Partie IX - Synthèse   Chapitre LXIV - Super-étoile (Superstar in english)   Lignières-Orgères, 25 juin   

Lignières-Orgères, 25 juin

Lignières, " terre ou l'on cultivait le lin ", a longtemps conservé la particule " la Doucelle ", nom de la famille qui a probablement possédé la seigneurie de Resne (à 2 km sud-ouest du bourg) dès le XIème siècle. Lignières entre dans l'histoire, vers 940-960, sous le nom de " Linara cum ecclesia ". La donation à cette époque d'un lieu nomme " Linaria " avec son église, par l'évêque Maynard au Chapitre du Mans, peut concerner cette localité qui devint " Presbyter de Linariis " en 1265, date à laquelle un certain Lucas était son recteur. Sa seigneurie paroissiale était rattachée à la terre de Resné, centre d'une châtellenie qui a appartenu aux familles de Doucelle, de La Ferté et de Rohan.

Saint Salomon

Le règne de Salomon marque l'apogée de la Bretagne du haut Moyen Age. Issu probablement de la famille comtale de Cornouaille qui correspond sans doute alors au Poher et pupille de Nominoé (qu'il qualifie de nutritor, " tuteur", dans une charte de 858), Salomon à qui le roi de Francie occidentale Charles le Chauve (840-877) a concédé le tiers de la " Nouvelle Bretagne " (c'est-à-dire des territoire de l'ancienne Marche - 852) paraît avoir d'abord soutenu son cousin Erispoé qui règne de 851 à 857 sur la Bretagne. Mais, sans doute lésé par le projet de mariage entre le fils de Charles le Chauve et la fille d'Erispoé, il assassine dernier pour prendre sa place (857). Il commence par s'impliquer dans les menées de l'aristocratie franque contre Charles le Chauve qui, pour s'assurer de sa fidélité, conclut avec lui le traité d'Entrammes (863). Le roi lui cède alors une partie du Maine (" le Pays entre deux eaux ", de la Mayenne à la Sarthe) où se situe Lignières.

Juin

La paroisse était primitivement consacrée à saint Pierre (29 juin) : " Parrochia Sancti Pétri de Lignièrez " en 1418. L'église est construite en 1712-1713 aux frais du curé Abel Mandoux (ancien missionnaire au Canada), en style baroque à la place de l'ancienne. Elle est aujourd'hui dédiée à Notre-Dame de l'Assomption (www.lignieresorgeres.free.fr).

Au début du XIVème siècle, Guillaume de Doucelle, exécuteur testamentaire de Guy VIII de Laval en 1295, souhaitait fonder un prieuré à Saint-Ursin. " Moyennant une rente de 20 sols, assise en bon lieu près du Mans ", il put obtenir " le domaine de Saint-Ursin avec toutes ses dépendances ", avec le consentement de Robert de Clinchamp, évêque du Mans, le 10 septembre 1302. Il appela aussitôt les religieux de Sainte-Croix de Caen qui vinrent s'établir sur le domaine peu de temps après son acquisition. Guillaume leur donna " la Maladrerie de Couptrain avec tous usages en la forêt de la Monnaie, branche volée et arbres morts, droits de pacage en la forêt pour leurs bêtes de la mi-janvier à la mi-avril, ainsi que trois chênes annuels ". […] Ils jouissaient du " droit de coustume, estalage, persage de tonneaux et autres vaisseaux, tant cidre que vin, au jour et feste de Saint-Ursin (11 juin) et en toute assemblée qui s'y pourraient tenir ". Leur dotation leur fut assurée en 1308 et confirmée, le 26 septembre 1362, dans le testament de la fille de Guillaume, Tiphaine de Doucelle.

En 1434, le prieuré reçut des lettres de sauvegarde des Anglais. Il subit le pillage des huguenots qui enlevèrent le prieur, Jacques Dupont. Cependant l'établissement était encore prospère au XVIe siècle et pendant la première moitié du XVIIème siècle.

L'ancienne chapelle Saint Ursin était bâtie sur l'emplacement d'une source chaude qui passe dans le pays pour jouir de vertus miraculeuses. Cette source avait des vertus thérapeutiques et était indiquée comme source thermale. Une communauté monastique y prospéra du XIIIème siècle à 1770. La source fut en 1923 l'objet d'une demande d'expropriation par la commune voisine de Bagnoles de l'Orne. Dès 1927, l'eau de St Ursin fut utilisée dans la cité thermale voisine mais Lignières ne bénéfira jamais d'aucune contrepartie (lignieres.orgeres.free.fr - Tourisme).

La Chapelle du Calvaire, de style flamboyant, a été édifiée en 1860, en pierre blanche. Elle est dédiée à Saint Jean- Baptiste (24 juin) et à Saint Paul (29 juin) (www.lignieresorgeres.free.fr).

Bon Vieillard

L'acte enregistrant le décès de Louis Lair, survenu au Mans, rue de Wagram, le 25 octobre 1816, à l'âge de 84 ans, indique qu'il était natif de Saint-Marceau. A la vérité, Louis Lair était à sa mort âgé de 80 ans, puisqu'il naquit à Saint-Marceau le 26 mai 1736 de Louis Lair (bordager) et de Marie Richard. Le père du facteur d'orgues Louis Lair (1762- 1826), qui réalisa l'orgue de Notre-Dame de Carentan entre 1803 et 1805 restauré récemment, se maria à Lignières-la-Doucelle en juin 1761.

Jeune Mort

Le maquis - ou camp - de La Gérarderie n'était pas ancien : fin mai 1944, le Commandant Petri ("Loulou") chef des FTP bretons souhaite l'organisation d'un tel ensemble dans le nord- est mayennais. Un endroit "idéal" est trouvé au village de la Gerarderie sur la commune de Lignieres la Doucelle : une ferme est occupée et exploitée par un célibataire, Gustave Bobot, entre la rivière Le Teilleul et la forêt de Monnaye, à plus de 2 km du bourg. L'endroit est isolé, desservi par un cheminet un passage à gué. De nombreuses haies sont alors présentes et les batiments sont masqués par une végétation très dense.

Des groupes de resistants provenant de l'Ille et Villaine (notamment ceux ayant libéré des prisonniers a Vitré), de l'orne, de la Manche ainsi que des locaux s'y rassemblent sur les commandements de M.M. Petri et Viel ("Maxime"), chef de l'AS de La Ferté Macé, la fille de ce dernier, Simone ("Verger") est aussi présente. Ils sont en liaison avec les maquis bretons et mayennais (Fougerolles du Plessis, Saint Mars du Désert et La Baroche Gondoin). La première nuit dans un bâtiment de la ferme a lieu le 5 juin. Armes et ravitaillement sont alors progressivement entreposés au prix de multiples périls. Le but est clair : attaquer les convois allemands en vue de les détruire ou de retarder leur avancée vers le front de Normandie en raison du Débarquement.

Le drame a lieu le lundi 13 juin, en peu d'heures.

Dans la matinée en raison de la présence d'un camion allemand en panne - signalée le 12 au Feugeray près d'Orgères la Roche, deux sections de maquisards s'y rendent et attaquent : cinq Allemands sont tués, trois sont capturés, les autres s'enfuient et donnent l'alerte. Deux maquisards sont blessés.

Dans le meme temps, Daniel Desmeulles, chef départemental de la résistance de l' Orne, qui a rendez vous avec Viel et A. Mazeline (chef pour Flers) arrive à Lignieres chez M. Catois en présence de l'instituteur Royer. Un des résistants blessé - Paul Lasnier - y est soigné. En réaction à l'alerte, de nombreux Allemands investissent Lignières - D. Desmeulles est arrété, torturé et déporté. Il ne rentrera pas. P. Lasnier sera fusillé en soirée. En fin d'après midi, le maquis est encerclé par des troupes et des miliciens venant d'Alençon (environ 200 hommes). Ils ont aussi une enorme supériorité en armement. Les chefs Viel et Mazeline constatent la situation sans pouvoir rejoindre leurs camarades (une quarantaine environ).

Un peu avant 13 heures la bataille commence et fait rage. Des maquisards parviennent à décrocher et à se replier vers la forêt. Ceux qui restent, dont S. Viel qui soigne les blessés (allemands et francais), résistent avec héroisme. Après un accalmie le feu reprend. Les Allemands se rapprochent et des corps à corps ont lieu dans la cour de la ferme qui est incendiée. Trois maquisards réussissent à s'enfuir dont Petri et à rejoindre, dans la nuit, une ferme amie près de Ciral. Cinq résistants sont morts : Gustave Francois Bobot, né le 5 avril 1883 à Lignières, Roland Delattre, Pierre Jouan, Mathurin Alain Le Gac, natif de Pleurtuit, 21 ans, ouvrier imprimeur, et Eugène Richomme, né le 10 mars 1925, à Rennes. Les Allemands ont eu 21 tués dont un officier. Ils s'emparent des blessés et de S. Viel et leur font subir d'horribles sévices ainsi qu'à P. Lasnier, né le 4 janvier 1925, à Laignelet. Vers 23 heures ceux ci sont conduits près du carrefour de la Fouchardiere, alignés le long d'une clôture et exécutés d'une balle dans la tete : Francois Cheminel, né le 26 novembre 1924, à Ernée, Marcel Cotin (cultivateur à la Vacherie, venant chercher sa jument), Robert Gougeon, né le 28 août 1925, à Fougères, Paul Lasnier, Auguste Leduc, né le 9 octobre 1922, à Fougères, René Pele, né le 26 mars 1924, à Fougères, Gilbert Zoccolini, né le 5 avril 1924 en Corse. Simone Viel sera finalement épargnée mais victime de mauvais traitements puis emprisonnée et déportée en Allemagne ou elle retrouvera sa mère. Elle en reviendra. Pendant plusieurs jours les Allemands battent la campagne et menacent les habitants. Leurs recherches de maquisards - qui devront se réorganiser complètement - restent vaines. En représailles, ils incendient la mairie et l'école de Lignières et des batiments à la Cornière et à proximité.

La commune a, ultérieurement, "en raison du lourd tribut payé à la victoire", obtenu une citation à l'ordre du régiment (lignieres.orgeres.free.fr - Maquis de la Gérarderie, assoc.pagespro-orange.fr/memoiredeguerre - Gérarderie).