Partie I - Généralités   Introduction   Mondes souterrains   

Que les nonagones soient liés aux mondes souterrains, on peut le supposer avec les lieux particuliers se trouvant sur les tracés tels Ervy dans l’Aube - patrie de Belgrand l’ingénieur des égouts et de l’adduction d’eau de Paris - Uzel, dans les Côtes-du-Nord – patrie de Bienvenüe, ingénieur du métro parisien -, divers sanctuaires dédiés aux Vierges Noires, qui affectionnent les cryptes, des grottes préhistoriques.

L’ancienneté de certains lieux, comme la grotte de la Mouthe (Les Eyzies-de-Tayac), datant du magdalénien à une époque où le niveau de la mer était à –120 mètres par rapport à celui d’aujourd’hui permettrait probablement de mettre les sommets des nonagones qui sont en pleine mer à pied sec. Aujourd’hui, seuls 7 sommets du grand nonagone sont terrestres, 6 du petit nonagone.

Les mondes souterrains, dont les égouts et le métro sont des exemples contemporains et bien réels, sont à la fois séjour des morts, l’Hadès, et lieu de germination qui renferme aussi les richesses minières. Rabelais écrivit dans Pantagruel : « portez tesmoignage que sous terre sont les grands trésors, les choses admirables ». « Car c’est le « Soubterrain Dominateur », le « mussé », le « caché », qui est le maître et le dispensateur des vraies richesses [1]» que Rabelais place dans la terre. Ferdinand Ossendowski et René Guénon firent connaître l’Agarttha qui est aussi un centre souterrain, dépositaire de la Tradition Primordiale, mais qui ne fut pas toujours caché. Dans Le Livre du mystérieux inconnu de Robert Charroux on peut lire que « chez les anciens Perses, il est dit dans un fagard du Chah-Nameh (Le Livre des Rois) que Jam ou Yima, fils de Tahmouras, le Maître du Monde, vit toujours dans une forteresse souterraine, le vara. Le dieu Ahura, prévoyant le cataclysme du déluge, avait donné des ordres précis à Yima pour construire ce sanctuaire abri : « Fais un vara long d’une course de cheval, de largeur et de longueur égales. Porte des représentants de chaque espèce, de petit et de gros bétail, des hommes, des chiens, des oiseaux, des bœufs et des moutons… Dans la partie supérieure tu traceras 9 avenues, dans la moyenne, 6 et dans l’inférieure, 3 » ». Où l’on retrouve le chiffre 9 dans une sorte d’arche de Noé.

Que les secrets soient dans les profondeurs de l’esprit, ou de la nature, on le savait il y a longtemps comme en atteste le Picatrix, traité attribué à Hermès. « Hermès dit : quand j’ai voulu comprendre et conduire à la lumière les secrets du monde et les mystères de la création, je me suis penché au-dessus d’un puits profond et obscur d’où sortait un vent impétueux et je ne pus rien apercevoir à cause de l’obscurité […] Il m’apparut alors en songe un bel homme, d’une solennelle autorité, qui me parla ainsi : prends une chandelle et mets-la dans une lanterne de verre pour que le souffle du vent ne l’éteigne pas. Place-la dans la caverne et creuse au centre de celle-ci ; tu trouveras une image ; tire-la au dehors et elle fera taire le vent du puits et tu pourras ainsi garder la lumière allumée. Creuse donc aux quatre coins du puits et tu en extrairas les secrets du monde, la Nature parfaite et ses qualités, et même les générations de touts les choses. Je lui demandai alors qui il était. Il me répondit : je suis la Nature parfaite, et quand tu désireras me parler, appelle-moi par mon nom et je te répondrai. [2]»

Hermès, ayant vu l’ensemble des choses, comprit et fut en mesure de révéler ces choses qu’il grava. Mais il préféra les cacher pour les garder secrètes. Ainsi se caractérise l’hermétisme, voie d’accès à un enseignement traditionnel, dans lequel l’initié s’engage à ne rien divulguer de ce qu’il a compris. Révélation personnelle et occultation afin que chacun puisse faire la démarche d’apprentissage qui lui fera découvrir par lui-même les secrets de la ou de sa nature.

Comme Hermès, Hécate était vénérée aux carrefours, lieux où il faut choisir sa voie et donc propices au doute et à la manifestation des fantômes qui hantent l’esprit des hommes. Elle régnait sur les trois mondes, mais particulièrement aux Enfers. Déesse des spectres et des terreurs nocturnes, son culte était rendu aussi dans les antres. Hécate était la grande magicienne, maîtresse en sorcellerie, qu’on invoquait par des philtres d’amour et de mort. Elle était représentée par une femme à trois corps, à trois têtes ou bien encore par trois femmes adossées à une colonne. Associée à la lune, elle fut identifiée à Diane par les Romains. Diane fut longtemps honorée jusqu’au début du Moyen Âge, et en particulier par les premiers Mérovingiens, adonnés au culte des « neuf feux » selon les papiers du Prieuré de Sion.

Champs de bataille où sont tombés tant d’hommes, abbayes où étaient célébrées la mort – à la 9ème heure - et la résurrection du Christ, comme symbole de la disparition de nos morts et de leur réappropriation dans nos esprits, ponctuent les tracés des nonagones, mais aussi des lieux de naissance d’hommes et de femmes qui illustrèrent une tradition ancienne portée par de si nombreuses générations, marquant la transmission des anciens à leur descendance d’un savoir intellectuel et émotionnel sur la vie. « Silence, les Dieux sont ici ! Illustres ou inconnus, oubliés ou à naître, de tels lieux nous entraînent, nous font admettre insensiblement un ordre de faits supérieurs à ceux où tourne à l’ordinaire notre vie. Ils nous disposent à connaître un sens de l’existence plus secret que celui qui nous est familier, et, sans rien nous expliquer, ils nous communiquent une interprétation religieuse de notre destinée […] Pour l’âme, de tels espaces sont des puissances comme la beauté ou le génie. Elle ne peut approcher sans les reconnaître. Il y a des lieux où souffle l’esprit [3]».

L’inconscient collectif, autre monde souterrain, a pu diriger l’activité des hommes pour arriver à dessiner une telle structure qui remonte à la nuit des temps. Proposé par C.G. Jung, qui, au cours de ses recherches, dessinait des mandalas lui servant à mettre en relation la personnalité consciente avec le sujet inconscient, il contient des thèmes « dont on peut retrouver la trace loin dans l’histoire et même dans la préhistoire ». Transcendant les religions, les chapelles, s’il varie avec les lieux et les cultures, il nous ramène à une vérité commune à tous les hommes, se perpétuant dans l’histoire.


[1] Chaoying Sun, « Rabelais, mythes, images et sociétés », Desclée de Brouwer, p. 225

[2] Françoise Bonardel, « La voie hermétique », Dervy, p. 84-85

[3] Maurice Barrès, « La colline inspirée », Emile-Paul frères éditeurs, p. 4