Rome miroir de l'Arcadie
La lettre écarlatée
" La question sur l'origine, c'est bien l'hébreu rech, la tête et le commencement, le hiéroglyphe de la tête, notre R que " Les bergers d'Arcadie " de Nicolas Poussin, le doigt pointant le signe alphabétique qu'une élégante Romaine interroge sur une tombe. R comme Rome, anagramme de mort, Rome la tête et l'origine, la tombe et la fin. La tombe de la Vie, hayah, Eve. Eve, la Romaine de Poussin. Hayah = vie, oï pour les Grecs, aïe en langue française, car pouvoir politique et pouvoir religieux confondus dans le phonème R du rech désignent l'or d'un homme. La trame est la même dans la séquence sémantique, phonologique, alphabétique Rome, mort, mot, or, ro, rech, R. A l'ombre de quel arbre, cette scène de cimetière se passe-t-elle ? Un orme, peut-être. Art et botanique, le phonème fonctionne, ergo, il existe, l'inconscient a décidé depuis longtemps. Instance fondatrice d'un agir, la volonté consciente du peintre tente la maîtrise de sa propre horreur. Un proverbe chinois indique que le poisson pourrit par la tête " (Sabine Raillard, Françoise Romaine, une aryanisation manquée ?).
Mais il ne faut pas s'arrêter à cette évidence. Il faut refléter les Bergers d'Arcadie pour en tirer toute la signification comme le montre la réprésentation de Shugborough.
Ce sont les bâtons de bergers qui tracent le chemin à suivre dans le labyrinthe, une lettre bâton. Au XVIème siècle, les Clèves, prédécesseurs des Gonzague à Nevers, Rethel et Orval, utilisèrent les bâtons recourbés et enflammés pour symboliser le C de Clèves. Nick Nicholas appelle "Tsan" la lettre mantinéenne qui a la forme d'un N inversé (http://www.tlg.uci.edu). Cette lettre se trouve dans une inscription découverte ou redécouverte par Georges Fougères en 1887 dans l'église byzantine de Mantinée en Arcadie. L'inscription archaïque, du Vème siècle avant J.-C., est connue comme le "jugement de Mantinée", rédigé à la suite d'homicides (une jeune fille et plusieurs hommes : ce qui nous ramène au tableau) survenus dans le sanctuaire d'Athéna Aléa.
Pausanias dit en effet qu'il existait à Mantinée un temple et une statue d'Athéna Aléa. Partie de la ville d'Aléa, cette déesse avait pris à Tégée une place prépondérante. Mantinée n'avait pas voulu laisser à sa rivale le monopole d'un culte si vénéré parmi les Arcadiens qu'il était le lien religieux de l'amphictyonie arcadienne. Alea désigne, dans la langue d'Homère et d'Hésiode, la protection qui éloigne le mal. Primitivement, au lieu d'être, comme dans le texte de Pausanias, un qualificatif accolé au nom d'Athéna, ce mot était l'épithète distinctive de la Déesse: la Protectrice. Ici, le nom, c'est Aléa ; Athéna n'est plus que le qualificatif ; Aléa. Athéna signifie : la déesse Aléa, qui ressemble à Athéna. A Mantinée, la divinité arcadienne paraît avoir subsisté longtemps pure de tout mélange.
Voici comment l'affaire peut être reconstituée et le document interprété: un attentat, sans doute suivi de vol, a été commis dans le sanctuaire d'Athéna Aléa ; plusieurs hommes et une jeune fille ont été assassinés; douze des criminels ont été reconnus, jugés, condamnés ; un treizième, Phémandros, n'est encore que prévenu. On règle les satisfactions dues par les meurtriers, et les satisfactions éventuelles qui pourront être exigées de l'accusé. Le châtiment est fixé par une sentence divine et par une sentence humaine, par la déesse et par des juges. Il consiste en amendes, confiscations, ou interdictions religieuses. Le second chapitre détermine les conséquences liturgiques du forfait et ses effets religieux sur la validité des sacrifices.
Il y a des romans policiers, il y aurait aussi des peintures policières ou tableaux policiers. Si l'on suit la piste mantinéenne, le tableau de Poussin aurait pu porter comme titre Un crime en Arcadie ou Rencontre avec la mort.
Ce signe existe dans divers alphabets grecs et il y possède des valeurs différentes. Sans tenir compte des cas où il n'est qu'une variante renversée du N (Laconie-Tarente) ; il vaut pour B dans les alphabets de Milos (VIème - Vème siècle), de Mégare, Byzance, Sélinonte (Vème siècle), d'Anactorium, Ambracie, Syracuse et Acrae (Vème siècle) ; pour F, en Crète (Vème siècle) et peut-être en Pamphylie ; pour une sifflante dérivée du tsadé phénicien dans l'alphabet de Caere et peut être aussi de Vaste (Théophile Homolie, Remarques complémentaires sur une inscription de Mantinée).
Cette lettre aurait la valeur "ts" à Mantinée (Yves Duhoux).
18 septembre
L'alphabet mantinéen reproduit l'alphabet grec archaïque, mais la lettre san qui n'a jamais été utilisée en Arcadie serait remplacée par cette lettre Tsan qui comme dans l'alphabet étrusque de Caere occupe la même place (Roger D. Woodard, Greek writing from Knossos to Homer).
Alphabet étrusque de Caere où un éclat abime le l et le m
Comme l'alphabet archaïque contient la lettre Digamma (F), Tsan est la 18ème lettre.
Le mois de Septembre est très présent dans la vie de Virgile et les Bucoliques auxquels on doit le mythe prolifique de l'Arcadie. Virgile n'est-il pas mort un 21 ou 22 septembre 19 avant J.-C., peut-être assassiné ? Jean Ruelens, dans Les saisons des Bucoliques de Virgile, considère que le poème fut composé de septembre 41 à décembre 38 avant J.-C. Sa structure, selon Paul Maury et son Secret de l'architecture des Bucolique, répond à une symétrie autour de l'églogue V, tombeau de Daphnis-César entouré des deux colonnes que forment les couples I-IX (confiscations), II- VIII (amour), III-VII (concours), IV-VI (religion et philosophie).
Si le poème parcourt les saisons, les fruits de l'automne, et ceux de septembre l'habitent :
- 1, 80 : " Cependant tu peux, cette nuit, reposer avec moi sur un lit de feuillage. J'ai des fruits savoureux, des châtaignes amollies par la flamme, un laitage abondant. Déjà les toits des hameaux fument au loin, et les ombres grandissantes tombent des hautes montagnes. "
- 2, 50 : " Moi-même je cueillerai les blanches pommes du coing au tendre duvet, et des châtaignes, qu'aimait mon Amaryllis: j'y joindrai la prune vermeille; elle aussi sera digne de te plaire. "
- 3, 60 : " Galatée me jette une pomme, la folâtre jeune fille ! et fuit vers les saules ; et avant de se cacher, désire être vue. "
- 5,5 : " Vois comme la vigne sauvage y étale ses grappes éparses. "
- 7, 50 : " J'ai ici le genièvre et la châtaigne hérissée ; les fruits tombés sous les arbres jonchent partout la terre "
Un Arcadien à Rome
Dans l'Enéide de Virgile, Evandre, qui avait pour mère Carmenta, une prophétesse, et pour père Echémos, le roi de Tégée en Arcadie - ou selon d'autres Hermès -, avait émigré d'Arcadie soixante ans avant la chute de Troie, soit sous la pression des Argiens, à cause d'un homicide involontaire ou d'une rébellion. Selon Denys d'Halicarnasse, Evandre serait venu en Italie avec un certain Salius - originaire, selon certains auteurs de Mantinée même - qui serait peut-être aussi venu avec Enée. On dit aussi que Salius venait de Samothrace ce qui souligne les liens entre cette île et Mantinée. Mantinée fait partie de cette zone mythologique qui s'étend du Péloponnèse central et de la Béotie jusqu'en Asie Mineure, en passant par les îles de Lemnos, d'Imbros et de Samothrace. Certaines associations de dieux et de déesses sont comparables à Samothrace et à Mantinée.
L'existence d'une légende arcadienne d'Enée est attestée aux IIIème et IIème siècle avant J.-C. Elle aurait préparé celle d'Anchise en rapport avec les montagnes d'Anchisiai (" Les voisines ") près de Mantinée.
Dans la région de Mantinée, la cité fondée par Anchise est appelée Capyae, selon Strabon. Or le père d'Anchise s'appelle Capys, lui-même fils d'Assaracos, selon l'Iliade. Virgile raconte la visite d'Anchise en Arcadie. Pausanias mentionne la Montagne d'Anchise au pied de laquelle se trouvent sa tombe et les ruines d'un temple d'Aphrodite. En souvenir de leur participation à la bataille navale d'Actium, les Mantinéens fondent le temple d'Aphrodite Symmachia, protectrice dans les batailles. Le choix d'Aphrodite comme déesse de l'alliance s'explique par la relation qu'elle entretenait avec les deux peuples de Mantinée et de Rome, en particulier la gens Julia à laquelle appartenait Jules César et qui revendiquait la fialiation avec Vénus, l'Aphrodite romaine.
L'événement déterminant serait la venue d'Hadrien en 132/3 à Mantinée où il réactiva d'anciens cultes. Pour satisfaire l'orgueil romain, la légende d'Enée aurait été réactivée par affermir les liens entre Mantinée et Rome (Johann Jakob Bachofen, Le Droit maternel : recherche sur la gynécocratie de l'antiquité dans sa nature religieuse et juridique, Ecole française d'Athènes, Études péloponnésiennes, Numéro 9, 1985).
Dans le chant VIII de l'Énéide, en présence d'Enée, Évandre est en train d'offrir un sacrifice à Hercule, c'est-à -dire d'inaugurer à Rome le culte d'Hercule à l'Ara maxima. La présence des Saliens est mentionnée, mais ils ne font que chanter. Ils porteront avec le roi Numa Pompilius les fameux anciles (La malédiction des anciles).
" Ce que je dis ici, que les Saliens eurent leur origine d'Evandre, qui les conduisit en Italie, est une conjecture bien fondée. Virgile fait trouver chez Evandre de ces Saliens, qui ne servaient alors qu'à la musique, et non pas à des danses. On sait qu'il ne parle pas toujours en Poète, surtout à l'égard des antiquités de sa Nation. Souvent il les avait puisées dans les traditions historiques. Il y a plus. Denys d'Halicarnasse dit, qu'Evandre amena d'Arcadie, avec lui, un certain Salius. J'ai lieu de croire que le mot salire a pris son origine de Salius, qui fut le chef de ces chanteurs , qui dans la fuite mêlèrent des danses à leur chansons. " (François Catrou, Julien Rouillé, Histoire romaine depuis la fondation de Rome).
Il convient finalement de souligner que toute cette ambiance symbolique de l'épisode de la truie se situe dans une continuité: celle d'une évocation de l'Arcadie, présente dans l'œuvre de Virgile depuis les Bucoliques. Rome est reliée à cette source arcadienne, qui enracine son histoire dans une origine mythique, en même temps qu'elle lui donne un sens. L'épisode n'est donc que l'aboutissement romain d'un cheminement souterrain, qui fonde Rome dans sa prétention à être une résurgence de l'Âge d'Or, de même qu'elle est la renaissance occidentale de Troie, la Ville sainte de l'Est. Le fait est que l'imaginaire arcadien éclaire toute l'œuvre de Virgile, des Bucoliques à l'Enéide, en passant par les Géorgiques: il renvoie à un modèle transcendant auquel les romains se sentent reliés, de même que à sa légende. Il n'est donc pas indifférent que la truie apparaisse à Enée au milieu d'un paysage arcadien, à la fois sauvage et accueillant, évocateur des félicités du Paradis (la verdure, l'ombre, la température idéale, l'eau courante toute proche) et annonciateur des conditions privilégiées dans lesquelles Rome pourra se développer (Philippe Walter, Mythologies du porc, 1999).
De plus, selon Plutarque, certains faisaint venir Salius de Mantinée. Numa " établit donc, pour les garder et pour en avoir soin, les prêtres saliens, dont le nom ne vient pas, comme quelques auteurs l’ont imaginé, d’un Salius de Samothrace ou de Mantinée, lequel inventa une danse armée ; mais plutôt de la danse même qu’ils font en sautant, lorsqu’au mois de mars ils portent en procession ces boucliers sacrés dans les rues de Rome, et que, vêtus d’une tunique de pourpre, la tête couverte d’un casque d’airain, ceints de larges baudriers du même métal, ils frappent sur leurs boucliers avec de courtes épées."
Faunus (équivalent italique de Pan, mais qui était un roi humain dans la légende) accueillit Evandre et ses compagnons en Italie et lui offrit la terre pour son royaume. Il n'y avait que des arbres, des pâturages, un peu de bétail et de rares cabanes ; quand il fut arrivé sur le mont Palatin: "Arrête !" lui dit sa mère qui connaissait l'avenir. "Cette campagne sera le siège d'un empire." Le héros de Nonacris (montagne d'Arcadie) obéit à sa mère, la prophétesse. Cette dernière, aux dires de certains, portait tout d'abord le nom de Nicostrata, puis celui de Carmenta, de carmen, car, très versée dans les lettres et capable de prévoir le futur, elle avait coutume de faire des prédictions en vers ; la plupart estime encore que ce n'est pas le nom de Carmenta qui vient de carmen, mais bien que ce sont les carmina qui ont été appelés ainsi, de celle qui les récitait. Carmenta transformera l'alphabet de 13 consonnes que Cadmos avait importé d'Egypte, en l'alphabet latin de 15 consonnes. Evandre enseigna aux peuples d'Italie de nombreux cultes, et en particulier celui de Faunus aux deux cornes et celui du dieu aux pieds ailés, à lire et à écrire, la culture des céréales, l'art de semer, et fut le premier en Italie à atteler les boeufs pour labourer la terre. Evandre choisit l'actuel mont Palatin et lui donna le nom de Pallentée (en latin Pallenteum), en souvenir de sa patrie (Pallantion), en Arcadie; il ainsi fonda une colonie grecque sur l'emplacement de la future Rome. Evandre était déjà bien âgé quand il accueillit amicalement Enée sur le mont Palatin et fut son hôte lors d'une fête commémorant une visite d'Hercule qui revenait avec les bœufs de Géryon. A Rome, un autel était consacré à Evandre, au pied de l'Aventin près de la Porta Trigemina et à sa mère Carmenta, au pied du Capitole, près de la Porta Carmentalis. On découvrit en 1401 la tombe du fils d'Evandre, Pallas, qui contenait une lampe inextinguible. La fête des lupercales furent fondées par Evandre. Les luperques au cours de la fête des Lupercales, à moitié habillés de peaux de chèvres fraichement sacrifiées, se répandaient dans la ville pour fouetter, en particulier, les femmes qu'ils rencontraient avec des fouets assemblant des lanières de cuir de chèvres toujours. Les Crepi latins étaient des luperques. Lupercus viendrait des mots lupus (loup, lupin) et arceo (éloigner). Pan, homme-bouc, était le gardien des troupeaux et leur protecteur. Le mot crepi est en rapport avec la forme archaïque crepa de capra, la chèvre. Crépin, saint patron des cordonniers, et des tanneurs en certains lieux, s'est vu attribué la profession de cordonnier en raison de son nom qui rappelle le latin crepida (sandale) du grec krepis. La peau de chèvre tannée était utilisée comme parchemin, dans la fabrication des cabrettes (cornemuses). Solide, elle est dénommée madras, chagrin, marocain suivant sa fabrication et son utilisation.
Evandre l'Arcadien qui enseigna l'art de semer et de labourer avec des bœufs réunit en sa personne la conjonction entre le Carré SATOR et l'ET IN ARCADIA EGO (Les Bergers).
Les Bergers d'Arcadie et la trace de Rome
Les Bergers d'Arcadie avaient comme pendant la Danse de la vie, ceux de Chatsworth Midas se lavant dans le pactole. [...] L'élément érotique vient du mouvement, de la danse, et non pas de la nudité. Le tableau de Poussin peint à la manière de Raphaël (1483-1520) et sans doute en hommage à la fresque des Stanza du Vatican, Le Parnasse ou Apollon et les Muses nous montre la beauté suprême sous la firme d'une nymphe versant de l'eau d'une urne, femme parfaitement nue gracieusement étendue au centre de la toile. Pourquoi dès lors la femme qui touche légèrement l'épaule du berger de droite est-elle drapée à la romaine ? La raison est que nous sommes ici en face d'une femme en quelque sorte refermée sur son propre mystère ; sa dignité est celle d'une Muse, ou d'une déesse, mais elle n'est pas, ou pas encore, manifestée en toute clarté;, autrement dit en toute nudité. De plus elle ne regarde pas l'inscription, mais plutôt le sol (Jean-Louis Vieillard-Baron, Et in Arcadia ego, Hermann, p. 34).
O GE AIDA CRANITE (Calendrier de Rennes)
Le tableau reflété donne cette phrase qu'il faut lire ainsi. On ne connaît Cranita que par Jean Zonaras, historien, théologien et canoniste byzantin du XIIème siècle d'après le livre X de Dion Cassius (Nicée, Bithynie, vers 155 - idem après 235), historien romain d'expression grecque (Cassius Dio, Livre X).
Les consuls romains Rufinus et Junius envahirent le Samnium, le dévastant et prenant différents forts. Les Samnites convoyèrent leurs plus précieux trésors dans les collines appelées Cranita, en raison de sa couverture de cornouiller (krania). Les Romains, ayant entrepris de les réduire, furent défaits et eurent de nombreux prisonniers.
Le Samnium était une région du sud des Apennins en Italie que contrôlaient les Samnites, un groupe de tribus sabelliennes de -600 à -290.
A ce trésor des Samnites répond celui grappillé par Trophonios et Cercyon (Shugborough).
Pausanias donne une description des lieux sacrés et des monuments civiques de Mantinée qui lui semblent importants : temple double d'Asclépios et des Létoïdes (œuvres respectivement d'Alcamène et de Praxitèle), sanctuaires de Zeus (Sôter et Épidotès), des Dioscures, de Déméter et Coré (où brûlait un feu sacré). Sur l'agora, à côté du théâtre - seul repère topographique donné par le Périégète -, il a vu un temple d'Héra, et la tombe d'Arcas, fils de Callistô, deux monuments repérés par la fouille de Fougères. Ensuite Pausanias décrit le temple d'Aphrodite Symmachia (temple récent, datant de l'époque d'Auguste mais ruiné au IIème siècle après J.-C.) et celui d'Athéna Aléa, pour finalement s'intéresser au cas des "héros historiques": Antinoos divinisé et Podarès, qui combattit à Mantinée en 362 av. J.-C.
C'est en sortant de la ville, après avoir dépassé l'Hippodrome et le stade, qu'il arrive près du sanctuaire de Poséidon Hippios, au pied du mont Alésion (où se trouvait d'ailleurs un alsos de Déméter). En premier lieu, Pausanias souligne l'ancienneté de l'édifice: ce sanctuaire remontait à une époque très ancienne, et fut édifié par deux architectes mythiques Agamédès et Trophônios. Connus pour diverses constructions comme le temple de Delphes ou le thalamos d'Alcmène à Thèbes, ces deux fils du béotien Erginos (roi d'Orchomène) connurent un destin différent: Trophônios devint un dieu (il aurait disparu à Lébadée), alors qu'Agamédès mourut et fut enterré à Lébadée, la tête tranchée par son frère. À Lébadée donc, où l'on trouve l'antre de Trophônios, un culte était rendu à celui- ci au travers d'un bothros (fosse votive), situé dans l'alsos (bois sacré) du dieu d'après Pausanias.
Le hiéron de Poséidon Hippios était interdit aux hommes par un fil de laine tendu par les architectes mythiques : Agamédès et Trophônios. Aipytos, roi d'Arcadie fils d'Hippothoos, provoque le dieu par un acte impie : il rompt le fil de laine et une «vague marine» le rend aveugle, il meurt peu après. Cette légende locale reproduit un mythe bien connu dans le monde indo-européen : le fameux «feu dans l'eau», qui sanctionne les impies et les mauvais rois.
Le trésor d'Augias avait été construit par Trophônios, son demi-frère Cercyon et leur père Agamédès selon la légende arcadienne. Les trois prirent l'habitude de le piller (grâce à un passage secret), mais Agamédès fut pris au piège par la ruse de Dédale : Trophônios lui coupa la tête et s'enfuit à Lébadée, où il bâtit une demeure souterraine (Cercyon s'exila à Eleusis). Cette histoire est racontée par Charax de Pergame. C'est une légende similaire (et peut-être secondaire) à celle rapportée au trésor d'Hyrieus rapportée par Pausanias. On trouve un parallèle, chez Hérodote, en Égypte : le trésor de Rhampsinite (Jean-Christophe Vicent, Recherches sur la personnalité du dieu Poséidon).
Gê ou Gaïa
Gê est la Terre-Mère, Tellus à Rome. C'est en effet le relief et la végétation qui défendirent les Samnites dans les collines de Cranite. C'est une première chose. Mais aussi, les chercheurs de trésors tâchent de se la rendre favorable par des sacrifices. Nous la trouvons, chez les auteurs romains, invoquée de concert avec la Nuit, avec Hécate, avec Luna, dans des scènes d'incantations et de fouilles intéressées (Dictionnaire Daremberg).
Eleusis
Il faut rattacher aux Mystères d'Eleusis - bien que Georges Fougères dise qu'il n'y ait aucun rapport entre eux alors qu'on parle bien des mêmes déesses et de la même légende - les Mystères de Mantinée où Coré avait un collège de prêtres annuels, les Kopagoi, avec la fête des Choragia, des Mystères où on représentait le retour de Coré sur la terre, une procession où la statue de la déesse recevait l'hospitalité chez une femme de la ville et rentrait au temple, accessible au public pour cette circonstance. Pausanias dit formellement que les Arcadiens envisageaient toujours Poséidon comme époux de Déméter quand ils le qualifiaient d'Hippios ; ceci nous induit à constater l'existence de la tradition qui nous occupe à Mantinée, où le dieu avait un temple sous ce nom, tout auprès d'un bois sacré de Déméter (http://www.mediterranees.net).
Cornouiller
Romulus détermina le lieu du mundus par le jet de son javelot rituel de cornouiller : là serait le "centre du monde". Centré sur ce Mundus, Romulus traça avec une charrue d'Airain (ou "de pur cuivre") les deux grandes artères quadrangulaires orientées Est Ouest et Nord Sud qu'on nomme Cardo et Decumanus. Puis il traça les limites de la cité avec sa charrue, en tournant à dextre comme le soleil, versant la motte vers l'intérieur de la cité et faisant ainsi l'amorce du fossé et du parapet, et le peuple des Ramnenses releva alors dans un geste rituel es mottes qui étaient retombées". Romulus "porta" sa charrue pour marquer les Portes de la Cité lorsqu'il arriva près des axes de son ouvrage. Mais, en fait, il n'y avait que trois portes seulement ! En effet, Servius dans son commentaire sur l'Enéide nous dit : " Selon les hommes versés dans la discipline étrusque, il n'y avait pas, pour les fondateurs de villes étrusques, de citée fondée justement, selon les rites, qui ne comporte pas trois portes, religieusement dédiées, autant de rues, autant de Temples dédiés à Jupiter, Junon et Minerve. " " Acropole et Temple dominent la cité et la ferment du côté du Septentrion. Depuis leur siège, dans leurs cellae, a deorum sede, les trois membres de la triade (capitoline) "jettent leur regard protecteur" vers le Sud et barrent toute issue vers le Nord " (R. Bloch, La Religion Romaine, in Le Monde indo-européen, Brepols, B). Après avoir ainsi tracé les limites de "l'enclos sacré", on creusa le Mundus en son centre, une fosse ronde où chacun des citoyens de la cité nouvelle vint jeter une motte de terre venant du foyer clanique de son ancienne patrie, puis : " Sur ce mundus on érigea un autel où brilla le foyer de Rome. Fustel de Coulanges nous enseigne que le rite avait pour objet de transporter à ce foyer les ancêtres ensevelis dans le sol de l'ancienne patrie des fondateurs, ancêtres que la religion interdisait d'abandonner en laissant privés de culte leurs esprits fixés à leurs tombeaux. Le mundus devenait, par la vertu de ce geste, le nouvel habitat de ces ancêtres et, précisément, le terme de mundus désignait, dans l'ancienne langue religieuse des Romains, la résidence posthume des esprits des morts, quelque chose d'identique au penus hanté par les pénates. " Amable Audin, Les fêtes solaires, P.U.F, 1945 (Christian Mandon, Les Origines de l'Arbre de Mai).
Tatius habitait où est maintenant le temple de Monéta ; et Romulus, près du lieu qu'on appelle les degrés de Belle-Rive, qui sont sur le chemin par où l'on descend du mont palatin au grand Cirque, et où était le cornouiller sacré, dont on fait le conte suivant. Romulus, voulant un jour éprouver sa force, lança du mont Aventin, jusqu'à ces degrés, un javelot dont le bois était de cornouiller. Le fer entra si avant dans la terre, qu'il fut impossible de l'arracher : comme le terrain était bon, le bois eut bientôt germé ; il prit racine, jeta des branches, et poussa une belle tige de cornouiller. Les successeurs de Romulus, jaloux de conserver cet arbre, qu'ils honoraient comme un des monuments les plus sacrés, le firent entourer de murailles. Si quelqu'un, en passant, croyait s'apercevoir que son feuillage n'était ni vert ni touffu, et qu'il se flétrissait faute de nourriture, il en avertissait à haute voix toutes les personnes qu'il rencontrait ; elles couraient aussitôt, comme à un incendie, et demandaient de l'eau à grands cris ; tous les voisins y en apportaient des vases pleins, et l'arrosaient. Lorsque César fit réparer ces degrés, les ouvriers, en creusant près de l'arbre, offensèrent par mégarde ses racines, et le firent périr.
Le rituel des Féciaux (Tite-Live, I, 32) prévoit que le prêtre romain, chargé de la déclaration de guerre à l'ennemi, se rendait à la frontière, portant une javeline armée de fer ou en cornouiller à la pointe durcie, pour interpeller l'adversaire. Ce rite répond à une ancienne prescription magique, antérieure à l'introduction du fer. Comme le jet d'une arme sur le territoire étranger, le choix du cornouiller sanguin symbolisait la mort sanglante qui allait fondre sur les ennemis [1].
Le Cornouiller sanguin, Cornus sanguinea, Linn., haut de 4 m, est européen et pousse de préférence dans les sols calcaires et argileux suffisamment frais, très répandus dans les haies et les taillis campagnards. D'un port général étalé, il envoie en tous sens ses rameaux, qui de rouge sang quand ils sont jeunes deviennent grisâtres quand ils vieillissent. Décoratif pendant l'automne avec ce feuillage rouge sang, il le reste durant l'hiver quand apparaît son bois si coloré. Ses feuilles sont opposées, portées sur de courts pétioles, entières, ovales, pointues, et munies de nervures assez proéminentes. Le feuillage d'été n'est pas plus démonstratif que les fleurs blanc verdâtre venant en juin-juillet, naissant après les feuilles ; elles sont disposées en ombelles, dont les rayons sont rameux. Leur corolle est à quatre pétales, à quatre étamines ; l'ovaire se change en une baie noirâtre dans sa maturité. Une haie de cornouillers sanguins en hiver se pare de belles nuances violettes brillantes. Ce cornouiller a une propagation très rapide en raison de sa propension certaine au drageonnage (http://www.jardinbrico.com).
Sur l'Ida, la montagne de Troie, poussaient des cornouillers dans un bois d'Apollon. Les Grecs en coupèrent pour faire le Cheval de bois. Apprenant que le dieu était en colère contre eux, ils se le concilièrent par des sacrifices et appelèrent Apollon "Karneios" d'après krania "cornouiller" (Martine Breuillot, L'eau et les dieux de Messénie).
Le cornouiller sanguin a de nombreux noms : bois punais, bois rouge, cornouiller femelle, olivier de Normandie, sanguine, savignon, puine.
Nicolas Poussin et les Samnites
Cassiano dal Pozzo (né en 1588 à Turin - mort en 1657), était un érudit italien et un mécène des arts. Secrétaire du cardinal Francesco Barberini, neveu du pape Urbain VIII, il était aussi antiquaire collectionnant les œuvres du classicisme romain. Il était aussi un ami de longue date et mécène de Nicolas Poussin qu'il a aidé lorsque ce dernier est arrivé à Rome. Poussin, dans une lettre, a en effet déclaré qu'il était " un disciple de la maison et du Musée de cavaliere dal Pozzo." Docteur ayant un intérêt pour l'alchimie, correspondant de personnes connues comme Galileo Galilei, collectionneur de livres et maitre en dessins, dal Pozzo était un lien majeur dans le réseau de scientifiques européens (fr.wikipedia.org - Cassiano dal Pozzo).
Pietro Anichini, Portrait de Cassiano dal Pozzo
Le "Museo Cartaceo" est une collection de plus de 7000 dessins et gravures, ayant appartenu à Cassiano dal Pozzo (1588-1657) aujourd'hui dispersés entre la Royal Library à Windsor Castle, la British Library, le British Museum, l'Institut de France et différentes collections publiques ou privées.
Parmi ceux-ci, on trouve " Deux vues d'une cuirasse samnite composé d'un triple disque " identifié par Martin Clayton (2004) comme une oeuvre de Poussin.
Cuirasse samnite, attribuée à Nicolas Poussin
C'est l'un des huit dessins faisant partie du Museo montrant différentes pieces d'armures samnite du IVème siècle avant J.-C., maintenat perdues, qui proviennent peut-être d'une même tombe, de la région ds Abruzzes ou des environs de Rome (www.britac.ac.uk - Armour).
La célèbre lettre de l'abbé Louis Fouquet adressée à son frère Nicolas, surintendant des finances de Louis XIV, datée du 17 avril 1656, donne des informations mystérieuses sur un projet commun entre lui et Nicolas Poussin : J'ai rendu à monsieur Poussin la lettre que vous luy faites l'honneur de lui escrire; il en a témoigné toute sa joie imaginable. Vous ne sauriez croire, monsieur, ni les peines qu'il prend pour votre service, ni l'affection avec laquelle il les prend, ni le mérite et la probité qu'il apporte en toutes choses. Luy et moi nous avons projeté certaines choses dont je pourrais vous entretenir à fond dans peu, qui vous donneront par monsieur Poussin des avantages que les roys auraient grand peine à tirer de lui et qu'après lui peut- être personne au monde ne recouvrera dans les siècles advenir; et, ce que qui plus est cela serait sans beaucoup de dépenses et pourrait même tourner à profit et ce sont choses si fort à rechercher que quoi que ce soit sur la terre maintenant ne peut avoir une meilleure fortune ni peut être égale.
Jacques Thuillier, dans Nicolas Poussin, chez Flammarion, 1994, note : Ce projet mystérieux et grandiose pose une énigme. A quelle entreprise merveilleuse pouvaient bien rêver le vieux peintre et le jeune abbé, esprit vif mais tête pratique, et peu susceptible d'enthousiasme inconsidéré ? Quelque grande publication ? On comprendrait mal un tel engouement. Montaiglon a avancé l'hypothèse de grandes fouilles archéologiques, en quelque point de Rome ou du Tibre. Elles sont en effet fort plausibles. Peut-être même Poussin, attentif à la moindre découverte et par le rôle d'intermédiaire qu'il exerçait parfois, en relations plus ou moins suivie avec de fouilleurs clandestins, avait-il repéré un site exceptionnel, dont il détenait le secret : ce qui expliquerait les termes si curieux dont se sert l'abbé.
Comme l'indique la triangulation calendaire à partir de Rennes-le-Château, Edern et Ban-Saint-Martin, le 17 janvier jour de la Saint-Antoine est liée au 19 mai jour de la Saint Célestin V. Et la première fête est très suivie dans les Abruzzes, pays d'origine de Pierre Morrone, le pape Célestin (Calendrier du grand nonagone).
Nicolas Poussin et le Bouvier
A Mantinée, où Cérès et Proserpine avaient aussi un temple, on voyait le tombeau du Bootès (Bouvier), ou d'Arcas, fils de Callisto, compagnon ordinaire de la Cérès céleste. Le lieu où était ce tombeau s'appelait les autels du soleil. Dans notre article sur Janus, nous faisons voir que ce génie était dans la constellation du Bootès ; que par son lever il ouvrait l'année, et que c'est pour cela qu'on mettait à ses pieds douze autels dédiés au Dieu-soleil, qui mesure l'année. Les habitans de Mantinée sacrifiaient aussi à Jupiter Sauveur (Charles François Dupuis, Origine de tous les cultes, ou, Religion universelle, 1835).
Pausanias note dans le Livre VIII de sa Description de la Grèce : "Le tombeau d'Arcas, fils de Callisto, est vers l'autel de Junon. Ses ossements y furent apportés de Ménale, d'après un oracle que les Mantinéens reçurent de Delphes, en ces termes : 4. Il y a une ville de Ménale, très froide en hiver, ou sont les restes d'Arcas, de qui vous tenez tous votre nom ; je vous ordonne d'y aller, d'y prendre religieusement le corps d'Arcas et de l'apporter dans l'aimable ville qui est partagée par trois, par quatre et par cinq chemins [le 3 4 5 des dés du chemin de croix de Rennes ?], de lui consacrer une enceinte, et de lui offrir des sacrifices. On donne le nom d'Autel du Soleil à l'endroit où est le tombeau d'Arcas."
Il existait un temple d'Hercule dans la campagne de Mantinée auprès duquel les Lacédémoniens campèrent pendant un épisode des guerres du Péloponnèse, ainsi que la tombe de Pénélope, qui aurait été répudiée par Ulysse.
La fable d'Esope Hercule et le Bouvier transformée en Chartier embourbé par La Fontaine explique la présence de la boue dans les strophes du Serpent rouge. Rappelons que la morale de la fable de La Fontaine est " Aide-toi, le Ciel t'aidera" : O GÊ... (Retire-moi de la boue).
[1] Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Laffont, p. 291