Partie X - 22 v’la l’Tarot   Chapitre II - Kabbalisation du Tarot   VIII - Justice . XIX - Soleil   

VIII – La Justice – Vertus – Hod - Beni-Elohim - Raphaël – 13 mars – Salomon de Cordoue/Vincent Ferrier – Het – Planète Mercure

XIX – Le Soleil – Asa’el – 12 septembre - Raphaël

La Prudence !

L'association des cartes de la Justice et du Soleil révèle un point commun qui est la vertu de la Prudence. En effet la Justice est pourvue d'un double visage tel celui de la Prudence du tombeau de François II à Nantes, et la femme assise du Soleil rappelle une œuvre de Hans Baldung Grien.

Si l'allégorie de la Prudence s'entoure de la même atmosphère mystérieuse, sa posture contournée évoque une grimace bizarre. La jambe droite va résolument à gauche tandis que la jambe gauche tourne à la perpendiculaire vers le spectateur et que - le haut du corps exécutant un second quart de tour - le regard se tourne vers un miroir pour lire derrière ce qui se trouve devant. Dans l'obscurité du fond apparaissent un cerf et une biche. Le pied droit de la femme écrase un serpent et dans le miroir apparaît le reflet d'une tête de mort.

france.intofineart.com

Le miroir que les pays germaniques utilisent plutôt comme attribut de la Vanité, sert à la Prudence dans la tradition italienne et italianisante. L'allégorie au centre du restello de G. Bellini, dont on ne sait trop si c'est une Prudence ou une Vanité, appartient à cette tradition. Peut-être, sert-elle de source à Baldung pour la forme générale du nu, à travers une gravure inconnue ou un dessin ? Le serpent et le cerf contribuent à enraciner l'allégorie de Baldung dans le type italien de la Prudence. Malgré les dates, Hartlaub mentionne à juste titre Ripa qui lui donne ces attributs et qui propose de remplacer éventuellement le miroir par une tête de mort. Baldung s'inspire de la même tradition en condensant les attributs : la tête de mort apparaît dans le miroir ; le double visage de la Prudence qui regarde devant et derrière elle à la fois, est remplacé par le mouvement de sa tête vers le miroir qui lui permet de voir devant en regardant derrière (Jean Wirth, La jeune fille et la mort, Volume 36 de Hautes études médiévales et modernes, 1979).

La représentation traditionnelle de la Prudence, une femme avec serpent et miroir, est subtilement compliquée chez Vouet dans l'Allégorie de la Prudence. Ce sont les trois Grâces qui tendent le miroir, lequel devient celui de la Beauté en même temps que de la Prudence.

Le statut ambivalent du miroir fait que " beauté, sagesse et vanité se fondent en un seul symbole car le même miroir qui dévoile la beauté et engendre le désir met aussi en garde contre sa fragilité et appelle à la prudence. " (Sabine Melchior-Bonnet, Histoire du miroir, 1994).

On tira une estampe d'une oeuvre de Giovanni Batista Cipriani appelé : beauté reagrdant dans le mirori de la prudence. Beauté semble bien traduire le détail de la carte du Soleil placé sousle coude de la jeune femme, l'inscription VNR, trilitère à la mode hébraïque, pouvant signifier VENERE en rapport avec Vénus, déesse de la beauté.

Le " singe " qui tient un miroir serait plutôt une momie.

Corps embaumé par les anciens Égyptiens, on trouve encore des momies dans les anciens tombeaux d'Egypte. Il se dit, par extension, Des corps de ceux qui ont été enterrés sons le sables mouvants que les vents élèvent dans les déserts de l'Arabie et de l'Égypte, et qu'on trouve ensuite desséchés par les ardeurs du soleil. " C'est une momie, une vraie momie " se dit d'une personne sèche et noire. Momie se dit donc aussi de la couleur brune tirée de bitumes dont les momies oui été enduites, couleur du personnage qui tient le miroir (Dictionnaire de l'Académie française, Volume 2, 1851).

Une momie du Muséum de Lyon est connue comme la " porteuse du miroir". Placé dans les sépultures, à proximité de la momie, le miroir jouait sans doute un rôle dans la revitalisation ou la renaissance du défunt, au même titre que les aliments, les vêtements, les cosmétiques, les amulettes et les bijoux. Le disque associé au dieu solaire permettait au défunt de retrouver la vision (Chronique d'Égypte, Volumes 56 à 57, Fondation égyptologique reine Elisabeth, Belgique, 1981).

La momie (mumia) était aussi une médecine tirée de ces corps désséchés, ce qui est enrapport avec la fonction de l'archange Raphaël. Ambroise Paré rapporte comment un médecin du roi de Navarre a découvert dans le magasin d'un juif d'Alexandrie une quarantaine de corps grossièrement embaumés par le marchand. Ces corps embaumés dont on extrayait la " momie " étaient vendus pour usage médicinal. Les cadavres dont on enlevait les viscères étaient desséchés au four, trempés dans de la poix noire. A la momie noire ainsi obtenue on opposait la momie blanche tiré des cadavres des voyageurs morts dans le désert (Lorand Gaspar, Jal?l ?akm?w?, Sol absolu, 2006).

Hod et Justice

Certains considèrent Hod comme une manifestation de Gebourah (la Rigueur/la Justice). Binah Gebourah et Hod constituent le pilier de la Sévérité (Elizabeth Clare Prophet, Patricia R. Spadaro, Murray L. Steinman, Kabbalah: Key to Your Inner Power, 1997).

Raphaël

Raphaël archange, dont le nom signifie Remède de Dieu, prit la forme d'un jeune voyageur, Azarie, pour guider Tobie le fils dans son voyage à Ragès, lui fit épouser Sara, fille de Raguel, le ramena dans sa patrie, et lui enseigna le moyen de rendre la vue à son père. On le fêle le 12 septembre avec Tobit le père, et aussi le 24 octobre et 20 novembre.

Il y a, à son nom, des Eglises à Milan, à Venise, à Paris, et en d'autres lieux, en l'un desquels on le nomme saint Raffau: honoré le 12 Septembre dans les lieux où la lecture de Job ne dure que la première semaine de ce mois , mais le 19 dans ceux où elle dure les deux premières semaines, ce jour pour ceux-ci (le 12 pour les autres) étant le seul où on lise toujours de Tobie, après lequel, passé quatre jours, on trouve saint Gabriel pour le 24 qui est le jour de son Annonciation à Zacharie, et passé quatre autres jours , saint Michel pour le 29 qui est le jour de la Dédicace de son Eglise au Mont-Gargan : le premier de ces trois selon ce rang, mentionné dans un seul Livre de l'Ecriture qui est Tobie; le second dans deux , Daniel et saint Luc; le troisième dans trois, Daniel, saint Jude, et l'Apocalypse: le premier et le second , nommés seulement Anges dans ces Livres saints; le troisième dit Archange dans saint Jude seulement (Claude Chastelain, Martyrologe universel: contenant le texte du martyrologe romain traduit en françois, 1709).

Raphaël dont le nom et l'histoire annoncent qu'il est secourable aux infirmités humaines, porte assez souvent quelque symbole de la profession médicale. Certains artistes (allemands surtout) ont imaginé de donner un bocal pharmaceutique au chœur des anges qui est appelé Vertus, par allusion un peu forcée à divers textes de l'Évangile (Luc. VI, 19; VIII, 46) (Charles Cahier, Caractéristiques des saints dans l'art populaire, Volume 2, 1867).

L’association de Raphaël avec le Soleil et la Justice font référence aux paroles de Malachie, (4 :2) : « Mais pour vous qui craignez mon nom, se lèvera Le soleil de la justice, Et la guérison sera sous ses ailes; Vous sortirez, et vous sauterez comme les veaux d'une étable. »

Zohar sur la Genèse fol. 112, col, 449: " R. Hhiya a ouvert la conférence par ces paroles. Il est écrit (Mal. 3; 20 ) : et le soleil de Justice qui guérit par ses rayons, vous luira à vous qui craignez mon nom. Viens et considère que Dieu saint, béni soit-il, a préparé, pour éclairer Israël, ce soleil que depuis la création de l'univers il a dérobé à la vue des impies du monde. Quand ce soleil parut " dans le principe, ses rayons éclairaient à la " fois toutes les extrémités de la terre. Que dit l'Écriture quand Jacob eût été, blessé à la cuisse par un ange ? " Et le soleil se leva pour lui " (Gen. 32 ; 32). Le soleil qui a la vertu de guérir ; car l'Écriture dit bientôt après (33; 18) : " Et Jacob arriva sain et sauf, à Schalem, dans la ville de Sichem. " C'est par ce soleil que Dieu éclaire Israël, car il est écrit : " et le soleil de justice, etc. " Quel soleil de justice ? Celui qui a guéri Jacob. Le texte continue " et qui guérit par ses rayons "; car par ce soleil tous obtiendront leur guérison. Dans le temps où Israël se relèvera de la poussière, que de boiteux, que d'aveugles, il y aura parmi eux ! Mais alors Dieu saint, béni soit-il, leur fera luire ce soleil pour les guérir. Et alors ce soleil luira d'une extrémité du monde jusqu'à l'autre extrémité. Il sera une guérison pour Israël, mais les nations idolâtres en seront consumées (Paul Drach, Lettre d'un rabbin converti, aux Israélites ses frères, sur les motifs de sa conversion, Volumes 1 à 2, 1825).

Mikaël est l'ange du soleil et Raphaël l'ange de Mercure, donc d'Hermès. Hermès est donc aussi "dieu sauveur", "guérisseur", et le caducée qu'on lui attribue devient logiquement le symbole de la médecine.

La conception religieuse de la maladie, c'est la demande de guérison aux dieux, individuelle ou par l'intercession des prêtres : on compte parmi les dieux guérisseurs Mercure avec Asclépios et Apollon. En effet, un certain nombre d'autels et stèles dédiés à Mercure ont été retrouvés dans des sanctuaires des eaux. On le trouve auprès de certaines sources : c'est le cas chez les Leuques à Soulosse (Poncin 1985 : 63-66) et peut-être aux Cinq-Fontaines, tout près de Sainte-Valdrée. Des flacons retrouvés lors de fouilles étaient peut-être destinés à contenir des médicaments ou des collyres et placés sous la protection de Mercure. Le coq est l'attribut de Mercure (Hermès). Le coq accompagnait aussi le guérisseur Asclépios qui pouvait ressusciter les morts.

Le site gallo-romain de Châteaubleau (Seine-et-Marne) abrite plusieurs sanctuaires de tradition indigène qui ont fourni divers objets - patère inscrite, statuette en bronze, monnaie, ex- voto anatomique -, liés à une divinité gauloise romanisée sous le nom de Mercurius Solitumarus. Cette épithète, qui signifie « à la grande vue », « qui voit tout », est illustrée par les yeux hypertrophiés du dieu figuré sur les documents archéologiques concernés. Un rapprochement avec d'autres représentations gauloises et gallo-romaines, ainsi que des parallèles tirés de la mythologie irlandaise, permettent d'identifier le Mercure de Châteaubleau à Lugus, dieu omnicompétent des Celtes doté de capacités visionnaires. Lugus est également, à l'occasion, un dieu médecin qui présente une affinité particulière avec la guérison des maladies oculaires (Gricourt Daniel, Hollard Dominique, Pilon Fabien. Le Mercure Solitumaros de Châteaubleau (Seine-et-Marne) : Lugus macrophtalme, visionnaire et guérisseur, Georges Dumézil, Déesses latines et mythes védiques, 1978).

La planète Mercure est en exil le 13 mars dans les Poissons, et en domicile le 12 septembre dans la Vierge.

Asa’el

Dans les fragments les plus anciens d’Hénoch, le chef suprême des anges déchus, celui par « la doctrine et les œuvres duquel toute la terre fut corrompue » s'appelle Azazël (X, 8). Aussi est-ce lui que l'archange Raphaël est chargé de lier et de jeter dans les ténèbres jusqu'au jour du jugement dernier, où il sera précipité dans l'étang de feu.

Le livre d'Enoch porte que Dieu ordonna à l'archange Raphaël de lier As’aël, chef des anges rebelles, et de le jeter dans les ténèbres. Ouvrez sur lui, dit-il, le désert de Dudaël, couvrez-le de pierres aiguës; qu'il ne voie point la lumière, et qu'au jour du jugement on l'envoie dans les flammes pour y brûler éternellement. Il dit aussi à saint Michel d'enchaîner Semiaxas, un des premiers anges révoltés, et de le mener avec les siens aux extrémités de la terre, jusqu'à soixante-et-dix générations et jusqu'au jour du jugement. Alors ils seront précipités dans le chaos du feu, dans les tourments et dans les liens d'une prison éternelle. Ces expressions, jointes à celles de saint Pierre en cet endroit, et à celle de saint Jude, qui dit dans son Epître, dit que « Dieu a réservé les anges rebelles pour le « jugement du grand jour, liés de chaînes éternelles, dans un lieu de ténèbres» (Sainte Bible expliquée et commentée, contenant le texte de la Vulgate, 1840).

Mais en ce qui concerne Schemachzaï (Semaxias), les écrits des Geonim lui donnent un autre destin. Il reste suspendu entre ciel et terre les pieds en l’air. La femme Ischtahar échappe à Schemachzaï en devant l’une des Pléiades.

Asa’el est lié par Raphaël et placé dans un trou dans l’obscurité et recouvert de pierres pointues dans le désert de Dudael.

Jozef T. Milik suppose que Dudael du Livre des Egrégores et Dendayn des Paraboles se réfèrent à la notion babylonienne du Mont Mašu, la montagne aux deux sommets qui gardent le coucher et le lever du soleil. Dans ce contexte, les Pléiades sont associées aux demons Sibettu demons, qui sont au nombre de sept (April D. De Conick, Paradise now: essays on early Jewish and Christian mysticism, Volume 11 de Symposium series, 2006).

La capture d’Asa’el peut représenter le soleil à son coucher pendant le lever des Pléiades qui interviendront plus abondamment dans le chapitre suivant.

Salomon de Cordoue et Vincent Ferrier

Salomon, martyr à Cordoue, avait eu le malheur d'apostasier pendant la persécution de Mahomet, roi de celle ville ; mais étant rentré en lui-même, il s'empressa de revenir dans le sein de l'Eglise. Ce retour à la religion ayant été connu, on le mit et prison, et il s'y trouvait depuis quelque temps lorsqu'il eut pour compagnon de captivité saint Rodrigue. Comme ils souffraient pour la même cause, ils se lièrent bientôt d'une étroite amitié et pratiquaient en commun les exercices de la piété, pour ta disposer au martyre qui les attendait. Le cadi n'en fut pas plutôt informé, qu'il les fit séparer, avec défense de leur laisser voir personne. Il les fit ensuite comparaître devant lui à trois reprises différentes, dans l'espérance de les séduire par ses promesses ou de les intimider par ses menaces ; mais n'’y ayant pas réussi il obtint du roi un ordre qui les condamnait à mort. Salomon fut exécuté après saint Rodrigue, l'an 857.

Vincent Ferrier (en valencien Sant Vicent Ferrer) est un prêtre de l'Ordre dominicain, né en 1350 près de Valence (Royaume d'Aragon) et mort le 5 avril 1419 à Vannes (Bretagne) qui est resté célèbre pour ses prédications publiques. Ses reliques y sont vénérées à la Cathédrale Saint-Pierre de Vannes.

Proche de Pedro de Luna, alors cardinal et futur Benoît XIII, Vincent Ferrier se rallie tout d'abord à la papauté d'Avignon, rejetant la légitimité d'Urbain VI dans son traité De moderno ecclesiae schismate. Il devient par la suite confesseur de Benoît XIII, désormais antipape et figure emblématique de la résistance à Rome. Mais, dans un souci d'union de l'Église, il finit par se résigner à abandonner la cause de Benoît pour reconnaître le pape romain. Son acte de renonciation officiel intervient en 1416, à l'époque où le Concile de Constance s'emploie à mettre fin au Schisme avec le soutien de l’empereur Sigismond.

Canonisé en 1455 par Calixte III, il est fêté le 5 avril, et l’était, dans le diocèse de Paris, le 13 mars.

En 1510, Miquel Pérec dédie la vie de saint Vincent Ferrier à la Valencienne « Na Cirera Dalpont, femme de magnifique messire Pere Dalpont, régent de la chancellerie et du conseil du roi ». Il s'agit surtout d'un éloge des vertus du saint, d'un recueil de ses miracles et prophéties, d'un récit de sa mort. L'auteur s'explique dans sa dédicace sur les circonstances de l'écriture : « Tres magnifique et vertueuse, Votre Grâce désirait avec un si dévot désir voir traduite de latin en romanç la vie du bienheureux saint Vincent Ferrier que, peu de jours avant de partir pour la cour du roi, elle me pria de bien vouloir prendre la peine de traduire du latin en langue valencienne l'histoire de ce glorieux saint bien vouloir prendre la peine de traduire du latin en langue valencienne l'histoire de ce glorieux saint. Et moi, connaissant la faiblesse et la pauvreté de ma médiocre intelligence j'ai voulu me dérober par la dérobade de quelque juste excuse, mais, désireux de servir et de satisfaire Votre Grâce et considérant sa sainte et dévote demande, je n'ai pas pu refuser. Et ainsi j'ai eu recours a la claire lumière du glorieux saint Vincent Ferrier qui, puisqu'il était un rayon du clair soleil de justice, a bien voulu m’illuminer (Dominique de Courcelles, Recherches sur les livres et les femmes en Catalogne aux XVe et XVe siècles, Volume 4 de Études et rencontres de l'École des chartes, 1999).