Le rôle du futur Sylvestre II dans l’accession des Capétiens au trône de France est loin d’être négligeable. Mais revenons sur la vie de celui qui sera le pape de l’an mille. Né à Belliac, hameau de la commune de Saint-Simon, près d’Aurillac, Gerbert est offert très jeune à l’abbaye Saint-Géraud d’Aurillac où il devient moine. Le comte de Barcelone, Borell, de passage à Aurillac se voit confié Gerbert et fera son éducation dans les arts libéraux (trivium : grammaire, rhétorique et dialectique ; et quadrivium : arithmétique, géométrie, astronomie et musique) à Vic, dont l’évêque veille sur lui, et Ripoll, villes qui bénéficient de toute la science des savants musulmans. Gerbert accompagne le comte à Rome où le pape Jean XIII lui attribue un poste de professeur, tellement il est impressionné par son savoir. Il refusera de passer au service de l’empereur Otton Ier qui voulait lui confie l’éducation de son fils, le futur Otton II, car il ne se considère pas assez instruit.
On le retrouve à Reims en 972 auprès de l’archevêque Adalbéron, lui servant de secrétaire et étant nommé écolâtre. Ses innovations pédagogiques lui attirent de nombreux élèves. Il enseigne la rhétorique, la toute nouvelle en France dialectique, les mathématiques, la musique sur laquelle il écrit un traité, et l’astronomie avec l’astrolabe héritée des arabes. Gerbert accroît ses connaissances en recevant des manuscrits qu’il fait copier dans toute l’Europe. Il rencontre l’empereur Otton II à Ravenne au cours d’une dispute avec un écolâtre de Magdebourg qui le défiait sur des questions de philosophie et sur lequel il eut le dessus. Lorsque Otton II lui propose le poste d’abbé à Saint-Colomban de Bobbio en Italie, il accepte aussitôt, car l’abbaye est riche d’une collection de manuscrits rassemblés depuis le VIIème siècle. Ne trouvant pas les moyens pour remettre de l’ordre, il profite de la mort d’Otton II en 983 pour reprendre se réinstaller à Reims tout en conservant le titre d’abbé et en entretenant une correspondance avec ses moines. Adalbéron, lié aux grandes familles lotharingiennes, intervient pour soutenir Théophano, mère d’Otton III âgé de 3 ans, contre les menées d’Henri de Bavière « le Querelleur ». Il défendra les terres d’Empire contre les tentatives des derniers Carolingiens, Lothaire et Louis V, qui prennent Verdun et cherchent à s’emparer de la Lorraine. Adalbéron s’allie à Hugues Capet, un des grands féodaux contre lesquels luttent les Carolingiens. Gerbert, à nouveau secrétaire de l’archevêque de Reims, écrit une lettre dans laquelle il décrit l’avantage d’une alliance entre Otton III et Hugues. Adalbéron est accusé de trahison, mais la mort de Louis V le sauve.
La succession du Carolingien est ouverte, Adalbéron et Gerbert négocient l’avènement d’Hugues Capet comme roi de France au détriment de Charles de Lorraine. Gerbert sert de secrétaire quelques temps au nouveau roi sacré à Noyon en 987. Deux ans plus tard, Adalbéron meurt, Gerbert pensant lui succéder, mais Hugues nomme un bâtard de Lothaire, Arnoul, afin de diviser le clan carolingien. Mais Arnoul livre la ville à Charles de Lorraine. Gerbert hésite un temps entre les deux partis, mais penche du côté du Capétien qui reprend Reims et fait prisonnier Arnoul. Deux partis s’opposent sur la question du jugement d’Arnoul pour trahison, qui doit être débattu au concile de Verzy réuni par le roi de France : celui des évêques, conseillé par Gerbert, qui a pour avis que le concile est en droit de juger le traître, vu que le pape, qui est pris à partie, n’a pas répondu à la lettre du roi ; et celui des abbés, qui cherchent à se dégager de la tutelle des évêques, conduit par Abbon, abbé de Fleury. L’arrivée d’Hugues au concile précipite les choses : Arnoul avoue et se démet de son évêché. Gerbert lui succède naturellement. Le pape Jean XV réagit convoquant le roi à Rome qui ne s’y rendra pas. Gerbert demande à Hugues de réunir un nouveau concile à Chelles qui confirme les décisions de Verzy. Mais l’archevêque de Reims souhaite se justifier et se rend au concile de Mouzon (Ardennes), contre l’avis du roi, réuni par le légat du pape en 995. La situation reste bloquée, et le pape meurt l’année suivante lorsque Gerbert décide de se rendre à Rome plaider son procès. Otton III profitant que la couronne pontificale était à la disposition de l’empereur depuis la restauration impériale de 962, nomme son cousin qui devient Grégoire V, et qui, influencé par Abbon, renouvelle la condamnation portée sur Gerbert par son prédécesseur. Hugues Capet meurt bientôt aussi, et son fils, Robert le Pieux, qui fut élève de Gerbert, cherche à faire reconnaître son mariage non canonique avec sa cousine par la reconnaissance d’Arnoul comme archevêque de Reims. Gerbert, dépité, se met au service du jeune Otton III, dont il devient le maître en étude et le secrétaire. Otton a le projet de rétablir un empire universel et part, accompagné de Gerbert, à la conquête de Rome alors aux mains de Crescentius qui est exécuté. Otton, maître de la ville éternelle, nomme Gerbert archevêque de Ravenne lorsque Arnoul est libéré et rétabli par Robert. Gerbert réforme son diocèse et lutte contre la simonie et souscrit à la bulle papale condamnant Robert pour « noces incestueuses ».
A la mort de Grégoire V, il est nommé pape par Otton, sous le nom de Sylvestre II, en souvenir du pape Sylvestre qui aurait baptisé Constantin. Sylvestre, magnanime, rétablit officiellement Arnoul au siège épiscopal de Reims. Il conçoit l’Eglise comme une communion d’églises locales et nationales. Dans cet esprit, il favorise la constitution de métropoles nationales en Pologne et en Hongrie dont le roi Etienne s’était converti au catholicisme. Pour lui le pape n’est pas un monarque autoritaire comme le souhaitait le « parti des moines », mais se doit d’obéir aux canons de l’Eglise. Si Gerbert est très lié à Otton, celui-ci conteste la prétendue donation faite par Constantin à Sylvestre Ier et considère le pape comme le simple administrateur des terres qui appartiennent à l’empereur. Chassés de Rome par une révolte, ils se réfugient à Ravenne. C’est dans sa tentative de reconquête de la ville qu’Otton meurt près de Rieti dans le château de Paterno au pied du Mont Soracte en 1002. Sylvestre le suivit dans la tombe le 12 mai 1003.
Si l’alliance de la papauté avec l’empereur culmine avec Sylvestre II, la réforme grégorienne vise à assurer à celle-là la prééminence. La volonté de puissance des papes provoqua une réaction de méfiance des autorités temporelles, qui accompagna et favorisa la constitution d’un pouvoir temporel autonome appuyé sur des bases nationales. Le pape Grégoire VII chercha à retirer aux laïcs l’investiture des évêques et des abbés. Les empereurs ottoniens avaient fondé leur puissance sur l’allégeance de ces prélats qu’ils nommaient selon leur bon vouloir. Le conflit éclata avec l’empereur Henri IV au sujet de l’évêché de Milan. Grégoire excommuniait Henri IV tandis que celui-ci le faisait déposer par les évêques allemands. L’excommunication déliait les sujets de l’empereur de toute obéissance. Les princes allemands sommèrent Henri IV de se soumettre, ce qu’il fit en 1076 à la fameuse entrevue de Canossa, dans le château appartenant à la comtesse Mathilde, fondatrice d’Orval, qui servit d’intermédiaire. L’empereur dut attendre trois jours dans la neige que Grégoire veuille bien le recevoir. Mais ce n’est qu’une trêve. Face à Henri, fut suscité un anti-roi pour lequel prit partie Grégoire VII. En riposte un anti-pape, Guibert de Ravenne sous le nom de Clément III, fut élu par les évêques allemands. L’empereur fit une incursion en Italie et prit Rome en 1082. Les Normands du Sud de l’Italie coururent au secours du pape et mirent à sac la Ville qui se révolta contre Grégoire. Celui-ci s’enfuit et mourut en exil à Salerne en 1085.Les choses s’apaisèrent mais la querelle des investitures se réveilla avec le fils d’Henri IV, Henri V.