

Décédée le 21 juillet 1860 dans sa 86è année

OPERA JUSTITIAE EJUS QUIS ENNUNTIABIT

ECCLES. CH. XVI

QUI POURRAIT SEULEMENT ENUMERER

LA MULTITUDE DE SES Å’UVRES CHARITABLES

PRIEZ POUR ELLE (Patrick Mensior, CHERCHEURS A L'ANCIENNE !, 2 juin 2013 - renneslechateau-fr.com).

La congrégation des sœurs de l'Ange Gardien est une colonie de la congrégation des sœurs de l'Instruction-Chrétienne, dont la maison chef-lieu est à Saint-Gildas-des-Bois, diocèse de Nantes. L'une et l'autre reconnaissent pour leur fondateur le vénérable abbé Deshayes que son zèle infatigable et sa charité font retrouver bien des lois dans l'histoire de plusieurs congrégations religieuses dont il a été le fondateur, le restaurateur ou le dévoué protecteur.

Le P. Deshayes, qui avait déjà fondé un noviciat de frères de l'Instruction dans le diocèse de Digne, répondit avec empressement à la demande d'un noviciat de sœurs dans le Midi. Le conseil de la congrégation s'effrayait des charges et surlout de la responsabilité d'une fondation aussi éloignée de la maison mère; le digne supérieur, M. l'abbé Angebault, depuis évêque d'Angers, partageait ces craintes et signalait ausîi de graves difficultés. Il ne se rendit entin aux désirs du P. Deshayes qu'à la condition ex-' presse que la colonie du Midi serait tout; a fait indépendante de la communauté mère.

Le choix des sujets pour cette importante fondation ne laisse aucun doute sur les motifs qui "arrêtèrent pendant deux années entières l'exécution de ce projet et prouve combien l'on avait à cœur d'en assurer la réussite. Les trois sœurs fondatrices furent installées dans la nouvelle communauté à Quillan, diocèse de Carcassonne, le 3 décembre 1839. Elles déménagèrent depuis à Montauban.

Les sœurs de l'Ange-Gardien se consacrent spécialement au soin des malades pauvres à domicile et à l'éducation des enfants de la classe ouvrière dans les crèches, les salles d'asile, les écoles primaires et les ouvroirs. Les indigents sont admis gratuitement. Les sœurs tiennent aussi des écoles mixtes (Dictionnaire des ordres religieux, Encyclopédie théologique, Tome 23, Migne, 1859 - books.google.fr).

Bertrand Gélis

Le nommé Bertrand Gélis, condamné à mort par contumace, par arrêt de la cour d'assises de l'Aude rendu en 1808, qui s'était refugié en Espagne, était rentré en France après la prescription de la peine, et s'était retiré auprès de sa nièce, la demoiselle Marguerite Gélis, chez laquelle il est décédé en 1838, après l'avoir récompensée de ses soins, par la donation manuelle qu'il lui avaii faite de» biens dont il se trouvait alors le maître, et qui consistaient en argenterie et billets de commerce à l'ordre de Gélis, pour une valeur totale de 25,000 tr. environ. — M. le préfet de l'Aude, au nom de l'État, et en vertu des dispositions de l'art. 33 c. civ., prétendit que l'État élait devenu propriétaire des biens laissés par Gélis à son décès, par droit de déshérence, ne tenant ainsi aucun compte de la donation manuelle qui avait transmis la propriété de ses biens a la demoiselle Gélis. Celle-ci soutint que la donation que son oncle lui avait faite, et contre la sincérité de laquelle il ne s'élevait aucun doute, élait valable, comme rentrant dans la classe des actes dont la capacité était restée au mort civilement. — Jugement du tribunal de Carcassonne qui adopte ces moyens de défense, et maintient la demoiselle Gélis dans la propriété des biens compris dans la donaiion manuelle dont il s'agit. — Appel par le préfet. — Le ministère public conclut a la confirmation du jugement par des considérations tirées du droit des gens et de la loi romaine De interdictis et religatis, L. 15 au Dig., et reconnaît positivement le mort civil comme capable de donation manuelle, contrat de pur droit des gens. — Arrêt. (Jurisprudence générale, Volume 18, 1850 - books.google.fr).

L'Assassinat de l'abbé Antoine Gélis

Dans les journaux

L'Assassinat du Curé de Coustaussa : Nous lisons dans le Petit Journal, au sujet de cet épouvantable crime : C'est bien un peu à dessein — tout le monde le dit ici, du moins — que le parquet semble depuis quelque temps vouloir faire le silence sur l'abominable attentat dont le vénérable curé Géiis fut récemment victime. Non seulement, en effet, l'affaire n'est pas classée, mais elle est, au contraire, suivie avec une attention et une activité des plus persévérantes, de sorte que le sombre mystère qui pèse depuis trop longtemps sur elle ne saurait tarder à être éciairci. L'instruction a déjà établi que le mobile du crime ne nouvait être ni le vol, ni la vengeance. Il se trouvait en effet dans la chambre de la victime, au moment de l'assassinat, certaines sommes d'argent et d'or ainsi que des titres soit nominatifs, soit au porteur. Or, les tiroirs dans lesquels étaient ces objets ont été ouverts et fouillés de fond en comme par l'assassin et pas un centime, pas un titre n'ont été emportés. On ne neut non plus soupçonner la vengeance. M. l'abbé Gélis, déjà presque septuagénaire - il avait soixante-neuf ans — vivait tranquille, ne fréquentait personne et se consacrait exclusivement aux devoirs de son ministère. Il était d'un naturel très calme, n'avait jamais eu de difficulté avec personne depuis quarante ans qu'il desservait cette paroisse, n'avait certainement pas d'ennemi L'assassin qui l'a frappé, — la justice en est convaincue aujourd'hui - n'avait qu'un but : le supprimer pour piuvoir librement rechercher dans ses papiers intimes une pièce dont il voulait s'emparer pour la supprimer également. Elle y était si bien qu'il l'a eue entre les doigts, mêlée à d'autres papiers, qu'il l'a même manipulée à plusiuers reprises, mais toujours sdans l'apercevoir, et que, de guerre lasser, aveugle peut-être par le sang de la victime ou épouvanté par ses râles, il s'est enfui, renonçant à la chercher plus longtemps. Comme on le pressent, la justice en sait long sur ce drame poignant. Elle l'a déjà très approximativement reconstitué dans ses détails les plus palpitants et elle en connaît absolument tous les acteurs. Elle sait qui a frappé l'abbé Gélis ; elle sait comment et pourquoi qui l'a frappé. Encore quelque temps et l'assassin qui, d'ailleurs, est étroitement surveillé à cette heure, sera enfin mis sous les verrous (L'Epress du Midi, 18 novembre 1897 - images.expressdumidi.bibliotheque.toulouse.fr, L'Etoile de la mer, 2 novembre 1897 - mnesys-viewer.archives-finistere.fr).

De notre correspondant do Carcassonne. Carcassonne, 2 novembre : Le vénérable curé de Coustaussa, petit village de 168 habitants, à trois kilomètres de Couiza, M. Antonin Gélis a été assassiné dans la nuit de dimanche à lundi dans son presbytère. Il a été trouvé lundi matin dans sa cuisine la face contre le sol, baignant dans une mare de sang. Il portait, à la nuque, une blessure profonde, qui a été faite par un instrument contondant. M. l'abbé Gélis était agé de 70 ans. Né en 1827 à Couiza. Il avait été ordonné prêtre en 1852 et nommé curé à Coustaussa en 1857. Il y avait donc quarante ans qu'il était à la tête de la paroisse, entouré de l'estime et de la vénération de tous. M. l'abbé Gélis était l'oncle de M. l'abbé Malot, chapelain du hameau de Grèzes. Le vol a été le mobile du crime. Une fois leur forfait accompli, les assassins ont fouillé le presbytère et ont ensuite pris la fuite en emportant deux ciboires, l'un en argent, l'autre en vermeil. On attribue l'assassinat à deux chemineaux, aperçus, ce matin, dans le village, avec chacun un baluchon sur l'épaule. Ils se disaient ouvriers charpentiers. L'un, paraissait âgé de 55 à 60 ans et portait la barbe entièrement grisonnante ; l'autre d'une quarantaine d'années, était grand et fort. Les brigades de gendarmerie de Couiza et de Limoux se sont mises aussitôt à la recherche de ces individus. Le parquet de Limoux s'est transporté sur les lieux et a procédé aux constatations d'usage dans l'après-midi de lundi. Hier, au moment de se rendre à la cathédrale où il devait présider les vêpres, Mgr Billard a reçu un télégramme de de M. le curé-doyen de Couiza, lui annonçant la nouvelle. En termes émus, Monseigneur a demandé aux fidèles des prières pour le vénérable défunt. A l'heure où vont partir ces lignes, aucune arrestation n'a été encore opérée (L'Express du Midi, 3 novembre 1897 - images.expressdumidi.bibliotheque.toulouse.fr).

On croit que l'assassinat a été commis par deux chemineaux aperçus hier matin dans les environs du village. L'un paraissait avoir de cinquante-cinq à soixante ans et portait toute sa barbe grisonnante ; l'autre doit être âgé d'une quarantaine d'années, est grand et fort, et tous deux se disaient ouvriers charpentiers (Petit Journal de Paris, 2 novembre 1897) (Elisandre, Rennes-le-Château, Le puzzle Luciférien, 2012 - books.google.fr, www.reinedumidi.com - Gelis).

L'autopsie du corps du regretté abbé Gélis, opérée par M. le docteur Benoit, de Limoux, a permis de constater que la victime avait reçu une quinzaine de blessures à la tête. Le meurtrier a frappé avec une hachette et avec de grosses pincettes de cheminée, en fer forgé, qui étaient dans la cuisine. La hachette n'a pas été retrouvée, mais les pincettes ont été laissées sur place. Elles était couvertes de sang et s'adaptaient parfaitement à plusieurs des blessures reçues par le vénérable vieillard. Il y avait dans l'évier de l'eau rougie et le verre dont nous avons parlé hier qui se trouvaitsur la table à côté d'une bouteille de vin de grenache portait également des taches de sang, ce qui porte à croire que le meurtrier, une fois son forfait accompli, a dû se laver les mains et boire devant le cadavre ensanglanté de sa victime. Ainsi que nous l'avons déjà dit, il n'y a a pas eu de vol. Par suite, la piste des deux chemineaux a dû être abandonnée. Il parait certain aussi que le crime a été commis sur le matin. L'abbé Gélis, en effet portait des molletières en cuir qu'il ne mettait que pour se rendre à cheval à Cassaignes, peit village desservi par lui. En indiquant que M. l'abbé Gélis se disposait à partir, ces molletières permettent aussi de supposer que la victime a été appelée par une personne comme pour aller porter les derniers secours à un mourant hors du viiiage, à Cassaignes, par exemple. Et alors le criminel serait un paroissien même de l'abbé Gélis. La rumeur publique parle de vengeance. On dit que des personnes masquées ont pénétré, il y a quelques années dans le presbytère et y orit maltraité le curé. Tous ces bruits divers sont de nature, croyons-nous, à mettre la justice sur la trace des coupables, bien que ses recherches aient pu être égarées à la première heure sur une fausse piste (L'Express du Midi, 6 novembre 1897 - images.expressdumidi.bibliotheque.toulouse.fr).

Cinq jours se sont écoulés depuis l'horrible assassinat de l'abbé Gelis, et l'instruction n'a nas encore fait un pas. Les chemineaux qu'on avait cru tout d'à bord être les assassins, ont été arrêtés à Camnpagnac par la gendarmerie de Quillan mais où a dû les laisser en liberté un alibi avant été fourni par eux. On sait, d'ailleurs, que le meurtre ne doit pas être attribué a de vulgaires valeurs. Les plus proches voisins du presbytère ont été interrogés. Personne n'a rien vu, rien entendu : les bâtiments contigus au presbytère ne sont pas habités. Le seul point évident de cette affaire mystérieuse, c'est que ie criminel ne peut être ou'un habitant du pays. Il est certain aussi qu'il a fouillé les meubles, les tiroirs. De quelle pièce compromettante pour lui, le vénérable curé da Coustaussa était-il détenteur ? L'examen des registres, des notes et paniers de la victime le dévoilera peut-être et mettra la justice sur ia véritable piste du criminel (L'Express du Midi, 7 novembre 1897 - images.expressdumidi.bibliotheque.toulouse.fr).

M. Antoine Gelis, curé de Coustaussa, petite commune de l'arrondissement de Limoux, a été trouvé assassiné hier matin dans sa cuisine. Le pauvre curé était couché la face contre le sol et baignait dans une mare de sang. Il portait au côté gauche de la tête une large et profonde blessure paraissant faite avec un instrument contondant. Les auteurs présumés de cet assassinat sont deux chemineaux vus la veille dans le village et qui ont disparu après le crime. Divers objets, dont deux ciboires en argent et vermeil, ont été enlevés. L'abbé Gelis, âgé de soixante-dix ans, était depuis quarante ans curé de Coustaussa (Courrier du Finistère, 6 novembre 1897 - mnesys-viewer.archives-finistere.fr).

Cassaignes

Le grand tableau central est en partie dissimulé par l'autel ; le Christ agonise sur la croix, les yeux levés ; la Vierge à sa droite se tient debout, les bras étendus. Elle est vêtue d'une longue cotte rouge à plis verticaux et d'un ample vêtement de dessus, de couleur noire. Son visage, fin et pensif, témoigne d'une indéniable délicatesse d'exécution. Le traitement de saint martin est, en revanche, plus grossier (Ph.-G Richard, Directeur des services d'Archives de l'Aude - www.pays-de-couiza.com).

Le titulus du tableau central porte un INRI avec le N inversé.

Le prophète Isaïe

Les bandes molletières ou la fuite à cheval

L'abbé Gélis portait donc des bandes molletières comme s'il se préparait à monter à cheval où s'il en descendait.

La charrerie semble s'être développée en Juda à partir du VIIIème siècle, comme l'atteste Isaîe 2,7 qui parle d'un pays rempli de chevaux et de chars sans nombre. [...] Michée [...] connaît le thème des chevaux associés aux chars que Yahvé supprimera 5,9; de même son contemporain Isaïe souligne que la la force de son peuple est dans la confiance et non dans la fuite à cheval et avec des chars rapides Is 30,16. (Mathias Delcor, Remarques sur la datation du Ps 20 comparée à celle du psaume araméen apparenté dans le papyrus Amherst 63, Mesopotamica, Ugaritica, Biblica: Festschrift für Kurt Bergerhof zur Vollendung seines 70. Lebensjahres am 7. Mai 1992, 1993 - books.google.fr).

Les charpentiers-chemineaux

Les chemineaux premièrement incriminés se disaient charpentiers.

Mainte légende discutée par M. Dähnhardt (Natursagen, Band II, Sagen zum Neuen testament, 1909) peut encore être rapprochée de l'aggada. Voici par exemple un rapport curieux. Lors de la fuite en Egypte la sainte famille fut poursuivie par des larrons. Près du Caire on montre aujourd'hui encore le figuier qui s'est ouvert pour protéger les fugitifs. Dans les Abruzzes on raconte le même fait d'un olivier. M. Dàhnhardt (p. 47) renvoie à la légende sur la mort du prophète Isaïe chez Eutychius et Suidas : poursuivi par le ici Manassé, Isaïe est enveloppé et caché par un cèdre qui s'ouvre, le roi fait scier le cèdre et avec celui-ci aussi le prophète. M Dàhnhardt démontre que la légende fut aussi appliquée par les Mahométans à Zacharie et à Hassan-Houssein, fils d'Ali, glorifié par les Chiites (pp. 47-49.) Il a échappé à M. Dähnhardt que nous sommes ici en face d'une tradition apocryphe (l'Ascension d'Isaïe), targoumique et aggadique. Le Talmud Sanhédrin 103 b nous expose les motifs qui poussèrent Manassé à tuer Isaïe. Le Targoum indique la forme du supplice : « Un caroubier ouvrit sa bouche et avala le prophète, le roi fit venir des charpentiers, qui scièrent l'arbre, et le sang d'Isaïe s'écoula. » Dans Yebamot, 49 b et j. Sanhédrin, 28 c, le caroubier est remplacé par le cèdre, — c'est la version courante de la légende. Une tradition iranienne, abondante en variantes, fait subir le sort d'Isaïe à Djemshîd ou Yima. (Bernard Heller, Bibliographie, Revue d'Etudes juives, Tome 61, 1911 - archive.org).

Le roi impie Manassé, fils d'Ezéchias, a le même nom que l'un des deux fils de Joseph et Aséneth, l'autre étant Ephraïm.

Le roi Manassé n'est pas une figure très connue de l'Ancien Testament comme le sont David, Salomon, Josias et d'autres. Pourtant, dans la pensée religieuse de l'histoire d'Israël, Manassé occupe une place importante. Manassé a régné sur Juda, à Jérusalem, plus longtemps que David et même plus longtemps que n'importe quel autre roi d'Israël et de Juda. La Bible dit qu'il a régné cinquante-cinq ans. Le récit sur Manassé se trouve en 2 Rois 21,1-18 ainsi qu'en 2 Chroniques 33,1-20. Or, fait étonnant, les deux récits ne le présentent pas de la même manière : Manassé est un personnage controversé. En 2 R, Manassé est un mauvais roi qui a fait le mal et qui a entraîné son peuple à faire le mal devant le Seigneur plus encore que les nations étrangères. Le récit finit par le décret de Dieu de détruire Jérusalem et Juda à cause de Manassé. En 2 Ch, Manassé est également un roi impie, mais la fin du récit le montre converti et fidèle à Dieu, après avoir été puni par un exil momentané. Il y a donc une grande différence entre les deux récits. Cette différence a des motivations théologiques que nous essayerons de mettre en lumière, en dialogue avec d'autres chercheurs. En effet, nous lisons un peu partout dans les commentaires que le récit de 2 Ch modifie la fin de la royauté de Manassé et rend celui-ci fidèle à Dieu pour expliquer pourquoi il a régné aussi longtemps. Cependant nous pensons que l'enjeu théologique est beaucoup plus profond encore et qu'il porte sur autre chose. Est-ce Manassé qui est à l'origine de la décision irréversible de Dieu de détruire le royaume du Sud ? Doit-il porter le poids d'une décision qui n'a été mise en application que plusieurs générations après lui ? Manassé lui-même est-il resté impuni ? Le récit de 2 R donne une réponse positive à ces questions, alors que celui de 2 Ch leur donne une réponse négative. Le règne de Manassé est donc un terrain de confrontation théologique. Il offre une occasion de réflexion sur le péché et ses conséquences, mais aussi sur la rétribution, la repentance et le pardon (Innocent Himbaza, Le roi Manassé: héritage et conflit du pardon, 2006 - books.google.fr).

Les anges souhaitaient la condamnation de Manassé, en lui fermant toutes les portes des prières qui sont au ciel, alors que Dieu, qui a le dernier mot, creusa une ouverture sous son trône pour recevoir et exaucer la prière de Manassé (Midrash Ruth Rabba 5,6).

Le martyre d'Isaïe s'effectue avec une scie comme dans le cas de l'abbé Gélis où un tel instrument a été retrouvé ensanglanté près de la cheminée (C. Boumendil, J. Rivière, G. Trappa, Le Secret de l'Abbé Gélis, 1896) (www.renneslechateaumysterie.be - Rapport Jean).

Dans l'iconographie, la vedette du supplice de la scie est ainsi le prophète Isaïe qui, selon la légende, fut scié avec l'arbre en creux dans lequel il s'était réfugié. Il faut attendre la fin du Moyen Age pour voir dans les images des bûcherons découper à la scie l'arbre qu'ils viennent d'abattre (à la hache). Dans la réalité, il semble que l'usage des scies se soit surtout développé à partir du XIIIe siècle. Mais il demeure très inégal selon les régions. Alors que la scie mécanique, par exemple, reste inconnue en Russie jusqu'à la fin du XVIIe siècle, alors qu'en plusieurs diocèses occidentaux, au XlVe siècle encore, des évêques condamnent son emploi et excommunient ceux qui s'en servent, en Italie du Nord, dès le XIIe siècle, on rencontre de véritables scies hydrauliques industrielles, permettant de scier en long.

Que reproche-t-on à la scie? Les griefs sont nombreux. On lui reproche d'abord d'être fragile et d'un emploi complexe, nécessitant deux hommes là où la hache n'en demande qu'un. Ensuite de coûter cher et d'être difficile à entretenir et à réparer. Puis d'être relativement silencieuse et donc de permettre de couper du bois en fraude. Enfin et surtout d'être lente et lâche, de ruser avec la matière, d'être cruelle avec le bois, de massacrer les fibres de l'arbre, d'empêcher la repousse des branches sur le tronc ou sur la souche, car la coupe à la scie favorise le pourrissement. Bref, on projette sur l'arbre et le bois les souffrances d'Isaïe et des saints suppliciés à la scie (Cyr, Jude, Simon). Quelques textes soulignent également la patience qu'il faut montrer pour user d'une scie ; ils la comparent à la lime, qui elle non plus n'attaque pas franchement la matière mais en vient à bout à force de patience. Ce sont des outils «féminins», des outils trompeurs et félons qui comptent sur la durée pour parvenir à leurs fins. Dans la sensibilité médiévale, scier et limer ont ainsi à voir avec la pratique de l'usure, dans tous les sens de ce terme. Ce caractère péjoratif de la scie s'étend bien au delà de l'outil et de ceux qui s'en servent. En fait, dans les systèmes de représentation médiévaux, tout ce qui est dentelé, déchiqueté, découpé en dents de scie connote quelque chose de mauvais. La ligne brisée est une mauvaise ligne, comparée à la ligne droite ou à la ligne courbe. L'héraldique et l'iconographie en usent largement pour souligner le caractère péjoratif, à un titre ou à un autre, d'un personnage : sur l'armoirie comme sur le vêtement, un décor fait de lignes brisées, de structures dentelées, denchées, vivrées, chevronnées, etc., a presque toujours une fonction dévalorisante. Celui qui le porte se situe hors de l'ordre social, moral ou religieux. Sont ainsi fréquemment dotés de telles armoiries ou de tels vêtements les chevaliers félons, les bourreaux, les prostituées, les bâtards, les païens, les créatures de Satan (Michel Pastoureaux, Introduction à la symbolique médiévale du bois, La forêt dans la ville du Moyen Âge au XXe siècle, Les Cahiers de Fontenay, 1988 - books.google.fr).

Il se révéla que la victime disposait de sommes importantes. L’enquête révéla que le curé doyen de Trèbes se voyait confier depuis trois ans, 1 000 Francs par an par l’abbé Gélis, pour les placer en obligations du chemin de fer. « Le juge a trouvé un écrit de l’abbé épinglé à une note de dépense du 24 septembre 1897, rédigé le jour même de sa visite au curé-doyen de Trèbes. Cet écrit révèle que l’abbé a caché pour 13 000 Francs (soit de quoi vivre vingt ans !) de pièces d’or en divers endroits de sa maison et de la sacristie. » Le juge inventoria : « 4 000 F sous un tabernacle, 2 000 F sous un rochet. Cela pour la sacristie « enfoncée dans la terre au deuxième sous-sol ». Puis « au presbytère on découvrit pour 1 000 F de jaunets (pièces d’or) dans le chambranle de la cheminée de la chambre ; autant dans le prie-Dieu, autant sous une pierre des lieux d’aisance, autant sous le plancher du grenier ; autant dans une dépendance, sans parler de diverses sommes dans les livres de la bibliothèque. Il y en avait partout pour 11 400 F, en napoléons de 20 et 10 F renfermés dans de vieux morceaux de tuyaux de poêle, ou des tubes en fer blanc. » (Affaire d'Etat ou Affaire d'Etr'Etat ? - www.rennes-le-chateau-la-revelation.com).

Dans cette hypothèse isaïenne, le "manichéisme" ne s'impose pas : un Isaïe, martyr ou usurier, victime ou exécuté par un Manassé impie ou réconcilié.

Isaïe dans la littérature slave

Ce qui oriente vers les pays de l'Est ou des Balkans est la diffusion du papier à cigarette recueilli sur la zone du crime.

Le papier à cigarettes "Le Tsar" était une fabrication de la firme Léon et Cie de Paris qui l'exportait en Belgique, Roumanie, Bulgarie et Serbie appartenant à l'époque à la monarchie austro-hongroise (www.renneslechateaumysterie.be - Le Tsar).

L'Ascension d'Isaie est connue par des manuscrits éthiopiens, latins et slavons ainsi que par un résumé grec intitulé Légende d'Isaïe Elle décrit minutieusement les sept Cieux, évoque brièvement la plongée du Christ dans le monde sa mission terrestre, sa crucifixion, sa descente aux Enfers, sa réapparition après la Passion et son ascension glorieuse; elle détaille enfin le martyre d'Isaie. Il s'agit d'une véritable liturgie prophétique fondée sur une vision qui s'empare d'Isaie en présence d'Ezéchias (V1, 6 à 17). Comme toujours, la « vision » commence par une audition: les deux hommes entendent une porte s'ouvrir, puis «la voix de l'Esprit—Saint » s'exprime par la bouche d'Isaie. Tout à coup, le prophète se tait, « l'esprit de sa chair est emporté en haut » pour lui donner à « voir une vision » tandis que « son souffle est en lui ». Il est manifeste, dans ce passage, que le Souffle et le Son préparent le corps d'Isaie à ressentir ce qui jamais n'avait été perçu: l'ouverture de la porte fait à la fois entrer le Souffle, le Son, l'écoute et la vue. Quand l'homme est prêt, ses yeux sont ouverts mais ne voient plus les apparences ; sa bouche reste muette et ses oreilles écoutent le silence. Ce silence plein est donc à la fois ouverture au Réel et fermeture aux illusions, aux sens superficiels. Il est utile, pour tâcher d'imaginer ce que peut être ce mystère, d'évoquer le "mu" grec, cette onomatopée mu résonnant dans une bouche fermée : elle a donné à la fois « muet » (fermeture des lèvres), « myope » (fermeture des yeux) et «mystère» (fermeture aux profanes). Le texte précise bien qu'Isaïe partage sa vision avec quelques rares privilégiés qui sont « des ouvriers de justice, et la bonne odeur de l'esprit est en eux », mais le peuple est tenu à l'écart de cette révélation (Serge Wilfart, L'Esprit du chant, 1999 - books.google.fr).

Le titre donné à tout le livre, Ascension d'Isaïe, est dû à la version éthiopienne. A strictement parler, il ne s'applique qu'à la dernière partie du livre contenue dans les chapitres : la vision d'Isaïe. Les deux autres parties qui ont dû probablement circuler indépendamment de la première peuvent être identifiées avec les écrits autrement perdus connus sous le nom de Martyre d'Isaïe (1, 13, 12, et 5, lb14) une œuvre incontestablement juive mises à part quelques gloses chrétiennes et le Testament d'Ezechias (3, 134, 18) une petite apocalypse chrétienne que seul le byzantin Cedrenus signale avec le titre de Diatheke Ezekiou. Les trois parties ont été réunies dans leur forme actuelle par un éditeur chrétien durant le IIe siècle de notre ère (Mathias Delcor, Les Apocalypses juives, 1995 - books.google.fr).

La Vision d'Isaïe présente un intérêt plus général, pour les études chrétiennes et pour les études slaves. C'est une des œuvres les plus curieuses de la littérature religieuse slave, si riche en apocryphes. Et elle offre, comme d'autres de ces apocryphes, l'intérêt spécial de conserver un texte dont l'original grec s'est perdu : on n'en possède en grec qu'un abrégé très libre du XIIe siècle, qu'on dénomme la Légende grecque. La Vision d'Isaïe n'est que la seconde des deux parties d'un apocryphe plus vaste et composite, dont la première partie était le Martyre d'Isaïe, d'origine juive : c'en est le prolongement chrétien relatif aux prédictions d'Isaïe sur la venue du Messie et à la descente du Christ sur la terre. On réunit les deux parties sous le titre « Ascension d'Isaïe ». Elles sont conservées en entier en éthiopien, dans des manuscrits tardifs du XVe siècle, mais dans une traduction qui est sûrement ancienne et doit être proche de celle des livres canoniques auxquels elle est incorporée. La Légende grecque atteste aussi à sa façon l'union des deux parties. On a par ailleurs de courts fragments en grec et en latin des Ve-VIe siècles, et on vient de découvrir un fragment copte. Pour la seconde partie, la Vision d'Isaïe, on en a le texte complet dans la traduction éthiopienne d'une part, d'autre part dans la traduction slave et dans une traduction latine.

Pour la traduction slave, dont les copies ont été étudiées par A. Popov, on en a un manuscrit du XIIe siècle en rédaction russe, de la Cathédrale de la Dormition de Moscou, bon mais non exempt de fautes, et plusieurs manuscrits de rédaction serbe, dont le meilleur est celui de la collection Chludov, du XIVe siècle, un autre du XVe siècle en moyen bulgare de Moldavie. Le manuscrit du XIIe siècle a été édité par A. A. Sachmatov et P. A. Lavrov, avec les principales variantes des autres manuscrits, à Moscou, 1899, et il a été reproduit photographiquement par les soins de Dm. Cizevskij, La Haye, 1957.

Le Martyre d'Isaïe, d'origine juive, est connu depuis longtemps, et saint Paul y fait une allusion (Hébr. XI, 37). Son prolongement chrétien, la Vision d'Isaïe, dont on trouve une attestation chez saint Jérôme, remonte sûrement à la littérature chrétienne primitive des IIe-IIIe siècles. Il présente en effet des conceptions nettement contraires au dogme tel qu'il a été fixé par les conciles au IVe siècle, mais qui ne choquaient pas à l'époque d'Origène (Tisserant, p. 8).

Le Fils et le Saint-Esprit sont subordonnés au Père et l'adorent, comme le font les justes et les anges : « et je vis que mon Seigneur adorait, ainsi que l'Ange de l'Esprit, et ils louaient Dieu ». Le Fils est le « Seigneur », « mon Seigneur»; le Saint-Esprit est l'« Ange de l'Esprit», il n'est que le plus glorieux des anges, et il ressemble fort à l'archange Gabriel (Tisserant, p. 15) : c'est lui qui fait monter les âmes des justes au ciel, et Gabriel, dans la tradition juive, est l'ange de la mort qui reçoit les âmes des Israélites.

Le Fils, descendant sur l'ordre du Père du septième ciel sur la terre, prend dans chaque ciel qu'il traverse successivement la forme des anges qui l'habitent : c'est une conception de l'origénisme, et qui répond à la 4e proposition que plus tard Justinien a fait anathématiser par le concile de 553 (A. Puech, Histoire de la littérature grecque chrétienne, II, p. 413). Le Fils prend même la forme des anges du firmament, au-dessous du premier ciel, qui sont les anges de Satan, et des anges de l'atmosphère terrestre, qui sont les démons. Ces anges de Satan, lorsque le Fils, après sa Passion, remonte dans les cieux dans toute sa gloire, se désolent de ne l'avoir pas reconnu à son premier passage, et ils l'adorent. Le firmament commande à la terre : « l'image de ce qui est dans le firmament est ici sur terre»; et cette conception est prise à l'astrologie. C'est le séjour du Mal, et qui du firmament s'étend sur la terre; mais ce Mal n'est pas la perversité des anges rebelles ennemis de Dieu, c'est la lutte et le désordre, celui de la Matière platonicienne que le démiurge n'a pas organisée.

Un tel apocryphe avait de quoi séduire, comme révélation sur les sept cieux, sur la gloire de Dieu et sur la mission du Fils, mais par certains traits il devait de bonne heure surprendre ses lecteurs et les inquiéter. Aussi a-t-il été remanié, dans le sens de l'orthodoxie. La traduction éthiopienne en garde une image assez fidèle, mais les traductions slave et latine dérivent d'un original grec, du Xe siècle environ, qui accusait des retouches sensibles. Les flottements de texte sont assez habituels dans la transmission des apocryphes, et l'on en connaît un dès l'époque de saint Jérôme (Tisserant, p. 211), qui lisait la citation de I Cor. 11, 9 qu'on trouve dans SI. (136 16) et Lat., mais qui est absente de l'éthiopien (XI, 34). Les corrections sont plus intéressantes.[...]

Le plus curieux est la façon dont la subordination du Fils et du Saint-Esprit au Père dans la Trinité, tout en se conservant dans Sl. (134 25) et Lat. aussi nettement que dans Éth. (IX, 40), apparaît corrigée par une addition. Dans le texte éthiopien, Isaïe voit un Glorieux (IX, 27) qui est le Seigneur, c'est-à-dire le Fils, puis un autre Glorieux semblable à lui (IX, 33), qui est l'Ange de l'Esprit, et il les voit ensemble, le Fils à droite et l'Ange de l'Esprit à gauche (IX, 35-36), et ensuite une Gloire supérieure, qui est le Père (IX, 37). Dans Sl. et Lat., Isaïe voit un Glorieux qui prend la forme des justes (134 6-13) et qui est le Seigneur, puis un Glorieux semblable à lui, mais qui ne se transforme pas et qui n'est pas nommé (134 18-18), puis un autre Glorieux qui est l'Ange de l'Esprit (134 18-21), et enfin la Gloire indicible qui est l'Éternel (134 21-34). On a ainsi une Trinité à quatre personnes, parce que le Père a été glissé après coup entre le Fils et le Saint-Esprit. C'est de l'imagerie pieuse : la Trinité dominée par le Dieu unique, par le triangle de la Trinité. [...]

Mais quels sont les rapports de la Vision d'Isaïe, apocryphe de la littérature chrétienne primitive des IIe-IIIe siècles, conservé dans un remaniement grec que les Slaves de Russie et de Serbie ont inséré dans leur Ménologe à la date du 9 mai, fête du prophète Isaïe, avec la redoutable hérésie des Bogomiles, des Cathares d'Italie, des Albigeois de France, qui apparaît en Bulgarie au Xe siècle ? Ils sont des plus réels. Les Bogomiles, qui rejetaient toutes les Écritures en dehors de l'Évangile et des Épîtres, et toute la tradition de l'Église, s'appuyaient du même coup sur ce qui était en marge de cette tradition, et ils ont porté un intérêt particulier à la Vision d'Isaïe. Ils y trouvaient des ressemblances avec leurs doctrines, assez vagues et que J. Ivanov a exagérées (op. cit., p. 160-163), et ils pouvaient voir l'image de leurs Parfaits dans les Justes qui sont supérieurs aux grands anges et les plus proches de la divinité. Tout ne pouvait pas les satisfaire dans cet apocryphe, et leur dualisme, leur conception de la lutte entre les deux principes du Bien et du Mal, entre les deux fils de Dieu, le Christ et Satan, était loin de celle d'anges de Satan qui adorent le Christ. Mais ils ne s'embarrassaient pas de contradictions, et il leur suffisait de reconnaître dans la Vision d'Isaïe des propositions contraires à l'orthodoxie. Ils ont obligé les théologiens, qui n'avaient pas pensé à s'en occuper jusque-là, à le reconnaître également : examinant de plus près un apocryphe dont se servaient les Bogomiles, ils y ont relevé des erreurs qui avaient été jadis condamnées comme origénistes, et qui cette fois ont été anathématisées comme hérétiques. Et il s'agit de l'apocryphe grec qui avait subi des retouches dans le sens de l'orthodoxie : une liste d'anathèmes contre les Bogomiles des XIe-XIIe siècles, l'Eversio impiae Massaliorum sectae, les accuse d'affirmer l'existence de deux Trinités distinctes, et il faut sûrement retrouver dans cette imputation prise à la Vision d'Isaïe la maladroite Trinité à quatre personnes qui veut corriger la subordination du Fils et du Saint-Esprit au Père.

Il n'y a pas d'autre preuve d'une action des Bogomiles sur la Vision d'Isaïe. Dillmann avait supposé que la traduction latine aurait été faite sur un texte grec des Bogomiles de Thrace (Tisserant, p. 38). C'est dans le même sens, mais de façon moins gratuite, que J. Ivanov a formulé son hypothèse d'une traduction du latin sur la version slave, et s'est appliqué à la justifier par des arguments qui ne sont pas décisifs. Si même cette hypothèse était retenue, elle n'impliquerait aucune influence des Bogomiles sur le texte de l'apocryphe, et elle n'obligerait nullement à penser que des Cathares soient les auteurs de la traduction, puisqu'elle aurait pu aussi bien être faite sur le Ménologe serbe, en Dalmatie ou en Italie, par un simple amateur de belles légendes religieuses.

En tout cas, dans l'édition de Venise de 1522 qui réunit plusieurs œuvres curieuses de la petite littérature religieuse sous le titre Opera nuper in lucem prodeuntia, l'ambiance n'a rien de suspect. On y trouve : 1° Liber gratiae spiritualis Visionum et Revelationum Beatae Machtildis; 2° Evangelium Nicodemi; 3° Epistola Lentuli ad Romanos; 4° la Vision d'Isaïe, suivie de : 5° Visio sancti Alberti episcopi. Et le titre de la Vision d'Isaïe est : Visio mirabilis Ysaie Prophète, que tam divine Trinitatis archana quam generis humani redemptionem manifestât advenus Hebraicam caliginem. L'éditeur Antonius de Fantis joignait au récit de la descente du Christ aux enfers, l'Évangile de Nicodème bien connu en Occident, ce récit inédit de la descente du Christ sur la terre, sans se douter qu'il était taxé d'hérésie. Les théologiens ne l'avaient pas oublié, et en 1610 Sixtus Senensis, dans sa Biblio- theca sancta, dénonce l'édition de Venise : « Haeretici sub nomine Isaiae librum commenti sunt... Exstat Visio quaedam, titulo Esaiae, Venetiis impressa » (É. Turdeanu, art. cit., p. 214).

M. Turdeanu a dissipé l'équivoque entretenue par J. Ivanov sur cet apocryphe qui est d'origine chrétienne et qui serait également bogomile. Mais, s'il montre que l'apocryphe est purement chrétien, il admet que les Bogomiles ont pu exercer une censure sur sa traduction en slave, bien qu'il soit difficile de croire qu'un texte de Ménologe ait subi un tel contrôle. Il en aperçoit quelques indices, dont un qui est intéressant et qu'on lui sait gré d'avoir relevé.

Dans deux passages, les noms de justes de l'Ancien Testament sont supprimés dans les versions slave et latine. Isaïe monte dans le septième ciel : « Et là, dit le texte éthiopien, IX, 7-8, je vis tous les justes qui (furent) depuis le temps d'Adam; et là je vis le saint Abel et tous les justes; et là je vis Hénoch et tous ceux qui sont avec lui ». [Cette énumération est tronquée dans la version slave et latine] Les Bogomiles rejetaient tout l'Ancien Testament, mais pas au point, comme l'admet M. Turdeanu, de proscrire les noms de l'Ancien Testament : ils rejetaient les prophéties d'Isaïe comme inspirées par Satan et non par l'Esprit saint, mais ils accueillaient avec grande faveur Isaïe dans sa Vision. Le remaniement n'a pas été opéré dans le sens bogomile, mais ici encore dans le sens de l'orthodoxie. La Vision d'Isaïe prétend qu'Adam et les autres justes se trouvaient près de Dieu dans le septième ciel, mais c'est en contradiction avec l'Évangile de Nicodème qui dit que le Christ a trouvé Adam au plus profond des enfers; et, chose plus grave, c'est en contradiction avec le dogme même de la Descente aux enfers, et la représentation, bien fixée de bonne heure, qu'on se faisait de ce mystère dans l'Église d'Orient : le Christ, vainqueur de la Mort, délivre Adam (l'humanité) et le fait monter au ciel. Il était donc prudent d'effacer les noms d'Adam, d'Abel, etc. et de parler seulement de « quelques justes » : il y en avait quelques-uns au ciel, indiscutablement Hénoch enlevé par Dieu, et l'Évangile de Luc met Abraham au paradis. La Vision d'Isaïe ne doit rien aux Bogomiles, si ce n'est sa perte en grec : ils ont si bien compromis cet apocryphe inoffensif qu'ils l'ont fait anathématiser et proscrire par les théologien (André Vaillant, Un apocryphe pseudo-bogomile : la Vision d'Isaïe. In: Revue des études slaves, Tome 42, fascicule 1-4, 1963 - www.persee.fr).

Isaïe est le prédicateur de l'Avent. Ce Messie, le prophète l'annonce, en quelque sorte contraint par l'incrédulité d'Achaz. Mais cette annonce, il lui reste à la confirmer. Il la confirme par deux miracles formidables. Le premier est l'extermination de l'armée de Sennachérib. Ici ce n'est pas seulement le Tout Puissant qui se borne à fournir des conditions favorables à l'effort humain. C'est lui-même qui intervient, et qui, comme dit le psaume de Complies, balaye devant nous cette pierre à qui notre pied pouvait se heurter. Disparais, Sennachérib ! Je souffle sur toi. Ce n'est pas toi que j'ai chargé de cueillir mon peuple comme un essaim suspendu à une branche. Ne barre pas le chemin au Chaldéen et derrière lui à Cyrus, image de Mon Christ, à tout cela qui vient au nom du Seigneur. Le second miracle est celui que provoque la maladie d'Ézéchias. L'amertume très arrière de ce souverain, on peut supposer qu'elle est causée par un malheur plus grave que la soumission aux lois de la nature. Comme la fille de Jephté, Ézéchias s'afflige de se voir privé de la part qu'il pouvait espérer dans l'accomplissement de la promesse. Et ce n'est pas seulement un Dieu ému de pitié qui, à travers Manassé, lui prépare pour successeur Josias, l'annonce par la proclamation du chapitre VII, c'est le Christ futur à qui il est permis d'allonger jusqu'à l'ancêtre moribond pour le faire revivre Son Ombre, suivant cette parole de l'Ecriture (4. 20) : Dans ton ombre nous vivrons. Et le Cantique dit de même : A l'ombre de Celui que je désirais je me suis assise (je me suis mis sur mon séant). Cette ombre que constituent toutes les figures de l'Ancienne Loi, suivant ce verset de la Colossienne (2. 10) : Ombre du futur, mais le corps est le Christ. Il a fallu autre chose qu'un mouvement de pitié pour que le Seigneur touche au temps, à quelque chose d'aussi fondamental que le temps. Par ce prodige Dieu se manifeste à Son serviteur tel qu'Il Se révélera à saint Jean : Qui était, Qui est et qui n'a pas cessé d'arriver (0 erkhomenos). C'est de la prophétie en quelque sorte solidifiée. Il rend à nos yeux l'avenir et le passé contemporains dans le présent. Ézéchias n'en demandait pas tant! Quelqu'un qui ressuscite, il n'a vraiment pas besoin d'autre preuve ! De nouveau, c'était hier, Dieu a de nouveau touché au temps, au soleil qui en est l'instrument (Paul Claudel, L'Evangile d'Isaie, Gallimard, 1951 - books.google.fr).

Claudel parle ici du cadran solaire d'Achaz dont l'ombre recula en présence du roi Ezéchias, son fils.

Isaïe et le 1er novembre

La laine insonore de la brebis muette

L'Avent (du latin adventus : avènement, arrivée du Messie) est la période qui couvre quelques semaines précédant Noël, quatre dans la tradition de l'Église latine. Depuis l'instauration de ce temps liturgique, par analogie au Quadragésime du Carême, par le pape Grégoire le Grand, l'Avent représente la période où l'on se prépare à la venue du Christ ; à sa naissance.

Dans les Églises utilisant le calendrier grégorien, l'Avent débute le quatrième dimanche avant Noël, et marque le début de l'année liturgique. L'Avent commence donc, au plus tôt, le 27 novembre et, au plus tard, le 3 décembre1 et se termine le 24 décembre. Chez les Orientaux et les Mozarabes, le temps de l'Avent dure 6 semaines et commence entre le 11 et le 15 novembre (fr.wikipedia.org - Avent).

En célébrant le temps de l’Avent, l’Eglise évoque d’une manière privilégiée trois grandes figures bibliques : Isaïe, Jean-Baptiste et Marie, la très sainte Mère de Dieu. Par rapport à la venue du Seigneur, chacun des trois a eu à remplir une mission particulière et vraiment typique. Or, suivant les perspectives où se place la liturgie, ni la mission d’Isaïe, ni celle de Jean-Baptiste, ni même celle de la Ste Vierge ne sont parachevées.

Isaïe est le grand prophète du Messianisme, « l’évangéliste de l’Ancien Testament ». Il décrit précisément le Messie à venir, celui qui est « l’attente des nations ». Le prophète déclare solennellement au roi Achaz, menacé par ses ennemis, et manquant de confiance dans la protection divine, que Dieu donnera un signe clair à son peuple pour le sauver sans même son aide. Le signe clair annoncé est le suivant : « Voici que la Vierge est enceinte, elle enfantera un fils, et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. » (Is. VII, 14)

« Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce nom : Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-éternel, Prince-de-paix, pour que s’étende le pouvoir dans une paix sans fin sur le trône de David et sur son royaume, pour l’établir et pour l’affermir dans le droit et la justice. » (Is. VIII, 23)

« Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit de Yahvé, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Yahvé : son inspiration est dans la crainte de Yahvé. Il jugera mais non sur l’apparence. » (Is. IX, 5-6) (www.salve-regina.com - Isaïe, prophète de la venue du Messie).

Avec l'introduction de la Toussaint, fêtée dans toute l'Église depuis 835, on aura en outre dans la liturgie l'Agneau triomphant de l'Apocalypse qui le mentionne une trentaine de fois, tué "depuis l'origine du monde". Plus d'une soixantaine d'hymnes sont consacrées à l'Agneau de Dieu.

Le tympan de l'église collégiale saint André à Armentia en Navarre, représente, au centre, l'Agneau divin, avec à sa droite Jean Baptiste, à sa gauche Isaïe.

Isaïe annonce SICUT OVIS (53, 7): "Il s'est offert parce qu'il l'a voulu et il n'a pas ouvert la bouche, comme un agneau traîné à l'abattoir, comme une brebis devant ceux qui la tondent, il n'ouvrira pas la bouche". Le diacre Philippe, rencontrant sur le chemin de Jérusalem à Gaza un eunuque, haut fonctionnaire de Candace, reine d'Ethiopie, qui s'interrogeait sur ce passage d'Isaïe, en fit l'application à Jésus. Dans son Commentaire sur le prophète Isaïe, Jérôme voit le Christ qui se tait devant Pilate, dans les paroles d'Isaïe, identifie l'Agneau à celui que Jean-Baptiste désignait, à l'agneau égorgé de l'Apocalypse, à l'agneau pascal du peuple juif à son départ d'Egypte, et Haymon d'Halberstadt fera les mêmes rapprochements dans son propre Commentaire du prophète. AU XIIe siècle Rupert de Deutz écrit que le Christ nous a rachetés par son sang, et que, comme l'agneau devant le tondeur, il nous réchauffe de sa laine, images que recopie Hervé de Bourg-Dieu ou de Déols. Présenter le Christ sous la forme de l'agneau, c'est toujours le montrer comme la victime innocente qui s'est livrée volontairement à la mort pour le salut des hommes, et c'est bien le sens que donne ici la présence de Jean-Baptiste et d'Isaïe. Le Baptiste est à la droite de l'agneau car non seulement il annonce la Passion, comme le prophète, mais il indique que l'Agneau de Dieu enlèvera les péchés du monde. Ce n'est plus seulement les Jiifs qui sont considérés comme dans l'agneau de la Pâque (Exode 12,46 ; Nombres 9,12), mais toute l'humanité. Les commentaires les plus nombreux, de Lactance ou d'Augustin à Raoul Ardent voient dans le Christ "Agneau de Dieu" le nouvel agneau pascal qui s'offre pour le salut du monde et inaugure la nouvelle alliance (R. Favreau, Le tympan roman d'Armentia: Iconographie et épigraphie, Artem quaevis alit terra: Studia professori Piotr Skubiszewski anno aetatis suae septuagesimo quinto oblata', Ikonotheka, XIX (2006) - books.google.fr).

Le son se dit en un double sens : il y a le son en acte et le son en puissance. Pour certaines choses, en effet, nous disons qu'elles n'ont pas de son par exemple l'éponge, la laine ; pour d'autres, qu'elles possèdent le son : c'est le cas de l'airain et, en général, de tous les corps durs et lisses, parce qu'ils ont la puissance d'émettre des sons, c'est-à-dire de rendre, dans le milieu qui est intermédiaire entre l'objet sonore et l'organe de l'ouïe, un son en acte.

La voix est assurément un son pourvu de signification, et elle n'est pas uniquement le bruit de l'air respiré, comme la toux : en fait, elle est un choc, produit au moyen de cet air, de l'air contenu dans la trachée-artère, contre la trachée elle-même. Et la preuve, c'est que nous ne pouvons parler ni pendant l'inspiration, ni pendant l'expiration, mais seulement quand nous retenons notre respiration : car les mouvements se font avec l'air ainsi retenu (Aristote, Traité sur l’âme, Livre II, chapitre 8, 1, traduit par Sr. Pascale-Dominique Nau, 2014 - books.google.fr).

« Matthieu » prétend que Jean avait été annoncé par le prophète Esaïe lorsqu'il dit : « C'est ici la voix de celui qui crie dans le désert (vox clamantis in deserto) : préparez le chemin du seigneur, aplanissez ses sentiers.» Voici la prophétie d'Esaïe, le prophète demande que soit préparé le chemin pour la venue de l'Éternel. Il écrit : l'Éternel vient. Il ne parle ni de son envoyé, ni de son élu, et ne dit pas davantage qu'il s'agit de son fils : « Une voix crie : préparez au désert le chemin de l'Éternel, aplanissez dans les lieux arides une route pour notre Dieu. Que toute vallée soit exhaussée, que toute montagne et toute colline soient abaissées ! Que les coteaux se changent en plaine, et les défilés étroits en vallons ! Alors la gloire de l'Éternel sera révélée, et au même instant toute chair verra que la bouche de l'Éternel a parlé. » (Esaïe, 40,3-5). Et il a dit aussi Voici le seigneur, l'Eternel vient avec puissance (Esaïe 40,10) (Florentino Dos Santos, L'Evangile selon l'évangile, 2003 - books.google.fr).

Le 3 avril 1312, à l'ouverture de la 2e Session du Concile, Clément V faisait lire la Bulle « Vox Clamantis », datée du 22 mars, supprimant l'Ordre des Templiers au termes de discussions, enquêtes, procès qui avaient duré plus de cinq ans (Jean D. Levesque, Les Frères prêcheurs de Lyon: Notre-Dame-de-Confort, 1218-1789, 1978 - books.google.fr).

Âmir al-Basrî est l'auteur d'une Tâ'iyya (Exposé didactique en vers de mystique musulmane) terminée en 700/1300 sous l'imâmat présumé de Samsaddïn Muhammad, fils du dernier occupant d'Alamût, Ruknaddïn HûrSâh. Âmir al-Basrî expose la doctrine ismaïlienne, cherchant à se rapprocher autant que possible des premiers auteurs ismaïliens, notamment des Ihwân as-Safâ' (Frères de la Pureté), et rejetant la doctrine des dix intellects, adoptée par les ismaïliens musta'liens (André Jacob, Encyclopédie philosophique universelle, Volume 3, 1992 - books.google.fr).

VERS 122 - 123 : Ces deux vers font peut-être allusion au « monde de la génération et de la corruption » où la Nature, avec l'aide de l'Ame et de l'Intellect (le « destin ») renouvelle la matière du « corps », qui bien que changeant, reste le même, de même que, d'une manière plus générale, elle remplace par d'autres les individus disparus. Mais ils évoquent surtout la réincarnation telle que la conçoivent les ismaïliens. L'« habit », c'est le corps, enlevé par la mort, au cours d'un cycle de 7 000 ans. Ce corps, l'âme le retrouvera au cours des cycles suivants lors de nouvelles vies terrestres, aussi longtemps qu'elle n'aura pas atteint une pureté et une perfection suffisantes pour s'élever dans les sphères célestes et pouvoir se passer définitivement du corps. C'est ce qu'exprime le vers 123 (quand le destin lui enlève un vêtement, il le lui remplace aussitôt par un nouveau") où l'on a sans doute une réminiscence du verset coranique « chaque fois que leur peau est cuite, nous leur en donnons une nouvelle ». Ici se pose un problème, un « nouveau vêtement » laisserait supposer qu'à chaque cycle, l'âme aura un nouveau corps. C'est aussi ce que permettrait de penser le fait qu'avant de devenir une âme humaine, une âme a pu être incarnée, au moins partiellement, dans des minéraux, puis des végétaux, puis des animaux, selon la thèse des Ikhwân et celle de Farabi. Pourtant les vers qui précèdent, comme ausi divers passages des épîtres des Ikhwân, suggèrent qu'à chaque cycle l'âme retrouve, pour une nouvelle vie terrestre, le corps qu'elle avait eu dans les cycles précédents, ou plutôt un corps de même forme. Si c'est bien le cas, on peut penser qu'à mesure des progrès de l'âme, le corps évolue et se perfectionne au cours des cycles (ce serait alors le contraire pour les méchants).

VERS 124 - 125 : « Elle ne s'abaisse que pour mieux s'élever » : le séjour de l'âme dans le corps est une épreuve qui doit lui permettre de se purifier jusqu'à ce qu'elle soit digne de s'élever dans les sphères. Elle est restée muette lorsqu'elle était prisonnière du corps, gouverné par « l'âme animale » et surtout « l'âme végétative ». Puis, à mesure que l'âme retrouve son essence, domine « l'âme parlante » (reflet de l'Ame universelle « illuminée » par l'Intellect) ; lorsqu'elle aura recouvré sa perfection originelle, l'homme pourra quitter son corps et deviendra un « ange en en acte » après avoir été un « ange en puissance » (Yves Marquet, Poésie ésotérique ismaïlienne: la Ta'iyya de Amir b. Amir al-Basri, 1985 - books.google.fr).

On retrouve un vocabulaire identique chez Edith Stein, juive, athée, moniale... et sainte canonisée par le pape Jean-Paul II en octobre 1998, qui parle de l'âme des animaux qu'elle différencie de celle des humains comme le fait Leibniz auparavant :

L'âme animale apparaît totalement immergée dans le corps. Même si « l'âme s'exprime dans le corps », elle n'en est pas moins « une âme muette et prisonnière », ne pouvant échapper à sa condition animale (Sophie Binggeli, Le féminisme chez Edith Stein, 2009 - books.google.fr, Christiane Frémont, L'être et la relation, Lettres de Leibniz à Des Bosses, 1981 - books.google.fr).

Ainsi l'agneau envoyé à l'abattoir représente la "mort" de l'âme dans le corps (platoniquement un tombeau) et la brebis muette, tondue de sa laine insonore comme elle, l'âme encore, incarnée, qui retrouvera sa propre voix une fois libérée. En effet, incarnée, l'âme a besoin du corps pour produire une voix rien qu'humaine. Le chariot de l'eunuque de la reine Candace représente le corps, l'eunuque l'âme et le diacre Philippe le pneuma (esprit) (La Croix d’Huriel et la Ligne gnostique : Le Chariot - books.google.fr).

Dans la Vision d'Isaïe, le Christ traverse les 7 cieux comme l'âme chez Macrobe pour se revêtir du pneuma et de ses différentes fonctions.

Isaïe et la Toussaint

Pour rapprocher l'Avent de la Toussaint, on peut s'intéresser aux célébrations de la cour de France pour cette période de l'année, au XVIIème siècle.

Ce sermon parle de la chapelle royale, et renferme une allocution touchante à Louis XIV; il a donc été prêché en sa présence. Or, comme on le voit dans la Gazette de France, Bossuet n'a prêché devant la cour, le jour de la Toussaint, qu'en 1669; d'une autre part, il n'y a qu'un sermon pour la fête de tous les Saints qui ait été prêché devant cet illustre auditoire : celui donc qui nous occupe date de 1669, année qui appartient à la plus grande époque du plus grand des orateurs. L'écriture du manuscrit, si belle, si terme, si nettement dessinée, atteste elle-même cette époque.

Louis XIV passa l'été et l'hiver de 1669 à Saint-Germain en Laye, dans le Château neuf ; c'est là que Bossuet fit entendre sa voix dans la station d'Avent, la dernière qu'il prêcha devant le roi.

Il avait été nommé évêque de Condom le mois précédent. Toute la cour, avide de l'entendre et de le féliciter en quelque sorte par sa présence, se rendait assidûment à ses sermons; et Louis XIV y conduisait par le bras Turenne, qui avait abjuré le protestantisme.

Bien sûr, Bossuet cite Isaïe :

Ah ! j'ai trouvé un remède pour me garantir de l'erreur. Je suspendrai mon esprit ; et retenant en arrêt sa mobilité indiscrète et précipitée, je douterai du moins, s'il ne m'est pas permis de connaître au vrai les choses. Mais, ô Dieu! quelle faiblesse et quelle misère ! De crainte de tomber, je n'ose sortir de ma place ni me remuer. Triste et misérable refuge contre l'erreur, d'être contraint de se plonger dans l'incertitude et de désespérer de la vérité ! O félicité de la vie future ! Car écoutez ce que promet Isaïe à ces bienheureux citoyens de la Jérusalem céleste : Non occidet ultrà sol tuus, et luna tua non minuetur (Isa., LX, 20) : « Votre soleil n'aura jamais de couchant, et votre lune ne décroîtra pas; » c'est-à-dire non-seulement que la vérité vous luira toujours, mais encore que votre esprit sera toujours uniformément et également éclairé. O quelle félicité de n'être jamais déçu, jamais surpris, jamais détourné, jamais ébloui par les apparences, jamais prévenu ni préoccupé !

Je ne m'étonne pas, chrétiens, si saint Grégoire de Nazianze les appelle dieux (Orat. XL), puisque ce titre leur est bien mieux dû qu'aux princes et aux rois du monde à qui David l'attribue. « Je l'ai dit : Vous, les dieux, et vous êtes tous enfants du Très-Haut : » Ego dixi : Dii estis et filii Excelsi omnes (Psal. LXXXI, 6). Mais remarquez ce qu'il dit ensuite. Toutefois, ajoute-t-il, ô dieux de chair et de sang, ô dieux de terre et de poussière, ne vous laissez pas éblouir par cette divinité passagère et empruntée. « Car enfin vous mourrez comme des hommes, et vous descendrez du trône au tombeau : » Verumtamen sicut homines moriemini; et sicut unus de principibus cadetis (Psal. LXXXI, 7). La majesté, je l'avoue, n'est jamais dissipée ni anéantie, et on la voit tout entière aller revêtir leurs successeurs. Le roi, disons-nous, ne meurt jamais, l'image de Dieu est immortelle; mais cependant l'homme tombe, meurt, et la gloire ne le suit pas dans le sépulcre. Il n'en est pas de la sorte des citoyens immortels de notre céleste patrie. Ils sont des dieux, ils ne mourront plus; ils sont des dieux, ils ne pourront plus tromper ni être trompés.

Mais, mes frères, ce n'est pas à moi de publier ces merveilles, pendant que le Saint-Esprit nous représente si vivement la joie triomphante de la céleste Jérusalem par la bouche du prophète Isaïe. « Je créerai, dit le Seigneur, un nouveau ciel et une nouvelle terre, et toutes les angoisses seront oubliées et ne reviendront jamais : » Oblivioni traditœ sunt angustiœ priores, et non ascendent super cor (Isa., LXV, 16 et seq.). « Mais vous vous réjouirez, et votre âme nagera dans la joie durant toute l'éternité dans les choses que je crée pour votre bonheur : » Gaudebitis et exultabitis usque in sempiternum in his quœ ego creo. « Car je ferai que Jérusalem sera toute transportée d'allégresse et que son peuple sera dans le ravissement : » Quia ecce ego creo Jerusalem exultationem et populum ejus gaudium. «Et moi-même je me réjouirai en Jérusalem, et je triompherai de joie dans la félicité de mon peuple : » Et exultabo in Jerusalem, et gaudebo in populo meo (Bossuet, Second sermon pour la fête de tous les saints - www.abbaye-saint-benoit.ch).

Dans le calendrier liturgique catholique actuel, la fête de Grégoire de Nazianze est célébrée le 2 janvier. Avant, cette fête se situait le 9 mai, une tradition rapportant cette date comme le jour de sa mort. L'Église orthodoxe et les Églises catholiques orientales célèbrent Grégoire de Nazianze deux jours dans l'année : le 25 janvier pour sa fête principale, et le 30 janvier, date de la fête des trois grands pontifes (fr.wikipedia.org - Grégoire de Nazianze).

Et saint Grégoire de Nazianze : « Devenons comme le Christ, puisque le Christ est devenu comme nous ; devenons Dieu à cause de lui, puisqu'il est devenu homme à cause de nous » (Oration I, n° 5) (Charles Journet, L'Eglise du verbe incarné, Tome II, 1998 - books.google.fr).

Des Anges

Une Epiphnaia kata Trigrin est citée par Stéphane de Byzance qui indique du même coup le nom indigène de la ville : Arltesikerta ou " fondation d'Arltesios". Il est notable que cette Epiphaneia/Arkesilterta a été parfois identifiée avec Karkathiolterta qui, selon Strabon, était la capitale de la Sophène, un toponyme que l'on a proposé avec raison de corriger en Arkathiokerta "Fondation d'Arkathias". C'est la même ville qui serait appelée Artagigarta par Ptolémée et Etagigarda par l'Anonyme de Ravenne. Autrement dit Epiphaneia du Tigre serait le nom donné par un Séleucide à la capitale du royaume de Sophène. D'un autre côté, on a jugé indispensable d'admettre que cette métropole sophénienne n'était rien d'autre que la très antique place forte d'Ingila (l'arménienne Angl, aujourd'hui Egil) que L. Dillemann, pour sa part, estime être identique à la forteresse achéménide de Bara qui faisait fonction de phylacterion sur la route des Perses.

Il est bien connu qu'Antiochos IV Epiphane fonda plusieurs villes sous le nom d'Epiphaneia d'après son surnom cultuel "Epiphanès" à savoir : une ville en Cilicie, appelée auparavant Oiniandos ; une ville en Bithynie ; en Syrie, deux villes, l'une sur l'Oronte, l'autre sur l'Euphrate, sans parler d'un faubourg d'Antioche. Il aurait même donné ce même nom à Ectabane, capitale de la Grande Médie, à la faveur de son expédition dans ce pays (164/ 163 avant J.-C.). Mais cette marche vers l'Est l'avait conduit tout d'abord en Arménie où il se proposait de faire rentrer dans le devoir l'ambitieux Artaxias qui, après la défaite d'Antiochos III à Magnésie (189 avant J.-C), s'était rendu indépendant avec l'appui des Romains et n'avait pas manqué par la suite de conquérir maints territoires limitrophes de son domaine héréditaire. Epiphane l'emportera par les armes sur l'Arménien qui, fait prisonnier, ne recouvrera sa liberté qu'à la condition de se soumettre et de reconnaître de nouveau la tutelle séleucide (165/164 avant J.-C.). C'est à bon droit, semble-t-il, que Droysen a mis la fondation d'Epiphaneia du Tigre en rapport avec cette victoire sur Artaxias.

Selon la version originale du "Roman d'Alexandre", L'Historia Alexandri Magni (Pseudo-Callisthenes), II, 9; éd. W. KROLL, 1926, p. 75., le Macédonien (Alexandre le Grand), se dirigeant vers le pays des Mèdes, se hâte, au passage, de soumettre la Grande Arménie. Après quoi, à travers des lieux désertiques et escarpés, il poursuit sa marche vers l'Euphrate. La version arménienne de cette épopée romanesque (retraduite en grec par R. RAABE, 1896, p. 50), ajoute des détails topographiques : Après avoir soumis la Grande Arménie, Alexandre poursuit sa marche; passant par l'Ariakè, il se dirige vers le fleuve Aratsani (Arsanias ou Euphrate Oriental), qui descend des montagnes du pays d'Angle (Ingilène) aux sources de l'Euphrate, en face du mont Ararat. (Marie-Louise Chaumont, Fondations séleucides en Arménie méridionale. In: Syria. Tome 70 fascicule 3-4, 1993 - www.persee.fr).

Soutenu par les rois de Pergame Eumène et Attale, Antiochos Epiphane succède à l'automne -175 à son frère Séleucos, assassiné par son ministre Héliodore qui avait tenter de confisquer les trésors du Temple de Jérusalem et qui en vait été chassé par deux anges, selon la légende. Antiochos élimine Héliodore rapidement. À la suite de l’expédition d’Antiochos contre l'Égypte, la guerre civile s'installe à Jérusalem entre les grands-prêtres Jason et Ménélas après l'assassinat d'Onias III. Antiochos doit quitter l'Égypte pour réprimer la révolte à Jérusalem. Il en vient à interdire le judaïsme et consacrer le temple de Jérusalem aux dieux grecs. En -168 il pille le temple de Jérusalem et y installe un autel du dieu Baal Shamen, détruit les murailles de la ville et, dans un édit de décembre 167 av. J.-C., ordonne d'offrir des porcs en holocauste, interdit la circoncision et pourchasse les adversaires de l'hellénisation. Cette politique lui vaut le surnom d'Épimane (l'Insensé) (fr.wikipedia.org - Antiochos IV).

Onias laissa un fils qui, se voyant exclu de la dignité de son père par l'ambition de Jason et de Ménélaûs, ses oncles, et par l'injustice des rois de Syrie, se réfugia en Egypte auprès du roi Ptolémée Philométor. Ce prince lui accorda la permission défaire bâtir un temple au vrai Dieu dans la préfecture d'Héliopolis. Il appela ce temple Onion, et le construisit sur le modèle de celui de Jérusalem. Il y établit des prêtres et des lévites, qui faisaient le même service et pratiquaient les mêmes cérémonies que dans le vrai temple. Le roi lui assigna de grandes terres et de forts revenus, pour l'entretien des prêtres et pour les besoins du temple. Après la ruine de Jérusalem, Vespasien, craignant que les Juifs ne se retirassent en Egypte, et ne continuassent à faire les exercices de leur religion dans le temple d'Héliopolis, le fit dépouiller de tous ses ornemens, et en fit fermer les portes (Autour de Rennes le Château : Sion, Soleil et Blaise).

Une prophétie d'Isaïe (XIX,19-20), qui avait prédit cent ans auparavant qu'un Juif édifierait dans l'Egypte un temple en l'honneur du Dieu tout-puissant, le fortifia encore dans ce dessein. Sa lettre portait ces mots : « ...ce qui réunira même tous les Juifs qui demeurent dans l'Egypte, parce qu'ils s'y assembleront pour y célébrer les louanges de Dieu, comme le prophète Isaïe l'a prédit par ces paroles : Il y aura dans l'Egypte un lieu consacré à Dieu, à quoi il ajoute diverses choses touchant ce lieu-là. » (Flavius Josephus, Histoire ancienne des Juifs, Livre XIII, Chapitre VI, Oeuvres traduit par Jean Alexandre C Buchon, Robert Arnauld D'Andilly, 1838 - books.google.fr).

Saint Epiphane de Salamine ou de Chypre (vers 315 - vers 403) suppose le lieu d'Angelina, au-delà de la Mésopotamie, comme siège de la secte des Angéliques, qui vouaient un culte aux anges (Contra Anelicos, Sancti Epiphanii episcopi Constantiae Cypri opera quae exstant omnia, 1617 - books.google.fr).

Théodoret de Cyr (vers 393 - vers 460) dit que ces adorateurs des Anges étoient portés à ce culte, parce qu'ils croyoient que la grandeur de Dieu ne permetoit pas qu'on s'adressât à luy d'abord ni sans leur entremise Quant à Saint Augustin, il met nettement les Angéliques au nombre des Hérétiques, & pour expliquer en quoy consiste leur hérésie, il dit simplement qu'ils étaient portés au culte des anges Les Angéliques furent condamnés au concile de Laodicée (André Martel, Réponse à la Méthode du cardinal de Richelieu, divisée en quatre livres, 1674 - books.google.fr).

Angelina ou Ingila est aussi appelé Aghel et eut pour évêques Adée, au Concile de Nicée, et Theodore, au cinquième concile général (Michel Le Quien, Oriens Christianus, Tome II, 1740 - books.google.fr).

Addaï (Adée) fut mis à mort sur l'ordre d'Abgar Severus (Abgar IX, fils d'Abgar le Grand) à Aggel Hasnâ, c'est-à-dire Ingila, en Sophène. Cette tradition est assurément controuvée, mais il n'est pas interdit d'en inférer une christianisation de la Sophène par des missionnaires edesséniens, comme ce fut le cas d'autres régions de l'Arménie du Sud (M. L. Chaumont, La Christianisation de l'Empire Iranien: des origines aux grandes persécutions du IVe siècle, 1988 - books.google.fr).

Dans L'Ascension d'Esaïe, le prophète est métamorphosé « devenant pareil à un ange » (9,30). Dans le roman de Joseph et Aséneth, Joseph est décrit sous des traits angélomorphiques (5,5-6 ; 6,1- 3.5 ; cf. 14,9). Strack-Billerbeck (11. p. 665-666) présente des attestations de l'angélomorphisme des justes, notamment le Targum de Cantiques 1,5 : « quand ils se furent repentis dans la pénitence et qu'il leur fut pardonné, l'éclat de la gloire de leurs visages fut comme celle des anges »

A Qumrân, le prêtre est assimilé à un ange de la Face : « Et toi. tu seras comme un ange de la Face dans la demeure de sainteté, pour la gloire d'Elohim des armé[es|. [...] Et qu'il fasse de toi un objet de sainte|té] parmi Son peuple et un un flambeau [ ] [pour briller] sur le monde dans la Connaissance et pour illuminer la face de beaucoup. » (1Q2Xb 4,24-25.27). Lire George J. Brooke, « Men and Women as Angels in Joseph and Aseneth ». Journal for ihe Study of the Pseudepigrapha 14. 2005. p. 159-177. Le trait est passé à la littérature chrétienne. De Paul, il esl dit dans les Actes de Paul 3.3 : « tantôt il apparaissait tel un homme, tantôt il avait le visage d'un ange ». Voir aussi le Martyre de Polycarpe 2,3. (Daniel Marguerat, Les Actes des Apôtres (1-12), 2007 - books.google.fr).

Aseneth serait un avatar de la déesse Neith (Autour de Rennes le Château : Messie, Messias).

Pour Corbin, le christianisme d'avant le concile de Nicée développe de façon originale la théologie des anges du judaïsme en faisant du Christ une sorte de « superange ». Si la pensée trinitaire était déjà très ferme chez certains Pères d'avant Nicée, le vocabulaire demeurait flou. Le Verbe, Fils de Dieu, est parfois appelé Ange, «l'Ange du grand conseil » d'Isaïe 9,6. Il est souvent assimilé à la Sagesse de l'Ancien Testament. Vers 165, Justin de Rome, qui par ailleurs affirme nettement la divinité du Verbe de Dieu, unit de façon assez vague le Verbe et les anges: « Nous vénérons et adorons le vrai Dieu et le Fils venu d'auprès de lui et qui nous a enseigné cette doctrine, et l'armée des autres bons anges qui l'escortent et qui lui ressemblent, et l'Esprit prophétique. » Avec Justin, cependant, l'origine du Verbe divin semble liée à la création du monde. (Georges Tavard, La Trinité, 1991 - books.google.fr).

La formule du concile de Nicée sur les anges a été reprise ensuite par les autres conciles et en particulier par le 4° Concile de Latran (1215) qui reprend et amplifie le texte de Nicée.

Plusieurs, sous l'influence du Livre d'Hénoch, ont admis la corporéité des anges. Toutefois, Tertullien explique De carne Christi, 6, P.L., t. II, col. 764-765, que ce n'est pas une corporéité grossière comme la notre, et, pour Origène, l'ange n'est pas précisément un corps mais un esprit uni à un corps très subtil. Cette opinion perdit à peu près tous ses partisans à partir du quatrième concile, de Latran (1215). La doctrine de l'Église est, en effet, que les anges sont des esprits sans corps même éthéré.

Selon les différents conciles, il est de foi que les anges ont été créés par Dieu (Symbole de Nicée et concile du Vatican). Leur spiritualité est certaine ; il y aurait aujourd'hui témérité à prétendre qu'ils ont un corps éthéré, bien que leur incorporélté absolue n'ait été l'objet d'aucune définition directe de l'Eglise (Quatrième concile du Latran et concile du Vatican). Il est certain qu'ils ont été créés avant les hommes. Il est certain aussi qu'ils l'ont été au commencement du temps, avec les êtres corporels. Voici pour ce qui concerne les points principaux de l'angélologie vus par l'enseignement de l'Eglise.

Le 4ème Concile du Latran en 1215 confirme "qu'il n'y a qu'un seul vrai Dieu... unique principe de toutes choses, créateur de tous les êtres visibles et invisibles, spirituels et corporels qui, par sa vertu toute puissante, au commencement du temps, a formé intégralement de rien la créature spirituelle et corporelle; c'est-à-dire la créature angélique et celle de ce monde". Et le Concile du Vatican, le premier en 1870, a réitéré dans les mêmes termes ces affirmations. Le célèbre décret "Firmiter" du quatrième concile du Latran (1215) affirmait que tous les êtres spirituels et corporels ont le même Dieu pour créateur, et qu'ils ont été faits de rien, "de nihilo condidit" ; il déclarait en outre que Dieu a fait les créatures spirituelles et corporelles au commencement du temps, et qu'ensuite il a fait la créature humaine, ce qui suppose qu'aucune des créatures n'a été produite de toute éternité (Lucien Dubreuil, Interventions des anges dans la vie des hommes, 2004 - books.google.fr).

Alexandre-François-Marie Roullet de la Bouillerie naquit à Paris, le 1er mars 1810. Grâce aux fonctions que remplissait son père, trésorier de la couronne sous Napoléon Ier et sous la Restauration, sous Charles X, François vit le jour au palais de l'Elysée.

Le comte de la Bouillerie avait alors une grande situation à la cour et dans la société parisienne. Le salon de Mme de la Bouillerie était un des plus élégants et des plus recherchés de la capitale. Elle y donnait des fêtes exquises, où l'intelligence et l'art avaient toujours leur place; c'était une obligation de la situation de son mari à la cour, et aussi de sa sollicitude maternelle qui voulait rendre son intérieur agréable à ses fils pour leur ôter la tentation d'aller chercher ailleurs des plaisirs dangereux. Parmi les invités, on remarquait les notabilités politiques, littéraires et artistiques de l'époque, MM. de Martignac, Berryer, Lamartine, Victor Hugo, Alexandre Soumet, Charles Nodier, les peintres Gérard et Gros, les compositeurs Rossini et Chérubini.

Un piansite juif, Hermann se convertit et entra dans l'Ordre des Carmes, et prit le nom, bien connu, de P. Augustin-Marie du Saint Sacrement. Il devint dès sa conversion le pénitent de l'abbé de la Bouillerie, et Dieu se servit de lui pour l'établissement de l'Adoration nocturne du Saint Sacrement à Paris.

L'un de ces « fervents adorateurs » qui contribua pour beaucoup au développement de l'œuvre fut un modeste ouvrier, Antoine Ricoux. Il était chargé du matériel de l'œuvre qu'il transportait d'une église à l'autre avec un zèle et une régularité admirables. Ni le vent, ni la pluie, ni la neige, ni les chaleurs ne l'arrêtaient. Ses confrères l'appelaient le saint cheval du bon Dieu.

Les nuits passées devant le Saint Sacrement paraissaient délicieuses à tous les membres de l'œuvre. Elles laissaient dans les cœurs un souvenir ineffaçable. Ces délices ont été rappelées dans trois cantiques.aujourd'hui populaires, que l'abbé de la Bouillerie composa et que Hermann mit en musique : La nuit sombre, Le cœur et le trésor, L'ange et l'âme. Ce dernier surtout a eu un succès prodigieux. Le voici : L'ANGE ET L'AME Un chérubin dit un jour à mon âme : / Si tu savais la gloire de mon ciel, / Si tu voyais les purs rayons de flamme / Que sur mon front projettel'Éternel !... / Je répondis à l'archange céleste : / Toi qui vois Dieu plus brillant que le jour, / D'un Dieu caché sur un autel modeste / Sais-tu l'amour ? / L'ange reprit : Sals-tu ma joie immense / De contempler en face un Dieu si beau ?... / Le ciel pour moi tous les jours recommence / Et tous les jours mon bonheur est nouveau... / Je répondis : sais-tu ce qu'est l'hostie / Toi dont le cœur ne s'est point égaré, / Près d'un Dieu bon, près de l'Eucharistie / As-tu pleuré ? / Le chérubin voulut parler encore ; / Sais-tu, dit-il, mon aliment divin ? / Aimer, servir le grand Dieu que j'adore, / M'unir à Lui, voilà mon seul festin : / Je répondis au lumineux archange : / Tu te nourris de la divinité, / Matis l'humble pain que j'adore et je mange / L'as-tu goûté ? / O chérubin de la sainte patrie / Louons ensemble un Dieu si bon pour nous; / A toi le ciel, à moi l'Eucharistie, / Notre partage à tous deux est bien doux. / J'aspire un jour à voir aussi mon père, / Mais ici-bas l'autel est tout mon bien; / Voilà mon sort... / Ton bonheur, je l'espère... / J'aime le mien.

Un décret le nommait à l'évêché de Carcassonne. (6 février 1855). Le sacre de Mgr de la Bouillerie eut lieu le 20 mai 1855, dans l'église Notre-Dame. Mgr Sibour, prélat consécrateur, était assisté de Mgr de Bonnechose et de Mgr Dupanloup.

Plus tard, quand on agita publiquement la question de l'infaillibilité du Pape, Mgr de la Bouillerie se montra un des plus ardents partisans de la définition. Au Concile du Vatican, il prononça un discours latin, dont l'élégance, la pureté de style et la fermeté de doctrine charmèrent les auditeurs. Il parla aussi dans l'église Saint-André délia Valle, où se firent entendre les plus illustres prélats français. Il affirma et établit sa foi en l'infaillibilité par un dilemme resté célèbre, et qui fut reproduit alors par toute la presse catholique. Nous prêchons l'Evangile, dit-il, mais nous ne le prêchons qu'aux âmes coniiées à nos soins, et notre parole est sujette à l'erreur. Pierre enseigne le monde entier et ne se trompe jamais. Pierre, lui a dit Jésus, j'ai prié pour toi afin que tafoi ne défaille jamais. De deux choses l'une, mes frères : on la prière de Jésus-Christ ne vaut rien, ou Pierre est infaillible (Les contemporains - www.liberius.net).

Séraphins

Les Séraphins qui sont tout brûlants d'amour pour Dieu et tous les êtres créés, et qui se trouvent être le plus près de Dieu, sont des créatures célestes qui apparaissent dans la vision qui détermine la vocation d'Isaïe ; ce sont des êtres dotés de six ailes, dont deux couvrent la face et deux les pieds, ils proclament continûment la sainteté de Dieu. On ne les rencontre sous ce nom nulle part ailleurs dans l'Ancien Testament, mais ils ne sont pas sans parenté avec "les Vivants" qu'Ezéchiel appelle encore des Chérubins; ceux-là ont "une forme d'homme", comme dans l'Apocalypse où ils chantent eux aussi l'hymne au Dieu trois fois Saint. Les Séraphins font partie des neuf "chœurs des anges" de l'Eglise chrétienne. En hébreu le mot saraph (pluriel saraphim) signifie littéralement "les brûlants". Au singulier il désigne une sorte de dragon volant ou encore les serpents brûlants que Yahvé envoie aux Hébreux pour les punir de leurs récriminations contre contre Moïse.

Isaïe dans le chapitre 6, l'année de la mort du roi Ozias vers -740, dans une vision "voit le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé... Des Séraphins se tenaient au-dessus de Lui ayant chacun six ailes". Ces êtres ailés ont figure humaine et ils appartiennent au premier ordre de la hiérarchie la plus près de Dieu. Isaïe dit encore : "L'un des Séraphins vola vers moi, tenant dans sa main une braise qu'il avait prise sur l'Autel avec des pinces..." (6,7) pour lui purifier les lèvres.

Alors que Sennacherib assiégeait Jérusalem, Isaïe et le roi Ezéchias implorèrent Yahvé de son aide qui envoya une Ange qui "sortit et frappa dans le camp assyrien. Le matin au réveil, ce n'était plus que des cadavres". Hérodote et Flavius Josèphe évoquent une épidémie de peste (Lucien Dubreuil, Interventions des anges dans la vie des hommes, 2004 - books.google.fr).

Gélis fut frappé avec des pincettes à feu sur la tête à gauche par derrière (www.histoiredefrance.net - Gélis).

La vision théophanique dTsaïe est accompagnée d'une angélophanie. Des séraphins se meuvent au-dessus du Seigneur. Ils ont chacun six ailes, deux ailes pour voler, deux ailes pour se voiler la face et deux ailes pour se couvrir les pieds, et se tiennent dans la proximité immédiate du trône. Le mot Séraphim (de « saraph » qui signifie « brûler ») apparaît dans le livre des Nombres, chapitre 21,6-9 et désigne des serpents ailés, ressemblant à des dragons, des serpents brûlants envoyés par Dieu contre son peuple et dont la morsure fit périr un grand nombre. On les retrouve aussi dans le Deutéronome (8,15), où leur description les assimile aux habitants redoutables du désert, les scorpions. Plus loin encore Isaïe, aux chapitres 14,29 et 30,6, a recours à l'image du « saraph » volant, le serpent ou le dragon brûlant. On peut se demander pourquoi Isaïe attribue le même terme à deux êtres qui semblent avoir des fonctions très différentes, les uns se tiennent près du trône du Seigneur de gloire, les autres habitent le désert en compagnie des scorpions. Ils ont cependant un dénominateur commun, le feu. Celui-ci a deux visages, il est comme une corde tendue entre deux pôles : un pôle sublime et un pôle ténébreux. Dans son aspect négatif, le feu peut être destructeur, brûlant, dévorant. A l'opposé, dans son aspect positif, le feu a un rôle purificateur et devient l'antidote du mal et de la ténèbre. Il illumine les cœurs en les purifiant comme il épure, par son incandescence, un bloc de fer de ses scories. Il est attribut de l'amour divin. Peut-être le mot « saraph » illustrait-il le mieux les effets du feu, de l'embrasement que procure la proximité immédiate de Dieu. Le feu des séraphins désigne, selon Denys l'aréopagite, leur ardeur bouillonnante... le pouvoir de purifier par la foudre et par le feu... la faculté de rejeter et d'abolir toute ténèbre obscurcissante (Philippe Péneaud, Les quatre vivants, 2007 - books.google.fr).

Les saints Séraphins orthodoxes sont fêtés le 2 janvier, 4 décembre, 6 mai, 13 août, 16 août, 16 juillet, 22 octobre, 25 novembre, 28 août, 29 juillet, 28 novembre, 21 mars... (Claude Laporte, Tous les saints de l'Orthodoxie, 2008 - books.google.fr).

Le plus connu est Séraphin ou Seraphim de Sarov, né Prokhore Isidorovitch Mochnine à Koursk le 19 juillet 1754 (ou 1759) et mort au monastère de Sarov le 2 janvier 1833. Il ne sera canonisé qu'en 1903 mais sa réputation était déjà faite de son vivant. Il compte parmi les saints les plus populaires de cette Église, qui le fête 2 janvier, ainsi que le 19 juillet (fr.wikipedia.org - Séraphin de Sarov).

Le 19 juillet est la date à l'opposé du 17 janvier.

Il existe un Séraphin d'Ascoli, catholique et capucin, fêté le 12 octobre.

Moïse d'Aghel (Angelina)

Vers l'an 550, l'auteur anonyme d'une lettre à Moïse d'Aghel nous apprend qu'il se trouvait dans la bibliothèque des évêques de Reshaina, une ville située près de la frontière perse, aux confins orientaux de l'Empire romain. Là, il trouva un petit et très ancien livre écrit en grec, intitulé le Livre D'Aséneth. Il demanda à Moïse d'Ingila de le lui traduire du grec en syriaque. Quand nous avons lu cette lettre vieille de mille cinq cents ans, jamais traduite, nous avons été surpris de découvrir les raisons qui ont poussé l'auteur anonyme de la lettre à la faire traduire : il suspectait le manuscrit de contenir une « sagesse cachée », « un sens profond ». Il a donc demandé à Moïse d'Ingila non seulement de la traduire, mais aussi de lui en fournir une explication. Dans sa réponse – que nous avons aussi traduite et incluse dans l'annexe II –, Moïse d'Ingila accepte de traduire le texte grec. Il confirme en outre qu'à son avis Joseph et Aséneth recèle un message caché, un « sens profond » ! Mais il ajoute qu'il « hésite » à proposer une signification. Pour justifier son silence, il cite les Écritures : « Abondance de paroles ne va pas sans offense ; qui retient ses lèvres est avisé » (Proverbes 10:19).

Nous savons très peu de choses de Moïse d'Ingila (parfois orthographié Inghila, Aghel, Aggel, Angelina). D'après l'ouvrage de William Wright, A Short History of Syriac Literature (Londres, Adam and Charles Black, 1894), ce Moïse était un érudit syriaque monophysite, actif vers 550-570 de notre ère (pp. 1314). Wright note que ce Moïse a traduit Joseph et Aséneth du grec en syriaque (ibid., p. 25) ainsi qu'une œuvre de Cyril d'Alexandrie : les Glaphyra (ibid., p. 112) (Simcha Jacobovici, Barrie Wilson, L'évangile oublié, traduit par Catherine Makarius, 2010 - books.google.fr).

William Wright donna une traduction des psaumes surnuméraires syriaques, 151 à 155, qui son utilisé dans l'étude de La Vraie Langue Celtique de l'abbé Henri Boudet (La Vraie Langue Celtique de l’abbé Henri Boudet : Le livre des Psaumes et les Psaumes apocryphes).

En fait l'anonyme a trouvé le livre à Bérée (Alep) de Syrie et se trouvait, lorsqu'il envoya sa lettre à Moïse d'Aghel, à Reshaina près de Mossoul (Albert Marie Denis, Introduction Aux Pseudépigraphes Grecs D'Ancien Testament, 1970 - books.google.fr).

Admettons donc que notre roman est juif et rien que juif, en précisant que le judaïsme qui l'a produit était à coup sûr un judaïsme hellénisé, à situer sans doute en Egypte Philonenko a en plus noté, le premier, que notre auteur se sert généreusement des clichés caractéristiques de ce curieux genre littéraire que l'on appelle le roman antique. C'est donc en amalgamant, à l'aide des topoi familiers du roman, de motifs divers puisés un peu partout que l'auteur de Joseph et Aséneth a composé sa narration. De ces rapprochements utiles il faut retenir surtout, je crois, l'heureuse idée qu'a eue Philonenko de comparer Joseph et Aséneth aux romans grecs et latins. Je pense même qu'il est possible de développer cette idée, modifiant par là, il est vrai, la conception que s'est faite Philonenko de la genèse de notre apocryphe. S'il est vrai que « d'un roman d'amour, l'auteur connaît tous les clichés », on peut constater d'assez frappants parallèles entre la structure de Joseph et Aséneth et celle de certains textes romanesques, notamment de la fable d'Amour et Psyché que raconte Apulée, Métamorphoses IV 28 - VI 24, de la reformatio de Lucius dans Métamorphoses XI et du mariage d'Habrocomès et Anthia chez Xénophon d'Éphèse, Éphésiaques I. (Christoph Burchard, Gesammelte Studien Zu Joseph und Aseneth, 1961 - books.google.fr).

L'auteur a du connaître la légende juive d'Asnath (Targoum du Pseudo-Jonathan, chapitre 38 des Pirké de Rabbi Eliézer) qui est fille de Dinah violée par Sichem, qui est exposée au désert et emportée par un aigle à Héliopolis chez le prêtre d'On Putiphar. Cette légende est rapportée par un texte syriaque où Putiphar loge Asnath dans une tour comm Aséneth l'est par Pentéphrès dans le roman dans lequel une origine juive d'Aséneth n'intervient pas.

On possède une version syriaque de Joseph et Aséneth incorporée à l'Histoire ecclésiastique de Zacharie le Rhéteur. Le texte en est conservé dans deux manuscrits, l'un et l'autre au British Museum (Add. 17202, f. 10r-25v et Add. 7190, f. 319r-328v). Le premier de ces deux manuscrits date du Ie ou du VIIe siècle, le second n'en est qu'une copie. [...] Cette version syriaque présente malheureusement une lacune, due à la perte de deux feuillets, et qui nous prive des dernières lignes du chapitre 13, de tout le chapitre 14, du chapitre 15 et des premières lignes du chapitre 16. La version syriaque s'apparente à la première recension longue. Elle comprend au chapitre 11 la prière secrète, au chapitre 18 les deux apparitions de l'intendant, au chapitre 19 le dialogue de Joseph et d'Aséneth, après le chapitre 21 l'hymne d'Aséneth, au chapitre 22 le portrait de Jacob. A noter toutefois que, comme le texte court, le syriaque a conservé au chapitre 16 le récit du miracle accompli par l'ange. La préface qui précède Joseph et Aséneth dans l'Histoire ecclésiastique de Zacharie est fort intéressante. Elle permet de dater avec quelque précision la version syriaque et c'est aussi le premier témoignage ancien sur notre roman. Dans cette préface, un anonyme écrit à un certain Moïse. Il a, dit-il, trouvé à Bérée, en Syrie, dans la bibliothèque de la maison épiscopale, un petit livre, écrit en grec et intitulé "Livre d'Asiath". Il a lu le récit, mais il n'a pas compris l'allégorie, d'autant plus que le grec est pour lui une langue étrangère qu'il possède mal. Il adresse donc l'opuscule à Moïse en lui demandant de bien vouloir le lui traduire en syriaque. Dans une lettre préface, Moïse présente la traduction demandée. Or, ce Moïse n'est pas un inconnu : ce n'est autre que Moise d'Aggel qui, à la demande du moine Paphnutius, entreprit de traduire en syriaque les Glaphyra de Cyrille d'Alexandrie, entre 550 et 570.

La version slave a été publiée d'après un manuscrit de la Bibliothèque Nationale de Belgrade (slave 29, f. 141r-160r ou 160v, du XVe siècle) par S. Novakovic. Ce manuscrit a malheureusement été détruit pendant la guerre, en 1941. Il existe un second manuscrit de cette version à Bucarest (Biblioteca Academiei Republicii Populare Romine, slave 306, f. 435 (432)r-457 (454). Ce manuscrit est inédit. [...] La version slave [...] se rattache au texte court. Elle ne comporte pas, au chapitre 11, la prière secrète, au chapitre 18 les deux apparitions de l'intendant, au chapitre 19 le dialogue de Joseph et d'Aséneth au chapitre 22 le portrait de Jacob. [...] L'importance du slave est donc de tout premier ordre. Non seulement c'est la seule version qui nous ait transmis le texte court, mais encore elle en est parfois le plus sûr témoin. Il n'en reste pas moins que cette version n'est pas sans défaut (Marc Philonenko, Joseph Et Aséneth: Introduction Texte Critique Traduction Et Notes, 1974 - books.google.fr).

L'étoile du matin se leva alors. Aséneth la salua du titre d'« ange et héraut de la lumière du grand jour». Près de l'étoile s'ouvrit le ciel et un homme semblable à Joseph descendit chez Aséneth. C'était (dit-il) le stratiarche de la maison de Dieu, et il demanda à Aséneth de se rhabiller (14,1-15,2). Puis il lui déclara : Courage, Dieu t'a exaucée. Tu seras des maintenant récréée et tu mangeras le pain de vie. Dieu t'a donnée à Joseph pour épouse. Du reste, ton nom ne sera plus Aséneth, mais Ville de Refuge, car beaucoup de pénitents se réfugieront en toi à Dieu. J'irai raconter tout ceci à Joseph. Prépare-toi à le recevoir (15,2-10)

Pleine de joie, Aséneth invita l'homme céleste à goûter du pain et du bon vin très vieux (15,11-15). Son visiteur lui demanda aussi du miel et en fit apparaître un rayon miraculeusement, parce que Aséneth n'en avait aucun (sans utiliser le mot, le texte laisse sous-entendrc qu'il s'agitdela manne) (16,1-12). Puis l'homme céleste rompit un un morceau du rayon, il en mangea et donna le reste à Aséneth en disant : Mange ! Aséneth mangea, et l'homme ajouta : Maintenant tu as mangé le pain de vie et tu vivras à jamais (16,13-16). L'homme céleste traça de son doigt une croix sur le rayon de miel, et la croix devint sanglante. Des milliers d'abeilles sortirent du rayon et entourèrent Aséneth pour construire un nouveau rayon sur ses lèvres, rayon dont elles mangèrent. Après, l'homme les chassa chez elles. Certaines voulurent piquer Aséneth, mais elles tombèrent par terre, mortes; l'homme les résuscita et les renvoya également (16, 24s. 17-23). Puis l'homme toucha le rayon; du feu s'éleva et le dévora (17,1-3). Aséneth demanda à l'homme de bénir également ses sept servantes (Christoph Burchard, Gesammelte Studien Zu Joseph und Aseneth, 1961 - books.google.fr).

Dans le roman de Joseph et d'Aséneth, il n'est pas question des cinq puissances, mais de sept servantes. Cette modification a été entraînée par le souci de faire de l'héroïne non point le type du Logos, mais l'image de la Sagesse, préfigurée dans la maison aux sept colonnes de Proverbes 9,1 (Marc Philonenko, Joseph Et Aséneth: Introduction Texte Critique Traduction Et Notes, 1974 - books.google.fr).

On retrouve donc une configuration similaire à celle d'une autre histoire de mariage (double mariage) : le Livre de Tobie où Sara représente aussi la Sagesse/Pneuma, les 7 maris les tuniques constituant le pneuma, Tobie le corps et Asmodée l'âme. Le rôle d'Asmodée est joué ici par l'ange de l'étoile du matin (Helel chez Isaïe devenu le démon Lucifer chez Jérôme) qui descend du ciel comme l'âme et est présenté comme un double de Joseph (personnification du corps), se livrant à une véritable parade envers Aséneth, autre pneuma.

Les âmes empruntent aux sept cercles planétaires, traversés dans leur chute, les éléments de leur corps astral ou pneuma.

Joseph se voit confier le gouvernement de toute l'Égypte.

L'Egypte est l'image de la matière et du corps déjà chez Philon. C'est en Egypte qu'Asmodée est lié par Raphaël.

Sans doute subsiste-t-il, entre Israélites et Egyptiens, le vif souvenir d'une antinomie que, pour les premiers, la lecture du livre de l'Exode vient sans cesse raviver. C'est à tel point que, tout particulièement chez Philon, se développe constamment un ensemble d'allégories que recueilleront ensuite fidelement les exégètes chrétiens: l'Egypte - la «Maison de Servitude» - et le Nil sont l'image de la matière et du corps esclave des passions, tandis que Pharaon lui-même représente la dispersion de l'âme loin du bien, et l'asservissement au plaisir ! (La Croix d’Huriel et Léonard de Vinci).

Le roman [L'histoire biblique] de Joseph se présente alors comme un véritable plaidoyer pour la cohabitation entre Juifs et Égyptiens. Joseph incarne la réussite exemplaire d'un Juif en Égypte, puisqu'il arrive à s'intégrer parfaitement dans le milieu égyptien malgré des circonstances de départ peu favorables. D'ailleurs, Joseph meurt en Égypte et son corps est embaumé comme celui d'un haut fonctionnaire égyptien. Enfin, ce roman montre que c'est grâce à l'exil égyptien de Joseph que les «frères judéens » ont été sauvés, insistant de ce fait sur l'importance économique et intellectuelle de la diaspora égyptienne pour le judaïsme naissant. Le roman de Joseph prélude ainsi l'essor énorme que prendra le judaïsme égyptien à l'époque hellénistique. C'est aux Juifs d'Alexandrie [Septantes] que nous devons la traduction du Pentateuque en grec au IIIe siècle avant notre ère. L'image très positive de l'Égypte qui se trouve à la fin du livre de la Genèse contraste avec l'image d'une Égypte opprimante qui ouvre le livre biblique suivantr, celui de l'Exode (Thomas Römer, Bible et Egypte, Le livre des Egyptes, 2014 - books.google.fr).

Lucifer

Car c'est bien le cœur qui est, dans le roman du Lancelot en prose, le principe de la valeur et la source de la liberté, mais il ne faut pas oublier le corps, qui en a la garde, comme le rappelle saint Bernard dans le même sermon sur les paroles d'Isaïe. La leçon donnée à Lancelot par la Dame du Lac part justement de la distinction entre les vertus du cœur et du corps : « Quel devision, fait la dame, a il entre les vertus del cuer et cheles del cors ? » (XXIa, 8, t. VII, p. 248). Les vertus du cœur, chacun peut les avoir, et n'en manque que par paresse. Mais les vertus du corps «... si quit que li hons les aporte avoeques li hors del ventre sa meire, des chele eure que il naist» (ibid., 9). Le corps est donc hérité, et c'est la grande idée du roman généalogique que d'explorer le problème moral posé par cet héritage, et par la douloureuse garde du corps. La protection maternelle joue un rôle important contre le mal dont, par son propre péché, elle peut avoir été en partie responsable. Mais ce que le pouvoir de la fée démontre, c'est qu'il n'y a pas de puissance du mal invincible, la femme étant d'ailleurs la mieux faite pour comprendre et éclairer l'homme sur les secrets de ce mal. Ce que veulent démontrer les auteurs du Lancelot, en mettant dans les mains de Lancelot les clés de la liberté morale, c'est précisément que l'on peut vaincre Satan. Voilà bien le thème majeur du quatrième concile de Latran (1215), thème de départ, thème qui domine le début du Lancelot en prose, et qui nous vaut dès les premières pages une explication de la nature des fées, des diables et de Merlin (VIa, 1-12). De ces pages importantes, et parfois remaniées, il ressort que les diables, ou du moins certains diables, ne peuvent imposer leur volonté aux êtres humains, étant surtout animés par un désir luxurieux. Comment parviennent-ils à leurs fins ? Par la ruse, comme le montre l'exemple de la conception de Merlin. Et rappelons qu'à l'origine du monde arthurien, et du roi lui-même, on évoque une faute sexuelle. Cet enseignement doit rassurer ceux qu'épouvante l'idée d'un pouvoir du Mal s'opposant au pouvoir du Bien, à Dieu, comme le croient certains «hérétiques». Mais d'autre part il rattache nettement la notion du mal à la sexualité, confirmant et précisant la culpabilité illustrée dès la Genèse par le mythe de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, « lignum scientiae boni et mali », apparemment confondu, et l'on comprend pourquoi, avec « lignum vitae ». Le statut philosophique des enchantements, de la magie, tels que nous les voyons à l'œuvre dans notre roman, ne fait pas de doute : ils ont bien leur source dans un mal ayant trait à la sexualité. Ce qu'illustre encore le discours tenu par Siméon, au Saint Cimetière, expliquant la notion de péché par rapport à la génération, et l'enchantement dont il souffre en sa tombe par une punition du ciel (Daniel Poirion, La douloureuse garde, Approches de la littérature en prose, 1984 - books.google.fr).

Chez de Boron, Siméon est le neveu de Joseph d'Arimathie, Lancelot le petits-fils par Galaad. Le thème de la sexualité se retrouve dans le personnage d'Asmodée, démon de la luxure dans la tradition judéo-chrétienne.

Cherchant les causes du drame céleste dans une raison plus profonde que la jalousie contre Adam, Origène crut en trouver l'expression dans un passage d'Isaïe, XIV, 13 [12-14] :

"Comment est-elle tombée du Ciel l'étoile du matin, qui se levoit le matin ? Je monterai au Ciel, j'établirai mon trône au-dessus des astres de Dieu je m'assierai sur la montagne de l'alliance, aux côtez, de l'Aquilon ; Je me placerai au-dessus des nuées les plus élevées, & je serai semblable au Trés haut". Pour Origène, « l'astre brillant » n'était autre que « le prince de ce monde » de saint Jean ou « le Dieu de ce siècle » de saint Paul ; aussi traça-t-il les grandes lignes d'un nouveau mythe, selon lequel Satan s'était attiré le châtiment divin à cause de sa prétention de devenir semblable au Très-Haut. L'explication d'Origène, reprise par des exégètes comme Eusèbe, saint Athanase, Grégoire de Nazianze et, en Occident, par saint Ambroise et saint Jérôme, pour ne citer que quelques noms, a fait longtemps autorité. Cependant, elle non plus ne devait pas résister à toute critique. D'autres commentateurs comme saint Basile et saint Cyrille en Orient, saint Augustin en Occident, tout en admettant comme cause du soulèvement du démon son orgueil prévaricateur, se sont refusés à lui attribuer le texte d'Isaïe. Leur thèse a prévalu et les théologiens sont aujourd'hui d'accord pour admettre que le texte d'Isaïe visait en réalité le roi de Babylone qui avait foulé avec ses armées le sol de la Palestine et auquel le prophète prédisait un châtiment effroyable. Mais le mythe une fois constitué sur la base du texte d'Isaïe n'a cessé de faire son chemin. La réaction qui s'est produite à son égard à la fin du ive siècle n'a pu empêcher sa fortune, de même qu'elle n'a pu arrêter la diffusion du nom de Lucifer — nom inventé par saint Jérôme — avec le sens de « démon » ; en effet, ce nom n'est qu'une traduction de l'épithète d'« astre brillant », en grec phôsphoros, eôsphoros, qu'Isaïe donne au roi de Babylone dans le passage où l'identité de Lucifer avec le démon est due à une interprétation arbitraire. Rejetée par les docteurs de l'Église, la légende de Lucifer a été recueillie par les hagiographes et par les gens pieux. Les apocryphes, à leur tour, n'ont pas tardé à s'en emparer. Aussi sommes-nous moins étonnés de la rencontrer dans le Martyre de saint Paul et de sainte Julienne, dans l'Évangile de Barthélémy ou dans la Vita Adae et Evae, que de constater, avec Zigabène, combien grande a été sa popularité parmi les Bogomiles. D'autre part, il est évident que, dans cette carrière qui se déplace du domaine orthodoxe vers celui des apocryphes pour échouer finalement parmi les fables des hérétiques, chaque étape garde pour nous son intérêt distinct. Or, que voyons-nous chez les historiens du bogomilisme '? Certains d'entre eux, trouvant ce mythe dans les apocryphes slaves, et suivant trop à la lettre les indications de Zigabène, ont pensé y reconnaître l'intervention des rédacteurs bogomiles ; du coup, ils ont laissé tomber les autres étapes du mythe et ont oublié que, parmi toutes les légendes concernant la chute de Satan, celle-ci était la seule à relever d'une base scripturaire et d'une tradition considérée longtemps comme irréprochable (Emil Turdeanu, Apocryphes Slaves Et Roumains De L'Ancien Testament, 1981 - books.google.fr).

L'étoile du matin qu'Isaïe nomme Hélél était le dieu Ashtar pour les Ouest-Sémites et pour les Arabes. La Septante a traduit Hélél par Eophoros, « qui porte l'aurore» et la Vulgate par Lucifer, « qui porte la lumière». L'expression «fils de l'Aurore» a été remplacée par une annotation vague : « celui qui fait apparaître (le jour) le matin», dans la Septante, et qui mane oriebaris, « (toi) qui le matin sortais (de l'horizon) », dans la Vulgate (Robert Du Mesnil du Buisson, Nouvelles études sur les Dieux et les mythes de Canaan, 1973 - books.google.fr).

Un apocryphe néo-testamentaire intitulé Interrogatio Johannis : « L'Interrogation de Jean » ou la « Cène secrète », expose les révélations faites par le Christ à Jean, son apôtre bien aimé, à propos de la création du monde. Édina Bozoky, qui l'a étudié et publié, a montré combien ce texte - tardif pour un apocryphe du Nouveau testament, car il date de la fin du XIe ou du début du XIIe siècles - appartient à la tradition des apocryphes slaves de son temps et n'emprunte rien ni au manichéisme ni à nulle autre secte orientale (Anne Brenon, Le choix hérétique: Dissidence chrétienne dans l'Europe médiévale, 2006 - books.google.fr, Edina Bozoky, Interrogatio Johannis, 1990 - books.google.fr).

Le mythe dualiste mitigé de la chute de Lucifer est conforme à la leçon de l'Interrogatio Johannis ou Cène secrète, à quelques nuances près selon les auteurs. Anne Reltgen fait remarquer à quel point les doctrines mitigées à propos de la création restent stables sur près d'un siècle. A partir des éléments divins, le diable/Lucifer divise la matière pour créer les êtres et les choses visibles, dans lesquelles il enferme les âmes humaines, qui sont les anges tombés avec lui, du moins selon certaines des interprétations « mitigées » (Heresis, Numéros 13 à 17, 1990 - books.google.fr).

Jeune Bosnie

The liberalism of Mlada Bosna was tempered by an ascetic streak that for me seems linked in spirit with the practices and beliefs of the ancient Bosnian Bogomils. This asceticism was due partly to poverty and partly to the intense, radical commitment demanded by revolutionary activity. Many Young Bosnians renounced family ties and abstained from liquor and sex. This repudiation of worldly contacts and pleasures wasn't universal among all the conspirators in 1914 (many of the older men charged in the conspiracy to kill Ferdinand were married and enjoyed their sljivovica), but it is true of the young insurgents living in Austrian—occupied Bosnia, Princip among them. It is also possible that in Princip's case his father's conservatism rubbed off on him. In general, the Young Bosnians distinguished themselves from older, more conservative revolutionaries, such as Vladimir Gacinovic, who was influenced by theories on gradual social revolution (Tony Fabijancic, Bosnia: In the Footsteps of Gavrilo Princip, 2010 - books.google.fr).

Atanasije Stojkovic a consacré une étude à l'idéologie de la « Jeune Bosnie » (Hist. cas., XVI, 1968, 4, p. 598- 610). Cette société secrète, sœur cadette de l'Ujedinjena omladina srpska, née au début du siècle, reçut son nom, sur le modèle de son aînée, autour de 1910. Ses membres, partisans eux aussi de l'action violente, avaient fait le sacrifice de leur vie. Il signale qu'une bibliographie intégrale sur la Mladâ Bosna est dressée par Nicolas Trisië : « L'attentat de Sarajevo à lalumière des éléments bibliographiques » (Belgrade, I-II, 1961-1964). (Revue des études slaves, 1969 - books.google.fr).

Le Mouvement de la jeunesse serbe réunie (Ujedinjena omladina srpska), créée à Novi Sad, qui tient ses congrès à partir de 1866, jusqu'à 1872, sont sous l'influence des idées de Mazzini et au fond hostiles à l'Autriche ; leurs sympathies popur l'opposition magyare s'expliquent probablement par le fait qu'ils voient dans l'Autriche et non chez les Magyars le principal obstacle dans leur lutte pour l'indépendance.

Mécontents de l'inaction militaire de la Serbie, les jeunes Serbes de Voïvodine s'enthousiasment pour le Monténégro, qui, pour soutenir les insurgés serbes en Herzégovine, se bat sans cesse contre la Turquie pour récupérer des territoires frontaliers. Portée par le romantisme national la "Jeunesse serbe unifiée" excite le sentiment révolutionnaire jusqu'à son interdiction par les autorités hongroises en 1871. Les leaders de la Jeunesse, Vladimir Jovanovic et Svetozar Miletié, comptent sur une lutte commune des Serbes et des Italiens pour leur libération nationale.

Au lendemain de la défaite autrichienne de Sadowa en juillet 1866, Garasanin établit des contacts avec les leaders politiques croates. Ces derniers, déçus par le Compromis austro-hongrois de 1867, qui leur a imposé un double suzerain - la Double Monarchie austro-hongropise - ont signé un accord d'action commune en Bosnie. Leur chef de file, l'évêque catholique de Djakovo, Josip Juraj Strosmajer, accepte, dans un entretien avec Garasanin, le principe de la création d'un « Etat fédéral [...]

Dans ce but, Strosmajer recherche la collaboration des Serbes des confins militaires, d'Herzégovine, de Bosnie, du Monténégro et même de la Serbie qui, bien que simple principauté autonome au sein de l'Empire ottoman, s'affirme de plus en plus comme un pôle rival du rassemblement yougoslave. En 1866, alors que la réorganisation de l'Empire des Habsbourg paraît nécessaire, Strosmajer pense que plusieurs actions sont envisageables dans les Balkans comme, par exemple, l'établissement de liens directs avec la Serbie, l'élaboration de projets d'insurrection en Bosnie et de coopération avec les Serbes de la Krajina, ou la signature d'accords sur la création d'un Etat commun croato-serbe. La politique yougoslave de Strosmajer vise à l'entente entre deux mouvements nationaux à deux niveaux, l'un limité au cadre austro-hongrois, l'autre étendu à la péninsule balkanique. Plusieurs solutions du problème yougoslave existent alors : soit une réorganisation fédéraliste de la Monarchie dans ses frontières existantes, soit la formation d'un Etat yougoslave commun hors des frontières de la Monarchie, soit l'entrée de la Serbie dans la Monarchie, ce qui permettrait à Zagreb de renforcer sa position face à Vienne et à Budapest. En 1867, le Parti populaire croate élabore en secret avec le gouvernement serbe un programme de politique sud-slave, de même que le plan d'une action armée en Bosnie-Herzégovine. Ce projet esquissé par le Croate Antonije Oreskovic, qui dispose de la confiance de Belgrade, est complété par Garasanin et ratifié par les dirigeants du Parti populaire croate. Catholique libéral, Mgr Strosmajer souhaite une union des Slaves orthodoxes avec Rome. Considérant que le schisme de 1054 est l'œuvre des Grecs et non des Slaves, il estime que le Vatican devrait conclure avec les Slaves du Sud un pacte d'autant plus que, selon lui, les différences de dogme entre l'Eglise catholique romaine et l'Eglise orthodoxe sont purement formelles, ne concernant que l'organisation hiérarchique et les rites, non le dogme. La transformation de l'Empire d'Autriche en une double monarchie en 1867 et l'accord (Nagodba) croato-hongrois de 1868 interdisent tout espoir de voir des changements profonds dans un avenir proche. La stabilisation de l'Autriche Hongrie relègue l'idée yougoslave au second plan. Le retrait de Strosmajer, mécontent de la révision de l'accord hungaro-croate de 1868 atténue la question yougoslave.

L'occupation de la Bosnie-Herzégovine par l'Autriche-Hongrie en 1878, au lieu de favoriser un rapprochement des Slaves du Sud, augmente la rivalité entre les nationalismes serbe et croate et le Premier congrès catholique croate va tracer, en 1900, la frontière nationale croate sur la Drina, qui sépare la Bosnie de la Serbie. Cette frontière sera déclarée « historique et naturelle » car elle représentait au IV' siècle de notre ère la limite entre le monde catholique et le monde orthodoxe. En Bosnie-Herzégovine, selon le recensement turc de 1865, 593 000 Serbes, 419 000 Musulmans et 275 000 Croates cohabitent sous la souveraineté ottomane. Les « troubles d'Orient », qui éclatent dans les années 1870, offrent des occasions de choix pour les intrigues des puissances européennes à la recherche de clientèles politiques et économiques. Dans la guerre qu'elle engage en 1876 contre l'Empire ottoman, la Serbie souhaite conquérir la ville de Nis, puis, après la victoire sur les Turcs, proclamer le rattachement de la Bosnie et de l'Herzégovine au royaume de Serbie. Mais elle ne dispose que de 40 000 soldats renforcés par 600 officiers et 2 500 volontaires russes. Le commandement de l'armée serbe est confié au général russe G. Tchernaiev, le « lion de Tachkent », qui s'est illustré en Asie centrale. Au printemps 1876, la rébellion reprend en Bosnie et éclate en Bulgarie occidentale. Le 11 mai 1876, à Constantinople, les « jeunes Turcs », nationalistes et progressistes, contraignent le sultan à abdiquer et forment un gouvernement. La paralysie du pouvoir à Constantinople, pendant quelques semaines, favorise l'embrasement de l'Empire ottoman. Les Serbes, alliés aux Monténégrins, demandent au gouvernement ottoman le partage de la Bosnie et de l'Herzégovine et entrent en guerre. Les ambitions des grandes puissances pouvant se manifester par des interventions, Bismarck s'efforce de calmer les Autrichiens et les Russes. L'entrée en guerre des Serbes provoque en Russie un mouvement d'opinion panslave. Les assemblées populaires des Serbes de Bosnie proclament, en juin-juillet 1876, le rattachement de la Bosnie à la Serbie et de l'Herzégovine au Monténégro. Le prétendant au trône de Serbie, Pierre Karadjordjevic - petit-fils de Karadjordje et fils du prince Alexandre, ancien Saint-Cyrien et officier de l'armée française en 1870-71 - commande une compagnie d'insurgés sous le nom de Petar Mkronjic. L'opinion publique anglaise turcophile évolue à la suite des événements de Bulgarie grâce à des journalistes (Daily News et Times) et à l'un des chefs de l'opposition, William Gladstone. Ce dernier demande une entente avec la Russie. Ceci explique la rencontre à Reichstadt, en Bohême, le 8 juillet 1876, des deux empereurs de Russie et d'Autriche. Ils examinent les conséquences d'une victoire serbe, qui pourrait provoquer la dislocation de l'Empire ottoman. La Bosnie et l'Herzégovine pourraient être partagées entre la Serbie et le Monténégro, l' Autriche-Hongrie revendiquant la Croatie turque tandis qu'apparaîtraient des Etats autonome en Bulgarie, Roumélie et Albanie. La Russie reprendrait en Asie et en Europe ses frontières de 1854. Andrâssy, hostile à cette orientation, freine les efforts des ennemis des Turcs, interdisant à Milan Obrenovic de s'intituler "roi des Serbes", le menaçant d'une intervention hongroise et d'un soutien aux Karadjordjevic en Bosnie. L'armée serbe, transformée prématurément à l'européenne par le général russe Tchernaiev, est battue à Alexinac en octobre 1876 par Osman Pacha. Cette défaite serbe va précipiter l'intervention russe. Mais, comme cette dernière n'a pas été prévue à Reichstadt, une mission russe est envoyée à Vienne en octobre et elle aboutit aux deux conventions de Budapest du 15 janvier et du 18 mars 1877. Saint-Pétersbourg souhaite une action concertée des deux monarchies contre l'Empire ottoman, les troupes autrichiennes entrant en Bosnie en même temps que les troupes russes en Bulgarie avant d'appliquer le programme de Reichstadt. Andrâssy ne veut prendre aucun risque et préfère occuper la Bosnie-Herzégovine sans guerre et sans entrave diplomatique. La convention militaire de Budapest garantit à la Russie la neutralité bienveillante de l' Autriche-Hongrie et prend acte de ce que « les populations chrétiennes et musulmanes en Bosnie et dans l'Herzégovine étaient trop entremêlées pour qu'il fut permis d'attendre, d'une organisation autonome seule, une amélioration de leur sort ». Elle stipule que l'empereur d'Autriche-Hongrie réservait le choix du moment et du mode de l'occupation de la Bosnie et de l'Herzégovine par ses troupes. La convention politique additionnelle conclue entre les deux souverains a pour but de « limiter leurs annexions éventuelles » : celle de l'empereur à la Bosnie et à l'Herzégovine, à l'exclusion du Sandjak de Novi-Pazar, territoire situé entre la situé entre la Serbie et le Monténégro, qui ferait l'objet d'un accord ultérieur, celle du tsar aux trois départements de la Bessarabie méridionale abandonnés par le traité de Paris en 1856 (Fran Zwitter, Les problèmes nationaux dans la monarchie des Habsbourg, 1960 - books.google.fr, Études danubiennes, Volumes 12 à 13, 1996 - books.google.fr).

Il est dit par ailleurs que Mlada Bosna aurait été créée en 1893 à Mostar (Steven W. Sowards, Moderne Geschichte des Balkans: (der Balkan im Zeitalter des Nationalismus) traduit par Georg Liebetrau, 2004 - books.google.fr).

Strossmayer (1815 - 1905) soutint l'unification de tous les peuples slaves du sud sous l'égide des Habsbourg et promut l'unification religieuse à travers l'utilisation du rite slavon tant dans l'Église catholique romaine que dans l'Église orthodoxe. Il servit de nonce apostolique auprès de la Serbie où il se rendit à sept reprises entre 1852 et 1886 (fr.wikipedia.org - Josip Juraj Strossmayer).

La politique de Strossmayer de rapprochement croato-serbe avait pour but ultime - jamais avoué publiquement - de créer des conditions permettant aux Serbes orthodoxes, après leur adhésion à l'idée yougoslave, de reconnaître l'autorité du pape de Rome. Bon catholique avant d'être croate, Strossmayer considérait le rapprochement yougoslave comme une étape nécessaire sur le chemin menant à l'union des deux Eglises chrétiennes, catholique romaine et orthodoxe, en une seule Eglise qui aurait été placée sous la juridiction du Vatican (Dusan T. Batakovic, Histoire du peuple serbe, traduit par Ljubomir Mihailovic, 2005 - books.google.fr).

Mgr Strossmayer se signala au concile du Vatican I (1870) par la franchise de son opposition et quitta Rome sans vouloir reconnaître le dogme de l'infaillibilité, ce qu'il ne fit qu'en 1872, après Dupanloup et Haynald, autres opposants.

Le 22 mars, Mgr Strossmayer, évêque de Sirmium (Croatie), un des meilleurs latinistes de l'assemblée, prononce un discours très digne où il ose prétendre que certains protestants peuvent aimer sincèrement Jésus, peut-être même davantage que certains catholiques. A peine Strossmayer a-t-il parlé qu'un hourvari traverse la basilique: – Hoereticus! Hoereticus ! (« Hérétique ! ») Damnamus eum ! (« Qu'il soit damné! ») Alors quele tumulte enfle, le malheureux Strossmayer, blême, descend de la tribune en murmurant : – Protestor ! Protestor !Protestor ! (« Je proteste!») (Bernard Lecomte, Le concile Vatican I, 2012 - books.google.fr).

Strossmayer était en correspondance avec Soloviev (1853 - 1900) qui combattit pour l'unité de l'Eglise et qui se convertit de l'orthodoxie au catholicisme dans la chapelle Notre Dame de Lourdes le 18 février 1896 à Moscou (Charles Journet, L'Eglise du Verbe Incarné., Volume 2, 2000 - books.google.fr).

Soloviev est parfois comparé à son contemporain, le cardinal John Henry Newman, passé lui-même au catholicisme le 9 octobre 1845. Ils ont les mêmes préjugés contre le papisme au départ, le même ostracisme, la même volonté de faire la volonté divine, le même goût pour les Pères de l'Église (notamment Saint Augustin), pour l'histoire ecclésiastique, la philosophie des évolutions religieuses, l'ascension de la connaissance humaine jusqu'à Dieu, les devoirs quotidiens de la piété (fr.wikipedia.org - Vladimir Soloviev).

Le contexte balkanique

En 1866, Bismarck, premier ministre du Royaume de Prusse, en dénonçant une mauvaise gestion des duchés par l'Autriche, envahit le Holstein et déclenche ainsi la guerre austro-prussienne, écartant l'Autriche du futur Empire allemand. Les duchés de Holstein, de Saxe-Lauenbourg et de Schleswig en question avaient été l'objet d'une seconde guerre en 1864 après une première guerre de Schleswig en 1848, réglée momentanément par deux protocoles signés à Londres en 1850 et 1852. Dans la guerre contre la Prusse, la Russie ne soutient pas l'Autriche, battue à Sadowa, qui est soutenue par le Wurtemberg et la Hesse-Darmstadt, liés matrimonialement aux souverains russes.

Du côté de l'Autriche (ou plus précisément du côté de la Confédération germanique) on compte les états d'Allemagne centrale : Saxe, Royaume de Bavière, Bade, Wurtemberg, Hanovre, Hesse-Darmstadt, Hesse-Cassel, Hesse-Hombourg, Nassau et d'autres États de moindre importance (fr.wikipedia.org - Guerre austro-prussienne).

Après la guerre de 1866, le grand-duché conserva son autonomie, du fait que la plus grande partie de son territoire était situé sur la rive sud du Main et que la Prusse n'osa pas s'étendre au-delà de ce fleuve de peur de provoquer la France. À noter également que le grand-duc était le beau-frère du tsar Alexandre II de Russie. Une partie du grand-duché située au nord du Main (les environs de Giessen appelés Oberhessen) fut cependant incorporée à la Confédération de l'Allemagne du Nord, établie par le Royaume de Prusse en 1867. En 1871, le reste du grand-duché rejoignit l'Empire allemand (fr.wikipedia.org - Grand-duché de Hesse).

L'Italie reçoit en 1866, malgré ses défaites, la Vénétie.

En 1914, le jeu des alliances fait que Russie, France et Angleterre se trouvent dans le camp opposé à celui de l'Allemagne et de l'Autriche.

"Vira Angelina" au lieu de "Viva Angelina"

A l'énigme jamais résolue du crime dont fut victime l'abbé Antoine Gélis, assassiné dans son presbytère à Coustaussa dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1897, s'est ajouté le mystère d'un indice laissé, volontairement ou non, par le criminel. Dès les premières constatations, il fut retrouvé, auprès du cadavre, un cahier de feuilles de papier à cigarettes, dont un des rabats portait une inscription écrite au crayon. Alors qu'il était couramment accepté qu'il fallait lire Viva Angelina, la lecture des deux procès verbaux établis aux premières heures de l'enquête révèlent que cette évidence n'est pas si définitive. Pour certains, Viva Angelina serait une sorte de signature, un message laissé par le ou les assassins ou bien encore le cri de ralliement des membres d'une société secrète.

On pourrait y lire "vira Angeline" au lieu de "viva Angelina" (radiomagdala.blogs.midilibre.com - A propos de Viva Angelina).

En fait, les trois dialectes principaux, croate, à l'ouest, dalmate, au sud, serbe du Danube, ne diffèrent que par la prononciation de la voyelle é (véra, vira, vijéra, la croyance; réka, rika, rijéka, la rivière). Le malheur du serbo-croate a été l'usage d'un double alphabet, cyrillien à l'est, à l'ouest latin modifié; cette division fut la conséquence de l'ancienne scission religieuse (André Lefèvre, Germains et Slaves: origines et croyances, 1903 - books.google.fr).

Angélina de Serbie est fêtée le 30 juillet en orthodoxie (Calendrier orthodoxe, 1990, Fraternité Orthodoxe Saint Grégoire Palamas - books.google.fr).

Sainte Vera l'est le 17 septembre ou 18 septembre en Orient, ou sa transcirption latin sainte Foi le 1er août.

Dans la religion chrétienne auraient été martyrisées, au IIe siècle, lors des persécutions entreprises sous l'empereur Hadrien, trois sœurs et leur mère : sainte Véra (qui signifie la Foi en langue slave), ses sœurs Nadège (l’Espérance) et Liouba (la Charité) et leur mère, sainte Sophie (la Sagesse). Au moment de sa mort, sainte Véra était âgée de douze ans. Ces noms sont les formes russes des noms grecs Pistis (Véra ; en latin : Fides), Sophia (Sonia ; en latin : Sapientia), Elpis (Nadège ; en latin : Spes) et Agapis (Liubbe ; en latin : Caritas). Autrefois, Vera de Rome et sa sœur, Charité, étaient célébrées le 1er août dans le Martyrologe catholique romain (fr.wikipedia.org - Vera, fr.wiktionary.org - vira).

La "dame angéline" est la Vierge. On trouve "angeline salutation" dans les Miracles de la Sainte Vierge (vers 1240) et "angelin avenement" (vers 1230) pour "angélique" (Henri Pichette, Odes à chacun, 1988 - books.google.fr).

Une autre Angelina

Le R. P. Hausherr a signalé naguère occasionnellement certain « abbas Hesaias », auteur, vers l'an 1200, de lettres spirituelles à la moniale Theodora Angelina, surnommée Phôcaïtissa », fille aînée d'Isaac II Ange (1185-1195, 1203-1204), peu après la mort misérable de cet empereur de Constantinople (1204). C'était pour souligner dans cette œuvre « une étape entre Syméon le Nouveau Théologien et l'hésychasme du XIVe siècle». Ces quelques lignes, nettes et exactes, sont la seule mention intéressante que nous ayons rencontrée sur le personnage et ses écrits. [...]

Un seul principe d'unité de l'ensemble : le rabâchage de la primauté de l'hésychie dans la vie spirituelle.

Le Livre II contient trois vies de Melanie la Jeune, Synklétiké, Theodora. Les deux premières sont courtes. La troisième, plus étendue est présentée sous la forme d'enseignements de l'abbé Isaïe (l'anachorète égyptien du IVe s.) à Theodora et transmise par celle-ci à ses sœurs. [...]

Pour occuper l'esprit, alternent avec les précédents exercices la lecture et la prière. La lecture est très souvent recommandée ; celle des Livres saints et du directoire d'Isaïe, faite avec intelligence dans le climat indispensable de l'hésychie. Pour la prière, la psalmodie en privé des heures du jour et de la nuit accapare une grande partie du temps : l'ordre en est détaillé avec une belle précision. La récitation doit être lente et réfléchie. Il s'y ajoute, semble-t-il, une prière personnelle, plus directement liée à l'examen régulier du progrès individuel à la méditation des bienfaits de Dieu, des mystères de la vie du Christ... Les intentions en sont très diverses depuis l'intéressée et Isaïe qui se recommande volontiers à elle jusqu'au salut de tout le peuple chrétien. On nous donne deux formules de prière : une doxologie trinitaire à laquelle notre moine paraît tenir, car il y revient deux fois et la prière de Jésus, le seul point pratiquement intéressant à ce sujet. « La prière de Jésus, c'est la prière que je t'ai enseignée» redit souvent Isaïe ; on devine à la formule que c'est un précieux secret. Le P. I. Hausherr a bien remarqué, comme du reste aussi pour l'hésychie, quelle place elle tient dans ce livre. Nous n'avons qu'à illustrer sa remarque de quelques exemples. Glosant un apohthegme anonyme, l'auteur explique : «la réflexion intime, c'est la prière ininterrompue dans le "nous" : Seigneur Jésus, aie pitié de moi; Fils de Dieu, aide-moi. Celui qui repasse cette prière-là dans son cœur jour et nuit jusqu'à la mort, dans l'éloignement du monde, peut aller au-devant du Christ avec assurance ». Il fait siennes les expressions afférentes du Climaque sur le sujet. Il est d'autant plus curieux qu'il paraît ignorer Diadoque et Hésychius, deux noms de circonstance pourtant. Tout au plus pense-t-il à ce dernier, quand il compare la prière de Jésus à la respiration. Cette prière s'appelle tantôt « pensée (souvenir) du nom de Dieu, du nom de Jésus, méditation cordiale, prière perpétuelle du cœur, prière spirituelle repassée sans cesse dans le cœur et même souvenir de la mort ». Elle produit des effets merveilleux : source de vertus, adoration vraie, stimulant des larmes, moyen d'échapper aux tentations, elle « angélise » le moine, le divinise même. Elle est enfin un signe de l'amour parfait de Jésus. Toute la vie de l'hésychaste est suspendue à cette pensée savoureuse de Jésus repassée dans le cœur ou exprimée par la voix (Jean Gouillard, Une compilation spirituelle du XIIIe siècle. "Le livre II de l'abbé Isaïe". In: Échos d'Orient, tome 38, N°193-194, 1939 - books.google.fr, beauchesne.immanens.com).

Jean Climaque compare l'hésychaste au chat guettant la souris (la « souris spirituelle » étant la pensée), à l'araignée qui se tient ans sa toile, attentive à s'emparer des moucherons. L'attention du chat ou de l'araignée ne se relâche jamais. Cette attention fait converger les énergies des pensées, elle les recueille, les rassemble et les unifie dans le lieu le plus profond de l'homme : le cœur considéré comme centre de la vie et racine de l'être. L'hésychaste répond au conseil formulé par le prophète Isaïe (XLVI, 8) : revenir au cœur (redire ad cor) afin d'en découvrir la profondeur. Pour l'hésychaste le combat consiste à chasser tout ce qui peut enténébrer le cœur et le troubler (Marie-Madeleine Davy, L'Homme intérieur et ses métamorphoses, 2005 - books.google.fr).

La prière de l'hésychaste comme la prière de tout chrétien est une prière d'homme qui se reconnaît pécheur. Le prophète Isaïe au moment où il vit Dieu s'appela un misérable et un impur », dit abba Matoès (Jean-Yves Leloup, Ecrits sur l'Hésychasme: Une tradition contemplative oubliée, 1990 - books.google.fr).

En Serbie c'est le rayonnement du monastère athonite de Chilandar (Hilandar, au Mont Athos) et du moine Isaie (un autre Isaïe), qui traduisit le corpus entier de Denys l'Aéropagite (cf. les neuf cheours des anges), qui fut à la tête de la mission de 1375 pour la réconciliation des églises serbe et byzantine, qui diffuse le mouvement palamite, lancé par Grégoire Palamas, moine grec, théologien, archevêque de Thessalonique (1296-1359), canonisé en 1368.

Une partie de la tête du prophète Isaïe serait conservé au monastère de Hilandar (oca.org - Prophet Isaiah).

En 1195, six ans seulement après la précédente, le pape Célestin III appela à une nouvelle croisade ; l'appel fut ignoré par les seigneurs européens. En effet, après l'échec de la précédente croisade, l'Europe était réticente à engager une autre campagne militaire en Terre sainte. Tandis que les Germaniques luttaient contre le pouvoir papal, l'Angleterre et la France étaient en guerre. Au cours de l'été 1202, l'armée croisée se réunit à Venise, sur le Lido, mais elle s'avéra beaucoup moins nombreuse que prévue. L'objectif était a riche Egypte capable de nourrir une armée de croisés. Alexis IV Ange, beau-frère de Philippe de Souabe et fils de l'empereur byzantin Isaac II Ange, s'était réfugié chez Philippe après l'usurpation du trône par son oncle Alexis III Ange. Isaac II avait en effet été dépossédé en 1195 par son propre frère et était gardé prisonnier dans les geôles de Constantinople, où il avait été aveuglé. Alexis fit à Boniface de Montferrat, chef de la croisade, une proposition alléchante : le paiement de la dette des croisés à Venise contre une aide pour récupérer le trône de Byzance. Il promettait aussi l'aide de troupes byzantines pour la conquête de l'Égypte.

L'attaque de Constantinople eut lieu le 17 juillet 1203. Alexis III prit la fuite à la nuit tombée, laissant sa famille dans la ville. Le peuple de Constantinople dut accueillir de mauvaise grâce Alexis IV, qui fut couronné empereur. Son père, Isaac II fut libéré des geôles et installé coempereur. Les croisés étaient opposés à l'accession au trône d'Isaac II : ils ne l'avaient jamais vu, il ne faisait pas partie du marché, et il avait auparavant négocié avec Saladin en trahissant Frédéric Barberousse en route pour la 7ème croisade. Les citoyens de Byzance supportaient très mal le comportement des « Latins » dans leur ville. De leur côté ceux-ci étaient choqués de trouver dans une ville chrétienne des synagogues, des mosquées ayant pignon sur rue, et aussi des juifs et des musulmans se promenant librement et parfois en armes, comme les chrétiens. Du point de vue des mœurs et idées aussi, les différences étaient mal perçues des deux côtés : les Byzantins trouvaient les croisés « sales, malodorants et brutaux », tandis que les croisés trouvaient les Byzantins « efféminés et schismatiques » (question du filioque et interprétation politique du statut de primus inter pares du pape). Des bagarres ne cessaient d'éclater, il y eut des morts et Alexis fut forcé de demander à ses alliés « Latins » de lever le camp pour s'installer de l'autre côté de la Corne d'Or (l'estuaire qui divise Constantinople en deux). Les affrontements ne cessèrent pas pour autant. À la suite de ces incidents, une conjuration contre Alexis IV se noua et le chef de l'opposition, Alexis Doukas, prit le pouvoir et se fit couronner empereur Alexis V. Alexis IV fut étranglé et son père Isaac II mourut également dans les jours suivants.

Les croisés et les Vénitiens, enragés par le meurtre de leur protecteur, attaquèrent de nouveau la ville en 1204. Il réussirent à pénétrer dans la ville par les remparts maritimes longeant la Corne d'Or. Les croisés furent finalement victorieux et mirent la ville à sac pendant trois jours, au cours desquels de nombreuses œuvres d'art furent volées ou détruites. Les chevaux de Saint-Marc qui ornent la basilique Saint-Marc sont un des nombreux témoignages du sac de Constantinople. Élément non moins important pour l'esprit médiéval, les croisés s'approprièrent un grand nombre de reliques, car les empereurs byzantins avaient concentré à Constantinople la plupart des reliques de l'Orient chrétien.

Les croisés furent désormais considérés par les citoyens byzantins comme des ennemis et des occupants, et le ressentiment entre orthodoxes et catholiques allait se prolonger jusqu'à nos jours (fr.wikipedia.org - Quatrième croisade).