Partie IX - Synthèse   Chapitre LXVI - La Rose kabbalistique   Madré   

Madré

Madré est un ancien Materiacus, Materies. Ce sont simplement les éléments propres à la construction, que l'on trouve dans son voisinage, les bois, les pierres, l'argile, qui ont fait tous les frais de son étymologie (Revue de l'Anjou, 1868).

L'église de Madré aurait été fondée par saint Pavace, évêque du Mans. Une dame nommée Casta, accablée de plusieurs maladies, et n'espérant rien des remèdes humains, eut recours à saint Pavace, évêque du Mans, et se fit porter dans l'église où il célébrait les saints mystères. Un seul signe de croix, sur la tête de celte femme pleine de foi, la délivra de toutes ses douleurs. — Une fièvre violente avait réduit à l'extrémité deux jeunes gens, fils d'un seigneur de la province, nommé Bénédic, et de Lop, sa femme. Désespérés de voir leurs enfants prêts a leur être ravis, ils supplièrent saint Pavace de venir les voir. A son arrivée, il fit un signe de croix sur eux, et à l'instant même ils se sentirent tout à fait guéris (Ambroise Guillois? Explication historique, dogmatique, morale, liturgique et canonique du catéchisme, 1863).

Dans la suite du temps, on vit une pestilence surgir dans ce même pays du Maine, et entre autres maux sans nombre, il parut un dragon qui mangeait les hommes et dévorait des troupeaux de différente espèce. Le peuple en conçut une telle frayeur, que personne n'osait rester ou demeurer à moins de cinq milles de distance des lieux où il avait coutume de se retirer. Il arriva dès-lors que tous, hommes, femmes, enfants, vieillards, vinrent trouver Pavace, le saint de Dieu, et, les genoux en terre, se mirent à crier à haute voix: " Venez à nous, bon pasteur, ayez pitié de nous ; car si vous ne nous secourez pas, nous périrons sous la dent d'un dragon qui dévore tous nos animaux et nous poursuit nous-mêmes pour nous dévorer. " Saint Pavace, touché de leurs prières, de leurs cris et de leurs clameurs, supplia le Seigneur son Dieu de secourir le peuple qui lui était confié, afin qu'il ne pérît pas sous la dent du dragon. Or, ce dragon était un grand serpent, et de sa bouche sortait une flamme de feu telle, que les arbustes et les autres plantes sur son passage étaient consumés. Ainsi donc, ceint du glaive de la foi, l'homme de Dieu se dirigea vers l'endroit où il savait que le dragon causait la perte des hommes et des bestiaux. Or, le même saint Pavace était revêtu de la cuirasse de justice et portait sur la têle le casque du salut; ses mains tenaient le glaive de l'Esprit saint et du verbe divin. Muni de ces armes toutes spirituelles et nullement terrestres, il s'avançait pour combattre le dragon. Il se fortifie aussitôt par un signe de croix, vient au-devant du serpent, aperçoit les flammes qui sortent de sa gueule, qui le précèdent et incendient les arbustes et les branches d'arbres: armé de la force de Dieu, il s'approche du chemin par où ce dragon avait coutume d'aller à une fontaine. Mais lorsqu'à la vue de saint Pavace, ce grand serpent se dressait pour le dévorer, le saint, sans crainte, prend l'étole qu'il avait sur les épaules, selon la coutume des prêtres, et avec laquelle il remplissait son ministère et offrait le saint sacrifice; il la jette au cou du dragon; il le lie, le conjure, et l'étend comme mort au milieu dudit chemin. Quant à sa grandeur, nous n'en avons point fait ici la description, nous nous sommes contenté de rappeler l'estimation de la mesure qu'il avait, parce qu'elle se trouvait peinte dans la maison épiscopale construite dans notre ville. Or sa longueur était de dix coudées, et sa grosseur était très-considérable. Saint Pavace, laissant dans le chemin le serpent lié, retourna vers ses frères, appela le peuple, ceux qu'il voulut conduire d'abord avec lui, de peur qu'ils ne déviassentet ne périssent, trompés par quelque ruse du serpent. Dès que le peuple apprit que le serpent était lié de manière à ne pouvoir plus nuire à personne, il rendit grâce au Seigneur et se mit à courir derrière le pontife pour voir le grand prodige opéré par Dieu. Alors saint Pavace reprit son étole, conjura le serpent pour qu'il ne nuisit plus désormais à personne, mais pour qu'il entrât en terre. Ceux qui étaient présents voyant ce serpent débarrassé de ses liens, craignirent vivement qu'il ne se jetât sur eux et les dévorât ; ils commencèrent à se retirer un peu. Saint Pavace leur disait : " Ne fuyez pas, mes frères, ne fuyez pas; il est inutile de craindre; car malgré qu'il soit délivré de mon étole et de mes liens, cependant il est tellement serré par des liens divins, que désormais il ne pourra plus nuire à personne. " Néanmoins, à la vue du peuple qui tremblait et s'effrayait, saint Pavace pria le Seigneur pour que la terre s'entrouvrit et engloutît le serpent. Ses prières furent entendues : la terre ouvrit son sein et engloutit ce grand serpent, comme elle engloutit autrefois Dathan et Abiron, en présence du peuple de Dieu ; et jamais ce serpent ne reparut dans la suite (A. Voisin, Vie de St Julien et des autres confesseurs pontifs ses successeurs, 1844).

Saint Pavace est fêté le 24 juillet.

Le saint du presque 21 juin

Comme aux temps anciens, une procession avec bannières est partie, le samedi 17 juin à 20 h 30, de la chapelle Saint-Aubert pour rejoindre l'église de Madré. Ce village était une étape sur la route du Mont Saint-Michel, de nombreux pèlerins y faisaient halte pour vénérer la relique de saint Aubert, protecteur des biens et de la nature, évêque d'Avranches et fondateur du Mont Saint-Michel.

Dans le pèlerinage de Madré, on invoque saint Aubert pour les biens de la terre et surtout pour la conservation des bestiaux. Le genre humain n'y est point oublié non plus, puisque des mères apportent leurs enfants qui tardent à marcher seuls et leur font faire trois fois le tour de la chapelle. C'est le 18 juin — jour de l'invention du corps de saint Aubert - juin que l'on célèbre la fête du saint patron ; une messe solennelle est chantée et les fidèles se pressent toute la journée devant la relique, dont Mgr Bouvier, évêque du Mans, certifia l'authenticité le 30 juin 1850.

A Madré (Mayenne), une chapelle fut élevée en son honneur. Elle tombait en ruines au XIVème siècle, mais elle fut rebâtie en 1517, date que l’on peut lire sur l’une de ses portes. La chapelle assez grande s’élève au milieu d’un enclos muré. Quelques maisons l’encadrent, elles forment le village de la Chapelle Saint-Aubert. Dans l’intérieur du petit oratoire, on voit les statues du saint évêque d’Avranches et de saint Michel. Elles sont antérieures à la Révolution (Revue de l'Avranchin et du pays de Granville, Volume 8, 1896, Narcisse-Henri-François Desportes, Description topographique et industrielle du diocèse du Mans, 1838).

Fidèle à l'exemple de ses deux prédécesseurs, Hildebert (1009-1017), abbé du Mont-Saint-Michel, s'était chargé du soin de sonner les offices, et, comme eux, à cet effet, il avait choisi la cellule du chanoine Bernier, se faisant ainsi, sans le savoir, le gardien du corps de saint Aubert, qu'il était destiné à tirer de l'oubli. D'après quelques vagues souvenirs du moine Foucault, neveu de Bernier, et sur une invitation surnaturelle, Hildebert fit exécuter dans sa cellule des fouilles, qui amenèrent bientôt la découverte de ce précieux dépôt. Le 18 juin 1010, on leva respectueusement de terre ces saints ossements pour les transporter dans l'église et les exposer sur l'autel, ce qui était alors le grand mode de- canonisation. « Un de ceux qui portaient les sacrés ossements, nommés Hildemannus, dit D. Huynes, entrant en doute de la vérité de ces reliques, tomba soudainement par terre et y demeura jusqu'à ce qu'il eust confessé sa faute, et le corps, qui était devenu si pesant qu'on ne le pouvait porter, reprit sa légèreté naturelle. »

Cette première translation des reliques de saint Aubert a toujours été célébrée dans le diocèse d'Avranches, le 18 juin, jusqu'en 1840, que la liturgie coutançaise y devint obligatoire.

Le corps du saint Evêque, sauf le chef et le bras droit, fut placé dans une châsse magnifique. Le bras droit fut enfermé seul dans un reliquaire, dont on se servait pour les investitures monacales: « Per brachium sancti Auberti. » Le chef de saint Aubert forma aussi un reliquaire spécial (Joseph Deschamps du Manoir, Histoire du Mont Saint-Michel au péril de la mer et du mont Tombelaine, 1869).

L’assemblée patronale avait lieu le dimanche près du 22 juin. Madré est aligné avec Ravières (29 septembre) et le Mont-Saint-Michel.

La Tempérance (in vino veritas)

On appelait « Madré » anciennement une substance précieuse dont on n'a pas encore pu suffisamment déterminer la nature. Plusieurs antiquaires pensent que c'est l'agate onyx. On disait en basse latinité mazer, mazarum,muzdrinum.Quelle que soit cette substance, il est probable qu'elle devait son nom aux veines qu'elle présentait, ce que nous appelons madrures. Cette circonstance la fît comparer à un bois dont les nœuds forment des veines, des taches, des madrures ; nous nommons encore bois madré un bois de cette sorte.

Et quant ils s'en vinrent partir,

Li rois fist cascun de partir

Hanas d'or, de madré u d'argent.

(Roman de la Manekine, v. 2389)

Mazelin signifiait qui est de madré ; un hanap maielin était une sorte de coupe faite de madré. La forme de cet adjectif concorde avec celles des substantifs de basse latinité mazer, mazarum.

Cil senescbal portent partout le vin

En copes d'or, en hanap mazelin.

(Roman de Garin)

Tudesque mosar, nœud du bois ; suédois masu, bois noueux, bois veiné; allemand maser, bois madré, madrure, tache à la peau, éphélide, rougeole; bas allemand mase, tache, marque à la peau, éphélide; angl. measles, rougeole; hollandais mazelen, Hem; danois mezlinger, item. Dans mazdrinum, madré, le d a été intercalé avant le r (Joseph Balt. A: Albin d'Abel Chevallet (baron de), Origine et formation de la langue francaise, Volume 1, 1858).