Baphomet prêté aux Templiers
Une idole est dépeinte sous la forme d'une tête humaine et paraît avoir été exhibée dans les plus secrets chapitres et dans des occasions particulières. Plusieurs chevaliers, interrogés devant les commissaires, déclarèrent qu'ils avaient entendu dire que l'idole en question existait, et d'autres déclarèrent l'avoir vue. Elle était à peu près de la grosseur d'un homme ordinaire, avait un air féroce et une barbe quelquefois blanche.
Gauserand de Montpesant, chevalier provençal, dit que leur supérieur lui montra une idole ayant la forme de Baphomet. Un autre, nommé Baymond Bubei, la peint comme une tête de bois sur laquelle la figure de Baphomet était peinte, et ajoute, « qu'il l'adora en lui baisant les pieds et s'écriant Y alla, ce qui était, dit-il, verbum Saracenorum, c'est-à -dire, un mot pris des Sarrasins.
Raynerus de Larchent vit la tête deux fois dans des chapitres; une des deux fois à Paris, où elle avait une barbe; les assistants l'adorèrent et la baisèrent; ils l'appelaient leur sauveur.
Ralph de Gysi, qui remplissait l'office de récepteur pour la province de Champagne, dit : qu'il a vu la tête dans beaucoup de chapitres, et que lorsqu'elle était introduite, les assistants se prosternaient et l'adoraient. Et quand on lui demanda de la décrire, il affirma par serment que son aspect était si terrible, qu'il lui semblait voir la figure d'un diable, employant le mot français, d'un maufé; et que chaque fois qu'il la regardait, une si grande peur s'emparait de lui qu'il en tremblait.
Un nommé Deodatus Jaffet, chevalier du midi de la France, qui avait été reçu à Pedenat, dit que le percepteur lui montra une tête ou idole qui lui parut avoir trois faces, et lui dit : « Vous l'adorerez comme votre » sauveur et le sauveur du temple. » Et il lui enseigna ce qu'il fallait qu'il fît pour cette adoration en disant: « Béni soit celui qui sauve » mon âme ! » Un autre déposant fait un récit identique.
L'épithète germinans appliquée à Mete ou Baphomet, est en accord avec l'affirmation contenue dans les notes précédentes du procès des Templiers, qu'ils adoraient leur idole parce que « elle fait fleurir les arbres et germer la terre (Du Puy : Item, quod facit arbores florere. Procès des Templiers, 1, 92.). » (Richard Payne Knight, Le culte de Priape et ses rapports avec la théologie mystique des anciens (1865), traduit par E. W., 1883 - archive.org).
Le Baphomet avait ainsi l'aspect d'une tête effrayante d'"homme sauvage" (avec barbe), parfois à trois faces comme Cerbère le chien des Enfers à trois têtes, et était sensé provoqué la floraison comme l'"esprit tinctorial" ou pneuma psychikon.
Ces êtres mixtes dérivent de Pan, principe de l'ordre universel dont ils partagent les emblèmes avec lui. Pan est invoqué dans les litanies orphéiques, comme premier principe d'amour, ou créateur incorporé dans la matière universelle et formant ainsi le monde. Il y est dit que le ciel, la terre, l'eau et le feu sont ses membres, et il est décrit comme la source et l'origine de toutes choses, comme représentant la matière animée par l'esprit divin. Lycaon Pan était le dieu le plus ancien et le plus révéré des Arcadiens, le peuple le plus ancien de la Grèce. L'épithète Lycaon dérive habituellement de "lukos", un loup.
Prenant l'étymologie ci-dessus pour exacte, le Lycaon Pan d'Arcadie serait Pan, le lumineux, c'est-à -dire l'essence divine de la lumière, incorporée à la matière universelle. Les Arcadiens le nommaient seigneur de la matière, ainsi que Macrobe le traduit à bon droit. Il était aussi appelé Sylvanus par les Latins. Sylva, étant dans le langage des anciens Pélasges et Grecs éoliens, duquel le latin dérive, de même que "ulè".
D'après les mêmes principes, Pan est représenté se versant de l'eau sur les organes sexuels, afin de fortifier le pouvoir créateur actif, avec l'élément prolifique passif. L'eau était l'essence du principe passif et le feu l'essence du principe actif; l'un d'origine terrestre et l'autre d'origine éthérée. Aussi saint Jean-Baptiste, qui pouvait avoir acquis quelque connaissance de l'ancienne théologie, dit par ses successeurs, les Juifs éclectiques : Je vous baptise dans l'eau du repentir, mais celui qui viendra après moi sera plus puissant, et il vous baptisera dans l'esprit saint et dans le feu (6). Ce qui signifie : Je purifie et je rafraîchis l'âme par sa communion avec le principe terrestre de la vie, mais celui qui viendra après moi la régénérera et la fortifiera par sa communion avec le principe éthéré (Richard Payne Knight, Le culte de Priape et ses rapports avec la théologie mystique des anciens (1865), traduit par E. W., 1883 - archive.org).
Yalla pourrait avoir un rapport avec ce qui est devenu Hyla, de Ulaein ou Ulactein, aboyer. Hyla est le nom générique donné par Linné d'une grenouille arboricole.
C'est dans la VIIIème Bucolique de Virgile que l'on trouve : "Hylax aboie sur le seuil" (105), cette même Bucolique où l'auteur parle de la lycanthropie :
Ces herbes, ces poisons cueillis dans les campagnes du Pont, c'est Méris lui-même qui me les a donnés : ils naissent innombrables dans le Pont. Par leur vertu merveilleuse, j'ai vu souvent Méris devenir loup et s'enfoncer dans les bois ; je l'ai vu faire sortir les mânes de leurs tombeaux ; je l'ai vu transplanter des moissons d'un champ dans un autre (95-99) (Laura Belin, Morgane Carpezat, Virgile : exposé de latin, 2007 - www.ac-nice.fr).
Philon d'Alexandrie, dans De Mutatione nominum 123-124, explique le nom de Caleb qui apparaît en Nb 14, 24 : Caleb (chien en hébreu) est transformé du tout au tout; car Moïse dit; "Un autre pneuma naquit en lui", comme si l'hégémonique était changé pour une perfection du plus haut degré. En effet, Caleb s'interprète "tout entier cœur", c'est un symbole effet, Caleb s'interprète "tout entier cœur" (hébreu "ka" : "tout", "leb" : "coeur" ; grec "pasa kardia", c'est un symbole dont voici le sens : l'âme se trouve avoir été changée, non pas en partie, si bien qu'elle serait en suspens et balancerait, mais d'un bout à l'autre, pour être de bon aloi, si bien que, s'il restait en elle rien qui ne fût parfaitement louable, elle l'expulserait par les raisons qui touchent au repentir : car en se lavant ainsi de ce qui la souillait, en se servant des eaux lustrales de la sagesse et de ses moyens de purification, elle devait briller avec éclat (Richard Goulet, La philosophie de Moïse: essai de reconstitution d'un commentaire philosophique préphilonien du Pentateuque, 1987 - books.google.fr).
Si la tradition oraculaire présente, parmi les différentes productions vocales utilisées par les dieux, des voix glossolaliques, et si elles jouent souvent aux marges du langage, dans le contexte rituel magique ces voix bizarres constituent un corpus assez varié et articulé d'interjections, d'idéophones, d'onomatopées aussi bien que de séquences de sons, dites voces magicae. [...] Dans Papyrus VII (769-780), le magicien devra prouver qu'il connaît les signes, les symboles et surtout les signes acoustiques qui constituent l'identité phonique de la déesse Meene. Car si le nom est suggeneen du dieu, le son est suntrophos de la divinité « connaturé », ainsi que la prière l'indique : « le silence (sige). un son labial (poppusmos), un gémissement (stenagmos), un sifflement (surigmos), un cri (ololugmos), un glapissement (mugmos), un aboiement (ulagmos), un mugissement (mukethmos). un hennissement (chreme- tismos), un son harmonieux (phthoggos enarmonios), un souffle résonant (pneuma phonaen), un écho du vent (echos anemopoios), un son coercitif (phthoggos anagkastikos) » (Sabina Crippa, Réflexion sur la théorie de la voix en Grèce ancienne, Puissances de la voix: corps sentant, corde sensible, 2001 - books.google.fr).
Comme bapho metis de MĂ©tis, le conseil, la ruse, la sagesse
Le pneuma est dénommé parfois "corps lumineux". Il est aussi sagesse, logos. On peut le rapprocher de Mètis-Phanès, de la tradition orphique.
Dans le système appelé Théogonie des Rhapsodes, six générations divines se succèdent: Phanès, qui est aussi appelé Métis, surgit le premier dans une lumière éclatante; il cède ensuite le sceptre de la souveraineté à Nuit; Ouranos puis Cronos lui succèdent, et Zeus est le cinquième souverain dont la puissance s'établit grâce aux conseils de la Nuit et avec la complicité de Phanès-Mètis englouti par le nouveau roi des dieux (Marcel Détienne, Dionysos mis à mort ou le bouilli rôti, Annali della Scuola normale superiore di Pisa: Classe di lettere e filosofia, 1974 - books.google.fr).
Cailles et Ciguë
Le baptĂŞme (de sang) fait partie de l'avertissement de JĂ©sus aux apĂ´tres dans Matthieu 10,35-38 avec le calice d'amertume, qui rappelle celui de Socrate.
Saint Marc dit distinctement que ce ne fut pas seulement leur mère [Marie Salomé], mais les deux frères eux-mêmes, c'està -dire, saint Jacques et saint Jean, qui firent cette demande [être à la gauche et à la droit de Jésus quand il sera roi]. Ce qui nous montre que leur mère agissoit à l'instigation de ses enfans. Peut-être même que dans la suite ils se joignirent eux-mêmes ouvertement à la demande. C'est pourquoi aussi le Sauveur leur adresse sa réponse: « Vous ne savez »ce que vous demandez : pouvez-vous boire mon » calice » ? ( Matth. xx. 22. Marc. x. 38. ). II n'y a rien qui fasse sentir combien on a de peine à entendre la parole de la croix. Jésus venoit d'en parler aussi clairement qu'on a vu; et loin de l'entendre,saint Jacques et saint Jean, qui étoient des premiers entre les apôtres, lui viennent parler de sa gloire, et de la distinction où ils y vouloient paroître. Pesez ces paroles de Jésus : « Vous ne savez ce »que vous demandez ». Vous parlez de gloire et vous ne songez pas ce qu'il faut souffrir pour y parvenir. Là il leur explique ces souffrances par deux similitudes, par celle d'un calice amer qu'il faut avaler, et par celle d'un baptême sanglant où il faut être plongé. Avaler toute sorte d'amertume, être dans les souffrances jusqu'à y avoir tout le corps plongé, comme on l'a dans le baptême, la gloire est à ce prix (Jacques Bénigne Bossuet, Méditations sur l'Evangile, Oeuvres complètes, Volume 12, 1826 - books.google.fr).
La première des cinq saveurs est l'amer, la saveur des larmes ; celle de la ciguë qui emporta Socrate dans la mort ; la saveur aussi des regrets et des ressentiments. Le mot amer en réfère à un poison qui s'adresse au corps et à l'âme (Jean-Didier Vincent, Voyage extraordinaire au centre du cerveau, 2007 - books.google.fr).
Le loup est lié aux ténèbres, de là viennent les mythes qui en font un psychopompe. Il est représenté comme un avaleur de lumière. C'est ce qui ressort du mythe médique où il avale la caille (vartikâ) qui sera délivrée de sa gueule par les jumeaux Asvin. La relation entre le loup et les jumeaux est troublante. Il est remarquable que les Asvin représentent la troisième fonction, tout comme Romulus après sa divinisation en Quirinus. Quoi qu'il en soit, il importe de noter que la caille est le symbole non seulement du soleil levant, mais aussi de la lumière initiatique et intellective. Le loup est donc maléfique dans la mesure où il absorbe la lumière; mais il est bénéfique dans la mesure où il la restitue (Etienne Tiffou, Notes sur le personnage de Romulus. In: L'Italie préromaine et la Rome républicaine. I. Mélanges offerts à Jacques Heurgon. Rome : École Française de Rome, 1976 - www-persee-fr.bibliopam-evry.univ-evry.fr).
Ortygie où l'île des cailles est la patrie, disputée par Ephèse, des jumeaux Apollon et Artémis.
« Les savants modernes discutent de la signification du nom Apollon Lykeios : a-t-il à voir avec la Lycie, avec la 'lumière', ou avec le 'loup' — la plupart des Grecs, en tout cas, y voyaient le 'loup" (W. Burkert, Homo necans). Chantraine souligne, de fait, que la dérivation à partir de "luKia", Lycie, est improbable en raison du suffixe "-eios" (Dictionnaire étymologique, s.v. "lukègenès") : "luKeios", à la différence de "lukios", « lycien », vient de "lukos", « loup » (Pierre Judet de La Combe, L'Agamemnon d'Eschyle: commentaire des dialogues, 2001 - books.google.fr).
Ce qu'Elien dit du loup du temple d'Apollon de Delphes, mérite d'être rapporté ici. On dit qu'Apollon aime le loup, parce que Latone étant fur le point d'enfanter, se métamorphosa en louve ; & c'est pour cela qu'Homère nomme Apollon Lycogene. Pour la même raison il y a à Delphes un loup de bronze, pour marquer, dit-on, l'enfantement de Latone. Quelques-uns en apportent une autre raison ; c'est, disent-ils, que des voleurs aiant pillé les richesses du temple de Delphes, que la pieté des dévots à Apollon y avoit accumulées, & les aiant enfouies en terre, un loup vint prendre un des prophètes d'Apollon par la robe, le mena au lieu où le trésor étoit enfoui, & ôta avec ses pattes la terre qui le couvroit (Bernard de Montfaucon, L'antiquité expliquée et représentée en figures: tome second, Premiere partie : le culte des grecs & des Romains, 1722 - books.google.fr).
Sextus Empiricus (IIème siècle après J.-C.), dans ses Hypotyposes Pyrrhoniennes et Plutarque dans son Traité intitulé : Notions communes contre les stoïciens, rappellent diverses comparaisons dont se servaient ces philosophes, soit pour éclaircir leur théorie, soit pour indiquer les observations sur lesquelles elle était fondée. Laissez tomber quelques gouttes de jus dans un vase rempli d'eau; ces gouttes prennent une étendue égale à celle de l'eau (Sextus Empiricus). Une goutte de vin, tombée sur la surface de la mer, remplira tout l'Océan (Plutarque). Ce même corps peut donc s'étendre dans un espace tour à tour plus grand et plus petit, et deux corps peuvent se pénétrer au point de remplir le même lieu qu'un seul remplissait auparavant (Chroniques de la Faculté, Annales de Bretagne, Volume 7, Faculté des lettres de Rennes, 1891 - books.google.fr).
Le fait qu'un cotyle de ciguë s'étende à dix cotyles d'eau ne fait pas passer la masse de la ciguë de un à dix ; un tel phénomène provoque seulement une augmentation du volume de la ciguë, laquelle, en se répandant dans un corps plus grand qu'elle, est amenée à occuper de ce fait une place plus importante que celle qu'elle occupait initialement. [...] Le fait que les corps interpénétrés occupent un même lieu et que, pour cette raison, le volume occupé par le résultat du mélange n'est pas égal à l'addition de la place occupée par chacun des composants au sein de ce mélange. En effet, si un cotyle de ciguë s'étend et occupe une place égale (i.e. possède un volume identique) à celle de dix cotyles d'eau et si, du fait de l'interpénétration, la ciguë et l'eau occupent un même lieu, alors la place occupée par l'ensemble de ces deux corps quand ils sont interpénétrés, est égale à celle que l'un quelconque des deux occupe dans le mélange constitué. Enfin, le type de présentation que Sextus propose du processus de l'interpénétration l'empêche de rendre compte correctement de la dynamique d'un tel processus. Sextus considère en effet les mouvements d'extension de la ciguë à l'eau et de l'eau à la ciguë comme deux mouvement distincts et séparés l'un de l'autre. Or, lorsque l'extension est réciproque, comme Sextus en fait ici l'hypothèse, la "krasis" doit bien plutôt consister en un mouvement unique de co-extension, dans lequel il n'est pas possible d'isoler deux mouvements distincts sans tomber dans une contradiction : si la ciguë s'étend à dix cotyles d'eau, elle en prendra nécessairement l'extension (i.e. la place occupée) ; mais cette extension n'est pas encore fixée, car dans le même temps, l'eau s'étendra elle-même au cotyle de ciguë et en prendra l'extension ; à l'inverse, cette extension n'est pas elle-même prédéterminée, du fait que la ciguë sera elle-même en train de s'étendre à l'eau. Comme nous l'avons suggéré plus haut, ce double processus s'explique par le fait que chacun des corps en présence est composé interpénétration entre principe actif et principe passif, le premier étant le véritable agent de l'extension.
Afin de comprendre la "krasis", il convient donc de l'envisager comme un phénomène dynamique et continu de co-extension (par condensation ou subtilisation) où les composants finissent par occuper une place égale dans un même lieu.
Selon Alexandre d'Aphrodise, c'est la presque totalité de la doctrine de la "krasis" dans la physique stoïcienne qui dépend de l'affirmation selon laquelle « un corps se répand à travers un corps »: « les propos qu'ils tiennent sur l'âme en dépendent également ; et leur fameux destin et la providence universelle en tirent leur force de conviction ; et encore leur discours sur les principes et Dieu, l'unification du Tout et la sympathie se rapportant à soi-même. En effet, pour eux, tout cela, c'est Dieu qui passe à travers la matière. » Ces différentes théories représentent en effet différentes manifestations de l'interpénétration du principe actif (Dieu) avec le principe passif (la matière non qualifiée), qui, bien qu'étant tous deux des corps, doivent néanmoins pouvoir coexister en tout point du cosmos. Nous avons vu que le premier effet de cette interpénétration était la constitution des quatre éléments, qui s'interpénétrent à leur tour deux à deux pour former le le pneuma et la matière, le premier s'interpénétrant ensuite avec la seconde et lui conférant sa structure rationnelle (Joachim Lacrosse, Trois remarques sur la réception de la krâsis stoïcienne chez Plotin, Revue de philosophie ancienne, Volume 25, 2007 - books.google.fr).
Sextus Empiricus expose la philosophie sceptique héritée de Pyrrhon. Il veut atteindre la suspension du jugement (épochè) et la tranquillité de l'âme (ataraxia) en acceptant les phénomènes comme ils se présentent à lui. En effet, il ne s'agit pas de rejeter les phénomènes mais de rejeter « ce qui est dit des phénomènes » Pyrrhon d'Élis (360–275 av. J.-C.) est un philosophe sceptique originaire d'Élis, ville provinciale du nord-ouest du Péloponnèse (fr.wikipedia.org - Sextus Empiricus).
« La ciguë engraisse les cailles... » dit Sextus Empiricus (Essais sur le pyrrhonisme I, 14, 57), à l'exemple de Pyrrhon.
Les difficultés que les sceptiques élèvent relativement à l'accord des apparences sensibles ou des notions, forment dix tropes ou arguments dont l'objet est d'établir que le sujet et l'objet de la connaissance changent sans cesse. Voici ces dix tropes, tels que les propose Pyrrhon :
Le premier porte sur la différence qu'on remarque entre les sentiments des animaux, eu égard au plaisir, à la douleur, à ce qui est nuisible et utile. [...] les cailles mangent la ciguë qui est un poison pour l'homme (Diogène Laerce, Vies et doctrines des philosophes de l'antiquité, Volume 1, traduit par Ch. Zevort, 1847 - books.google.fr).
Il y a deux miracles des cailles : Exode 16:13 « Le soir, il survint des cailles qui couvrirent le camp ; et, au matin, il y eut une couche de rosée autour du camp. », et Nombre XI.
Dans les Nombres XI, lassés de manger la manne du désert, les Hébreux maugréèrent et prièrent Dieu de leur envoyer de la viande. Des cailles furent rabattues vers leur camps, et servirent à assouvir leur faim de loup : Ils n'ont pas fini demanger que le Seigneur s'irrite contre le peuple. Il les frappe d'une épidémie. "Aussi ondonna à ce lieu le nom de Quibrot ha Taava, tombeau de la convoitise,car c'est là qu'on enterra tous ceux qui s'étaient abandonnés à la violence de leur faim." De quelle épidémie s'agitil donc ? Et pourquoi dut-on enterrer "la foule de ceux qui avaient été saisis de convoitise" ? Cette fringale de viande traduisait un refus de se contenter de la nourriture envoyée par Dieu ; pour avoir ainsi contrecarré l'action divine, le plan de Dieu, les gloutons connurent le châtiment suprême.
Le texte indique que les oiseaux furent consommés en abondance aussitôt capturés. Et précise que les symptômes d'intoxication furent précoces; d'où la nécessité d'éliminer toute hypothèse de viande faisandée pour s'orienter vers un effet toxique produit par du gibier frais (Jean-Marie Pelt, Au fond de mon jardin, 1992 - books.google.fr).
Peut-être l'ellébore (nourriture des cailles chez Lucrèce, Didyme, Galien...) ou la ciguë (Pyrrhon) ?
Loup avalant
On parle de convoitise ou de cupidité, comme Romulus, loup lui-même.
Le personnage de Romulus est ambigu. Contrairement à son successeur Numa, bon et sage, il est capable du meilleur comme du pire. Avec son frère Rémus, il se livre à des brigandages, il est possédé de la regni cupido et, si l'on en croit Plutarque, parvenu au faîte de la puissance, il exercera un tel abus d'autorité que les Sénateurs n'hésiteront pas à le faire périr. Les historiens, sans dire qu'il ait trempé dans la mort de Tatius, laissent planer un doute à ce sujet. Mais il y a plus grave encore, on soupçonne le héros d'avoir truqué les auspices pour s'assurer le pouvoir6; il tue son propre frère pour être seul à régner7, et n'hésite pas contre les droits de l'hospitalité à enlever les Sabines en fraudant avec la religion elle-même. La ville qu'il a fondée, il la peuple de citoyens peu édifiants en assurant aux délinquants droit d'asile. Lorsqu'il cherchera pour eux des compagnes honorables, il se verra invité par dérision à trouver des femmes aussi peu recommandables. Romulus est donc un aventurier qui s'est fait lui-même. Il a fondé une grande partie de sa réussite sur la violence guerrière. Sa figure est donc celle d'un personnage inquiétant, violent et ambitieux auquel il est incertain de se fier. Mais ce personnage peut être interprété de façon favorable. Ses origines sont merveilleuses puisqu'il est non seulement de sang royal, mais fils du dieu Mars. Sauvés des eaux, son frère et lui-même sont allaités par une louve. Ces faits extraordinaires témoignent qu'il est protégé des dieux. Cette protection apparaît clairement avec la prise d'auspice: c'est conformément à leur volonté que Romulus fondera Rome. Cet appui se manifeste clairement au moins une fois encore, lorsque l'invocation à Jupiter le sauve d'une défaite certaine à laquelle le condamnait la bravoure de Mettius Curtius. Au reste, s'il lui est arrivé de frauder avec la religion, il sait aussi se montrer respectueux à son endroit. Après sa victoire sur le peuple caeninien, il ramène les dépouilles du chef ennemi tué de sa main et les dépose au pied du chêne sacré des bergers et fonde un temple consacré à Jupiter Férétrien. En outre, la violence qui lui est est reprochée lui est imposée souvent par la nécessité. Etait-il possible de trouver des épouses à son peuple sans commettre un rapt, étant donné le refus des cités environnantes ? Les guerres sur lesquelles il assied, à la fin de sa vie, la puissance de sa cité, il ne les a pas délibérément recherchées. D'ailleurs, Romulus sut se montrer un bon organisateur et donner à sa ville des institutions sans lesquelles une cité ne peut vivre. Enfin sa disparition merveilleuse plaide en faveur du personnage. L'ambiguïté de Romulus demande donc à être interprétée. En fait, les principales difficultés peuvent se résoudre, si l'on veut bien considérer que les jumeaux ayant été allaités par une louve sont, dans cette mesure, ses rejetons. Il est normal dès lors de penser que Romulus, fils de la louve, en a les caractères. Une telle hypothèse invite à s'interroger sur la signification qu'il importe de donner à cet animal et sur les mythes qui lui sont attachés. On ne saurait circonscrire le problème en identifiant le loup à Mars, ce dont, au demeurant, s'accommoderait assez bien la légende romuléenne. On a beaucoup écrit sur le loup, il ne saurait être question de reprendre tous les problèmes soulevés. Il suffira de dégager le mythe essentiel et de voir comment il s'inscrit dans les vieilles traditions indo-européennes avant d'en tirer les leçons permettant d'éclairer la figure de Romulus. Le loup présente, comme Romulus, une ambiguïté fondamentale, car tantôt il est considéré comme féroce et satanique, tantôt il apparaît comme bénéfique. «Parce qu'il voit la nuit, il est symbole de la lumière» (J. Chevalier, A. Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, 1969, p. 467) (Etienne Tiffou, Notes sur le personnage de Romulus. In: L'Italie préromaine et la Rome républicaine. I. Mélanges offerts à Jacques Heurgon. Rome : École Française de Rome, 1976 - www-persee-fr.bibliopam-evry.univ-evry.fr).
Baphomet et loup-garou
Si l'enfant sans père est, selon les textes français, engendré par un démon incube et une vierge, dans Guillaume d'Angleterre la mère des jumeaux est fécondée par le Saint Esprit (souffle ou pneuma). Or, ce type de conception mythologique qui renvoie souvent à la naissance d'enfants divins correspond exactement aux naissances miraculeuses provoquées par le Roi des Poissons dans le contetype n°303. Le père de Merlin avant de devenir un incube dans la transposition chrétienne et courtoise de la légende, était probablement un être marin, un démon des eaux, un «vieux de la mer », voire un être protéen de nature venteuse, c'est-à -dire un « esprit », un souffle ["L'Esprit de Deu se mouvait au-dessus des eaux", Genèse 1,2]. Si Guillaume est le père des jumeaux Marin (alias Merlin) et Louvel (le loup), il faut rappeler que Guillaume est un des surnoms du loup en haut et bas breton. Autrement dit, le loup Guillaume, père de Merlin, confirme la nature spirituelle de l'enfant.
Une vieille croyance rapportée par François Villon rappelle en effet cette antique nature venteuse du loup: Sur le Noël, morte saison / Que les loups se vivent de vent. L'idée figure déjà dans certains bestiaires du XIIe siècle. Le folkloriste Claude Gaignebet a souligné l'importance et la longévité de cette association dans la tradition folklorique et plus particulièrement dans le folklore des enfants. Le vent n'est pas simplement ici un élément de la nature parmi d'autres ; il renvoie cosmogonie qui confère à l'âme (anima) une nature pneumatique (animus). Merlin le fou se présente alors comme une sorte d'esprit empli du souffle de la folie (le mot follis, étymologie du mot fou, désigne bien un ballon d'air). Merlin est un être de vent. Son association avec le loup s'explique parle lien traditionnel de cet animal avec les souffles venteux. Elle rejoint aussi le mythe de la naissance gémellaire (du type Romulus et Remus) où le loup qui est ici une louve joue un rôle essentiel.
Les lupercales étaient célébrées le 15 février. Elles ont été instituées à Rome en l’honneur de Lupercus (Pan, mais lupus : loup) par Romulus et Rémus pour les uns, par Evandre pour d'autres - www.jourdelasaintvalentin.com - Origines des Lupercales
Il est clair que l'association de Merlin et de Blaise ne relève pas du simple hasard. Elle ne s'explique qu'après la qu'après la restitution autour du texte de Merlin d'un contexte mythologique celtique et indo-européen. L'analyse des deux noms montre la présence d'un important complexe mythique qui, pour être pleinement perçu, doit s'inscrire dans une perspective comparatiste (Philippe Walter, Merlin ou le savoir du monde, 2012 - books.google.fr).
La mystique celto-pythagoricienne énoncée par Claude Gaignebet et Jean-Dominique Lajoux expliquent que Merlin porterait les âmes défuntes dans son ventre sous forme de souffle, de pet et se purgerait lors de sa déshibernation. C’est aux enfers que Merlin ouvre l’orifice du haut par l’intermédiaire du rire, et se gonfle d’âmes qu’il libérera quarante jours plus tard à la Chandeleur ou à Pâques, « comme le Christ-cerf a libéré les Pères jalousement gardés depuis des siècles aux limbes. » (Le portrait médiéval de Merlin : origines et pouvoirs, 1. Les sources littéraires de Merlin, b. Le Merlin sylvestre).
On ne saurait alors oublier que le mot fou vient du latin follis qui désigne le soufflet ou un « ballon plein d’air ». Le fou est un être rempli d’air, c'est-à -dire d’esprit (spiritus) qui circule dans son organisme après avoir été produit par la bile noire. Cette nature spéciale du mélancolique chez qui l’air se trouve en surabondance, favorise la montée de l’air u cerveau et produit la divagation mentale à l’origine de la prophétie. Cette physiologie médiévale du souffle mélancolique peut s’analyser dans toute une série de traités médicaux qui poursuivront leur carrière scientifique jusqu’au 17ème siècle. La nature venteuse du devin explique par ailleurs sa capacité à voler dans les airs. C’est le cas du personnage de Suibhne dans la littérature irlandaise mais aussi des innombrables sorciers et sorcières. [...] Génie mélancolique, Merlin rejoint ainsiles plus grandes figures mythiques dela tradition occidentale qui font coexister en elles la folie mélancolique et la connaissance des plus hauts secrets de l'univers (Philippe Walter, Merlin ou le savoir du monde, Paris, Imago, 2000) (Gaëlle Zussa, Merlin, rémanences contemporaines d'un personnage littéraire mediéval dans la production culturelle francophone (fin 20e siècle et début 21e siècle) : origines et pouvoirs, 2008 - hal.inria.fr).
Homme sauvage et mélancolique, Merlin rejoint les lycanthropes eux-mêmes liés à la mélancolie, à Fronsac ("Homme-Loup" de Saint Emilion), au pneuma/esprit du signe de croix (La Croix d’Huriel, ses anges et les humeurs : Michel en vert et la mélancolie, Louis Delbeke, Le fond de la boîte de Pandore ou Le sphinx évangélique, 1858 - books.google.fr).
Les néoplatoniciens ne se contentaient pas de faire intervenir le pneuma dans leur explication des états extatiques; par sa nature et ses propriétés, il se prêtait parfaitement a la démonologie. Porphyre surtout - suivi par Psellus — considérait que le corps des démons était fait de la même substance que le spiritus phantasticus de l'homme; il y a là un thème extrêmement tenace de superstition et de folklore, qui perce par exemple dans la croyance au loup-garou. Le Liber de spiritu d'Alcher (XIIe siècle) explique, au chap. XXXVI (Spectrorum ratio) comment l'esprit phantastique de l'homme peut sortir de son corps pour se transformer en bête malfaisante. L'intérêt d'un tel lien entre démonologie et anthropologie pour l'auteur de la Divine Comédie est évident. Déjà l'épisode du frère Alberigo et de Branca d'Oria (Inf., XXXIII, 118-147) rappelle étrangement l'explication du loup-garou. On sait que âmes de ces deux traîtres ont été jetées en enfer immédiatement après leurs crimes, tandis que leurs corps continuaient à vivre, animés par des diables, jusqu'à la limite naturelle de leurs jours. Les commentateurs de Dante rappellent à ce propos le passage de Jean sur Satan qui entre dans le corps de Judas, mais ils ajoutent que le départ de l'âme propre du pécheur, chassée par l'intrus, est une invention du poète. Or elle a sinon une source, du moins un parallèle dans la croyance aux âmes et esprits des sorciers, qui ont quitté leurs corps et parcourent le monde, la nuit, sous forme de bêtes démoniaques (Robert Klein, Spirito peregrino, Revue des études italiennes, NS 11, 1965 - books.google.fr).
Synésius insistant pour sa part sur la luminosité du spiritus phantasticus (Aristote dérive étymologiquement phantasia de phos), sans laquelle il serait impossible que nous voyions nos rêves (Olivier Pot, Etudes ronsardiennes, 1990 - books.google.fr).