Partie VI - Le carré SATOR   Chapitre XLV - Perceval et les Wisigoths   

Dans Le Conte du graal, Rion est présenté comme l’adversaire d’Arthur. Or d’aucuns pensent que ce Rion n’est autre qu’Euric,  roi des Wisigoths de 466 à 484, défait à la bataille de Carhaix en 474 (Encyclopédie Marikavel). L’implication des rois wisigoths dans la quête du graal est affirmée par A. Sipra, qui s’appuie sur le Parzifal de Wolfram von Eschenbach et les travaux de Louis Fédié, dans son ouvrage La Cité du chariot, cité qui n’est autre que Rennes-le-Château.

C'est un certain Théodulf qui révéla l'existence de Rennes-le-Château sous son nom de Rhedae dans un poème en latin intitulé "Paraenesis ad judices", relatant son voyage en Septimanie en tant que missus dominicus. Théodulf (du gothique "thiuda-wulfs" : "peuple du loup") était d'origine wisigothique, peut-être né à Saragosse vers 750. Fuyant la contre-offensive arabe avec sa famille, il trouve refuge en Septimanie vers 780. Théodulf devint un grand intellectuel, un théologien, et un poète et s'intéressait beaucoup à la géométrie et à l'architecture. Charlemagne l'appela à son service et le nomma en 797 évêque d'Orléans et abbé de Fleury, sans qu'il fût moine. Il contribua à la renaissance carolingienne, favorisant les écoles et rappelant les ecclésiastiques à leur devoir. Théodulf fut donc envoyé en Septimanie, qui connaissait une réminiscence de l'arianisme, avec Leidrade, évêque de Lyon, disciple d'Alcuin et successeur d'Adon qui exerça son ministère de 769 à 798. Leidrade fut envoyé deux autres fois en Espagne pour mieux connaître et combattre l'adoptianisme de Félix d'Urgel. En 800, il assista à Rome au couronnement de Charlemagne, et reçut du pape le pallium. A la mort de Charlemagne, il fut accusé de trahison et relégué à Angers où il mourut en 821. Il fonda l'oratoire de Germigny-des-Prés, qui possède la rare mosaïque de l'Arche d'Alliance et un corps principal divisé en 9 compartiments.

Perceval, selon A. Sipra, serait Amalaric, fils d’Alaric II tué à Vouillé par Clovis en 507. Clovis et Alaric s’étaient rencontrés sur l’Île Saint-Jean, en face d’Amboise, en 503 pour signer un traité de paix. Comme Parzifal, Amalaric avait un demi-frère. Wolfram assure que son roman se rapproche au plus près de l’histoire rapportée par Kyot le Provenzal et que c’est Chrétien de Troyes qui avait pris quelques libertés avec son modèle.

La reconstitution romanesque de Chrétien de Troyes mêlerait différents éléments de l’histoire familiale des rois goths. La blessure due à un coup de lance du roi pêcheur et du père de Perceval ferait référence à celle de Théodoric I, père d’Euric, qui fut tué par l’Amale ostrogoth Andagis au cours de la bataille des Champs Catalauniques en 451 contre Attila. Les Wisigoths étaient alors alliés au Romain Aétius contre les Huns, tandis que les Ostrogoths leur étaient opposés. Une blessure comparable est la cause de la mort d’Alaric II à Vouillé, tué par Clovis lui-même : « Clovis perce Alaric de sa lance » selon une chronique du VIIème siècle attribuée à Maxime de Saragosse.

Euric épousa Ragnahilde, fille d’un roi inconnu. Un solliciteur du nom d’Evodius offrit à la reine une lourde coupe d’argent et demanda à Sidoine Apollinaire, par qui l’on connaît l’histoire, d’écrire quelques vers pour accompagner le cadeau. Cette coupe fait naturellement penser au graal dans un de ces différents aspects évoqués dans Perlesvaus.

Le titre de Rion, roi des îles, rappelle l’origine des Goths dans l’île de Basilissa ou Baltha selon Pline l’Ancien, ou l’île Scandza selon Tacite. Rion est aussi le nom de la localité dans l’isthme de Corinthe par laquelle passa Alaric I dans son périple grec. Il échoua dans sa tentative de la prise de la ville de Tégée en Arcadie, au temps de l’empereur d’orient Arcadius le bien nommé. Alaric aurait pu ainsi dire ET IN ARCADIA EGO.

Rions-sur-Garonne est encore le nom d’une localité d’Aquitaine où se situe une histoire racontée par les catholiques au sujet des ariens qui partageaient leur église. Des enfants ariens sont baptisés selon leur rite pendant la vigile pascale mais ne survivent à l’octave de Pâques, contrairement aux enfants catholiques qui échappent à la maladie. Rion, que j’identifie au père de Perceval et au roi pêcheur selon le calcul fait précédemment et les déductions issues des informations fournies par le Conte, étant assimilé à Euric, Perceval serait ainsi son fils Alaric II.

Le roi ostrogoth Hermanaric se suicida, dit-on, à 110 ans en 375, affligé par les ravages faits par les Huns à son royaume, après avoir été blessé par les frères de Sunilda dont le mari avait trahi le roi, et que celui-ci fit supplicier. On retrouve ici la blessure du Roi Pêcheur et le grand âge du vieux roi malade père du Roi Pêcheur si « esperitaus » qui se nourrit de l’hostie qui vient du graal. Manière d’évoquer l’esprit des ancêtres, d’un grand ancêtre, qu’un culte permet d’invoquer, de même que des chansons chantées par les guerriers wisigoths avant les combats.

Chez Robert de Boron, le vieux roi malade et le roi pêcheur sont confondus en un même personnage qui est justement le grand-père de Perceval.

Les Wisigoths, terme inventé par l’historien de Théodoric le grand, Cassiodore, étaient appelés les Vesi en latin, ce qui signifierait les « Bons », les « Nobles » selon Herwig Wolfram. Or dans une formule donnée auparavant on retrouve ce terme de bon, qualifiant le roi pêcheur, et synonyme de courtois, mot employé par Perceval.

Perceval élevé dans une forêt rappelle le nom du héros des Tervinges Vidigoia, « l’homme de la région des forêts », qui trouva la mort près de la Tisza lors d’une attaque contre les Sarmates.

Les rois wisigoths étaient ariens. Au début du Conte, Perceval ignore les rudiments de la religion chrétienne, voire catholique, ce qui permettrait de dire qu’il aurait pu avoir, non pas aucune religion, mais une religion différente du catholicisme. Sa mère appelle le Christ le saint prophète. « Il peut paraître douteux qu’au temps de Pierre le Vénérable, familier des comtes de Vermandois, le qualificatif de prophète […] n’ait pas heurté les auditoires de Chrétien [1]». D’autre part, Perceval se « convertit » auprès de son oncle ermite, après 5 ans d’errance. Cette conversion rappelle celle potentielle d’Alaric II à laquelle s’attendaient les catholiques du royaume wisigoth de Toulouse à la fin de son règne. Alaric II cherchait à apaiser les querelles entre ariens et catholiques, en quête d’unité. Le jeu de mot Perceval…aric complète l’hypothèse.

Reste que dans cette configuration, la mère de Perceval, épouse de Rion, serait aussi la tante de son mari, puisqu’elle est la sœur du père du roi pêcheur. Schéma que l’on trouve dans l’histoire mérovingienne avec Brunehaut et Mérovée. Cela justifierait les soupçons d’inceste au sujet de la famille de Perceval qui se rencontrent dans certaines études consacrées au Conte du Graal. L’inceste entre frère et sœur se retrouve dans le texte hermétique La Tourbe des Philosophes, celui de Gabertin et de Beya, mais aussi, pour revenir au cycle du Graal, dans Merlin le prophète ou Le Livre du Graal, où Arthur a de sa demi-sœur un fils, Mordret, qui combattra son père dans une gigantesque bataille engloutissant les derniers survivants de la geste arthurienne. Notons encore la laision de Tristan avec sa tante par alliance Yseut, ainsi que, chez Wagner qui modifia un peu l'histoire, l'amour de Siegfried pour sa tante Brunehilde.

J'oubliais de parler de Moïse, l'exemple à la fois le plus célèbre et le plus méconnu. Lévi, fils de Jacob (Israël après son combat avec l'ange), lui-même fils d'Isaac et petit-fils d'Abraham, eut pour fils Guershom, Qehath et Merari et pour fille, entre autre, Yokébed qui se maria avec un fils de Qehath, Amram. Ils eurent pour fils Moïse, qui était donc l'enfant d'un neveu avec sa tante. Moïse conduit les Hébreux vers la Terre Promise où coulent le lait et le miel, tandis que Perceval est chargé de faire en sorte que la Terre Gaste soit régénérée. Les eaux, prolongement de l'ambiance maternelle, sauveront Moïse. Pour Perceval, la Forêt, où sa mère le retient un temps, jouera ce rôle. Moïse est l'élu de Dieu ("son élu, se tint à la brèche devant lui" : Psaumes 106, 23) comme Perceval est l'élu (voir ci-dessous).

Dans ce contexte gothique, le nom de Perceval peut se lire selon une étymologie germanique. René Bansard, érudit de la Ferté-Macé, suivi par le professeur de littérature médiévale Jean-Charles Payen, a émis l’hypothèse que Chrétien de Troyes s’était inspiré pour son personnage de Lancelot d’un saint ayant réellement existé : saint Fraimbault de Lassay. Les deux noms ont la même signification : Frambaldus de Laciac ou Laceo a pour étymologie le latin framcea – lance des Francs -, le germanique bald – courageux – et le latin lacus – lac -, soit lance du lac. Ainsi, en ce qui concerne Perceval qui peut être décomposé en Perce et Val, « Pirsch » en allemand signifie chasse et « Val » combat et par métonymie mort au combat (cf. Walhalla ou Valhöll : la halle des guerriers morts au combat ; l’allemand « Walplatz » : champ de bataille, « champ des morts »).

Perceval est qualifié de Gallois. Or, toujours en contexte germanique, les marches galloises étaient appelé "marchia wallia" par les Saxons. Et justement Wallia est un prénom wisigothique, celui du roi des Wisigoths, allié des Romains, de 415 à 418 qui succède à Athaulf. Or Wallia signifie "l'Elu" [2] et donc confirme Perceval dans son rôle de restaurateur de la prospérité du Royaume.

Perceval serait donc un mort à la chasse à moins qu’il ne traduise une chasse aux morts, une chasse des morts, une chasse aux esprits. Ces morts qui hantent le Conte, surtout dans la partie consacrée à Gauvain. Cela conduit à considérer les chasses sauvages ou chasses infernales connues en Normandie sous le nom de Mesnie-Hellequin. Ces chasses légendaires sont aussi présentes en Allemagne et le terme Hellequin a été rapproché de l’allemand Heerkönig, « seigneur de l’armée des esprits ». Les historiographes anglais du XIIème siècle racontent la légende du roi Herla, invité par un nain à son mariage dans sa montagne creuse. Lorsque Herla repart, comblé de cadeau, le nain lui offre un petit chien et lui interdit ainsi qu’à sa suite de descendre de cheval avant que le chien ne saute au sol. En route, Herla comprend que les trois jours qu’il passa auprès du nain valaient 200 ans. Puis des membres de sa troupe descendent de monture à l’encontre de l’ordre intimé par le nain et tombent en poussière. Depuis, le chien n’ayant jamais sauté par terre, Herla mène sa troupe sans trêve dans une chasse appelée Familia Herlethingi. En pays germanique la chasse est souvent conduite par le dieu Odin (Wodans Jagd ou Wuotes Her). C’est l’occasion de parler de mythologie germanique qui entretien avec le chiffre 9 des rapports étroits. Odin règne au Valhöll et a pour attribut l’épieu Gungnir, l’anneau Draupnir d’où dégouttent toutes les neuf nuits huit autres anneaux, et son cheval Sleipnir. Odin est un dieu psychopompe comme Mercure auquel il fut associé par les Romains, c’est le « Seigneur des revenants » et « Dieu des pendus ». Les hommes qui lui étaient sacrifiés étaient pendus à un arbre. Le dieu lui-même se pendit après s’être blessé d’un coup de lance et se balança neuf nuits à « l’arbre battu par les vents » pour être initié à la science sacrée. Son correspondant anglais Woden est connu par le récit du Charme des neuf Herbes où il apparaît en magicien –guérisseur : « Un serpent vint en rampant et mordit l’homme. Alors Woden prit neuf glorieuses ramilles (= les neuf herbes) et frappa le serpent qui vola en neuf morceaux… »[3].

Hrungnir, géant à la tête et au cœur de pierre, défit Odin. Les dieux excédés chargèrent Thor de le battre en duel. Un motif ornemental connu sous le nom de « cœur de Hringnir » (Hrungnis hjarta) et de « nœud des occis » (valknutr), est constitué de trois triangles enlacés.

En Normandie, ces chasses empruntent des routes terrestres et non célestes et conduisent des morts et en particulier un clerc et une nonne expiant leur amour profane avec des cris aigus et prolongés. Dans l’Indre, à Velles, des chasses célestes, conduites par Pluton, emmènent les âmes des damnés et des enfants morts sans baptême, les nuits d’orage[4].

Le vieux roi, père du Roi Pêcheur, si « esperitaus » serait peut-être mort, et son esprit hanterait le château du graal. Le fait qu’il se « nourrisse » d’hostie est peut-être l’image d’une messe des morts. Il a partie liée avec les Réphaïm bibliques et l’AREPO du carré SATOR. Aurait-il quelque chose à se reprocher ? Le cortège du graal serait un symbole de cette culpabilité. En effet, le tailloir me fait penser au plateau de la procédure de droit romain de perquisition des objets volés du « lance et licio » (par le plateau et la ceinture) qui se faisait chez la personne accusée.

Le furtum désignait à l’origine l’objet volé et le but était de le retrouver. Si le vol était manifeste, flagrant délit ou chose volée retrouvée chez le voleur, il y avait une sanction qui dépendait du statut de la personne. Un homme libre était fouetté publiquement et adjugé par le magistrat à la victime qui le traitait comme un débiteur insolvable. Un enfant ou un impubère était fouetté lui aussi et son père devait dédommager la victime.

La peine encourue par les esclaves reconnus coupables de vol était d’être projetés du haut de la roche Tarpéienne sur les lances des soldats, après avoir été flagellés. Ainsi la lance sanguinolente du cortège apparaît comme le signe du châtiment promis au voleur.

Puis à l’époque classique, le furtum recouvre la soustraction ou l’usage frauduleux de la chose appartenant à autrui. La peine consistera à verser une certaine somme en contrepartie.

D’autant que Perceval, à son arrivée chez le Roi Pêcheur, est ceint d’une épée et donc lui est attribué une ceinture. Epée dans laquelle on peut reconnaître Terving, l’épée héréditaire chantée par les Wisigoths, ou Gaut, celle des Ostrogoths. Chez Chrétien de Troyes, l’épée donnée à Perceval par le Roi Pêcheur a été forgée par Trébuchet, mais se briserait si elle devait être utilisée. Seul celui qui la fit pourrait la réparer. Or Cornélius Agrippa, à la Renaissance, recommandait que l’on grava sur les épées un carré de Mars, donc de 25 cases comme le carré SATOR qui lui était associé au Moyen Âge, pour les rendre plus solides. Cette pratique magique aurait pu être connue au Moyen Âge.

Qui aurait volé quoi ?

Lors du sac de Rome par Alaric Ier, le trésor juif pris à Jérusalem par Titus et le trésor de Rome furent emportés par les Wisigoths. Ils se retrouvèrent à Toulouse lors de leur établissement dans le sud de la Gaule. Transférés à Ravenne par Théodoric le grand, roi des Ostrogoths, ils furent restitués à Amalaric par son cousin Athalaric, fils d’Amalasonthe - elle était la fille de Théodoric et sœur de Thiudigotho, épouse d’Alaric II – et d’Eutharic descendant d’Hermanaric.

A la mort d'Alaric, la division s'étant mise entre les Wisigoths. Une partie emmena Amalaric en Espagne. La majorité choisit Gésalic comme roi, son demi-frère bâtard. Clovis ayant pris tout leur domaine entre Loire et Pyrénées, Gésalic passa en Espagne. Théodoric battit Francs et Bourguignons, et arracha la Provence et le Languedoc. Gésalic, qui disputait le trône à son frère légitime, ayant été battu et tué, le jeune Amalaric fut reconnu, en 511, roi de tous les Visigoths, sous la tutelle de son aïeul Théodoric. Ce prince, pour se dédommager des frais de la guerre, garda la Provence, et gouverna la monarchie des Visigoths, en qualité de régent, pendant la minorité d'Amalaric. Rentré dans tous ses droits à la mort de Théodoric, le roi des Visigoths partagea ce qui lui restait dans la Gaule avec son cousin Athalaric, devenu roi d'Italie, et dont il voulait s'assurer les secours contre les fils de Clovis. On convint que le Rhône servirait de limites entre les deux empires des Ostrogoths et des Visigoths, et qu'on cesserait d'envoyer les tributs d'Espagne en Italie. Cependant, Amalaric, désirant vivre en paix avec les Francs, épousa Clotilde, fille de Clovis. Cette princesse lui apporta en dot Toulouse, qui fut de nouveau réunie à la monarchie d'Amalaric. Ce mariage semblait devoir consolider la paix entre les deux nations rivales; mais bientôt on vit naitre, entre les deux époux, une mésintelligence funeste. Amalaric voulut forcer la reine à embrasser l'arianisme, et, n'ayant pu y parvenir par les voies de la persuasion, il fit outrager cette princesse toutes les fois qu'elle se rendait à l'église ; et, furieux de la voir insensible à ces insultes, il lui infligea lui-même, par un raffinement de brutalité, des châtiments indignes et cruels. Réduite au désespoir, Clotilde fit passer à son frère Childebert, roi de Paris, un mouchoir teint du sang qu'elle avait répandu sous les coups de son barbare mari. Childebert lorgne sur l'Auvergne, appartenant à son demi-frère aîné Thierry qui est alors occupé à mater la rébellion des Thuringiens. Mais les Auvergnats se soulèvent, parviennent à mettre en fuite l'armée de Childebert et, profitant de l'occasion, à recouvrer partiellement leur indépendance. Childebert, défait, part finalement pour Narbonne et entra dans les états de son beau-frère. Saisi de panique, Amalaric a oublié son trésor à Narbonne. La flotte des Wisigoths fait alors demi-tour. Amalaric se précipite dans son palais et rassemble en hâte ses richesses, lorsque Childebert entre dans Narbonne. Abandonnant ses trésors et ses insignes royaux aux Francs, Amalaric se précipite vers l'église catholique pour, comble de l'ironie, y demander l'asile. Mais, selon La Chronique de Saragosse, un soldat franc l'appréhende, le reconnaît et le met à mort, cela en 531 après J.-C. Isidore de Séville dans son Histoire des rois goths, n'hésite pas à affirmer qu'Amalaric a été abattu par ses propres leudes. Selon certains, Amalaric aurait été tué d'un coup de lance. Selon d'autres, Amalaric fut percé d'un trait lancé par une main invisible. Quelques historiens regardent cette mort comme un ouvrage du Diable. Le trait fut lancé d'en-haut, et de la main des vengeances divines. Ainsi finit en Gaule la race des Théodomes, qui régna 111 ans sur les Visigoths. Cette monarchie, héréditaire jusque alors, devint élective, et se concentra en Espagne. Theudis succéda à Amalaric. Quant à Clotilde, affaiblie par les outrages qu'elle a subis, elle meurt sur la route du retour à Paris. Childebert Ier la fait enterrer aux côtés de son père et de sa mère dans la crypte de l'église Sainte Geneviève (voir La malédiction des anciles).

Childebert Ier fondera bientôt l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés à Paris, qui selon le Polyptyque d'Irminon possédait des biens à Neuillay-les-Bois (voir La malédiction des anciles).

A parte : La Reine Pédauque

La légende de la Reine Pédauque, appelée aussi Austris, est rapportée par Nicolas Bertrand en 1515. Fille du roi païen de Toulouse Marcellus, atteinte de la lèpre et convertie secrètement au christianisme, elle mourut dans son palais de Peyrolade et fut ensevelie par son père « in templo Jovis supra Garumnam : ubi nunc ecclesia beate Marie Deaurate sita est ».

Austris est un nom qui peut se rapprocher du latin « auster » qui signifie midi, ce qui fait de cette reine une reine du Midi. Mais il se rapporte aussi à une orthographe d’ostrogoth. En effet on trouve la graphie « austrogothi » dans les Scriptores historiae augustae. Si la reine Pédauque est ostrogothe, alors elle peut être la femme d’Alaric II, Thiudigotho, fille de Théodoric le grand, roi des Ostrogoths, qui fut aussi roi de Toulouse, à la mort de Geisalic, bâtard d’Alaric II. On peut penser que Thiudigotho mourut avant son père car Amalaric, fils de cette reine et d’Alaric II « avait perdu ses parents pendants son enfance » selon Jordanès, et Thédororic ne mourut qu’en 526. Appeler Théodoric le grand du nom de Marcellus ferait référence au Dieu Mars. L’écrivain Sidoine Apollinaire louait Euric, père d’Alaric II, comme le « Mars gothique de la Garonne ». Théodoric était aussi un « dieu » de la guerre. Qu’il fut païen, n’est pas exact, mais il était hérétique aux yeux des catholiques puisqu’arien.

Certains commentateurs on fait de la reine Pédauque une grenouille en raison de sa possible identification avec la femme d'Euric Ragnahilde et de ses capacités natatoires, Rana provenant improbablement du latin rana (grenouille) alors que le nom est manifestement germanique. Renée Musssot-Goulard (Les Goths) rappelle que la langue occitane au Vème siècle, époque ou vivait la fameuse reine, n'était pas formée. Aussi il faut chercher un sens de Pédauque dans la langue gothique. Un mot approchant en anglais est paddock qui veut justement dire, outre enclos aussi grenouille, animal palmé comme l'oie. Ce mot anglais est à rapproché du néerlandais pad (crapaud) avec le diminutif ock. En danois padde veut dire aussi grenouille mais aussi zombie. Ce sens de mort vivant est à comparé au sens symbolique qu'avaient ces animaux au Moyen Âge. Cette époque fait de la grenouille le symbole de la luxure. L'Apocalypse de saint Jean agrave ce caractère diabolique en en faisant l'esprit du mal. Le Beatus de Saint-Sever illustre ce texte au premier degré : "Puis je vis trois esprits mauvais, semblables à des grenouilles qui sortaient de la gueule du dragon, de la gueule de la bête et de la bouche du faux prophète" (16-13). L'artiste n'a cependant pas donné de palmure aux pattes des batraciens. Le crapaud est une élément de la faune des sorciers qui connaissent ses propriétés hallucinogènes. C'est un animal chamanique puisqu'il passe du milieu subaquatique au milieu terrestre comme les chamanes font communiquer le monde des morts et celui des vivants. Les sorcières basques étaient marquées du signe du pied de crapaud par le Dieu Cornu lors de leur initiation. Sidoine Apollinaire fait de Pélagie, belle-soeur de Pédauque (femme de Théodoric Ier, selon Renée Mussot-Goulard), une magicienne versée dans la science des nombres et des plantes, connaissances prisées par les Wisigoths. Zombie, sorcière (haljarunos en gothique) ou esprit du mal, la reine Pédauque traverse les mémoires comme un fantôme, comme une Dame Blanche. Revenons au crapaud. Son aspect alchimique apparaît au portail nord de l'abbaye bénédictine de Charlieu. Une femme y allaite un crapaud. Michel Maïer note dans L'Atalante fugitive à l'Emblème V : "Mets le crapaud au sein de la femme, afin qu'il s'allaite, que la femme meure, et que le crapaud grossisse de son lait". Le crapaud est considéré comme la materia prima laide et malade des alchimistes qui contient la pierre philosophale en puissance comme l'animal était censé renfermer la crapaudine. Ajoutons que grenouille se dit en occitan granolha, graulha qui entre en assonance avec graal(cas sujet : graus).

 


[1] Paulette Duval, « La pensée alchimique et le conte du graal », Champion, p. 318

[2] www.harbornet.com/folks/theedrich/Goths/Goths2.htm

[3] Claude Lecouteux, « Petit dictionnaire de mythologie allemande », Editions Entente, p. 258

[4] Aimé Michel et Jean-Paul Clébert, « Histoire et guide de la France secrète », Planète, p. 410