Partie XVIII - La Chouette d’Or   Hypothèse espagnole   Orion   
LA CHOUETTE D'OR AUTRES HYPOTHESES ORION

Orion

Orion fait partie des rares constellations immédiatement reconnaissables par leur forme. Ses sept étoiles les plus brillantes forment un nœud papillon (ou un sablier) facilement identifiable : quatre étoiles très brillantes forment un rectangle caractéristique au milieu duquel se trouve un alignement de trois autres étoiles, la ceinture ou le baudrier d'Orion, qui constituent une signature remarquable (fr.wikipedia.org - Orion (constellation)).

Le G du ciel s'ouvre en B et se termine en A comme le G du sol de la carte routière. 9 étoiles constituent le Grand G céleste dont 3 étoiles d'Orion (Betelgeuse, Bellatrix, Rigel son pied). Angers comporte un son à l'oreille, "En G" et parmi les constellations, le Grand G céleste s'ouvre avec Betelgeuse (étoile d'Orion) et se termine par Aldebaran (étoile du Taureau) (toucan83200, ven. 12 mai 2017 21:24 - www.chasses-au-tresor.club).

Vézelay et Orion : sur le chemin de saint Jacques

L'itinéraire de Vézelay, Limoges, Périgueux, gagne Sault-de-Navailles et Sallespisse, avant de franchir le gave de Pau sur le vieux pont d'Orthez. Un établissement de la rive gauche accueillait les pèlerins au quartier du pont, l'hôpital Sauveladette de Départ, l'espitau de Saubaladete, rattaché à l'abbaye cistercienne de Sauvelade, sous le vocable successivement de Notre-Dame, puis de Saint-Loup, ainsi qu'il apparaît d'une mention de 1538 dans le Dictionnaire Topographique de Paul Raymond : la capera aperade de Sanct Lop et hospital fundatz en lo loc de Depart qui antiquementz es estades consecrades suus la invocation de Nostre-Dame. Après Sainte-Suzanne et l'espitau vieilh de Lanneplaa, c'était à mi-distance d'Orthez et de Sauveterre-de-Béarn la Commanderie de l'Hôpital d'Orion, l'espitau d'Orion, et son église Sainte-Marie-Madeleine du XIIIe siècle, indépendante de tout ordre religieux. Le vieux chemin empruntait à la sortie du village la côte dite de Morlanne, partie du cami romiu que l'on suit jusqu'au sommet marqué d'une croix, ancienne croix de carrefour dont il subsiste le socle circulaire en pierre formé de trois gradins concentriques. On en perd ensuite le tracé, et un vieux pont abandonné rappelle la liaison directe qui conduisait à Orion et à son église Saint-Jacques. A la Commanderie de l'Hôpital d'Orion faisait suite la Commanderie de Burgaronne, ancienne appartenance de Roncevaux citée dans un extrait des statuts du monastère de Roncevaux du 6 décembre 1282, au même rang que les Commanderies de Bidarray, de Bonloc et de Bayonne, de l'Hôpital Neuf et d'Ordiarp, où la liste est interrompue (Gure herria, 1971 - www.google.fr/books/edition).

Pouce

Dès les Textes des pyramides de l'Ancien Empire, il est formellement attesté que le dieu faucon Horus est le fils du couple que forment Osiris et Isis. La conception d'Horus s'inscrit dans une dimension astrale, son père étant comparé à la constellation d'Orion, Sah en égyptien, c'est-à-dire «L'Orteil» ou «Le Parcoureur», tandis que sa mère, la déesse Isis, est perçue comme étant la personnification de la constellation du Grand Chien, Sopedet en égyptien, «L'Efficace» (fr.wikipedia.org - Isis, Richard Chaby, Karen Gulden, Mots et Noms de l'Egypte Ancienne, Tome 1 : Egyptien - Français, 2014 - www.google.fr/books/edition).

Ronchamp : la musique, l'astronomie et l'architecture

La déesse de la lune est Pasiphaë, la femme du roi Minos qui s'est accouplée avec le taureau-soleil et a donné le jour au Minotaure, l'homme-taureau que Minos tint prisonnier à Cnossos. Dans ses tableaux, ses dessins, ses écrits, Le Corbusier revient sur cette légende et s'en forge même un mythe personnel : la déesse de la lune est Yvonne Le Corbusier, ce que nous savons par une note dans un carnet d'esquisses. Elle était née le premier janvier sous le signe du Capricorne. Le Corbusier lui-même était du signe de la Balance, mais au cours de ces années il tourne autour du Taureau. Dans Entre deux, il écrit que vers la soixantaine le signe du Taureau fait son apparition, et dans un poème il parle du printemps de la fin de la vie. Autour du thème du labyrinthe, se dessine un autoportrait qu'on identifie plus clairement par la reprise de ce thème dans le Poème de l'angle droit (la tête rouge dans le coin supérieur gauche); on décèle aussi, dans le Poème, les autres parties de la peinture murale. Pour Moore, ce tableau est un drame cosmique qui va de l'hiver / mort au printemps / résurrection. C'est, sous forme de mythe, un portrait à double face. Je n'irai pas plus avant dans l'analyse de Moore qui doit être lue dans sa totalité. Prolongeant son interprétation, j'ai déjà indiqué que les fenêtres du mur sud représentaient des constellations, de gauche à droite Orion, le Taureau, les Pleïades et le Belier. Le Corbusier parle de ce mur comme d'un mur constellé et appelle la porte sud la Voie lactée.

La Voie Lactée, au Moyen Age, montrait le chemin du tombeau de Saint Jacques à Santiago de Compostelle en Espagne; elle vient bien à propos dans une église de pèlerinage; sur la carte du ciel, elle est proche d'Orion et du Taureau, ce qui correspond à l'emplacement de la porte d'entrée. Les fenêtres du mur est sont aussi des constellations. Lucien Ledeur demanda à l'architecte d'entourer d'étoiles la figure de la Vierge, du côté de la fenêtre est, pour rappeler le récit du chapittre 12 de l'Apocalypse. Aussi Le Corbusier ne boucha-t-il pas les ouvertures, afin que de l'intérieur, elles brillent comme des étoiles. Une petite esquisse montre comment, entre plusieurs formes d'ouvertures, Le Corbusier a choisi celles qui rappellent ses propres signes, la Balance et le Corbeau, et au bas du mur, au-dessus et autour de la fenêtre où est la Vierge, la Grande Ourse qui tourne comme l'axe du monde. A mon avis, les fenêtres du mur nord représentent aussi des constellations : les Gémeaux, le Grand Chien, et peut-être le Cancer. Le sujet du tableau de la porte sud est celui du chapitre 12 de l'Apocalypse. Peut-être est-ce Ledeur qui a donné à Le Corbusier l'idée d'utiliser ce thème. [...] Dans Vers une architecture (p. 54), Le Corbusier décrit un monument qu'il appelle un temple primitif. C'est la reconstruction du tabernacle juif que le Seigneur ordonna à Moïse de construire (voir Exode, 26). Le Corbusier a repris cette reconstruction après Freiherr von Lichtenberg (qu'il ne nomme pas), y compris le système du tracé régulateur, système de lignes géométriques régulatrices, qui décide de l'ensemble : double carré et des diagonales. On sait que Le Corbusier employait différents systèmes de tracés régulateurs, en peinture comme en architecture, comme une sorte de correctif des proportions Dans ce chapitre de Vers une architecture, il dit clairement qu'un tracé régulateur construit et satisfait. Il est intéressant de constater que Le Corbusier a employé le système des doubles carrés et des lignes diagonales dans le projet de Ronchamp, comme le montre le plan du tome XX, pl. 150 de ses archives, c'est-à-dire la tente sacrée de Moïse. Dans un article de Arkitekten (13, 1987), j'ai montré qu'on trouve aussi les doubles carrés dans le plan de Sainte-Sophie à Istanbul et qu'on peut peut-être voir là une référence au temple de Salomon (et donc aussi au tabernacle qui, d'après la Bible, avait les mêmes proportions). Cela Le Corbusier l'ignorait, mais il a peut-être pressenti ce rapport puisqu'il a interrogé le professeur Whittemore sur les porportions de l'église quand il travaillait sur le livre du Modulor. Le temple de Salomon et le tabernacle étaient sans aucun doute perçus comme des modèles cosmiques. Quant à plusieurs reprises, Le Corbusier parle de l'axe comme d'un concept mystique, autour duquel tout ouvrage doit être organisé, c'est encore la même approche. Et les deux pentagones qui sont à la base de la composition de la porte sud peuvent être déterminés par les côtés d'un dodécaèdre qui dans le Timée de Platon est le fondement de la Création de l'Univers. Sur un des pentagones il y a une étoile, réminiscence du démiurge qui, chez Platon, plaça les constellations du zodiaque sur les côtés du dodécaèdre. La composition de la porte sud est fondée sur un système qui continue celui du double carré, car les cercles utilisés pour la construction des pentagones ont le même rayon que le plus petit segment de la division du côté carré de la porte dans les proportions du nombre d'or - ce rayon partant du centre de la porte donne le centre des cercles. Le système que Le Corbusier décrit dans son petit livre sur Ronchamp est utilisé à la fois dans la composition du côté intérieur et du côté extérieur de la porte - mais en formant entre eux un angle de 90 degrés (comme dans un opus circulatorium alchimique). D'après Le Corbusier, le pentagone est inspiré du rétable de Boulbon au Louvre, où les épaules et les bras du Christ forment un pentagone. Le motif de l'intérieur de la porte représente, comme nous l'avons vu, la silhouette de la femme du chapitre 12 de l'Apocalypse, qui va enfanter le Sauveur du monde. Une note en marge d'une esquisse (Carnet 3, 245) se réfère à l'Apocalypse : Apocalypse, une femme enveloppée du soleil, la lune sous ses pieds. Ce thème apparaît dans l'iconographie du Christ : on le retrouve dans plusieurs fresques au Danemark, entre autres à Sonderso. Sur le tableau de la porte, le soleil est plus à gauche de la figure; il est devenu plus petit, un peu comme lorsqu'on regarde le soleil, rouge, à son lever. La lune a été transportée sur une des fenêtres du mur sud. C'est la lune de Chandigarh que l'on retrouve souvent dans les carnets d'esquisses; une de ces esquisses est datée du 26 mai 1953 : ce jour-là pour la première fois, Le Corbusier a vu un visage sur la lune. Pour protéger le femme de l'attaque du dragon, on lui a donné les ailes du grand aigle afin qu'elle soit mise en sûreté dans le désert. Et l'enfant qu'elle avait mis au monde a été enlevé et transporté sur le trône de Dieu. La porte représente donc le moment qui suit la naissance, bien que la silhouette de la femme soit encore celle d'une femme enceinte la vision est restée en suspens. La grande étoile qui remplit presque toute la porte est l'oiseau qui mène la (Mogens Krunstrup, Ronchamp, traduit par Annette Lorenceau, Le Corbusier, Europe et modernité, 1991 - www.google.fr/books/edition).

La lecture des ouvrages de Matila C. Ghyka (Esthétique des proportions dans la nature et dans les arts, Gallimard, Paris, 1927) conforta Le Corbusier dans ses théories, qui l’amenèrent à concevoir peu à peu son propre système de dimensionnement architectural, le Modulor, qui vit donc le jour dans sa version achevée en 1948. Outre le fait de l’utiliser concrètement et quotidiennement dans tous les projets de son agence, la publication des deux ouvrages visait à convaincre du bien-fondé de son système pour tenter de l’introduire de manière universelle et unilatérale dans tous les domaines de l’architecture et de l’ingénierie, comme l’indique le sous-titre du premier volume : «une mesure harmonique à l’échelle humaine applicable universellement à l’architecture et à la mécanique». Au cours de ses démonstrations, Le Corbusier revient régulièrement aux analogies musicales, s’inscrivant explicitement dans la théorie de la Renaissance.

Le problème s’était présenté pour la musique lorsqu’on chercha par la notation écrite le moyen d’une transmission suffisante. On discerna des intervalles sonores, saisissables à l’oreille humaine et des fréquences procédant de la mathématique. […] “Ce n’est pas la musique qui est une partie des mathématiques, mais au contraire, les sciences qui sont une partie de la musique, car elles sont fondées sur les proportions et la résonance du corps sonore engendre toutes les proportions.” Cette dernière affirmation, insolente, de Rameau, éclaire notre recherche : la musique domine, règne. À vrai dire l’harmonie. L’harmonie régnant sur toutes choses, réglant les choses autour de nos vies, est l’aspiration spontanée, assidue et inlassable de l’homme animé d’une force : le divin, et chargé d’une mission : réaliser sur terre le paradis.

Le discours de Le Corbusier est quelque peu équivoque, car il se défend, deux paragraphes avant cette tirade exaltée, d’être tombé dans les «chemins tentateurs» des grands théoriciens de la Renaissance, qui, selon lui, avaient éludé le cœur du problème : «la vision de l’œil», ce qui les aurait conduits à produire «une architecture éclectique, intellectualisée et un spectacle ne s’offrant que par fragments d’intentions». Sept ans plus tard, en 1957, son collaborateur Iannis Xenakis, compositeur et architecte, défendra ainsi le Modulor : «c’est la confrontation quotidienne de tant de spéculations abstraites avec la réalité architecturale qui a forcé Le Corbusier à faire cette synthèse exceptionnellement féconde ou plutôt à dépouiller la section d’or de toute son auréole de constatations abstraites et mystiques, à en extraire son noyau humain et à fixer par une option incisive les deux séries 183 et 226 (rouge et bleue) qui constituent le support numérique du Modulor» (Le Modulor de Le Corbusier, 1957).

Ingénieur, architecte, compositeur, le polymathe Iannis Xenakis (1922-2001) incarne à lui seul l’unité entre les arts et les sciences des penseurs de la Renaissance. Il sait qu’au cours de l’histoire, et notamment à l’Antiquité, la musique était un instrument scientifique et a été à l’origine de nombreuses découvertes essentielles, notamment en mathématiques : il nomme ce socle «le champ mental pythago-parménidien».

«Ainsi fut fixé le champ mental pythago-parménidien. Issu des religions, il leur survécut en dépit d’elles (y compris du christianisme) et est le seul qui donna effectivement à l’homme la maîtrise de Soi et de la Nature, partout sur le globe. Il a dominé la pensée musicale à travers Platon, Aristoxène, Boèce, Hucbald, Rameau, etc.» (La voie de la recherche et de la question – Formalisation et axiomatisation de la musique, 1965) (Jules-Valentin Boucher, “Mathématiques de la musique idéale : Harmonie cosmique et proportions architecturales en Europe et aux États-Unis dans les années 1950-1960”, Études Épistémè N° 43, 2023 - journals.openedition.org).

A propos des sculptures Ozon qu'il crée avec l'ébéniste Savina - audacieux assemblages de gousses, tiges et oreilles déformées Le Corbusier parle d'une «intervention acoustique dans le domaine des formes», et de formes qui émettent et qui écoutent. La Chapelle de Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp (1951-1954), au pied des Vosges, entretient précisément ce type de relation avec les collines et la plaine alentours. Le pouce blanc de l'une des tours se dresse, tandis que la sombre silhouette du toit en forme de navire plane au-dessus des conifères. Les lignes convexes et concaves du paysage que traverse le chemin de procession qui mène à la Chapelle, se retrouvent dans la composition. L'espace intérieur est faiblement éclairé mais spirituellement intense : l'architecte se réfère à un «vaisseau de contemplation» et «un lieu de silence». Le toit fonctionne comme une vaste écluse déversant l'eau par une gargouille dans un curieux assemblage de pyramides formant bassin. Les murs nord et est s'inclinent pour recevoir la lumière, le premier servant d'arrière-plan à une chapelle en plein air utilisée quand des milliers de pélerins grimpent la colline pour voir l'image miraculeuse de la Vierge. Mais Ronchamp fut aussi un lieu saint en des temps païens, et Le Corbusier semble avoir tiré parti du «génie du lieu», qu'il a peut-être même valorisé. La Chapelle célèbre la propre religion de l'artiste et témoigne de son admiration pour l'esprit de la Nature. De nombreuses «sources» peuvent être retenues avec un certain degré de vraisemblance : coques de crabe, navires, vannes, système d'éclairage du Serapeum, architectures méditerranéennes, etc., mais Ronchamp frappe surtout par sa bizarre originalités. Les qualificatifs de «néo-baroque» ou «expressionniste» échouent à rendre compte de son ordre unique et de la discipline qui régit ses formes convexes et concaves; de même les diverses interprétations de ses masses et de ses plans. En dépit de son apparente bizarrerie, la Chapelle est un des exercices formels de Le Corbusier les plus contrôlés. Sa complexité et ses contradictions sont issues du travail de peintre et de sculpteur de l'architecte, bien que certaines de ses parties - la courbure du mur sud par exemple proviennent en fait de découvertes antérieures, notamment du mur courbe en pierre meulière du Pavillon suisse, de vingt ans antérieur (Jacques Lucan, Le Corbusier, une encyclopédie, Monographie - Centre Georges Pompidou, 1987 - www.google.fr/books/edition).

Orion, saint Jacques

Federico García Lorca, même s’il évoque aussi saint Jacques en Matamore (une figure politique et universelle à la fois), il le fait dans un autre but : lorsque Claudel était en accord avec la droite catholique représentée par Franco, Lorca a été assassiné par les officiels du gaucho. Comme dans Le Soulier de Satin de Paul Claudel, saint Jacques est représenté ici sous la forme de la constellation d’Orion dans la Voie Lactée, tel qu’il apparaît dans le songe de Charlemagne, en tant qu’une figure divine qui surplombe la scène. Il n’est pas pour autant dépourvu de son épée. De nouveau, comme dans l’hymne de Claudel d’ailleurs, il se situe «entre les deux mois ardents», ce que nous révèlent les vers suivants du poème de Lorca.

Dans l'«Hymne à saint Jacques», Paul Claudel écrit :

Saint Jacques à la fin de juillet
a péri en Espagne par l’épée.
Entre deux mois ardents, il gît, la tête coupée.

Ces deux premiers vers sont descriptifs, ayant pour but d’introduire le saint aux lecteurs. Nous y trouvons les éléments de sa martyrologie, à savoir l’épée et la tête coupée, ce qui se réfère à la mise à mort du saint par Hérode dans les Actes des Apôtres. Les indications temporelles («à la fin de juillet» et «entre les deux mois ardents») renvoient à la fête de saint Jacques, à savoir le 25 juillet. Cependant Claudel se trompe cruellement dans sa description, puisque d’après la Bible et la légende du Moyen Age saint Jacques n’a pas péri en Espagne mais en Palestine.

La fin de juillet est conforme aux sources. Dans la Rome antique c’était aussi une célébration solaire précédant la fête de la Canicule : d’où l’adjectif «ardents» (étant, nous pouvons le supposer, employé aussi dans le sens figuré de l’ardeur guerrière) et, quelques vers plus tard, la présentation de Jacques le Majeur en tant qu’«Apôtre caniculaire», ce qui marque sa dimension de soldat du Christ, apportant le feu sur la Terre. (Mikolaj Wyrzykowski, Le Matamore chez Claudel et García Lorca, lettre 172, 2024 - www.institut-irj.fr).

En Égypte, le lever héliaque de Sirius (Sothis) annonce la crue fertilisante du Nil, alors qu’en Grèce, l’apparition de la funeste étoile du Chien est signe de dévastation, sa morsure s’ajoutant à la brûlure du soleil à ce moment de l’année. Dans les calendriers de l’Égypte pharaonique, comme à basse époque dans le zodiaque de Denderah, la déesse Hathor-Isis était assimilée à l’étoile Sothis, et représentée debout sur une barque. Elle avait reconstitué son époux Osiris, pour en faire le souverain du royaume des morts. Le dieu, figurant la constellation d’Orion, suivait alors son épouse sur une seconde barque. Pourtant, dans l’imaginaire copte, les deux embarcations étaient souvent confondues et Osiris associé à l’étoile du Chien.

Claude Gaignebet rapproche l’étymologie de Jacques de l’un des noms égyptiens de Sirius : Ach. Il s’appuie, pour ce faire, sur deux dictionnaires, le Thesaurus et Suidas, ainsi que sur le Commentaire au Timée de Chalcidius, un philosophe néo-platonicien hispanique du IVe siècle, très influent dans la pensée médiévale. Ach désigne «l’âme heureuse d’avoir reçu une sépulture digne d’elle, l’âme qui habite une étoile» (Thésaurus). Ce nom serait l’équivalent de Iachin, un prêtre égyptien capable de tempérer l’ardeur des feux de la Canicule et qui reçut des honneurs funèbres grandioses. C’est peut-être lui qui aurait prédit à Pharaon la naissance de l’enfant Moïse (Suidas). On pourrait alors rapprocher lachin de Jacob : «une étoile se lèvera de Jacob» (Nb. 24, 17).

Le tombeau de la Madeleine à la basilique de Vézelay est un des principaux points de départ du pèlerinage compostellan. Christiane Desroches Noblecourt a démontré que son célèbre tympan roman pouvait être interprété selon les critères des zodiaques égyptiens. En effet, l’influence du monastère copte de Lérins était déterminante, dans le Haut Moyen Áge, sur l’ensemble du clergé de Provence, et bien au-delà. Au-dessus de la tête du Christ Pantocrator figurent trois médaillons entre les signes du Cancer et du Lion. C’était la place dévolue à Isis et Osiris dans les calendriers et zodiaques égyptiens. À Vézelay apparaissent successivement la chienne Sothis, la chrysalide d’Osiris et la sirène de l’inondation nilotique. Dans le cas de la Bourgogne, la crue du fleuve sera remplacée par la période des vendanges (Joan Marc Bertucci, Le pèlerinage compostellan, In : Bouleversants voyages : Itinéraires et transformations, 2000 - books.openedition.org).

Claudel nous rappelle que «le nom de Saint Jacques a été parfois donné à la constellation d'Orion qui visite tour à tour l'un et l'autre hémisphère». D'où cette appellation (le Grand Apôtre du Firmament). Santiago, c'est encore le nom du navire sur lequel s'est embarqué le Père Jésuite, frère de Rodrigue. Saint Jacques monte la garde comme un phare sur l'Océan entre les deux mondes : l'Afrique et l'Amérique. Prouhèze cingle vers le Maroc pour y tenir au nom du Roi la place de Mogador, et Rodrigue la poursuit sans pouvoir la rejoindre. Saint Jacques accueille leur douleur et assure qu'il ne les abandonnera pas :

Au sein de la Grande Eau à mes pieds où se reflètent mes coquilles et dont le sommeil sans heures se sent heurter à la fois à l'Afrique et à l'Amérique, Je vois les sillons que font deux âmes qui se fuient à la fois et se poursuivent : (...). Un homme, une femme, tous deux me regardent et pleurent. Je ne vous ferai point défaut. Les heureux et les assouvis ne me regardent pas. C'est la douleur qui fait dans le monde ce grand trou au travers duquel est planté mon sémaphore. Quand la terre ne sert qu'à vous séparer, c'est au ciel que vous retrouverez vos racines. Tous les murs qui séparent vos cœurs n'empêchent pas que vous existiez en un même temps. Vous me retrouvez comme un oint de repère. En moi vos deux mouvements s'unissent au mien qui est éternel.

Cette prière de saint Jacques fait allusion non seulement à la constellation d'Orion qui représente un lien entre les deux hémisphères où Rodrigue et Prouhèze se trouvent séparés, mais aussi à la Communion des Saints qui établit un lien entre les âmes, séparées sur la terre et réunies au Ciel (Muchio Kurimura, Le Soulier de satin Drame de la solidarité universelle des âmes, Études de langue et littérature françaises, Numéro 14, 1969 - www.google.fr/books/edition).

Orion et Neptune

Une autre tradition fait d'Orion le fils, non du géant Hyriée, mais de Neptune, dieu de la mer, qui lui aurait donné la faculté de marcher sur les eaux. Virgile ici semble combiner les deux légendes en faisant d'Orion un géant d'une telle taille qu'il pouvait marcher dans la mer, humero supereminet undas (Maurice Rat, L'Énéide de Virgile, 1965 - www.google.fr/books/edition).