Partie XIII - La Croix d’Huriel   La Croix d’Huriel et pierres noires   L’index ou la pierre de touche   
CROIX HURIEL LEONARD DE VINCI INDEX ETERNITE IMMORTALITE INDEX PIERRE DE TOUCHE

La pierre de touche est une espece de marbre noir que les Italiens appellent pietra di paragone, pierre de comparaison, parce qu'elle sert à éprouver les métaux ; c'est pourquoi Vitruve l'appelle index. C'est de cette pierre qu'ont été faites la plupart des divinités, les Sphinx, les Fleuves, & autres figures des Egyptiens (Denis Diderot, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences des arts et des métiers, Volume 25, 1780 - books.google.fr).

En espagnol "pedra de toque", toque qui rappelle le surnom du donjon d'Huriel.

La toque est initialement une coiffure dont le nom d'origine espagnole apparaît au XVe siècle. Il consiste alors en un bonnet de forme cylindrique à bords relevés, de soie aux XVe (la toque du page) et de velours noir au XVIe siècle (fr.wikipedia.org - Toque).

La toque désigne un bonnet avec des bords relevés. Elle apparaît à la fin du XVe siècle dans la continuité des bonnets rebrassés et des chapeaux de feutre à bord relevés. La toque est l'accessoire phare de la Renaissance. Au commencement du XVIe siècle, elle présente un aspect déjà structuré, une armature intérieure formant son aspect extérieur. (lecostume.canalblog.com/).

Vitruve appelle donc la pierre de touche, qui éprouve l'or, "Index", le doigt de la main que tend vers le haut du tableau ou son extérieur le Saint Jean Baptiste de Léonard de Vinci. La tête de ce saint fut retrouvé à Emèse en 453. Le sujet de la Vierge aux rochers illustre la rencontre apocryphe de Jean baptiste et de la sainte famille dans le désert au retour d'Egypte à laquelle assiste l'ange Uriel. Le Saint Jean-Baptiste reprend la pose d’un tableau de Léonard connu seulement par des copies (notamment celles du Kunstmuseum de Bâle et de l’Ashmoleum d’Oxford), l’Ange de l’Annonciation, le bras étant simplement tourné vers l’intérieur du personnage au lieu de l’extérieur. C'est aussi de l'index qu'Uriel, l'ange de La Vierge aux Rochers, montre Saint Jean Baptiste à l'Enfant Jésus (Léonard De Vinci/ Vol1 Guide France, Les Guides MAF - books.google.fr, Léonard De Vinci/ Vol2 Guide Toscane, Les Guides MAF - books.google.fr).

Léonard de Vinci, Saint Jean Baptiste, 1513-1516 - Louvres - fr.wikipedia.org, Léonard de Vinci, Adoration des Mages (vers 1481) - Galerie des Offices - Florence - fr.wikipedia.org, Léonard de Vinci, Bacchus (1510-1515) - Louvre - fr.wikipedia.org, Léonard de Vinci, Vierge aux rochers (1486-1486) - Louvre - fr.wikipedia.org

L'index, comme l'imaginarise en le sublimant l'étrange et magnifique doigt, surprésent dans l'œuvre de Léonard de Vinci - puisqu'on le trouve répétitivement pointé par l'ange Uriel dans la première version de La Vierge aux rochers, par Thomas dans La Cène, par Marie sur Le carton de sainte Anne ; puisqu'il est encore repérable dans l'Etude pour un ange de l'Annonciation, le Saint Jean-Baptiste et enfin Le Bacchus mis parfois à l'actif du peintre —, se soumet au principe de l'indication, de la désignation. Pour autant, l'essentiel reste l'indique, le désigné... (Françoise Bétourné, LACAN-L'INDEX : Encore - Séminaire XX (1972-1973), 2001 - books.google.fr).

Que montre la pierre noire ? Dans la Vierge aux rochers, Uriel montre Jean-Baptiste, Saint Jean Baptiste et le personnage de l'Adoration le ciel ou l'extérieur du tableau, Bacchus sa hampe et le sol.

La pierre de touche sur laquelle on frotte les métaux pour les reconnoître à la couleur de la trace qu'ils laissent à sa surface, est un basalte plus dur que l'or, l'argent, le cuivre, & dont la surperficie, quoique lisse en apparence, est néanmoins hérissée & assez rude pour les entamer & retenir les particules métalliques que le frottement a détachées. Le quartz & le jaspe, quoique plus durs que ce basalte, & par conféquent beaucoup plus durs que ces métaux, ne nous offrent pas le même effet, parce que la surface de ces verres primitifs étant plus lisse que celle du basalte, laisse glisser le métal sans l'entamer & sans en recevoir la trace. Les acides peuvent enlever cette impression métallique, parce que le basalte ou pierre de touche, sur lesquels on frotte le métal, sont d'une substance vitreuse qui résiste à l'action des acides auxquels les métaux ne résistent pas. Il paroît que le basalte dont on se sert comme pierre de touche, est la pierre de Lydie des Anciens La pierre de touche eft un basalte feuilleté noir, assez dur pour recevoir le poli; lorsqu'on frotte cette pierre avec un métal, il y laisse un trait coloré qui cède à l'action de l'acide nitreux, si ce métal n'est pas de l'or ou de la platine. La pierre de touche a été mal à propos nommée marbre noir (Georges Louis Leclerc comte de Buffon, Histoire naturelle des minéraux, Volume 4, 1786 - books.google.fr).

La ville d'Emèse avait son culte solaire particulier dédié à un dieu du soleil et de la foudre, nommé Elagabal, le Baal local.

Le bétyle d'Élagabal est toujours représenté avec un aigle, posé dessus au IIe siècle et au début du IIIe siècle, ou apparaissant en relief sur la pierre à partir du règne d'Héliogabale (218-222). Mais le témoignage d'Hérodien est formel : le bétyle ne portait aucune représentation, seules des irrégularités naturelles de la pierre pouvaient suggérer des images astrales. Cette pierre était de couleur noire, et mesurait sans doute environ un mètre de haut, ordre de grandeur suggéré par plusieurs représentations. C'était peut-être une très grosse météorite, puisqu'on la disait tombée du ciel, ou plus simplement un bloc de basalte. L'aigle qui lui est toujours associé sur les représentations symbolise la divinité — Hérode le Grand avait fait figurer un tel aigle au fronton du temple de Yahweh à Jérusalem. (fr.wikipedia.org - Elagabal).

Les index de Bacchus

Il existe une pierre de touche dans la mythologie, c'est celle de la métamorphose de Battus (Battos) opérée par Mercure (Hermès).

Battus (le Bègue) était Berger de Pylos au service de Nélée. Il vit Mercure dérober les troupeaux d'Apollon, et, moyennant le don de la plus belle des vaches volées, il s'engagea par serment à ne pas trahir le voleur : "Cette pierre, répondit il, vous décelera plutôt que moi : ne craignez rien." Cependant le dieu, ne se fiant pas a la discrétion de Battus, revint sous la forme d'un paysan, et pour le tenter, il lui offrit un bœuf et une vache, s'il voulait lui dire ce qu'était devenu le troupeau dérobé. Mercure doublait la récompense pour la révélation et Battus répéta deux fois le lieu où se trouvait le troupeau volé "sub illis montibus, inquit, erant, et erant sub montibus illis." Battus céda à l'attrait de la récompense, et dit tout ce qu'il savait. Alors Mercure le changea en un rocher, qui fut appelé le guet de Battus; ou bien en pierre, de touche. (Ovide et Antoninus.) Dans l'hymne homérique à Hermès, c'est un vieillard d'Oncheste qui révèle à Apollon lui-même par qui ses bestiaux ont été dérobés et où ils ont été conduits (Ovide, Les métamorphoses, traduites par Malfilâtre, 1805 - books.google.fr, Eduard Adolf Jacobi, Dictionnaire mythologique universel, traduit par Thomas Bernard, 1854 - books.google.fr, Louis Moreri, Le grand dictionnaire historique ou le mélange curieux de l'histoire sacrée et profane, 1725 - books.google.fr).

Un passage du livre Larva de Julian Rios oriente l'interprétation du tableau du Bacchus de Léonard de Vinci.

Ensuite, la réduplication Yo te bato, bato! outre qu'elle dit l'acharnement de Miss Regan Owen frappant de rage le fantoche (je te frappe, je te bats! je te secoue!), convoque aussi, cette fois-ci par un jeu d'homophonie parfaite, sans majuscule, le nom du vieillard de la mythologie, le traître nommé Bato (Battos ou Battus en français), « Pastor de Pilos, transformado en piedra de toque por Mercurio en castigo de haber revelado en dônde este dios tenia ocultos los rebanos que robara al dios Apolo.. » [Berger de Pilos, transformé, en châtiment, en pierre de touche par Mercure pour avoir révélé où ce dieu avait caché les troupeaux qu'il avait volés à Apollon.] Après cet éclaircissement, on comprend mieux dès lors, le double sens grivois de l'interrogation de Miss Regan Owen No querias pasarme por la piedra de toque ? Outre l'allusion mythologique, la pierre de touche peut naturellement désigner le membre viril d'un certain invité de pierre... surtout quand on connaît le sens argotique de l'expression espagnole pasar (a una mujer) por la piedra, [litt. passer une femme par la pierre] soit, la posséder (Stéphane Pagès, Une écriture allusive, élusive et ludique, Julian Rios le Rabelais des lettres espagnoles: Lecture et découverte d'une oeuvre contemporaine, 2007 - books.google.fr).

Il existe un autre Battos, fondateur de la ville de Cyrène en Lybie.

Battos, originaire de l'île de Théra (Santorin), était bègue et alla consulter l'oracle de Delphes, célèbre pour son betylion (bétyle), pour apprendre comment il pourrait guérir cette infirmité. Il lui fut répondu : Battos, tu es venu pour ta voix. Mais Phoebos, Le Seigneur Apollon, t'enjoint daller fonder Dans la grasse Libye une ville nouvelle. Battos, bien malgré lui, partit coloniser une lie sur la côte de Libye, mais tout allait mal ; au bout de deux ans il revint se plaindre à Delphes, où le dieu répondit : Si, sans y être allé, tu connais mieux que moi Cette grasse Libye, que moi, j'ai parcourue, vraiment je ne puis trop admirer ton savoir. Alors Battos et ses compagnons repartirent pour prendre pied sur le continent africain lui-même, où ils fondèrent Cyrène (Les Cahiers du Sud, Volumes 53 à 54, 1962 - books.google.fr).

Selon le poète Callimaque, descendant de Battos, roi de Cyrène, celui-ci aurait été guidé par Apollon sous la forme d'un corbeau noir sur la route de la ville qu'il devait fonder. Apollon avait emmener la nymphe thessalienne Cyrène en Lybie (Maria Patera, Le corbeau : un signe dans le monde grec, La raison des signes : Présages, rites, destin dans les sociétés de la méditerranée ancienne, 2011 - books.google.fr).

Nous savons par Pausanias que sous le règne d'Arcésilas IV, vers 470-450, les Cyrénéens consacrèrent à Delphes une statue de Battos le fondateur dressé sur un char, aux côtés de Cyrène aurige, et couronné par la déesse Libye.

On raconte qu'à son arrivée en Libye, à la vue d'un lion qui s'avançait vers lui, Battus poussa un cri d'épouvante, et que dés lors sa langue se trouva déliée. Ainsi s'accomplit la promesse implicite de l'oracle. Tel devint même l'éclat de sa voix, ajoute la tradition, qu'en l'entendant les lions, épouvantés, s'enfuirent dans le désert.

Le bon roi Battos n'a point accès à l'intimité des mystères : les fissures de la terre, les sexes de blé dur, et les gestes secrets lui restent cachés. En revanche, au lieu de surprendre ce qui appartient le plus jalousement à l'autre sexe, le maître de Cyrène découvre un spectacle où les femmes se conduisent comme de simples mâles. Mais l'interdit violé, de par sa seule présence, transforme le roi au regard avide en témoin d'une violence plus secrète et peut-être plus fascinante, violence inscrite sur le corps de Battos, châtré et dépouillé de ce qui par l'ironie du récit le le désignait comme un autre, séparé de la société des femmes. Mais ainsi se révèle, par delà l'infortune privée d'un indiscret, la fureur guerrière qui couve mystérieusement dans la gent féminine (M. détienne, Violentes "Eugénies" E, pleines Témosphories : des femmes couvertes de sang, Acta Antiqua Academiae Scientiarum Hungaricae, Volume 27, 1979 - books.google.fr).

Les Bacchantes ne sont pas les seules à massacrer l'homme trop curieux. Pour avoir un peu trop voulu assister aux Thesmophories, rituel strictement réservé aux femmes, le roi Battos de Cyrène y laissa sa virilité, comme Uranus (Catherine Clément, La syncope, 1990 - books.google.fr).

Plus tard on voit par Justin (Histoire Philippiques) et par un scoliaste de Pindare, confirmés par toute une série de monuments figurés, qu'une confusion s'était établie entre Battos-Aristotélès et le héros Aristée, fils de la nymphe Cyrène, et que ce dernier fut honoré pendant un temps comme fondateur de la ville (Mélanges d'archéologie et d'histoire offerts à Charles Picard à l'occasion de son 65e anniversiare, Presses universitaires de France, 1949 - books.google.fr).

Aristée est soit fils d'Apollon et de Cyrène, fille d'Hypsée, soit de Bacchus et de la même chez Cicéron qui écrit dans les Verrines (IV, 57) qu'il était honoré dans un temple de cette divinité en Sicile, et qui mentionne son autre paternité ailleurs.

A Delphes, un autre dieu partage le sanctuaire avec Apollon : Dionysos. Il n'investit le lieu que pendant les trois mois d'hiver, tandis qu'à cette période Apollon s'absente pour ne revenir qu'au printemps. Pour cette raison, l'oracle ne pouvait être consulté que neuf mois (Christine Prieto, Christianisme et paganisme: la prédication de l'évangile dans le monde gréco-romain, 2004 - books.google.fr).

Les Temples de Bacchus et d'Apollon prouvent qu'à Cyrène comme à Delphes les deux dieux étaient présents (Beulé, Découvertes à Cyrène, Journal des Savants, Académie des inscriptions & belles-lettres, Institut de France, 1868 - books.google.fr).

Bacchus avait sa pierre noire à Pétra, en Jordanie comme l'est Umm El Jimal où une rare inscription bilingue nabatéen/grec, dédicace au dieu Dushara (Dusarès), a été trouvée (Sot pécheur et Par ce signe tu le vaincras 2).

Le culte de Bacchus passa de Nysa dans le reste de l'Arabie; les Arabes Nabatéens l'appeloient Dusarès, et ils célébroient des jeux publics en son honneur. Dusarès recevoit les plus grands honneurs à Pétra d’Arabie : le simulacre (agalma) du dieu étoit une pierre noire, quadrangulaire, d’un travail grossier, haute de quatre pieds, large de deux, posée sur une base d’or; on lui immoloit des victimes dont le sang étoit répandu en forme de libation, tout le temple étoit enrichi d’or et d’un grand nombre d’offrandes (Pierre-Nicolas Rolle, Recherches sur le culte de Bacchus, symbole de la force reproductive de la nature, 1824 - books.google.fr, 22 v'là le Tarot : Kabbalisation, Impératrice et Tempérance).

Hésychius dit que Dusares étoit le même que Denys, ou Bacchus, que l'on prétend n'être autre chose que le Soleil. Vossius croit que le mot de Dusares vient de l'Hébreu Duts, qui signifie joie ; & erets qui veut dire terre (François Sabbathier, Dictionnaire pour l'intelligence des auteurs classiques, grecs et latins, tant sacrés que profanes, contenant la géographie, l'histoire, la fable, et les antiquités, Volume 14, 1773 - books.google.fr).

L'éternité

Dans sa « Théogonie » Hésiode semble exposer le même mythe antique, cananéo-pélasgien. Gê, la Terre, fatiguée d'enfanter d'Uranus, dieu du ciel et de l'éternité, des enfants qu'il enterrait vivants, suggère à son fils Chronos d'émasculer son père. L'Eternité est « châtrée », tranchée par « une faux claire en acier » peut-être le croissant de lune, premier indice du temps, de l'année lunaire. Le phallus d'Uranus tombe dans la mer, sans doute telle la masse en feu d'un aérolithe. Les vagues bouillonnent, écument : Aphrodite en sort, l'Anadyomène. Toute la beauté, tout l'amour terrestres proviennent du Sexe Céleste châtré. Eros ici-bas, Antéros ailleurs.

L'admirable peinture d'une amphore d'Eolide a le même sens dans le gouffre des eaux primordiales, la Pieuvre divine aux huit tentacules se déchire les entrailles, sein de la Mère en enfantement ; et, entre les pattes palpitantes de l'Animal, s'agite, se multiplie dans la vase prétemporelle le créé naissant (Dimitri Merejkovski, Atlantide-Europe: le mystère de l'Occident, traduit par Constantin Andronikof, 1995 - books.google.fr).

En montrant le ciel, l'index désigne l'éternité à laquelle aspire l'artiste sous forme de postérité.