Partie IX - Synthèse   Chapitre LXIII - L’étoile hermétique   Shakespeare in level   

L'oeuvre de William Shakespeare contient un certain nombre de curieuses allusions temporelles.

24 février

L'invocation de divinités romaines dans Lear implique que Shakespeare a imaginé que son royaume suivait une certaine forme de calendrier romain. Plutarque, source favorite de Shakespeare, fournit un résumé du calendrier romain et de son évolution depuis ses antécédents étrusques.

Le roi Lear a été joué par les King's Men devant le roi James Ier à Whitehall la nuit de la Saint-Etienne, le Vendredi 26 Décembre 1606. Pourquoi à cette date ?

L'Eglise romaine a célébré le martyre d'Etienne depuis le quatrième siècle. Nous ne savons pas pourquoi la commémoration du martyr des Actes 6-7 a été attribué au 26 Décembre. Mais quand ils ne pouvaient pas éradiquer une fête païenne, les Pères de l'Église y ont souvent superposé un jour saint chrétien. Les premiers chrétiens ont affecté la date césarienne du solstice d'été (24/25 Juin) pour commémorer la conception de Jean-Baptiste.

Si l'année primitive des Romains de 360 jours se terminait le 23 Février et commençait le 1er Mars, que représentent les cinq jours intermédiaires 23 - 28 Février ? York suggère que, dans l'Italie préromaine comme en Egypte, cette période épagomènes a été reconnue comme "une suspension du délai le temps et entre temps " et constituait le carnaval d'origine. Ces réjouissances ont commencé avec un important festival, le Regifugium ("fuite du roi") sur le Kalendae Marti 6 (24 Février). La "fuite" peut signifier un assouplissement temporaire des règles en faveur de la licence de la fête. Si Lear partage son royaume le jour du Terminalia, son excursion à sa nouvelle résidence avec Gonorill tombe sur le Regifugium.

Dans le calendrier lunaire étrusque primitif adopté par Romulus et ensuite affiné par Numa Pompilius, le 1er Mars était le nouvel an. En 1599, le roi James imposa le 1er janvier comme début de l'an pour l'Ecosse. Le jacobéen 26 December est le 7 Kalendae Januari. Ainsi, le 26 Décembre et 23 Février sont le septième jour avant le début de leurs nouvelles années. Ces dates ont autre chose en commun : le Décembre 26 a été le 360ème jour de l'année jacobéen, et le Février 23 a été le 360ème jour de l'an romain lunaire primitif. Dans le calendrier julien, le 24 février était redoublé en cas d'année bissextile.

Un autre 24 février marque l'histoire du théâtre de Shakespeare. La compagnie de Shakespeare, connu alors sous le nom de Chamberlain's Men, jouèrent ce jour à la demande d'Elisabeth devant les supporteurs du comte d'Essex tombé en disgrace et auteur d'un complot visant à détrôner la reine. La pièce était Richard II, histoire d'un roi détrôné. Le comte sera exécuté le lendemain à la Tour de Londres (www.fathom.com, extra.shu.ac.uk - Lear).

25 avril

Malcolm III d'Écosse (vers 1031 - Alnwick, 1093) est roi d'Écosse de 1058 à 1093. Il est couronné roi d'Écosse le 25 avril 1058, en l'abbaye de Scone, dans le Perthshire, et s'assoit sur la fameuse pierre le jour de la Saint-Marc. Il est fils de Duncan Ier (1001-1040), roi de Strathclyde (1018-1040) et roi d'Écosse (1034-1040), et de Sybille de Huntingdon (née vers 1010). Après l'assassinat (ou la mort au combat) de son père, le 14 août 1040, il ne lui succède pas, le trône étant usurpé par son cousin Macbeth Ier. En 1054, Malcolm réussit à obtenir l'aide du roi d'Angleterre Édouard le Confesseur, qui lui prête une armée pour reconquérir son trône. Le roi Macbeth est tué en 1057, et son successeur, Lulach Ier, en 1058. Après les règnes éphémères des rois d'Angleterre Edgar II et Harold II, en 1066, il tente sans grand succès de lutter contre Guillaume le Conquérant, dont il doit reconnaître la suprématie en 1072. Une nouvelle guerre, en 1093, contre un autre roi d'Angleterre, Guillaume II, se solde par une lourde défaite écossaise et par la mort de Malcolm III et de son fils Edward, auquel succède son frère Donald III. Malcolm III est tout d'abord inhumé à Tynemouth, puis plus tard déplacé à l'abbaye de Dunfermline. Près de quatre siècles plus tard, ses restes sont transportés, à la demande du roi Philippe II d'Espagne, et pour une raison qui reste à préciser, jusqu'au palais de l'Escurial, à proximité de Madrid, où il repose toujours (fr.wikipedia.org - Malcolm III d'Ecosse).

Shakespeare semble faire allusion à Saint Marc dans sa pièce Macbeth, comme il parle de saint Crépin dans Henri V, par la bouche de la première sorcière qui, avec ses consœurs, vaticinera sur le sort de Macbeth.

PREMIÈRE SORCIÈRE : La femme d'un matelot avait des châtaignes dans son tablier ; elle mâchonnait, mâchonnait, mâchonnait. - Donne-m'en, lui ai-je dit. - Arrière, sorcière! m'a répondu cette maigrichonne nourrie de croupions. - Son mari est parti pour Alep, comme patron du Tigre ; mais je m'embarquerai avec lui dans un tamis, et sous la forme d'un rat sans queue, je ferai, je ferai, je ferai.

DEUXIÈME SORCIÈRE : Je te donnerai un vent.

PREMIÈRE SORCIÈRE : Tu es bien bonne.

TROISIÈME SORCIÈRE : Et moi un autre.

PREMIÈRE SORCIÈRE : J'ai déjà tous les autres, les ports vers lesquels ils soufflent, et tous les endroits marqués sur la carte des marins. Je le rendrai sec comme du foin, le sommeil ne descendra ni jour ni nuit sur sa paupière enfoncée ; il vivra comme un maudit, pendant neuf fois neuf longues semaines ; il maigrira, s'affaiblira, languira ; et si sa barque ne peut périr, du moins sera-t-elle battue par la tempête. - Voyez ce que j'ai là.

DEUXIÈME SORCIÈRE : Montre-moi, montre-moi.

PREMIÈRE SORCIÈRE : C'est le pouce d'un pilote qui a fait naufrage en revenant dans son pays.

(Tambour derrière le théâtre.)

TROISIÈME SORCIÈRE : Le tambour! le tambour! Macbeth arrive.

TOUTES TROIS ENSEMBLE : Les sœurs du Destin se tenant par la main, parcourant les terres et les mers, ainsi tournent, tournent, trois fois pour le tien, trois fois pour le mien, et trois fois encore pour faire neuf. Paix! le charme est accompli.

(Macbeth et Banquo paraissent, traversant cette plaine de bruyères ; ils sont suivis d'officiers et de soldats.)

(William Shakespeare, Macbeth - Traduction de M. Guizot).

Si l'on se reporte à la Vie de ce saint dans la Légende dorée, on trouvera quelques détails intéressants concernant l'inscription de la Vie de l'Evangéliste dans la course solaire. La Légende dorée rapporte que Saint Marc fut doué d'une si grande humilité qu'il se coupa le pouce afin que l'on ne songeât pas à l'ordonner prêtre. Mais par une disposition de Dieu et par l'autorité de Saint Pierre, il fut choisi pour évêque d'Alexandrie (calendrier-celte.blogspot.com - Mythologie du dragon).

En Sicile, le peuple a fait de saint Marc le protecteur du vent, et il l'a personnifié en ce saint qu'il a transformé en une sorte d'Éole chrétien. Quand le vent souffle au gré des gens, ils l'invoquent et le supplient à voix basse, mais quand le temps se gâte et que des bouffées mettent en péril les produits agricoles, les menaces succèdent aux prières, ils l'injurient, et un proverbe qui l'identifie avec le sirocco, appelle saint Marc le loup de la campagne (Paul Sébillot, Le paganisme contemporain chez les peuples celto-latins).

25 juin

Le village doit ses noms breton et français à un événement qui y est survenu le 25 juin 874 : l'assassinat du roi Salomon de Bretagne qui avait trouvé refuge dans l'église. C'est en effet l'église qui fut appelée "La Martyre" (Ar Merzher) pour avoir été profanée. Elle donna ce nom à tout le village. Quant au roi, il fut canonisé en 910 pour son martyre et pour ses vertus.

Au Moyen Âge, une prestigieuse foire internationale se tenait à La Martyre. Principal bien échangé : la toile. Les XVème et XVIème siècles virent la plus grande activité. La légende veut que le père de Shakespeare en personne soit venu à ces foires, qui n'ont plus lieu de nos jours (fr.wikipedia.org - La Martyre,

25 août

La plupart des anciens historiens anglais place la bataille de Crécy le 25 août 1346. Cette bataille est citée dans Henri V par le roi Charles VI " too much memorable " (2.4.53).

Le 12 juillet 1346, Edouard III après être débarqué dans le Cotentin à Saint-Vaast-La-Hougue avec environ 12000 hommes, après avoir massacré la population de la ville de Caen, se dirige vers Paris puis remonte vers le Nord, après avoir traversé la Somme au Gué de Blanquetaque le 24 août dans la matinée. L'armée française doit passer la nuit à Abbeville. Philippe VI y passera la journée du 25 août, fête de la Saint Louis. Des renforts y arrivent en masse.

Edouard III remontant vers le Nord. Les Anglais remontent vers Labroie où ils passeront la nuit, épuisés, pendant que les troupes d'Hugues Spencer poussent jusqu'au port du Crotoy bientôt détruit. Le 25 août, le roi Edouard III change brusquement de route. Alors qu'il remontait vers Montreuil, il se dirige désormais vers l'est, passe entre les forêts de Crécy et de Cantâtre. Il décide au terme d'une longue journée de marche environ, de s'arrêter à Crécy et d'y attendre l'armée française qu'il sent très proche . Reposés, nourris et moralement préparés, ils s'apprêtent à livrer bataille. Les chariots sont disposés en cercle fermé proches des archers puisqu'ils recèlent les réserves de flèches constitueront dans quelques heures l'atout maître de la victoire anglo-saxonne. Les chevaux sont réunis dans l'enclos formé par les chariots. Le lendemain, le 26 août, à Abbeville, Philippe VI se met en selle pour aller sus aux anglais alors qu'Edouard III ménage son armée et attend ses adversaires patiemment. L'armée française quitte la ville dans un désordre indescriptible. Du côté français, selon Froissart, on trouve 30 000 h d'armes dont 15 000 Gênois; de l'autre côté, le prince noir, Edouard III, les comtes d'Arundel et de Northampton, selon Froissart 1200 h d'armes 1500 à 1600 armures, 4000 archers. Le gros de la troupe française talonne maintenant l'avant-garde, qui croit qu'on veut la doubler, et voila que dans la bousculade la plus totale, sans avoir décidé aucune tactique, l'armée retrouve face à l'armée anglaise. Une pluie d'orage vient subitement assombrir le ciel et transformer le terrain de manœuvre en un véritable bourbier. L'arbalète est difficile à charger, le mécanisme s'enraye facilement. Les archers anglais font pleuvoir une volée de flèches sur les arbalétriers génois, sans armure ni bouclier, qui ne peuvent même pas utiliser leurs armes, rendues inutilisables par la pluie. Ces derniers n'ont plus qu'une chose à faire : s'enfuir. Ce qui n'est pas du goût de Philippe VI, qui ordonne de tailler en pièce ces traîtres qui gêne leur avance : " Tuez toute cette ribaudaille, car ilz nous empeschent la voie! ". Le soleil revenu assez bas sur l'horizon interdit désormais de distinguer l'armée adverse. Il est temps de passer aux choses sérieuses. 19h00 : ces messires les chevaliers décident de passer à l'action. Les chevaliers chargent, mais bien peu arrivent à franchir les barrières d'archers pour engager le fer avec la cavalerie anglaise. Les français sont épuisés, mais l'honneur exige de se laisser massacrer plutôt que de renoncer ; Jean l'aveugle prend même part au combat, prouesse inutile. Son fils Charles de Luxembourg a, lui, déjà pris le chemin de la retraite. Les anglais quand à eux ont reçu des ordres : Ne pas faire de prisonniers ... une vraie boucherie !! Philippe VI l'a bien compris, et c'est escorté de Hainaut, Montmorency et Beaujeu qu'il abandonne le combat ... Dans la nuit noire, le roi de France, flanqué de 50 hommes tout au plus, galope vers Amiens ... La bataille de Crécy est un désastre ... La victoire des Anglais à Crécy fut une victoire de l'obéissance sur l'indiscipline, de l'organisation sur l'imprévoyance, de l'arc anglais sur l'arbalète génoise. En l'absence du connétable de France, Philippe VI accumula les fautes, dont la première fut d'engager l'action sans avoir laissé reposer hommes ni chevaux. Deux jours après un succès aussi éclatant qu'imprévu, Édouard III reprenait sa fuite vers le nord, ses pillages et incendies. Il lui fallait un port pour se rembarquer. Renonçant à Boulogne, l'Anglais fit porter son effort sur Calais, qui semblait plus vulnérable, mais qui, tenace, et sérieusement ravitaillé par la marine normande, résista un an. Par terre, Philippe VI intervint trop tardivement et mollement. Se heurtant aux tranchées que, tel César devant Alésia, Édouard avait creusées devant son campement de siège (Villeneuve la Hardie), il se retira. Le 4 août 1347, la ville tombait, et les six bourgeois pris comme boucs émissaires ne durent leur salut qu'aux prières de la reine Philippa. Mais des Anglais remplaceraient dorénavant les habitants chassés de leur ville. Une trêve fut conclue avec Philippe, laquelle devait se prolonger jusqu'à la fin du règne.

La bataille de Crécy constitue pour l'histoire un événement considérable dans la mesure où pour la première fois la chevalerie sera battue par l'infanterie. La stratégie militaire évoluera d'autant plus vite que l'on verra apparaître, sur les champs de batailles, les canons (www.nordmag.fr - Bataille de Crécy ).

25 octobre

Une légende anglaise raconte que les deux frères jumeaux Crépin et Crépinien (ou Crispin et Crispinien) avaient une boutique de cordonniers à Faversham et étaient du Kent. Une plaque sur un mur du "Swan" annonce que leur échoppe était près de là (du côté de chez Swan). En France la légende veut qu'ils suivissent saint Quentin de Rome en France et fussent martyrisés à Soissons. Ils étaient les patrons des cordonniers mais aussi des tanneurs dans certaines régions.

L'abbaye clunisienne de Faversham fut fondée par le roi Etienne - le bien nommé du nom du diacre protomartyr Etienne - de Blois qui y fut enterré avec sa femme Mathilde. La ville fut le théâtre de l'assassinat de Thomas Arden en 1551 par sa femme, qui est l'objet du drame Arden of Faversham attribué à Shakespeare ou Marlowe. Etienne de Blois est mort le 25 octobre 1154, jour de la Saint Crépin et jour du calendrier d'ordre 6.

Shakespeare dans son "Henri V" parle de ces deux saints honorés le jour de la bataille d'Azincourt (25 octobre 1415) :

(…) And Crispin Crispian shall ne'er go by,

From this day to the ending of the world,

But we in it shall be remember'd;

(…) Et la Crépin Crépinien ne reviendra jamais

A compter de ce jour jusqu'à la fin du monde

Sans que de nous on se souvienne

Shakespeare était lui-même fils d'un boucher tanneur...

25 décembre

Le titre anglais de la comédie, Twelfth night, signifie littéralement " la douzième nuit ", ou le " douzième soir ", c'est-à-dire, dans le calendrier d'alors, fixé ainsi depuis le IVème siècle, la douzième des " nuits de Noël " dont la première est, bien sûr, le 25 décembre. Cette date correspond dans le calendrier au 6 janvier, fête de l'Épiphanie, qui commémore la vision des rois mages conduits dans la nuit par une étoile vers l'enfant nouveau-né, Jésus ; d'où l'allusion dans le titre habituel en français à " la nuit des rois ". Ces douze nuits de la tradition chrétienne s'accompagnaient dans toute l'Europe d'alors de manifestations de joie collective, de " masques et mascarades " comme Sir Andrew les aime, et de représentations théâtrales, héritage sans doute des traditions festives des " Douze Nuits " propres aux calendriers celte et germanique et de la tradition romaine antique des Saturnales ou Calendes de Janvier. Nombre de pièces de théâtre aux titres et aux sujets les plus divers furent créées pour ces fêtes de Noël et la comédie La Nuit des rois a été jouée à la cour d'Élisabeth Ière un soir de " douzième nuit ", le 6 janvier 1601, date sans doute de sa première représentation (www.theatre-lacriee.com - La nuit des rois).