Partie IV - Techniques et sciences   Chapitre XXXVIII - Techniques   Les débuts du cinéma   

Fondé sur les découvertes de la photographie, le cinématographe associe le principe de projection de la lanterne magique en l’animant aux images fixes. La photographie allie, elle, la chambre noire et les procédés chimiques de fixation des images. Les alchimistes savaient déjà que la lumière transformait l’aspect de « l’argent corné » (chlorure d’argent fondu). Mais aucun manuscrit n’associe cette connaissance à la chambre noire, connue au moins par Francis Bacon au XIIème siècle, que Cardan au XVIème perfectionna en plaçant une lentille devant le trou servant d’objectif afin d’augmenter la luminosité. Par la suite, on plaça un miroir afin de redresser l’image qui s’imprimait sur du papier huilé.

Le cinématographe résulte d’une longue série de recherches commençant véritablement au début du XIXème siècle avec le belge Joseph Plateau (1801-1883) qui établit en 1829 le principe de la persistance rétinienne qui aurait été connue dès le IIème siècle après Jésus-Christ. En 1874, l’astronome Jules Janssen invente le revolver photographique qui enregistra 48 images par seconde le passage de Vénus devant le Soleil. En 1889, William Friese-Green fabrique la première caméra photoramique. 5 ans plus tard, Edison propose son kinétoscope, appareil de projection individuel qui passe des films de 15 mètres de long et de 35 mm perforés. Le Kinetograph s’inspire du chronophotographe de Etienne-Jules Marey qui fixa en 1890 le trot d’un cheval, avec une pellicule perforée résolvant le problème d’équidistance des images.

Le 13 février 1895, les frères Antoine et Louis Lumière déposent le brevet du cinématographe, dont la conception vint au cadet, Louis, pendant une nuit où, alité dans sa maison de Lyon, il ne pouvait pas dormir. « Le premier appareil cinématographique fut construit à l’usine Lumière. Les bandes de pellicule, portant environ neuf cents images, avaient de 15 à 18 mètres de longueur et 35 millimètres de largeur. Sur les deux bords, des ouvertures étaient percées de 20 en 20 millimètres, dans lesquelles venaient s’implanter deux griffes conduites par un cadre métallique, chargées de tirer la bande vers le bas et de la déplacer de l’intervalle qui séparait deux ouvertures, à chaque passage d’un écran mobile. Les griffes remontaient pour attaquer la pellicule dans les deux trous suivants, et ainsi de suite. Chaque image était arrêtée dans le faisceau de lumière projeté pendant 2/45 de seconde, puis un obturateur bouchait la fenêtre du projecteur pendant le déplacement de la pellicule. [1]».

Auguste et Louis Lumière sont nés à Besançon respectivement en 1862 et 1864, fils d’Antoine, né à Ormoy, et de Jeanne-Joséphine Costille qui s’installèrent à Lyon, rue de la Barre. Antoine ouvrit un atelier de photographie et eut l’idée de fabriquer le premier des plaques sèches sensibilisées au gélatino-bromure d’argent selon le procédé d’Abney et que l’on importait de Belgique. Louis améliora le procédé alors qu’il n’avait que 17 ans. Mais la production de ces nouvelles plaques ne fut pas rentable immédiatement. Auguste, de retour de son service militaire, réussit à renflouer l’affaire en négociant un prêt. En 1882, Louis conçut une nouvelle émulsion qui permit de fabriquer les plaques « Etiquette bleue », et Auguste améliora les procédés de fabrication des bains révélateurs et fixateurs, les formules de papier. L’usine de Monplaisir à Lyon compta 800 ouvriers et produisait chaque jour 84 000 plaques photographiques. Auguste et Louis épousèrent des filles du brasseur Winckler, tandis que deux de leurs sœurs convolèrent avec des fils du même brasseur. Tous habitaient dans la propriété de Monplaisir avec Madame Lumière, alors que le père, écarté de l’entreprise pour avoir été trop dépensier, passait son temps en voyage avec une rente versée par ses enfants.

Une première séance privée du cinéma Lumière a lieu rue de Rennes à Paris au siège de la Société d’encouragement à l’industrie nationale du cinéma, puis le procédé est montré à la Sorbonne. La première séance de projection publique et payante se tient au Grand Café rue des Capucines, le 28 décembre 1895. Louis Lumière ne croyait pas à la postérité de son invention. Il répondit au jeune Georges Méliès qui lui proposait de l’acheter : « Mon invention n’est pas à vendre. Mais, pour vous, elle serait la ruine. Elle peut être exploitée quelques temps comme une curiosité scientifique. Mais, en dehors de cela, elle n’a aucun avenir commercial ». Et plus tard, vers la fin de sa vie : « Le Cinéma ? Je n’y vais plus. Si j’avais pu prévoir qu’on en viendrait là, je ne l’aurais pas inventé ».

Raoul Grimoin-Sanson (Elbeuf, 1860 – Oissel, 1941) perfectionna l’appareil de projection des frères Lumière à l’aide de la croix de Malte.

 


[1] Egon Larsen, « Louis Lumière, l’homme qui anima les images », Historia n° 138, p. 509