Partie V - Arts et Lettres   Chapitre XLI - Section peinture   Fauvisme   

La période de formation du fauvisme se situe dans les années 1894-1897 pendant lesquelles Matisse, Marquet né à Bordeaux (1875 – 1947), Camoin et Manguin suivent les cours de Gustave Moreau qui les encourage dans la voie anti-académique. Moreau, né à Paris en 1826, est un représentant du courant symboliste et ses compositions aux couleurs chamarrées et à la pâte torturée tirant leurs sujets de la mythologie ou l’histoire religieuse ont été une source d’inspiration pour les surréalistes André Breton et Salvador Dali. De lui, citons Salomé et L’apparition : « Salomé revêt une signification particulière. Les œuvres dans lesquelles elle apparaît évoquent les différentes étapes du drame de l’inceste et du meurtre dont la célèbre danse constitue l’apogée fatal. Dans un palais à l’architecture exotique, Salomé, plongée dans une extase profonde, s’apprête à danser, hypnotisée sans doute par sa mère Hérodiade qui exigera, pour prix du plaisir que la danse procurera à son époux, la tête de son ennemi Jean-Baptiste. Le bourreau attend, l’épée déjà levée. Dans L’apparition, une toile postérieure, la tête fantomatique de Jean-Baptiste emplira Salomé d’effroi [1]». Parmi les symbolistes ayant intéressés les surréalistes, on compte Odilon Redon (Bordeaux, 1840 – Paris, 1916) qui, influencé par Goya et même les images prises au microscope révélées par le botaniste Clavaud, à travers une peinture étrange cherchait « à rendre l’invisible par le visible [2]». On trouve les prémisses du fauvisme dans les œuvres de Matisse pendant son séjour breton en 1896 et chez Louis Valtat, né à Dieppe en 1869, mort à Paris en 1952. Le groupe de peintres, élèves de Moreau, se caractérise d’abord par une influence du pointillisme de Signac. Mais après le Salon de 1905 présentant une rétrospective de Gauguin, les touches de peinture se font plus larges, évitant le mélange de tons, interrompues par des sinuosités mobiles. En plus des arts primitifs, océanien, africain, les fauves s’inspirent de Gauguin dans la conception musicale des accords des couleurs où chaque ton à une valeur autonome.

Henri Matisse, chef de file du mouvement, né en 1869 au Cateau (Nord), a passé toute sa jeunesse à Bohain-en-Vermandois, où son père tenait un commerce : peut-être a-t-il prise, dans cette ville du textile de luxe, le goût des belles étoffes et des coloris chauds. Il part ensuite pour Saint-Quentin, où il est élève au lycée Henri-Martin puis clerc d’avoué pendant un an, tout en suivant des cours de dessin à l’école de La Tour, fondée par le pastelliste lui-même. Il part pour Paris en 1890, y fréquente l’avant-garde et, à l’issue d’un long apprentissage, obtient une célébrité de scandale lors du salon de 1905. Il se libère du dessin académique et travaille la couleur pure grâce au soutien de mécènes américains et russes. Sa peinture reste figurative. Pour lui, « plus la couleur est franche, plus elle est expressive de la lumière et que plus la ligne est affirmée plus elle suggère la forme [3]». Il voyage au Maroc, puis s’installe dans le Midi et développe alors une peinture sensuelle et lumineuse. Il réalise son souhait exprimé dès 1908 : « ce que je rêve, est un art d’équilibre, de pureté ; de tranquillité, sans sujet inquiétant ou préoccupant… quelque chose d’analogue à un bon fauteuil », en devenant « le peintre du bonheur de vivre [4]». Il meurt en 1954 à l’âge de 84 ans.

Le plus radical des fauves, ami de Matisse et de Derain, Maurice de Vlaminck est né à Paris en 1876. Il formera l’Ecole de Chatou avec Derain, né lui-même en 1880 à Chatou, puis s’installera en 1925 à Rueil-la-Gadelière près de Verneuil-sur-Avre. « Sa manière caractéristique, son style pathétique se dégageront bientôt, faits de contrastes violents, d’atmosphères tourmentées, de ciels d’orage éclairant de leur jour tragique des paysages de boue et de neige où se dressent des murs blafards, des troncs d’arbres noirs et tordus [5]». Son art évoluera, passant par le cubisme, puis, dans l’après guerre, il utilisera des couleurs atténuées pour peindre des natures mortes et des paysages toujours dramatiquement expressifs. Jean Puy, né à Roanne en 1876, classé parmi les fauves, montra, lui, plus de modération dans l’utilisation de la couleur, à l’instar de ses collègues le Marseillais Camoin et le Parisien Manguin.

L’unité du mouvement fauviste se brisera face à la montée en puissance du cubisme qui en attirera certains membres, comme Vlaminck pour une courte parenthèse.

 


[1] « La peinture fantastique », traduction Andrée Amandry, SACELP

[2][2] « Encyclopédie de l’art », sous la direction de Lucio Felici, La pochotèque-Garzanti, p.852

[3] René Huyghe, « Matisse », Flammarion

[4] Guide bleu 1995 Picardie, p. 422

[5] Bernard Dorival, « Les peintres du XXème siècle », Editions Pierre Tisné, p. 139