Partie II - Voyage dans le temps   Chapitre XXII - Révolution   Le calendrier républicain   

La Gironde éliminée, les Montagnards appliquent un régime de terreur avec l’aide du « peuple de Paris », groupuscules excités, sections extrémistes et la Commune. Le gouvernement écrase, grâce à la levée en masse, la révolte fédéraliste et l’insurrection royaliste de Vendée au prix de nombreux massacres. Dans la guerre extérieure, dont la Montagne ne voulait pas, des victoires permettent de desserrer l’étau de la coalition.

Le mouvement anti-religieux, porté par les hébertistes, commence le 5 octobre 1793 avec la mise en vigueur du calendrier républicain et son corollaire le culte décadaire. Une commission dirigée par Romme, fut nommée par le Comité d’Instruction publique. Elle était composée de scientifiques réputés, entre autres : Lagrange, Monge, Lalande. La Convention décrète le 5 octobre 1793 que le commencement de l’an I est fixé à la proclamation de la République (le 22 septembre 1792 qui correspondait à l’équinoxe vrai d’automne). Le 18 octobre, David, Chénier, Fabre d’Eglantine et Romme sont chargés de présenter une nouvelle nomenclature pour le calendrier républicain, promulguée en novembre 1793.

L’année est divisée en 12 mois de 3 décades de 10 jours, se terminant par 5 jours complémentaires, appelés sans-culottides puis fêtes de la vertu, du génie, du travail, de l’opinion et des récompenses. Ce calendrier restera en vigueur jusqu’en 1806 dans le domaine officiel.

A Nantes, alors qu’à Paris on révolutionnait l’écoulement du temps, Jean-Baptiste Carrier, guillotiné en 1794, dirige la répression qui s’abat sur l’Ouest après la défaite de l’insurrection vendéenne à l’automne 1793. On commence par fusiller par paquet les suspects et prisonniers dont le nombre s’élevait à plus de 6000. Pour aller plus vite, Carrier, sur l’idée d’un groupe appelé les Marat, ordonne d’entasser les condamnés dans des gabares qui furent coulées au milieu de la Loire. 3000 personnes furent ainsi tuées, les 3000 autres étant libérées à la chute de Robespierre.

Gilbert Romme, le maître d’œuvre de la réforme du calendrier et membre de la Loge des Neuf Sœurs, est né en 1750 à Riom. Romme, élève des Oratoriens, doué pour les mathématiques, devient précepteur d’enfants de nobles russes, suivant l’un d’eux en Russie. Rentré en France 5 ans après en 1786, il s’installe à Paris et emmène son élève, le jeune Stroganov, aux séances des clubs révolutionnaires. La famille le fait rentrer au pays. Romme, quant à lui, se fait élire député du Puy-de-Dôme, et vote la mort de Louis XVI. Spécialisé dans les travaux de la commission de l’Instruction publique, il favorise le télégraphe de Chappe. Il afficha, après Thermidor, des opinions proches de celles des insurgés du 1er prairial. Arrêté et condamné à mort, il se poignarde pour échapper à la guillotine.

L’amplification du mouvement anti-chrétien est due à l’action d’hommes comme Fouché qui, dans la Nièvre, fait interdire tout signe extérieur de la religion et rend obligatoire le mariage des prêtres.

Le Pellerin, près de Nantes, a vu naître Fouché en 1759. Oratorien, il enseigne les mathématiques et la physique à Arras où il fait la connaissance de Robespierre. De retour à Nantes, il est élu député de la Loire Inférieure à la Convention et part pour Paris. Il est envoyé en mission dans son département et la Mayenne pour veiller au recrutement de 300 000 conscrits, assistant impuissant au soulèvement de l’Ouest de la France. Il accomplit d’autres missions, puis est envoyé à Lyon avec Collot d’Herbois où il laisse se dérouler les massacres des Brotteaux. L’intervention des représentants de la Convention, l’oblige à faire cesser les mitraillages et mettre aux pas les révolutionnaires lyonnais qui s’en plaindront auprès de Robespierre. L’Incorruptible avait lui-même à se plaindre de Fouché qui renseignait les conspirateurs qui fomenteront le coup d’Etat du 9 Thermidor de ce qui se passait au Comité de salut public. Se sentant mal récompenser par les Thermidoriens, il soudoie Babeuf qui, directeur du Journal de la liberté de la presse, s’en prend au nouveau régime, et sera arrêté puis emprisonné pour un article contre Tallien. Babeuf est né à Saint-Quentin en 1760, fut arrêté en 1790 pour avoir fait circuler une pétition demandant l’abolition des taxes, puis compromis dans une affaire de faux en écritures alors qu’il était employé du Conseil général de la Somme. Des protections lui permettront à chaque fois de s’en tirer. Lui vinrent en aide Marat et Thibaudeau. La conspiration des Egaux qui visait au renversement du régime est découverte par un agent infiltré du Directoire. Gracchus Babeuf est guillotiné à Vendôme le 27 mai 1797. Il est reconnu par les marxistes comme un précurseur du socialisme.

Fouché, après avoir favorisé l’insurrection du 12 germinal (2 avril 1795), composée principalement des foules populaires du faubourg Saint-Antoine qui protestent contre les difficultés de ravitaillement, est emprisonné puis libéré par la grâce de la Convention lorsqu’elle se sépara. Au service de Barras, s’occupant de police, il en est nommé ministre en 1799. Passant à Bonaparte, il favorisera le coup d’Etat du 18 Brumaire en s’abstenant d’entraver son déroulement et en neutralisant les Directeurs. Il continuera sa mission de ministre sous le Consulat et l’Empire avec une interruption due à la suppression de son ministère. Malgré les changements de régime, il se maintiendra, mais devant l’opposition des ultras lors de la seconde Restauration, le régicide quittera la France pour mourir riche à millions à Trieste en 1820.

L’atteinte portée à la religion catholique culmine lors de la cérémonie du Culte de la Raison à Notre Dame de Paris le 10 novembre 1793. La Raison était incarnée par Mademoiselle Aubry, qui en 1807 fit une chute depuis un cintre où elle se trouvait incarnant Minerve dans le Retour d’Ulysse de Milon. Elle mourut infirme en 1829, peu de temps avant sa fille Fanny, danseuse à l’Opéra de la rue Richelieu qui fut détruit pour être remplacé par un monument expiatoire en mémoire du duc de Berry, assassiné à la sortie de la salle de spectacle. « Par un revirement singulier, propre à frapper les imaginations éprises de symétrie symbolique, Dieu venait de rendre à l’Opéra la visite que celui-ci lui avant faite un quart de siècle auparavant, à Notre Dame [1]». La femme d’Antoine Momoro tint aussi ce rôle de déesse Raison. Celui-ci, né à Besançon en 1756, organisateur des fêtes révolutionnaires, est l’inventeur de la devise « Liberté, Egalité, Fraternité », obtenant qu’elle soit inscrite au fronton des édifices publics. Libraire-imprimeur de profession, fervent révolutionnaire, il devient titulaire de la lucrative concession des travaux typographiques de la Commune de Paris. Un des meneurs de la pétition demandant la déchéance du roi en juillet 1791, il participe à l’insurrection du 10 août. Participant à l’éviction des Girondins, il mécontente Robespierre qui lui reproche d’être partisan de l’égalité des fortunes, agrarien, soit communiste avant la lettre. Il est guillotiné le 4 mars 1794 à Paris.

La Convention redoute un mouvement qui n’est pas issu du sommet du pouvoir et qui risque de détacher les catholiques de la Révolution. Par un discours elle met en garde les hébertistes. Robespierre, lui-même hostile à l’athéisme, fait organiser le culte de l’Être suprême allié à celui de patriotisme et du civisme. Véritable religion d’Etat destinée à remplacer le catholicisme, le culte est organisé par le peintre David. Une procession conduite par Robespierre se rassembla sur une montagne artificielle sur le Champ-de-Mars. Accusé par certain de tyrannie à la suite de cette manifestation, Robespierre tombera 50 jours plus tard. L’affaire Catherine Théot, grossie par Vadier et le Comité de sûreté générale, entachera la renommée de Robespierre qui était reconnu par la devineresse comme le nouveau messie.

Robespierre, perdant peu à peu son prestige, voudra effectuer une nouvelle purge dans les rangs de la Convention, et se perdra, entraînant entre autres dans sa chute le théoricien de la terreur, "l'archange" Saint-Just (Verneuil, 1767 - Paris, 1794) qui s'installa avec sa famille à Blérancourt en 1776 et où il devint député et lieutenant-colonel de la garde nationale en 1789 et Fouquier-Tinville (Hérouel aujourd'hui Foreste, 1746 - Paris, 1795). Une majorité de conventionnels votera l’arrestation des chefs de la Montagne qui perdra le soutien des sans-culottes démobilisés et de la population parisienne finalement écœurée par les exécutions à la chaîne.


[1] Georges Lenôtre, « La déesse Raison », Historia n° 130,  p. 233