Il ne s’agit pas ici de relater toute l’histoire de l’ordre du Temple, fondé par Hugues de Payns, natif de Payns en Champagne, et institué au concile de Troyes en 1128. Robert de Craon fut le successeur d’Hugues, comme grand maître de l’Ordre des Templiers, de 1136 à 1143. Seule la fin du Temple nous intéresse particulièrement puisqu’elle se manifeste par un « procès politique, conduit selon une procédure d’exception, la procédure de l’Inquisition. Elle ne vise pas « à faire apparaître la vérité, mais à faire d’un suspect un coupable », comme l’écrit, en février 1308, un templier anglais [1]». Nous parlerons plus loin du célèbre maître Roncelin.
Jacques de Molay, devant la rumeur grandissante qui entachait la réputation de l’Ordre du Temple, demande au pape Clément V l’ouverture d’une enquête. Le pape et Philippe le Bel s’étaient rencontrés en 1305 à Lyon et en 1307 à Poitiers où la question fut sans doute abordée. Le 24 août 1307, le pape fait savoir au roi Philippe IV qu’il ordonne une enquête. Le roi de France, qui avait reçu les dénonciations d’Esquieu de Floyran vers 1305 et dont les conseillers Guillaume de Nogaret et Guillaume de Plaisians avaient mené des investigations grâce à des taupes introduites dans le Temple et au recrutement de témoins à charge parmi les ex-templiers, passe outre aux prérogatives de la juridiction de l’Eglise et fait arrêter, le 13 octobre 1307, près de 500 templiers dans toute la France.
La lettre royale du 14 septembre 1307 qui ordonnait l’arrestation demandait que la torture soit appliquée si besoin. C’est ainsi que les agents royaux puis les inquisiteurs obtiennent des aveux comme ceux de Geoffroy de Charney, précepteur de Normandie, qui reconnaît avoir renié, au cours de sa réception, le Christ par trois fois, et avoir entendu dire que Jésus était un faux prophète et qu’il n’était pas Dieu. De même, Hugues de Pairaud confirmera les accusations, après avoir nié tout d’abord, et après une interruption de l’interrogatoire qui laisse supposer l’emploi de la torture. Jacques de Molay abonde dans le même sens, demandant aux autres templiers de faire de même.
En novembre, Clément V, voulant reprendre l’initiative, ordonne, par la bulle Pastoralis praeeminentiae, l’arrestation de tous les templiers et la mise sous tutelle de leurs biens. En décembre, Jacques de Molay et les autres dignitaires de l’ordre révoquent leurs aveux. Le pape suspend ensuite l’action des inquisiteurs. Il fallut 9 mois pour que la bulle papale fût appliquée dans toute la chrétienté par des souverains étrangers a priori peu convaincus des accusations.
Les aveux convergents obtenus facilement s’accumulent si bien que l’avis de l’Université de Paris, demandé par le roi, concède qu’il y a « suspicion véhémente que tous les membres de l’ordre sont hérétiques ». Philippe le Bel fait pression sur le pape par la commande de libelles diffamatoires, et réunit les états généraux à Tours entre le 5 et 15 mai 1308. Des représentants des trois états accompagnent le roi, Nogaret et Plaisians, auprès de Clément V à Poitiers où a lieu le Consistoire du 29 mai, en vain. Sous le prétexte qu’ils sont malades, Philippe le Bel fait enfermer les dignitaires de l’Ordre à Chinon alors qu’ils étaient en route vers Poitiers pour comparaître devant le souverain pontife. Ces Templiers resteront au Fort du Coudray plusieurs années et laisseront sur les murs des graffitis, dessins et textes : quadrillage, cœur rayonnant, triple enceinte, certains signé par Jacques de Molay lui-même. Le 27 juin 1308, les conseillers du roi présentent au pape 72 templiers, renégats ou préalablement torturés, dont les témoignages font finalement céder Clément V, qui, par la bulle Facians misericordiam, confie le soin de juger les templiers comme personnes à des conciles provinciaux et à des commissaires pontificaux celui de juger l’ordre. Pour la France, les commissaires pontificaux sont huit. Molay y comparaîtra plusieurs fois en disant qu’il ne veut être jugé que par le pape. La torture est presque partout employée à nouveau, en particulier en France. Malgré cela, 15 templiers mâconnais sur 16 proclament qu’ils veulent défendre leur ordre. Ils seront suivis par des centaines d’autres. La situation se complique pour l’accusation, d’autant que le pape repousse la tenue du concile qui doit statuer sur le sort du Temple, à Vienne, à 1311. Le nouvel archevêque de Sens, Philippe de Marigny, frère du conseiller du roi et tout dévoué à Philippe le Bel, réunit un concile qui doit conclure les enquêtes diocésaines sur les personnes des templiers. Confondant celles-ci avec l’enquête de la commission des huit, Marigny condamne 54 templiers au bûcher, les considérant comme relaps puisqu’ils voulaient défendre leur ordre. Ces exécutions cassent le moral des autres templiers qui, sans doute encore torturés, perdront leurs moyens devant leurs juges. Pressé par le roi de France qu’il craint, Clément V dissout l’ordre du Temple par la bulle Vox in excelso, le 22 mars 1312. Molay obtient de comparaître devant une commission nommée par le pape et composée de trois prélats, en fait dévoués à Philippe le Bel. Il se rétracte, ainsi que Charney. Ils monteront sur le bûcher le 18 mars 1314, dans l’île aux Juifs sur la Seine à Paris. Pairaud et Gonneville termineront leur vie en prison.
Des lieux templiers
Beaulac fut une commanderie templière dépendante de celle de Cours.
Benon fut la principale commanderie du Médoc, créée en 1154, et conserve une chapelle romane à façade dissymétrique et chevet percé de trois baies.
Billy-sur-Oisy fut l’une des commanderies templières qui entouraient la ville de Clamecy.
Blaudeix possédait commanderie templière associée à celle de Rimondeix. Son commandeur, Guillaume de Chambonnet, défendit son ordre en tant qu’un des quatre procureurs élus par ses pairs. Les Hospitaliers transformèrent l’endroit en un important établissement dont il ne reste que deux églises.
Capbreton abritait la commanderie du Bourret où serait caché un trésor selon la tradition.
Chinon. Les dignitaires de l’Ordre du Temple - Jacques de Molay, Hugues de Payraud, Raimbaud de Caron, Godefroy de Gonneville et Geoffroy de Charnay - furent enfermés dans le château par le pouvoir royal afin qu’ils ne rencontrent pas le pape Clément V à Poitiers. Des cardinaux vinrent à Chinon les entendre. Les templiers se déclarent devant eux à nouveau coupables alors qu’ils s’étaient rétractés plus tôt lorsqu’ils avaient appris que l’Eglise se chargeait de l’affaire.
Dannemois conserve une ancienne commanderie templière dont il reste le logis et la chapelle devenue église Saint-Mammès avec deux tombes de chevaliers.
Eterpigny possède encore des ruines de sa commanderie templière du XIIIème siècle.
Ferrrières-la-Verrerie accueillait sur son territoire la maison templière de Louvigny qui, dit-on, n’accueillait qu’un seul Templier.
Fretteville abrite les belles ruines d’une chapelle qui dépendait de l’une des plus anciennes commanderies du Temple, les Ecoreaux.
Genrupt abrita une commanderie templière détruite en 1636.
Gentioux avait une commanderie dont le précepteur avoua les crimes de l’Ordre à la vue des instruments de torture.
Grez-sur-Loing admettait sur son territoire la commanderie de Beauvais-en-Gâtinais dont la chapelle était placée sous le vocable de Saint-Eloi. Raynier de Larchant fut reçu dans l’Ordre dans cette commanderie. Il raconte qu’on le força à renier la croix et à cracher trois fois sur le crucifix. Il est le premier à raconter lors d’un interrogatoire du procès qu’on lui avait montré la tête barbue qui était honorée par ses frères.
Gurgy-le-Château fut une commanderie templière dont le château fut vendu à l’évêque de Langres en 1270 puis détruit en 1472. Il subsiste l’église gothique, ancienne chapelle castrale, avec des pierres tombales de chevaliers.
Island possède une chapelle des Templiers, reste de l’importante commanderie de Saulce-d’Island. Le sanctuaire contenait une Vierge à l’Enfant qui se trouve maintenant à Pontaubert.
La Couvertoirade fut fondé par les Templiers. Les remparts impressionnants actuels, avec ses 6 tours, sont dus aux Hospitaliers à qui furent dévolus les biens de l’Ordre du Temple dissout en 1312.
La Forêt d’Orient est un site où la présence templière est forte puisqu’en ses environs de nombreuses commanderies et baylies étaient installées : Pouy, Piney, Roysson, Nuisement, Chauffour Brienne, Neuville… Selon Louis Charpentier dans Les mystères templiers un trésor y serait caché sous l’eau d’un étang.
Laon est le siège d’un établissement templier dès 1128, juste après le concile de Troyes qui fonde officiellement l’Ordre du temple. L’évêque Barthélemy de Vir, qui y participa, leur cède en effet cette année-là une maison, rue Sainte-Geneviève qui devient rue des Templiers. La chapelle, construite en 1134, est de plan octogonal. Le commandeur de Laon, Gervais de Beauvais, reconnut, au cours du procès, qu’il existait une règle secrète de son ordre.
Latronquière admit une commanderie templière dont il ne reste plus rien sauf des bornes.
Le Nizan doit son origine aux Templiers et conserve encore leur église.
Le Temple, dans le Loir-et-Cher, abritait une commanderie des Templiers dont il subsiste l’église du XIIème remaniée au XIVème siècle.
Le Temple-de-Bretagne conserve une croix, dans le sud du village, formée d’un double cercle surmonté d’une croix, reste d’une ancienne commanderie.
Lyon avait bien entendu sa commanderie qui s'élevait dans le quartier des Célestins et non à Saint-Georges. Les Templiers avait aussi un port sur la Saône non loin de leur établissement. Dès 1274, au Concile de Lyon réuni par le pape Grégoire X (Plaisance, 1210 - Arezzo, 1276), les Templiers durent recevoir un mémoire dont un brouillon fut retrouvé à Arles et qui répondait aux critiques dont le Temple faisait déjà l'objet. A cette occasion la commanderie reçut le futur pape Célestin V, fondateur des ermites de Saint Damien qui deviendra l'Ordre des Célestins, et mort à Fumone en 1296 retenu en prison par son successeur. Or, c'est bien cet ordre qui s'installa à l'emplacement de l'ancienne commanderie des Templiers, en 1407, cent ans après leur arrestation dans toute la France. Alain Demurger suppose que, lorsque Philippe IV le Bel vint à Lyon en 1305 assister au couronnement du pape Clément V, ces deux acteurs de la disparition du Temple durent certainement parler des rumeurs qui couraient sur lui. Ils le firent sans doute aussi à Poitiers en 1307 lors d'une autre rencontre. Rappelons l'étrange accident qui survint au cortège du pape. La suite sortit de l'église Saint-Just et descendait la montée Gourguillon lorsqu'un mur du fort qui surplombait la ruelle s'effondra. On dénombra 12 morts et de nombreux blessé parmi lesques Charles de Valois et le duc de Bretagne qui décéda bientôt.
Maâ, sur la commune de Moliets dans les Landes, possède les ruines d'une commanderie sur le Tuc de la Citadelle ainsi qu'une chapelle Saint-Laurent restaurée.
Matringhem abrite les ruines d’un château templier.
Mazères-sur-Salat possède la chapelle Sainte-Matrone fondée par les Templiers et citée dès 1195.
Metz conserve sa chapelle templière octogonal, érigée au XIIème siècle, appartenant à la commanderie fondée en 1133.
Montigny-l’Allier possède les restes importants de la commanderie de Moissy-le-Temple fondée en 1160. La chapelle Saint-Christophe du XIIIème siècle et de style gothique a, comme la plupart de tels monuments, trois portes caractéristiques.
Paulhac fut une riche commanderie templière. Une chapelle souterraine y subsiste à laquelle on accède « par un escalier étroit de quatorze marches disjointes – il semble bien que quatre ou cinq marches ne soient plus visibles, le niveau du sol les masquant – débouchant sous une voûte romane. Un énorme pilier central rond, à chapiteau en tailloir orné de feuilles d’eau et d’une tête de bélier sert de point d’appui aux voûtes en plein cintre qui retombent de part et d’autre sur des sommiers d’arrêts placés aux angles de la chapelle ». Le pilier est daté de 1197, alors que le plus ancien acte ne mentionne la commanderie qu’à la date de 1248.
Payns est la patrie d’Hugues de Payns qui en fit don à son ordre. Payns devint une grosse commanderie avec rang de prévôté.
Pluvigner conserve une vaste chapelle templière aux sculptures anthropomorphes et zoomorphes.
Port-Sainte-Marie possédait une commanderie dont subsiste une chapelle en briques et en pierres du XIIIème siècle, à trois travées.
Reuilly accueille sur son territoire la commanderie de l'Ormeteau dont une charte mentionne l'existence en 1136. Le plan des bâtiments est resté inchangé depuis 1214. En 1312, les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem en héritent et firent des trvaux de restauration au XVème et à la fin du XVIIIème, époque où Louis Alexandre de Savary de Lancosme était commandeur de la commanderie et Grand-Bailli d'Auvergne. La chapelle était encore debout à la Révolution mais détruite peu après.
Saint-Martin-le-Nœud possède des carrières propriété des Templiers qui servirent à la construction des monuments de Beauvais. Un trésor y serait caché.
Saint-Moreil s’appelait autrefois Charrières et constituait une commanderie templière dont le château fut démoli en 1829. Il subsiste les ruines de l’église de style ogival, la première de la région. Elle était décorée de dix têtes sculptées, celles de la nef étant imberbes, celles du chœur portant barbe, signe de sagesse.
Saint-Quentin possédait une commanderie fondée en 1150. Dans le cercle templier d’Homblières, d’autres établissements sont à noter : Bertaignemont, Fresnoy-le-Grand, Croix-Fonsommes, Proix dans l’église de laquelle se trouve une tombe templière.
Savigny-le-Temple était une ancienne commanderie templière dont il reste l’église avec son chœur du XIIIème siècle et dont l’origine remonte à un don de Louis VII fait en 1149.
Til-Chatel admet sur son territoire, proche du nœud, l’ancienne commanderie templière de Fontenotte, à proximité des hameaux aux noms suggestifs de Gémeaux et Lux. Lors du procès de l’Ordre, Huguet de Bure raconte à ses juges sa réception. On lui aurait demandé de renier trois fois Jésus – et non le Christ –, ce qu’il fit « des lèvres et non du cœur », et de passer sous sa ceinture une cordelette qui avait été enroulée autour d’une tête de métal à longue barbe, sortie d’une armoire et posée sur l’autel.[2]
Val-de-la-Haye possède la commanderie de Sainte-Vaubourg, ancien manoir des rois d’Angleterre. Henri II en fit don à l’Ordre du Temple en 1173. Tout disparut à la Révolution, seuls subsistent de la chapelle quelques vitraux remontés en l’église d’Hautot et d’autres dans la chapelle de Villedieu-les-Maurepas autrefois replacés à la basilique Saint-Denis. Ces vitraux représentent la Vierge et des Templiers sergents ou « confrères du Temple » aux manteaux, de couleur foncée, représentés en bleu.
[1] Alain Demurger, « Vie et mort de l’ordre du Temple », Seuil, p. 329-330
[2] André Lameyre, « Guide de la France templière », Tchou, p. 184-186