Partie II - Voyage dans le temps   Chapitre XXIV - Une traversée du siècle   Le procès de Riom   

Le procès de Riom se déroule à partir de février 1942 en application de l’acte constitutionnel du 30 juillet 1940 instituant une « cour suprême de justice » composé de 5 conseillers, hauts magistrats et fonctionnaires. Il s’agissait de juger les responsables de la défaite de 1940. Avant le procès, le maréchal Pétain avait prononcé des peines de détention contre Léon Blum, Edouard Daladier, Paul Reynaud et Georges Mandel.  Les débats du procès prennent une tournure dangereuse pour le régime de Vichy lorsque les accusés rappellent dans leur défense les responsabilités des hautes personnalités militaires, comme le maréchal Pétain et le général Weygand.

« L’erreur la plus grave avait d’ailleurs été faite en 1934-1935. Le prédécesseur de Pierre Cot, le général Denain, avait adressé, au titre du Plan I, des commandes trop considérables pour une industrie encore artisanale, dont les patrons, bricoleurs de génie, ignoraient tout de la production en grandes séries. Faute d’avoir procédé, comme en Allemagne à la même époque, à une modernisation préalable, on subissait des délais d’exécution. D’où l’embouteillage de nombreux ateliers, encore occupés en 1937-1938 à construire des avions neufs mais déjà périmés. « De cette erreur initiale, le ministère de l’Air ne s’est pas relevé », écrit en décembre 1940 le contrôleur Chossat dans son minutieux rapport remis à la cour de Riom. Voilà que les dignitaires de Vichy apprenaient d’un expert que le péché originel n’avait pas été commis en 1936, mais en 1934, par le gouvernement auquel le maréchal Pétain avait appartenu ! [1]». Le Front populaire consacra proportionnellement plus à l’armement que l’Angleterre conservatrice, et procéda à des nationalisations dans l’industrie aéronautique qui permit la modernisation de l’outil de travail. Les résultats ne se firent sentir que plus tard, trop tard. On reprocha à la loi des 40 heures d’avoir pénalisé l’effort d’armement. Son assouplissement fin 1938 permit de réduire le coût de la main d’œuvre, ce qui entraîna un investissement et des embauches massives de la part d’industriels revanchards qui firent preuve d’une absence totale de patriotisme. Le reproche que l’on peut faire au Front populaire, en fait comme à tous les gouvernements de 1934 à 1940, c’est de n’avoir pas appliqué les conceptions de Charles de Gaulle, défendues par Reynaud, sur le corps spécialisé et cuirassé. Le nombre de chars fabriqués en France était comparable à celui des chars allemands, mais ils étaient éparpillés de la frontière suisse à la Mer du Nord.

Le gouvernement jugea plus prudent, Hitler ayant manifesté son mécontentement, d’interrompre le procès le 11 avril 1942. Aucun jugement ne fut rendu, mais les inculpés demeurèrent en prison et furent livrés plus tard aux autorités allemandes.

 


[1] Robert Frank, « Le Front populaire a-t-il perdu la guerre ? », L’Histoire n° 58, p. 64