Partie IX - Synthèse   Chapitre LIX - Toute une histoire   

Mars Sator, ou la Malédiction des anciles

Le carré SATOR est associable à un carré de 5 qui est un carré de Mars.

Les carrés magiques d'ordre 5 et 6 étaient connus des pays musulmans au Xème siècle. Le Qabs al-Anwar, écrit par Nadruni vers 1384, donne la liste des 7 planètes appariées avec leurs carrés comme le firent plus tard Pacioli dans De Viribus quantitatis en 1498, et, en 1531, Cornelius Agrippa dans De Occulta Philosophia où il attribue la paternité du système aux " Mages ". Cela était connu comme l'Ordre chaldéen, qui suivait les distances supposées des planètes : plus éloignées moins de cases, plus proches plus de cases. Qu'est-ce qui faisait croire que le Soleil était plus proche de la Terre que Mars, Jupiter et Saturne ? Les anciens observaient les mouvements de la Lune, de Mercure et de Vénus : parfois, chacun se plaçait entre la Terre et le Soleil, parfois Mercure et Vénus passaient derrière le Soleil. La Lune ne le faisait jamais, donc elle était la plus proche de la Terre. Au contraire, Mars, Jupiter, et Saturne ne passaient jamais entre la Terre et notre étoile, mais se trouvaient quelques fois derrière le Soleil, ils devaient être plus éloigné que lui de la Terre.

Henri Cornelius Agrippa associe non seulement Mars avec le carré SATOR mais aussi avec un sceau nonagonal (voir www.esotericarchives.com).

Julius Evola note, dans l'article intitulé Il Mistero del Graal, paru dans Il Popolo di Roma du 30 mars 1934, le rapprochement entre le mythe du Graal et de la lance et les talismans romains : " Numa costituì il collegio sacerdotale dei Salii a custodire un pegno, concesso dal Cielo, della grandezza dell'impero, pegnum imperii. Questi sacerdoti erano dodici - come dodici sono i principali cavalieri che custodiscono il Graal. Essi recavano una hasta o lancea, che è l'alto oggetto custodito, insieme alla coppa, da quei cavalieri. E di tale coppa, o anche della pietra regale, che è il Graal, essi hanno l'equivalente, in quanto ché ciascuno dei Salii ha, insieme alla hasta, un ancile, cioè uno scudo che però il Dumézil ha dimostrato avere il significato di recipiente che fornisce l'ambrosia "[1]

" Numa constitua le collège sacerdotal des Salyens pour garder un gage de la grandeur de l'empire, pegnum imperii, concédé par le Ciel. Ces prêtres étaient douze - tout comme les principaux cavaliers qui gardent le Graal sont douze. Ils apportaient une haste ou lance qui, avec la coupe, est le plus sacré des objets gardés par ces chevaliers Et cette coupe, ou même la pierre regale, qui est le Graal, ils ont l'équivalent puisque chacun des Salyens a avec la hasta, une ancile, c'est-à-dire un bouclier dont Dumézil a montré qu'il figurait le récipient qui fournit l'ambroisie. "[2]

Mars est symbolisé par une lance sacrée conservée dans une chapelle de la " maison du Roi ", la Regia, et par un bouclier merveilleux, talisman tombé du ciel. Jupiter avait promis à Numa d'envoyer un signe manifestant sa souveraineté après que le roi de Rome eut soutiré au dieu quel rite devait expier la foudre en évitant de pratiquer un sacrifice humain. Numa fit part de la promesse aux Quirites qui se montrèrent sceptiques. Le lendemain à l'aube, en présence de la foule assemblée, le roi trônant devant son palais demanda à Jupiter d'envoyer le gage de souveraineté annoncé ; aussitôt descend miraculeusement du ciel un bouclier ovale et échancré que Numa appelle " ancile ". Numa, pour sauvegarder ce gage précieux de la destinée de Rome contre le vol, fait forger 11 autres boucliers sur ce modèle par un certain Mamurius Veturius, qui obtient pour prix de son travail la gloire d'être cité dans le chant des Saliens. Rome possédait ainsi un certain nombre d'objets considérés comme "des gages de sa puissance, des talismans de son empire". Certains étaient conservés dans le temple rond de Vesta au Forum Romain ; d'autres dans la Regia, et leur possession était une sorte d'assurance pour le maintien de la puissance romaine. Servius (Énéide, 7, 188) en dresse la liste " canonique " : " Il y a sept garants qui conservent l'Empire romain : le bétyle de la Mère des Dieux, le quadrige en terre cuite de Véies, les cendres d'Oreste, le sceptre de Priam, le voile d'Ilionée, le Palladium et les anciles ".

Ancile sur une monnaie du temps de Jules César

Les Saliens étaient des prêtres romains dont les cérémonies encadraient la saison guerrière. Celle-ci s'ouvrait en mars, par des processions, où les prêtres sortaient dans la ville en dansant lourdement sur un rythme à trois temps, portant des lances et les anciles, conservés habituellement dans le sanctuaire de Mars à la Regia. Les Saliens intervenaient aussi rituellement en octobre pour marquer la fin de la saison guerrière. Aux origines en effet, les Romains ne faisaient la guerre que de mars à octobre. Les Saliens, divisés en deux groupes, étaient placés sous la tutelle de Jupiter, Mars, Quirinus, les dieux de la vieille triade précapitoline.

Les frères Arvales, autres prêtres de Rome, célébraient des cérémonies en l'honneur de Dea Dia, assimilée à Cérès, mais aussi en direction de Mars (Marmor, Mamers). A ces occasions ils chantaient un hymne conservé dans les Actes des frères Arvales, gravés sur deux tables de pierre, en 218 après J.-C., et trouvés à Rome en 1777.

CARMEN ARVALE

Enos Lases iuvate

Neve luerue Marmar sers incurrere in pleoris

Satur fu fere Mars limen sali sta berber

Semunis alternei advocapit conctos

Enos Marmor iuvato

Triumpe

Ce chant tel que nous le possédons parait avoir été copié, au temps d'Élagabal, sur quelque table antique conservée dans les archives de la confrérie. Les copistes du IIIème siècle en lisaient fort mal l'écriture, d'où les incertitudes sur la traduction. On voit seulement qu'il s'agit d'une prière aux Lares et à Mars. En bon latin, cela donnerait : " Nos, Lares, juvate ! - Ne luem ruem (ou ruinam), Mamers, sinas incurrere in plures ! - Satur esto, fere Mars ! In limen insili ! Sta ! Verbera (limen ?) - Semones alterni advocate cunctos ! - Nos, Mamers, juvato ! - Tripudia ! ",

Et en français : " Ça ! Dieux Lares, à l'aide ! Ne laisse pas peste et ruine, ô Marmor, attaquer plus de gens ! Sois rassasié, farouche Mars ! Saute le seuil ! A tour de rôle, appelez tous les Dieux Semeurs ! ça ! Marmor, à l'aide ! Hourra ! "

Velleius Paterculus, né vers 20/19 avant J.C. dans une vieille famille d'origine municipale, passe la première partie de son existence sous les armes. Quand Tibère, adopté par Auguste, part pour la Germanie (4 p.C.), Velleius l'accompagne comme préfet de la cavalerie. Il reste sous les armes dans ces régions jusqu'au triomphe de Tibère en 12 après J.C.. En 15, Velleius est élu à la préture. Il a probablement consacré ses dernières années à la rédaction de son Histoire, qu'il dédie à son protecteur, M. Vinicius, consul. Dans cette Histoire, l'association de Mars avec le terme de " sator " apparaît à la fin du deuxième tome :

CXXXI. Voto finiendum volumen. Sic, Jupiter Capitoline, et auctor ac sator romani nominis, Gradive Mars, perpetuorumque custos Vesta ignium, et quicquid numinum hanc romani imperii molem in amplissimum terrarum orbis fastigium extulit, vos publica voce obtestor atque precor, custodite, servate, protegite hunc statum, hanc pacem; eique functo longissima statione mortali destinate successores quam serissimos, sed eos, quorum cervices tam fortiter sustinendo terrarum orbis imperio sufficiant, quamhujus suffecisse sensimus; consiliaque omnium civium, aut pia fovete, aut impia opprimite.

131. Terminons cet ouvrage, en invoquant les dieux. Jupiter, que nous adorons au Capitole; Mars, dieu des combats, auteur et fondateur du nom romain ; Vesta, gardienne d'un feu qui ne doit point s'éteindre; et vous tous, ô dieux ! Par qui Rome s'est élevée au dessus de tous les empires de la terre, je vous en conjure, au nom de la patrie, gardez, conservez, protégez l'état heureux où nous sommes, la paix dont nous jouissons. Accordez au prince qui nous gouverne la carrière la plus longue que puisse fournir un mortel. Placez dans un long avenir les successeurs que vous lui destinez, et qu'ils soient capables de soutenir comme lui le fardeau de l'empire du monde. Favorisez les desseins de tous les bons citoyens ; étouffez les complots des méchants.

Monnaie wisigothique du temps d'Amalaric :

Solidus au nom d'Asnastase (491-518) avec buste casqué et cuirassé tenant une lance et bouclier de face.

http://bernard.chwartz.free.fr

Que Théodoric Ier, Alaric II et Amalaric fussent tués tous trois d’un coup de lance, constituerait le châtiment promis au voleur selon la loi romaine (voir Perceval et les Wisigoths). Rappelons, ironie de l'histoire, qu'Alaric II, fut tué par Clovis, roi des Francs Saliens qui, cependant, devaient tirer leur nom de la rivière de l'Yssel (Ysala), sur les bords de laquelle ils s'étaient établis, à la suite du mouvement de peuples qui les fit passer dans la Batavie. Amalaric, quant à lui, fut tué par les siens ou par un Franc probablement salien aussi en 531 après J.C qui correspond à l'année 1284 de l'Ere romaine. 1284 est la valeur du carré SATOR comme nous l'avons vu (Chiffrement).

Ce qui aurait été dérobé serait les anciles, garant de la perennité de Rome, et la lance conservés dans la Regia, attirant sur les héritiers d'Alaric une malédiction.

Des archéologues de l'université de Leicester ont découvert en 2006 une tablette de plomb vieille de 1700 ans et bien conservée où était gravé une inscription. Il s'agissait d'une malédiction écrite par un certain Servandus a qui on avait volé son manteau. Il donne le nom de presque 20 personnes suspectes afin qu'un dieu puisse punir le coupable : Au dieu Maglus je voue celui qui a volé le manteau de Servandus... Que le voleur soit détruit avant 9 jours.[3]

La defixio, sorte de malédiction privée, constituait une catégorie particulière de vœux : cette pratique permettait de vouer un ennemi aux divinités des enfers en enterrant dans une tombe (là où se trouvent les Dieux Mânes) un contrat votif inscrit sur des lamelles de plomb.[4]

Bouclier et carré SATOR sont associé dans un livre sulfureux. Le Geistliche Schild ou Bouclier Spirituel est un livre aux pouvoirs étranges, connu depuis le XVIème siècle, souvent vendu sous le manteau par des colporteurs, a été mis très tôt à l'index par l'Eglise catholique et s'est répandu dans le Sundgau.

On y trouve en page 198 le palindrome qui est présenté comme une technique pour éteindre le feu sans eau. Il fallait écrire les lettres du carré sur les deux côtés d'une assiette et la jeter dans le feu, qui, aussitôt, devait s'éteindre.

www.nithart.com/geschild.htm

Mais le carré SATOR servait aussi de protection (comme un bouclier) contre la tempête, la maladie, la folie et enfin contre le vol [5] , ce qui permet de retomber sur nos pieds.

 


[1] Julius Evola, http://www.centrostudilaruna.it/evolagraal.html

[2] http://209.85.135.104/search?q=cache:CtxyxMbMCpsJ:racines.traditions.free.fr/graagrol/graagrol.pdf+ancile+graal&hl=fr&ct=clnk&cd=1

[3]http://decouvertes-archeologiques.blogspot.com/2006/12/une-maldiction-romaine-revoit-le-jour.html

[4]http://www.resistancia-ug.org/categories/Kulture/Mythes%20et%20Kultes/religion%20romaine/chap2.htm

[5]http://pages.unibas.ch/anglist/schiltz/data/SEMiv.pdf