Partie IX - Synthèse   Chapitre LVI - YOR DAN   Le Joudain et le Bapême du Christ   

Le mont Hermon est une longue chaîne de montagne de près de 40 km du nord au sud. Cette chaîne forme la frontière naturelle entre trois pays. Sa pente ouest appartient au Liban, sa pente est à la Syrie, sa pente sud à Israël. Les arabes l'appellent "Djebel es-Scheikh" (la montagne-tête). Car elle est la tête de toutes les eaux qui irriguent la région: de sa pente ouest sort le Litani, fleuve du Liban; de sa pente est, le cours d'eau qui arrose l'oasis de Damas ; de sa pente sud jaillissent les trois sources des trois rivières (le Hasbani du Liban, le Dan d'Israël et le Banias de Syrie) qui, en confluant, forment le Jourdain.

A Banias "la montagne accouche du fleuve". Autrefois, avant qu'un tremblement de terre n'obstrue la grotte située au pied de la falaise, l'eau s'échappait de cette grotte, phénomène qui émerveillait la population. Lors de la fonte des neiges, vers la fin du mois de mars ou en avril, l'eau sourd désormais de plus bas que la grotte.

Paysage de Banias et Grotte de Pan

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Le site était connu sous le nom de Baal Hermon et Baal Gad dans l'Ancien Testament. Hérode le Grand, vers 20 av. J.C., avait agrandi la ville fondée par les Grecs vers 195, en ce lieu déjà dédié au dieu Pan depuis le IIIème siècle avant J.C. En l'an 4 après. J.C, " Philippe embellit extrêmement Panias qui est près des sources du Jourdain et la nomma Césarée ", écrit Flavius Josèphe. La ville prit le nom de Néronias sous le roi Agrippa le Jeune. Des vestiges de la ville antique subsistent. Des inscriptions dans les niches mentionnent de grands donateurs. Une niche abritait une sculpture d'Echo, nymphe de montagne et épouse de Pan. Une autre niche abritait le père de Pan, Hermès, fils de la nymphe Maia. Le nom Panias est devenu Banias par déformation arabe. Aux IVème ou Vème siècle après J.C., la ville devint un siège d'évêché. Eusèbe, le baptiseur de Constantin, fut évêque d'une autre Césarée, Césarée de Palestine. Au XIIème siècle, Césarée de Philippe fut surplombée par la " Forteresse de Nemrod ". C'est à ses environs, que le Jésus demanda aux apôtres : " Que dit-on de moi autour de vous ? (Mc 8,27). Les réponses fusent : " Certains disent que tu es Jean Baptiste ressuscité, d'autres que tu es Elie qui doit revenir, d'autres que tu es un prophète... " Alors Jésus leur pose l'interpellation directe pour qu'ils formulent leur propre conviction sur son identité: " Et pour vous, qui suis-je ? " (Mc 8,29) Avec sa fougue habituelle Pierre répond le premier. " Tu es le Christ ". L'Evangile de Matthieu ajoute à cette confession de la messianité de Jésus la confession de sa filiation divine: "Tu es Fils de Dieu " (16,16).

Jean-Baptiste a été présenté en " homme sauvage " dans maintes représentations. L'une des sources du Jourdain où il baptisa le Christ ayant été consacrée à Pan autre incarnation de la sauvagerie opposé à Apollon, un lien entre ces deux figures mythologiques s'impose. Symbole de la " nature ", voire de l'Inné, l'autre source se rapporterait à l'Acquis : éternel débat.

A Dan, il s'agit d'une cinquantaine de sources et de puits artésiens jaillissant au milieu d'une forêt A l'inverse de Banias, tout au long de l'année, la source de Dan, quelques kilomètres plus à l'ouest, a un débit (40.000 m3 à l'heure) permanent. La ville de Dan a un passé beaucoup plus ancien que celui de Banias ; les fouilles y trouvent des traces du IIIème millénaire. Au XIème siècle, elle s'appelait Laïsh et fut conquise par la tribu de Dan (Jg 18,27-31) et en 931 Jéroboam y établit un temple de Yahvé (1 R 12.29). Il y plaça aussi un de ses veaux d'or, et Hérode avait élevé au même lieu un temple à Auguste; on en retrouve encore quelques débris. Dan était la limite nord de la Terre Sainte. L'expression "de Dan à Beershéva" est fréquente dans la Bible.

Saint Jérôme fait dériver le nom de Jourdain de Yor, qui signifie source et de Dan la ville de la tribu de Dan. Vers l'an 765, saint Guillebaud (Willibaldus), religieux de l'ordre de Saint- Benoît, fit aussi le pèlerinage de la Terre-Sainte. Il nous est resté deux relations de son voyage, dont l'une a été écrite par une religieuse, toutes deux sont fort courtes. On y voit que le pieux voyageur, comme la plupart des écrivains de ce temps, fait naître Jourdain de deux sources ou ruisseaux, qu'il appelle comme eux, le Jor et le Dan.

Un célèbre apocryphe, attribué à Méthode de Patara, nous apprend que l’Antéchrist descendra de la lignée de Dan. Ce même texte nous renseigne sur Gog et Magog, mais jamais les tribus encerclées par Alexandre-le-Grand ne furent associées aux Juifs, c’est pourquoi dans les légendes de ce cycle les Juifs ne sont jamais présentés comme les complices de l’Antéchrist. Selon une tradition qui s'est conservée dans ces contrées, Dan, cinquième fils de Jacob, serait enterré non loin de Banias. Jacob avait dit de ce fils : " Dan sera un serpent dans le chemin, un céraste dans le sentier; qui mord le pied du cheval, et celui qui le monte tombe en arrière. " (Gen, 49,17) et Jérémie, 8, 16 : " Le hennissement des chevaux se fait entendre du côté de dan. Et au bruit de leur hennissement, toute la terre tremble ; ils viennent, ils dévorent le pays ". Une autre tradition dit que l'Antéchrist sera tué à Lydda, près de Kamleh.

La véritable source de cette rivière se trouve cependant à deux lieues plus haut, dans le petit bassin appelé par les Grecs Phiala, c'est- à-dire tasse, et qui s'appelle aujourd'hui Birket el-Ram. C'est là que le tétrarque Philippe, pour s'assurer si c'est la même rivière, fit jeter de la paille qu'on vit peu de temps après sortir sous la grotte de Banias.

A une petite distance, le Banias reçoit le Dan, puis le Nahr-Hasbani, qui est le plus considérable. Ces trois rivières réunies portent alors le nom de Jourdain. Resserré dans un lit étroit, le Jourdain va bientôt se jeter dans le lac Houlé (Bahrat-Houlé), c'est-à-dire lac de la vallée. L'Écriture lui donne le nom d'Eaux de Mérôm (eaux de la hauteur); les Grecs l'appelaient lac Samakhonitique : ce mot, probablement dérivé de l'arabe, a la même signification que le mot hébreu ; selon d'autres, il signifie poissonneux. Ce lac, à la fonte des neiges, a environ trois lieues et demie de longueur sur une lieue de largeur. Il n'a presque pas d'eau en été; des sangliers et des serpents remplacent, pendant cette saison, les poissons qui y abondent en hiver. C'est près des eaux de Mérôm que Josué défit Jabin, roi d'Asor, et les autres rois qui s'étaient ligués contre Israël. (Jos., xi, 5, etc.) En été des roseaux, le papyrus et d'autres plantes aquatiques, croissent sur son sol noir et gras, et des bêtes sauvages, des sangliers et des serpents y cherchent leur demeure. De là la vallée se rétrécit extrêmement, et le Jourdain parcourt 25 km environ, avec une très grande rapidité, entre le bras est de l'Hermon et les montagnes de Nephthali. A deux km au-dessous du lac Mérom est un pont qu'une tradition inexacte à nommé pont de Jacob. Après une quarantaine de km, il entre dans le lac de Génésareth, qu'il alimente et d'où il ressort 25 km plus bas. Son cours se régularise alors, et l'espace de 100 km environ il marche du nord au sud, presque parallèlement à la Méditerranée, dans une vallée chaude et profonde appelée la grande vallée du Jourdain (arabe, El Ghor], très étroite d'abord, mais qui s'élargit vers le midi. Les deux parois de montagnes qui forment cette vallée ne présentent aucune interruption sensible. La chaîne orientale est la plus élevée, la plus continue et la plus uniforme. La vallée du Ghor se divise en trois parties : la supérieure, qui participe à la nature du lac de Tibériade ; la moyenne, dont la largeur est de 7 à 8 km, et qui présente de beaux pâturages, quelques habitations et quelques ruines ; enfin le Ghor inférieur, qui participe a la nature de la mer Morte ; sa largeur est de 20 km ; il comprend la campagne de Moab sur la rive orientale, et celle de Jéricho sur la rive occidentale.

Selon une légende très ancienne, Adam et Eve, après leur péché, auraient dû, chacun séparément, faire pénitence dans le Jourdain pendant quarante jours, y laver leur faute, puis rentrer dans le paradis. Adam soutint l'épreuve fidèlement; mais Eve se laissa de nouveau tromper par le démon, qui, celte fois-ci, avait pris la forme d'un ange : elle sortit trop tôt, et gâta encore une fois toute l'affaire.

La rive droite du Jourdain a été donnée à la tribu de Benjamin, et la rive gauche vis-à-vis aux tribus de Ruben et de Gad, et plus au nord à la demi-tribu de Manassé. Toute la contrée située à l'est du Jourdain était le pays de Galaad, appelé dans la suite Pérée, d'un mot grec qui veut dire au-delà. Les montagnes commencent à deux lieues du Jourdain, et s'élèvent à pic comme de puissantes murailles. Sur leur croupe, elles portent un vaste plateau habité par des Arabes indépendants, nomades et sédentaires ; elles sont connues sous le nom de Djebel Belka. Il est souvent fait mention du Jourdain dans l'Ancien Testament à l'occasion des guerres des Hébreux avec les Moabites, les Ammonites, les Madianites, les Philistins, et à l'époque des Maccabées.

L'Ecriture sainte parle du Jourdain en près de deux cents endroits : on sait les miracles dont ce fleuve a été le témoin, le partage de ses eaux sous Josué, 3,13 ; comment Elie et Elisée le passèrent à sec, Rois 2,8 ; comment le fer de la hache surnagea, 2 Rois 6, 6-7.

Mais ce fleuve doit surtout sa célébrité à saint Jean-Baptiste et au baptême Jésus. Toute la Judée venait sur ses rives entendre les prédications du Précurseur; le peuple confessait ses péchés, et il était baptisé par lui dans le Jourdain. Saint Jean-Baptiste prêchait et baptisait sur les deux rives du Jourdain, notamment à Béthanie, située sur la rive orientale. Origène appelle ce lieu Beth-Abara, c'est-à-dire, lieu du passage. Jésus vint aussi de la Galilée pour être baptisé. Ce fut alors que les cieux furent ouverts, et qu'on entendit une voix qui dit : " Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j'ai mis toutes mes complaisances. "

© M. Moleiro Editor www.moleiro.com

baptism of Christ, f. 189r - Beatus of Gerona

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Le Beatus de Gérone fut réalisé vers 975 dans le scriptorium de San Salvador de Tábara. Il débute avec un Christ en Majesté et la Croix, suivi d'une vision du paradis et de 6 miniatures représentant les évangélistes. On y trouve des généalogies et un cycle remarquable de la vie et de la mort du Christ. Le codex contient des éléments musulmans et carolingiens. L'image présentée a été reprise dans un manuscrit du XIIème siècle conservé à Turin.

De là, les nombreuses représentation du Baptême du christ présent sur le petit nonagone en particulier : Prudhomat (groupe sculpté), Illiers-l’Evêque (tableau), Saint-Lubin-les-Joncherets (fonts baptismaux), Conlie (bas-relief), Nantes (tableau), Bouin (retable), Ligny-le-Châtel (Bas-relief), Onlay (tableau ), La Rochelle (tableau de retable), Le Château-d’Oléron (retable), Villenauxe-la-Petite (retable), Bray-sur-Seine (fonds baptismaux), La Fontenelle (fonds baptismaux), Morigny-Champigny (verrière), Bonnemain (verrière), Boutervilliers (retable), Saint-Mard (peinture), Auvillar (tableau), Bligny-sur-Ouche (retable).

Sources

Jacques Mislin, Les saints lieux, pèlerinage à Jérusalem

Vianney Delalande