Partie X - 22 v’la l’Tarot   Chapitre II - Kabbalisation du Tarot   Le Bossu (P. Féval) - El Gobbo   

C’est à la Saint-Michel 1816 que Paul-Corentin Féval vit le jour à Rennes dans une honorable famille de magistrats. Orphelin à onze ans, Paul poursuit ses études comme pensionnaire boursier et les acheva par une licence en droit obtenue en 1837. Paul avait choisi le barreau et sans doute rêvé de plaidoiries vibrantes et de succès époustouflants. Le nouvel avocat alla d’échec en échec... Un autre aurait pris patience ou aurait fait son deuil d’égaler Démosthène. Pas le jeune maître Féval. Sans demander conseil à personne et sans prévenir, le garçon jeta la toge aux orties et embarqua dans la première diligence pour Paris.

En 1841, un éditeur avec lequel il entretenait de vagues relations le contacta : il avait un manuscrit inachevé sur les bras et besoin d’urgence d’un "nègre". Dans ce métier, seuls les fous font les difficiles... Paul avait mangé assez de vache enragée ; il accepta l’offre. Bien lui en prit !

D’abord intitulé "Aventures d’un émigré" avant de devenir "Les Mystères de Londres", le roman, signé du pseudonyme de Sir Francis Trolopp, obtint des chiffres de vente vertigineux. Les titres succédèrent aux titres et Féval put largement subvenir aux besoins de son ménage et des huit enfants qui devaient lui naître par la suite. [Mais] une fois pour toutes, le romancier reste l’auteur du "Bossu".

L’histoire de Paul Féval s’acheva tristement. Veuf, ruiné, paralysé, il mourut dans un hospice religieux en 1887. Converti, devenu très pieux, il avait consacré son temps à expurger ses livres qu’il trouvait impies, à y introduire des morales chrétiennes. Son fils, Paul junior, fit carrière en ajoutant des pans entiers à l’œuvre paternelle : "La jeunesse du bossu", "Les chevauchées de Lagardère", "Le fils de Lagardère" et même "La petite-fille de Lagardère".

Son père ne l’ayant pas précisé dans "Le Bossu", Féval fils naturalisera Henri de Lagardère natif du sud-ouest et situera ses racines familiales quelque part aux environs de Lourdes, en Bigorre donc (Anne Bernet, La Gascogne chevaleresque de Paul Féval).

Philippe(s)

Le père d’Aurore, Philippe de Nevers dit aussi Philippe de Lorraine, semble rassembler le caractère des personnages historiques et libertins du Chevalier de Lorraine et de Philippe Mancini, neveu de Mazarin et duc de Nevers.

Philippe de Lorraine-Armagnac, dit le Chevalier de Lorraine, né en 1643, fils de Henri de Lorraine, comte d'Harcourt et époux de Marguerite Philippe du Cambout, était le favori du duc d'Orléans, Monsieur, frère du roi Louis XIV.

Beau comme un ange, mais dénué de tout sens moral, il fut l'amant du frère du roi (son aîné de trois ans) dès 1658, et fut logé par celui-ci au Palais-Royal.

L'abbé Philippe de Lorraine était mort à Paris, le 8 décembre 1702, âgé de soixante ans. Il était également abbé de Saint-Jean-des-Vignes, de Saint-Pierre de Chartres, de la Sainte-Trinité de Tiron, et avait été créé chevalier de l'ordre du Saint-Esprit, en 1688.

Philippe Mancini (26 mai 1641 à Rome-8 mai 1707 à Paris) fut créé, en 1660, duc de Nevers, duché acheté par son oncle, mais le parlement de Paris refusa d'enregistrer la création. Une nouvelle création en 1676 n'eut pas plus de succès. En 1661, il hérita d'une partie de la colossale richesse de son oncle. Saint Simon décrit Nevers d'une manière à souligner sa marginalité : «C'était un Italien très italien, de beaucoup d'esprit facile, extrêmement orné, qui faisait les plus jolis vers du monde […] ; un homme de la meilleure compagnie du monde, qui ne se souciait de quoi que ce fût ; paresseux, voluptueux, avare à l'excès […] Il voyait bonne compagnie, dont il était recherché ; il en voyait aussi de mauvaise et d'obscure, avec laquelle il se plaisait, et il était en tout extrêmement singulier (Giovanni Dotoli, Les Méditerranées du XVIIe siècle, Volume 137 de Biblio 17, 2002).

Les nièces et les neveux de Mazarin étaient son œil et sa voix parmi les adolescents royaux. Ce fut très tôt le cas de Philippe Mancini, qui poussa son homonyme vers le libertinage et l'homosexualité — ce qui lui vaudra d'être enfermé dans une forteresse des Ardennes (www.wikitau.org - Tau, Simone Bertière, Les reines de France au temps des Bourbons: "Les femmes du Roi-Soleil", Volume 2, 1998 - books.google.fr).

Le caractère libertin des héros de Féval est manifeste. « Vers cette époque, Philippe de Lorraine, duc de Nevers, un des plus brillants seigneurs de la cour de France, vint habiter son château de Buch, dans le Jurançon. Il atteignait à peine sa vingtième année, et, pour avoir usé trop tôt de la vie, il s'en allait mourant d'une maladie de langueur. L'air des montagnes lui fut bon : après quelques semaines de vert, on le vit mener ses équipages de chasse jusque dans la vallée de Louron. »

« Gonzague était un homme de trente ans, un peu efféminé de visage, mais d'une beauté rare au demeurant. »

« Gonzague sonne aussi haut dans l'histoire que Bouillon, Este ou Montmorency. Ses liaisons valaient sa noblesse. Il avait deux amis, deux frères, dont l'un était Lorraine, l'autre Bourbon. Le duc de Chartres, neveu propre de Louis XIV, depuis duc d'Orléans et régent de France, le duc de Nevers et le prince de Gonzague étaient inséparables. La cour les nommait les trois Philippe. Leur tendresse mutuelle rappelait les beaux types de l'amitié antique. Philippe de Gonzague était l'aîné. Le futur régent n'avait que vingt quatre ans, et Nevers comptait une année de moins. » (www.inlibroveritas.net - Le Bossu).

L'Abbé Trithéme fait remonter l'origine de Sedan a trois siècles avant Jésus-Christ ; il dit que Basan, roi des Sicumbres, après avoir vaincu les Gaulois, aurait construit plusieurs forts sur la Meuse, et que son fils Sedanus aurait donné son nom à l'un d'eux. Celte tradition passe pour fabuleuse; l'existence de Sedan n'est authentiquement constatée que dans une charte de 1289. C'est à Evrard III, Comte de la Marck, que celte ville doit la construction de son château, dont ce seigneur aurait posé les premiers fondements en 1446. Le premier avoué connu de Sedan et de Balan est Gérard de Jausse ; il vivait en 1298. Guillaume, son fils, secoua l'autorité des Abbés de Mouzon; il mourut en 1360; sa sœur, Marie, hérita de ses biens el les apporta en dot à Hugues de Brabançon, seigneur de Bossu; plus lard, Guillaume de Braquemont obtint du roi Charles VI l'investiture de la seigneurie de Sedan. A sa mort, Louis de Braquemont, son fils, la céda à son beau-frère, Evrard III de la Marck, qui avait épousé Marie de Braquemont, en 1410. Ce fut ce seigneur qui, après avoir acquis la terre de Florenville, en 1428, commença à fortifier Sedan, en 1446. Son fils et son pelit-fils acquirent ensuite Raucourt, du comte de Rethel, en 1448 et 1450 (Jean François Louis Jeantin, Les chroniques de l'Ardenne et des Woëpvres, 1851).

Des La Marck sont issus les Clèves, en possession du Nivernais, alliés aux Gonzague.

Le personnage de Philippe de Gonzague rappelle donc les Gonzague de Mantoue dont certains membres vinrent en France au XVIème siècle et devinrent duc de Nevers. Mais à l'époque du roman les Gonzague n'étaient plus maître de Nevers.

Le Soleil

Les considérations mythologiques sur le roman « Le Bossu » donnent à penser que Féval s’est inspiré de l’archéologue Caylus pour nommé le père d’Aurore.

Anne-Claude-Philippe de Tubières de Grimoard de Pestels de Lévis de Caylus, marquis d'Esternay, baron de Branzac, dit Anne-Claude de Pestels, ou le comte de Caylus, né à Paris le 31 octobre 1692 et mort le 5 septembre 1765, est un « archéologue », antiquaire, homme de lettres et graveur français. Il est l’auteur de nombreux contes érotiques, dont l’inspiration lui vint certainement de la fréquentation des milieux louches du Paris de l’époque. Ces contes, parmi lesquels Histoire de Mr. Guillaume, cocher datée de 1730, furent rassemblés dans plusieurs éditions, dont Œuvres badines complètes en 1757. Caylus eut pour ami l'abbé Jean-Jacques Barthélemy, qui l'aida dans plusieurs de ses travaux. il publie en 1788 son Voyage du jeune Anacharsis en Grèce dans le milieu du IVe siècle, ouvrage illustré des cartes du géographe Jean-Denis Barbié du Bocage, qui lui vaut d'être élu l'année suivante à l’Académie française (fr.wikipedia.org - Anne Claude de Caylus, fr.wikipedia.org - Jean-Jacques Barthélemy).

Aurore

Aurore de Nevers porte dans le roman de Féval le même prénom que sa mère, à la différence de la pièce de théâtre qui en a été tirée.

Vierge Marie : Aurore, épouse, mère et fille du Soleil. L'aurore c'est la fille du soleil : car cette première lumière qui devance le soleil levé sur l'horizon, est enfantée et émane du soleil. L'aurore, c'est la mère du soleil : car il sort du sein de l'aurore. L'aurore, c'est l'épouse du soleil: car c'est elle et le soleil son époux qui enfantent le jour. Quel rapport voulez-vous trouver qui soit plus beau pour concevoir que Marie tant de fois appelée par l'Esprit de Dieu Aurore, mérite cent mille fois plus que l'aurore visible d'être appelée la Mère, la Fille, et l'Epouse du Soleil de Justice? J'ai toujours aimé l'aurore, je l'aimerai désormais avec passion. Je ne la verrai jamais que je ne me souvienne de Marie, ma chère Aurore; et je ne penserai jamais à elle sans penser à une plus belle Aurore qui a l'honneur d'être la Mère, la Fille et l'Epouse du Soleil invisible (Paul de Barry, Le paradis ouvert à Philagie par cent dévotions à la Mère de Dieu, 1868).

Paul de Barry ou Barri, né en 1585, à Leucate, diocèse de Narbonne, entra dans la Compagnie de Jésus en 1001. Il fut provincial de la ville de Lyon, et mourut à Avignon en 1661. Pascal, dans ses Lettres provinciales, s'est plu à jeter le ridicule sur ses livres de piété, qui eurent autrefois une grande vogue. Voilà ce que nous apprend la Bibliothèque des Ecrivains de la Compagnie de Jésus, par les "PP. Augustins et Aloïs de Backer, tome I, pages 46, 47, 48; tome VII, pages 61, 62, 63, 64, où elle rend un compte exact de tous les ouvrages du P. de Barry, de leurs nombreuses éditions et de leurs traductions en langues étrangères. La plus belle gloire du P. de Barry est celle d'avoir été ridiculisé par le janséniste Pascal. Quant à son livre : Le Paradis ouvert à Philagie..., il est le seul que nous sachions des ouvrages de ce Père qui ait été attaqué par la plume de ce faussaire, et c'est ce qui prouve son incontestable mérite, comme nous le démontrons. Nous n'admettons pas, avec le bénédictin Chaudon, que ce soit Pascal qui ait tiré de l'oubli les ouvrages du P. de Barry. La preuve, c'est que celui que nous réimprimons, corrigé de notre main, d'après les éditions de 1646 et de 1650, a eu, comme les autres du même auteur, une vogue extraordinaire avant que Pascal l'eût attaqué. Cet affreux génie, né en 1623, mort en 1662, publia ses Provinciales en 1656; or, le Paradis ouvert à Philagie comptait déjà plus de douze éditions, outre des traductions. Pour ne parler que des trois dernières éditions françaises, la 17e eut lieu en 1665, la 18" en 1681, et la 19e en 1701. On dit que cette dernière édition a été corrigée, mais nous n'avons pu nous la procurer. On voit par là quel cas les gens qui pensaient bien faisaient des Menteuses de Pascal, que le bénédictin Chaudon et quelques autres nomment avec trop d'emphase le plus grand génie de tous les temps et de tous les peuples (Jean Darche).

Caylus-Tarrides

L’autre partie du patronyme de Caylus, Tarrides, est tout trouvé en la personne de l’éditeur Jean-Baptiste Tarride. Dès sa tendre jeunesse, Tarride, l'ami et l'éditeur des publications de Jules Hetzel en Belgique, a fait le colportage de livres en France. En 1835, il est arrivé à Bruxelles avec un âne et une charrette. On le trouvait à toutes les foires de la Belgique. Pour fréquenter les foires, il faut une baraque. Comme Tarride n'avait pas de quoi acheter ou louer une échoppe de cette nature, il trouva un moyen économique, pour s'installer en plein vent. Il fit de sa charrette une librairie avec des rayons, et la convertit en une vraie bibliothèque roulante. A la foire de Louvain, il fit la connaissance d'une charmante petite bonne, qui avait quelques épargnes : il la maria et s'établit à Bruxelles, où il vendit des livres pour Dieu et le diable!!! Les livres diaboliques surtout lui firent gagner passablement d'argent. Il a fait son beurre avec Napoléon-le-Petit. Après tout cela, il ne lui restait plus qu'à vendre son âme aux jésuites. C'est ce qu'il a fait, à telle enseigne que son fils est trésorier de l'Union catholique. Quant à lui, il couronne l'œuvre, en tenant une belle librairie catholique, avec imageries, chapelets, reliques et autres objets de fantaisie. Quant à sa manière d'agir en affaires, il est rond et paie tout le monde (Josse Sacré, Les mystères des bandes noires, 1866).

L'édition des Oeuvres oratoires de Victor Hugo a été faite chez Tarride, Bruxelles, dont le contrat a été signé le 17 juillet 1852, prendra une année, suite à des retards divers. Elle ne paraît que fin juillet 1853. Napoléon-le-Petit a été publié aussi chez lui. C'est Paul Meurice qui, les sachant tous deux à Bruxelles après le 2 Décembre, met en contact Hugo et Hetzel.

On a retrouvé que peu de lettres concernant les relations que Paul Féval entretenait avec ses éditeurs. S'il est vrai que le contenu des lettres adressées à Hetzel [de 1856 à 1859] insiste en plusieurs endroits sur l'aspect financier de l'entreprise, il n'est pas douteux que pour celui qui allait devenir, quelques années plus tard, l'un des plus ardents partisans de la défense des droits de l'écrivain, l'aspect moral revêtait une importance pour le moins égale à l'aspect matériel.

La recherche de la véritable édition originale d'un roman populaire, „Le Bossu", de Paul Féval, nous a montré Jules Hetzel s'inspirant des méthodes des contrefacteurs pour éditer légitimement des livres à bon marché (Le Livre et l'estampe, Volumes 19 à 24, 1959, Jean Rohou, Jacques Dugast, Paul Féval, romancier populaire: colloque de Rennes, 1987, Volume 17, 1992).

Soleil et verrou

Je me suis laissé dire que le vieux marquis de Caylus était le plus fin geôlier de l'univers ! Il faut bien qu'il ait quelques talents pour avoir ce beau nom de Caylus-Verrou ! Or, le mois passé, aux fêtes de Tarbes, j'ai entrevu sa fille Aurore. Sur ma parole, elle est adorablement belle ! Après avoir causé avec M. de Nevers, je veux consoler un peu cette charmante recluse.

Sur des cylindres mésopotamiens, on voit Shamash, le dieu soleil, une harpé dentée à la main, franchissant la montagne de l'horizon oriental ou passant entre les deux sommets. Les portes de l'orient sont ouvertes à deux battants et leurs gardiens, le guetteur et le verrouilleur, apparaissent parfois sur les côtés.

On dépose sur la table une porte, une lucarne ?, une fenêtre, une serrure (une barre), un verrou symboles des limites, le Soleil, à l'époque hattie, et Télipinu, à l'époque hittite, étant liés à la construction et à la délimitation de l’espace sacré. Le dépôt de ces objets signifie la promesse implicite de ne pas cesser d'honorer le Soleil en tant que divinité liée à la fondation, malgré la promotion de Télipinu au rang de dieu fondateur. Les Hittites ont donc gardé le souvenir des liens du Soleil avec la fondation et continué de le vénérer à ce titre (Michel Mazoyer, Télipinu, le dieu au marécage: essai sur les mythes fondateurs du royaume hittite, Volume 2 de Collection Kubaba: Série Antiquité, 2003).

Platon et le Soleil

Messieurs, reprit-il, à la santé de Damon... je veux dire de Gonzague, qui aurait demain six cent mille écus de revenu, Mlle de Caylus et sa dot, si Pythias... je veux dire Nevers, s'en allait de vie à trépas cette nuit !.

Damon et Pythias, pythagoriciens, célèbres par leur amitié, vivaient à Syracuse, 400 ans av. J.-C., sous Denys le Jeune. pythias, condamné à mort par le tyran, obtint la permission d'aller dans sa patrie pour mettre ordre à ses affaires, et damon se rendit caution de son retour. A l'approche de l'heure marquée, pythias ne paraissant pas, on allait conduire damon au supplice; mais il revint à temps, et un combat de générosité s'éleva entre les deux amis pour savoir qui devait mourir. Denys fut si touché de ce trait de fidélité qu'il laissa vivre pythias et demanda à tous deux d'être reçu en tiers dans leur amitié (fr.wikipedia.org - Damon et Pythias).

Denys le Jeune (ou Dionysios II de Syracuse) est un tyran de la colonie grecque de Syracuse au IVe siècle, né en 397. Il succède en 367 à son père Denys l'Ancien, sous la supervision de Dion, son oncle maternel et ancien tuteur. Celui-ci lui reproche sa vie dissolue et tente d'instaurer un gouvernement plus modéré sur les conseils de son ami Platon. Ce faisant, il provoque la colère de Denys, qui le bannit en 366. Dion s'installe à Athènes, mais après avoir eu vent de l'irrespect dont il a fait preuve envers lui et Platon quand ce dernier a tenté d'intercéder en faveur de son ami, il prend la tête de l'opposition et profite d'un voyage de Denys le Jeune à Caulonia pour prendre le pouvoir en 357, avant d'être assassiné trois ans plus tard. Denys, de son côté, devient le tyran de Locres, puis rentre à Syracuse en 346 où il obtient le pouvoir, mais il est toujours aussi impopulaire auprès des habitants de la ville, qui le forcent rapidement à s'enfermer dans la citadelle. En 343, le corinthien Timoléon obtient la reddition de Syracuse en échange de la fuite discrète de Denys vers Corinthe. Il vécut encore une année, enseignant selon la légende la rhétorique dans la misère la plus indigente (fr.wikipedia.org - Denys le Jeune).

Dans le Phédon, Platon nous dit que « l'âme est dans le corps comme dans une prison, qui laisserait bien parvenir la lumière du soleil jusqu'à ses organes, mais ne lui permettrait pas de contempler l'astre lui-même, qui est au-dessus de sa tête, éternellement immobile. A travers la fenêtre étroite de sa prison, l'âme aperçoit les objets que le soleil illumine de sa lumière : ces objets, ce sont les idées; le soleil est Dieu même, et cette atmosphère où il règne, extérieure à la prison, c'est le monde intelligible. Placés dans un milieu éclairé par le soleil, notre œil voit les objets ; il les voit sans contempler le soleil lui-même. De même, notre intelligence voit les idées, contemple les idées, même l'idée du bien ; mais le Bien, le soleil du monde intelligible, nous pourrons le contempler, si nous en sommes dignes, dans un autre monde, dans un monde dont l'atmosphère sera purement intelligible, et qui n'aura d'autre soleil que Dieu même. Placés dans ce milieu d'amour et de lumière, nous en serons pénétrés ; l'être nous apparaîtra dans sa transparence, et le mal ne sera pas plus possible que l'erreur. » (Revue Suisse et chronique littéraire, 1859).

Veilleurs d’Hénoch et Titans d’Hésiode

Lagardère vient du germanique "warda" qui signifie : poste de garde, de surveillance, selon les lieux, un site dominant avec un édifice fortifié, mais aussi un endroit (pré ou bois) surveillé pour que les troupeaux n’y pénètrent pas. Il provient sans doute de l'époque des grandes invasions où les Wisigoth régnaient à Toulouse (cinquième et sixième siècles). Le roi résidait souvent à Aire sur l'Adour, et en Gascogne en général, avant que la partie de ce royaume située au nord des pyrénées soit conquise par Clovis (www.associationlagardere.com).

Lagardère est un veilleur : « Vous ne devez rien craindre, madame ! La fille de Nevers est restée sous ma garde, pure comme les anges du ciel. »

Flavius Josèphe identifie les anges aux Séthites qui s'étaient attiré l'inimitié de Dieu. Mais il est également clair qu'il utilise le texte de la LXX qui porte non pas « les fils de Dieu » mais « les anges de Dieu » et qu'il connaît donc le mythe de l'union des anges et de l'origine des géants1. D'ailleurs Josèphe semble avoir été le premier auteur juif à appliquer aux Séthites le passage de Genèse 6 relatif aux anges. Il est enfin remarquable qu'il n'hésite pas à comparer les traditions mythologiques grecques relatives aux géants avec celles concernant les Nephilim ou les gibborim de l'Ancien Testament. Cela montre combien certains milieux du judaïsme hellénistique étaient portés à établir des parallèles entre les mythes grecs et la Bible. Nous avons déjà vu chez le traducteur des LXX, à propos des géants précipités dans le schéol d'Ezéchiel 32, 27, une nette allusion aux mythes grecs des Titans précipités dans l'Hadès. Mais la collusion des traditions bibliques avec les mythes grecs a dû être sentie comme un grave danger pour la pureté du judaïsme dans certains milieux juifs du monde hellénistique. C'est le cas de Philon le Juif dans son traité sur les géants. Voici le commentaire qu'il donne de Genèse 6 : Or les géants étaient sur la terre en ce temps-là. « Peut-être quelqu'un pense-t-il que le Législateur fait allusion aux fables des poètes sur les géants, alors que la fabulation lui est tout à fait étrangère et qu'il entend marcher sur les traces de la Vérité en soi... Donc bien loin de proposer une fable sur les géants il veut te mettre dans l'idée que les hommes, par nature, appartiennent, les uns à la terre, les autres au ciel, les autres à Dieu » (§ 58).

On peut supposer que l'auteur du livre des Veilleurs a assimilé dans une sorte de syncrétisme les géants bibliques, les Titans d'Hésiode et le Cyclope d'Homère. Ce qui était raconté du seul cyclope Polyphème aurait été étendu à tous les géants. D'où le Livre des jubilés a-t-il tiré l'idée des anges instructeurs de l'humanité ? Les mythes grecs ont été là aussi mis à contribution par les apocalypticiens juifs. Glasson met en parallèle les anges veilleurs de la littérature apocalyptique avec le Titan Prométhee qui instruisit les anciens hommes dans les arts de la construction, la connaissance des saisons, le pouvoir de la parole et même, semble-t-il, l'art de l'écriture (Eschyle, Prométhee enchaîné, 437-508). Le livre éthiopien d'Hénoch est en réalité une collection de 5 livres d'âge différent dont le commun dénominateur est le patriarche antédiluvien Hénoch qui joue le rôle de médiateur de révélations divines. Dans une tradition conservée dans la Théogonie d'Hésiode, les Cyclopes au cœur violent sont des Titans, fils d'Ouranos et de Gê (vers 139). Ils sont précipités du haut du Ciel par Ouranos et ils seront délivrés par Zeus de leur prison souterraine. Etant donné l'époque à laquelle s'est développée la littérature apocalyptique, à partir du IIème siècle avant J.-C, on ne s'étonnera pas que les mythes grecs sur les Titans et les Géants aient exercé une certaine influence. On voit déjà se manifester l'intrusion des mythes grecs de bonne heure dans les textes de Qumrân et aussi dans la LXX. On constate plus rarement la résurgence de certains mythes probablement cananéens, par exemple, dans les traditions relatives à la descente des anges sur le mont Hermon du livre des Veilleurs d'Hénoch. Le développement des légendes relatives à la chute des anges et à l'origine des géants à partir de la Genèse dans l'apocalyptique juive illustre donc, de façon remarquable, deux attitudes fort différentes du monde juif, deux moments différents de son histoire : d'une part la démythisation, de l'autre la remythisation. On sait que les rabbins ont rejeté la littérature apocalyptique pour bien des motifs que nous n'avons pas à rappeler ici, mais on peut supposer sans beaucoup de chances de se tromper que l'accueil fait par les apocalypticiens aux mythologies a dû être un des principaux motifs de ce rejet. (Mathias Delcor, Le mythe de la chute des anges et de l'origine des géants comme explication du mal dans le monde, dans l'apocalyptique juive).

Le Bossu

Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi !

Il est souvent fait allusion à cette phrase qui elle-même fait allusion au Coran où il est dit que si Mahomet ne va pas à la montagne, la montagne viendra à Mahomet. Elle figure dans le roman de Paul Féval Le Bossu ou le Petit Parisien (1858) et fut rendue célèbre par l'adaptation théâtrale de ce roman faite...

La montagne bossue de Basan

Le don de la loi à la montagne du Sinaï est le signal de la transformation (ie du passage) de la horde, du troupeau sans berger, en peuple. Il révèle Dieu comme libérateur et garant du lien entre les hommes. Le décalogue, ces dix paroles pour la vie, ne crée pas la relation, l'alliance. Il donne la direction sans cependant imposer ni la force ni l'espace où la réaliser. Une seconde montagne joue un grand rôle : le mont Sion, fondation de fondation de Jérusalem, cité de la paix et de la fraternité, entre en dialogue avec la première, le Sinaï. Le mont Sion est le lieu pour réaliser les relations fraternelles. Une troisième montagne est toujours présente, celle de Bashan ; elle rappelle que vivre la loi de Dieu est un grand bonheur dont les autres peuples sont jaloux.

Psaume 68, 16-17 «Montagne divine, montagne du Bashân, montagne bossue, montagne du Bashân, pourquoi jalouser la montagne où Dieu a désiré habiter ? Mais oui ! Le Seigneur y demeurera toujours » (Nicolas de Bremond d'Ars, Jean-Marie Le Maire, Jacky Marsaux, La foi de Vatican II: parcours d'humanité, 2004).

Une montagne de Dieu, chante le Psalmiste, est la montagne de Basan qui est le Hermon, un haut sommet est le sommet de Basan. Pourquoi regardez-vous avec envie, vous montagnes, vous sommets, ce mont que Yahwé a désiré pour son siège, que Yahwé habitera éternellement » (Ps. LXVIII, 16 et 17) ? Au sommet de l' Hermon semble d'ailleurs s'être livré un grand combat à la suite duquel les anges déchus ont été sans doute précipités du haut de cette montagne sainte. En effet Hénoch 13, 9, voit les veilleurs assis en pleurs à Abel-Maïn, lieu situé entre le Liban et le Senir qui est une autre désignation biblique de l'Hermon (Deut. 3, 9 ; Ez. 27, 5 ; I Chr. 5, 23 ; Cant. 4, 8) (M. Delcor, Études bibliques et orientales de religions comparée, 1979).

Dans sa traduction des œuvres de Virgile l’abbé de Marolles, proche des Nevers, qualifie l’Olympe qui se trouve dans les armes de la famille, de bosse :

Sur Pelion portant les hauts sommets de l'Osse

Et levant fur ce mont de l'Olympe la bosse

(Toutes les œuvres de Virgile, traduites en vers français, 1673).

Bazan est cité par Féval dans Le Bossu, c'est le nom d'un personnage de Victor Hugo : César de Bazan.

Lucifer, fils d’Aurore et d’un Veilleur

Le fils du Bossu, est la progéniture du « veilleur » Lagradère et d’Aurore (de Nevers), c’est Lucifer. La mythologie du Moyen Orient semble corroborer cette hypothèse. Pour les “Canaanites” d’Ugarit, la région de Bashan, ou une partie, représente l’Enfer, le séjour paradisiaque et infernal de leurs rois morts l’Olympe et l’Hadès à la fois (K. van der Toorn, Bob Becking, Pieter Willem van der Horst, Dictionary of deities and demons in the Bible, 1999).

Or le dieu principal d’Ugarit était B’[l]-spn, Baal sapan qui devint Baal Zephon, comme en assyrien sapun désigne dieu et la montagne. Spn signifie probablement « veiller » ou « regarder ». Malgré ses malheurs renouvelés journellement, Ashtar, dieu-Lion, était aussi considéré comme un dieu important à Ugarit. L’ugaritique “Baal-SPN” peut être compris comme « Baal du Mont Hermon » (Baruch Margalit, The Ugaritic poem of Aqht: text, translation, commentary, 1989).

Père à la barbe blanche, El dieu suprême est un roi qui cède. Il accorde à Anat ce qu'elle désire, puis donne à Ashtar fils d'Athirat le trône à la mort de Baal, bien que cet Ashtar s'avère insuffisant. Il dit que ses pieds n’atteignent pas le repose-pied, ni sa tête le haut du trône. Il renonce à régner sur les hauteurs du Saphon. Shanim est considérée comme une déesse de l’aurore, peut-être la solaire Athirat-Shapsh, comme fille d’El (Nick Wyatt, Religious texts from Ugarit, Volume 53 de Biblical seminar).

Athirat apparaît dans la Bible comme Asherah dont la racine shr se retrouve dans celle de Shahar, l’aurore dont Helel est le fils. L’Asherah biblique est en rapport avec la racine ‘shr qui signifie “aller” ou “marcher” ce qui rend bien le titre de la déesse Athirat : « la Dame qui marche sur la mer » (Cecil Roth, Encyclopaedia Judaica, Volume 3, 1972).

Un poème effectivement «archaïque» a fait reparaître Shahar, le dieu-Aurore, présenté comme l'un des deux fils premiers-nés d'El d’avec Athirat, tandis qu'un hymne nuptial qualifie Hilal de «Seigneur à la faucille», comme par allusion au croissant lunaire.

Sur un cylindre syrien du XIVe siècle avant J.-C, Shahar, l'Aurore, brandit une hache et tue le génie de la nuit. Derrière lui, la troupe de ses compagnons.

Ashtar, alias Helel, est le fils d’Athirat, et est proposé pour succéder au Baal de Saphon (« le veilleur »). Cette situation pourrait faire de Ashtar un fils de Baal Zephon dans une époque lointaine, avant El.

L’un des noms d’Ashtar est Reshef et à Ras Shamra (Ugarit), on offre à RSp-gn,, Réshéf du jardin", un vase formant une tête de lion, nommée dans l'inscription pn 'arw, ,,face de lion").

Il y avait à Ugarit un temple de Réshéf ayant pour parèdres l'Ashtart du lieu et et celle de Mari, à personnalité propre comme Qadesh et Kent. On verra là une preuve de plus de l'identité d'Ashtar et de Réshéf. Ashtar en qualité d'étoile du matin aboutit à Lucifer en latin, et Réshéf à Diabolus dans la traduction de la Vulgate d'Habacuc, III, 5-6 2). Pour Isaïe, XIV, 12, Ashtar-Lucifer est Hll, « le Brillant »; il est dit « fils de Shahar », « l'Aurore », son père, alors que pour les Grecs Lucifer est fils d'Aurora (Eos, fille des Titans Hypérion et Théia), sa mère, filiations qui ne marquent du reste qu'une affinité. On vient de voir que, dans le texte que nous étudions, le Réshéf d'Ugarit est nommé Nergal en akkadien. Ces recoupements confirment l'identité Ashtar-étoile du matin = Lucifer = le Brillant- Hll = Réshéf = le Diable = Nergal, sans prétendre naturellement que toutes ces assimilations soient originelles, ni constantes, cela spécialement pour Nergal et pour Diabolus (Robert Du Mesnil du Buisson, Etudes sur les dieux phéniciens hérités par l'Empire romain, 1970).

JW McKay précise que Shahar était probablement à l'origine une déesse féminine, à rapprocher de 'Athtr (t), la Vénus du panthéon arabe. Cette divinité s'est masculinisée en entrant à Ugarit et dans l'Ancien Testament (JW Mc Kay, « Helel and the Dawn-Goddess. A Re-examination of the Myth in Isaiah XIV, 12-15», VT 20 (1970), 451-464).

Les noms des deux fils de Semihazâh, chef des Veilleurs déchus, sont maintenant connus grâce à la -comparaison des textes de Qumrân avec les textes sogdiens publiés par Henning : il s'agit de 'Ohyâ et 'Ahyâ (p. 299). L’un des fils fait justement un rêve le prévenant du Déluge : un ange descendu du ciel dans un jardin coupe tous les arbres n’ayant pas trois branche disant à ce fils que seul un homme avec trois fils réchappera. Ainsi les fils du Veilleur Semihazâh pourraient être les anciennes formes sous lesquelles apparaissait l’étoile du berger, Vénus.