Partie II - Voyage dans le temps   Chapitre XVIII - Louis XIV et Versailles   Domaine des grands du royaume   

La rivalité de Colbert et Louvois, les plus importants ministres de Louis XIV, me permet de parler de leurs domaines qui rencontrent les tracés des nonagones. J’en profiterais pour aborder d’autres personnages du règne de Louis XIV, et du roi lui-même avec sa création de Versailles.

Parmi les propriétés de Colbert en France, je n’en compte que deux. Colbert achète la baronnie de Seignelay, la plus importante du comté d’Auxerre, en 1657. Le domaine est plutôt délabré. Colbert se mettra en grand frais pour le restaurer, faisant appel à François Le Vau, frère de l’architecte de Vaux et de Versailles. En 1668, la baronnie est érigée en marquisat au profit du fils de Colbert. Colbert avait aussi acquis des maisons dans Bourges, dont le palais de Jacques Cœur, qu’il revendit à la ville.

En ce qui concerne Louvois, la pêche est meilleure. En effet, Louvois acquiert la baronnie de Montmirail, où naquit le Cardinal de Retz, de la veuve du duc de La Trémoille en 1678, puis le comté de Tonnerre, et ensuite Ancy-le-Franc en 1684, des Clermont-Tonnerre, où se retira la veuve de Louvois. Il achète, en 1685, le marquisat de Barbezieux, à son père Le Tellier qui lui-même l’avait acheté au duc de Richelieu en 1677. Le fils de Louvois, le marquis de Barbezieux se maria avec Louise Catherine de Crussol, fille du duc d’Uzès.

Le Cardinal de Retz, ennemi de Mazarin pendant la Fronde, fera réaménager le château de Commercy où il écrira ses Mémoires à partir de 1671. Propriétaire de La Rochepot, il devra vendre le domaine pour raison financière.

Vauban naquit à Saint-Léger-Foucheret, aujourd’hui Saint-Léger-Vauban, en 1633. Homme de guerre par tradition familiale et par vocation, il est dans les rangs de l’armée de Condé pendant la Fronde. Prisonnier pendant deux ans, il entre dans l’armée royale comme ingénieur en second. Il apportera des perfectionnements à l’art des fortifications développé déjà par des Italiens comme Jérôme Bellarmato qui travailla sur Le Havre sous François Ier, par Jean Errard de Bar-le-Duc, et par Blaise-François Pagan son maître direct. L’alchimie est présentée dans le Rosarium philosophorum comme une forteresse à laquelle mènent 21 chemins dont un seul permet d’y entrer. « Les sept angles de la forteresse sont les sept phases de l’œuvre, lesquelles mènent au lapis, le roc central. C’est là que demeure « notre Mercure », le dragon, « époux et épouse à la fois et qui se féconde soi-même, qui enfante en un jour et tue tous les êtres vivants par son poison » [1]». Commissaire général des fortifications en 1678 après la guerre de Hollande, Vauban participe aux travaux de 300 places fortes qui protégeront durablement le pays des invasions. Homme de terrain, il a constaté par lui-même les maux dont souffre le peuple. Il s’enquiert de la prospérité de ceux qui ont à souffrir en premières des guerres qui sont pour lui le pire des maux. Dans ses écrits, il se fait le promoteur des statistiques modernes qu’il applique dans l’élection de Vézelay où il acheta le domaine de Bazoches. Elles lui servent à proposer des réformes économiques d’abord, entretien des forêts, irrigation, assèchement des marais, élevages porcins. Puis, il s’attèle à une réforme politique du royaume. Il condamne l’Edit de Fontainebleau en 1689, lui reprochant d’avoir exilé des milliers de personnes de toutes conditions et d’avoir appauvri le pays, mais aussi affirmant que les sentiments intérieurs sont hors de la puissance des rois. Dans son Projet d’une dîme royale qui attaque les fondements de la société d’Ancien régime faite de privilèges accordés à la noblesse et au clergé. Un impôt doit s’appliquer à tous les revenus en proportion, avec une dégressivité pour les plus faibles. Il faut aussi mettre à la disposition du roi les biens du clergé et abolir les ordres monastiques. Le roi fait saisir l’ouvrage en circulation. Vauban, « le plus honnête homme et le plus vertueux de son siècle » selon Saint-Simon, meurt peu de temps après, en 1707.

Saint-Fargeau, ancienne possession de Jacques Cœur, passera aux Montpensier, et donc à la grande Mademoiselle, qui espérait épouser le roi Louis XIV lors de la Fronde.

 


[1] Alexandre Roob, « Alchimie et mystique », Taschen, p. 335