Partie V - Arts et Lettres   Chapitre XLI - Section peinture   Salvador Dali   

Faisons une place au Surréalisme avec Salvador Dali, né à Figueras en Catalogne en 1904 - remplaçant un frère mort un an auparavant, portant le même prénom -, le peintre surréaliste par excellence qui récusa toute forme de morale dans son art et ouvrit toutes grandes les vannes de son inconscient. Dali, après avoir expérimenté cubisme et pointillisme, s’adonne au classicisme en même temps qu’il s’intéresse à Freud. En 1928 avec Le chien andalou et en 1930 avec L’Âge d’or, Dali et Buñuel, qu’il connut au début des années 20, définissent les fondements du cinéma surréaliste. Grâce au chien andalou, Dali intègre le mouvement fondé par Breton. Sa rencontre avec Gala, fille d’un avocat russe, stimulera son imagination créatrice. Leur histoire d’amour, qui fera chasser Dali de chez son père, évoluera vers une relation d’affaire dans laquelle Gala se chargera des négociations avec les galeries et les collectionneurs. Dans les années 30 où il s’installe à Paris, Dali conçut sa méthode paranoïaque-critique fondée sur sa propre paranoïa et exposée dans La conquête de l’irrationnel. C’est une méthode spontanée de connaissance irrationnelle fondée sur l’association interprétative-critique des phénomènes délirants. En sont issus les objets surréalistes nés de la cohabitation insolite d’objets divers (Téléphone blanc aphrodisiaque, 1936), les objets invisibles, représentations à multiples significations (Métamorphose de Narcisse, 1937) inspirés d’Arcimboldo, l’interprétation de l’Angélus de Millet qui prévoit la découverte par radiographie d’un cercueil d’enfant entre les deux orants, et la Mystique nucléaire qui succède à sa période surréaliste. Sa méthode trouva un écho chez Lacan que Dali rencontra et qui lui permit de voir dans la maladie mentale une dimension créatrice. Révolutionnaire dans ses méthodes, Dali reprend les techniques classiques de perspectives et du clair obscur. Sa fascination pour Hitler, en réaction au communisme affiché de breton, qui décroîtra après sa rencontre avec Freud, inspirateur du mouvement surréaliste, et son tableau L’Enigme de Guillaume Tell (1933) qui, selon son « père spirituel » André Breton, ridiculise Lénine, lui vaudront son exclusion du mouvement surréaliste. La rupture complète entre Breton et celui qu’il  surnomma Avida Dollars,  date des années 1940. Dali passera les années de guerre aux Etats-Unis. La Mystique nucléaire tente d’opérer la synthèse du classicisme, de la spiritualité et de la physique nucléaire (La Madone de Port Lligat, 1950 – Le Christ de saint Jean de La Croix, 1951). Dali se veut le réanimateur du mysticisme espagnol, renouant avec le catholicisme et approuvant Franco. On le trouvera à Rome en 1954, au Palais Pallavicini, arborant un cube métaphysique orné d’inscriptions de Raymond Lulle et faisant un discours en latin. Son œuvre, influencée par Gala, évolue, selon Federico Zeri, vers une exploitation répétitive de ses inventions passées. Les tableaux stéréoscopiques, inspirés des jeux de miroirs de Vélasquez, des années 60 à 80 visent à donner l’impression du relief et à montrer les trois dimensions des éléments de la composition, et le conduisent à l’holographie. Deux ans après la mort de Gala, en 1984, il est gravement brûlé dans son château de Pubol dont il a été fait marquis par le roi Juan Carlos et dans lequel il vit cloîtré complètement dépendant. Il meurt en 1989 et est enterré dans la crypte du théâtre-musée de Figueras[1].


[1] Alyse Gaultier, « L’ABCdaire de Dali », Flammarion