La carrière de François Mitterrand s’inscrit dans un mouvement de l’histoire qui a des ressorts cachés, pas seulement dans l’activité de groupes informels ou secrets, mais aussi simplement dans la psyché humaine qui a sa part caché et qui se reconnaît dans des mystères plus ou moins sulfureux. Celui qu’on surnommait « Dieu » a su en jouer. « Il est clair en tout cas que François Mitterrand a visité Rennes-le-Château en 1981, puisqu’il s’est fait photographier sur la Tour Magdala et dans l’église, à côté de la statue d’Asmodée. Le fait n’est peut-être pas dépourvu de sens qu’il soit né à Jarnac et s’y soit fait inhumer, à l’issue d’une cérémonie privée, alors que les chefs d’Etats du monde entier participaient à une grand-messe à Notre-Dame de Paris [1]» (c’est nous qui soulignons). Sans compter qu’il séjourna à Edern au château de la Boixière, demeure de la famille des Hallier à laquelle appartient Jean-Edern, célèbre écrivain du XXème siècle, et que sa résidence secondaire se trouvait à Latché sur la commune de Soustons. Le Congrès de 1979 qui le plaça en position de gagner l'élection de 1981 a eu lieu dans la banlieue du Ban-Saint-Martin, à Metz. Ainsi l'un des triangles équilatérals du grand nonagone est décrit : Edern, Rennes-le-Château, Metz.
Dans une interview du Point de 1973, il déclarait : « Je suis né chrétien et mourrai sans doute en cet état. Mais dans l’intervalle, hum ! L’explication chrétienne est si riche de résonance. Mais j’ai aussi un contentieux inconciliable avec une certaine attitude de l’Eglise complice à travers les siècles d’un ordre établi que j’abhorre. Et je crois que le malheur de notre génération est d’avoir oublié la primauté de la raison. ». L’ascension de la Roche de Solutré chaque année à la Pentecôte allie à la fois un passé pré-chrétien à un temps chrétien qui signifie une continuité d’une tradition, de la Tradition selon René Guénon. Mitterrand serait un exemple de l’homme en recherche qui chemine en dehors des certitudes anciennes qui conduisent à l’intolérance et qui n’atteint jamais son but. Il écrit en 1974 : « Voici trente ans que je suis (à ma manière) un pèlerin de Vézelay. Ce que j’y cherche n’est pas précisément de l’ordre de la prière bien que toute offrande dans l’accord du monde et des hommes. Je pourrais tracer de mémoire un cercle réunissant tous les points d’où, du plus loin possible, on aperçoit la Madeleine ».
Les deux mandats de Mitterrand ont accompagné l’évolution de la société française vers plus de souplesse et d’adaptation, tant dans l’organisation de l’économie et du travail, que dans celle des croyances et de la pensée. Ils correspondent « aux crises des syndicats, des partis politiques – pas plus coupables de corruption que jadis -, à la crise des corps constitués et à l’émergence de nouvelles formes décentralisées de contestation ou de proposition. Des groupes d’individus auto-organisés constituent les unités d’action. Il s’agit de réseaux flexibles, malléables, dont chacun est le centre. Ils s’autogénèrent, s'auto-organisent et même s’autodétruisent. Ils ont la nature d’un processus, d’un parcours, non celle d’une structure figée. Les réseaux – que l’on pense aux coordinations d’infirmières hier, aux mouvements lycéens, aux confédérations paysannes aujourd’hui – sont des matrices d’exploration personnelle et d’action de groupe, d’autonomie et de relation. Ils correspondent à la génération Mitterrand. [2]».
De même la religiosité est plus diverse dans ses croyances : réincarnation, astrologie, médecines douces, que Mitterrand utilisa, selon le Dr Gubler, pour soigner son cancer, côtoient ou parfois cohabitent avec les dogmes des religions institutionnelles, pour lesquelles la mort est un thème central.
Si l’agnosticisme de Mitterrand est en phase avec celui de la société, le jugement qu’il a porté sur l’attitude que notre société entretient avec la mort exprime sans doute un regret de la foi passé de sa jeunesse. Quelques dernières lignes publiées par lui regrettent que « jamais peut-être le rapport à la mort n’a été si pauvre qu’en ces temps de sécheresse spirituelle où les hommes, pressés d’exister, paraissent éluder le mystère ». Il est vrai que la maladie, avec ses rémissions, lui a laissé le temps de la penser. Mais aussi, dans son entourage, des suicides, officiellement, celui de François de Grossouvre, « qui connaissait tous les secrets privés du Président », à l’Elysée - c’est la première fois qu’un tel événement se produit dans le palais présidentiel -, celui de Patrice Pelat, et celui de Pierre Bérégovoy, confrontent Mitterrand à la disparition brutale d’amis ou de relation de travail. Lui-même meurt le 8 janvier 1996, 9, rue Frédéric Le Play, à Paris (VIIème), après un ultime voyage à Assouan et un dernier réveillon à Latche.
Pour en revenir aux nonagones, il existe un village du nom de Grossouvre à côté de Sancoins, au sud de Nevers, sur la diagonale Ban-Saint-Martin – Briscous.
L’uniformité passée fait place à une perception plus personnelle de ses besoins spirituels auxquels peut répondre toute une panoplie de modalités s’inscrivant dans une recherche et non plus dans un formatage imposé par des autorités religieuses. L’autorité trouve de nouvelles frontières qui, finalement, libèrent les consciences et permettent à chacun d’entrer en contact avec le mystère de l’existence sans intermédiaire obligé, et si nécessaire avec des guides reconnus par affinités. C’est cette démarche personnelle qui se rapproche de l’alchimie, travail sur la nature et sur soi.
[1] Lynn Picknett et Clive Prince, « La révélation des Templiers », J’ai lu, p. 282
[2] ibid., p. 175-176