Partie II - Voyage dans le temps   Chapitre XVI - Henri IV   

Né au château de Pau en 1553, il est le fils d’Antoine de Bourbon et de Jeanne d’Albret. Roi de Navarre à la mort de son père en 1562, il est envoyé par sa mère à La Rochelle pour mener la vie des camps. La mort de Louis de Condé à la bataille de Jarnac, le 13 mars 1569, fait de lui le chef nominal des huguenots, la réalité du commandement se trouvant entre les mains de Coligny. En 1572, il règne seul sur la Navarre à la mort de sa mère. Cette même année il est marié à Marguerite de Valois, fille de Catherine de Médicis qui souhaitait une réconciliation des deux partis. Henri de Navarre échappe au massacre de la Saint-Barthélemy au prix d’une abjuration. Il s’enfuit peu après de Paris et dirige l’Union protestante. La Ligue lui oppose le cardinal de Bourbon comme prétendant à la couronne de France lorsque le duc d’Anjou, frère d’Henri III, meurt en 1584. Henri de Navarre s’allie aux protestants allemands et à l’Angleterre, remportant des victoires comme Coutras en 1587, face à Joyeuse qui y mourut. Le roi de France, après avoir fait assassiner le duc de Guise et son frère le cardinal de Lorraine pour se libérer de la Ligue, se rapproche de son futur successeur, assiège avec lui Paris et le reconnaît comme son héritier avant que d’être assassiné par Jacques Clément.

Henri IV désormais, il se replie sur Dieppe pour assurer ses communications avec les Anglais. Le 21 septembre 1589, il repousse avec 7000 hommes, à Arques dont il tient le château, les 30 000 de l’armée catholique de Mayenne. Il marche à nouveau sur Paris mais doit se retirer en Normandie. A Ivry, près de Dreux, il rejette encore Mayenne avec les Espagnols, et au cours d’une charge de cavalerie prononcera les célèbres mots : « Ralliez-vous à mon panache blanc ». De nouveau devant Paris, il s’éloigne à l’arrivée des troupes d’Alexandre Farnèse.

Mayenne réunit les états généraux, mais les députés rejettent sa demande d’accorder la couronne à l’infante Isabelle, fille de Philippe II d’Espagne et petite-fille d’Henri II. La lassitude de la guerre et son abjuration permettent le ralliement de la majorité des Français à la royauté légitime. Il se fait sacrer à Chartres le 27 février 1594 et entre triomphalement dans Paris en mars, laissant se retirer les Espagnols qui seront battu à Fontaine-française en Franche-Comté avec Mayenne en 1595. Ceux-ci prennent Amiens par surprise reconquise peu après par Henri IV en 1597. Les Espagnols, épuisés financièrement, signent, le 2 mai 1598, le traité de Vervins qui confirme les clauses de celui de Cateau-Cambrésis. Le ralliement des Ligueurs s’achète très cher, le duc de Mercœur, gouverneur de Bretagne, obtenant plus de 4 millions de livres pour prix de sa reddition.

Afin d’assurer la paix religieuse, Henri IV signe l’édit de Nantes le 13 avril 1598. Dès 1595, ses anciens coreligionnaires avaient demandé leur admission aux charges et dignités du royaume. Henri IV éluda la question si bien que les assemblées huguenotes de 1596-97 décidèrent la rupture d’avec le roi. Celui-ci, afin de l’éviter, négocia au cours de la députation de Loudun, et au lendemain de la prise d’Amiens, conclut un accord. L’acte « perpétuel et irrévocable » accordait aux protestants amnistie pour le passé et garanties pour l’avenir. Le culte réformé était autorisé partout où il était déjà pratiqué en 1596, et dans deux villes ou villages par bailliage. La célébration du culte était interdite dans les résidences royales et à Paris dans un rayon de 5 lieues.

La plénitude des droits civiques était reconnue aux protestants. Afin d’assurer la garantie judiciaire, le roi créa aux parlements de Paris, Toulouse, Grenoble et Bordeaux des chambres dite de l’édit, mi-parties en Province, et composée de 6 réformés et de 10 catholiques dans la capitale. Les réformés obtenaient la création d’une centaine de places de sûreté dont Montpellier, Montauban et La Rochelle. Leurs gouverneurs et leurs troupes étaient financés par l’Etat.

Le rétablissement de l’Eglise catholique au Béarn, qui en avait été exclue par Jeanne d’Albret, provoque la révolte des huguenots à laquelle répondent les guerres royales menées de 1621 à 1629. Elles sont illustrées par le siège de Montauban et celui de La Rochelle et se terminent par la paix d’Alais qui retire aux protestants leurs places de sûreté et leurs garnisons. Les mesures étatiques prises contre les protestants entre 1630 et 1656, pour sévères qu’elles soient, visent plus à contenir la communauté qu’à la marginaliser ou à l’exclure. Il en va tout autrement en 1657 lorsque la fin de la minorité de Louis XIV se déclenche de la part du gouvernement une véritable lutte contre les huguenots [1]». Les interdits s’organisent selon trois axes. Il s’agit d’abord d’empêcher le protestantisme d’afficher des signes extérieurs de son existences : interdiction des synodes nationaux, interdits vestimentaires, obligations d’enterrer les morts à la pointe du jour ou à au coucher du soleil etc. Ensuite démantèlement du système éducatif protestant et entrave au prosélytisme. Enfin c’est l’exclusion : on procède à la destruction, entre 1661 et 1685, de 700 temples sur les 760 debout en 1610, pour cause d’infractions à l’édit de Nantes constatées par les envoyés du roi dans les provinces ; ceux-ci allaient par deux, un catholique et un protestant, mais c’est l’avis du catholique qui prévalait au Conseil du roi ; on interdit aussi d’exercer de multiples métiers ; on convertit de force par les dragonnades. L’édit de Fontainebleau de 1685 couronne cette politique de destruction. Colbert avait, pour des motifs explicitement économiques, retenu Louis XIV. Sa mort en 1683 et son remplacement par le clan Le Tellier, Louvois et Le Pelletier, dont le zèle dévot, entretenu par madame de Maintenon et le père La Chaise, n’amène pas de résistance à une politique « inutile et inefficace » selon Pierre Goubert.

Henri IV déclarait en 1596 : « J’ai relevé la France de la perte, maintenant il faut la sauver de la ruine ». Il s’y efforce avec l’aide de Sully, protestant, mais aussi d’anciens ligueurs comme Villeroy et Jeannin. Sully, surintendant des finances, grand voyer, grand maître de l’artillerie, assure le redressement des finances en particulier par l’instauration de la « paulette » en décembre 1604. Contre « le paiement d’un droit annuel correspondant au soixantième de son prix d’achat, tout officier (titulaire d’une charge publique permanente administrative, judiciaire ou financière) peut transmettre son office à ses héritiers. Le roi crée là une « noblesse de robe », concurrente de la noblesse féodale, « une technostructure », selon la formule de Pierre Chaunu, dont le destin s’identifie pleinement à celui de l’Etat. L’envolée continuelle du prix des offices jusqu’au milieu du XVIIème siècle témoigne du succès des fonctions liées à la « chose publique » auprès des bonnes familles du royaume : plus que jamais, l’office est devenu une étape obligée vers l’anoblissement [2]». La bourgeoisie, la noblesse de robe et d’épée et les gens d’Eglise prêteront, contre la fameuse rente, des sommes considérables aux financiers qui assurent le fonctionnement le budget de l’Etat. Ces financiers en contrepartie obtiennent de contrôler l’appareil fiscal qu’ils géreront par la suite, impôts indirects puis impôts directs compris.

Une politique de paix - malgré l’expédition contre la Savoie qui donne à la France au traité de Lyon de 1601, le Bugey, le Valromey, la Bresse et le pays de Gex – permet le développement de l’agriculture par la restitution des communaux aux paysans, l’assèchement des marais, l’encouragement aux méthodes exposées par Olivier de Serres dans son Théâtre de l’agriculture. Les échanges sont favorisés par l’entretien et la création de route et du canal de Briare. L’industrie est encouragée par l’appel à des artisans étrangers. Un édit de 1597 rétablit celui de 1581 sur l’obligation des maîtrises. Les exportations s’accroissent grâce à la production de produit de luxe : tapisseries des Gobelins, soieries de Dourdan, armes à Paris, draperies à Reims et Provins, dentelle à Senlis, verrerie à Melun.

La colonisation e Amérique s’amorce avec le débarquement en Acadie du Sieur du Mont et la fondation de Québec par Champlain en 1608.

Une intense propagande composée de poèmes, de chansons, d’images, d’affiches et d’effigies du roi, accompagne cette réorganisation de l’Etat. Honoré d’Urfé dédicace son roman pastoral L’Astrée, paru en quatre livres de 1607 à 1627, à ce « grand Roi, la valeur et la prudence duquel l’a appelé du Ciel en terre pour le bonheur des hommes ».

Les princes protestants Frédéric V, Electeur palatin, le duc de Wurtemberg et le margrave de Bade créèrent l’Union évangélique à laquelle s’associèrent le landgrave Maurice de Hesse et le duc de Brandebourg. Les catholiques ripostèrent en formant en 1609 la Sainte Ligue présidée par le duc de Bavière Maximilien. Tanis que l’Union s’alliait avec Henri IV qui se prépare à la conquête des Pays-Bas et de la Rhénanie, la Ligue négociait avec le roi d’Espagne. Simon Studion, sujet du duc de Wurtemberg, ainsi que les partisans de l’Union évangélique avait ainsi l’espoir d’un tel soutien du roi de France et il le manifestait dans la Naometria, terminée en 1604, par la prophétie de l’union de la rose évangélique et du lis des rois francs. Les deux ligues commençaient à constituer des armées et, lorsque les Impériaux s’emparèrent de Clèves et de Juliers en février 1610, la guerre faillit éclater. A cela s’ajoutait la passion du roi de France pour Charlotte de Montmorency que son mari Condé avait fait enlever et retenir à Bruxelles. Henri IV était prêt à aller récupérer la jeune fille de 15 ans par les armes. Le 14 mai 1610, peut-être poussé par le parti catholique puisque le duc d’Epernon le connaissait et que la maîtresse de celui-ci, Charlotte du Tillet, subvenait à ses besoins, Ravaillac poignarde Henri IV, rue de la Ferronnerie, à Paris. Son cœur fut déposé à la chapelle Saint-Louis du château de La Flèche qui devait collège des jésuites. Le royal cœur fut brûlé le 29 septembre 1793 sur ordre du représentant du peuple Thirion, mais ses cendres furent pieusement recueillies par l’ancien chirurgien du collège, Charles Boucher, qui les conserva et les rendit quand les temps furent propices à la vénération des reliques royales. Le cœur, ou ce qu’il en restait, retrouva sa place dans la chapelle du collège de la Flèche où il demeure toujours, sauf une escapade à Pau pour le quatrième centenaire de la naissance du roi, en 1953. La guerre n’aura pas lieu dans l’immédiat mais la politique d’Henri IV sera reprise par Richelieu qui fera participer la France, en 1635, à la guerre de Trente ans qui fut déclenchée en 1618 par la politique catholique intransigeante du roi de Bohême Ferdinand qui deviendra empereur du saint Empire en 1619. Celle-ci provoque la révolte de la noblesse praguoise à majorité protestante qui déchut Ferdinand de son trône et fit appel à l’Electeur palatin Frédéric V pour le remplacer. Après l’échec de l’intervention du roi de Danemark en faveur du parti protestant, Richelieu poussera le roi de Suède Gustave-Adolphe à entrer en guerre contre les Habsbourg qui furent sauvés par la mort du Suédois. Les armées scandinaves furent battues à Lützen en Saxe en 1634. C’est alors que les deux camps étaient suffisamment épuisés que Richelieu entra en scène et réunit autour de la France la plupart des petits Etats protestants, la Suède, des princes italiens et la Savoie afin d’affaiblir les Habsbourg.  Richelieu déclara la guerre au roi d’Espagne Philippe IV qui ne se terminera qu’en 1659 avec le Traité des Pyrénées alors que pour l’Allemagne la paix se fera par le Traité de Westphalie en 1648.

 


[1] Janine Garrisson, « Le coup de grâce », L’Histoire n° 77, p. 54

[2] Joël Cornette, « La prise du pouvoir par Henri IV », L’Histoire n° 136, p. 17