Partie IX - Synthèse   Chapitre LVIII - Autour de Rennes   Par ce signe tu le vaincras : Daath, la connaissance cachée   

Daath - Langres - La Force/Le Fou - 2 mai/1er novembre

Langres

Langres (Andematunum, Andematunnum Lingonum, Civitas Lingonum, Lingones) est assise sur la pointe d'un rocher qui s'avance dans la plaine comme un long promontoire. C'est une des villes de la France les plus élevées au-dessus du niveau de la mer ; aussi, on a supposé que l'emplacement qu'elle occupe avait été habité dès les premiers âges du monde. Le bon abbé de Mangin dit fort gravement : « On est porté à croire qu'elle a pu être bâtie peu de temps « après le déluge et après que l'entreprise téméraire de la tour de Babylone eut « échoué. » Mais laissons pour ce qu'elles valent ces conjectures, ainsi que celles qui font remonter la fondation de Langres à Longo, sixième roi des Celtes, dix-huit siècles environ avant Jésus-Christ. D'après les premiers témoignages historiques, les Lingones, peuplade gauloise qu'il faut bien se garder de confondre à cette époque avec la ville de Langres, apparaissent avec les Senones sous le règne de Tarquin-l'Ancien. Selon Tite-Live, les Lingons ayant envahi l'Italie, chassèrent les Étruriens, et établirent plusieurs villes dans les pays conquis. Plus tard, leurs colonies pénétrèrent jusque dans la Pannonie, et concoururent, avec les soldats de Brennus, à la prise de Rome. A la suite de la bataille du lac de Vadimon, les Sénonais et les Lingons furent chassés de leurs possessions italiques ; une partie de ces derniers rentra dans le pays des Boiens, avec lesquels elle se confondit.

Les Lingons, à l'époque où César franchit les Alpes, occupaient cette portion de la Gaule belgique qu'entouraient les territoires des Sénonais, des Séquaniens, des Leuques, des Médiomatriciens, des Rémois, et qui s'étendait, au midi, jusqu'à Alise. Ils reçurent l'armée des Helvétiens, après sa défaite, sans toutefois donner aucun secours aux vaincus, et bientôt même ils firent alliance avec les Romains. Plus tard, les Lingons et les Rémois, persistant dans leur fidélité à la république, refusèrent de répondre à l'appel de Vercingétorix. Sous Auguste, le pays de Langres fut compris dans la Gaule celtique, et les habitants élevèrent un temple à l'empereur. Ils refusèrent de prendre part à la révolte de Vindex, et se montrèrent également contraires à Galba ; celui-ci, parvenu à l'empire, se vengea d'eux en les accablant d'impôts et en les privant d'une partie de leur territoire. De leur côté, les Lingons excitèrent contre le nouvel empereur les légions germaines qui passaient leurs quartiers d'hiver dans la Gaule. Après la mort de Galba, Othon, pour les attacher à sa cause, leur accorda le titre et les privilèges de citoyens romains. Ils accueillirent d'abord avec enthousiasme la tentative de Civilis pour rendre la Gaule à la liberté : Julius Sabinus, né à Langres et puissant parmi ses concitoyens, les excita à la révolte, se fit proclamer César, et, après avoir renversé les statues des empereurs, les tables d'airain et les monuments de l'alliance des Romains avec les Lingons, il marcha brusquement contre les Séquanais, restés fidèles à la fortune de Rome. Vaincu dès les premières rencontres et épouvanté par l'approche des légions, Sabinus s'enfuit, gagna une ferme qu'il possédait près de Langres, y mit le feu pour faire croire à sa mort, et se cacha dans un souterrain où il vécut neuf ans, grâce au dévouement de sa femme Eponine. Tout le monde connaît les détails de cette captivité pleine d'angoisses ; tout le monde sait que Sabinus fut à la fin découvert et conduit à Vespasien, qui le fit exécuter sans pitié, malgré les prières d'Eponine. La déroute et la disparition de Sabinus ne découragèrent point les Lingons : avec les Bataves et les Sénonais, ils continuèrent la lutte; mais Cérialis n'eut pas de peine à les soumettre, et, pour obtenir leur pardon, ils fournirent un subside de soixante-dix mille hommes armés à Domitien, second fils de l'empereur. Ce contingent peut donner une idée de la puissance que les Lingons avaient conservée après le morcellement de leur territoire et les désastres que la guerre leur avait fait éprouver. Aussi, forcés d'obéir au peuple romain, dont ils avaient jadis accepté l'alliance, ils conservèrent dans leurs relations avec Rome une fierté à laquelle la maîtresse du monde n'était point habituée. Valentinien voulut les assujettir à payer tribut comme les autres peuples de la Gaule : « Que l'empereur sache bien, répondirent-ils, que les Lingons aiment avant tout leur liberté; s'il veut les contraindre à faire quelque chose qui y soit contraire, il verra bientôt combien ils sont prompts à prendre les armes. »

Cette confiance dans leur courage ne put soustraire les Lingons au joug des barbares du Nord. Andematunum changea son nom pour celui du peuple dont elle était le chef-lieu. Elle avait des temples, un théâtre, un capitole; de grandes voies la rattachaient aux autres cités de la Gaule; tout fut détruit. Il reste seulement aujourd'hui des débris informes, et un édifice, bâti en 240, en l'honneur des deux Gordiens. Ravagée par les Vandales, sous la conduite de Chrocus (260), prise et pillée par Attila, Langres perdit en grande partie l'importance et la splendeur dont elle s'était montrée si fière.

D'après les traditions locales, saint Bénigne, vers l'an 165, avait apporté le christianisme dans cette ville. Il convertit les trois jumeaux, Speusippe, Méleusippe et Éleusippe, qui furent à Langres les premiers martyrs de la foi. On les honore encore d'une façon toute particulière; mais pour les érudits il y a doute s'ils ont vécu et s'ils sont morts dans la Cappadoce ou dans la capitale des Lingons. Saint Sénateur, qui vivait au nie siècle, paraît avoir occupé le premier le siège épiscopal de Langres. Après lui vinrent saint Juste et saint Didier, Ce dernier fut immolé par les barbares, et probablement par les Vandales de Chrocus. Le chef avait menacé de passer les habitants de la ville au fil de l'épée; Didier court implorer sa clémence, et s'offre en victime pour ses concitoyens; mais ses prières ne sont point écoutées, et l'ordre de le décapiter est donné aux soldats. Le saint évêque fut inhumé dans l'église de la Madeleine, que lui-même avait fait bâtir.

Lors de la grande invasion des barbares, Langres passa sous la domination des Bourguignons. Bientôt Chlodwig chercha à s'emparer des possessions de ces peuples; ses desseins furent favorisés par l'évêque de Langres, Apruncule; mais le roi Gondebaud chassa ce prélat de sa ville épiscopale. En 500, la réunion s'accomplit, et, pendant plusieurs siècles, Langres eut à souffrir de tous les partages et de toutes les agitations de la grande monarchie des Franks. En 830, l'évêque Albéric reçut à Langres l'empereur Louis-le-Débonnaire et son fils Lothaire; en présence de ces princes fut tenu un concile provincial auquel assistèrent Agobard, archevêque de Lyon, et plusieurs évêques et abbés; on y confirma les donations faites à l'abbaye de Bèze. Déjà Louis avait placé l'église de Langres sous sa protection spéciale, ainsi que les terres et les possessions du chapitre. C’est à Langres que Louis réunit ses armées pour mater la révolte de son fils Lothaire en août 834.

Deux autres conciles eurent lieu, l'un à Langres, l'autre à l'abbaye des Saints Jumeaux, près de cette ville (859), sous le règne de Charles-le-Chauve, auquel l'ancienne cité des Lingons était tombée en partage.

Les évêques de Langres vont rapidement développer leur pouvoir temporel, augmenter leur influence politique et s'adjoindre les services d'un chapitre de chanoines, officialisé en 834, constitué de quarante-huit membres.

Le siège épiscopal de Langres avait alors et conserva longtemps une grande importance. Le pape Jean VIII vint visiter en 877 l'évêque Isaac, renommé pour sa piété, et se rendit ensuite à Poutières et à Troyes; ce fut l'évêque Geilon qui couronna et sacra empereur Gui de Spolète, après la déposition de Charles-le-Gros (887). Le comté de Langres avait été donné par Lothaire à l'évêque Achard. Il passa depuis dans lu maison de Saulx, sans que l'évêque et le chapitre eussent perdu leur juridiction dans la ville. Au XIIème siècle, Gui de Saulx et le comte de liar vendirent ce domaine au duc de Bourgogne, Hugues II; il fut de nouveau réuni à l'église de Langres par l'évêque Gauthier, oncle du duc Hugues III. Comme ses prédécesseurs, ce prélat jouissait de grands avantages dans sa cité épiscopale. Charles-Ie-Gros avait accordé à Geilon, en 886, les murailles de la ville pour l'indemniser des frais de réparation; il lui avait, en outre, confirmé le droit de battre monnaie, tant à Langres que dans le château de Dijon. Plus tard, les évêques de Langres furent ducs et pairs de France, et c'est en cette qualité qu'ils parurent, au XIIème siècle, dans les cérémonies du sacre; aussi avaient-ils le pas sur l'archevêque de Lyon, leur métropolitain.

Les premiers signes d'émancipation de la ville de Langres se trouvent dans une charte donnée par l'évêque Godefroy en 1153 ou 1154 et renouvelée par Gauthier en 1168, dans laquelle le prélat affranchit les habitants de toutes tailles et autres levées arbitraires. En 1166, le chapitre accorda à ses hommes la même liberté; en 1232, sur les plaintes qu'avaient fait naître les prévôts, baillis et collecteurs d'impôts, l'évêque Robert déclara qu'à l'avenir aucune contribution ne serait levée que de son consentement formel, pour des cas déterminés et par des prud'hommes jurés que les habitants éliraient. On voit*, par d'autres actes, que les bourgeois gardaient les clefs des portes et veillaient à la sûreté de la ville; mais il ne parait pas que Langres ait eu, dans les temps anciens, une administration municipale. En janvier 1445, Charles VII permit aux Langrois d'élire quatre d'entre eux pour gouverner la ville.

Pendant les luttes intérieures qui ensanglantèrent le règne de Charles VI, Langres embrassa le parti du duc de Bourgogne, Jean-sans-Peur. En 1433, elle retomba entre les mains du roi de France; les habitants, en se soumettant il Charles VII, stipulèrent la conservation de leurs privilèges, et, après la publication du traité d'Arras, ils mirent fin solennellement à leurs anciennes inimitiés. Rassemblés devant le bailli, ils déclarèrent se pardonner les uns aux autres toutes injures, villenies, maltraitances et rancunes; puis ils allèrent à l'église et jurèrent sur les reliques sacrées de demeurer désormais en paix et union. Le même serment fut prêté par l'évêque et par le clergé.

Au XVIème siècle, les Langrois, quoique zélés catholiques et placés au milieu d'un pays tout dévoué à la Ligue, restèrent fidèles, dans ces mauvais jours, à la cause de la royauté; ni les sollicitations, ni les promesses que leur fit le duc de Guise, ni les maux que leur valut leur résistance au parti dominant, ne purent les décider à entrer dans l'Union.

En apprenant la mort de Henri III, les habitants de Langres s'assemblèrent et s'engagèrent par serment à persévérer dans la religion catholique et romaine et à reconnaître Henri de Bourbon pour souverain. Les ligueurs voyant que la ville leur était formellement contraire, tentèrent de s'en emparer au moyen d'une surprise : dans la nuit du 20 août 1591, trois à quatre mille hommes, envoyés par le duc de Lorraine, se glissèrent jusqu'à la première bascule d'une des portes. Quelques-uns d'entre eux devaient placer un pétard sous la porte même, et la troupe devait s'introduire dans la place à la faveur du tumulte causé par l'explosion. On se croyait si sûr du succès que des habitants de Chaumont avaient amené des chariots pour enlever le butin. Mais les veilleurs, — un boulanger, suivant la tradition, — reconnurent l'approche de l'ennemi, et quelques coups d'arquebuse mirent en fuite les soldats du duc de Lorraine. Tous les ans une procession solennelle rappelait le souvenir de la délivrance de la ville, que l'on attribuait à l'intercession de saint Bernard.

En 1614, les troupes suédoises ayant pénétré en France à titre d'alliées, sous la conduite du duc de Saxe-Weimar, se portèrent dans le Bassigny et y commirent d'horribles ravages; d'un autre côté, les Impériaux, qu'elles devaient combattre, incendièrent tous les villages des environs de Langres. Tels sont à peu près les seuls souvenirs que le XVIIème siècle, si fécond en événements militaires, ait laissés dans cette partie de la Champagne. Il parait cependant que de 1670 à 1672 on ajouta quelques ouvrages de défense aux anciennes fortifications de Langres. Les fouilles firent découvrir, d'après Hesseln, « trente-six pièces consistant en statues, pyramides, piédestaux, vases, tombeaux, urnes et autres antiquités romaines; on trouva en outre quantité de médailles antiques d'or, d'argent et de bronze. » Toutes ces richesses archéologiques furent envoyées au ministre Colbert.

Il faut traverser deux siècles et arriver à notre époque pour trouver un fait de quelque importance dans l'histoire locale. En 1814, le maréchal Mortier occupait Langres avec dix mille hommes, lorsque l'armée autrichienne, conduite par Schwartzemberg, se dirigea vers cette ville. Les Français se retirèrent sur Bar-sur-Aube, et la défense de Langres fut abandonnée au courage des habitants et de cinquante soldats. Un garde national, sachant que l'on était bien décidé à se défendre, reçut à coups de fusil les parlementaires autrichiens qui étaient venus sommer la place d'ouvrir ses portes aux alliés; mais du haut des murailles des traîtres avertirent l'ennemi qu'elle avait été évacuée; alors les Autrichiens se présentèrent au nombre de 30,000, et il fallut capituler. Les cinquante soldats de Mortier n'eurent que le temps de se cacher dans les maisons prochaines; l'un d'eux se fit massacrer à son poste. Bientôt les souverains alliés arrivèrent à Langres, où leurs ministres traitèrent une partie des questions politiques qui furent résolues par le traité de Chaumont.

Langres, capitale de la petite province de Bassigny, était le siège d'un bailliage et d'un présidial; la révolution en fit d'abord le siège d'un district et plus tard une sous- préfecture. Les habitants, malgré de récents échecs, appellent encore leur cité : Langres la Pucelle. On y voit quelques antiquités romaines, particulièrement l'édifice élevé en l'honneur des deux Gordiens dont nous avons parlé plus haut, et quelques monuments du moyen âge; le plus remarquable est la cathédrale, dédiée à saint Mammès, et construite, dit-on, sur les ruines d'un temple païen. On y a longtemps vénéré les reliques des trois rois mages, Bidrac, Misac et Abdénago.

Parmi les hommes célèbres de Langres nous citerons : Pierre du Châtel, grand aumônier de France, mort en 1552; Edme Mongin, de l'Académie Française, connu principalement par ses sermons, né en 1658; Barbier d'Aumont auteur des Sentiments de Cléanthie sur les entretiens d'Ariste et d'Eugène ; Dessessarts, comédien célèbre, qui fit ses débuts à la Comédie française en 1772; les peintres Richard Tassel et Nicolas Robert, morts, l'un en 1668, l'autre en 1684; et Denis Diderot, fils d'un coutelier de Langres, né en 1713. (Aristide Matthieu Guilbert, Histoire des villes de France avec une introduction générale pour chaque province, 1844, David Covelli, Langres, la Cathédrale Saint-Mammès, 2001).

Le lait de la connaissance

Les légendaires du pays racontent que l'un des trois frères jumeaux martyrisés à Langres, et qu'ils disent cousins de saint Symphorien, vit en songe son aïeule qui lui présentait ses mamelles, afin qu'il pût en tirer le lait nourricier de la vérité. Il s'appelait Spéosippe, c'est-à-dire le cheval du lieu sombre, du spéos, de la caverne. Il était fils de Léonilla. Tout ceci veut dire qu'il aperçut la vérité cachée et profanée par les païens, sous le mythe de Diane et d'Isa; car ces deux divinités, représentées avec des mamelles, ne sont que l'hiéroglyphe de l'un des plus grands noms divins, du nom SchaMai, de celui qui indique l'inépuisable puissance de Dieu, et dont l'une des racines est précisément le mot schad, mamelle, dont la mesure est le nombre 304. Nous connaissons au moins six églises du diocèse d'Autun dans lesquelles la fausse doctrine, dont le mythe d'Isis fut le prétexte, est représentée sous la forme d'une femme dont les mamelles nourrissent deux hideux serpents: le moine Albéric dit que cette figure représente la mauvaise mère. C'est à cette mauvaise mère que Spéosippe opposa la bonne mère qui donne à ses enfants, comparés à des chevaux, le lait de la vérité qui soutient le courage. Il faut se souvenir que Dan l'apostat est comparé dans la prophétie de Jacob à un serpent qui attaque le pied du cheval. Voilà pourquoi, à la cathédrale, le mauvais Juge qui tyrannise les pauvres et persécute les âmes, est représenté sur un cheval qui écrase un corps nu. Vis-à-vis, le démon présente des pierres à Jésus-Christ, en demandant qu'elles soient changées en pain. Jésus-Christ répond de manière à faire comprendre que les consolations de la foi sont un des besoins de l'humanité souffrante, devant lequel tous les efforts de l'Antéchrist seront sans effet. Le fond ne doit jamais être sacrifié à la rigueur de la forme.

La fête de ces saints se célèbre le 17 janvier, ainsi que celle de l'illustre ermite saint Antoine, que l'on représente toujours avec un TAV [qui est bien la lettre associée à YHWH du tarot kabbalistique]. Il existait à Autun, près de l'abbaye de Saint-Symphorien, une chapelle dite des Tergemini et aussi St.-Antoine-de- Givre, avec une confrérie. On a trouvé dans les ruines une multitude de fers de baton, et un marbre avec les lettres suivantes: ILIOMARVS. Saint Antoine est le chef des chrétiens qui ont couru au désert pour étudier la vérité dans le silence de la méditation et rapporter au monde les traditions de la foi et du courage. Voilà pourquoi son culte a été placé, à Autun, là où les Insubres Eduens étaient éprouvés avant d'être admis au rang de comites. La règle de saint Antoine fut unie à celle de saint Basile, créateur des hospitaliers (Edme Thomas, Histoire de l'antique cité d'Autun, 1846).

Les Grecs et les Latins disent tous que S. Speusippe, S. Eleusippe, & S. Melasippe ou Meleosippe, estoient trois frères jumeaux: [& on les connoist plus par le titre des Trois-Jumeaux, que par leurs noms propres.] Leur mere estoit Chrétienne, mais ils la perdirent à l'âge de trois ans. Leur père qui estoit payen, les éleva dans l'idolâtrie, & tout leur soin estoit de bien entretenir & de bien manier des chevaux, en quoy ils s'estoient rendus fort habiles. C'est-ce qu'en disent les Grecs, qui pourraient bien avoir fondé cette particularité lut leurs noms. Car Speusippe & Elasippe, signifient presser & pousser des chevaux, Meleosippe en avoir soin (Louis Sébastien Le Nain de Tillemont, Memoires pour servir a l'histoire ecclesiastique des six premiers siecles, tome troisieme, 1701).

Cette mystique de saint Bernard est chrétienne avant tout en ce qu'elle considère l'union mystique comme le résultat d'un retour à Dieu, conditionné par l'histoire de l'homme, telle qu'elle est racontée par la révélation chrétienne, mais aussi parce que la déification est non pas une sorte d'anéantissement de l'individu dans l'être infini, mais une communauté de volonté, qui est amour, et qui conduit à agir, « à laisser le vin de la contemplation pour nourrir ses enfants du lait de la connaissance qui remplit sa poitrine ». Comment l'amour de Dieu pour les hommes rend possible et effectif, malgré le péché et grâce à la médiation du Christ, l'amour des hommes pour Dieu et par conséquent leur salut, voilà la somme de l'enseignement de saint Bernard (Émile Bréhier, La philosophie du Moyen Âge, Volume 28 de L'Évolution de l'humanité, 1971).

Saint Bernard étudiant à Châtillon, en la maison d'un chanoine de ladite église Saint-Vorles, qui était homme de bien et docte, s'adonna si religieusement à servir la bienheureuse Vierge, que la plupart du temps il ne bougeait de sa chapelle. Un jour qu'il était à genoux devant elle, il entendit une voix provenant de l'image, et qui lui disait : Bernard, reçois mon Fils. Notre-Seigneur lui révéla alors les mystères de notre foi, et sur ses lèvres tombèrent trois gouttes du lait virginal. Il devient le frère adoptif du Christ, frère de lait. De là vint cette force avec laquelle il combattit les hérétiques, et cette douce éloquence qu'il mit dans ses sermons sur la très-sainte Vierge, sa Mère et sa Maîtresse ; de là ce chant sublime du Salve Regina qu'il composa en son honneur, et que l'Église répète tous les jours. Quand il fut abbé de Clairvaux, il revint souvent à Châtillon (alexandrina.balasar.free.fr - Vorle de Mercenay).

L’Apocalypse

Fils de Drouhot Duvay, grand orfèvre dijonnais, Jean Duvet exerce comme tel à Langres dès 1520 tout en menant une œuvre de graveur précurseur et symboliste qui lui confère la notoriété et le surnom de « Maître à la Licorne », animal fabuleux marquant une série de ses planches vouée au roi de France Henri II. Rattaché par les historiens à l’école artistique de Fontainebleau, Jean Duvet, qui tenait campagne à Saint-Sulpice d’Odival et ses vignes à Montsaugeon, paraît avoir surtout rayonné en province (à Dijon, Beaune, Langres, Avallon notamment), comme par l’intensité singulière et tragique de ses riches compositions, qui en font l’un des tout premiers burinistes du siècle et un troublant visionnaire.

Sa rarissime « Apocalypse » parue à Lyon en 1561 apparaît aujourd’hui comme un testament spirituel et politique lié aux imminentes Guerres de Religion, où se perdirent ses propres enfants, l’orfèvre protestant ou le cadet Grand-Maître des Mines d’Or du Royaume. Dans la grande tradition d'une imagerie biblique populaire, et retraitant à sa manière singulière l'oeuvre d'un Dürer, l'orfèvre royal et graveur Jean Duvet combine puissamment en 24 planches au burin sur cuivre les influences nordiques et italiennes de la première Renaissance, dans une « Apocalypse » de légende (1546-1555) illustrant le texte de Saint Jean, et parue à Lyon en 1561. Opération sans doute posthume pour celui qui fut sous François Ier et surtout Henri II, un artiste hors pair attaché à son école bourguignonne, plus qu'à celle dite de Fontainebleau.

Son emploi au service de la Couronne apparaît du reste limpide à travers les allégories du nouveau règne en 1548, dans des commandes qu'atteste assez le Privilège officiel de juin 1556 pour son "Apocalypse", ce thème missionnaire par excellence, voire messianique, consacré déjà dans les verrières de la Sainte- Chapelle au Château de Vincennes (1552). C'est une oeuvre orientée.

Et l'engagement de ses proches dans la même voie, comme dans les grandes charges, avec Mammès Duvet son fils cadet en Grand-maître des Mines d'or du Royaume (c.1568-1583), laisse assez entendre que la parution tardive de ce chef- d’œuvre, et son message – ou testament, procède du calendrier politique de l'époque, des premiers cercles des Valois-Médicis, et du moment choisi que fut à l'automne 1561 avant la première Guerre civile, la tentative tolérante du fameux colloque de Poissy entre les églises catholique et réformée (Geoffrey Duvoy, 1561-2011 : "L'APOCALYPSE figurée" de Jean Duvet, www.tourisme-langres.com - Jean Duvet, fr.wikipedia.org - Jean Duvet).

Le »saint » ébroïnien

Bèze est la quatrième abbaye mérovingienne créée dans le diocèse de Langres. Dès sa création, elle est dotée de biens considérables. Elle possède et a sous son autorité les villages de Viévigne, Beire, Treige, Spoy, Oisilly, Blagny, Crimolois. Elle a 12 pièces de vignes à Marsannay la Côte et d’autres vignes à Couchey et Beaune. Elle possède également des terres à Dijon, Longvic, Chenôve, Prenois, Daix et un grand vignoble à Gevrey avec serfs et serviteurs. En 655, l’abbaye possède une école monastique.

Malgré ses richesses, la vie dans le monastère de Bèze est précaire et laborieuse. Les moines doivent assainir les sols marécageux et endiguer la rivière pour se préserver des inondations. Mais les moines ne sont pas au bout de leurs peines car entre 660 et 937 l’abbaye est détruite 7 fois. Entre 655 et 660, le duc Amalgaire meurt. Les terres de l’abbaye sont dévastées, des nobles francs contestant la propriété de terres que l’abbaye possède. L’abbaye est mise à sac. Afin de la protéger, Waldalène obtient l’appui du roi Clotaire III qui signe en 664 une ordonnance de restitution des terres spoliées, sous l’épiscopat de Wulfrand qui paraît avoir été abbé de Saint-Bénigne de Dijon, et avoir conservé cette place avec l'évêché de Langres, ou sous celui de son prédécesseur. Grâce à l’action énergique du duc de Langres, Silchelme, l’abbaye retrouve ses biens dès 666. Wulfrand donne à l’abbaye de Bèze, pour avoué ou protecteur, un puissant seigneur nommé Gengoul, aïeul du saint martyr de ce nom. Le successeur de Wulfrand, Godin d’Aubigny, fils d'un comte d'Aubigny près de Port-sur-Saône, dans le Dijonnais, paraît avoir gouverné l'Eglise 675 et 680. Il a la douleur de voir les monastères ruinés ou détruits, son diocèse ravagé et réduit à une extrême désolation, vers l'an 677, par les armées de Thierry, roi de Neustrie (ou plutôt par son maire Ebroïn), et par celles de Dagobert, roi d'Austrasie.

En 676, l’abbaye de Bèze est dévastée une seconde fois par une armée austrasienne appelée par le duc des Attuariens, Aldaric, pour l’aider dans des querelles avec Ebroïm, le maire du palais des royaumes francs de Neustrie et Bourgogne. Cette armée de soudards - commandée par le roi Dagobert II - est vaincue et le duc Aldaric qui l’avait fait venir est dépouillé de ses biens. Ceux-ci furent donnés à l’abbaye (fr.wikipedia.org - Abbaye de Bèze).

Le Fou

La plupart des villes du duché de Bourgogne eurent, à l'époque qui nous occupe, c'est-à-dire au quatorzième et au quinzième siècle des Sociétés des Fous analogues à celle de Clèves.

Les Langrois s'étaient déjà rendus célèbres par leur Fête des fous, et en faisant jouer dans leur ville le mystère dans lequel Guillaume Flaming, représentant à personnages la vie de l'évêque Didier, met en scène, avec les trois personnes de la Trinité, tous les diables de l'enfer et un fou qui égaie les spectateurs par ses grossiers jeux de mots; mais la célébrité des Diables de Chaumont égala bientôt celle des Fous de Langres (Claude Émile Jolibois, Histoire de la ville de Chaumont, 1856).

A Langres le clergé resta dès le XVème siècle étranger à ces folies, qui n'eurent plus alors que la rue pour théâtre et devinrent les mascarades de la Mère folle. La dernière promenade des fous se lit à Langres, dans les dernières années du XVIe siècle; mais au siècle suivant, il existait encore dans le diocèse, à Dijon, une confrérie de fous, autorisée par le roi et approuvée par l'évoque Jean d'Amboise. L'histoire de l'abbaye de Réomé nous apprend qu'on célébrait encore dans le diocèse de Langres au XIIIe siècle « des fêtes plus singulières et plus bizarres, qui n'étaient d'obligation que pour les femmes et chômées seulement par elles. » (Émile Jolibois, La Haute-Marne ancienne et moderne, 1858).

« Langres sur un rocher, Moitié fou, moitié enragé » dit un vieux proverbe. A Dijon, les Langrois sont appelés « Les fous de Langres », signe de la rivalité entre les deux villes. Dijon dépendait religieusement de Langres et n’aura son propre diocèse qu’au XVIIIème siècle.

La Force

Guillaume Flamant, Flameng ou Flaming, originaire de Flandre, si nous en croyons M. Weiss, né à Langres, si nous nous en rapportons à la biographie que nous a laissée M. Mathieu, fut d'abord pourvu d'un canonicat de la cathédrale de Langres ; après un certain nombre d'années, il résigna cette dignité pour la modeste cure de Montheries, petit village à quatre lieues Nord-Ouest de Chaumont. Enfin, voulant terminer ses jours dans une retraite plus rigide, il prit l'habit de Saint Bernard, à l'abbaye de Clairvaux, « où il mourut en saint religieux, dit l'abbé Charlet, vers le milieu du XVIème siècle. »

« Des ouvrages dramatiques de Guillaume Flamant, dit M. Weiss, le plus remarquable est le Martyre de S. Didier. Cette pièce fut représentée à Langres en 1482, par une confrérie de pénitents. » On y compte cent seize acteurs. En suivant pas à pas les développements scéniques de ce drame, on voit que les féeries modernes qui visent au fantastique, sont distancées par l'œuvre du dramatiste du XVème siècle. Le ciel, l'enfer, les Langrois, les Romains, les Alains, les Wandales, tout est mis en scène. Le comique représenté par le fou vaut presque ses modernes confrères; souvent, il est vrai, son langage est trivial, ses expressions sont obscènes ; mais souvent aussi il a du trait, de la naïveté et de la malice.

L'arcevesque De Lyon

à genoulx

O vray rédempteur d'Israël!

O vray espoir de Mysaël!

Où Jaël

Print sa force & son asseurance;

Qui enlumynas Danyel,

David, Moyse, Ezéchyel,

Samuël,

Et plusieurs de ton accointance;

Nous avons en toy espérance,

Pourtant requérons ta puissance

(Guillaume Flamant La vie et passion de ... sainct Didier, martir et évesque de Lengres, introduction Jean Baptiste Carnandet, 1855).

Mysaël est le dernier des Macchabées.

Jaël tuant Sisera : toile attribué à Jean Tassel

www.haute-marne.fr/patrimoine - Jaël tuant Sisera

Et Débora dit à Barac : Lève-toi ! car voici le jour où l'Eternel livre Sisera en ta main. L'Eternel ne marche-t-il pas devant toi ? Et Barac descendit du mont Thabor, et dix mille hommes après lui. Et l'Eternel mit en déroute Sisera et tous ses chars et tout le camp, par le tranchant de l'épée, devant Barac; et Sisera descendit de son char et s'enfuil a pied. Et Barac poursuivit les chariots et le camp, jusqu'à Haroschetth-goïm; et tout le camp de Sisera tomba sous le tranchant de l'épée : il n'en resta pas un seul. Et Sisera s'enfuit à pied vers la tente de Jaël, femme de Héber, le Kénile; car il y avait paix entre Jabin, roi de Hatsor, et la maison de Héber, le Kénite. Et Jaël sortit à la rencontre de Sisera, et elle lui dit : Détourne-toi, mon seigneur, détourne-toi chez moi. Ne crains point. Et il se détourna chez elle, dans sa tente, et elle le couvrit d'une couverture. Et il lui dit: Je te prie, fais-moi boire un peu d'eau, car j'ai soif. El elle ouvrit l'outre du lait et le fit boire, et elle le couvrit. Et il lui dit : Tiens-toi à l'entrée de la tente, et s'il arrive que quelqu'un vienne et t'interroge, et te dise : Y a-t-il quelqu'un là ? tu répondras : Personne. Et Jaël, femme de Héber, prit un piquet de la lente, et mit le marteau en sa main ; et elle vint lout doucement vers lui, et elle lui enfonça dans la tempe le piquet, qui descendit dans la terre. Et il était profondément endormi et épuisé, et il mourut. Et voici Barac, qui poursuivait Sisera ; et Jaël sortit à sa rencontre, et elle lui dit : Viens, et je le montrerai l'homme que tu cherches. Et il entra chez elle, et voici, Sisera était étendu mort, le piquet dans sa tempe (Juges, ch. 4-14,22).

Jaël ait été assez vite considérée comme une préfigure de la Vierge puisque, par la Vierge Marie, "son humble servante", la force de Dieu va se manifester suprêmement dans le Christ. Dès avant la Renaissance, elle partagea avec Judith l'honneur de symboliser une des quatre vertus cardinales : la Force.

Depuis le haut Moyen Âge, Judith symbolise un certain nombre de vertus, dont les plus importantes sont l'Humilité, la Force et la Justice. Raban Maur et saint Ambroise louent Judith qui puise sa force dans sa foi en Dieu.

Le Livre de Judith a donné lieu, soit sous le titre de Judith, soit sous celui d'Holopherne, à plusieurs pièces de théâtre, entre autres une Judith de Ledevin (l579), qui ne nous est point parvenue, une d'Antoine Girard Bouvot (1649) : Judith, ou l'amour de la pairie, tragédie en six actes. C'est une des plus plaisantes pièces du dix-septième siècle. Les pointes, les coq-à-l'âne, les naïvetés y abondent. Elle est dédiée à Catherine Pascal, bien aymée du Parnasse (Lyonnais) (Charles Nisard, Histoire des livres populaires ou de la littérature du colportage, 1864).

L’impératrice Judith, femme de l’empereur Louis le débonnaire, qui porte le prénom de la sainte juive, a un petit rapport avec Langres.

Hilduin, qui était abbé de Saint-Médard de Soissons aussi bien que de Saint-Denys, ayant accompagné Lothaire à Rome en 824, s'y était fait estimer d'Eugène II par sa sagesse et sa prudence. A son retour en France, Rodoin, prévôt de Saint-Médard, le pria d'employer son crédit auprès du souverain Pontife pour en obtenir quelque relique. Hilduin en parla à l'empereur. Rodoin alla en Bourgogne pour passer de là en Italie. Etant à Langres, un pauvre qui était malade eut la nuit un songe, dans lequel saint Sébastien lui ordonna de chercher Rodoin, et de lui dire qu'il demandât au Pape ses reliques, et pour l'assurer que ce qu'il lui disait, n'était pas une illusion, il lui rendit la santé. Sur cet avis Rodoin retourna vers l'Empereur, et obtint de lui d'autres lettres où ce Prince priait le Pape de lui donner le corps de ce saint Martyr. II alla ensuite á Rome, et y arriva en 826. Le pape Eugène II y était malade. Il ne pouvait se résoudre à donner le corps d'un martyr aussi célèbre que saint Sébastien. Il finit cependant par accorder cette grâce à l'empereur et à Hilduin. Il se fit apporter les reliques du saint, et y apposa lui-même son sceau. Elles furent placées solennellement dans l'église du monastère de Saint-Médard, où les miracles éclatants que Dieu y opéra attirèrent de toutes les parties de la Gaule un grand concours de pèlerins, qui n'osaient entrer dans l'église sans s'être purifié l'âme par la confession et le corps par le bain. […]. Sur le bruit des miracles de ce martyr, Louis le Pieux et l'impératrice Judith eurent la dévotion d'aller honorer ces reliques à Saint- Médard. Avant d'arriver à Soissons, l'empereur quitta par respect ses habits impériaux, et marcha quelque temps pieds nus aussi bien que l'impératrice, qui se confessa. Le prince fit célébrer la messe en l'honneur de saint Sébastien, et à l'offertoire il donna un beau calice d'or avec la patène. Après la messe, il offrit plusieurs autres présents, entre lesquels était un Livre des Evangiles écrit en lettres d'or. Il accorda à l'abbaye le droit de faire battre monnaie (Louis Bulteau, Abregé De L'Histoire De L'Ordre De S. Benoist, 1684, Mathieu-Richard-Auguste Henrion, Migne, Histoire ecclésiastique depuis la création jusqu'au pontificat de Pie IX, 1862).

Il apparaît que Rataldus est l'évêque de Vérone de ce nom dont l'épiscopat se place approximativement entre 802 et 840. D'origine alamannique, profondément dévoué à Louis, Rataldus lui avait découvert en 817 la conspiration de Bernard d'Italie. En 834, il délivra Judith, détenue en Italie, et la ramena à Aix dans les bras de son mari, de concert avec le marquis de Toscane, Boniface (Ferdinand Lot, Les jugements d'Aix et de Quierzy).

Les Tassel, Trois générations de peintres

Parmi les peintres langrois en vogue au XVIIème siècle à Langres, les Tassel occupent une place de premier plan. Leur atelier a été actif pendant plus d’un siècle (de 1550 à 1670), animé par trois générations d’artistes : Pierre, son fils Richard et son petit-fils Jean. La plupart de leurs commandes provenaient des établissements religieux de la région. Certaines de leurs créations, notamment le Repos de la Sainte-Famille, Le Martyre de Sainte Martine et Mucius Scaevola devant Porcena, sont conservées au Musée d’Art et d’Histoire de Langres.

Le martyr de sainte Martine, réplique de la peinture du musée de Langres, 1663, attribué à Jean Tassel

www.tourisme-langres.com

Daath

En effet, à partir de la fin du XIIIème siècle, une Séphiroth complémentaire, appelée Daath (connaissance), apparaît entre Hokhmah et Binah. « Cette addition vient du désir de voir dans chaque groupe de trois Séphiroths une unité comprenant des attributs opposés et une synthèse qui finalement les réconcilie », nous précise Gershom Scholem (Louis Cruchet, Ethnoastronomie et traditions astrologiques).

La première émanation fut celle des deux principes, mâle et femelle, aussi dénommés Père et Mère ou Hokma (Sagesse) et Bina (Intelligence), unis par un principe médiateur Daath (Connaissance). Cette trinité représente le monde intelligible.

La connaissance des choses sacrées fut perpétuée dans les milieux ecclésiastiques et particulièrement dans le diocèse de Langres.

Langres et Châtillon, qui étaient sous la dépendance diocésaine du même primat, eurent aussi leurs écoles de très-bonne heure, et lorsque Brunon, fils de Renaud, comte de Reims, et d'une princesse sœur du roi Lothaire, devint évêque de Langres, vers 981, il transmit à ses écoles tout le feu scientifique qu'il avait puisé dans celle de Reims, dirigée par le savant moine Gerbert, que la prodigieuse facilité de son intelligence fit monter successivement au siège de l'archevêché de Reims et au trône de saint Pierre sous le nom de Sylvestre II (Mignard (Thomas Joachim Alexandre Prosper, M.), Le roman en vers de très-excellent, puissant et noble homme Girart de Rossilon, jadis duc de Bourgoigne,1858).

L'état de l'Ecole de Langres nous est connu par des caractères bien avantageux. Brunon, qui était Evêque de cette Eglise depuis 981, et qui continua de l'être les quinze premières années de ce siècle, y avait porté les connaissances qu'il avait acquises à Reims sous le docte Gerbert. Connaissances qui s'étendaient aux matières philosophiques, comme à celles qui regardent la Théologie, et qui furent cultivées à Langres avec succès. Il s'y forma sous Brunon plusieurs Philosophes et autres grands hommes de Lettres. On peut juger du mérite des autres par celui d'Halinard et d'Odolric, qui furent de ce nombre. Le premier, qui était un des plus beaux génies de son siècle, et qui devint successivement Abbé de S. Bénigne et Archevêque de Lyon, se rendit habile dans presque toutes les facultés de la Littérature. L'autre, qui d'Archidiacre de Langres parvint à la dignité d'Archevêque de Lyon avant Halinard, qui la lui avait cédée par humilité, se fît aussi une brillante réputation par son savoir. Presque tous les successeurs de Brunon en ce siècle furent des Prélats lettrés, et propres par conséquent à entretenir de bonnes Etudes dans leur Eglise. Lambert, qui lui succéda immédiatement, avait été instruit, comme lui, à l'Ecole de Reims sous Gerbert, et se distingua autant par sa doctrine que par sa vertu.

Hugues de Breteuil, fut le premier qui prit la plume pour combattre les erreurs de Bérenger. Evêque de Langres, il vivait dans le XIème siècle. Il fut déposé au Concile de Reims, tenu par le Pape Léon IX, l'an 1050, mais ayant suivi ce Pape à Rome, et s'étant mis en pénitence, il fut rétabli, et mourut en revenant de ce voyage vers l'an 1052. Il a écrit un traité du corps et du sang de J. C. qu'il adressa à Berenger.

Au IXème siècle apparurent les premières vagues d’une controverse réelle. A cette époque, un moine français nommé Ratramnus demanda : « Mais comment cela peut-il être le corps et le sang du Christ ? ». Il soutenait que le corps du Christ dans l’Eucharistie ne pouvait être le même que le corps du Christ crucifié et ressuscité car le corps eucharistique ne peut être vu ou senti. En un mot, pour Ratramnus, la présence réelle est spirituelle, et par conséquent pas physique. Ce type de raisonnement conduisit Ratramnus (et ceux qui le suivaient) à regarder de plus en plus l’Eucharistie comme un « simple symbole » (comprenez non-physique) de la « vraie » réalité plutôt que le vrai corps et sang enseigné par les Apôtres. Par conséquent, sa théorie fut condamnée par le synode de Vercelli, mais la controverse continua pendant encore deux siècles, et Ratamnus fut longuement défendu par l’archidiacre Béranger de Tours. En réponse, le pape Grégoire VII rédigea une déclaration sur la foi de l’Église (réitérant les enseignements bibliques et patristiques sur la littéralité de la foi de l’Église sur ce point) et demanda à Béranger de s’y soumettre. Mais l’agitation continuait.

C’est au cœur de cette agitation que le terme "transsubstantiation" est finalement créé par l’Église occidentale au XIIIème siècle pour définir plus précisément comment l’"être" ou la "substance" du pain et du vin est divinement changée en l’être ou la substance du Christ Jésus. La transsubstantiation s’avère être enracinée dans la même révélation qui poussa l’Église orientale à essayer de la décrire quelques siècles plus tôt avec le terme "meta-ousiosis" (Mark Shea, La Présence Réelle et le développement doctrinal).

Rainard de Bar surnommé Hugues, Elève de l'Ecole même de Langres, joignit aux qualités de bel esprit et d'homme de bon conseil, une éloquence et un fonds de savoir au-dessus du commun. On dit même, qu'il savait la langue grecque comme la latine. Enfin Robert son successeur immédiat, et disciple du célèbre Bruno Scolastique de Reims, s'est fait connaître par quelques écrits de sa façon (Paulin Paris, Histoire littéraire de la France: qui comprend le onzième siècle de l'Eglise, Volume 7, 1867).

A Châtillon, résidence favorite des évêques du diocèse de Langres, les écoles établies par les prédécesseurs de Brunon étaient languissantes ; mais Brunon s'occupa avec un grand zèle de leur réforme, il les enrichit de revenus honorables, et érigea en collégiale la petite communauté des prêtres qui desservaient l'église Sainte-Marie-du-Château. Bien plus, ne trouvant pas que cette église répondît à ce qu'il désirait, il la fit rebâtir en son entier. Tout au commencement du XIe siècle, l'école réformée par lui devint florissante, et elle eut l'insigne avantage de former l'esprit et le cœur d'un des plus célèbres personnages de notre histoire, c'est-à-dire de saint Bernard. C'est à peine si ce généreux évêque Brunon, qui a fait pour Châtillon un si bel emploi de ses richesses et qui a fondé l'église nommée aujourd'hui Saint-Vorle, c'est à peine, disons-nous, si le nom de cet illustre prélat est connu des habitants de cette ville intelligente. Nous protestons contre un oubli peu équitable, et nous faisons des vœux pour qu'on n'y sépare plus son souvenir de l'amour de ses œuvres; car les Châtillonnais sont pleins de vénération pour leur pittoresque et religieuse petite église.

On a attribué à la Bourgogne ce qui appartient à l'école de Langres. Dijon et une partie de la Bourgogne étaient dans le diocèse de Langres; Dijon et la moitié de Châtillon-sur-Seine, ainsi qu'un grand nombre de seigneuries de la Bourgogne, appartenaient à l'évêque de Langres. L'école d’architecture de la haute Champagne, qui comprenait les départements de la Haute-Marne, de la Haute-Saône et d'une partie de la Côte-d'Or, avait son centre à Langres. Cette école avait adopté de bonne heure un style de sculpture qui se rapprochait sensiblement du style bourguignon, mais avec une dose de traditions gallo-romaines plus prononcée. Possédant de beaux matériaux, cette contrée élève des édifices dont l'exécution est généralement fort bonne. Son architecture suit la chaîne de plateaux élevés qui s'étend de Langres même jusqu'à Lyon, en passant par Saulieu, Beaune, Autun, Paray-le-Monial et Charlieu. Mais, sur cette ligne, on peut distinguer deux écoles de sculpture : celle de la haute Champagne, dont le foyer est à Langres, qui continue assez tard les traditions romaines, et celle de la Bourgogne, qui s'en affranchit promptement. Toutefois, en suivant le style roman, l'école de sculpture de la haute Champagne est évidemment, à la fin du XIIème siècle, stimulée par les progrès des écoles de l'Ile- de-France et de Troyes, et cherche une exécution plus large, un modelé plus savant et plus ferme, sans recourir franchement à la flore. Ces ornements, qui proviennent de la cathédrale de Langres (fin du XIIème siècle), indiquent l'indécision de cette école, balançant entre les traditions romanes et les nouveaux principes admis par les sculpteurs de l'Ile-de-France (Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XI. au XVI. siècle, Volume 8, 1869).

L’Encyclopédie ou Diderot, le Fou, le Nouveau Noé

Le Pays de Langres s’honore d’avoir vu naître cet homme extraordinaire qui prit place, avec Voltaire et Rousseau, parmi les figures emblématiques du Siècle des Lumières.

Denis Diderot, Philosophe des Lumières - (1713 – 1784)

albumdetimbres.blogspot.com - Diderot France

Dans le système kabbalistico-tarotique, la Force est associée au Fou. On a vu que ce fou était Noé, " celui qui sauve l'humanité ". Diderot est notre nouveau Fou, le nouveau Noé. Sa philosophie, ou une telle philosophie actualisée, sauvera l'humanité.

Denis Diderot est une des figures emblématiques du siècle des Lumières. Né le 5 octobre 1713 à Langres au n° 9 de la place qui porte aujourd’hui son nom, il a vécu ses quinze premières années au n° 6 de cette même place où son père tenait une boutique de coutelier. «Pour moi, je suis de mon pays» disait-il. Le jeune Diderot part pour Paris à l’âge de 15 ans. Il deviendra cet auteur prolifique que l’on connaît : philosophe, satiriste, romancier, dramaturge, critique d’art et principal initiateur de l’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des arts et des métiers. Cet ouvrage de 35 volumes était de loin la plus grande entreprise d’édition jamais réalisée en son temps. On sait moins qu’il était aussi l’auteur d’une œuvre littéraire et philosophique de grande envergure, en partie inconnue jusqu’à ces derniers temps (www.tourisme-langres.com - Denis Diderot).

C’est cette sagesse que le philosophe, athée et matérialiste, nous propose : « Il n’y a qu’une vertu, la justice ; qu’un devoir, de se rendre heureux ; qu’un corollaire, de ne pas se surfaire la vie, et de ne pas craindre la mort » (Eléments de physiologie). Tout en sachant que nous ne sommes « qu’ombres parmi les ombres », que nous devons notre existence au hasard, que nous ne sommes pas plus libres que les autres êtres naturels, Diderot nous invite à travailler à notre bonheur, parce qu’il n’y a qu’une vie et qu’elle vaut la peine d’être vécue sous le signe du bonheur et du plaisir. Sa philosophie est une recherche de la sagesse qui exhorte à jouir ; un désir de vérité qui reconnaît son désir d’être trompé et consolé par les fictions religieuses de l’âme et de la liberté ; une revendication de l’homme comme valeur ultime, alors même qu’on s’attache à le descendre au même niveau que les autres vivants naturels. Diderot sentait assez combien une telle philosophie était paradoxale. Paradoxale, mais peut-être vraie … Dernier avertissement du corps-philosophe qui ne croyait pas en Dieu : « Il faut souvent donner à la sagesse l’air de la folie afin de lui procurer ses entrées. J’aime mieux qu’on dise : Mais cela n’est pas si insensé qu’on croirait bien, que de dire : Ecoutez-moi, voici des choses très sages. » (Lettre à Sophie Volland du 31 août 1769) (Sophie Audidière, Diderot philosophe).

2 mai : le martyr de Diderot

Palissot, en défenseur de la comédie classique, reproche à Diderot d'être le théoricien du drame, d'avoir cette « manie bien inconcevable » « de vouloir à toute force se faire regarder comme l'inventeur de ce nouveau genre de drames, qu'il appelle tragédies domestiques » 8. Beaumarchais et Mercier, ses disciples, sont des « auteurs de drames, bien ampoulés, bien sombres, bien lugubres et plus ennuyeux encore », car en effet, « c'est une fourmilière que M. Diderot a fait naître par ses paradoxes sur l'art dramatique, mais qui n'aura qu'une existence très éphémère dès que le caprice des Français les aura ramenés au bon sens » \ Mais c'est dans Les Philosophes, une pièce représentée à la Comédie- Française le 2 mai 1760, à l'instigation de Choiseul, que Diderot, sous le nom de Dortidius, est le plus malmené par Palissot. La scène dite du Colporteur montre un personnage qui exhibe tour à tour Les Bijoux indiscrets, la Lettre sur les sourds et muets, Le Père de famille et De l'Interprétation de la nature : tous ces livres sont ridiculisés.

Diderot ne répondit pas à Palissot immédiatement. Dans une lettre à Voltaire du 28 novembre 1760, il indique qu'il n'a « jamais lu ni les Petites Lettres sur de grands philosophes, ni cette satire dramatique où l'on me traduit comme un sot et comme un fripon ; ni ces préfaces où l'on s'excuse d'une infamie qu'on a commise, en m'imputant de prétendues méchancetés que je n'ai pas faites et des sentiments absurdes que je n'ai jamais eus » (Hervé Guénot, Palissot de Montenoy : un " ennemi " de Diderot et des philosophes).

Miracle ! Un vrai miracle, Diderot en survécut.

Daath, symbole de la connaissance cachée, atteint son point ultime en France avec la philosophie de Diderot, à l'époque où toute l'Europe parlait français. Le savoir enfin révélé consistant en autres en la reconnaissance de l'inexistence de Dieu et de la prise de conscience du rôle de la religion : justifier des ordres sociaux fondés sur l'inégalité et l'exclusion.