Partie XIV - Le Serpent rouge   Le voyage de l’âme   ORCAGE ou Les Bergers d’Arcadie parlant du roi Arthur   
SERPENT ROUGE ORCAGE ARTHUR BERGERS ARCADIE ARC EGO

Superposition de ARC et EGO : O R C A G E

Le terme ORCAGE se prête au jeu de mots : hors cage, cage d'or (l'Arcadie serait-elle une cage dorée ?)

ORCAGE ou l'Arcadie des chansons de geste

Then Sir Lucius lordlich lettres he sendes / Anon into the Orient with austeren knightes / Til Ambyganye and Orcage and Alisaundere eek / To Inde and to Ermonye, as Eufrates runnes, / To Asia and to Afrike, and Europe the large, / To Irritaine and Elamet, and all those oute iles, / To Arraby and Egypt, til erles and other / That any erthe occupies in those este marches / Of Damaske and Damiet, and dukes and erles (Alliterative Morte Arthure, Partie I, 570-578) (d.lib.rochester.edu - Alliterative Morte Arthur, Part I).

Orcage : A land allied to Lucius the Roman. Warriors from Orcage participated in Lucius’s war against Arthur dans Alliterative Morte Arthure, and Le Morte Arthur de Malory (Christopher Bruce., Arthurian Name Dictionary - gorddcymru.org).

Cetains manuscrits corrigent "Orcage" en "Arcage". Or "Arcage" est une ancienne orthographe d'Arcadie. Orcage se rencontre aussi dans la chanson de geste Jourdain de Blaye (Takeshi Matsumura, Jourdain de Blaye en alexandrins, Partie 2, 1999 - books.google.fr).

Cette chanson appartient au Cycle Provincial et notamment à la Petite geste de Blaives. Cette chanson est considérée comme la continuation de Ami et Amile parce que Jourdain est, en effet, le petit-fils d'Ami, et que le traître Fromont (dans Jourdain) est le neveu du traître Hardré (dans Ami et Amile). La ville de Blaye, écrit Blaiv(i)es dans le manuscrit, est aujourd'hui Blaye-Sainte-Luce, chef-lieu d'arrondissement, département de la Gironde, sur la rive droite de la Gironde, à quelques kilomètres de Bordeaux (www.chanson-de-geste.com - Jourdain de Blayes).

Le Morte d'Arthur de Malory aurait été écrite en partie lorsque l'auteur était prisonnier de Jacques d'Armagnac, chose sujette à caution, car l'identité de Malory est assez floue.

Le Morte d'Arthur, qui signifie « la mort d'Arthur » en moyen français, est la compilation de romans arthuriens français et anglais de Thomas Malory. Le livre comprend des écrits de Malory (l'histoire de Gareth) et raconte de plus vieilles histoires à la lumière de ses interprétations. Il a été publié pour la première fois en 1485 par William Caxton. Cette œuvre nous est également connue par un manuscrit dit « de Winchester », transcription de l'original de Malory, qui serait plus ancien que l'édition imprimée (fr.wikipedia.org - Le Morte d'Arthur).

L'invention de la tombe d'Arthur à Glastonbury (Somerset) en 1191, en permettant aux rois angevins d'établir la mort du héros et de récupérer définitivement le charisme d'Arthur à leur seul profit, porte un coup fatal à la croyance bretonne : "Au fil du XIIIe siècle l'épuisement progressif de cette flambée messianique particulière au monde brittonique devient inexorable : c'est alors qu'Arthur sort de l'histoire mentale de son peuple de même que son personnage littéraire l'avait déjà abandonné pour rencontrer sa véritable gloire posthume dans des œuvres écrites par des étrangers." (Jean-Christophe Cassard, Arthur est vivant ! Jalons pour une enquête sur le messianisme royale au moyen âge, Cahiers de civilisation médiévale: Xe-XIIe siècles, Volume 32, 1989 - books.google.fr).

Tuer Arthur en ouvrant sa sépulture, c'est d'abord, politiquement parlant, mettre un terme à l'espoir breton d'un retour du grand roi. C'est aussi un moyen, pour les souverains anglo-normands, de nouer une parenté spirituelle avec le héros et d'en capter la sacralité. On est d'autant plus incité à retenir cette notion de propagande diffuse que tous les historiographes ne sont pas des thuriféraires. Il faut en effet distinguer entre les chroniques officielles, dont la complaisance n'a pas de limites, et les annales ou histoires non officielles, au ton plus indépendant et parfois plus critique envers le pouvoir (Hervé Martin, Mentalités médiévales: Représentations collectives du XIe au XVe siècle, 2001 - books.google.fr).

Edward Burne-Jones (1833–1898), The Last Sleep of Arthur in Avalon, 1881-1898 - Museum of Art in Ponce Puerto Rico - en.wikipedia.org

Les Gesta Regum Anglorum de Guillaume de Malmesbury (1125) développent le thème messianique du retour d'Arthur. Le Roman de Brut du poète angmo-normand Wace, écrit en 1155, se présente comme l'adaptation française de l'Historia Regum Brittanae (1137) de Geoffroy de Monmouth, et offre un "roman primitif" d"Arthur enchâssé dans la grande saga des Bretons. Un épisode capital fait comprendre la relation mythique d'Arthur et de l'ours (arzh en breton). Le rêve d'Arthur anticipe l'épisode où un terrible génat enlève Hélène, nièce du roi Hoël d'Espagne, neveu d'Arthur. Il l'a emmenée sur le Mont Saint Michel et lui fait subir les derniers outrages dont Hélène meurt. Arthur se venge, incarnant son rêve, le dragon de l'ouest abattant sur le sol l'ours de l'est (Philippe Walter, Naissances de la littérature française IXe-XVe siècle, 1993 - books.google.fr).

Si l'espérance messianique meurt en Bretagne à l'orée du XIIIe s., un ultime avatar vient rompre la logique première de l'attente d'Arthur : assez tôt des collectionneurs médiévaux de merveilles (mirabilia) rapportent que la présence du roi breton serait attestée par des témoins oculaires bien loin en dehors de son domaine originel, sur les rives de la Méditerranée en particulier. La Sicile se révèle être une grande terre arthurienne, les flancs de l'Etna abritant le palais du souverain légendaire selon les narrations qu'enregistrèrent César de Heisterbach et le clerc anglais Gervais de Tilbury vers 1210 : le palefrenier de l'évêque de Catane, à la recherche de son cheval, aurait même eu une conversation avec lui. Un sentier très étroit mais plat le conduisit à une prairie très vaste, charmante et pleine de tous les délices. «Là, dans un palais construit par enchantement, il trouva Arthur couché sur un lit sur un lit royal. Le roi lui conta comment, blessé jadis dans une bataille contre son neveu Morfred et le duc des Saxons, il gisait là depuis très longtemps cherchant à guérir ses blessures sans cesse rouvertes. » « Aucun texte, remarque J. Le Goff, n'évoque comme celui de Gervais de Tilbury un équivalent du Purgatoire aussi proche d'un lieu de repos que cette description d'une attente dans un monde qui est certes celui de la mort mais où un héros comme Arthur vit "sur un lit royal", dans un palais construit par enchantement. » N'est-ce pas là précisément la situation du Roi Pêcheur et ne reconnaît-on pas dans cette desciption l'atmosphère qui entoure le Château du Graal ? (Varia, Revue des langues romanes, Volumes 90, 1986 - books.google.fr).

Cependant "Ci-gît Arthur, roi de jadis et roi dans l'avenir" est l'épitaphe prêtée par Sir Thomas Malory à Arthur, en 1485 (Gilles Lecuppre, L'imposture politique au Moyen Âge: La seconde vie des rois, 2005 - books.google.fr).

La délocalisation du mythe ne s'arrête pas là : de la montagne de l'Etna (désignée sous un nom d'origine arabe, le Mondjibel) aux Alpes, il y a plus qu'un glissement dont pourtant la tradition orale ne s'embarrasse guère. Le séjour idyllique d'Arthur sur les flancs de l'Etna se souvient des pastorales siciliennes de Théocrite devenues arcadiennes avec Virgile.

Philip Sidney et Les Ethiopiques

Philip Sidney (1554-1586) dans son épopée en prose L'Arcadie (1590-1593), Edmund Spenser dans La Reine des fées (1590-1596-1609) subissent l'influence de Malory, de l'Arioste, de l'Amadis.

On croit que c'est à cette époque que Philip Sidney composa son fameux roman qui a pour titre: l'Arcadie. Ce fut, dit-on, la traduction d'Héliodore, qu'on publia vers ce temps, qui lui donna la première idée de son ouvrage; mais il paraît plus probable qu'il en est redevable à l'Arcadie de Sannazar, qui fut imprimée à Milan, en 1504. Ce sont aussi des bergers qui en sont les héros; et l'on y trouve partout les sentiments et le langage qui conviennent à la vie pastorale. Sidney jugeait fort bien de son ouvrage, lorsqu'il disait que c'était une bagatelle sans prétention. Il ne le composa que pour l'amusement de sa sœur, la comtesse de Pembroke, à laquelle il en envoyait les feuilles à mesure qu'il les écrivait. Cet ouvrage, qu'il n'acheva jamais, n'a point été imprimé de son vivant. Drummond of Hawthornden prétend qu'il avait le projet de le recommencer sur un nouveau plan, et de célébrer les hauts faits du roi Arthur. Quoi qu'il en soit, sa belle-sœur acheva cette production après sa mort, et la publia sous son nom (Louis Gabriel Michaud, Biographie universelle, Tome 39, 1842 - books.google.fr).

La première version offre un roman situé dans le cadre volontairement imprécis d'une antiquité pastorale conventionnelle mais acceptable, en dépit d'anachronismes inévitables à l'époque élizabéthaine. La seconde, au contraire, tout en maintenant l'action dans ce même milieu historique et géographique, y introduit une atmosphère médiévale tout à fait incongrue. Tantôt les bergers arcadiens prennent leurs ébats sur les bords du Ladon, tantôt des chevaliers armés de pied en cap parcourent un pays parsemé de chateaux-forts. Il fallait choisir entre ces deux éléments inconciliables. Sidney semble bien l'avoir vu, s'il est vrai qu'il songea à composer un second roman sur les aventures du roi Arthur (Michel Poirer, Sir Philip Sidney: Le Chevalier Poète Élizabéthain, 1948 - books.google.fr).

P. Sidney a utilisé le modèle des Éthiopiques d'Héliodore (appelées aussi Théagène et Chariclée) pour composer l'ouverture de la version révisée de son poème pastoral, Arcadia.

La première Arcadia, rédigée entre 1577 et 1580, ne comporte qu'un voyageur sur cinq personnages. Elle commence aussi ab ovo et se poursuit selon un schéma linéaire, divisé en «Livre ou Acte», qui évoque plus le modèle dramatique de Térence que celui d'Héliodore. La version composite publiée en 1593 passe à un tiers de voyageurs, comme chez Héliodore. Au même moment, P. Sidney fait débuter le roman in médias res et introduit des récits secondaires rétrospectifs sur le modèle des Éthiopiques. La référence à l'épopée l'emporte sur la comédie humaine. P. Sidney se livre à ces révisions après une relecture, vers 1580, des Éthiopiques, peut-être à l'occasion de la rédaction de l'Apology for Pœtry où le texte est cité. Il se peut même que l'auteur connaisse précisément le «Prœsme» de J. Amyot et qu'il influence sa vision d'Héliodore (Laurence Plazenet, L'ébahissement et la délectation: réception comparée et poétiques du roman grec en France et en Angleterre aux XVIe et au XVIIe siècles, 1997 - books.google.fr).

L'agent structurant, qui remanie le tissu des relations humaines et le transmue, sinon en chose de beauté, du moins en spectacle doté d'une syntaxe interne satisfaisante pour l'oeil et l'esprit, c'est le rituel de la chevalerie, réhabilité, réactivé à la fin du XVIe siècle par Elisabeth, soucieuse de créer pour elle et sa Cour une image de marque qui puisse rivaliser avec celle de l'Espagne et de la France des Valois. La souveraine, semble-t-il, se laissa séduire par les légendes arthuriennes, fixées par Malory dans la Morte d'Arthur, sauvegardées par Henri VIII, puis oubliées ou abandonnées aux «common people» pendant quelques années; comprenant l'intérêt qu'il pouvait y avoir à se donner une dimension mythique comme descendante du héros légendaire, grand chevalier, grand conquérant, elle suscita un engouement, vite partagé par courtisans, proches et ministres, pour un Moyen Age revu, corrigé, adapté aux exigences d'une politique nationaliste, et lavé de toute souillure papiste. [...]

A la Cour, le Moyen Age, rutilant d'armures et d'écus, admirablement utilisable pour les spectacles d'apparat, fit son entrée lorsqu'Elisabeth prit l'habitude de marquer par des tournois l'anniversaire de son arrivée au pouvoir. Les «Accession Day Tilts,» tenus à Whitehall, chaque 17 novembre, devinrent une institution, surtout à partir de 1581.

Le XVIe siècle arrivé à son terme unit dans un même engouement néo-médiévalisme et pastoralisme, deux créations intellectuelles impliquant l'une et l'autre le recours à l'artifice et au «makebelieve.» Nul parmi les spectateurs ne s'étonnera de voir associés des «Wandering Knights,» «Enchanted Knights,» «Unknown Forsaken Knights...,» Pan, Chloris et les Nymphes, et peut-être, puisque les allégories sont aussi à la mode, une Figure du Temps fouettant les destriers.

Convenait-il de suivre Platon, relayé par les Florentins du XVe siècle, et d'admettre que l'art a pour fonction de médiatiser l'Idée de la Beauté, ou fallait-il accepter les injonctions d'Aristote, demandant qu'on s'intéresse au monde perçu par les sens, l'observation devenant prélude à l'activité littéraire ? Dans le premier cas, la poésie se trouvait apparentée à la musique, car harmonie et proportion permettaient aux hommes d'appréhender et de communiquer les réalités transcendantes; par contre, si l'autre proposition était retenue, la poésie rejoignait la peinture comme art d'observation et de description. Sidney hésite. Parfois il semble attiré par Aristote et par la mimesis comme mode fondamental de l'art.

Peintre il est, surtout dans la New Arcadia (Arcadie révisée), et ils convient de citer Claude- Gilbert Dubois, faisant de l'association du pictural et du poétique une caractéristique de style littéraire maniériste (Simone Dorangeon, "Ut Pictura Poesis" : Sidney, témoin de son temps. In: XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles. N°31, 1990 - www.persee.fr).

Marie de Médicis fit traduire l’Arcadia de Sidney avant de négocier un mariage entre sa fille Henriette-Marie et le futur Charles Ier d’Angleterre (1625) (www.septet-traductologie.com - Les traductions françaises au siècle de Louis XIV - books.google.fr).

Les Ethiopiques dont l'auteur se flatte d'appartenir à la race du Soleil (X, 41) baignent dans la religiosité de l'Antiquité tardive. Ses héros se rencontrent à Delphes, ville d'Apollon, dieu du Soleil, au cours d'une procession ; ils se marient en Ethiopie qui est la terre du Soleil et cette union fait d'eux des prêtres consacrés l'un au Soleil, l'autre à la Lune (Suzanne Saïd, La littérature grecque d'Alexandre à Justinien, 1990 - books.google.fr).

On a pensé qu'il pouvait y avoir là un indice pour la date de l'œuvre, puisque le culte du Soleil fut associé au pouvoir sous le règne des empereurs Élagabal (218-222) et Sévère Alexandre (222-235), et connut son apogée sous Aurélien (270-275) (Étienne Wolff, Le roman grec et latin, 1997 - books.google.fr).

Cheverny, Les Ethiopiques et Tintin

Les aventures Théagène et Chariclée sont un sujet de décoration du château de Cheverny, qui a servi de modèle à celui de Moulinsart apparaissant pour la première fois dans Le Secret de la Licorne.

La Chambre du Roi, la plus richement décorée par huit tapisseries réalisées vers 1640 (six dans la chambre, deux sur le palier), d'après des cartons de Simon Vouet représentant les travaux d'Ulysse ; celles-ci proviennent de la manufacture de Paris qui est antérieure à celle des Gobelins. Le plafond à caisson à l'italienne est lambrissé avec des peintures à thème mythologique (histoire de Persée et Andromède, 30 scènes de histoire de Théagène et Chariclée sur les lambris) réalisées, vers 1635, par Jean Mosnier, né à Blois en 1600, et mort dans la même ville en 1656.

La reine Marie de Médicis, qui est exilée dans sa ville natale, ayant reçu en présent le tableau d’Andrea Solario, connu sous le nom de la Vierge au coussin vert, en fait faire une copie par Mosnier, qu’elle donne aux Cordeliers pour remplacer l’original qu’ils lui avaient donné. La reine est si satisfaite de la peinture de Mosnier qu’elle lui accorde une pension qui lui permet d’aller à Rome où il passe huit ans et se lie avec Nicolas Poussin. Son retour en France se fait en 1625 (A. Dupré, Notice sur quelques peintres blésois, Gazette des beaux-arts, J. Claye, 1868 - books.google.fr, Anatole de Montaiglon, Les peintures de Jean Mosnier de Blois: au Château de Cheverny, 1850 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Jean Mosnier, fr.wikipedia.org - Château de Cheverny).

Nicolas Poussin aurait peint une Bacchanale dans une loge à ou près de Cheverny. Il serait passé par Blois et par Cheverny pour s'acheminer à pied vers la capitale «subissant les plus grandes privations et fatigues» (Bellori).

Vous savez que la Loggia du Poussin, cette œuvre de sa jeunesse, exécutée sans doute entre 1616 et 1620, et qui nous serait si précieuse, est détruite. Félibien en parlait avec moins de détails dans ses Entretiens, mais en nous apprenant que Poussin y avait représenté une bacchanale; Piganiol ne fait que copier Félibien, et par là ne nous dit pas si elle existait encore de son temps (Anatole de Montaiglon, Les peintures de Jean Mosnier de Blois: au Château de Cheverny, 1850 - books.google.fr).

Le Secret de La Licorne est le onzième album de bande dessinée des aventures de Tintin, prépublié en noir et blanc du 11 juin 1942 au 14 janvier 1943 dans les pages du Soir. L'album en couleur est paru en 1943 (fr.wikipedia.org - Le Secret de La Licorne).

Ces années, durant lesquelles son génie est reconnu, sont celles d'un travail acharné en solitaire, puis d'une première ébauche d'un studio collectif, avec l'aide de E. P. Jacobs, qui n'est pas encore le célébrissime auteur de Blake et Mortimer, pour la réalisation du dyptique le Secret de la licorne/le Trésor de Rackham le rouge (Bulletin critique du livre français, Numéros 575 à 577, 1996).

Jacobs était déjà là et a "peut-être inspiré Tintin bien plus qu'on ne le soupçonne d'ordinaire" (Philippe Biermé, Chez Edgar P.Jacobs: Dans l'intimité du père de Blake et Mortimer, 2004 - books.google.fr).

Mélancholie et Arcadie :

L’imbrication de la mélancolie et de la pastorale est un fait ancien. Les Idylles de Théocrite s’ouvrent volontiers à l’élégie comme les personnages qui les animent, bergers ou citadins, chantent notamment les chagrins de l’amour. Dans l’idylle V, Thyrsis reçoit un vase magnifique en récompense d'une ode où il a évoqué la mort du légendaire Daphnis. Au coeur de la programmatique idylle VII, Lycidas et Simichidas échangent des poèmes qui célèbrent le plaisir poétique. Il apparaît fondamentalement lié au rappel mélancolique d'une souffrance amoureuse. Le mouvement s’amplifie dans les Bucoliques de Virgile qui s’ouvrent sur les plaintes de Mélibée, exilé d’Arcadie. L'expression de la mélancolie prend une dimension morale et politique, voire historique, nouvelle. Celle-ci continue cependant de se mêler à la peinture plus traditionnelle de la détresse amoureuse de Corydon (Bucolique II), au tombeau de Daphnis que récite Mopsus dans la Bucolique V ou l'évocation des tristes amours de Gallus dans la dixième pièce du recueil. Symboliquement sans doute, J. Sannazaro ouvre ses Eglogæ piscatoriæ (1526), où il se place dans la continuité de Virgile, par un thrène en bonne et due forme. La coloration mélancolique des grandes pastorales romanesques des XVIe et XVIIe siècles ne constitue donc pas une révolution ni un phénomène en soi particulièrement saisissant. Est frappante en revanche l’emprise que la mélancolie gagne dans ces textes. La veine mélancolique n’est qu’un mode du discours dans la pastorale antique qui pratique spécifiquement le mélange des genres, joue volontiers de la dissonance et célèbre au bout du compte un idéal de repos et d’harmonie. Au contraire, elle l’emporte de façon progressivement univoque dans la pastorale romanesque moderne. Sir Philip Sidney conçoit Arcadia à l’origine comme une comédie alternant descriptions idylliques, narration sentimentale, scènes de bouffonnerie, intermèdes poétiques. Au fil des révisions auxquelles il procède, son roman tend davantage vers l’épopée, tandis que combats, deuils et défaites se multiplient. L'ascendant croissant de la mélancolie sur la pastorale s’accompagne d’autre part d'une curieuse propension des oeuvres à demeurer inachevées. L’Arcadia de J. Sannazaro en Italie aussi bien qu’Arcadia de Ph. Sidney en Angleterre, L’Astrée d’H. d'Urfé et La Pyrénée de F. de Belleforest en France, La Diana de J. de Montemayor, La Galatea de M. de Cervantès, le Prado de Valencia de G. Mercader et l’Arcadia et les Pastores de Belen de C. Lope de Vega en Espagne sont concernées par ce double mouvement (Laurence Plazenet, Inopportunité de la mélancolie pastorale: inachèvement, édition et réception des oeuvres contre logique romanesque, Etudes Épistémè, n° 3 (avril 2003) - revue.etudes-episteme.org).

Ce qui permet d'établir un lien entre la chauve-souris, porteuse de la banderole où est inscrit le titre de la gravure de Dürer "Melencolie I", et l'Arcadie.

L'élément arthurien des Bergers d'Arcadie de Nicolas Poussin ne tiendrait qu'à cette anagramme d'ARC EGO, ORCAGE. Ce qui peut paraître un peu léger, car aucun autre élément graphique ne pointe vers cette mythologie. Mais il faut voir tout le substrat culturel s'y rattachant.

Arthur et la Grande Ourse

Autrement dit: Arthur, en latin dans les manuscrits : Arcturus. Sa royauté est inscrite au firmament comme le pôle du monde, l'axe même de la «circuitude», puisqu'Arcturus est dans le ciel nocturne ce magnifique soleil prolongeant la queue de l'Ourse (d'où son nom en grec : Arktos, oura), que, depuis Grégoire à travers Isidore, il se confond avec le Septentrion (la Petite Ourse) et que le Dragon serpente entre les deux Ourses, pour se replier vers l'étoile polaire. Or, comme nous l'apprend J. Fontaine, depuis les Moralia de Grégoire, l'allégorisme astronomique identifie Arcturus à l' Ecclesia (Roger Dragonetti, La musique et les lettres: études de littérature médiévale, 1986 - books.google.fr).

Mais le chariot d'Arthur désigne chez les Celtes la Grande Ourse. Il est bien connu que le nom d'Arthur "qui veut dire en Breton, Ours horrible, ou Marteau de fer, avec lequel on brise les maschoires des Lyons" (André Du Chesne, Histoire generale d'Angleterre, 1614 - books.google.fr).

Quelquefois, les étoiles sont au nombre de sept; alors, quelques archéologues (Polidori. Sepolcri Nazariani. p. 51) estiment qu'on a eu l'intention de représenter en abrégé la constellation de la grande ourse, qui, ne disparaissant jamais de l'horizon, fournissait aux premiers chrétiens un symbole parfait pour exprimer la durée indéfectible du paradis. D'autres, se fondant sur le texte du premier chapitre de l'Apocalypse, regardent les sept étoiles comme le symbole de l'Église catholique. « Le Fils de l'Homme avait dans sa main sept étoiles » Habebat in dextera sua septem stellas (Vers. 16). « Les sept étoiles sont les sept anges des sept Églises. » Septem stellae angeli sunt Ecclesiarum Vers. 20.) Tous les SS. Pères l'ont ainsi entendu. Après S. Cyprien vient S. Augustin qui exprime sa pensée à cet égard avec une clarté ne laissant rien à désirer (De civit. Dei. 1. XVII. c. 4): « L'apôtre Jean écrit à sept Églises, pour montrer qu'il écrit à la plénitude de l'Èglise une : car le nombre sept signifie la perfection de l'Église universelle. » On trouve des témoignages analogues dans S. Victorin, évoque de Petau en Styrie (In Apoc. n. XVI. ap. Galland. t. iv), dans le vénérable André de Césarée en Cappadoce : « Dans ce nombre sept, dit ce dernier, Jean a embrassé le mystère de toutes les Églises existantes en tous lieux. » Primasius, évêque d'Adrumète s'exprime presque dans les mêmes termes (Comment. in Apoc. Basil. 1544): « Jean aux sept Églises qui sont en Asie : ce qui veut dire, à l'Église une et septiforme. » S. Jérôme n'est pas moins formel (In Is. XV): « Jean aux sept Églises. Par les sept Églises, la seule Église catholique est désignée. » Après cela, il n'est guère possible de douter que tel ne soit le sens des sept étoiles sur beaucoup de monuments antiques. Si ce symbole est retracé sur des tombeaux, il doit avoir la valeur d'un acte d'adhésion à la communion de l'Église catholique, comme la formule In Pace dans certaines circonstances (V. l'art, In Pace); et cette interprétation est surtout plausible pour les monuments dont la date rappelle de grands troubles dans l'Église. Les tombeaux de Milan (Polidori. ibid.) seraient dans ces conditions, si, comme l'estiment les savants commentateurs de ces monuments, ils sont du milieu du troisième siècle, époque où se place le schisme de Novatien, le premier antipape.

Une lampe chrétienne du recueil de Santé Bartoli (Ant. lucerne. part. III. 29) a sur son disque l'image du Bon-Pasteur couronné de sept étoiles. Rien n'empêche de voir ici encore le même sens, l'Église étant la couronne et l'œuvre de prédilection du Pasteur divin ; et ce qui corrobore ce sentiment, c'est qu'on voit aussi sur ce monument l'arche de Noé, qui est un symbole indubitable de l'Église (Joseph Alexandre Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 1865 - books.google.fr).